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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 39 - Témoignages du 11 juin 2013


OTTAWA, le mardi 11 juin 2013

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 10 h 35, pour examiner, en vue d'en faire rapport, les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières Nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada.

Le sénateur Vernon White (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. Je souhaite la bienvenue à tous les honorables sénateurs et aux membres du public qui écoutent la réunion du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur CPAC ou sur le Web.

Je suis le sénateur Vern White. Je viens de l'Ontario et je préside le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Le comité a le mandat d'examiner les mesures législatives et les questions relatives aux peuples autochtones. Il arrive parfois que nous examinions des sujets pour de nouvelles études. Nous invitons alors des particuliers ou des représentants d'organismes et de ministères pour avoir une vue d'ensemble des enjeux qui relèvent de leur mandat.

Récemment, des témoins sont venus nous parler de la question des Autochtones au sein du système de justice pénale. Aujourd'hui, nous poursuivrons sur ce sujet en accueillant les représentants de Sécurité publique Canada. Mais avant d'écouter les exposés de nos témoins, je vais demander aux sénateurs qui sont présents aujourd'hui de se présenter, en commençant par la vice-présidente du comité.

La sénatrice Dyck : Bonjour. Je suis la sénatrice Lillian Dyck, de la Saskatchewan.

La sénatrice Lovelace Nicholas : La sénatrice Lovelace Nicholas, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Watt : Charlie Watt, du Nunavik.

Le sénateur Munson : Jim Munson, de l'Ontario, mais mon cœur est au Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.

Le sénateur Demers : Jacques Demers, du Québec.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l'Alberta.

La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, de Dryden, en Ontario.

La sénatrice Seth : Asha Seth, de l'Ontario.

Le président : Chers collègues, accueillons nos invités de Sécurité publique Canada : M. Shawn Tupper, qui est sous- ministre adjoint du Secteur de la sécurité de la population et des partenariats; Mme Annie Leblanc, qui est directrice du secteur Politiques et coordination; M. Daniel Sansfaçon, le directeur de la Division de la politique, de la recherche et de l'évaluation et Mme Kimberly Lavoie, la directrice de la Division des politiques correctionnelles autochtones. Monsieur Tupper, la parole est à vous.

Shawn Tupper, sous-ministre adjoint, Secteur de la sécurité de la population et des partenariats, Sécurité publique Canada : Permettez-moi de vous présenter des excuses pour notre retard. On serait porté à croire qu'après avoir passé 28 ans au sein de la fonction publique, je saurais à quel contrôle de sécurité me présenter. Veuillez accepter mes excuses.

J'ai un exposé qui pourrait prendre la majeure partie du temps qui m'est alloué. Puisque nous accusons un peu de retard, devrais-je essayer de l'abréger afin de laisser plus de temps pour les questions?

Le président : Si cela vous convient, ce serait formidable.

M. Tupper : D'accord.

Ensemble, nous touchons à tous les aspects du système de justice pénale liés à la sécurité publique. Depuis un certain temps, les questions liées aux peuples autochtones occupent une part de plus en plus importante de notre travail. Nous consacrons davantage de ressources à l'examen des questions liées aux peuples autochtones dans le contexte du système de justice pénale. Dès le début, nous travaillons avec les responsables de la prévention de la criminalité juvénile de façon à empêcher les gens à entrer dans le système. Lorsqu'ils arrivent dans le système, nous devons nous en occuper dans un contexte d'application de la loi ou dans un contexte judiciaire. De toute évidence, quand les gens sortent du système, nous travaillons avec les peuples autochtones pour faciliter leur réinsertion sociale. Ce sont des aspects fondamentaux de notre travail; nous essayons d'examiner les problèmes dans une perspective globale.

Mes collègues et moi sommes ici pour vous parler des initiatives et des programmes particuliers qui sont gérés par Sécurité publique Canada; il s'agit en quelque sorte d'un continuum de ces initiatives. Avant de parler des enjeux propres au programme, j'aimerais saisir l'occasion de vous présenter notre point de vue sur ce contexte.

Le système de justice pénale canadien hérite souvent des échecs de divers autres systèmes du pays, notamment ceux de protection de l'enfance et d'aide sociale.

Les Autochtones sont surreprésentés dans le système de justice pénale à titre de victimes et de délinquants. En fait, un certain nombre d'entre eux ont d'abord été victimes avant de devenir délinquants en raison de comportements appris. Comme vous pouvez le constater sur les diapositives 2 et 3 de votre document, les Autochtones sont surreprésentés chez les victimes de violence conjugale et non conjugale.

Divers facteurs viennent accroître la probabilité de faire partie du système de justice pénale.

À la diapositive 3, vous pouvez remarquer que les Autochtones sont en moyenne plus jeunes que le reste de la population canadienne, et nous savons que les jeunes ont tendance à commettre davantage de crimes que les personnes plus âgées.

À la diapositive 4, on voit que le niveau d'éducation des Autochtones est moins élevé que celui des non- Autochtones, c'est pourquoi ils ont davantage de difficulté à trouver un emploi et ils sont davantage à risque d'entrer dans le système de justice pénale. Cela ne veut pas dire que c'est automatiquement le cas, mais nous étudions les facteurs de risque liés à ces indicateurs. Cela nous amène à la diapositive 5, où l'on indique que les Autochtones sont plus susceptibles d'être au chômage ou, s'ils ont un emploi, d'avoir un emploi manuel peu rémunérateur.

Les Autochtones qui font leur entrée dans le système de justice pénale et qui ont reçu une condamnation sont surreprésentés dans notre système correctionnel. La population carcérale de délinquants autochtones sous responsabilité fédérale a augmenté de 37 p. 100 au cours des dix dernières années. En ce qui concerne les femmes autochtones, la population carcérale a augmenté de 97 p. 100 au cours de cette même période. C'est ce qu'on peut voir aux diapositives 6 et 7.

C'est dans ce contexte que Sécurité publique Canada a élaboré un certain nombre de programmes visant à répondre aux besoins particuliers des Autochtones et de leurs collectivités. Bien que chaque programme ait un objectif particulier, les programmes sont intégrés de façon à favoriser l'amélioration des conditions des Autochtones qui risquent de faire partie du système de justice pénale.

Dans le cadre de la Stratégie nationale pour la prévention du crime, mise en œuvre par le Centre national de prévention du crime, des fonds sont fournis en appui à la mise en œuvre de projets communautaires qui répondent aux besoins locaux en matière de prévention du crime. L'une des priorités consiste à favoriser la prévention du crime dans les collectivités autochtones.

Celles-ci ont accès à du financement au titre de tous les programmes disponibles, mais le Fonds de prévention du crime chez les collectivités autochtones et du Nord est spécialement conçu à l'intention des groupes autochtones. Ce fonds permet de soutenir des initiatives de prévention du crime qui tiennent compte des différences culturelles en vue de réduire la criminalité chez les jeunes à risque et les délinquants à risque élevé dans les collectivités. Il favorise la diffusion des connaissances et la conception d'outils et de ressources pour les populations autochtones et du Nord; il permet de consolider la capacité d'élaboration de pratiques de prévention du crime tenant compte des différences culturelles pour ces mêmes populations.

Au Canada, ce fut particulièrement difficile pour nous, car nous n'avons pas de données probantes sur la prévention de la criminalité et sur les taux de réussite à cet égard pour la population de l'ensemble du pays. Nous avons eu recours à des données indirectes provenant d'autres pays qui ont mis en œuvre des programmes, en particulier le Royaume-Uni et les États-Unis. Les investissements que nous faisons dans les collectivités autochtones et nordiques revêtent une importance particulière pour nous parce qu'ils seront notre seule source de données pertinentes qui nous permettront de prendre des décisions éclairées en matière d'investissements dans ces collectivités.

L'un des projets novateurs financés grâce à ce fonds est le projet Youth Intervention and Diversion Outreach qui a été mis en œuvre dans la collectivité nordique éloignée de Pangnirtung, au Nunavut. Ce projet cible 310 Inuits — enfants et jeunes —, âgés de 9 à 23 ans, qui représentent près de 25 p. 100 de la population totale de cette collectivité. Ils adoptent ou sont à risque d'adopter des comportements liés à la toxicomanie, à la violence, au vandalisme et au vol, et ils ont de la difficulté à l'école. Les résultats provisoires provenant d'une évaluation des processus montrent des taux de participation très élevés au sein de la collectivité. Les membres de cette collectivité participent également à un processus de mobilisation visant à accroître leur capacité à déterminer ce qu'ils veulent pour leur avenir et ce qu'ils doivent faire pour y parvenir. Ces deux initiatives distinctes appuient l'avancement de la collectivité ainsi que la réduction des risques d'infractions et de victimisation.

Les collectivités autochtones ont également accès à d'autres fonds offerts dans le cadre de la Stratégie nationale pour la prévention du crime. Le Fonds d'action en prévention du crime a permis la mise en œuvre de trois projets du Programme de leadership et de résilience dans les territoires, à l'aide d'un investissement d'environ 8,5 millions de dollars sur cinq ans. Il s'agit d'un programme d'intervention scolaire et communautaire conçu pour accroître la force intérieure et la résilience des jeunes à l'école secondaire et pour les empêcher de consommer de la drogue et de recourir à la violence.

Selon les résultats préliminaires, les participants ont montré une capacité renforcée à résister à la consommation de drogues.

Le Fonds de lutte contre les activités des gangs de jeunes prévoit un financement pour les collectivités où les gangs de jeunes constituent une menace existante ou imminente, et appuie des initiatives s'adressant clairement aux jeunes qui sont membres de gangs de rue ou qui sont plus susceptibles de le devenir.

Entre 2007 et 2012, nous avons appuyé neuf projets axés sur les jeunes Autochtones et qui ont été mis en œuvre dans les collectivités autochtones.

Le projet Youth Alliance Against Gang Violence, aussi connu sous le nom de Warrior Spirit Walking, s'est déroulé à Prince Albert, en Saskatchewan. Il était parrainé par le Prince Albert Outreach Program Inc. dans le but d'accroître l'accès des jeunes membres d'un gang à du soutien et à des services communautaires. Une évaluation a montré que les jeunes avaient tendance à quitter leur gang et à approuver de moins en moins le style de vie connexe; ils étaient outre plus enclins à se trouver un emploi. On a également remarqué une diminution significative, soit 58 p. 100, des symptômes associés à la dépression.

Cette année, plus de 10,9 millions de dollars sur les 43,1 millions de dollars disponibles annuellement aux fins de prévention du crime ont été utilisés pour aider les peuples et les collectivités autochtones, dans le cadre de 36 projets. Au fil des ans, le CNPC a appris que les initiatives de prévention du crime mises en place dans les collectivités autochtones doivent être adaptées sur le plan culturel. Typiquement, les programmes dans ces collectivités ont été modelés pour tenir compte de la nécessité de faire preuve de plus de souplesse; l'accent a notamment été mis sur l'enseignement oral plutôt que sur la composante écrite. On a également favorisé la participation des aînés dans les programmes d'enseignement et l'inclusion de l'approche holistique de la roue de la médecine.

J'aimerais ajouter que nous travaillons en étroite collaboration avec l'ensemble des ministères fédéraux ainsi qu'avec les provinces et les territoires. En fait, les ministres fédéraux responsables de la justice et de la sécurité publique qui font partie de la table FPT ont déterminé que la prévention du crime et la réinsertion constituaient des priorités conjointes, et nous travaillons en partenariat avec les administrations à la diffusion des pratiques exemplaires et de l'information en vue d'améliorer l'ensemble de nos programmes, pas seulement à l'échelle fédérale, mais dans l'ensemble des administrations.

Le Programme des services de police des Premières Nations est un programme de contributions fédéral qui soutient la prestation de services professionnels, exclusifs et adaptés dans les collectivités inuites et les collectivités des Premières Nations. Le financement du PSPPN provient d'ententes tripartites de contribution conclues entre le gouvernement du Canada, la province ou le territoire en question et la collectivité inuite ou la collectivité des Premières Nations concernée. Les gouvernements fédéral et provinciaux partagent les coûts des contributions financières relatives à ces ententes. Le gouvernement fédéral paie 52 p. 100 des coûts, et la part de la province ou du territoire est de 48 p. 100.

Depuis sa création en 1991, le PSPPN a contribué au renforcement de la sécurité publique dans les collectivités inuites et les collectivités des Premières Nations tout en facilitant des relations harmonieuses entre les collectivités et la police. Le PSPPN a eu un effet positif important et mesurable sur la sécurité des collectivités qui bénéficient des services policiers qu'il offre.

La diapositive 8 offre un aperçu de la portée du programme partout au pays.

Veuillez consulter la diapositive 9 pour des données sur l'incidence positive du programme.

Depuis 2004, les collectivités bénéficiant de services de police assurés dans le cadre du programme ont observé une diminution de 22 p. 100 du nombre d'incidents criminels et une diminution de 19 p. 100 du nombre d'incidents criminels violents. En comparaison, pour chaque tranche de 100 000 personnes, les collectivités des Premières Nations ont connu une diminution de 6 046 incidents criminels, alors que le reste du Canada connaissait une diminution de 1 682 incidents. La diminution d'incidents violents était de 1 416 incidents dans les collectivités des Premières Nations, comparativement à 143 incidents dans le reste du Canada.

Ce sont des indicateurs qui révèlent que le taux de criminalité et l'indice de gravité des crimes déclarés sont beaucoup plus élevés dans les collectivités des Premières Nations. En général, on observe dans ces collectivités une baisse du taux de criminalité et de l'indice de gravité des crimes déclarés semblable à celle que l'on observe dans l'ensemble de la population canadienne, mais les niveaux de gravité font en sorte que les chiffres sont beaucoup plus élevés dans ces collectivités.

Il y a tout juste trois mois, le gouvernement du Canada a montré son engagement continu envers le programme en le renouvelant pour cinq ans, pour un financement total de 612,4 millions de dollars. En 2012-2013, 163 ententes sur les services de police étaient en place aux termes du PSPPN, ce qui représentait environ 1 263 policiers dans près de 400 collectivités inuites et collectivités des Premières Nations.

Dans le cadre de l'Initiative sur les services correctionnels communautaires destinés aux Autochtones, le ministère travaille avec les collectivités autochtones et les organisations communautaires pour mettre à l'essai et évaluer l'application, dans ces collectivités, de modèles de traitement des délinquants qui mettent à profit une approche holistique de guérison dans l'optique du mieux-être collectif et pour appuyer l'élaboration de stratégies correctionnelles urbaines pour les délinquants autochtones.

Par cette initiative, le ministère a contribué à l'élaboration de projets qui fonctionnent tant auprès des délinquants sous responsabilité fédérale que provinciale en offrant du soutien et des programmes à l'égard des causes profondes du comportement délinquant. Les projets portaient sur l'agression et la victimisation, la violence conjugale, la réappropriation de l'identité autochtone, la reconstruction des liens familiaux et communautaires et les obstacles à l'emploi. En outre, les projets comportent des comités de surveillance, auxquels participent des membres de services de police locaux.

Le programme Mamowichihitowin, aussi appelé le projet de bien-être communautaire d'Hinton, a été appuyé par le ministère en vue de réagir au taux élevé de sévices sexuels intergénérationnels au sein de la population autochtone de la région. Le Centre d'amitié d'Hinton a mis en œuvre un modèle thérapeutique fondé sur les principes suivants : premièrement, la sécurité familiale est essentielle; deuxièmement, il est possible de changer le comportement des agresseurs acceptés dans le programme et troisièmement, l'objectif ultime est de briser le cycle d'abus au sein des familles.

Entre 2005 et 2010, le programme a offert des services à un total de 229 clients. Il est important de souligner que bon nombre de ces clients sont à la fois des victimes et des agresseurs. En date de 2012, aucun des clients principaux ayant terminé ou entrepris le programme n'avait récidivé.

En plus des programmes et des initiatives qui ont été présentés précédemment, en 2010, le gouvernement du Canada a effectué un investissement supplémentaire de 25 millions de dollars sur cinq ans, de 2010 à 2015, dans le but de réduire le nombre anormalement élevé de femmes autochtones disparues ou assassinées. De ce montant, Sécurité publique Canada a reçu 5,7 millions de dollars pour aider les collectivités autochtones à élaborer des plans de sécurité communautaire qui ont permis d'améliorer la sécurité des femmes autochtones. Lorsque cette initiative a été annoncée à l'origine, le Secteur de la sécurité de la population et des partenariats a utilisé son réseau régional pour cibler les collectivités qui pourraient bénéficier de l'approche de développement communautaire et de renforcement des capacités.

Des employés régionaux responsables de la police des Autochtones et de la prévention du crime ont fourni le nom des collectivités qui pouvaient, selon leurs connaissances et leur expérience du terrain, bénéficier de cette approche. Il s'agit de l'une des façons dont différentes unités du secteur peuvent appuyer ensemble les collectivités; nous sommes en mesure d'atteindre notre objectif d'améliorer la sécurité des Autochtones et de leurs collectivités.

Avant d'élaborer un plan de sécurité, la plupart des collectivités doivent faire le point sur leur situation actuelle et bâtir une vision unifiée de ce qu'elles souhaitent devenir. Afin de les y aider, un guide intitulé Vers un avenir meilleur : Guide de ressources autochtones pour le développement communautaire a été élaboré précisément pour appuyer le développement communautaire et le développement des capacités.

L'expérience de la collectivité isolée de la Première Nation de Eabametoong, anciennement appelée Fort Hope, est un exemple de renforcement des capacités. Cette collectivité a déclaré l'état d'urgence en octobre 2010 et a embauché un consultant externe pour l'aider à trouver une solution. En mars 2011, le ministère a tenu la première séance de formation communautaire et travaillé de concert avec la collectivité pendant plus d'un an pour favoriser le renforcement des capacités et le développement communautaire. En février 2012, nous avons reçu une proposition visant l'élaboration d'un plan de sécurité communautaire entièrement conçu par la collectivité, sans aide extérieure. Cette collectivité s'affaire maintenant à élaborer ce plan de sécurité communautaire.

En date de mars 2013, l'atelier avait été offert dans 25 Premières Nations et deux collectivités urbaines. Toutes sortes de collectivités sont ciblées, tant celles qui ont déjà déclaré l'état d'urgence que celles qui s'en sortent plutôt bien. Chaque collectivité avait différents problèmes à régler : une division au sein de la collectivité ou de graves problèmes de gangs, par exemple. Certaines avaient un solide système d'appui alors que d'autres se fiaient à des fournisseurs de l'extérieur pour répondre à la plupart de leurs besoins. Le processus a aidé à unifier les collectivités, à établir leurs priorités, à cibler leurs forces et à guider collectivement les membres à trouver des solutions aux problèmes prioritaires. Grâce au financement reçu, nous pouvons également appuyer trois projets pilotes qui ont cerné, à l'aide du processus de planification de la sécurité, des façons novatrices de lutter contre la violence latérale. Jusqu'à maintenant, 190 personnes ont été formées en tant que formateurs en techniques de mobilisation communautaire ou en tant que champions communautaires.

Ce processus utilise une approche complète et intégrée pour inciter les collectivités à former des sociétés civiles et durables en tirant parti des forces et des talents particuliers de leurs membres plutôt que de s'en tenir à la résolution de problèmes. Il ne s'agit pas d'une approche unique s'appliquant à toutes les situations, et sa force repose sur le fait de laisser les collectivités déterminer leurs propres priorités et de les aider à trouver des moyens d'aller de l'avant en mettant en pratique une approche fondée sur les forces.

J'espère que cela vous donne un aperçu de la vaste portée du travail que nous effectuons à Sécurité publique Canada. Quotidiennement, nous travaillons en étroite collaboration avec les collectivités autochtones dans un certain nombre de domaines pour les aider à répondre à leurs besoins en matière de sécurité. Nous sommes très heureux d'être ici aujourd'hui et de participer à votre discussion.

Le président : Merci beaucoup. Je crois comprendre que personne d'autre ne fera un exposé.

M. Tupper : Non, en effet.

Le président : Nous allons commencer par la vice-présidente, la sénatrice Dyck.

La sénatrice Dyck : Vous nous avez donné beaucoup de renseignements et c'est très intéressant parce que c'est vraiment axé sur les succès en matière de prévention de la criminalité.

À la deuxième page de votre document, vous parlez d'un projet mis en œuvre dans le cadre du projet intituléYouth Intervention and Diversion Outreach, au Nunavut. Y a-t-il des projets similaires dans l'ensemble du Canada, ou le projet du Nunavut est-il unique?

Daniel Sansfaçon, directeur, Division de la politique, de la recherche et de l'évaluation, Sécurité publique Canada : C'est un projet propre au Nunavut parce qu'il s'agissait d'un effort fédéral concerté; un certain nombre de ministères fédéraux ont collaboré pour trouver des façons de regrouper nos ressources afin d'améliorer la situation dans cette collectivité précise. Quant à savoir si cela pourrait être mis en œuvre dans d'autres régions du pays, nous en saurons plus lorsque nous aurons terminé l'analyse des résultats de ce projet, ce qui aura lieu au cours du prochain exercice.

La sénatrice Dyck : Vous avez parlé d'un projet à Prince Albert. Vous avez aussi mentionné un montant d'environ 43 millions de dollars, dont près de 11 millions ont été consacrés à des projets de prévention de la criminalité dans la collectivité autochtone. La participation des collectivités autochtones est-elle forte, en général? Y a-t-il des obstacles quant à la présentation de demandes de fonds? Y a-t-il un certain nombre de projets qui ont été présentés, mais qui n'ont pas été financés? Y a-t-il quelque chose qui empêche les gens de présenter des demandes?

M. Tupper : Dans l'ensemble, le programme dépasse la capacité. Dans l'ensemble du pays, les investissements dans le secteur de la prévention de la criminalité suscitent un très grand intérêt, et je pense qu'il en va de même pour des projets précis dans les collectivités autochtones. En fait, nous pourrions probablement dépenser la totalité de cette enveloppe dans les collectivités autochtones seulement.

Il convient de se rappeler que même si certains éléments sectoriels de notre financement sont spécialement conçus en fonction des spécificités des collectivités autochtones, les données et les leçons apprises découlant de tous les projets que nous finançons nous fournissent des enseignements qui peuvent être utilisés dans toutes les collectivités. L'un des aspects intéressants du programme du CNPC, c'est qu'il vise essentiellement la mise en œuvre de projets novateurs et l'acquisition de données et de connaissances que nous pouvons ensuite diffuser. Nous essayons d'être un centre d'échange de connaissances et de données que les collectivités peuvent utiliser. Même s'ils ne découlent pas d'investissements dans des collectivités autochtones, les renseignements que nous produisons sont pour la plupart fort pertinents pour les gens des collectivités autochtones, car ils peuvent en tirer des leçons, les adapter et les utiliser dans leurs propres collectivités.

La sénatrice Dyck : Lorsque vous décidez d'établir cette stratégie sur les projets communautaires, qui oriente la prise de décision à cet égard? La fin de semaine dernière, je lisais le journal et on y parlait de Mme Sharon Acoose, une femme de Saskatoon qui vient de terminer son doctorat en philosophie en santé communautaire et en santé des populations, et sa thèse portait sur un domaine semblable. Elle s'intitule They Stole my Thunder — Warriors Who Were Behind the Walls : Experiential Storytelling with Criminalized Indian Women. Communiquez-vous avec les universitaires, des personnes comme Mme Acoose, qui a manifestement fait beaucoup de travail dans ce domaine, ce qui lui a permis d'obtenir son doctorat? Puisez-vous dans cette source de connaissances?

M. Tupper : Dans mon secteur, nous avons en effet une bonne quantité d'activités de recherche et nous avons un réseau de collaborateurs et d'intervenants plutôt bien structuré. Il ne fait aucun doute que dans notre programme de prévention de la criminalité, notre programme correctionnel et notre programme de justice pénale, nous comptons sur certains des plus grands spécialistes à l'échelle mondiale. Cette collaboration a permis à nos gens d'acquérir une grande expertise.

Pour ce qui est de cette universitaire précise, je ne sais pas si nous avons un partenariat. Le savez-vous, cher collègue?

M. Sansfaçon : Nous n'avons pas de partenariat avec cette personne précise, mais nous en avons avec d'autres. Par exemple, nous avons utilisé les travaux de M. Martin Brokenleg et certains éléments de ces travaux nous ont servi, dans diverses collectivités, à vérifier si cela fonctionne et comment cela fonctionne. Ensuite, nous avons cerné les éléments clés qui pourraient être utilisés par d'autres collectivités, comme M. Tupper l'a indiqué.

La sénatrice Dyck : Vous parlez du Programme des services de police des Premières Nations et de son efficacité. Il est bien de voir que vous avez réduit le nombre d'incidents criminels de même que le taux de récidive.

Vous dites qu'il a été renouvelé, pour un montant de 612 millions de dollars. Avez-vous fait une estimation des économies engendrées par la réduction de l'activité criminelle? Vous n'emprisonnez plus autant de gens; donc, vous économisez. Avez-vous une idée des économies obtenues en empêchant ces gens d'aller en prison?

M. Tupper : C'est ce que nous faisons actuellement. Dans le cadre de notre stratégie de mise en œuvre d'un accord de financement pluriannuel, nous avons notamment décidé d'intensifier la collaboration avec nos partenaires provinciaux et territoriaux. Les économies sont réalisées dans l'ensemble des administrations. Nous n'avons pas encore les chiffres exacts. Nous pouvons faire un calcul théorique des coûts. Nous connaissons le coût associé à une personne qui se retrouve dans le système. Nous essayons de recueillir ces données en collaboration avec les provinces et les territoires.

La sénatrice Dyck : Merci.

Le sénateur Munson : Merci d'être venus aujourd'hui. C'est très instructif. Pouvez-vous répondre à des questions sur les centres de guérison?

M. Tupper : Oui, dans la mesure où ils sont liés à nos programmes.

Le sénateur Munson : Je crois comprendre que le Service correctionnel du Canada a un budget d'exploitation de 21,5 millions de dollars. Je crois savoir que les quatre centres de guérison exploités par les Autochtones reçoivent 4,8 millions de dollars et il semble y avoir un écart. Est-ce en partie lié à l'article 81? C'est l'article dont on m'a parlé. Je veux seulement m'assurer d'avoir les bons renseignements afin de mieux cerner la question que je vais poser.

Kimberly Lavoie, directrice, Division des politiques correctionnelles autochtones, Sécurité publique Canada : Oui, l'article 81 de...

Le sénateur Munson : L'article permettrait à SCC de confier le soin et la garde d'un délinquant autochtone à une collectivité autochtone?

Mme Lavoie : Oui. L'article 81 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition est l'article qui prévoit le transfert d'un délinquant, à compter de la date du prononcé de la peine jusqu'à celle de l'expiration du mandat. Il existe huit centres de guérison; quatre sont gérés par SCC et quatre par des organismes du secteur bénévole, des organismes autochtones. Les centres gérés par les organismes autochtones reçoivent un financement moindre que ceux qui sont financés par le Service correctionnel du Canada. C'est attribuable à plusieurs facteurs. En général, les gens du secteur bénévole reçoivent moins d'argent que les gens de la fonction publique, qui sont syndiqués. À tort ou à raison, c'est ainsi que cela fonctionne, tout simplement. Ces organismes réalisent certaines économies d'échelle parce qu'ils fournissent des services internes, tandis que le Service correctionnel du Canada conclut souvent des contrats avec ces mêmes organismes pour la prestation de services internes.

Oui, ils reçoivent beaucoup moins d'argent.

Le sénateur Munson : Pouvez-vous m'expliquer pourquoi?

Mme Lavoie : C'est tout simplement la manière dont les choses se passent. Les gens syndiqués ont un meilleur salaire que les gens non syndiqués. Les centres sont plus petits. Ils comptent moins de lits. Leurs coûts d'exploitation sont donc moins élevés. Le financement est calculé selon un taux journalier, et il s'agit d'accords de cinq ans. Ils ne reçoivent pas moins d'argent qu'en recevrait tout autre organisme du secteur bénévole pour l'hébergement de délinquants.

Le sénateur Munson : Il n'y a eu aucun accord depuis 2001, n'est-ce pas? Il y a eu une augmentation de 40 p. 100 du taux d'incarcération des Autochtones.

Mme Lavoie : Il n'y a eu aucun nouvel accord conclu en vertu de l'article 81. Un accord a été modifié, soit celui qui a été conclu avec le Service autochtone de counselling de l'Alberta, de façon à permettre, en vertu de l'article 81, l'ajout d'un centre pour femmes de 16 lits, ce qui a été fait en 2010.

C'est le plus récent. Il n'y en a pas eu d'autres depuis.

Le sénateur Munson : Merci. Je n'ai qu'une autre question, et je vais parler du sénateur Demers parce que c'est un sujet qui le contrarie beaucoup, à juste titre. Nous avons ces chiffres sous les yeux. Nous en avons déjà parlé, avec d'autres témoins — dans notre préparation pour cette étude —, mais selon Sécurité publique Canada, le nombre de femmes autochtones incarcérées dans un établissement fédéral a augmenté de 97,1 p. 100 entre 2002 et 2012. Chez les hommes, l'augmentation est de 34 p. 100 au cours de la même période.

C'est une question évidente, mais je pense qu'il est tout de même nécessaire de la poser. Quels facteurs sont à l'origine de l'augmentation du nombre d'Autochtones incarcérés au cours de la dernière décennie? Le sénateur Demers se concentre constamment sur cet aspect. Nous siégeons en comité, nous faisons des études, nous essayons de faire quelque chose de positif et d'adopter une approche par rapport à ce que nous pouvons faire, en tant que Comité des peuples autochtones, mais, ma foi, on parle de 97 p. 100. Disons simplement 100 p. 100 en 10 ans.

Mme Lavoie : En effet, c'est une augmentation énorme. C'est un chiffre énorme. La démographie y joue un rôle, en partie. La population autochtone est beaucoup plus jeune que la population du reste du Canada. Comme nous l'avons indiqué plus tôt, les jeunes sont plus susceptibles d'avoir des démêlés avec la justice que les personnes plus âgées. La démographie va certainement à l'encontre de notre objectif de réduire ces chiffres.

De plus, nous avons aussi mentionné que nous héritons des échecs des autres systèmes. Le système de protection de l'enfance représente un problème, tout comme le fait que les gens n'ont pas le même degré de scolarisation. Je sais que le gouvernement y travaille actuellement, le fait demeure que le taux de scolarisation est plus faible dans les collectivités autochtones. Le taux d'emploi est plus faible chez les Autochtones. Ce sont tous des facteurs de risque.

Jusqu'à ce que nous ayons enrayé certaines de ces causes sous-jacentes et profondes, nous continuerons d'hériter des échecs des autres systèmes, et nous ne parviendrons pas à endiguer le flot de gens qui entrent dans le système de justice pénale.

Ce que nous pouvons faire lorsqu'ils arrivent dans le système, c'est d'élaborer des programmes favorisant leur réadaptation et leur réinsertion sociale de façon à ce qu'ils ne récidivent pas.

Le sénateur Munson : Je suis certain que d'autres sénateurs ont des questions, monsieur le président.

Le président : En effet. Merci beaucoup.

La sénatrice Dyck : Puis-je poser une brève question complémentaire à ce sujet?

Le président : Dès que j'aurai terminé. Merci beaucoup.

En ce qui a trait au commentaire sur la scolarité, vous examinez le niveau de scolarité, mais étudiez-vous également la qualité de l'enseignement? Je sais que plusieurs témoins nous ont parlé du fait que dans certains programmes, par exemple, on accorde le diplôme aux élèves du secondaire qui ont ensuite beaucoup de difficulté à réussir la transition au niveau collégial ou universitaire parce que la formation qu'ils ont reçue n'est pas d'un niveau assez élevé. Je sais qu'il y a de cela quelques années, le Nunavut a mené une étude sur le niveau d'enseignement au secondaire dans le but de savoir si les finissants étaient bien préparés ou non.

En plus de l'obtention du diplôme d'études secondaires, regardez-vous aussi la qualité de l'éducation? Est-ce que quelqu'un se penche sur cette question? Pas vous personnellement. Je suis désolé.

Mme Lavoie : Ce n'est certainement pas moi. Nous analysons tant la qualité de l'éducation que le nombre de diplômés. La Loi sur les Indiens fait maintenant référence à un niveau d'éducation relativement comparable. Par contre, il faut déterminer ce que cela signifie, ce que c'est exactement et comment ajouter des études pertinentes sur le plan culturel tout en nous assurant que les élèves profitent d'un niveau d'éducation qui les aidera à réussir.

Le président : Merci beaucoup. Sénatrice Dyck, vous avez la parole. Pardonnez-moi cette intervention.

La sénatrice Dyck : J'aimerais poursuivre sur la question de l'éducation. J'aime les chiffres. Il y a quelques années, j'ai demandé à Statistique Canada toutes les données sur l'éducation selon le sexe, l'âge et le domaine de spécialisation. J'ai découvert — comme nous le savons maintenant — que les femmes autochtones sont plus nombreuses que les hommes autochtones à obtenir leur diplôme d'études secondaires, et qu'elles sont environ deux fois plus nombreuses à obtenir un diplôme universitaire. Étant donné l'augmentation vertigineuse du nombre de femmes autochtones incarcérées, l'éducation ne semble pas être l'unique facteur. Quel autre facteur, selon vous, influe sur ces chiffres ahurissants?

Mme Lavoie : Ils sont très nombreux. Nous savons que les femmes autochtones sont surreprésentées sur le plan de la violence : violence familiale et conjugale. Souvent, les victimes de violence se vengent.

Plusieurs de ces femmes sont incarcérées pour crimes violents et, parfois, si nous réussissons à briser ce cycle de violence, nous pouvons les éloigner du système de justice pénale.

Selon moi, c'est à ce niveau qu'il faudrait concentrer nos efforts.

La sénatrice Dyck : Merci.

Le sénateur Patterson : Merci pour cet exposé très instructif. Quelqu'un vous a posé une question sur la collaboration avec les universitaires. Je me demande si vous connaissez le travail de la Dre Jane Dickson-Gilmore, du Département du droit et des études de droit de l'Université Carleton, ici même, à Ottawa. Elle nous a livré un témoignage fascinant récemment. Je ne veux pas paraphraser son exposé détaillé, mais selon elle — et elle a été très claire à ce sujet —, les approches de justice préventive et communautaire semblables à celles que vous nous avez décrites ne sont pas efficaces. Pour résumer grossièrement sa position, cela avait à voir avec le fait que les approches sont soit descendantes, soit ascendantes.

Je lui ai demandé si ces programmes fédéraux, pour la plupart, sont évalués. Aussi, vous avez parlé dans votre exposé des résultats des évaluations; ces résultats sont impressionnants. Selon la Dre Dickson-Gilmore, le mandat et le processus d'évaluation de la plupart des programmes fédéraux sont douteux et peu convaincants. J'exagère peut-être, mais je ne le crois pas.

Avez-vous un processus d'évaluation indépendant, rigoureux et assujetti à un examen par les pairs? Est-il faussé de façon à présenter des résultats qui ne sont peut-être pas objectifs? Vous me pardonnerez ma franchise.

M. Tupper : Non, non.

Le sénateur Patterson : Elle a livré un témoignage concluant. Elle travaille depuis de décennies dans le secteur. Elle en a impressionné plus d'un autour de cette table.

M. Tupper : Son travail nous est certainement familier. Ce que je crois comprendre, c'est qu'elle se concentre principalement sur la justice réparatrice plutôt que sur la prévention du crime dans son ensemble. Il y a une différence.

Concernant l'évaluation, étant donné la structure de notre programme, nous nous attendons à ce qu'il y ait des échecs, car nous apprenons de nos échecs. Depuis 2008, on nous encourage beaucoup à procéder de cette façon. Nous voulons investir dans ce que nous croyons être des pratiques exemplaires, car lorsqu'elles sont mises en œuvre à l'échelle locale, elles nous apprennent beaucoup de choses. Nous voulons également déterminer quelles autres initiatives financer et desquelles nous pourrions tirer des leçons. En ce sens, je dirais que nous ne craignons pas d'échouer.

Les évaluations menées au cours des cinq dernières années au CNPC montrent que certains projets n'ont pas produit les résultats escomptés. C'est tout à fait valable. C'est le genre d'investissement que nous devrions faire. Si nous nous concentrons uniquement sur ce que nous savons, les ententes seront trop spécifiques. J'espère que nos documents vous aideront à le voir.

Aussi, en tant que programme du CNPC, nous surinvestissons, même que, selon certains, notre programme jouit d'un processus d'évaluation dit Cadillac. Nous affectons des ressources à un ensemble de nos projets statistiquement pertinents afin qu'ils soient évalués par des sociétés externes. Cela nous procure une évaluation indépendante. Bien entendu, dans le cadre du processus gouvernemental, nous avons un processus d'évaluation indépendant de ma direction auquel nos programmes sont soumis.

Ce programme fait l'objet d'évaluations et nous avons confiance en nos résultats, qu'ils soient bons ou mauvais.

Le sénateur Patterson : J'aurais une autre question sur le sujet. En septembre 2010, votre directeur de l'évaluation à Sécurité publique Canada a publié l'Évaluation de 2009-2010 du Programme des services de police des Premières Nations. Si je ne m'abuse, sa première recommandation était que la Direction générale de la police des Autochtones de Sécurité publique Canada aide à renforcer la gouvernance locale des fournisseurs de services de police.

J'aimerais savoir comment vous avez réagi à ces recommandations et quelles mesures concrètes vous avez prises, s'il y a lieu, pour renforcer la gouvernance locale des fournisseurs de services de police.

Annie Leblanc, directrice, Politiques et coordination, Sécurité publique Canada : Les services de police autogérés auxquels M. Tupper a fait référence disposent d'un conseil de gestion, comme le SPO ou tout autre service de police. Des ententes communautaires tripartites ont été conclues permettant à des agents de police dévoués, comme les agents de la GRC, de travailler ensemble afin d'offrir un service de police à une collectivité. Ces ententes incluent des groupes consultatifs communautaires.

Depuis la conclusion de cette entente — et même avant l'évaluation de 2010, d'ailleurs —, nous offrons de la formation aux collectivités. Il y a certaines pratiques exemplaires à appliquer pour composer de tels groupes, comme celles concernant le mandat, le nombre de participants et les priorités. Ces groupes jouent un rôle crucial au sein des collectivités : ils facilitent la communication entre le service de police et la communauté; ils aident les agents de police à mieux comprendre les diversités culturelles qui existent et la collectivité dans son ensemble; et ils trouvent des activités culturelles auxquelles les agents de police peuvent participer.

Ces groupes consultatifs existent et nous tentons de les aider sur le plan de la formation afin que les agents aient les outils nécessaires pour exercer leur rôle important, soit respecter l'entente et collaborer étroitement pour assurer un service de police communautaire.

M. Tupper : L'avantage que nous procure notre capacité de gestion à l'échelle de notre portefeuille, c'est que tous nos investissements dans les services de police des Premières Nations se font de manière commune dans le contexte de l'ensemble des services de police.

Vous avez sûrement entendu parler des efforts en cours concernant les paramètres économiques des services de police et l'amélioration des modèles de services de police que l'on pourrait appliquer partout au pays. Les innovations qui découleront de ces efforts seront applicables aux services de police des Premières Nations. Il y a beaucoup de formation offerte à ces services. Les agents de police des Premières Nations, ainsi que les chefs de police des Premières Nations, sont membres de l'Association canadienne des policiers. Ils profitent continuellement des avantages que cela procure. C'est du donnant donnant.

Mme Leblanc : J'aimerais ajouter une chose. En ce qui concerne les paramètres économiques des services de police et l'amélioration des modèles de sécurité communautaires, dans le cadre de l'évaluation à laquelle vous avez fait référence, la F-2010, les évaluateurs ont recommandé à la Direction générale de la police des Autochtones d'évaluer les approches novatrices de prestation de services et si ces approches permettent d'atteindre les objectifs du Programme des services de police des Premières Nations.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Je vous souhaite la bienvenue. Malheureusement pour moi, mon collègue a posé la question que je voulais vous adresser, mais j'en ai une autre. Quel pourcentage des Autochtones incarcérés se trouve un emploi après leur mise en liberté et qu'est-ce qui explique ce pourcentage?

M. Tupper : Nous n'avons pas ces données. Nous pourrions demander à Service correctionnel du Canada de nous les faire parvenir, si elles existent, et nous pourrions vous les remettre.

La sénatrice Raine : Que signifie l'acronyme CNPC? Nous ne l'avons pas dans nos notes.

M. Tupper : C'est le Centre national de prévention du crime.

La sénatrice Raine : Est-ce un service ou un centre physique? Quelle est sa relation avec la Stratégie nationale pour la prévention du crime?

M. Tupper : C'est lui qui met en œuvre la stratégie. Le centre est situé dans nos locaux. Il s'agit de centre d'expertise du gouvernement fédéral pour toutes les questions relatives à la prévention du crime. Il joue un rôle de leadership important à l'échelle de la fonction publique fédérale pour tout ce qui touche ces questions.

La sénatrice Raine : On dit que le nombre de femmes autochtones incarcérées a augmenté de 97 p. 100, mais pourriez-vous nous fournir le nombre réel? Parfois, les pourcentages sont pris hors contexte lorsqu'il est question de petits nombres. Quel est le nombre réel?

M. Tupper : Le nombre de femmes autochtones incarcérées est passé de 104 à 205.

La sénatrice Raine : Il y a 205 femmes autochtones incarcérées au Canada.

M. Tupper : En 2011-2012, elles étaient 205, comparativement à 104 en 2002-2003.

La sénatrice Raine : Merci. Ce n'est pas beaucoup, quoique 205 femmes incarcérées, c'est déjà trop.

Les programmes que vous établissez diffèrent selon les régions. Nous savons que ce ne sont pas des programmes universels. Pourriez-vous nous donner un exemple d'un de ces programmes?

M. Tupper : Chacune des trois organisations offre un programme différent. La prévention du crime commence dans nos bureaux régionaux où nous travaillons beaucoup avec nos partenaires sur le terrain afin de préparer des demandes de financement.

L'approche que nous adoptons pour ces demandes est terre-à-terre, directe et axée sur la collectivité. Lorsque ces demandes respectent les normes et conditions de nos ententes de financement, elles sont envoyées à notre bureau national aux fins d'évaluation. Il s'agit d'un processus concurrentiel. Comme je l'ai déjà dit, nous recevons trop de demandes pour ce programme; nous avons plus de demandeurs que de fonds disponibles.

C'est une porte tournante. Certains programmes lancent des appels de propositions tous les mois de septembre. Dans le cadre de notre programme, nous sollicitons régulièrement les collectivités et travaillons avec elles afin de déterminer quels projets pourraient faire l'objet d'un financement lorsque des fonds seront disponibles.

Une fois que nous avons terminé l'évaluation d'un projet et que celui-ci satisfait aux critères du programme, le processus d'approbation est entamé. Une fois le projet approuvé, nous en informons le promoteur et l'aidons à mettre le projet sur pied. À ce moment, le projet devient la responsabilité du promoteur et fait l'objet d'examens, de suivis et d'évaluations.

C'est ainsi que les choses se déroulent dans le contexte de nos programmes de prévention du crime. Ces programmes touchent plusieurs enjeux, principalement les jeunes, les gangs et les drogues.

Sur le plan correctionnel, nous nous concentrons sur la population de délinquants. La division de Mme Lavoie travaille exclusivement avec les délinquants autochtones. Cette division est unique, car tous les employés qui y travaillent sont autochtones, ce qui nous permet de travailler directement et plus facilement avec les collectivités autochtones. Nous avons grandement amélioré notre capacité à comprendre les besoins de ces collectivités et à parler le même langage, si je puis m'exprimer ainsi.

Le programme est très flexible. Il est difficile de vous décrire un seul processus qui mènerait à un financement, car les collectivités et leurs membres sont tous différents. Nous devons être sur place, au sein des collectivités, pour évaluer avec elles leurs besoins. Nous ébauchons ensemble des solutions en fonction des circonstances. Il s'agit d'un programme unique et flexible, car il permet de financer différents projets selon le contexte.

L'établissement de services de police est beaucoup plus normalisé. Nous avons des modèles d'ententes. Nous approchons d'abord les provinces, car elles sont responsables de la prestation des services de police sur leur territoire, et déterminons avec elles le niveau de financement nécessaire. Les ententes que nous concluons avec les provinces et la collectivité concernée s'appuient sur des modèles d'entente, car nous avons une bonne idée de ce à quoi ressemblent les modèles de services de police. Les provinces ont des lignes directrices plutôt rigoureuses concernant leur responsabilité quant à la prestation de services de police sur leur territoire. Le processus est très normalisé.

C'est notre capacité de coopération avec les provinces et collectivités pour obtenir le financement nécessaire qui facilite l'établissement de services de police. C'est un processus assez simple et précis.

La sénatrice Seth : Dans les communautés des Premières Nations, il y a des problèmes systémiques dont les causes sont profondes et qui expliquent, en partie, pourquoi le nombre d'Autochtones incarcérés est si élevé. Quel est le rôle de la GRC au sein des services de police des Premières Nations et quelle est la relation entre la police autochtone et le système de justice pénale? Pourriez-vous nous parler un peu du Programme des services de police des Premières Nations?

M. Tupper : Le Programme des services de police des Premières Nations a été créé en 1991 pour répondre à un besoin communautaire. Il s'appuyait sur les difficultés rencontrées à Oka; il fallait trouver une meilleure façon d'améliorer les services de police dans les communautés des Premières Nations. Ce programme a été conçu pour offrir dans les réserves des services de police communautaire professionnels et adaptés à la culture locale.

Il était essentiel qu'ils soient adaptés à la culture locale. Le système de pensionnats est un bon exemple de ce qu'il faut éviter. Les policiers étaient souvent appelés à renforcer la stratégie derrière ces pensionnats, ce qui a entraîné beaucoup de méfiance de la part des collectivités autochtones. Plus nous réussirons à établir des services de police adaptés et sensibles à la culture locale, plus nous réussirons à dissiper cette méfiance et meilleures seront les chances de réussite.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Ces programmes de sécurité existent-ils dans toutes les communautés des Premières Nations au Canada?

M. Tupper : Tous nos programmes sont offerts partout au pays. En ce qui concerne les services de police des Premières Nations, ceux-ci sont offerts dans environ les deux tiers des communautés autochtones, principalement les communautés des Premières Nations situées dans le sud du pays.

Dans le cadre du programme de prévention du crime, toutes les collectivités peuvent présenter une demande. Nous approuvons des demandes de partout au pays. Le programme correctionnel pour Autochtones, notamment en ce qui a trait aux plans de sécurité, s'applique à l'échelle du pays. Nous aidons actuellement 25 collectivités d'un peu partout au Canada à développer cette capacité.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Je pose cette question, car je ne vois pas ce service au Nouveau-Brunswick, notamment dans ma collectivité. Je n'ai jamais remarqué une collaboration entre la police autochtone et la GRC en matière de prévention du crime, entre autres.

Mme Leblanc : Vous parlez de la bande de Tobique?

La sénatrice Lovelace Nicholas : Oui.

Mme Leblanc : Nous avons une entente communautaire tripartite avec la bande de Tobique. C'est la GRC qui assure le service de police. Donc, ce sont les agents de ce corps policier que vous voyez, mais il devrait y avoir un groupe qui collabore avec la GRC afin de mieux répondre aux besoins de la collectivité et d'aider dans l'établissement des priorités.

Le sénateur Watt : Comment votre programme s'intègre-t-il aux programmes provinciaux? L'un est de compétence fédérale, et l'autre est de compétence provinciale. Comment fonctionnez-vous?

M. Tupper : Le service de police des Premières Nations est offert grâce à un partenariat direct. Nous assumons 52 p. 100 des dépenses du programme et les provinces assument le reste, et nous négocions avec elles des ententes de mise en œuvre.

En ce qui a trait à la prévention du crime, les programmes que nous appuyons sont financés par le fédéral, mais les provinces et territoires participent aux travaux et aux examens menés par les conseils locaux.

Dans le cadre de cette collaboration, nous faisons en sorte de ne pas dépenser sur les mêmes choses et que tous les intervenants comprennent bien quels investissements sont faits par le fédéral, et lesquels sont faits par le provincial.

Le sénateur Watt : Ce sont les collectivités qui doivent présenter une demande de financement, n'est-ce pas?

M. Tupper : En ce qui concerne la prévention du crime, oui.

Le sénateur Watt : Et, elles font ces demandes directement auprès du gouvernement fédéral?

M. Tupper : Elles sont préparées par la collectivité et envoyées au gouvernement fédéral. Cependant, une fois l'ébauche de la demande terminée, nous savons déjà à quoi ressemblera la gouvernance locale et ce que pense la province de ce genre de programme.

La sénatrice Dyck : Pourriez-vous nous fournir une répartition selon le sexe des données fournies dans le tableau 1 intitulé Autochtones victimes de violence non conjugale?

M. Tupper : Certainement.

Le président : Merci beaucoup pour ces excellents témoignages.

(La séance est levée.)


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