Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 3 - Témoignages du 26 octobre 2011
OTTAWA, le mercredi 26 octobre 2011
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 16 h 18, pour examiner la situation actuelle du régime financier canadien et international (sujet : Le financement de la croissance des PME).
Le sénateur Michael A. Meighen (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour, collègues. Je déclare ouverte la présente séance du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Je suis le sénateur Michael Meighen, et j'ai le plaisir d'occuper la fonction de président du comité. Monsieur Cumming, est-ce que vous m'entendez bien?
Douglas Cumming, professeur, Schulich School of Business, Université York, à titre personnel : Oui. Et vous, m'entendez-vous?
Le président : Oui. Je signale à tous les membres que le son est légèrement décalé par rapport à l'image. Je suis certain que nous nous habituerons rapidement à cela.
Le président : Pouvez-vous nous voir, monsieur Cumming?
M. Cumming : Oui.
Le président : Dans ce cas, nous devons bien nous conduire.
Bienvenue à la séance. Je vais tout d'abord vous présenter les sénateurs ici présents. La vice-présidente du comité, le sénateur Hervieux-Payette, du Québec, ne peut malheureusement pas être parmi nous. Cependant, des représentants de toutes les régions du pays sont présents : le sénateur Gerstein, de l'Ontario; le sénateur Larry Smith, du Québec; le sénateur Greene, de la Nouvelle-Écosse; le sénateur Oliver, de la Nouvelle-Écosse; le sénateur Harb, de l'Ontario; le sénateur Ringuette, du Nouveau-Brunswick; le sénateur Moore, de la Nouvelle-Écosse; le sénateur Stewart Olsen, du Nouveau- Brunswick; enfin, le sénateur Massicotte, du Québec.
Je remarque que le taux de présence est bon aujourd'hui. Nous sommes tous intéressés à entendre vos points de vue.
Je devrais mentionner, à l'intention des personnes qui suivent nos débats sur CPAC ou sur Internet, que nous poursuivons notre étude sur le financement de la croissance des PME. Comme je l'ai indiqué, nous accueillons aujourd'hui M. Douglas Cumming, professeur à la Schulich School of Business de l'Université York, qui participera à la première partie de la séance par vidéoconférence.
Avez-vous une déclaration préliminaire à présenter?
M. Cumming : Merci. Je suis professeur, et titulaire de la chaire de recherche de l'Ontario à la Schulich School of Business de l'Université York. Je donne des cours sur le capital-investissement et le capital de risque dans le cadre des programmes de maîtrise en administration des affaires et de maîtrise en finances, et je supervise des étudiants au doctorat qui préparent une thèse sur ce sujet.
J'enseigne à l'Université York depuis 2007, et j'ai enseigné auparavant dans des université des États-Unis, du Royaume-Uni, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Australie. En outre, dans bon nombre de ces pays, j'ai travaillé comme consultant, dans le secteur tant public que privé.
La plupart de mes travaux portent sur le capital-investissement et le capital de risque, mais j'ai mené également quelques études sur les banques et d'autres aspects du secteur des finances, en majeure partie sur l'entrepreneuriat. Il s'agit de la deuxième fois que je me présente devant le comité — la première fois, le débat portait sur la Banque de développement du Canada. Je vous sais gré de me donner l'occasion de prendre de nouveau la parole devant vous.
Le président : Nous nous excusons du court préavis. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir accepté notre invitation. Si vous avez d'autres observations à formuler, veuillez le faire.
M. Cumming : Je me suis dit que nous pourrions discuter de ce qui se passe aujourd'hui au Canada sur le plan du capital de risque, de choses ayant trait aux crédits d'impôt consentis aux investisseurs providentiels, et peut-être aussi de questions liées aux centres d'innovation financés par l'État au Canada et dans d'autres pays. Il s'agit là de sujets qui, à mon avis, pourraient présenter un intérêt, mais je suis disposé à discuter de tout autre sujet plus pertinent aux fins de votre étude.
Le président : Je suis certain que les sénateurs auront de nombreuses questions à vous poser. Avant de dresser la liste des intervenants et de leur céder la parole, j'aimerais vous poser une question. En ce qui concerne les mesures prises pour encourager le financement des petites et moyennes entreprises, allons-nous dans la bonne direction au Canada?
M. Cumming : C'est une question à laquelle il est difficile de répondre. Pour trouver la réponse, la meilleure méthode consiste à tenir compte du contexte historique. Pendant de nombreuses années, le marché canadien du capital de risque a présenté un caractère insolite — la principale source de financement des sociétés de capital de risque étaient des fonds de capital de risque de travailleurs, à savoir, pour l'essentiel, des fonds communs de placement créés pour financer les petites entreprises privées dans lesquelles les sociétés de capital de risque refusaient habituellement d'investir. Les fonds de travailleurs sont constitués comme des fonds de détail; ceux qui investissent dans ces fonds sont non pas des investisseurs institutionnels comme des fonds de pension, des fondations, des sociétés d'assurances ou d'autres grandes institutions, mais des investisseurs comme vous et moi — ils cotisent à ces fonds, puis les gestionnaires de fonds professionnels investissent l'argent pour leur compte.
En échange de leur contribution, ces investisseurs particuliers — vous et moi — reçoivent des crédits d'impôt qui réduisent considérablement le montant de l'impôt qu'ils doivent payer, car il s'agit de placements admissibles dans un REER. Par exemple, si votre revenu annuel est de plus de 100 000 $, sur un placement de 5 000 $, votre coût après impôt s'élèverait à environ 1 300 $. D'un point de vue fiscal, les fonds de travailleurs étaient attrayants pour les particuliers. Par conséquent, les fonds de travailleurs qui ont été constitués au Québec en 1983 ou à peu près — et dans la plupart des autres provinces à la fin des années 1980 et au début des années 1990, sauf en Alberta et à Terre-Neuve — sont devenus très importants. Au début des années 2000 environ, ces fonds représentaient le principal acteur du marché du capital de risque au Canada. Leur croissance a été surprenante par rapport à leur rendement.
J'ai examiné le rendement de ces fonds en remontant jusqu'au début des années 1990. En substance, si vous avez investi un dollar dans un fonds de travailleurs en 1990, aujourd'hui, ce placement vaudrait environ un dollar. Dans les faits, le taux de rentabilité économique s'est révélé nul. Au cours de la période en question, le seul moment où les fonds ont affiché un taux de rendement excédant l'indice des bons du Trésor à 30 jours, c'était lorsque la bulle Internet a atteint son point culminant — le taux de rendement a alors tout juste dépassé l'indice pendant deux ou trois trimestres, avant de chuter et de redevenir à peu près nul.
Le programme coûte très cher, car on privilégie habituellement les programmes qui présentent un taux de rentabilité économique. Si l'on retire l'incitatif fiscal, une valeur est quand même créée, ce qui n'est pas le cas avec les fonds de travailleurs. Cette circonstance historique, qui explique la situation actuelle du marché canadien du capital de risque, montre que ce marché a été insolite par rapport à celui de la plupart des pays du monde, qui ne disposent pas de tels fonds de capital de risque de détail. Quant aux pays où l'on trouve de tels fonds, ceux-ci n'occupent certainement pas une place aussi importante que celle qu'ils occupent au Canada.
C'est en Ontario que des changements sont survenus au cours des dernières années. En 2005, l'Ontario a annoncé la suppression progressive des fonds de capital de risque de travailleurs de détail. Nous sommes à présent en 2011; la suppression devait se dérouler sur un certain nombre d'années. Dans un premier temps, elle était prévue pour 2010, mais elle a été reportée par suite des pressions exercées par des groupes de gestionnaires de fonds dont le gagne-pain dépend de l'existence du crédit d'impôt accordé à cette industrie. Les groupes de pression ont réussi à faire reporter cette suppression, et nous sommes à présent en période de transition. Pour bien comprendre ces entreprises à forte croissance que nous connaissons et aimons en Ontario et dans le reste du Canada — et comprendre la situation générale en matière de financement —, il faut savoir que les fonds de travailleurs jouent toujours un rôle de premier plan dans les autres administrations, particulièrement au Québec, mais que, en Ontario, on se trouve essentiellement dans une période de transition où les fonds évoluent vers d'autres entités, et où le gouvernement de l'Ontario a de nouveau mis en œuvre d'autres incitatifs pour soutenir le capital de risque, et ce, par le truchement de trois programmes : un fonds de promotion de l'innovation; le Fonds ontarien de capital-risque, dont la valeur s'élève à environ 500 millions de dollars; et le Fonds ontarien de développement des technologies émergentes, lequel a investi directement environ 200 millions de dollars pour financer la croissance d'entreprises ontariennes.
Il y a un autre élément sur lequel j'aimerais insister pour donner une idée de la situation qui règne sur le marché canadien du capital de risque par rapport à celle d'autres pays. Au Canada, on compte actuellement environ 2 000 fonds de travailleurs, lesquels représentent à peu près la moitié du marché; à une certaine époque, un peu plus de la moitié du capital sous gestion se trouvait dans des fonds de travailleurs — à l'heure actuelle, cette proportion est de 20 à 25 p. 100 environ. Cette proportion demeure supérieure à celle des fonds privés indépendants de capital-risque, ou, si vous préférez, ceux que nous connaissons et aimons.
Les bons fonds de capital-risque célèbres qui ont financé des entreprises devenues par la suite extrêmement prospères, qui ont fait fureur sur le plan de l'innovation, de la R-D, qui ont créé des emplois et tout le reste, sont habituellement des fonds privés créés sur le modèle des sociétés en commandite. Ces fonds ont financé bon nombre des entreprises qui font partie de notre quotidien — Facebook, Google, Apple, et cetera. La place qu'occupent les entreprises de ce genre — les entreprises que nous connaissons et aimons — n'est pas aussi importante que celle qu'occupent les fonds de travailleurs au Canada, et ce, encore aujourd'hui.
Si on examine ce qui s'est passé, d'une année à l'autre, au cours de la dernière décennie, on constate que de 20 à 50 p. 100 de la valeur des transactions provient des États-Unis. Les investisseurs étrangers occupent une place importante au Canada, car ils investissent au pays depuis l'étranger.
Il s'agit là de quelques caractéristiques peu communes du financement des entrepreneurs à forte croissance au Canada, et de la situation actuelle dans ce secteur. En Ontario, où un programme est remplacé par un autre, on se trouve en quelque sorte dans une période de transition. Les autres provinces ne se sont pas engagées dans la même voie.
Le président : Ces explications sont très utiles. Si vous le permettez, j'aimerais vous demander votre point de vue sur ce que j'estime être l'une des idées maîtresses du rapport Jenkins, à savoir que le financement direct semble être préféré aux crédits d'impôt, et que le programme de crédits d'impôt n'a pas très bien fonctionné. J'aimerais que vous nous présentiez votre point de vue à ce sujet un peu plus tard; pour l'instant, je vais laisser la parole aux sénateurs qui figurent sur ma liste.
Le sénateur Massicotte : Nous mettons en grande partie l'accent sur les petites et moyennes entreprises, et sur la question de savoir pourquoi la croissance n'est pas énorme dans le secteur de l'innovation. Je me demande pourquoi le Canada a pris du retard en matière d'innovation — avec la grande importance accordée au financement.
D'après les données dont nous disposons à ce jour, au cours des cinq dernières années, les investissements en capital de risque dans les PME ont essentiellement cessé, car elles ne font pas d'argent. En fait, au cours des trois à cinq dernières années, le rendement du capital investi dans les PME est nul. Le marché regorge de capitaux; il n'y a aucune pénurie de capitaux. Je ne suis donc pas inquiet en ce qui concerne les sources de capitaux. Je suis convaincu que le problème se réglerait immédiatement si l'on constatait que ces entreprises font des profits ou pourraient en faire — il s'agit de ma brève analyse personnelle.
Pourquoi le secteur n'est-il pas rentable? Vous avez déjà répondu à cette question devant le comité. Est-ce parce qu'il existe une foule de structures compliquées, engendrées par des incitatifs fiscaux, et que, par conséquent, les capitaux bon marché faussent les règles normales du marché qui permettent les gains en capital? Tous les fonds de capital-risque ont disparu du Canada, qui n'est plus un pays intéressant pour eux, car ils n'y font pas le moindre dollar. Est-ce la raison? Pourquoi notre marché présente-t-il une telle distorsion, et que devons-nous faire pour corriger la situation?
M. Cumming : Vous avez mentionné un certain nombre d'éléments.
Vous avez avancé que les capitaux bon marché — par le truchement, disons, des fonds de travailleurs — avaient peut- être pour effet de faire monter les cours de négociation et de faire baisser les taux de rendement en rendant le marché indûment concurrentiel pour les fonds privés indépendants n'ayant pas accès aux crédits d'impôt dont profitent les fonds de travailleurs. Quelques-uns de mes travaux soutiennent assurément un tel point de vue.
Cependant, de façon plus générale, si nous examinons ce qui s'est passé sur le marché américain du capital de risque au cours de la dernière décennie — à la suite de l'éclatement de la bulle Internet en 2000 et des changements survenus subséquemment sur le plan législatif, plus particulièrement l'adoption de la loi Sarbanes-Oxley —, on constate que, en moyenne, les fonds américains de capital-risque n'ont pas obtenu de très bons résultats — le rendement a été particulièrement faible dans ce secteur. J'insiste sur le fait qu'il s'agit d'une moyenne — en moyenne, l'indice de rendement n'a pas été très bon.
Si l'on examine les choses de plus près, on remarque qu'il y a un écart considérable entre les fonds du quart supérieur et ceux du quart inférieur. En jargon universitaire — langage que je n'aime pas employer —, on parle de « persistance du rendement ». Il s'agit d'une notion qui est aussi couramment utilisée dans l'industrie.
Pour illustrer mon propos, je vais vous dire ce qui suit : le rendement affiché l'an dernier par les meilleurs fonds communs de placement est un très mauvais indicateur du rendement qu'il affichera cette année. La persistance du rendement est très faible dans le secteur des fonds communs de placement, alors qu'elle est extrêmement marquée dans le secteur du capital-risque, où la meilleure façon de savoir qui fera de l'argent l'an prochain consiste à examiner qui a fait de l'argent au cours des quelques dernières années. Les fonds du quart supérieur se portent très bien, et se portent régulièrement très bien.
Un exemple notoire de cela est Kleiner Perkins, un fonds de la Silicon Valley qui existe depuis les années 1970. Kleiner Perkins est un gestionnaire de fonds qui a créé une multitude de fonds au fil des ans — je pense qu'il en possède à peu près 15 à l'heure actuelle. Kleiner Perkins affiche invariablement un meilleur rendement que la moyenne des fonds; de même, les gestionnaires de fonds du quart inférieur perdent invariablement de l'argent.
Il s'agit là d'une caractéristique inhabituelle du capital de risque. Il est difficile d'établir le rendement moyen de l'industrie. Certains fonds font invariablement de l'argent, et d'autres en perdent invariablement. Il s'agit du premier aspect.
Le dernier aspect qui est assez insolite, et concerne quelque chose, qui, à mes yeux, présente un grand intérêt pour le comité, est le suivant. En ce qui a trait au rendement dans le secteur du capital de risque, quelques changements sont survenus aux États-Unis au cours des dix dernières années; des modifications sur le plan législatif — par exemple l'adoption de la loi Sarbanes-Oxley — et d'autres éléments ont fait qu'il est beaucoup plus difficile de faire un appel public à l'épargne.
Les sociétés de capital de risque investissent dans des petites entreprises, souvent pour une période de trois à cinq ans, dans l'espoir de réaliser un gain en capital par la vente de cette entreprise — au départ, il s'agit d'une petite entreprise, mais elle est devenue importante, et on la vend à quelqu'un d'autre. Il pourrait s'agir d'une vente- acquisition, par exemple, si nous investissons dans Skype et revendons cette entreprise à eBay. Une grande entreprise en rachète une autre, et les investisseurs obtiennent un taux de rendement élevé. Le taux de rendement ne découle pas de dividendes sur le capital investi ou de l'intérêt sur un prêt — il découle du gain en capital, de sorte que vous devez obtenir des résultats de sortie viables.
Aux États-Unis, avant 2002, l'entreprise moyenne qui pouvait faire un appel public à l'épargne disposait d'une capitalisation de 100 à 200 millions de dollars. Une telle entreprise était suffisamment importante pour être inscrite au NASDAQ, voire même à la Bourse de New York. Cette entreprise faisait un appel public à l'épargne, et offrait aux investisseurs un excellent taux de rendement.
À présent, la situation est bien différente. Une entreprise doit disposer d'une capitalisation bien supérieure à 100 ou 200 millions de dollars pour qu'il soit rentable, pour un courtier en valeurs mobilières et d'autres intervenants de l'industrie, de faire un appel public à l'épargne. On estime actuellement que, pour faire un appel public à l'épargne, une entreprise doit disposer d'une capitalisation d'environ un milliard de dollars. Cela modifie considérablement la nature de l'investissement en capital de risque. Il est très rare qu'une entreprise naissante — lancée par deux personnes dans un garage, par exemple Apple — obtienne du capital de risque et devienne, de trois à cinq ans plus tard, une entreprise d'une valeur de un milliard de dollars. Il existe quelques exemples bien connus à cet égard, par exemple Facebook ou LinkedIn, dont les médias ont récemment fait état. Il s'agit là d'entreprises soutenues par du capital de risque, et qui feront vraisemblablement très bientôt un appel public à l'épargne. La valeur de telles entreprises dépasse le milliard de dollars. La capitalisation dont doit généralement disposer une entreprise souhaitant faire un appel public à l'épargne est beaucoup plus élevée qu'elle ne l'était auparavant. Vous disposez de quelques bons exemples, mais il ne s'agit pas là d'entreprises qui s'introduisaient habituellement en bourse dans le passé. Cela complique davantage les choses pour l'industrie américaine du capital de risque — entre autres, les normes liées à l'inscription en bourse sont beaucoup plus élevées et beaucoup plus complexes qu'elles ne le sont au Canada dans le même contexte, et il y a d'autres exigences législatives à respecter.
Quelle est la situation au Canada en comparaison de celle qui règne aux États-Unis? Les normes liées à l'inscription en bourse sont beaucoup moins élevées. Pour vous donner une idée générale de la situation, je peux mentionner que les normes d'inscription à la Bourse de Toronto sont environ 50 p. 100 moins élevées que celles du NASDAQ. Les normes d'inscription sont encore moins élevées pour ce qui est de la Bourse de croissance TSX.
Le président : Pour le bénéfice de nos auditeurs qui ne connaissent peut-être pas ce que l'on entend par « normes d'inscription », pourriez-vous expliquer brièvement de quoi il s'agit? S'agit-il d'une valeur de contrôle?
M. Cumming : Tout à fait. Les entreprises ne peuvent pas toutes s'inscrire à la bourse. Les bourses exigent que les entreprises respectent des exigences minimales de qualité avant de laisser les investisseurs échanger des actions sur leur titre. Pour acheter et vendre des actions par l'entremise d'une bourse, une entreprise doit respecter des normes minimales de qualité. Selon la bourse, ces normes pourraient être liées à la capitalisation boursière, à l'ampleur de l'investissement ou à l'ampleur de l'entreprise, c'est-à-dire à l'ensemble de ses actions en circulation. La bourse peut également imposer des exigences en ce qui concerne les recettes ou la rentabilité de l'entreprise, ce genre de choses.
Les normes d'inscription et les exceptions sont parfois vagues, mais en gros, on peut affirmer que les normes d'inscription de la Bourse de New York sont à peu près deux fois plus élevées que celles du NASDAQ, lesquelles sont environ deux fois plus élevées que celles de la Bourse de Toronto, lesquelles, à leur tour, sont nettement supérieures à celles de la Bourse de croissance TSX — deux fois plus élevées, voire davantage. Cette dernière a été créée de façon à faire concurrence aux sociétés habituelles de capital-risque; celles-ci, qui financent des entreprises à faible croissance, se trouvent plus ou moins sur le même marché que les entreprises pouvant envisager de s'inscrire à une bourse — du moins à la Bourse de croissance TSX — et amassent des fonds de cette manière. Les normes d'inscription sont très peu élevées, et il y a un nombre inhabituellement élevé d'introductions indirectes en bourse, de sorte qu'on pourrait parler d'une sorte de situation d'arbitrage réglementaire, où les entreprises peuvent s'inscrire elles-mêmes à une bourse. Il est possible d'inscrire en bourse une société fictive; ensuite, la société fictive investit dans une entreprise privée, de sorte que celle-ci se voit inscrite avant même que sa nature ait été divulguée. En d'autres termes, il s'agit de ce que l'on désigne sous le nom de « fusions inversées » — elles rendent encore plus facile l'inscription en bourse.
On a découvert que les normes d'inscription très peu rigoureuses qui sont en vigueur au Canada avaient notamment la conséquence suivante : on possède une très faible assurance — voire aucune — en ce qui concerne la qualité des entreprises. Le signal qu'envoie une bourse canadienne aux investisseurs quant à la qualité d'une entreprise a beaucoup moins de valeur que celui qu'envoie une bourse d'un autre pays; par conséquent, la valeur de ces entreprises est beaucoup moins élevée. Au Canada, les possibilités de sortie des investisseurs en capital-risque sont sans doute réduites, dans la mesure où, en raison des normes d'inscription moins élevées, les résultats de sortie découlant d'un appel public à l'épargne sont moins attrayants qu'ils ne peuvent l'être dans d'autres pays.
Le président : Monsieur Cumming, je suis conscient du fait qu'il s'agit d'un sujet complexe aux nombreuses nuances, et qu'il est difficile de répondre brièvement à des questions sur un tel sujet, mais tâchons de faire en sorte que nos questions et nos réponses soient le plus brèves possible.
Le sénateur Massicotte : On parle d'une pénurie de capital de risque. On nous dit que cela est attribuable à l'insuffisance des profits. Êtes-vous en train de dire que l'on pourrait régler le problème en éliminant les fonds de travailleurs?
M. Cumming : À mon avis, la transition est lente et ardue lorsque la richesse détruit la réglementation. Il ne s'agit pas d'une solution miracle, mais il s'agit d'une mesure très importante et nécessaire pour venir en aide au marché du capital de risque. À mes yeux, on n'a aucun avantage à conserver ce programme, et je félicite l'Ontario d'avoir procédé à ce changement.
Le sénateur Harb : Merci beaucoup. J'ai deux ou trois questions à vous poser. Comme le président l'a indiqué, nous sommes à la recherche de recommandations précises que nous pourrions formuler à l'intention du gouvernement. Celui-ci peut adopter des lois ou modifier la réglementation de manière à ce que nous puissions encourager un plus grand nombre de personnes et d'entités à investir en capital de risque.
Est-ce que vous — ou certains de vos étudiants — avez mené une étude portant sur quelques-unes des pratiques exemplaires en vigueur à l'échelle internationale? Quelles sont ces pratiques? Quelles sont celles qui fonctionnent, et quelles sont celles qui ne fonctionnent pas? Si vous êtes intéressé à nous communiquer des études menées par l'un de vos étudiants à la maîtrise ou au doctorat, cela pourrait être grandement utile.
M. Cumming : Tout à fait. J'ai consacré la majeure partie des 12 dernières années environ à des recherches sur cette question. J'ai examiné des données provenant de plus de 40 pays. En résumé, le problème qui se pose habituellement tient à ce qu'il est très difficile de mettre en place des programmes d'investissement direct sans causer de distorsion. J'estime que les fonds de travailleurs appartiennent à cette catégorie, même s'il s'agit de programmes d'investissement direct financés par les contribuables; un type de fonds obtient ce qu'un autre type n'obtient pas. Il s'agit là d'un programme qui a causé d'énormes distorsions. De façon générale, les programmes d'investissement direct mis en place dans d'autres pays n'ont pas donné les résultats que l'on espérait obtenir au moment de leur mise en place.
En revanche, les données recueillies à l'échelle internationale montrent que des mesures simples comme la diminution de l'impôt sur les gains en capital ont été extrêmement efficaces pour stimuler le capital de risque dans divers pays. Une kyrielle d'études — dont quelques-unes ont été menées par moi — montrent sans équivoque que de telles mesures ont énormément aidé le secteur du capital de risque. Une diminution considérable de l'impôt sur les gains en capital a même contribué à la naissance de l'industrie moderne du capital de risque des États-Unis. Les mesures de ce genre ont tendance à être beaucoup plus efficaces et plus simples que la création de programmes d'investissements conçus pour aider les entreprises.
Je suis conscient des contraintes de temps, mais j'aimerais ajouter une exception, à savoir la tendance récente des décideurs du secteur public à créer des centres d'innovation. Je pourrais mentionner, par exemple, le centre MaRS, situé au centre-ville de Toronto, et l'Innovation Synergy Centre, situé à Markham. D'après les données dont nous disposons, les centres d'innovation ont tendance à présenter une importante valeur ajoutée. Cela dit, je suis un spécialiste des données, et je dois donc formuler la réserve suivante : je constate que très peu de données sont disponibles, à ce jour, à propos de ces centres. Cela dit, les données disponibles appuient fortement l'opinion selon laquelle ces programmes fonctionnent bien.
Le sénateur Harb : Je crois comprendre que vous êtes disposé à communiquer au comité tout renseignement dont vous disposez et des recommandations spécifiques découlant de l'examen des pratiques exemplaires que vous avez effectué.
M. Cumming : Je serai très heureux de vous communiquer des études à ce sujet. Là encore, il ne s'agit que de travaux de nature empirique. Je n'aime pas faire des affirmations qui ne sont pas soutenues par des données.
Le sénateur Moore : Un peu plus tôt, vous avez mentionné la forte présence d'investisseurs étrangers en capital-risque au Canada, particulièrement d'investisseurs américains. Avez-vous examiné le montant total des investissements en capital- risque dans ce secteur au Canada? Avez-vous examiné la proportion de ces investissements qui proviennent des États-Unis et d'autres pays?
M. Cumming : Oui. De façon approximative, au cours des deux premiers trimestres de 2011, le montant total des investissements étrangers s'élève à environ 190 millions de dollars, à savoir plus ou moins 25 ou 30 p. 100 des investissements totaux. Si l'on remonte à 2007, année où les investissements ont atteint un sommet, environ la moitié du capital de risque investi au Canada provenait de l'étranger. Au cours des dix dernières années environ, au cours d'une année normale, de 25 à 50 p. 100 environ des investissements effectués au pays le sont par des investisseurs étrangers.
En outre, il conviendrait de mentionner, à ce sujet, que le montant par transaction investi par les investisseurs américains est plus élevé que celui des investisseurs canadiens. En moyenne, dans le cadre d'une transaction de capital de risque, un investisseur canadien investit 2 ou 2,5 millions de dollars pour financer une entreprise canadienne, tandis que le montant versé par un investisseur américain dans le cadre d'une transaction au Canada s'élève à plus de 5 millions de dollars, à savoir à peu près le double de ce que les investisseurs canadiens investissent au Canada. Les investisseurs américains représentent une part importante du marché, et ils investissent habituellement des sommes plus substantielles.
Le sénateur Moore : Le montant de 190 millions de dollars que vous avez mentionné à propos de 2011 concerne-t-il exclusivement les investissements faits par des Américains?
M. Cumming : Oui, il s'agit des investissements américains. En fait, je dois faire preuve d'une certaine prudence — les données que j'ai sous la main n'indiquent pas très clairement de quel pays proviennent les investissements. Toutefois, d'autres études montrent que la majeure partie des investissements étrangers faits au Canada le sont par des Américains.
Le sénateur Moore : Si les Américains ne peuvent pas faire d'argent ici, comme l'a dit le sénateur Massicotte, pourquoi investissent-ils au Canada? Ils ont investi 190 millions de dollars.
M. Cumming : Il y a une grande différence entre les fonds du quart supérieur et ceux du quart inférieur. Il y a des gens qui font beaucoup d'argent au sein de cette industrie, et font partie du secteur depuis très longtemps. Les gestionnaires de fonds du quart supérieur offrent un rendement très attrayant à leurs investisseurs; de plus, une bonne part des fonds du quart inférieur abaissent les montants moyens.
Le sénateur Moore : Savez-vous de quel quart proviennent ces 190 millions de dollars?
M. Cumming : J'aimerais vous répondre en m'appuyant sur des données, mais, à ce jour, on dispose de peu d'éléments probants à ce sujet. Je ne répondrai pas à cette question si je ne suis pas en mesure de le faire de manière précise.
Le sénateur Oliver : J'ai été très intéressé à entendre votre commentaire concernant la diminution des gains en capital, car, comme vous le savez sûrement, le comité a publié des rapports décisifs sur la question. En fait, ces travaux ont amené, il y a moins de 10 ans, le gouvernement à procéder, en deux temps, à des modifications.
Ma question concerne les investisseurs providentiels. Au début de la réunion, vous avez dit quelque chose à propos des crédits d'impôt consentis aux investisseurs providentiels. J'aimerais savoir si vous avez des recommandations à nous formuler en ce qui concerne les moyens d'attirer davantage d'investisseurs providentiels. Qu'est-ce qui les préoccupe? Sont-ils simplement à la recherche de stratégies de sortie? Qu'avez-vous appris à ce sujet en examinant des données provenant de quelque 40 pays?
M. Cumming : Les crédits d'impôt visant les investisseurs providentiels gagnent en popularité — depuis deux ou trois ans, il s'agit d'une nouvelle tendance. Si je ne m'abuse, environ 30 ou 35 États américains ont lancé des programmes de crédits d'impôt visant spécifiquement les investisseurs providentiels, dans le cadre desquels l'allégement fiscal est habituellement de l'ordre de 25 à 40 p. 100 pour ce qui est des investissements admissibles. Il s'agit d'une tendance récente qui semble plaire aux gens, et elle attire beaucoup l'attention ces jours-ci.
Le gouvernement de l'Ontario a évoqué, surtout au cours de la dernière année, la possibilité d'instaurer un tel crédit. À mon avis, comme la plupart de ces programmes sont très récents, il est difficile de porter un jugement à leur sujet, car nous ne disposons pas encore d'un nombre suffisant de données empiriques. Lorsqu'un changement de fond est apporté, nous aimons recueillir de grandes quantités de données, puis cerner les tendances au chapitre des résultats et des investissements sur une longue période. Ces crédits d'impôt sont relativement récents; dans quelques années, je parie que nous serons en mesure de dire bien plus de choses à leur égard.
En ce qui concerne ces programmes de crédit d'impôt, j'aime souligner qu'il faut faire preuve de prudence — il ne faut pas croire qu'ils régleront tous les problèmes du jour au lendemain. De tels crédits d'impôt peuvent entraîner des distorsions.
Par exemple, l'admissibilité à ce type de crédit d'impôt est assujetti à certains critères, de sorte que des investisseurs et des entrepreneurs tenteront de redéfinir leur nature afin d'être admissibles au programme. Le programme n'avait pas nécessairement été conçu pour eux, et leur présence pourrait rendre l'accès au programme encore plus difficile pour les entreprises et les investisseurs pour lesquels il avait été conçu.
En outre, les investisseurs providentiels et les investisseurs en capital de risque ont au moins un point en commun, à savoir qu'ils s'intéressent non pas seulement à l'argent, mais également à la valeur ajoutée. C'est la raison pour laquelle il existe des fonds de quart supérieur et des fonds de quart inférieur — la valeur ajoutée au chapitre de la surveillance et du contrôle est beaucoup plus élevée chez certains investisseurs que chez d'autres.
Si un crédit d'impôt à l'intention des investisseurs providentiels est mis en œuvre à grande échelle, un investisseur providentiel très astucieux — par exemple les personnes que l'on voit à l'émission Dragon's Den — feraient partie de la même catégorie que mon oncle Bob. Il s'agit de deux types de personnes très différentes, mais la mesure d'incitation vise l'une davantage que l'autre. Pour optimiser la mise en place d'un tel programme, il faudrait sans doute le concevoir de façon minutieuse et le mettre en œuvre de manière avisée de manière à ce qu'il n'englobe pas des types d'investissements pour lesquels il n'a pas été conçu, car ce genre de programmes coûte très cher à mettre en œuvre. Ils peuvent entraîner des dépenses substantielles pour d'autres personnes qui ne bénéficient pas de tels avantages fiscaux.
Le sénateur L. Smith : D'après ce que vous et quelques-uns des témoins qui se sont présentés devant le comité à ce jour avez déclaré, il semble que la gestion du risque constitue l'élément clé en ce qui a trait au capital de risque. Vous avez mentionné le fait que les gens qui obtiennent de bons résultats effectuent une meilleure gestion du risque que les autres.
Si vous disposez d'une baguette magique vous permettant de revitaliser le marché canadien du capital de risque — lequel est, comme nous le savons, considérablement différent du marché américain en ce qui a trait au nombre de transactions et à la complexité —, quelles seraient les trois principales mesures que vous prendriez pour ranimer, restructurer ou repositionner le capital de risque au Canada?
M. Cumming : C'est une excellente question. Conformément à ce que j'ai dit plus tôt, je crois que nous devrions tout d'abord encourager les provinces autres que l'Ontario à abandonner les fonds de capital de risque de travailleurs. Nous disposons depuis longtemps de données qui montrent sans équivoque que ce programme n'est pas utile pour notre marché. Il s'agit d'un programme très coûteux — il nous coûte plus de 1 milliard de dollars par année —, qui n'est pas utile, qui prend la place d'autres investisseurs et qui fait obstacle à la création d'un rendement du capital investi. Il ne s'agit pas d'un bon programme. Il s'agit de la première mesure que je prendrais.
La deuxième est la suivante. Sans aucun doute, le gouvernement a un rôle à jouer au moment de soutenir les marchés du capital de risque. Un peu partout dans le monde, les gens veulent reproduire le modèle prospère de la Silicon Valley. Les gens croient que l'innovation et l'entrepreneuriat constitueront les principaux éléments moteurs de la richesse des nations à l'échelle mondiale. Tout le monde tente de trouver l'ingrédient magique. Dans certains pays, la clé de la réussite a tenu à ce que le gouvernement a joué un rôle plus important qu'ailleurs au moment d'encourager les investisseurs institutionnels à investir. À cette fin, le gouvernement peut notamment financer des programmes liés à des fonds, mesure qui a été couronnée de succès dans quelques pays, et encourager la création de sociétés de capital-risque locales et solides.
D'après les données dont nous disposons, il s'agit là d'une mesure utile, et d'une bonne façon pour le gouvernement de participer à la création de sources de capital. Ce capital ne provient pas des investisseurs de détail; il stimule l'investissement institutionnel. À cet égard, le gouvernement peut jouer un rôle de diverses manières, dont l'une consiste à jouer un rôle de second plan au moment de toucher les recettes découlant de ces investissements, ce qui encourage d'autres investisseurs institutionnels à faire des investissements — il s'agit là de la façon de faire du Fonds ontarien de capital- risque.
Si je devais choisir une troisième mesure, ce serait la suivante : je crois qu'il serait utile de trouver une façon d'encourager les fonds les plus prospères à être présents au Canada. Il faudrait amener ces gestionnaires de fonds — ceux qui font invariablement partie du quart supérieur — à ne pas se contenter de faire simplement des investissements transfrontaliers. Au Canada, nous savons depuis longtemps la réaction en chaîne que cela provoque — notamment un exode des cerveaux et les autres problèmes qui surviennent lorsque nous faisons des investissements dont d'autres pays tirent profit. Nous pourrions trouver des façons d'encourager ces fonds à être davantage présents au pays — ce type de stimulation locale est important, car il existe beaucoup d'éléments probants touchant les problèmes liés à l'agglomération. L'économie d'agglomération favorise le développement des secteurs liés à la haute technologie en encourageant les entrepreneurs à s'établir ici, et cela peut créer de nombreuses retombées. Cela peut être une bonne chose pour le Canada, mais cela ne permet pas de financer tout le monde. Il pourrait être très utile que des gestionnaires de fonds comme Kleiner Perkins ou Sequoia Capital — au moins un grand nombre de ce type de sociétés — soient présents dans certaines régions du Canada. Je ne veux pas miner une région aux dépens d'une autre. Nous pourrions réfléchir aux mesures à prendre pour encourager l'agglomération qui aidera les secteurs liés à la haute technologie, à l'innovation et à l'entrepreneuriat.
Le président : Monsieur Cumming, avant de céder la parole au sénateur Hervieux-Payette, j'aimerais revenir sur les dangers liés à la distorsion découlant de certains programmes de stimulants fiscaux. Durant vos observations préliminaires, vous avez mentionné l'organisation MaRS, établie à Toronto. Des représentants de cette organisation se sont présentés devant le comité la semaine dernière. Si j'ai bonne mémoire, l'un des programmes gouvernementaux que semblaient favoriser les représentants de MaRS tenait à ce que le gouvernement doublait les fonds versés par des investisseurs privés qui, selon les apparences, réalisaient d'importants progrès. De cette façon, le gouvernement n'a pas à choisir les secteurs prospères — il laisse le marché privé s'en occuper. Néanmoins, les fonds qu'il verse sont utiles pour une jeune entreprise ayant de la difficulté à obtenir des prêts des institutions habituelles. Êtes-vous favorable à une telle façon de faire?
M. Cumming : Oui, cette idée me plaît beaucoup. Grâce aux programmes de ce genre, financés à parts égales par les secteurs privé et public, les gens se mettent sur la même longueur d'ondes, et offrent les bons incitatifs. Nous réduisons ainsi au minimum les effets négatifs découlant de ces mesures d'incitation que sont les subventions pures et simples. Ce type de programme est très utile.
Je peux vous en dire un peu plus sur l'ISCM, l'International Synergy Centre de Markham, que je ne peux vous en dire à propos de MaRS, principalement parce qu'un plus grand nombre de données sont disponibles à son sujet. Tout d'abord, de façon plus générale, en ce qui concerne la disponibilité des données liées à ces centres, je mentionnerai qu'il serait merveilleux si l'on faisait preuve d'un peu plus de transparence et d'ouverture en ce qui a trait à la tenue de dossiers, de manière à ce que le public en général, et les universitaires en particulier, puissent les examiner. J'ai consulté un grand nombre de données de l'ISCM, ou à tout le moins à propos de l'un de ses sous-programmes. Je vais vous fournir quelques chiffres. Au cours des trois années pour lesquelles je dispose de données, les coûts du sous-programme se sont élevés à environ 650 000 $. Les entrepreneurs à l'origine de ce centre ont amassé plus de 6,5 millions de dollars provenant d'investisseurs providentiels; les entrepreneurs étaient plus susceptibles d'enregistrer des hausses des ventes, d'obtenir des brevets, de créer des alliances stratégiques et d'obtenir du financement. J'en suis arrivé à ces conclusions après avoir examiné très rigoureusement l'ensemble des données touchant toutes sortes de questions qui pourraient fausser les statistiques. Ces résultats semblent très sérieux. Il semble s'agir d'un programme très solide. En tant qu'universitaire, j'adore encourager les décideurs, entre autres, à contraindre les institutions à faire preuve de plus d'ouverture au chapitre de la tenue de dossiers, et de permettre aux personnes comme moi d'accéder plus facilement aux données. Il s'agit assurément de programmes dont les responsables étaient disposés à me donner aimablement accès à leurs livres.
Le sénateur Hervieux-Payette : Je conviens que les fonds de travailleurs coûtent encore beaucoup d'argent aux contribuables. Envisageriez-vous la suppression graduelle de ces fonds? Le cas échéant, quelle stratégie adopteriez-vous à cette fin? Ces fonds n'ont pas eu d'effet miraculeux — il ne s'agit pas d'une histoire de réussite telle que ceux qui participent à ces fonds nous supplieraient de les maintenir.
De plus, j'aimerais vous poser une question concernant les sommes de 5 et de 2,5 millions de dollars qu'investissent respectivement les Américains et les Canadiens. Est-ce que ces sommes sont investies au même stade du développement, ou est-ce que les sommes investies par les Américains sont plus élevées parce que ces derniers investissent à un stade ultérieur? Il faut comparer des pommes avec des pommes.
M. Cumming : Oui. Je vais commencer par répondre à votre première question touchant les fonds de travailleurs. Vous voulez savoir comment nous devons nous y prendre pour les supprimer graduellement et s'il vaut la peine de les éliminer dans toutes les provinces.
À coup sûr, nous devons éliminer ces fonds au fil du temps, dans le cadre d'une suppression graduelle annoncée à l'avance. L'Ontario a d'abord annoncé que cette suppression graduelle se déroulerait sur une période de cinq ans — en 2005, elle a annoncé que le crédit d'impôt n'existerait plus en 2010. Les groupes de pression ont réussi à faire reporter son élimination à la fin de la présente année, de sorte que la décision entrera en vigueur en 2012. Il s'agit de l'une des manières de permettre aux entreprises de procéder aux rajustements nécessaires, car il s'agit d'un changement radical.
Je peux vous raconter deux ou trois anecdotes concernant la difficulté liée aux changements de ce genre. Je connais des gens d'une université du Québec qui ont effectué une étude sur les fonds de travailleurs du Québec. Quelques-uns des résultats de cette étude sur le programme de fonds de travailleurs du Québec sont extrêmement négatifs, et ces personnes m'ont dit qu'elles avaient eu énormément de difficulté à effectuer un travail de ce genre — on a proféré des menaces à l'endroit de ces universitaires, notamment celle de leur retirer leur financement de recherche. Ces personnes m'ont dit qu'elles avaient eu l'impression de travailler dans un environnement rétrograde, non universitaire et opprimé.
Même pour un universitaire, un travail de ce genre peut être difficile à mener, car les personnes visées sont puissantes, vu qu'elles administrent des sommes d'argent substantielles. Ces personnes peuvent exercer une importante influence sur le plan politique, et peuvent tenter d'empêcher quiconque de s'exprimer de manière objective.
Je dois souligner que ni ces universitaires ni moi-même ne sommes payés pour adopter un point de vue ou un autre. Nos activités ne sont pas du tout motivées par des avantages financiers; lorsque nous rédigeons un article, nous nous fondons sur ce que les données indiquent de façon catégorique, en l'occurrence que le programme en question a des effets dévastateurs sur le plan de la valeur. J'espère que cela répond à votre première question.
En ce qui concerne votre deuxième question à propos des investisseurs américains, je vous répondrai qu'il leur arrive à l'occasion de faire des investissements à un stade ultérieur, et qu'on les fait souvent participer à d'autres investissements par la suite. Cela dit, j'ai obtenu ces résultats même lorsque j'ai comparé, comme vous le dites, des pommes avec des pommes, c'est-à-dire les montants de l'investissement initial au même stade de développement. Les sommes investies par les Américains sont habituellement beaucoup plus élevées que celles de leurs équivalents canadiens — de façon approximative, le montant versé par les Américains a tendance, du moins en moyenne, à être deux fois plus élevé que celui versé par les Canadiens. On arrive à ce résultat même lorsqu'on compare des pommes avec des pommes. Cela vaut également pour les investissements intérieurs américains, c'est-à-dire pour les investissements effectués par des Américains dans des entreprises américaines — le montant de ces investissements a tendance à être plus élevé qu'il ne l'est ici.
On sait tout cela depuis un certain temps. Je me souviens d'avoir assisté, il y a un certain nombre d'années, à un exposé du Conference Board du Canada, où l'on avait soulevé la question de savoir pourquoi les Américains investissaient davantage dans chaque entreprise. On se posait la question de savoir si cela était préjudiciable pour les investisseurs canadiens.
Comme c'est le cas en ce qui concerne les entreprises qui en sont à leur premier stade de développement, il est difficile d'établir avec exactitude qui a besoin du bon type de capital. À quelle fréquence les investisseurs participent-ils aux investissements au moyen d'injections subséquentes de capital? Est-ce que les multiples investisseurs s'unissent suffisamment?
En un mot, on pourrait affirmer que, vu la structure et l'absence de profondeur du marché canadien, il existe sans doute au Canada certaines distorsions qui ne sont pas présentes sur le marché américain, où les investisseurs semblent ajouter plus de valeur à leurs entreprises.
Le président : Je crains que nous devions terminer là-dessus. Le temps dont nous disposions est écoulé.
Au nom de tous mes collègues, je vous remercie infiniment d'avoir pris le temps de vous présenter ici cet après-midi, malgré un très court préavis. Si vous avez des recommandations particulières à ajouter à celles que vous avez mentionnées durant notre discussion, veuillez les transmettre au greffier.
M. Cumming : Sans aucun doute, je le ferai. Permettez-moi de vous remercier infiniment de m'avoir donné l'occasion d'être parmi vous aujourd'hui.
Le président : Collègues, le deuxième témoin de la séance de cet après-midi est parmi nous. M. James Milway est directeur exécutif de l'Institute for Competitiveness & Prosperity et du Martin Prosperity Institute — une belle union. Nous souhaitons, monsieur Milway, que nous aurons l'occasion de parler abondamment de prospérité cet après-midi.
Je sais que, comme le comité, vous avez des contraintes de temps à respecter. Je vous promets que la réunion se terminera à 18 h 15. Les sénateurs voudront probablement poser un grand nombre de questions, mais nous verrons à ce que les questions et les réponses demeurent brèves.
Merci d'être parmi nous. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de vous présenter ici.
James Milway, directeur exécutif, Institute for Competitiveness & Prosperity : Tout le plaisir est pour moi.
Le président : Comme vous le savez, nous tentons de comprendre le problème complexe que représente le financement des petites et moyennes entreprises. Le rapport Jenkins a été publié récemment; vous avez sans doute lu et assimilé ce document, mais nous aimerions entendre votre point de vue. Si je ne m'abuse, vous avez une déclaration préliminaire à présenter, et je vous demande donc de la faire. Par la suite, si vous le permettez, les sénateurs vous poseront des questions.
M. Milway : Merci beaucoup de m'avoir invité à participer à la discussion. Comme nous le savons, la meilleure occasion pour le Canada d'accroître sa prospérité réside dans le renforcement de nos capacités en matière d'innovation. Comme on a pu le constater depuis plusieurs années, le Canada est moins productif que d'autres pays industrialisés comme les États-Unis, la France et l'Allemagne. En d'autres termes, le Canada a une capacité moindre de créer de la valeur à partir de ses ressources humaines, physiques et naturelles. Les progrès réalisés au Canada sur le plan économique au cours des quelques dernières années découle du fait que, par comparaison avec ce qui se passe dans de nombreuses autres administrations analogues, un plus grand nombre de personnes occupent un emploi au Canada, et le nombre d'heures de travail de ces personnes est plus élevé. Nous travaillons davantage, mais pas mieux.
Pour nous, ces deux défis, soit de renforcer notre innovation et d'améliorer notre productivité, n'en sont en réalité qu'un seul puisque les améliorations apportées aux produits et aux processus mènent à la création de davantage de valeurs à l'aide des mêmes ressources. Bon nombre d'observateurs font valoir à juste titre que la réussite de nos petites et moyennes entreprises constitue un élément important de notre progrès économique. Nous entendons dire que ces entreprises de plus petite taille sont l'assise de notre économie, qu'elles alimentent la croissance du nombre d'emplois et que notre rendement en matière d'innovation dépend grandement de leur réussite. Les fournisseurs de petite et de moyenne taille sont un élément critique de la réussite de nos sociétés et de nos exportateurs concurrentiels à l'échelle mondiale. Ces derniers sont des entrepreneurs ambitieux qui remettent en question l'environnement commercial actuel, font en sorte que le statu quo n'est plus acceptable et fournissent parfois cette étincelle de destruction créatrice décrite par le réputé économiste Joseph Schumpeter.
Les petites entreprises sont effectivement l'assise de l'économie. Tout cela est vrai, mais une grande partie de notre politique publique s'appuie sur un sentiment exagéré de l'extrême importance des petites entreprises pour notre économie et sur la nécessité d'accorder un soutien spécial à ce secteur de l'économie. Nous devrions éviter d'exagérer leur importance et résister à l'impulsion de les privilégier dans nos politiques publiques.
Certes, les entreprises qui comptent moins de 500 employés composent plus de 99 p. 100 des entreprises au Canada; pourtant, les entreprises de plus grande taille fournissent environ 40 p. 100 des emplois; elles comptent également pour 46 p. 100, soit presque la moitié, de nos résultats économiques définis par le PIB. Les entreprises de grande taille affichent une meilleure productivité et sont plus innovatrices et, par conséquent, elles paient des salaires plus élevés. Il ne fait aucun doute que les grandes sociétés prospères à l'échelle mondiale d'aujourd'hui ont déjà été de petites entreprises, mais les chances qu'une petite entreprise donnée devienne un chef de file sont infinitésimales, similaires à la probabilité qu'un éclair frappe deux fois au même endroit ou celle de gagner à la loterie.
Nous entendons dire que les entreprises en démarrage alimentent la création d'emplois; toutefois, dans les 10 ans, quatre entreprises en démarrage sur cinq échouent. Certes, l'entreprise qui survit continue à croître, en moyenne; cependant, le résultat net est que pour 100 nouveaux emplois créés par des entreprises en démarrage, il n'en reste que 94 10 ans plus tard.
Notre régime fiscal privilégie ouvertement les petites entreprises, qu'il s'agisse des taux d'imposition plus faibles accordés aux sociétés de plus petite taille ou des crédits d'impôt plus importants pour soutenir la R-D, même si ce sont des sociétés de plus grande taille qui effectuent la plus grande partie de la R-D Canada.
La plupart des idées reçues que nous avons au sujet des entrepreneurs prospères sont inexactes. La plupart des entrepreneurs qui ont construit des entreprises canadiennes qui sont devenues des chefs de file dans leur domaine ont lancé leur entreprise tandis qu'ils étaient dans la trentaine, voire plus tard; ils possédaient de l'expérience pertinente en affaires, malgré le point de vue qui prévaut dans certains milieux selon lequel les entrepreneurs doivent commencer dès qu'ils quittent l'école. Il est plus probable que les entrepreneurs prospères possèdent un niveau élevé d'éducation plutôt que de suivre le stéréotype de l'étudiant qui s'ennuie à l'école et qui décroche pour assurer la croissance de son entreprise. La plupart de nos entreprises en démarrage qui réussissent bien ont été fondées par des personnes qui possédaient une formation en sciences et en génie. La plupart de ces entreprises de démarrage s'appuyaient sur des innovations axées sur des clients plutôt que sur de toutes nouvelles inventions. La plupart de nos entreprises en démarrage prospères exportaient leurs produits ou leur savoir au cours de leurs cinq premières années d'existence.
Selon des recherches sur l'opinion publique, des entrepreneurs qui ont fondé une petite entreprise suscitent davantage l'admiration du public que les représentants d'autres métiers ou professions. Chaque budget fédéral et provincial inclut de nouvelles mesures pour soutenir la réussite des petites entreprises. Chaque parti politique consacre une partie de ses promesses électorales aux petites entreprises. Pourtant, peu de données probantes, voire aucune, indiquent que les entreprises de petite et moyenne taille ont besoin d'un traitement spécial en matière de politique publique. Le défi qu'il nous faut relever, c'est de faire ce qu'il faut pour améliorer les chances de réussite du minuscule nombre d'entreprises en démarrage qui ont la motivation, l'ambition et les capacités de réussir à plus grande échelle, nos futurs leaders mondiaux.
Si nous vous proposons effectivement une approche de politique publique pour les petites et moyennes entreprises, c'est qu'elles s'appuient sur la prémisse qu'une petite proportion de ces entreprises pourront éventuellement connaître une croissance considérable et contribuer à notre innovation, notre productivité et notre prospérité. Cela signifie donc que nous devrions éviter les politiques qui englobent toutes les entreprises en démarrage et les petites entreprises; il faut plutôt se concentrer sur la création d'un environnement qui soutient la réussite et élimine les obstacles pour les entreprises en croissance.
Nous recommandons également que la politique gouvernementale continue à chercher des moyens de soutenir des entreprises précises qui ont de solides chances de réussir; la politique devra également favoriser les réseaux d'entrepreneurs qui forment une communauté d'esprit, encourager les possibilités de mentorat et prodiguer des conseils en matière d'expansion. Nous continuons à faire davantage de recherches dans ce domaine, mais certaines des recommandations que nous formulerons commencent à prendre forme. Voici le genre de recommandation que nous envisageons.
Tout d'abord, continuer à soutenir une politique économique qui fait la promotion de la croissance de l'innovation et de la productivité dans tous les secteurs. Nos petites et moyennes entreprises sont le reflet de l'ensemble de l'économie et font partie intégrante de ces divers secteurs. Elles réussiront dans la mesure où notre économie se porte bien.
Les politiques associées à l'éducation et aux grappes industrielles sont particulièrement pertinentes pour les petites et moyennes entreprises. Si davantage de nos jeunes gens poursuivent des études postsecondaires, nous améliorerons la qualité de nos entreprises en démarrage. Le gouvernement et les enseignants devraient collaborer avec des groupes de petites entreprises afin d'accroître la portée et la profondeur des possibilités de formation et d'éducation axées sur l'entreprise.
Une politique publique qui renforce l'environnement des grappes industrielles contribuera également à l'amélioration de la qualité des entreprises en démarrage. Nous devrions faire fond sur les approches actuelles qui sont taillées sur mesure pour des entreprises données. Dans de nombreux cas, la politique publique en matière de petites et moyennes entreprises est uniformisée. Pourtant, les besoins et les aspirations d'une petite entreprise stable qui concentre ses activités localement sont bien différents de ceux d'un entrepreneur en exportation qui cherche à conquérir un marché. Bien entendu, pour les politiciens et les fonctionnaires, il est beaucoup moins risqué de concevoir des programmes pour l'ensemble des petites et moyennes entreprises, mais cela présente le désavantage de saupoudrer des ressources publiques. Il est plus risqué pour les gouvernements de chercher à trouver des sociétés qui présentent un potentiel élevé et de leur fournir une assistance taillée sur mesure pour assurer leur réussite.
Nous encourageons les gouvernements à faire des essais dans ce domaine, à chercher des occasions d'aider des sociétés données dans des domaines comme le financement de la recherche de marchés, le développement de marchés d'exportation et la formation en gestion. Notre province, l'Ontario, possède des programmes sur mesure. Nous exhortons le gouvernement à surveiller étroitement ces programmes afin de saisir les occasions d'expansion et à supprimer sans merci ceux qui ne produisent pas les résultats escomptés.
Le processus d'approvisionnement gouvernemental doit être élargi afin de créer des occasions pour les petites et moyennes entreprises ainsi que toutes les entreprises. Une impartition gouvernementale améliorée et augmentée constitue une occasion pour les services gouvernementaux de s'améliorer et d'assurer la réussite de notre secteur privé. Dans des domaines comme le service à la clientèle, le traitement des transactions, les systèmes de ressources humaines et la diffusion de l'information, les gouvernements obtiendront des améliorations de service et des économies grâce à la passation de marchés avec le secteur privé. Nous ne formulons pas une recommandation pour que les sociétés canadiennes ou les petites entreprises bénéficient d'un traitement spécial; c'est plutôt que, en raison de leur proximité et de leur connaissance du milieu, nos sociétés canadiennes disposeront d'un avantage et remporteront les concours ouverts pour l'offre de ces services. En remportant de tels marchés, nos entrepreneurs qui sont axés sur la croissance pourront accumuler une clientèle ainsi qu'une expérience valable pour soutenir leur réussite.
Nous demandons également au gouvernement de mettre fin au traitement fiscal spécial accordé aux entreprises agréées à capital de risque des travailleurs. Ce véhicule financier avait été conçu afin d'aider les entreprises en pleine croissance à accéder à du capital de risque. Il sert à encourager le Canadien moyen à devenir un investisseur de capital de risque. À l'échelon provincial, où cette mesure était appuyée par des politiques fiscales provinciales, elle était souvent assortie d'exigences de temps et d'emplacement. C'était un véhicule de réduction d'impôt, et non pas d'accroissement de la richesse. Somme toute, les fonds de capital de risque de travailleurs favorisent la quantité et non pas la qualité du capital de risque. Ils sont l'une des principales raisons qui expliquent le lamentable rendement du capital de risque canadien de la dernière décennie. Selon les résultats des recherches menées par James Brander à l'Université de la Colombie-Britannique, ces sociétés spéciales de capital de risque ainsi que d'autres formes de capital de risque subventionnées par le gouvernement affichent un rendement inférieur, sur le plan tant financier que sur celui de leur contribution à l'ensemble de l'innovation, si les brevets nous servent de mesure. Les résultats de recherche de Douglas Cumming indiquent que ces mesures nuisent à l'investissement privé. Ici, en Ontario, nous mettons fin au traitement fiscal spécial de ces véhicules, et nous exhortons le gouvernement fédéral à faire de même.
En tant que principe général, nous recommandons que le gouvernement rende le régime fiscal aussi neutre que possible. Cependant, il faut étudier les modifications particulières qui pourraient aider les petites et moyennes entreprises axées sur la croissance. Selon nos résultats de recherche, aucune raison valable ne justifie la plupart des traitements fiscaux préférentiels accordés aux petites et moyennes entreprises. Elles n'éprouvent pas de problèmes particuliers attribuables à des anomalies du marché qui nécessitent des mesures correctives de la part du gouvernement, et, en tant que groupe, elles n'apportent pas des avantages pour lesquels elles ne sont pas récompensées.
Au fur et à mesure de la mise en œuvre d'autres modifications apportées à l'impôt des sociétés, nous encourageons les gouvernements à réduire les avantages de l'impôt sur le revenu dont bénéficient les petites et moyennes entreprises par rapport aux entreprises de plus grande taille, et à réduire l'écart entre leurs taux d'imposition respectifs.
Nous encourageons les gouvernements à étudier en même temps des changements de l'impôt sur le revenu qui feraient la promotion d'investissements faits par des entreprises de toutes tailles axées sur la croissance, qui réduiraient l'impôt sur les gains en capital au moment où des sociétés font leur entrée en bourse et atténueraient les répercussions de l'impôt sur des gains en capital qui constituent présentement un obstacle à la cession d'actifs pour les entrepreneurs qui cherchent à vendre leur entreprise.
En somme, les petites et moyennes entreprises sont effectivement la pierre angulaire de notre économie. Elles exercent leurs activités dans toutes les industries et dans toutes les régions. Elles sont une source d'emplois et de revenu pour un grand nombre de Canadiens. Pourtant, il n'est pas nécessaire de leur accorder un traitement spécial et du soutien au moyen de politiques publiques. Les grandes entreprises sont également de grands employeurs et, de fait, jouent un rôle critique pour assurer notre réussite en matière d'innovation, de productivité et de prospérité. C'est pourquoi il n'est pas logique de transférer les ressources des grandes sociétés vers les plus petites entreprises au moyen de notre régime d'imposition et de dépenses publiques.
Dans le domaine des petites et moyennes entreprises, nous devrions concentrer nos efforts sur le fait d'encourager les sociétés qui aspirent à devenir de grandes entreprises et qui progressent dans cette direction. Même si une partie de la politique publique peut cibler précisément l'aide à la réussite de telles sociétés, une bonne partie de notre réussite sera le résultat de la mise en place d'un environnement qui soutient l'innovation et la productivité de toutes nos sociétés et de tous les Canadiens.
Je serais heureux de répondre à vos questions.
Le président : Merci, monsieur Milway. Je suis convaincu que votre exposé suscitera une ou deux questions.
C'est en train de devenir mon violon d'Ingres. La semaine dernière, les représentants de MaRS ont comparu devant nous, et ils se sont montrés très friands des fonds de contrepartie du gouvernement. Autrement dit, le centre estimait que c'était une manière de renforcer la réussite. Le secteur privé a avancé l'argent. Le gouvernement ne choisissait pas les gagnants, si vous me permettez l'expression, mais contribuait plutôt à renforcer la réussite. M. Cumming semblait appuyer ce type d'approche. Est-ce votre cas?
M. Milway : Je pense que c'est préférable aux solutions que sont les fonds d'investissement de travailleurs qui sont présentement en place. Nous devons nous poser la question suivante : y a-t-il réellement pénurie de capital de risque de grande qualité au Canada? Avons-nous besoin de l'intervention du gouvernement pour augmenter cette quantité de capital?
Selon moi, le défi qui se pose, c'est la qualité du capital de risque. Nos investisseurs en capital de risque n'ont pas fait des choix très éclairés, et leurs investissements ne rapportent pas des rendements formidables. Voilà ce qui m'inquiéterait.
Dans la mesure où les fonds de contrepartie du gouvernement sont harmonisés avec les investissements où le secteur privé a déjà décidé d'y mettre du sien, je peux reconnaître que cela puisse être avantageux. Cependant, ce n'est pas à cela que j'accorderais la priorité.
Le sénateur Ringuette : Monsieur Milway, merci beaucoup de votre exposé. Je ne connais pas très bien votre organisme. Pourriez-vous nous décrire quelles sont les sources de financement qui vous permettent de mener vos recherches?
M. Milway : L'Institute for Competitiveness & Prosperity, que je représente aujourd'hui, est la principale source de financement de nos travaux de recherche. Nous sommes un organisme de recherche indépendant, mais notre financement provient presque entièrement de la province de l'Ontario. Notre rôle consiste à appuyer le Task Force on Competitiveness, Productivity and Economic Progress; c'est Roger Martin, à la Rotman School, qui occupe la chaire de ce groupe de travail, et, à ce titre, nous recevons des fonds de la province. Chaque année, nous élaborons un plan décrivant les travaux de recherche que nous comptons entreprendre, puis nous procédons de manière relativement indépendante et faisons état de nos travaux directement au public. Nous n'avons pas à présenter nos rapports au ministre ni à l'Assemblée législative de l'Ontario; nous recevons plutôt notre financement et menons nos travaux de recherche de manière indépendante, et nous en faisons état au public.
Le sénateur Ringuette : Vos commentaires au sujet des PME m'étonnent. Nous cherchons à obtenir des recommandations relativement à la manière d'accroître le niveau de fonds providentiels et de capital de risque pour les entreprises en démarrage et les PME afin de favoriser leur croissance et de les aider à créer, comme vous l'avez dit, un environnement qui soutienne l'innovation et la productivité.
D'après toutes les données probantes que j'ai vues jusqu'ici, les sociétés canadiennes de grande taille ont aisément accès à du capital. Elles ont accès à d'importants crédits d'impôt de R-D et ainsi de suite, alors que l'entreprise en démarrage n'a accès à aucun de ces fonds. Une entreprise en démarrage n'a que faire d'un crédit d'impôt en R-D, car elle ne fait pas d'argent à cette étape. Si nous voulons mettre en place un environnement qui soutienne la croissance d'une entreprise en démarrage, comment pouvons-nous faire?
M. Milway : Selon moi, c'est grâce à une approche à long terme plutôt que de tenter de mettre en place des mécanismes précis. Une des conclusions que nous tirons de nos travaux, c'est que la plupart des entreprises qui réussissent sont dirigées par des gens très éduqués. Il y a environ deux fois plus d'entreprises prospères qui ont été lancées par des gens qui détiennent des diplômes d'études supérieures que le nombre d'entreprises mises sur pieds par des personnes détenant un diplôme de niveau général.
Nous pouvons aider les petites entreprises en finançant davantage l'éducation postsecondaire et en encourageant nos jeunes gens à poursuivre leurs études, et ce, le plus longtemps possible. Cela n'aide pas directement les entreprises, mais c'est ainsi que l'on favorisera l'environnement dont nous parlions.
Quant à aider les petites entreprises à l'aide de capital, je suppose qu'il me faudrait voir des données probantes attestant l'échec du marché. Le marché regarde des entreprises de démarrage d'un œil désapprobateur, car elles n'ont pas fait leurs preuves et que le capital qui y sera investi est à risque. C'est ainsi que notre marché fonctionne.
Dans les situations où les gouvernements sont intervenus afin de rectifier la situation, quoique je ne suis pas convaincu qu'il y ait quoi que ce soit qui ait besoin d'être corrigé — et c'est ici que les travaux de recherche de James Brander deviennent pertinents —, les résultats sont assez désolants. Le rendement des entreprises qui ont reçu du capital de risque gouvernemental est très mauvais. Vous pourriez faire valoir que c'est normal puisque nous savons qu'il s'agit d'entreprises plus risquées, mais, de surcroît, ces entreprises s'en tirent pire encore au chapitre de l'innovation et du dépôt de brevets.
Y a-t-il un problème à régler? Je ne remets pas en question le fait que les entreprises de plus petites tailles sont confrontées à de plus grandes difficultés pour se lancer en affaires, mais c'est là la nature de notre système. Les entreprises qui réussissent trouveront le moyen de surmonter ces difficultés : elles réussissent effectivement.
Le sénateur Massicotte : Merci de votre témoignage. Tout d'abord, permettez-moi de vous remercier de votre exposé et du document de trois ou quatre pages que vous nous avez remis. Il ne porte peut-être pas directement sur la question qui nous occupe, c'est-à-dire le capital de risque, mais il nous rappelle certes les faits. Je crois que vous avez bien cerné la situation : 80 p. 100 des entreprises n'atteignent pas les cinq ans. Il est bon que l'on nous rappelle à tous de ne pas nous laisser distraire par tous ces propos creux. Il faut plutôt se demander quelle est, sur le terrain, l'importance de ces mesures pour les entreprises?
Permettez-moi de vous ramener au sujet qui nous occupe. Dans le cadre de son mandat, notre comité a dit avoir remarqué qu'il y a eu une diminution considérable des fonds de capital de risque. À titre de parlementaires, cette situation nous préoccupe, car ce capital nous paraît être essentiel à la croissance de notre pays et à notre prospérité économique. Vous êtes en train de jeter un peu d'ombre sur cela; c'est donc un bon débat. Nous soutenons qu'il s'agit d'un manque de capital. Les données probantes montrent également des rendements insuffisants. Oui, certaines entreprises réussissent, mais, dans l'ensemble, les rendements sont très faibles comparativement à ce que l'on serait en droit de s'attendre, dans le contexte d'un scénario de risque.
Dans votre exposé et vos commentaires, vous affirmez deux choses : la première est que les fonds d'investissement des travailleurs ont créé une distorsion sur le marché, parce que presque 100 p. 100 du rendement provient des rendements sur l'impôt plutôt que de celui du marché. C'est peut-être effectivement la cause, et cela sera rectifié en temps et lieu.
Vous prétendez également que nos gestionnaires ne sont pas très doués et que la plupart des fonds de capital de risque ne sont pas gérés de manière appropriée, ce qui pourrait être attribuable à d'autres raisons. Vous affirmez que nous avons un problème de gestion, jumelé à un problème d'éducation
Poussons cet argument plus loin. Affirmez-vous que nous ne devons pas intervenir? Les faits nous démontrent effectivement qu'il y a pénurie de capital, ou à tout le moins, une diminution significative du capital, et pratiquement aucun profit.
Travaillons-nous à partir d'une hypothèse erronée? Selon notre hypothèse, la pénurie de capital aurait une incidence sur l'innovation, la croissance et la prospérité. Est-ce là que nous faisons erreur? Devrions-nous tout simplement laisser aller les choses et, dans 10 ans, nous constaterons que les sociétés innovatrices sont partout sauf au Canada?
M. Milway : À mon avis, la plupart des prémisses sont justes. Il est vrai qu'il y a une diminution considérable de la quantité de capital de risque sur le marché. C'est tout aussi vrai aux États-Unis. C'est en partie attribuable à la faiblesse de l'économie : dans un tel contexte, il y a peu de capital disposé à se lancer à la recherche d'entreprises de haut risque.
Telle est la nature d'une économie capitaliste concurrentielle : le capital va et vient. Nous pouvons nous croire plus malins que le marché, tenter d'anticiper son évolution et faire ce genre d'investissement en capital de risque, même si les personnes qui ont joué leurs propres billes ont décidé que ce n'est pas là qu'ils veulent miser.
À la lumière des résultats, ce genre d'aide n'est pas une si bonne idée. Est-ce le genre de situation où nous devons nous poser la question : est-ce un problème que le gouvernement doit régler? C'est la réalité du marché en ce moment.
L'une des choses auxquelles nous devrions réfléchir — c'est ce que nous faisons à l'institut, et je vous encouragerais à vous pencher également sur cette question —, c'est de déterminer dans quelle mesure le modèle de capital de risque tel que nous le connaissons est devenu un dinosaure. Les rendements américains n'ont pas été tellement intéressants non plus dernièrement, et il est donc possible que le capital de risque soit maintenant hors de contrôle, qu'il verse des tonnes d'argent dans des entreprises à risque et qu'il soutienne des sociétés qui ne le méritent pas, des deux côtés de la frontière. Nos résultats sont pires que ceux des États-Unis, mais les rendements actuels du capital de risque américain sont tels, eux aussi, qu'il n'y a pas de quoi écrire à sa mère.
Nous nous sommes penchés sur la question des micro-investissements de capital de risque. L'industrie du capital de risque devrait-elle envisager de faire de plus petits investissements de démarrage mieux ciblés, plutôt que les gros investissements de capital de risque traditionnels? C'est peut-être tout le modèle du capital de risque qui ne fonctionne plus et qu'il faut laisser tomber. C'est une possibilité à laquelle nous réfléchissons nous-mêmes, à l'Institut.
L'autre chose que j'aimerais dire au sujet des fonds d'investissement de travailleurs, ce n'est pas tant qu'ils créent de la distorsion. Non, à mon avis, ils sont tout simplement mauvais. Ce sont des véhicules mal conçus pour fournir du capital de risque à des entrepreneurs innovateurs et pour harnacher l'innovation au Canada.
Ces fonds attirent des investisseurs au détail, alors que, en capital de risque, on souhaite plutôt avoir des investisseurs intelligents et avertis. Ces fonds favorisent les allègements fiscaux quand ils ne produisent pas de richesse. Quand ils sont appliqués à l'échelon provincial, ils imposent beaucoup de restrictions : vous devez les investir ici, en Ontario; vous devez les investir avant la fin du trimestre ou avant la fin de l'année, parce que bon nombre des entreprises se contentent de s'asseoir sur le magot. Je vous rebats peut-être les oreilles à ce sujet, mais je suis convaincu qu'il s'agit d'un véhicule mal conçu : même sans égard à la distorsion qu'ils créent, ils sont tout simplement mauvais.
Le sénateur Massicotte : C'est très bien : vous vous demandez même s'il y a un problème. C'est peut-être tout simplement la dynamique normale du marché.
Permettez-moi de passer à la situation d'ensemble. Récemment, j'ai vu des données tabulées qui portaient sur l'innovation dans le monde. Elles comparaient différents pays — le Canada, surtout les États-Unis, l'Angleterre, et ainsi de suite. Nous comparons toujours les entreprises à ce qui se fait dans Silicon Valley et aux autres Google de ce monde, mais si vous examinez ce que les gens appellent des sociétés innovatrices, les États-Unis comptent un nombre considérable de sociétés innovatrices chefs de file dans le monde, comparativement au Canada et à bien d'autres pays.
Au cours des 20 ou 30 dernières années, beaucoup d'entre nous ont tenté de trouver une formule pour reproduire cette réussite, qui amènerait la croissance économique, l'emploi et tous les autres facteurs de prospérité. Quelle évaluation faites- vous de la situation? Pourchassons-nous des nuages? Se passe-t-il quelque chose de spécial là-bas qu'il est inutile pour nous de tenter de reproduire? Y a-t-il quelque chose qui ne tourne pas rond chez nous?
M. Milway : C'est une bonne question. En Ontario, dans le cadre de nos travaux de recherche, nous avons choisi les 14 plus importants États américains avec lesquels l'Ontario devrait se comparer : chacun d'entre eux est plus prospère, innovateur et productif que notre province. Il s'agit de la Californie, du Massachusetts, du Texas, Michigan, de l'Ohio et d'autres.
Dans ce groupe d'États pairs, les deux États qui devancent tous les autres — ils devancent le reste du monde sur le plan du capital de risque — sont le Massachusetts et la Californie. Au Massachusetts, c'est le capital de risque du domaine du médical issu de Harvard et des hautes technologies du MIT; en Californie, c'est Silicon Valley.
Pourtant, un État comme la Pennsylvanie — un état quelque peu banal qui affiche une prospérité honnête par rapport à ce qui se passe aux États-Unis — est plus prospère et plus productif que l'Ontario. Les salaires y sont plus élevés qu'en Ontario, et l'État se montre plus innovateur; pourtant, le capital de risque investi en Ontario par habitant, selon le PIB, est probablement aussi élevé que celui de la Pennsylvanie.
Dans ce contexte, une partie de la question qui se pose est la suivante : devrions-nous chercher à reproduire ce qui se passe aux États-Unis, ou existe-t-il deux endroits là-bas qui sont complètement différents du reste de la planète — Silicon Valley et le Massachusetts —, et que c'est tout simplement ainsi que va la vie? Nous avons de formidables joueurs de hockey — ces deux endroits ont un formidable capital de risque. Dans les deux cas, cela s'explique par de nombreuses raisons historiques diverses, et nous devrions faire preuve de circonspection quand nous nous comparons à eux ou que nous aspirons à atteindre ces résultats.
Je ne dis pas qu'il ne faut pas avoir d'aspirations, mais ce sont des endroits véritablement différents; ils réunissent des conditions uniques qui ont créé de super marchés et de super sources de capital de risque. Je ne sais pas si cela répond à votre question.
Le sénateur Massicotte : En fait, ce que vous dites, tout comme nous, c'est qu'ils sont des exemples phénoménaux de croissance. Bien des pays ont tenté de reproduire leur réussite, en vain; vous nous dites de ne même pas essayer, parce que c'est sans doute impossible. Nous pouvons en parler pendant 30 ou 40 ans. Il y a probablement bien des choses à apprendre, mais rien n'est simple. J'ai le sentiment que ce n'est pas une situation qu'il est aisé de copier ou de reproduire.
M. Milway : D'une certaine manière, je suis en train de me montrer très négatif et destructif. Ce que j'affirme, c'est que ce que nous avons essayé jusqu'ici ne fonctionne pas, alors cessons de le faire.
J'aimerais bien pouvoir vous présenter une liste de quatre choses qui, si elles étaient mises en œuvre dès demain, feraient en sorte que le Canada devienne la source de tout capital de risque et d'innovation. Tout ce que je peux faire, c'est vous dire que beaucoup des mesures que nous avons prises ne fonctionnent pas, et que bon nombre d'entre elles s'appuient sur le diagnostic erroné selon lequel il nous faut davantage de capital de risque plutôt que du capital de risque de meilleure qualité.
Le président : Voilà qui résume votre point de vue très clairement.
Le sénateur Tkachuk : Au chapitre de la politique publique au Canada, nous avons mis l'accent sur les petites entreprises parce que, sur le plan politique, nous dénigrons les grandes entreprises. Au Canada, une partie du problème est culturel. La raison pour laquelle nous avons de bons joueurs de hockey, c'est parce que nous souhaitons que nos enfants aspirent à être de bons joueurs de hockey. Nous déployons bien des efforts pour les amener à leurs pratiques tous les matins, les faire travailler fort et leur dire que c'est important pour leur bien-être.
Ce n'est pas ce que nous faisons pour les affaires. À mon avis, la réussite du modèle américain s'explique du fait que ces derniers ont fait le contraire. Récemment, ils ont eu quelques petits problèmes, mais je crois qu'ils pourraient réussir à s'en tirer.
Je ne suis pas certain qu'un gouvernement devrait faire autre chose que de simplement traiter toutes les entreprises de la même manière : leur appliquer le même taux d'imposition; traiter le monde des affaires comme un endroit formidable où les gens peuvent être fiers de se diriger; faire en sorte que les minorités ne dénigrent pas le monde des affaires, ce que beaucoup d'entre elles font; enfin, former d'excellents ingénieurs, d'excellents médecins, d'excellents scientifiques qui feront des recherches formidables ainsi que toutes les autres personnes qui créeront de la richesse.
Nous savons d'instinct ce qui créé la richesse. Je ne sais pas si quelqu'un effectue de la recherche à ce sujet, mais cela ne paraît pas si compliqué.
J'ai investi dans les fonds de capital de risque des syndicats, et je n'aime même pas les syndicats. Dans le fond, j'ai investi pour obtenir le crédit d'impôt; cela n'avait rien à voir avec le capital de risque. Dès que l'on met en place des mesures de ce genre, les gens vont investir pour les mauvaises raisons. Bien entendu, les gens ont fait de l'argent à cause du crédit d'impôt, pas parce que la mesure avait généré des profits.
Cela fait des années que nous savons que cela n'allait pas fonctionner, mais nous continuons de le faire. Je suis d'accord avec vous à ce sujet.
Bien des livres et des études ont été effectués à ce sujet ainsi qu'au sujet de la création de la réussite. Par exemple, l'un des enjeux est de déterminer comment faire pour sortir les jeunes des ghettos aux États-Unis, et il y a toute une liste de raisons : décrochez un diplôme d'études secondaires; ne tombez pas enceinte; ne prenez pas de drogues et vous sortirez du ghetto. Ce n'est pas si compliqué, pas vrai? N'investissez pas dans les fonds d'investissement de travailleurs.
Je vais écouter ce que vous avez à dire à ce sujet, mais j'aimerais que nous en parlions, car j'estime que c'est quelque chose dont notre comité devrait parler un peu plus.
Le président : Comme vous pouvez le constater, le sénateur Tkachuk ne donne jamais dans la provocation.
M. Milway : Je crois que vous avez raison. Comme je l'ai dit dans la déclaration préliminaire, nous entretenons une histoire d'amour avec les petites entreprises. Mon père était propriétaire d'une petite entreprise; la plupart d'entre nous connaissent des gens qui travaillent dans une petite entreprise ou qui en possèdent une. Mes propos ne visent d'aucune manière à dénigrer les petites entreprises ou à affirmer que les grandes entreprises sont à l'origine de tout ce qui se fait de bien. Il s'agit tout simplement de mettre tous les joueurs sur un pied d'égalité. Il n'y a pas de données probantes tirées des recherches universitaires ni même de données anecdotiques qui confirment que les petites entreprises sont plus touchées que d'autres par un échec du marché. D'un point de vue d'économiste, le gouvernement ne devrait habituellement intervenir que lorsque le marché ne fonctionne pas comme il le devrait. Il n'y a que très peu de données probantes qui indiquent que le marché ne fonctionne pas comme il le devrait à l'égard des petites entreprises.
Chaque fois que les petites entreprises se voient accorder un rabais sur leur taux d'imposition, cela signifie que celui des grandes entreprises doit être augmenté, et je ne suis pas convaincu que cela mène à une allocation efficace des ressources. Je ne vois aucune raison de pénaliser la réussite.
Le sénateur Massicotte : Vous soulevez une excellente question. Au sujet de l'éducation, nous savons tous, et c'est malheureux, que le fait que des jeunes aillent à l'université ou pas est en grande partie déterminé par la culture familiale. Ce n'est pas une question financière; c'est la culture et le modèle proposé par les parents qui dictent la probabilité qu'un jeune aille à l'université.
Certains pays parlent d'entrepreneuriat. Au Canada, nous possédons effectivement une main-d'œuvre très instruite comparativement à bien d'autres pays. Ce que nous n'avons pas, par contre, comme l'a mentionné le sénateur Tkachuk, c'est la culture d'entrepreneuriat. Il est vrai que, dans bien des cercles, nous dénigrons l'importance des propriétaires d'entreprises. Si vous regardez les sondages, à moins que vous ne soyez un propriétaire de petite entreprise, on vous regarde un peu de haut, comme si vous étiez un filou, un capitaliste, ou quel que soit le nom que vous vouliez lui donner.
Je me demande si ce n'est pas un problème culturel au sein des familles. Il est vrai que les Américains favorisent davantage le monde des affaires. Comme vous le savez, la plupart des Américains doivent quitter la maison pour aller étudier dans une université d'État : ils ont donc déjà fait le sacrifice de déménager pour se rendre là où est l'école, tandis que nous sommes plus sédentaires. Est-ce un problème culturel? Nous ne sommes peut-être pas suffisamment pro- affaires.
M. Milway : Je ne suis pas convaincu qu'il s'agit d'un problème culturel. Il y a quelques années, avec Allan Gregg, nous avons fait des recherches au cours desquelles nous avons examiné les attitudes des Ontariens. Il s'agissait d'une recherche qui comparait l'Ontario aux États de grande importance dont je parlais plus tôt. Nous nous sommes penchés sur des facteurs comme le fait de savoir si l'Ontarien moyen, dans son attitude, prend plus ou moins de risques; nous évaluions cela en fonction des réponses données au téléphone au cours d'un sondage. Il ne s'agissait pas de recherches où le cobaye aurait été connecté à des sondes, non : c'était plutôt de voir comment les gens allaient répondre aux questions.
Dans l'ensemble, les Américains et les Ontariens répondent aux questions de manière similaire. Voici un exemple de question. Vous héritez de 2 millions de dollars : combien d'argent investiriez-vous dans un fonds commun de placement? Combien d'argent investiriez-vous dans des obligations d'épargne? Combien d'argent investiriez-vous dans une nouvelle entreprise? Les Américains répondent à peu près comme nous.
Ou encore, si vous posez la question suivante : est-il bon de se montrer compétitif en affaires? Est-ce une bonne chose de se montrer compétitif par rapport au voisin de la porte d'à côté pour savoir qui aura la maison la mieux entretenue? Nous répondons à peu près comme les Américains. Nous aimons tous deux les petites entreprises tout autant l'un que l'autre. Les petites entreprises sont les plus populaires : dans les deux pays, chacun estime que les propriétaires de petites entreprises sont des gens formidables.
La différence se dessine dans notre attitude à l'égard de l'éducation. Les Américains affichent une attitude beaucoup plus positive à l'égard de l'éducation que nous le faisons. Posez la question suivant à un Américain : quel est le niveau d'instruction le plus élevé qu'un jeune devrait obtenir aujourd'hui? La réponse la plus répandue est une maîtrise. Si vous posez la même question à un Ontarien, il répondrait un diplôme technique, même pas un baccalauréat.
Les Américains accordent davantage d'importance à l'éducation que nous le faisons, et cela semble être à peu près la seule différence d'attitude significative que nous ayons trouvée entre les deux pays.
À mon avis, vous avez parfaitement raison d'affirmer que tout se joue dans la famille et dépend de la mesure dans laquelle cette dernière favorise l'éducation. Cela revient au fait que nos petites entreprises réussiront davantage si les fondateurs sont plus instruits. De fait, nos grandes entreprises réussiront mieux dans la mesure où leurs gestionnaires seront plus instruits. Nous sommes de fervents partisans de l'éducation, mais nous ne croyons pas que c'est en raison d'une différence entre le cerveau des Canadiens et celui des Américains.
Ce qui serait utile à ce chapitre, ce serait de pouvoir inculquer davantage d'intensité compétitive dans un marché. Bon nombre de nos secteurs d'industrie sont encore dépourvus de véritables concurrents provenant de l'étranger. Rien ne vaut la concurrence ou encore une menace à notre existence pour nous obliger à innover.
Le président : Monsieur Milway, il est intéressant de constater qu'alors que les Américains valorisent davantage l'éducation que nous, ils sont néanmoins prêts à payer plus.
M. Milway : C'est vrai, ils paient davantage pour leurs études, mais je rappelle que, recherche après recherche, nous avons démontré que le coût de l'éducation n'est pas le fin mot de l'affaire. C'est un facteur important, il y a bien d'autres choses importantes qui déterminent si une jeune personne ira étudier à l'université, comme la structure et le soutien familiaux. Ce sont tous des facteurs qui permettent de surmonter une situation financière désavantageuse.
Le sénateur L. Smith : J'étais impatient de vous poser cette question sur l'éducation parce que, au Québec par exemple, nous avons un problème de décrochage bien documenté partout au pays. Il y a quelques années, les ministres de l'Éducation de l'Ontario et du Québec se sont réunis et se sont mis au défi, à l'intérieur des 10 années suivantes, d'atteindre un taux de diplomation de 80 p. 100 au niveau secondaire, soit un cycle d'études de cinq à six ans. Après 10 ans, il semble de l'Ontario ait réussi. À l'époque où les deux provinces se sont lancé ce défi, toutes deux affichaient un taux de diplomation de 69 p. 100, mais l'Ontario est passé à 80 p. 100, alors que le Québec est resté bloqué à 69 p. 100. Cela revient à la question de la culture.
Si nous sommes d'accord pour affirmer que l'éducation est critique, comment faire pour inciter les parents à créer une transition culturelle? Le gouvernement a-t-il un rôle à jouer? Devons-nous nous transformer en meneuses de claque? Comment pouvons-nous inciter les gens, tout particulièrement au Québec? À titre d'exemple, au Québec, la culture sociale est telle que 2 millions de personnes ne paient pas d'impôt sur leur revenu. Ne serait-ce qu'au Québec, il ne fait aucun doute que les plus grandes difficultés sont la pauvreté, la mentalité relative à l'éducation et la manière dont il faudra changer cela, car tant de possibilités s'offrent à nous en matière de ressources et ainsi de suite. À moins que nous réussissions à créer un changement de mentalité, je ne vois pas comment cela pourrait se produire. Selon vous, qu'est-ce que le gouvernement pourrait faire pour amener cela en partie?
M. Milway : À mon avis, il serait utile d'encourager les gens. Nos premiers ministres et nos députés devraient saisir la moindre occasion pour dire aux jeunes que l'éducation est importante pour réussir son avenir. Nos leaders, qu'ils soient politiques ou économiques, devraient communiquer à nos jeunes gens le message de l'importance de l'éducation.
Au moment où nous nous préoccupons de la situation de nos déficits fédéral et provinciaux, nous pourrions être tentés de faire des compressions dans l'éducation. C'est ce que nous avons fait la dernière fois que nous avons accumulé des déficits dans les années 1990. Je tiens à faire une mise en garde contre le fait de couper les dépenses en éducation seulement pour réduire le déficit. Selon moi, l'éducation est un investissement dans notre avenir.
En outre, les ministres provinciaux de l'Éducation, responsables des collèges et des universités, doivent réfléchir sur des moyens créatifs d'enseigner et d'offrir des programmes. Je ne suis pas un expert dans ce domaine, mais il y a tout simplement tant de jeunes qui fonctionnent mal dans le milieu scolaire traditionnel.
Dans la mesure où nous réussirons à trouver des modes pédagogiques et des styles d'enseignement différents, c'est quelque chose que nous devrions étudier, parce que beaucoup de nos jeunes ne poursuivent pas leurs études et passent entre les mailles du filet. Un jeune qui décroche du secondaire et ne poursuit pas des études postsecondaires est une véritable tragédie, sur le plan tant individuel que sociétal. C'est une perte pour chacun d'entre nous. Nous devrions être en train de chercher des moyens d'aider et d'encourager les jeunes à qui l'approche traditionnelle ne convient pas pour qu'ils puissent accéder à des niveaux d'instruction plus élevés.
Le sénateur Oliver : Comme vous le savez, l'étude que nous menons est intitulée financer la croissance des petites et moyennes entreprises au moyen du capital de risque et d'autres soutiens pour la R-D. La concurrence est votre champ d'expertise réel et ce sur quoi vous vous penchez quotidiennement pour la province de l'Ontario. J'aimerais savoir ce que vous nous recommanderiez d'examiner pour le financement des petites et moyennes entreprises en matière de concurrence et d'utilisation des technologies d'information. Affirmeriez-vous que le gouvernement devrait dire et faire certaines choses au chapitre des technologies de l'information afin d'améliorer notre compétitivité? Quelles sont les autres recommandations que vous feriez pour que nous aidions ces petites et moyennes entreprises? C'est votre principale expertise.
M. Milway : Je vais vous donner une réponse similaire à celle que je vous ai donnée sur le capital de risque. L'éducation et le taux d'imposition. Au sujet des taux d'imposition, jusqu'ici, ce que le gouvernement fédéral a fait et que des gouvernements provinciaux comme l'Ontario imitent, à tout le moins jusqu'à récemment — le Canada a été l'une des pires administrations au monde au chapitre des nouveaux investissements en technologie, ou en quoi que ce soit d'autre, d'ailleurs. Nous avons imposé un lourd fardeau fiscal aux sociétés, à l'échelon tant fédéral que provincial. Beaucoup de provinces ont appliqué la taxe de vente. Nous avions même l'impôt sur les gains en capital. Au Canada, jusqu'à il y a quelques années, notre régime fiscal intégrait des mesures dissuasives qui décourageaient les gens de faire ces investissements. À mon avis, les mesures prises par les gouvernements fédéral et provinciaux, tout particulièrement ici en Ontario et dans d'autres provinces, contribueront à régler ce problème, car il est vrai que les investissements de nos entreprises en technologies de l'information sont insuffisants.
D'autres moyens de s'attaquer à ce problème, et, une fois de plus, il ne s'agit pas d'une mesure à court terme, c'est l'éducation. D'après les résultats de recherche de Statistique Canada, ce sont les installations technologiques les plus complexes ou les plus compliquées qui rapportent le meilleur rendement. Il ne suffit pas d'informatiser la liste de vos comptes client ou de vos contacts de vente; c'est une question de changer la manière de faire les affaires et de se servir de la technologie comme d'instrument habilitant. Pour cela, il faut des gestionnaires qui s'y connaissent : l'éducation est l'un des indicateurs prévisionnels qui permettent de déterminer cette caractéristique. Nous savons que les gestionnaires des petites et moyennes entreprises sont moins éduqués que ceux des grandes entreprises. Des cadres intermédiaires canadiens sont considérablement moins instruits que leurs homologues américains. Une fois de plus, ce n'est pas une solution à court terme. Il nous faut continuer à travailler là-dessus et, au bout du compte, nous pourrons récolter les fruits de notre travail.
Si je savais comment aider les petites entreprises à faire des investissements en TIC qui pourraient leur rapporter d'excellents rendements, alors je vous le proposerais certainement. Ce qu'il nous faut retenir, c'est que nous devons travailler sur la qualité de nos gestionnaires à l'échelle des petites entreprises et, tant qu'à y être, à l'échelle des grandes entreprises également. Je crois également que les changements apportés par les gouvernements fédéral et provinciaux au régime fiscal seront utiles.
Le sénateur Oliver : Le plan actuel des gouvernements est de continuer à réduire les impôts, alors nous sommes sur la bonne voie.
M. Milway : C'est ce que je crois aussi. Nous pourrions réduire les impôts davantage si nous étions prêts à ajuster les taux d'imposition des petites et moyennes entreprises. À l'heure actuelle, les grandes entreprises paient davantage. Le verre est-il à moitié vide ou à moitié plein? Les grandes entreprises paient davantage qu'elles ne le devraient, car les petites entreprises bénéficient des allégements.
Le sénateur Massicotte : Savez-vous à quel montant cela correspond?
Le président : L'image est encore figée.
Le sénateur Oliver : Est-ce que vous nous entendez?
M. Milway : Je vous entends parfaitement, mais l'image que je vois est figée.
Le président : C'est la même chose pour nous.
Le sénateur Massicotte : Vous dites que tout le monde devrait être traité équitablement. Voilà un solide argument auquel nous pouvons croire. En réduisant l'avantage dont bénéficient les petites entreprises, il serait possible de réduire le taux des grandes sociétés. À quel montant correspond une telle mesure? Avez-vous la moindre idée de l'incidence qu'elle pourrait avoir ou du pourcentage de revenu qu'une grande société devrait payer en conséquence?
M. Milway : Non, je l'ignore. Je n'ai pas de chiffre à vous donner. Je ne sais pas à combien cela s'élève. Si vous augmentez le taux d'imposition des petites entreprises et faites diminuer celui des grandes sociétés, très franchement, j'ignore à quel montant cela pourrait correspondre; toutefois, je favoriserais la neutralité fiscale, en ce sens que, en baissant l'une, vous augmentez l'autre. Soyons réalistes : aucun gouvernement n'augmentera le taux d'imposition des petites entreprises. Personne n'est aussi suicidaire. Toutefois, ce que j'ai constaté dans certaines provinces, c'est que le gouvernement décide d'abaisser le taux d'imposition des sociétés, et il coupe davantage dans celui des grandes sociétés que dans celui des petites entreprises. Au fil du temps, les deux taux vont converger. Voilà la réponse détournée à votre question. J'ignore la valeur en dollars de la mesure dont nous parlons.
Le président : Monsieur Milway, je vous remercie. Votre image est peut-être figée, mais votre esprit ne l'est certainement pas, et nous sommes heureux d'avoir pu en bénéficier.
M. Milway : Merci beaucoup.
Le président : Nous vous prions de nous excuser du préavis de dernière minute.
Chers collègues, cela met fin à notre séance. Demain matin, à 10 h 30, nous allons accueillir deux représentants de Deloitte et nous parlerons de leur étude intitulée L'avenir de la productivité — Un plan d'action en huit étapes pour le Canada. Cela devrait également être très intéressant.
(La séance est levée.)