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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 1 - Témoignages du 23 juin 2011


OTTAWA, le jeudi 23 juin 2011

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 10 h 35 pour étudier la situation actuelle du régime financier canadien et international.

Le sénateur Michael A. Meighen (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite à tous la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.

Nous accueillons aujourd'hui M. Rock Lefebvre, vice-président, Recherche et normalisation, à l'Association des comptables généraux accrédités au Canada.

[Traduction]

Monsieur Lefebvre, je vous remercie d'avoir accepté une invitation faite quelque peu à la dernière minute. Nous sommes très heureux de votre présence, qui survient à point nommé après la comparution du gouverneur de la Banque du Canada. Votre association est préoccupée par l'endettement des ménages, tout comme le gouverneur de la Banque du Canada. Au cas où vous n'auriez pas pu en prendre connaissance, je vais vous lire la déclaration faite par le gouverneur devant notre comité hier :

Enfin, le fort niveau d'endettement des ménages accroît les vulnérabilités financières au Canada. Les Canadiens sont aujourd'hui aussi endettés (en proportion de leur revenu) que les Américains et les Britanniques. La Banque estime que la proportion de ménages canadiens qui seraient très vulnérables à un choc économique néfaste a augmenté pour atteindre son niveau le plus élevé en neuf ans, malgré l'amélioration des conditions économiques et les taux d'intérêt qui demeurent bas. Cette situation tient en partie au fait que la hausse de la dette globale des ménages ces dix dernières années est attribuable aux ménages dont le niveau d'endettement est le plus élevé.

[Français]

Et il termine ce commentaire en disant :

[Traduction]

Le niveau élevé de la dette des ménages est un autre facteur qui devra être suivi de près.

Vous êtes sans doute d'accord avec le gouverneur, monsieur Lefebvre. Sans plus tarder, je vous laisse présenter votre exposé, après quoi nous passerons aux questions des membres du comité.

Rock Lefebvre, vice-président, Recherche et normalisation, Association des comptables généraux accrédités du Canada : Je suis vraiment très heureux de comparaître devant vous ce matin. Comme vous le savez, l'Association des comptables généraux accrédités du Canada, CGA Canada, parle de l'endettement et des habitudes d'emprunt des Canadiens depuis quatre ans et demi. À l'évidence, la question revêt une importance fondamentale pour beaucoup de gens. Nous avons publié quatre documents pour lesquels nous nous sommes fondés largement sur l'information fournie par Statistique Canada. Nous consultons également les consommateurs au moyen de sondages en ligne qui nous permettent de valider ce qui transparaît dans les statistiques par rapport aux perceptions des Canadiens. Il est très important de parler aujourd'hui de cette question. Je vais centrer mon exposé sur la détérioration de la situation financière des ménages canadiens, qui les amène à plonger toujours plus dans l'endettement.

Je vais lire un texte, qui vous a été ou vous sera remis; c'est avec plaisir que je répondrai ensuite à vos questions ou à vos observations.

Nous avons commencé à analyser l'endettement des ménages en 2006 en prévision de temps plus difficiles à venir. À cette époque, le ratio dette-revenu et le ratio dette-actifs s'établissaient respectivement à 121,3 p. 100 et à 16,2 p. 100 au Canada. Ces ratios se sont élevés graduellement, le ratio dette-revenu étant maintenant de 147,3 p. 100 et le ratio dette- actifs dépassant les 19 p. 100. L'Organisation de coopération et de développement économique, l'OCDE, a déclaré que l'augmentation des ratios constitue l'un des talons d'Achille les plus préoccupants pour le Canada. En termes absolus, malgré les mises en garde, la dette totale des ménages a continué d'augmenter, passant de un billion en 2006 à 1, 51 billion de dollars au premier trimestre de 2011. De plus, 57 p. 100 des participants au sondage de 2011 dont la dette avait augmenté ont indiqué que leur situation était attribuable en grande partie à l'augmentation des frais de subsistance. Cette nouvelle n'est pas encourageante : il y a quatre ans, nous reprochions aux Canadiens d'emprunter pour acheter des biens de consommation durables mais aujourd'hui, ils sont très nombreux à emprunter seulement pour assurer leur subsistance.

Nos rapports les plus récents — et, je crois qu'il y en a quelques-uns dans la pièce — sont également dans notre site web, de même que les trois rapports précédents qui sont utiles pour comprendre la situation. Étant donné le climat d'incertitude qui a cours concernant les régimes de retraite et le revenu de retraite, l'augmentation appréhendée des taux d'intérêt, l'emploi qui stagne et une possible correction du prix des logements faisant suite à une augmentation anticipée des taux d'intérêt, il convient de porter notre attention sur les familles canadiennes et de leur donner des moyens pour économiser, dépenser et emprunter de façon responsable.

Même si notre situation nationale ou globale peut ne pas être alarmante ou stressante, nous avons fait ressortir que les moyennes nationales cachent bel et bien la vulnérabilité de certains groupes à un choc économique. Les familles monoparentales, par exemple, ont un taux d'endettement 66 p. 100 plus élevé que les autres familles; un nombre croissant de gens partent à la retraite endettés et les ménages dont le revenu est inférieur à 50 000 $ sont six fois plus vulnérables pour le service de la dette. Même si le pire est passé pour le nombre de faillites, les propositions de consommateurs demeurent nombreuses — une situation favorisée peut-être par la facilité des règles concernant les propositions de consommateurs.

Parallèlement, les familles de toutes les cohortes économisent moins dans l'ensemble. Le Canada perd sa propension à accumuler de la richesse. Sans en faire un drame, nous devons reconnaître que nous en sommes tous affectés. Les défauts de paiement d'emprunts ont des répercussions sur nous tous à court terme, parce qu'ils limitent la capacité de dépenser des consommateurs; ce qui se répercute sur tous les indicateurs économiques, dont le PIB, qui est affecté de façon importante, et peut conduire, à long terme, à une récession.

Comme vous le savez, il n'y a pas que de mauvaises nouvelles. Les Canadiens sont plus optimistes aujourd'hui qu'ils l'étaient il y a un an seulement. Le PIB se dirige dans la bonne direction. Le Canada a traversé la récession mieux que la plupart des autres pays, et nous avons encore des ressources naturelles abondantes à exploiter. Nous avons progressé dans la conclusion d'accords commerciaux. Il faut peut-être aujourd'hui continuer de miser sur nos forces, tout en corrigeant nos faiblesses. L'occasion se dresse devant nous et il est peut-être temps de prendre le virage.

CGA Canada continue d'appuyer le Groupe de travail sur la littératie financière et se réjouit de l'attribution par le gouvernement fédéral d'une somme supplémentaire de 3 millions de dollars à l'Agence de la consommation en matière financière du Canada pour qu'elle mette en œuvre des initiatives de littératie financière. Nous maintenons que cette initiative, pour laquelle un chef de la littératie financière a été nommé, peut contribuer de façon importante à doter les Canadiens des moyens de mieux comprendre et maîtriser la gestion financière et à juguler la tendance à emprunter. Sans verser dans l'excès, le retour au désir d'accumuler de la richesse et de payer les achats comptants au lieu d'utiliser le crédit pourrait être avantageux, à long terme, pour les familles et l'économie en général.

Nous avons bonne confiance que les autorités publiques et les décideurs continueront à surveiller de près la situation et la dynamique du bilan financier des ménages. Nous surveillons le comportement des consommateurs depuis quatre ans et, au cours de cette période, nous avons constaté que la question suscite un intérêt croissant et qu'une nouvelle mentalité est en train d'apparaître dans la société canadienne, qui commence à rechercher une approche équilibrée dans sa façon de dépenser, d'économiser et de payer ses dettes, et qui esquive moins le problème.

Lorsque nous avons commencé à intervenir dans le secteur et que nous avons diffusé certains des messages qui trouvent écho aujourd'hui, certains ont pensé que nous étions peut-être alarmistes. Je vous dis cela pour vous faire bien comprendre que nous voyons venir le problème depuis un certain temps et que nous avons également constaté une certaine apathie chez les Canadiens.

Même s'il est peut-être trop tôt pour parler de réforme du crédit, il y a peut-être de bonnes occasions à saisir pour travailler avec les institutions financières et examiner plus étroitement les pratiques en cours pour que les accords de crédit soient conçus de façon à adapter les prêts aux plans de remboursement des emprunteurs, à tenir compte des exigences et des normes relatives à l'obtention d'un prêt hypothécaire qui permettent de réduire le risque de défaut de paiement, d'augmentation en spirale de la dette et d'érosion de l'équité; à faire intervenir une approche de crédit axée sur les besoins et non sur la capacité d'autofinancement et à prévoir des moyens de limiter les coûts de l'emprunt à l'emprunteur. Bref, nous aimerions voir l'émergence d'un système qui favorise l'accumulation de la richesse — un système qui maximise l'efficience et l'optimisation des ménages.

Le président : Merci, monsieur Lefebvre. Avant de donner la parole aux membres, j'aimerais vous demander un éclaircissement.

Pourriez-vous donner quelques précisions sur la première recommandation que vous avez énumérée, à savoir adapter les prêts aux plans de remboursement des emprunteurs?

Il est certain que l'un des premiers besoins et des premiers devoirs d'un prêteur seraient de s'assurer que l'emprunteur sera en mesure de rembourser; autrement, l'emprunteur se retrouverait en situation de défaut et personne n'y gagnerait. Il doit y avoir quelque chose d'autre qui s'ajoute à ce principe.

M. Lefebvre : Nous serions heureux que certaines mesures de renforcement soient prises dans ce secteur. Nous aimons beaucoup les changements apportés aux règles régissant l'assurance hypothécaire garantie par le gouvernement. Le bémol que j'ajouterais serait que seulement 23 p. 100 des prêts hypothécaires sont contractés auprès des banques commerciales. Beaucoup de gens contractent leurs prêts hypothécaires auprès d'autres institutions et on assiste à un certain dérapage par rapport aux règles.

Le président : Qui accorde ces prêts principalement?

M. Lefebvre : Ce sont des prêteurs hypothécaires privés.

Le président : Occupent-ils la plus grande partie du marché?

M. Lefebvre : Oui.

Le sénateur Harb : Quel serait le ratio dette-revenu optimal?

M. Lefebvre : Comme vous pouvez vous en rendre compte, cela est difficile à déterminer. Certains experts estiment que ce ratio devrait être de 138 à 142 p. 100. Au fil des ans, les banques ont fait des recherches véritables qui laissent entendre que le Canada pourrait soutenir un ratio de 150 p. 100. Cela étant, je n'ai pas de chiffre parfait pour vous, monsieur le sénateur.

Le sénateur Harb : Dans le même ordre d'idées, quel devrait être le bon ratio dette-actifs?

M. Lefebvre : Celui-là est un peu plus facile à cerner : il devrait être près de 15 ou 16 p. 100.

Le sénateur Harb : C'est un peu problématique, pour être honnête. Vous conviendrez, j'en suis certain, que, dans les années 1990 par exemple, lorsque vous empruntiez un peu d'argent pour acheter une propriété, vous pouviez payer un intérêt allant de 10 à 14 ou 15 p. 100. Aujourd'hui, lorsque nous nous rendons à une banque, nous pouvons payer de 2 à 5 p. 100, selon l'échéance. Alors, lorsque vous parlez du ratio dette-actifs, cela est très abstrait. Nous devrions plutôt examiner la capacité du consommateur d'assurer le service de sa dette selon les conditions dans lesquelles ce consommateur a emprunté l'argent et la durée de la période de remboursement.

Votre organisation est réputée et elle a accompli un travail énorme au cours des ans dans ce domaine. Avez-vous fait des simulations par ordinateur qui nous donneraient, à nous les décideurs, une idée de ce à quoi nous devrions nous attendre? À l'évidence, la situation n'est pas rose, étant donné tout particulièrement la situation qui a cours aux États- Unis et le fait que si ce pays devait connaître un certain recul, nous serions doublement pénalisés. Premièrement, la dette à la consommation est très élevée, comme vous l'avez dit; et, deuxièmement, le marché sombrerait.

M. Lefebvre : Nous avons établi rapidement quelques chiffres et constaté qu'une augmentation des taux d'intérêt de 2 p. 100, par exemple, ferait augmenter les coûts du service de la dette pour un prêt hypothécaire de 250 000 $ de 15 000 $ sur une période de cinq ans. Cette somme représente environ 2 500 $ par année. Lorsque la situation économique est stable, une telle augmentation n'est pas nécessairement perçue comme un problème. Toutefois, considérant la façon dont les Canadiens sont imposés à l'heure actuelle, cette augmentation poserait problème.

Selon ce scénario, pour satisfaire à ses obligations à l'égard du prêt hypothécaire dont vous parlez, l'emprunteur devrait réduire ses dépenses ailleurs de 9 p. 100. C'est autant d'argent qui n'entre pas dans l'économie.

Le sénateur Harb : Disons, par exemple, que le sénateur Oliver se rend à la banque parce qu'il veut acheter un duplex en Nouvelle-Écosse qui lui semble un bon investissement. Si nous reprenons ici les éléments de votre analyse, le revenu du sénateur Oliver, qui est de 140 000 à 150 000 $, et son ratio dette-actifs, qui serait un pourcentage du coût du duplex, ne semblent pas entrer en considération — c'est-à-dire que le fait qu'il perçoit un revenu n'est pas pris en compte. Où cela entre-t-il dans votre analyse, le cas échéant?

M. Lefebvre : Nous avons examiné la chose. En fait, il s'agit d'un des secteurs difficiles à cerner parce que, si nous nous fions aux données de Statistique Canada, les nouvelles sont encourageantes. Je crois qu'ils se servent d'un ratio d'équité de 67 p. 100 pour nos propriétés. Toutefois, si nous regardons plus loin que ce chiffre, qui s'applique à tous les types de propriétés, usines et équipements, nous constatons que l'équité réelle pour le logement est de 38 p. 100, alors qu'elle était de 55 p. 100 il y a de cela quelques années seulement.

Les investissements et les entreprises donnent de bons résultats et affectent de façon disproportionnée la moyenne. Toutefois, si nous examinons la situation d'un ménage qui n'a pas les moyens du sénateur Oliver, nous constatons que ce ménage perd constamment du terrain.

Le sénateur Harb : La proportion de 23 p. 100 par rapport à 67 p. 100 n'est pas juste en un sens. Reprenons l'exemple du sénateur Oliver. Si le sénateur voulait acheter une propriété comptant plus de six logements, il aurait de la difficulté à obtenir un prêt hypothécaire pour six logements et plus d'une banque commerciale. Toutefois, il pourrait s'adresser à un autre genre d'institution financière, qu'il s'agisse d'une compagnie d'assurance, de fonds spéciaux, et cetera et obtenir le prêt hypothécaire pour le même taux ou même un taux moindre que celui des banques commerciales. Je veux vous mettre en garde et vous dire que des intérêts de 67 p. 100 ne sont pas nécessairement très élevés pour deux raisons. Premièrement, le revenu tiré de ces logements n'est pas pris en considération dans cette équation, même si la personne, qui perçoit le même revenu annuel, dispose d'un revenu supplémentaire. Deuxièmement, le taux qu'il peut obtenir d'une institution financière autre qu'une banque pourrait être égal ou inférieur à celui des banques commerciales.

M. Lefebvre : Je vous prie de m'excuser si je vous ai porté à croire qu'il serait assujetti à un taux d'intérêt plus élevé. Les 67 p. 100 en question représentent en fait le pourcentage réel d'équité que nous, en tant que société, détenons collectivement en propriétés, usines et équipements. Je ne parlais pas des taux d'intérêt; je vous prie de m'excuser si je vous ai induit en erreur.

Le sénateur Oliver : Merci de votre exposé. Il y avait deux aspects : un portait sur les dettes personnelles et le second, sur l'accumulation de la richesse. Je veux parler de ce dernier aspect.

J'ai été quelque peu consterné d'entendre que le Canada est en train de perdre sa propension à accumuler de la richesse. Une excellente initiative qu'a prise le gouvernement Harper pour les finances personnelles a été de mettre en place le compte d'épargne libre d'impôt, le CELI, qui est différent du régime enregistré d'épargne-retraite, le REER. Vous-même, votre femme ou d'autres membres de votre famille pouvez verser 5 000 $ par année dans un CELI. Vous pouvez retirer cet argent pour payer une facture, s'il le faut, ou vous pouvez le laisser dans le compte où les intérêts s'accumuleront sans être imposables. C'est une merveilleuse façon pour les Canadiens d'accumuler de la richesse.

Si vous avez un fils de 18 ans et que vous l'encouragez à mettre de l'argent dans un CELI chaque année au cours des 40 prochaines années de sa vie, sa situation financière sera encore meilleure que s'il investit dans un REER. Le plafond fixé pour le CELI est sur le point d'être augmenté, pour passer de 5 000 à 10 000 $ par année. Cette mesure aidera énormément les Canadiens à accumuler de la richesse.

Que pensez-vous du programme?

M. Lefebvre : Nous appuyons entièrement l'initiative. Nous avons dès le départ pensé que la mesure est excellente. Toutefois, le problème que nous constatons est que les gens dont je vous ai parlé aujourd'hui ne peuvent même pas payer leurs dettes, et encore moins mettre 5 000 $ de côté. Toutefois, c'est une excellente initiative et elle devrait être maintenue. Les REER sont aussi très utiles et devraient être maintenus.

Nous avons mené notre sondage auprès des consommateurs pour leur demander s'ils connaissaient ces programmes. Ils les connaissent bien peu. Quarante pour cent n'ont jamais entendu parler du CELI. Beaucoup n'investissent pas dans un CELI, et même s'ils commencent à y investir 100 $ par mois avec un certain enthousiasme, ils vont cesser d'y contribuer après quelques mois seulement. C'est une question d'apathie ou d'incapacité.

Encore une fois, sans vouloir manquer de respect à quiconque, je dirai que les gens autour de cette table comprennent ce genre de choses et qu'ils ont les moyens d'investir. Toutefois, le monde à l'extérieur de cette enceinte — le consommateur canadien — ne comprend pas ces outils. On ne leur a pas enseigné à accumuler de la richesse, comme je l'ai laissé entendre dans ce mémoire. Les habitudes de consommation sont telles qu'on emprunte le maximum qu'on peut se permettre de rembourser, alors on ne pense pas à mettre de côté 10 $ par mois ou à mettre de l'argent dans un instrument d'épargne, même si c'est un abri fiscal. Tel est le fond de l'affaire.

La réalité, c'est que les Canadiens ne savent pas comment optimiser ou n'ont pas la capacité ni les moyens d'optimiser ce à quoi ils ont accès. Nous ne demandons pas de nouvelles mesures de soulagement ou de nouvelles mesures incitatives pour l'économie parce qu'il y a beaucoup de bonnes choses en place qui ne sont pas utilisées. La popularité des REER a connu son apogée en 1997, il est donc peut-être temps de changer la politique ou de faire davantage de publicité. Les mesures de sensibilisation n'ont en bonne partie pas atteint les gens que nous essayons de joindre.

Le sénateur Oliver : Qu'est-il arrivé aux REER en 1997? Les gens ont-ils cessé d'y contribuer?

M. Lefebvre : Les REER sont en déclin. Les contributions sont en diminution depuis ce temps. Nous avons analysé le marché il y a deux ou trois ans et nous avons bien fait comprendre qu'il s'agit, pour nous, d'un merveilleux programme. Toutefois, nous n'avons pas continué de le mettre en valeur suffisamment pour que les Canadiens s'y fient ou l'utilisent.

Le sénateur Oliver : Vous avez parlé du Groupe de travail sur la littératie financière. Votre organisation collabore-t- elle avec le groupe de travail pour essayer de sensibiliser davantage les Canadiens à la gestion de leurs finances personnelles?

M. Lefebvre : Nous aimerions beaucoup avoir un rôle à jouer lorsque le chef sera nommé et, si nous en avons un, nous serions heureux de prêter notre assistance de quelque façon que ce soit.

Le sénateur Oliver : L'économie des États-Unis est toujours en difficulté parce que beaucoup de banques saisissent encore les maisons des gens qui ne peuvent pas payer leur prêt hypothécaire et qui ont abandonné leur propriété. Le Canada risque-t-il de connaître une situation pareille au cours des cinq prochaines années ou le financement de nos maisons personnelles est-il sous contrôle?

M. Lefebvre : Je ne pourrais pas dire que la chose ne pourrait jamais arriver, mais j'ai l'impression que notre situation est saine. Nous avons très bien traversé cette récession. Nos institutions financières en sont sorties en bon état, et de nombreuses mesures de protection sont en place.

Toutefois, une des raisons pour lesquelles je prends la parole devant vous aujourd'hui tient à ce que si nous ne nous occupons pas de la dette que de nombreux Canadiens ont contractée, le jour viendra où ils ne seront plus capables d'assurer le service de leur dette.

Le sénateur Oliver : Même en ce qui concerne leur maison.

M. Lefebvre : C'est exact. Il est plus probable qu'en raison de la topographie du Canada, au lieu de perdre simplement leur maison, les gens verront la valeur de leur propriété baisser. La demande est encore forte pour l'offre.

Le président : Monsieur Lefebvre, outre le Groupe de travail sur la littératie financière dont vous avez parlé favorablement, de quelle façon communiquons-nous le message aux Canadiens? Devrions-nous nous montrer plus inventifs dans les moyens que nous utilisons, comme Internet?

M. Lefebvre : J'aimerais que nous ayons une stratégie active, une véritable campagne du gouvernement, des annonces à pleines pages qui expliquent au Canadien moyen ce que font ces instruments et comment les utiliser.

Souvent, ce sont les planificateurs financiers, les institutions financières ou les banques commerciales qui donnent ce genre d'information. Malheureusement, et je ne veux pas manquer de respect à quiconque, l'information est toujours un peu biaisée. Au lieu de s'en remettre aux banques commerciales pour faire connaître au marché les bonnes mesures qu'il prend, le gouvernement devrait saisir l'occasion de commencer lui-même à sensibiliser la population.

Lorsque nous parlons aux Canadiens moyens, nous ne leur disons pas d'aller voir leur comptable ou leur banquier pour avoir leur avis. Nous leur disons plutôt d'aller voir leur comptable, leur banquier, leur avocat et leur agent immobilier. Nous leur disons de s'informer eux-mêmes et d'assumer la responsabilité de leur décision. C'est ça qui manque. Même lorsqu'ils disent qu'ils vont assumer leur responsabilité et s'informer auprès de leur banque du fonctionnement du compte d'épargne libre d'impôt, ils se retrouvent dépassés, et ils ont besoin de plus d'information.

Lorsque nous avons parlé de la littéracie financière il y a quatre ans, nous voulions joindre les jeunes. Actuellement, nous avons une génération entière qui ne connaît rien à la gestion du patrimoine. D'une manière ou d'une autre, ils passeront au travers des mailles du filet; cela ne fait pas de doute. Toutefois, nous devrions faire tout ce que nous pouvons pour les aider à comprendre que c'est leur responsabilité.

Je ne suis pas de ceux qui pensent que le gouvernement doit corriger la situation à lui seul. Le consommateur a une grande responsabilité, et les institutions prêteuses, pour leur part, peuvent mieux protéger la société en établissant des règles plus strictes. Par exemple, les soldes minimaux à acquitter sur les cartes de crédit et les prêts devraient être augmentés. De petits changements peuvent être faits. De très bonnes mesures ont été prises l'an dernier pour les cartes de crédit, mais d'autres petites modifications peuvent être apportées au système pour aider les Canadiens à ne pas tomber dans le piège dans lequel certains se trouvent aujourd'hui.

Le président : Merci. Je me demande parfois si le fait que nous obtenons un demi ou un quart de 1 p. 100 pour nos épargnes n'a pas un effet dissuasif sur les gens.

[Français]

Le sénateur Ringuette : Effectivement, ça fait trois ans que je m'intéresse à toute la question des cartes de crédit, et vous avez raison dans vos recommandations. Ce comité a étudié la question et une de ses recommandations était de remettre les pendules à l'heure en ce qui concerne le paiement minimum qui, il y a dix ans, était fixé à 5 p. 100 minimum de la balance.

Avec le temps, les institutions financières ont réduit ce minimum à 2 p. 100. On sait très bien pourquoi; parce qu'à 19 p. 100, 24 p. 100 et même 30 p. 100 d'intérêt, c'est un facteur extrêmement profitable pour eux. On aurait aussi intérêt à interdire le marketing à gauche et à droite pour tous ces produits de crédit.

À ma résidence, au moins deux fois par semaine, une compagnie m'offre une carte de crédit. On a beau vouloir fournir de l'enseignement à la population au niveau des instruments de finance, mais il faut comprendre aussi que lorsque ces institutions financières font des milliards en profit, ils peuvent investir des millions en marketing pour faire en sorte que les Canadiens aient non pas une carte de crédit mais quatre, avec des limites toujours grandissantes et des paiements minimum réduits. Je ne m'en cache pas, mon opinion est que le gouvernement n'a présentement aucun intérêt à imposer des barrières aux institutions financières. C'est un des problèmes majeurs : on n'en voit pas l'intérêt. C'est bien beau de faire de l'éducation financière, mais les institutions responsables de fournir ces instruments financiers devraient avoir une responsabilité sociale envers l'ensemble des citoyens.

Le président : Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet?

M. Lefebvre : Je dirais simplement que je crois qu'il y a une opportunité pour les institutions de procéder à des consultations avec le gouverneur de la Banque du Canada afin d'étudier la question des limites car, même à 5 p. 100, ce n'est pas assez. Les intérêts vont manger le monde. Ça prend des changements; pas dans tous les domaines, mais certains aspects devraient être examinés. L'occasion est là pour le faire. Et même pour les institutions qui vont dire qu'ils vont perdre de gros profits, c'est peut-être là l'occasion de prêter de l'argent pour l'investissement commercial. C'est dans ce marché qu'il y a de la place, pour les PME.

Le sénateur Hervieux-Payette : On parle d'intérêts et de remboursements. Il est supposé y avoir une règle qui dit qu'il faut s'assurer que la personne qui obtient la carte est capable d'en assumer les paiements. Je ne sais pas quel mécanisme on a mis en place, mais je n'ai pas l'impression que ce soit fait. C'est supposé être la règle.

Je reçois, comme ma collègue, des demandes me disant qu'ils s'en assurent, mais si on ne s'assure pas de la responsabilité financière de la personne qui reçoit une carte, et que vous en recevez cinq de la même façon, c'est évident qu'il n'y a pas de règle suivie. Pourtant, quand j'ai demandé ma première carte de crédit, c'est tout juste si on ne m'a pas demandé si j'avais fait ma première communion. Je pense qu'on a changé les questionnaires sur notre responsabilité financière.

Selon vous, quels mécanismes pourraient être mis en place pour s'assurer de la capacité financière de la personne de rencontrer les exigences de sa limite de crédit?

M. Lefebvre : Je crois qu'on ambitionne. Quand on se présente à la banque, ils vont évaluer notre situation et déterminer combien on peut se permettre par mois. Voilà le problème. Parce qu'à un moment donné, de la manière que vous pouvez avoir un crédit supérieur ou même d'autres cartes de crédit, c'est parce que vos revenus ont augmenté ou qu'il est arrivé quelque chose qui vous a qualifié pour une autre limite. C'est là, malheureusement, que le monde s'embarque. Des fois, ce n'est pas continu; il y a peut-être bien une raison pour laquelle vous avez eu davantage de revenus cette année que l'année dernière ou que vous avez pu mieux rencontrer vos obligations que l'année dernière. Mais une fois que c'est dans le système, malheureusement les cartes s'accumulent.

Un autre bon exemple, ce sont les étudiants qui se pointent à l'université à l'automne. La première semaine où ils arrivent à l'école — les années les plus chères de leur vie — on leur donne une carte de crédit. Il y a donc un manque de contrôle. D'aucune manière un étudiant ne devrait se permettre d'avoir une carte de crédit à 19 p. 100 d'intérêt.

C'est à ce niveau que je dis que se présente l'opportunité d'étudier ce qui se passe et comment l'empêcher. Quand je parlais de la culture de la société, c'est cela qui est important. On a tellement convaincu le monde. Il y a des histoires, à savoir que des gens empruntent 20 000 $ pour acheter une voiture. Ils sont allés chez le concessionnaire, ç'a été négocié. Ils arrivent à la banque et on leur dit qu'ils peuvent se permettre une voiture de 30 000 $ en se basant sur leur habilité de rencontrer l'obligation. Le petit garçon ressort de la banque, il a emprunté 30 000 $. Les taux d'intérêt montent, la voiture disparaît.

Le président : Pour régler ce problème, il faut de l'éducation, n'est-ce pas?

M. Lefebvre : Il faut de l'éducation pour le consommateur et il faut des lois ou des règles qui empêchent les gens d'emprunter comme ils le font aujourd'hui.

Le sénateur Ringuette : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Il faut des mécanismes de responsabilisation de la part de ces institutions financières. Parce que c'est du « push marketing ». Ils poussent les gens à emprunter. Pourquoi? Parce qu'en bout de ligne, plus les gens empruntent, plus élevés sont leurs revenus. Puis là, avec le gouvernement actuel, plus bas seront leurs taux d'imposition. Ils ont alors tout à gagner sans être responsables.

[Traduction]

Le sénateur Tkachuk : Je ne veux pas m'engager dans un long débat sur les cartes de crédit. Toutefois, les cartes de crédit sont un choix personnel. Vous pouvez obtenir une carte de crédit dont le taux d'intérêt est de 5 p. 100 et une autre dont le taux est de 28 p. 100. Si vous n'avez pas les connaissances nécessaires pour comprendre laquelle est la moins chère, j'imagine que vous allez dépenser beaucoup d'argent en choisissant la carte de crédit dont le taux d'intérêt est le plus élevé.

Je veux revenir à un point soulevé par le sénateur Meighen au sujet des CELI et des REER. Vous avez dit qu'ils sont en déclin. À mon sens, c'est parce que les citoyens ne connaissent pas les possibilités d'investissement. Je ne sais pas qui on peut blâmer pour cela, mais c'est un problème.

Naturellement, la plupart des gens n'utiliseront pas le CELI s'ils ne vont pas chez un courtier ou s'ils n'ont pas des comptes d'investissement. Ils ont des comptes d'épargne. Il n'y a pas d'argent à faire avec un compte d'épargne, et les gens ne sont donc pas incités à mettre de l'argent dans un CELI. La seule façon de mettre de l'argent dans un CELI ou dans un REER de nos jours est de s'adresser à une firme de courtage ou d'ouvrir et de gérer son propre compte d'investissement et d'y percevoir les dividendes. C'est un processus que beaucoup de citoyens ignorent complètement. Je crois que c'est la raison pour laquelle les chiffres sont à la baisse et que les gens ne sont pas incités à économiser. Qu'il y ait de nombreux comptes d'épargne libres d'impôt, s'il n'y a pas d'intérêts au bout, cela ne donne rien.

Il faut donc donner de l'information aux gens. Il faut donc leur faire savoir qu'il y a des occasions à saisir et qu'il n'y a pas seulement l'intérêt à prendre en considération pour investir; il ne faut pas se contenter de faire simplement connaître l'existence du CELI. La plupart des gens connaissent les REER. C'est une question que je voulais porter à votre attention et sur laquelle j'aimerais bien connaître votre avis.

Le deuxième point concerne la dette des ménages. Selon moi, il y a la dette pour investir, comme l'achat d'une propriété. Je remarque que beaucoup de gens achètent des chalets. Voilà un secteur qui connaît une croissance énorme, et cette situation est peut-être attribuable aux gens de mon âge qui prennent leur retraite et qui ont deux maisons. Telle est la situation dans le Nord de la Saskatchewan. Le prix d'un terrain au bord d'un lac est passé de 100 000 $ à 500 000 $. Les gens s'endettent peut-être pour acheter des maisons plus grandes, un phénomène croissant, et il en va de même des dettes contractées par carte de crédit.

Faites-vous une différence? Nous avons deux types de dettes : premièrement, une personne peut utiliser une carte de crédit pour aller en vacance ou acheter des biens consommables qu'elle n'a pas les moyens de se permettre; ou, deuxièmement, une personne peut utiliser une carte de crédit pour acheter un bien.

M. Lefebvre : Nous parlions auparavant de bonnes dettes et de mauvaises dettes. Avions-nous raison d'utiliser ces termes? Je ne commencerai pas à débattre de cela. Toutefois, nous en sommes venus à croire que toutes les dettes hypothécaires étaient de bonnes dettes parce qu'elles s'appuyaient sur des biens. Toutefois, cela doit changer. Beaucoup de gens sont capables de faire la différence entre ce qui est une maison, ce qui est un logement résidentiel et ce qui devrait être un projet commercial. Globalement, lorsque les taux d'intérêt sont bas, tous les gens se perçoivent comme des investisseurs. Les gens s'endettent pour acquérir une maison de 500 000 $ ou d'un million de dollars. Or, une chose surviendra. Les taux d'intérêt augmenteront et alors, les gens seront doublement pénalisés. Du jour au lendemain, ils se trouveront avec une dette de 800 000 $ pour une maison qui en vaudra 775 000 $. C'est là que le défaut de paiement surviendra, quand les gens abandonneront leur maison. C'est là qu'est le problème, et c'est pourquoi nous devons enseigner aux Canadiens la différence entre des taux d'intérêt de 4 p. 100 et de 2 p. 100.

Le sénateur Tkachuk : C'est le double.

M. Lefebvre : Absolument.

Le sénateur Tkachuk : Les gens pensent que c'est 2 p. 100 de plus, mais c'est le double. Si le taux monte à 6 p. 100, c'est le triple. Quand une banque augmente son taux d'intérêt de 2 p. 100, elle le double, ce qui représente une augmentation de 100 p. 100.

M. Lefebvre : Le premier point que vous avez soulevé est semblable à ce que j'ai dit dans mon explication. Les investisseurs avertis savent que 2 p. 100 n'est pas un rendement énorme. Toutefois, le jeune moyen ne devrait pas se préoccuper de l'investissement même parce qu'il s'agit d'une économie. Même si le taux d'intérêt n'est que de 2 ou de 1 ou de 5 p. 100, le rendement n'est pas imposable. Il s'agit d'accumuler de la richesse, comme le sénateur Oliver l'a dit. Ce peut être 5 000 $ cette année et 10 000 $ l'an prochain, et des sommes qui continuent de s'additionner, mais les gens ne sont plus intéressés. Les jeunes ne font pas d'économies — les jeunes, pour moi, ce sont les gens de moins de 30 ans. Nous les avons habitués à se rendre à la banque pour emprunter l'argent en fonction des sommes qu'ils peuvent se permettre de payer à tous les mois. Ce n'est pas une attitude propice à l'économie, peu importe le taux d'intérêt. J'aimerais les voir investir et obtenir le crédit d'impôt. Même si les REER ne donnent rien en intérêt, il faut mettre de côté chaque année, à l'abri de l'impôt, 5 000 ou 10 000 $. Ces gens pourraient alors prendre une retraite relativement aisée, au lieu de mener les vies pour lesquelles nous les préparons dans une totale apathie.

Le sénateur Tkachuk : Ils ne devraient pas dépenser ce qu'ils ont mis à l'abri de l'impôt.

M. Lefebvre : Absolument, vous soulevez un bon point. Comment pouvons-nous leur enseigner cela? J'ai eu la chance de venir d'une famille où on a toujours parlé des finances. C'est bien pourquoi je suis comptable. Mes parents n'ont pas fait des tonnes d'argent, mais ils ne seront jamais à la charge du gouvernement. J'ai mené ma vie de la même manière. J'ai trois enfants dans la vingtaine qui ont maximisé leur contribution à des REER et à des CELI. On peut former les gens et les tenir responsables de leur comportement. Voilà ce que nous devons faire, si nous devons limiter leurs emprunts, faisons-le.

Le sénateur Tkachuk : Avez-vous des trousses d'information pour les écoles secondaires? Les provinces gèrent le système d'éducation. Je crois que des recherches ont montré que lorsque les jeunes quittent l'école secondaire, ils ne connaissent rien sur les investissements, la gestion d'entreprise ou le système capitaliste. Ils connaissent très bien le système socialiste, c'est un fait. Ils peuvent même avoir une certaine connaissance de l'histoire du communisme, mais pas de ses conséquences. Ils ne connaissent rien du régime du marché. Si vous le leur demandez, vous constaterez qu'ils ne le connaissent pas.

Je ne sais pas ce qu'on leur enseigne à l'université aujourd'hui, mais c'est bien différent de ce que j'y ai appris. Si les jeunes ne connaissent pas la différence entre une carte de crédit avec un taux d'intérêt à 5 p. 100 et une autre qui a un taux d'intérêt de 18 p. 100, la façon dont ils ont été élevés et ce qu'on leur a appris font gravement défaut. Ce n'est pas de la faute des banques si quelqu'un ne peut pas prendre une décision et connaître la différence.

C'est un gros problème, et j'en entends parler tout le temps. Personne ne semble prendre la responsabilité. C'est toujours de la faute des autres. Les personnes doivent être tenues responsables, c'est une question importante.

M. Lefebvre : C'est une responsabilité partagée. Il y a quatre ans, j'avais beaucoup plus tendance à tenir les consommateurs responsables. J'avais de l'ambition et je disais que nous allions tous les éduquer, continuer de rédiger des rapports et parler des CELI. Le fait est que cela est difficile à faire. Une génération passera entre les mailles du filet. Faisons en sorte que les jeunes apprennent ces notions à l'école pour qu'elles deviennent une seconde nature chez eux. Il s'agit de leur enseigner comment diviser le gâteau. Ils ont perdu le sens de tout cela parce qu'ils peuvent simplement aller à un guichet automatique, où, pensent-ils, ils peuvent retirer de l'argent sans fin. Lorsqu'ils entreront dans le vrai monde et qu'ils voudront emprunter 20 000 $, une banque pourra les convaincre d'emprunter 30 000 $. C'est ce qui nous arrive à nous, actuellement.

Comprenez-moi bien. Les banques sont fantastiques, mais elles sont ambitieuses et veulent augmenter leurs profits. Elles peuvent toujours faire des profits — je n'ai rien contre cela — mais elles ne devraient pas consentir de prêts aux jeunes. Tôt au tard, les banques en souffriront. Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, nous serons tous affectés par le ralentissement de la consommation, qui se produit déjà. Le PIB pourrait se retrouver dans le rouge encore une fois lorsque tout le monde appliquera les freins. Même aujourd'hui, nous sommes encouragés de voir que le crédit à la consommation a cessé d'augmenter, ce qui est fantastique. Toutefois, ce n'est pas que nous avons fait marche arrière; nous avons plutôt cessé d'accumuler au même rythme que le taux de croissance. Nous ne sommes pas sortis de l'auberge. Je suis désolé, monsieur le président.

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie de votre présence aujourd'hui. Notre travail consiste à recueillir les faits, puis à porter des jugements. Je regarde vos graphiques. La Banque du Canada produit des graphiques semblables. Je souscris à tous les commentaires que vous avez exprimés, de même qu'à ceux de mes collègues. Nous avons un grave problème d'endettement qu'il faut régler, et que nous avons étudié par le passé.

Je veux aussi m'assurer que nous comprenions bien les faits et que notre point de vue est mieux dosé. Le graphique dont vous parlez montre la dette divisée par le revenu, ce qui est une question de capital, qu'on appelle la dette, et une question de revenu, qui englobe tous les revenus. Un analyste financier utilise divers types d'analyses, et je ne suis convaincu qu'il s'agisse là de la meilleure. Hier, la Banque du Canada nous a présenté un rapport montrant que le revenu net d'un ménage canadien a augmenté de façon constante depuis 2006, y compris l'an dernier. Vous diriez qu'un élément important de cela, les trois quarts, ce sont les maisons. Les maisons sont-elles un bon investissement? Ce n'est pas mauvais, à mon avis. Le critère que j'utiliserais peut-être, comme nous le faisons pour les entreprises, est celui du revenu par rapport au revenu : le rapport entre le service de la dette et le revenu disponible, ce qui nous donne un élément de revenu divisé par un élément de revenu.

Statistique Canada a publié les résultats de deux enquêtes ce mois-ci. L'une d'elles porte sur le ratio service de la dette hypothécaire-revenu total. En examinant les données à partir de 1990, nous voyons qu'il y a eu une diminution de 6 à 4 p. 100. Bien qu'il y ait eu un léger sursaut au cours de la dernière ou des deux dernières années, où l'on observe une légère augmentation, d'immenses progrès ont été réalisés au cours des 20 dernières années. Le revenu utilisé pour le remboursement des hypothèques a enregistré une chute fantastique de 50 p. 100.

On pourrait avancer qu'il y a beaucoup d'autres types de dettes. Un autre graphique publié en juin 2001 au Canada montre le rapport entre le service de la dette totale, y compris la dette à la consommation et les hypothèques, et le revenu total. On note ici une régression, ce ratio passant de 14 p. 100 en 1990 à 8 p. 100 aujourd'hui. Encore une fois, il y a eu un léger sursaut en 2008 et 2009, mais la diminution a été constante.

Vous avez un ratio dette-revenu de 147 p. 100, mais je dirais que l'autre ratio est probablement plus pertinent. Vous payez des intérêts avec un revenu, et non avec d'autres dettes.

Le rapport que nous avons reçu hier de la Banque du Canada montre aussi une analyse de la sensibilité aux taux d'intérêt. Si les taux d'intérêt augmentent d'un demi-point, quelles sont les incidences? On note dans le rapport que l'impact est important. Votre analyse est aussi très importante, en particulier pour ce qui est de certains segments de notre population qui sont très vulnérables, comme les ménages à revenu unique. Selon le rapport, le taux de défaut de paiement augmentera si les taux d'intérêt augmentent. C'est un élément important, mais qui ne serait pas catastrophique pour le Canada.

Quel est le bon chiffre? Je ne crois pas que quelqu'un le connaisse. La bonne nouvelle, c'est que nous avons fait d'immenses progrès au cours des 20 dernières années, et le ratio revenu-service de la dette a diminué, y compris la dette à la consommation. Le ratio est-il trop élevé? Il est toujours trop élevé.

J'essaie de trouver un juste équilibre. Je ne suis pas alarmiste. J'aimerais que les Canadiens soient moins endettés et qu'ils soient mieux informés au sujet des niveaux des taux d'intérêt. Toutefois, si j'étais une personne passablement équilibrée, je ne serais pas effrayé en quittant la pièce, comme on pourrait l'être, selon le graphique qu'on regarde. Aimeriez-vous faire des commentaires à ce sujet?

M. Lefebvre : Nous étudions un grand nombre de ratios et de relations. Nous parlons du ratio dette-revenu parce que c'est celui que la majorité des gens comprennent le mieux.

Le sénateur Massicotte : Est-ce parce que c'est compliqué?

M. Lefebvre : Non, c'est plutôt simple, n'est-ce pas?

Autre chose dont nous devons tenir compte : comme nous le montrent un certain nombre d'indicateurs, en fait la plupart, même si les avoirs nets ont augmenté d'un pour cent au cours de la dernière année — et nous avons probablement entendu cette nouvelle encourageante hier —, n'oublions pas que l'indice des prix à la consommation, l'IPC, a augmenté de près de 3 p. 100. Par conséquent, nous ne suivons même pas le rythme de l'inflation.

Que ce soit nous ou quelqu'un d'autre qui produit ces graphiques — nous œuvrons tous dans ce milieu depuis longtemps —, les graphiques peuvent décrire n'importe quoi, pour dire franchement. Toutefois, si vous examinez tous les indicateurs, l'emploi traîne de l'arrière, par exemple. Nous avons des travailleurs découragés, et le taux de chômage n'est pas de 8 p. 100, mais bien de 11 p. 100. Il grimpe à près de 20 p. 100 chez les moins de 25 ans. Nous savons que les taux d'intérêt vont augmenter. Ils ne peuvent pas baisser. Toutes ces choses étant réunies, peu importe mes graphiques ou ceux d'un autre, c'est là la réalité. Votre approche est certes très avisée, et je suis d'accord pour dire qu'il n'y a pas de raison de s'alarmer. L'économie du Canada se porte bien, les banques se portent bien. Toutefois, ce sont les individus, les 50 p. 100 de la population moins bien nantie, qui seront affectés, et leur situation nous affectera aussi.

Je n'ai probablement pas répondu à votre question.

Le sénateur Massicotte : Je vous dis simplement ce que j'ai lu. Vous dites essentiellement que le critère revenu-revenu est le meilleur. Je suis d'accord avec vous. Les taux d'intérêt sont très bas. D'après ce que je vois, ils ne grimperont pas à 16 ou à 14 p. 100 comme ce fut le cas en 1991. Il est raisonnable de prévoir une légère hausse, mais ce ne sera pas de 3 ou de 4 p. 100. Je crois donc que le critère du revenu est le meilleur.

Vous dites que nous devons tenir compte d'autres facteurs économiques, comme le taux de chômage élevé, qui n'inclut pas l'autre forme de chômage. Encore une fois, je vous répondrais qu'au cours des 20 dernières années, en fait il y a six ou sept ans, le taux de chômage est resté figé à 10 p. 100 au Canada. Il s'agit du taux de chômage officiel; en utilisant le même argument, vous pourriez ajouter 5 p. 100. Si vous comparez des pommes avec des pommes, nous pourrions faire beaucoup mieux au Canada, mais je dirais que nous nous tirons assez bien d'affaire. En fait, le chômage est plutôt bas. Si vous le comparez à ceux de nos pairs, les États-Unis et l'Europe, nous nous tirons très bien d'affaire. Oui, je dirais qu'il y a quelques obstacles, mais la situation est plutôt bonne pour les Canadiens.

Je dirais, pour contrer l'approche alarmiste, que la situation n'est pas mauvaise. Nous avons de nombreux défis. Certes, les Canadiens ne sont pas bien éduqués en matière de finances, mais ils le sont certainement mieux qu'il y a 20 ans. Les choses s'améliorent. Bien sûr, certaines personnes sont au courant du communisme, mais ce n'est peut-être qu'en Saskatchewan puisqu'elles en ont fait l'expérience.

Je dirais que je suis préoccupé, que nous devons y voir et prêter attention à la situation, mais je dirais aussi que je suis bien plus inquiet d'une possible bulle immobilière, en particulier à Vancouver, en Colombie-Britannique. Je dirais que si la situation est bien gérée, nous faisons un assez bon travail. Continuons dans cette voie, et soyons responsables, mais n'allons pas crier que la maison est en feu. Voilà mes commentaires.

M. Lefebvre : Je suis d'accord avec vous.

Le président : Merci, sénateur Massicotte. Les questions semblent se faire rares ce matin. Chacun fait part de son opinion avec éloquence. Nous allons donner la parole au sénateur Smith et entendre ce qu'il a à dire.

Le sénateur L. Smith : Je ne vais pas prononcer de discours. J'aimerais que le témoin nous présente son palmarès. Mes enfants sont tous dans la vingtaine et la trentaine, et ils adorent les palmarès. Quels sont les cinq meilleurs messages qui seraient utiles à la société, à part épargner, épargner, épargner, épargner et épargner?

M. Lefebvre : Avant toute chose, il faut changer la culture, et cela suppose que les gens soient sensibilisés et informés en matière de finances. Certaines choses se font, mais il faut continuer. Il faut faire comprendre aux gens qu'ils sont responsables de leur planification financière et de leur endettement.

Ensuite, je songe aux possibilités que nous avons. J'ai beaucoup aimé les derniers commentaires qui ont été faits. Nous devons comprendre que notre économie se porte bien. Toutefois, il nous incombe de faire en sorte que les institutions financières se comportent différemment, peu importe ce que cela signifie. Il y a différentes choses. Nous avons parlé de deux ou trois modifications qui pourraient être apportées au système en ce qui a trait aux taux, à la somme d'argent pouvant être empruntée ou encore aux remboursements mensuels minimums. Ces changements mineurs peuvent être faits. Dans le même ordre d'idées, les banques devraient vendre des produits d'investissement ou en faire la promotion autant qu'elles le font pour les prêts. À mon avis, on y gagnerait. Si on crée ces environnements ou ces relations, les banques peuvent faire davantage d'argent. Je ne crois pas qu'elles seront perdantes si nous faisons ces choses. Elles feront tout simplement moins d'argent sur le dos des consommateurs.

La politique gouvernementale doit faire en sorte de créer des incitatifs favorisant les investissements des entreprises. C'est cet aspect de notre société qui fait présentement l'objet de critiques, parce que les investissements des entreprises constituent seulement 18 p. 100 du PIB. Je soutiens que les banques pourraient laisser les consommateurs tranquilles pendant quelques instants et nous pourrions consacrer toute notre attention aux entreprises, plutôt qu'aux individus ou aux contribuables.

Un certain nombre de stratégies peuvent être mises en branle. Je serais ravi de toutes les énoncer par écrit et les envoyer au greffier du comité, si cela peut être utile. Certaines sont plutôt complexes.

Le sénateur L. Smith : Voilà trois bonnes idées. En avez-vous deux de plus? Je demande toujours les cinq meilleurs éléments du palmarès.

M. Lefebvre : On en arrive à l'épargne. En ce qui a trait à l'accumulation de la richesse, il ne faut pas oublier que nous avons une obligation. Même si cela peut paraître banal, nous, les comptables et les gens qui font partie des comités comme le vôtre, devons apprendre aux gens comment accumuler de la richesse — les petites choses, les grands moyens. Chaque personne est un investisseur aujourd'hui. Tout le monde achète une maison aujourd'hui, parce que les taux d'intérêt sont bas, le voisin a acheté une maison et la banque prête de l'argent. Je ne blâme pas les banques ici. Les gens doivent assumer cette responsabilité et se demander s'ils ont les moyens d'acheter une maison de 600 000 $ à l'âge de 30 ans.

Songeons aussi à la location d'auto. Pour ceux d'entre nous qui ont un certain âge, je disais dans les années 1980 que la location d'automobiles n'aurait jamais de succès parce que c'était insensé. Aujourd'hui, c'est en louant une voiture que vous pouvez conduire une auto de 60 000 $ alors que vous pouvez vous permettre une auto de 40 000 $. Où est donc l'accumulation de la richesse ici? Les gens contractent des prêts de six ou sept ans pour une automobile. L'auto n'a plus de valeur depuis deux ans et est en train de rouiller dans la cour.

Je suis en faveur de toute mesure qui permettrait de corriger cette situation.

Le sénateur L. Smith : Voici un résumé de vos cinq messages : changer la culture; faire en sorte que les institutions financières agissent différemment; épargner au lieu de dépenser; adopter une politique gouvernementale stimulant l'investissement des entreprises; favoriser l'accumulation de la richesse; promouvoir une discipline individuelle. Nous pourrions ensuite transmettre les messages par ordre de priorité.

M. Lefebvre : Je vais vous citer, en fait.

Le sénateur L. Smith : Je ne voulais pas prononcer de discours.

Le président : Monsieur Lefebvre, on lit tous les jours dans les journaux que les économistes sont rongés par l'inquiétude : il y a un risque terrible que les consommateurs arrêtent de dépenser, ce qui ralentira l'économie. Devrait- on être critiques à leur endroit également? Devrait-on leur dire de se taire et de ne pas inciter les consommateurs à dépenser sans réfléchir?

M. Lefebvre : Chaque jour, on peut avoir tort ou raison à ce sujet. J'ai tendance à être d'accord avec ces économistes qui invitent à la prudence, en ce sens que nous nous réjouissons de voir que le crédit à la consommation est à la baisse, mais personne ne peut nous dire si c'est parce que nous agissons différemment ou parce que nous avons peut-être atteint notre niveau de saturation. C'est pourquoi les économistes disent, je pense, qu'il y aura un ralentissement. L'emploi tire de l'arrière. Il n'y a pas vraiment de moteur économique en marche présentement.

Le sénateur Moore : Merci, monsieur Lefebvre, d'être ici.

Pour améliorer la situation en ce qui a trait à la dette à la consommation, vous proposez d'augmenter les paiements mensuels minimums sur les cartes de crédit. Avant cela, vous avez dit aussi que seulement 23 p. 100 des hypothèques étaient détenues par des banques, et que les prêteurs hypothécaires privés détenaient les 77 p. 100 qui restent. Parmi les 23 p. 100 détenues par les banques, incluez-vous la Société canadienne d'hypothèques et de logement, la SCHL?

M. Lefebvre : Les prêts sont approuvés par la SCHL.

Le sénateur Moore : Pour améliorer la situation, vous ne dites rien à propos de l'augmentation de l'acompte minimal requis pour l'achat d'une maison. Mes parents m'ont appris qu'il fallait épargner et payer ce qu'on devait. Si vous deviez épargner 20 p. 100, c'est ce que vous faisiez avant d'acheter une maison et vous saviez à combien se chiffreraient les paiements. Je me rappelle — et le sénateur Oliver aura des souvenirs de la pratique du droit — des clients qui se présentaient et parlaient d'emprunter de l'argent sur une période de 25 ans. Ils montraient le tableau d'amortissement, et on leur suggérait de le faire sur 20 ans, ou encore 18 ou 19 ans. Il n'y a pas de baguette magique. C'est ce que la banque dit. Ils voient les économies qu'ils pourraient ainsi réaliser, des dizaines de milliers de dollars au fil des années, et malgré tout, ils ne le font pas. Pour une raison quelconque, même si les chiffres sont criants et que les économies sont là devant eux, ils s'en remettent encore au scénario de prêt que la banque leur conseille.

Je ne sais pas comment changer cette situation. Avez-vous réfléchi à la façon d'augmenter l'acompte minimal requis pour l'achat d'une maison?

M. Lefebvre : Nous n'avons pas fait de calculs pour déterminer quel serait le bon chiffre. Selon moi, le chiffre actuel est relativement bas, compte tenu du coût qu'il faut payer pour posséder une maison. Le seuil est bien bas pour entrer dans la danse.

Le sénateur Moore : C'est parfois 0 p. 100. Comment peut-on être fier d'être propriétaire, si on a peu d'argent et qu'on dit : « Je vais y voir, réparer ceci, améliorer cela »? Voilà un aspect important de l'incitatif individuel. Si vous êtes propriétaire d'une maison, vous devez l'entretenir, et ainsi de suite.

Comment faire? Vous avez parlé des pratiques de prêt des banques. Comment convaincre les gens que le fait de posséder une maison et d'accumuler une valeur nette est une bonne façon d'accumuler de la richesse? Ce n'est pas nécessairement avec un CELI ou un REER. C'est une bonne façon d'accumuler une valeur nette. Comment convaincre les gens de faire cela?

M. Lefebvre : Au Canada, nous reconnaissons généralement que la valeur nette d'une maison représente un marché très intéressant, et il ne faut pas le nier. Toutefois, bon nombre de Canadiens ne savent pas quels sont les coûts associés au fait de posséder une maison. Ils ne savent rien des frais de clôture et des choses de ce genre. Les jeunes propriétaires et les moins nantis perdent en fait de l'argent sur leur maison. Les gains d'argent sont attribuables à la plus-value.

Ce qui m'inquiète, c'est que lorsque les taux d'intérêt seront à la hausse, la plus-value ralentira; c'est inévitable. Si on ajoute à cela les nouvelles règles qui s'appliquent aux assurances hypothécaires, les maisons ne continueront pas à prendre de la plus-value.

Le sénateur Moore : La valeur ne peut pas continuer à augmenter.

M. Lefebvre : C'est ce qui est inquiétant. Je ne fais que remettre en question la sagesse populaire voulant qu'il faille toujours miser sur la valeur nette d'une maison.

Le sénateur Moore : Soixante-dix-sept pour cent des hypothèques sont détenues par des prêteurs hypothécaires privés. Sont-ils assujettis à certaines règles pour ce qui est du taux d'intérêt, de l'acompte minimal et des périodes d'amortissement?

M. Lefebvre : Nous n'avons pas examiné cet aspect.

Le sénateur Moore : C'est une grande portion, puisque 77 p. 100 des hypothèques sont détenues par des intérêts privés.

Le sénateur Massicotte : Je présume que 80 p. 100 de ces prêts sont assurés par la SCHL.

M. Lefebvre : En fait, 23 p. 100 des prêts hypothécaires inclus dans ce nombre sont assurés par la SCHL. Certains pourraient ne pas être admissibles, et certains autres pourraient avoir été consentis par l'entremise d'autres établissements de crédit privés qui n'ont pas accès à l'assurance. Je disais que 23 p. 100 étaient approuvés par la SCHL.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : D'abord, j'aimerais vous féliciter et vous remercier pour le rapport que vous avez produit. Je crois qu'il ne vise pas que nous, mais tous les Canadiens.

Je vais vous faire un peu de publicité en disant que les gens peuvent avoir accès à ce rapport sur votre site web. Tous les Canadiens qui nous écoutent, peut-être aujourd'hui, peuvent avoir accès au même rapport. Nous discutons avec vous, mais la raison principale pour laquelle nous vous avons invité, c'est le rapport et les efforts que votre firme a faits. Au bout du compte, cela sert tous les Canadiens.

Cela dit, quand vous parlez d'éducation, par qui devrait-on commencer, selon vous, les parents qui n'ont pas éduqué les enfants ou les enfants parce qu'on a perdu les parents? Au Québec, tout le monde connaît l'institution quasi religieuse que sont les Caisses Desjardins. Je me souviens que mes enfants et moi, on avait notre petit carnet pour déposer 50 sous par semaine lorsqu'on allait à l'école. À partir du primaire, nous avons commencé à apprendre comment mettre des sous de côté. À la fin du primaire, nous montions au secondaire, on changeait de place et on déposait ailleurs.

Aujourd'hui, je pense que mes petits-enfants n'ont jamais entendu parler de cette activité. À 15 ans, ils en sont à leur troisième téléphone cellulaire parce qu'ils n'ont qu'à demander aux parents et les parents achètent des téléphones cellulaires sur des plans de trois ans, ils sont engagés et tout.

Comment éduque-t-on la population? Quels sont les moyens, les mécanismes? Un article de la Loi sur les banques impose une responsabilité sociale aux banques et les force à investir une partie de leurs profits. Maintenant qu'ils ont pleine responsabilité, ils doivent faire rapport chaque année. Seriez-vous enclin à ce qu'une partie de ces profits soit versée dans une fondation dont le seul rôle serait d'éduquer les Canadiens sur l'économie, sur son mode de fonctionnement? Comme ce sont les banques qui fournissent les cartes de crédit comme des jeux de cartes ou les offrent comme des surprises dans les boîtes de céréales, je ne me fierais pas à elles pour le faire, mais si cette charge revenait à une fondation qui pourrait disposer d'un montant très substantiel, j'y verrais là une forme de solution. On parle de plusieurs millions de dollars et, tout compte fait, une bonne partie du problème trouve son origine dans le fait que les banques ont rendu le crédit si facilement accessible à tout le monde. J'y verrais une forme d'équilibre entre la possibilité d'offrir du crédit et la possibilité d'éduquer la population.

Ma suggestion vous semble-t-elle intéressante ou avez-vous d'autres idées?

Il me semble que c'est fondamental. Ma collègue a parlé de marketing, mais tous les efforts de marketing ont pour but de nous faire acheter quelque chose. Alors résultat — ma collègue n'est peut-être pas au courant —, on est rendu à 29,9 p. 100 de taux d'intérêt pour les cartes de crédit de La Baie, par exemple. Je vous dis cela parce que j'ai reçu un avis d'augmentation de 1 p. 100 encore dernièrement. On a intérêt à payer notre compte, je vous assure!

Il faut savoir que tous les grands magasins qui offrent ces cartes — cartes qui sont dans les mains d'une autre société — sont payés automatiquement. Quelle que soit la chose que j'achète, eux reçoivent le paiement et c'est une autre société qui a la carte.

Le président : Et le risque.

Le sénateur Hervieux-Payette : Et le risque, oui. Il y a plusieurs joueurs. C'est le secteur financier qui, en fin de compte, est celui qui gère toute cette question de dette et d'endettement.

Avez-vous d'autres modèles ou êtes-vous prêt à réfléchir là-dessus et à nous revenir avec des propositions? Moi, je suggérerais deux niveaux : parent et enfant. Il faut commencer jeune. On n'éduque pas les enfants de la même manière que les parents. On pourrait utiliser Internet aussi. Je ne sais pas, c'est une suggestion. On est ici pour tenter de trouver des solutions. D'ailleurs, dans ce cas-ci, je ne crois pas que le gouvernement ait à intervenir, je crois que la responsabilité doit être prise par le secteur qui doit faire la part entre faire de l'argent et éduquer.

M. Lefebvre : On ne s'est pas penché sur la question de fondation ou quoi que ce soit, mais de la façon dont vous l'expliquez, on soutiendrait une telle approche.

Comme je l'ai mentionné plus tôt, je ne suis pas certain qu'on puisse changer une certaine génération. Il ne faudrait pas forcer les banques à investir trop. Possiblement, c'est de faire les choses simples; une fois par année ou tous les six mois, ils seraient responsables — obligés c'est peut-être fort, mais responsables — d'offrir des colloques, des conférences. Ils en font au Québec. Dans les autres provinces, ils en font moins.

Je crois également qu'il faut s'assurer que ce soit établi dans les curriculums des écoles primaires. Au Québec, dernièrement, je crois qu'il y a 5 000 étudiants qui ont été inscrits dans un programme. La seule raison pour laquelle on est au courant de cela, c'est parce qu'ils se sont fiés à notre rapport de l'année passée pour bâtir le scénario du cours.

Donc, on verrait bien cela dans les curriculums des écoles primaires, mais tout ce que les banques peuvent faire pour responsabiliser les gens, je ne peux pas être en désaccord.

[Traduction]

Le sénateur Moore : En répondant au sénateur Smith, vous avez dit que la culture devait être changée. Nous voyons à la télévision de la publicité sur les meubles, les automobiles, et cetera. On ne parle pas des moyens qu'il faut pour acheter, posséder et accumuler une valeur nette; on parle plutôt de ce que sont les coûts mensuels.

Voilà la culture des jeunes. Je connais des concessionnaires d'automobiles qui sont étonnés des prêts que les jeunes contractent. Ils ne pensent pas au fait qu'en louant une voiture, ils n'en seront pas les propriétaires. Ils devront tout de même l'assurer et payer bien d'autres choses en plus de la location ou de l'achat.

Je ne sais pas comment on peut éduquer les gens à ce sujet, mais c'est très préoccupant.

Le président : Ce sont là d'importants enjeux de société. Merci, monsieur Lefebvre, et merci à l'Association des comptables généraux accrédités du Canada d'avoir mis ces enjeux en lumière. Vous n'avez peut-être pas de solution instantanée, mais vous nous faites réfléchir aux problèmes. Je sais que mes collègues y penseront durant leurs vacances d'été. Il s'agit de notre dernière séance, je crois, avant la pause estivale, alors je pense que nous pouvons dire que nous terminons sur une excellente note.

J'aimerais remercier la vice-présidente, le sénateur Hervieux-Payette.

[Français]

J'aimerais remercier le sénateur Hervieux-Payette de nous avoir suggéré votre présence ici ce matin. Nous avons eu une discussion fructueuse et intéressante, grâce à vous. Si vous avez des commentaires additionnels à nous fournir, n'hésitez pas à envoyer un mot à la greffière.

M. Lefebvre : Je vous remercie pour votre attention. Ce fut un grand plaisir d'être ici ce matin.

(La séance est levée.)


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