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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 19 - Témoignages du 3 avril 2012


OTTAWA, le mardi 3 avril 2012

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 17 h 30 pour faire l'étude de l'état actuel et futur du secteur de l'énergie du Canada (y compris les énergies de remplacement).

Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je déclare ouverte cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Soyez les bienvenus à cette séance très spéciale tenue dans le cadre de l'étude approfondie du secteur de l'énergie, que nous menons actuellement en vue d'établir un cadre stratégique en matière d'énergie dans toutes les régions du Canada. Nous espérons contribuer à améliorer l'efficacité, la durabilité, la productivité et la prospérité de toutes les régions du Canada, un pays qui regorge d'abondantes ressources énergétiques.

Le message que nous envoie le reste du monde semble parfois négatif. L'un de nos objectifs consiste à attirer l'attention sur le fait que nous sommes un géant de l'énergie et que notre production énergétique est très réfléchie. Nous visons également à améliorer les connaissances des Canadiens, jeunes et moins jeunes, dans le domaine de l'énergie.

Je l'ai dit à maintes reprises, mais permettez-moi de répéter que lors de nos déplacements au pays, nous avons constaté que les Canadiens ont tendance à tenir nos richesses pour acquises. Lorsqu'on actionne l'interrupteur, la lumière s'allume, et on ne se pose pas de questions. Pourquoi la lumière s'allume-t-elle? Nous n'offrons pas nécessairement le cours « Thomas Edison 101 » dans toutes nos écoles; au cours des trois dernières années, nous avons donc provoqué une discussion au sein de la population canadienne. L'avons-nous fait autant que nous le voulions? Je ne dirais pas que nous avons complètement réussi, mais maintenant, le National Post a un volet sur l'énergie, un forum de discussion, un site web et un compte Twitter. Cela nous a permis non seulement d'être fiers de ce que nous faisons, mais aussi de nous pencher sur les régions où nous n'avons peut-être pas eu un impact assez important.

Les jeunes Canadiens représentent l'avenir et, ce soir, nous avons la chance d'accueillir, dans le cadre d'une initiative entreprise il y a quelque temps par le sénateur Mitchell, de jeunes élèves canadiens du secondaire qui viennent de diverses régions du pays. Je demanderai au sénateur de prendre la parole dans un moment, mais je voudrais d'abord prononcer quelques mots.

Nous avons appris certaines choses à propos des médias sociaux. Nous ne dormons pas; nous sommes des sénateurs canadiens actifs et travailleurs, qui veulent faire du Canada un pays meilleur. Je sais que vous partagez ce point de vue. Par conséquent, avec l'aide de notre personnel de soutien très compétent, nous avons créé un site web consacré à notre étude. Nous avons également un compte Twitter et, ce soir, nous aurons l'occasion de vérifier s'il fonctionne bien, car notre discussion avec les Canadiens s'étendra à l'extérieur de cette pièce.

Toutes nos séances concernant cette étude sont télédiffusées sur la chaîne CPAC. Elles peuvent également être vues sur Internet, ainsi que sur le site web spécial dont j'ai parlé. Je souhaite la bienvenue à toutes les personnes qui sont ici ce soir. À tous nos auditeurs, je peux dire que ce sera une séance unique et fascinante.

En outre, les sénateurs se sont familiarisés avec l'iPad, ou la tablette. L'arrivée de la tablette électronique nous offre de nouveaux moyens d'avoir accès à l'information et de l'utiliser. Auparavant, nous devions tous apporter une quantité impressionnante de documents pour une seule audience du Sénat. Nous avons appris comment télécharger ces documents sur notre tablette. À l'automne 2011, lorsque le Sénat a approuvé l'achat de tablettes pour tous les sénateurs, on prévoyait que cette nouvelle technologie jouerait rapidement un rôle important au Sénat. De nombreuses raisons justifient l'utilisation des tablettes électroniques, mais l'une des plus importantes, c'est qu'il est plus économique d'utiliser moins de papier. Il est tout à fait approprié que le Comité de l'environnement mette cet outil à l'essai.

Les autorités responsables du Sénat en ont pris note et ont dit que cela pourrait peut-être servir à tous les comités. Il y a entre 16 et 21 comités sénatoriaux permanents ou spéciaux. Le Sénat est un endroit très occupé. Il y a 105 sénateurs. Nous ne parlons pas uniquement du microcosme du Comité de l'énergie. Nous avions convenu de mener un projet pilote. C'est en grande partie grâce au bureau du sénateur Mitchell, qui est à l'avant-garde en ce qui concerne les nouvelles technologies, que notre comité a été choisi pour le projet pilote.

Je tiens à vous en remercier, sénateur Mitchell.

Le sénateur Mitchell et moi encourageons tous les membres du comité qui possèdent un iPad ou une tablette à s'en servir pour consulter les documents du comité durant les séances, et ce, à partir du 24 avril.

Sans plus attendre, je souhaite la bienvenue à tous nos invités de la Queen Elizabeth High School d'Edmonton, là où est née cette idée. Il est difficile de croire que le sénateur Mitchell est déjà allé à l'école secondaire, mais c'est incroyable tout ce qu'il a appris à l'école de la vie.

Nous accueillons ce soir Terrance Godwaldt, enseignant et coordonnateur du Centre for Global Education, Queen Elizabeth High School. Soyez le bienvenu et merci de votre participation. Nous accueillons également Chelsea Baker, d'Edmonton, Alberta; Travis Dueck, d'Edson, Alberta; Colton Praill, d'Ottawa, Ontario; et Brandon Eardley, de Montréal, Québec. Je vous remercie d'être ici pour participer à ces travaux.

Je vais maintenant céder la parole au sénateur Mitchell, qui a lancé cette idée de travailler avec M. Godwaldt.

Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup. Je ne peux m'attribuer le mérite de cette initiative. Je dois dire que c'est Terry Godwaldt et son équipe qui ont organisé cela.

J'aimerais prendre quelques minutes pour exprimer l'enthousiasme que je ressens. Comme l'a dit le sénateur Angus, c'est une occasion unique, et à bien des égards. Nous n'avons pas pu avoir accès à toutes les données historiques, mais nous pensons que c'est probablement la première fois que des élèves du secondaire viennent témoigner devant un comité sénatorial à titre d'experts, pour ainsi dire, sur une question de politique générale, et non une question qui les touche sur le plan personnel. C'est donc une occasion très importante.

Plusieurs d'entre nous nous demandions qui peut se préoccuper le plus d'une stratégie énergétique canadienne pour l'avenir que ceux pour qui l'avenir compte le plus, soit les élèves. Il y a plusieurs années, en essayant de trouver des endroits où l'on avait mis sur pied et développé des programmes de sensibilisation à la durabilité, j'ai rencontré Terry Godwaldt qui, par une heureuse coïncidence, travaillait pour la commission des écoles publiques d'Edmonton dans mon ancienne école secondaire, que j'ai fréquentée durant trois années complètes, pas plus.

Nous avons commencé à discuter. Il se trouve que ce programme est remarquable, à bien des égards. On se sert notamment de vidéoconférences pour réunir des élèves de partout dans le monde afin de discuter des enjeux relatifs à la durabilité, par exemple.

Quand nous nous sommes demandé où nous pourrions trouver des élèves pour faire cela, je suis allé le voir. Il a lancé cette excellente idée, que je ne vais pas vous expliquer, car il va le faire bien mieux que moi. Toutefois, je peux vous dire qu'elle permet de rassembler les idées d'une façon moderne et démocratique, d'utiliser la technologie de façon novatrice et efficace. L'initiative est importante également parce que nous avons ici de jeunes gens qui participent à ce processus et qui nous présenteront leurs exposés. Il y a des élèves de partout au pays qui nous regardent et qui nous enverront des questions sur Twitter afin que nous y répondions. Cela représente très bien le XXIe siècle. C'est un plaisir de vous accueillir.

Le président : Merci, sénateur Mitchell. Comment cela cadre-t-il précisément avec l'étude sur le secteur de l'énergie que nous menons en fonction d'un mandat très bien défini, afin que ce soit fait?

Le sénateur Mitchell : Notre étude porte sur une stratégie énergétique canadienne et tout ce que cela implique. Je tiens à mentionner que Saskia Tolsma, de mon bureau, collabore très étroitement avec eux et fait de l'excellent travail. Nous n'avons pas donné d'orientation précise aux élèves. Nous leur avons demandé de nous dire ce qui, selon eux, devrait être fait en ce qui a trait à la stratégie énergétique canadienne. Ils ont passé en revue la documentation et ont dégagé des questions, quatre questions, qui nous seront expliquées clairement, ont obtenu des informations et formulé des recommandations, je crois, ou des observations au sujet des solutions possibles. Il se trouve que j'en ai eu un petit aperçu ce matin, et cela m'a donné une idée de ce qu'ils vont faire. Cela cadre très bien avec l'étude que nous menons. Ils ont vraiment bien compris ce dont nous avons besoin; ils vont nous permettre de faire des progrès considérables dans notre étude, sans vouloir exercer de pression.

Le président : Monsieur Godwaldt, la parole est à vous.

Terrance Godwaldt, enseignant et coordonnateur du Centre for Global Education, Queen Elizabeth High School : Merci beaucoup. Même si le projet est coordonné par des enseignants, il s'agit en grande partie d'un projet étudiant; par conséquent, ce sont les élèves qui vont vous le présenter.

Travis Dueck, étudiants, à titre personnel : Je m'appelle Travis Dueck, et au nom de tous les jeunes Canadiens, je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de m'adresser à vous. C'est un grand privilège pour nous d'être ici aujourd'hui pour témoigner devant le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Tout à l'heure, M. Godwaldt vous expliquera en détail le fonctionnement de notre projet et de notre conférence sur la durabilité, mais d'abord, j'aimerais vous donner le point de vue des jeunes sur ce projet.

Le président : Excusez-moi. Puis-je vous interrompre un instant? On ne vous a peut-être pas informé que tout ce que vous dites est traduit par des interprètes officiels très compétents. Par conséquent, il serait préférable que vous ralentissiez un peu le rythme. Nous avons tous eu tendance à parler rapidement, mais nous apprenons, ici; gardez donc cela à l'esprit, car vous avez tous de belles choses à nous dire, et nous ne voulons pas les manquer.

M. Dueck : Merci. Au cours des huit dernières semaines, de jeunes Canadiens de partout au pays ont mené des discussions et ont partagé leur enthousiasme. Comme nous vous en parlerons aujourd'hui, nous avons uni nos voix et nous avons mis sur pied cette conférence sur la durabilité énergétique. Au début de notre conférence, nous avons défini la durabilité comme étant un plan visant à assurer la prospérité et la stabilité économiques à long terme aux générations futures de Canadiens, tout en établissant un programme énergétique ayant le moins de conséquences possible à long terme sur l'environnement.

Cette définition nous a permis de comprendre toute l'ampleur de cet enjeu. Comme dans toute démocratie, nous avons voté. Les élèves ont déterminé ce qu'ils considéraient comme les quatre aspects les plus importants de la durabilité énergétique canadienne. Le premier est la production de nos ressources énergétiques au Canada et l'exportation des produits finis à l'étranger; le deuxième est un virage progressif vers l'énergie renouvelable, une diversification de notre économie tout en favorisant un avenir énergétique plus durable; le troisième est de considérer le Canada comme un chef de file mondial en matière de discussion et de consensus sur les sources et les utilisations de l'énergie. Le quatrième est une stratégie canadienne, dont vous avez parlé tout à l'heure, qui fait correspondre aux objectifs nationaux tout ce que nous avons appris concernant l'impact environnemental de notre consommation et de notre production d'énergie.

Nous voulons aborder trois sujets principaux, soit l'efficacité des sources d'énergie traditionnelle et des sources d'énergie durable, le rôle du Canada en tant que géant de la production d'énergie à l'échelle internationale, ainsi que l'établissement d'une stratégie énergétique canadienne.

Au cours de nos huit semaines, nous avons travaillé en collaboration avec d'autres élèves canadiens. Nous avons vu bien des idéaux, certains plus réalistes que d'autres. Les options que nous avions envisagées au départ ont été modifiées quand nous avons découvert la complexité de ces enjeux; nous avons trouvé des solutions en matière d'économie, d'environnement et de relations internationales.

Avant de commencer, j'aimerais que vous vous imaginiez tous que le mur derrière nous est couvert des centaines de visages des Canadiens qui se joindront à nous par l'intermédiaire d'une connexion Internet, notamment des élèves de la Queen Elizabeth High School à Edmonton, en Alberta; l'école secondaire Colonel By à Ottawa, en Ontario; la David Suzuki High School à Brampton, en Ontario; l'école secondaire régionale Centennial à Montréal, au Québec; le WestShore Centre for Learning & Training à Victoria, en Colombie-Britannique et mon école, la Parkland Composite High School à Edson, en Alberta.

Le président : Très bien. Et maintenant?

M. Godwaldt : C'est là que j'interviens. Comme tout bon enseignant, il est toujours bon d'entendre le son de sa propre voix. Merci beaucoup de nous accueillir; j'aimerais vous féliciter d'être sortis des sentiers battus et d'avoir osé entendre la voix des jeunes. Ce n'est pas seulement un exercice visant à entendre parler d'énergie; il s'agit aussi d'un exercice de promotion de la démocratie qui facilite le dialogue entre des gens à qui on a confié le pouvoir de prendre des décisions et ceux qui leur succéderont un jour, qui joueront un rôle de chef de file et occuperont des postes où ils seront à leur tour appelés à prendre des décisions. Essentiellement, il s'agit d'un processus de promotion de la démocratie chez les jeunes par lequel on leur fait savoir que leur voix se fait entendre.

Avant d'examiner en détail les conclusions des jeunes, nous avons pensé qu'il serait bien de vous donner un aperçu du déroulement de la conférence et de la façon dont nous avons favorisé l'engagement des jeunes pour nous assurer que leurs points de vue se faisaient vraiment entendre. Le point culminant fut un événement qui s'est tenu le 21 mars, mais avant, pendant le mois précédant la conférence, les représentants des élèves de chaque province se sont rencontrés chaque semaine pour établir un cadre commun qui permettrait aux participants à la conférence de préparer un document, que vous avez devant vous, et qui représente le point de vue des élèves sur l'énergie au Canada. Ils ont travaillé de façon synchrone, par vidéoconférence — que je définirai sous peu pour tout le monde sache de quoi il est question —, et de façon asynchrone, ce qui consiste à travailler chacun de leur côté à différents moments en utilisant un portail interactif destiné aux élèves et conçu à cette fin. Ils ont défini les questions et les thèmes essentiels, identifié un ensemble de ressources pertinentes et créé une feuille de route que leurs collègues allaient préciser le 21 mars.

En quoi cela consistait-il exactement? Au début de février, nous avons réuni les écoles de partout au pays — de la Colombie-Britannique jusqu'à Montréal — qui ont été énumérées plus tôt par Travis, qui sont situées tant dans les grands centres urbains que dans des collectivités rurales qui sont très près... On parle d'écoles qui sont situées près des sources d'énergie et d'autres qui en sont très éloignées. Pour l'ensemble du Canada, nous avions une représentation exacte de l'économie, des régions et de l'industrie.

Il y avait des rencontres et un groupe de 40 chefs de file a été formé parmi les élèves de ces six écoles. Ces 40 chefs de file, auxquels on a donné des ressources, se sont réunis chaque semaine. On leur donnait de deux à cinq articles à lire et on leur donnait aussi de la formation sur certaines technologies. Ce que nous entendons par réunion, même si une école est à Montréal et qu'une autre est en Colombie-Britannique, c'est que les élèves se rencontraient par vidéoconférence. Nous avons un grand écran comme celui qui se trouve là-bas et sur l'écran, on pouvait voir toutes les écoles. La personne qui prenait la parole était à l'avant-plan et les autres, à l'arrière-plan. Nous avons véritablement créé une salle de classe nationale.

En plus de la vidéoconférence, nous avons créé une page Web semblable à Facebook parce que nous voulions regrouper les apprenants, les chefs de file en matière d'énergie. Nous savons qu'au sein de tels groupes, il n'y a pas que les réunions; il y a aussi les relations qui sont établies en marge des réunions. Ces chefs de file ont reçu le mandat de mettre sur pied la conférence sur l'énergie. On leur a donné des directives très sommaires sur la forme qu'elle devrait prendre, mais en réalité, ce sont eux qui l'ont préparée.

Les réunions avaient lieu chaque semaine et à chaque réunion, les élèves avaient d'autres documents à lire et de la formation sur différentes technologies, notamment sur YouTube, le vote par téléphone cellulaire pour qu'ils puissent voter sur n'importe quel enjeu, Google Documents, la vidéoconférence, et cetera. Ils avaient de la lecture, puis on leur offrait une formation sur une technologie précise pour qu'ils puissent participer à des babillards électroniques et des blogues. Ils utilisaient ces technologies pour échanger des idées. Un élève — Colton, peut-être — pouvait écrire un essai dans un blogue à Ottawa; puis, à Edson, Travis pouvait le lire et lui faire part de ses commentaires. Ensuite, Colton y retournait et modifiait son travail, créant ainsi un brassage d'idées à l'échelle du pays. Chaque semaine, les élèves faisaient des recherches sur de nouveaux renseignements et utilisaient de nouvelles technologies qui leur permettaient d'échanger des idées et de collaborer.

Cela a atteint son point culminant à l'occasion de la conférence du 21 mars. Si vous regardez à la page 2 des documents, vous trouverez une liste des orateurs. M. Stephen Murgatroyd, un expert-conseil auprès de beaucoup de grandes entreprises; M. Shawn Marshall, le titulaire de la Chaire de recherche du Canada en changement climatique; Mme Laurin Liu, la députée néo-démocrate de Rivière-des-Mille-Îles et la première ministre Alison Redford sont venus, ont parlé aux jeunes et leur ont fait part de leur point de vue sur le sujet.

Voilà la partie exaltante. Après, je vais céder la parole aux jeunes. Pendant l'après-midi, il n'y avait pas que 40 élèves qui participaient à la réunion, mais plus de 300.

Le président : C'était le 21 mars?

M. Godwaldt : Oui. On avait attribué une couleur à chaque représentant de chaque école de chaque ville. On ne peut tout simplement pas avoir 300 élèves qui discutent. En conséquence, ils ont été répartis en groupes : vert, bleu et jaune. Puis, chaque ville comptait un rouge. Les rouges allaient de leur côté et travaillaient sur Google Documents, qui est un système de traitement de texte qui permet, par exemple, au sénateur Sibbeston, dans les Territoires du Nord-Ouest, d'écrire exactement au même moment que vous, sénateur Peterson. Avec vos 10 élèves, vous travaillez sur vos idées, puis quelqu'un dans les Territoire du Nord-Ouest peut reprendre vos idées et les envoyer au groupe des rouges. Ainsi, tous les rouges de partout au pays travaillent ensemble à la création du document.

Ensuite, à la fin de la période de 20 minutes, tous les élèves s'arrêtaient et préparaient une vidéo qui allait être diffusée sur YouTube. C'était une vidéo d'une minute qui contenait l'essentiel de tous les travaux du groupe rouge. Puis, tout le monde regardait les vidéos des autres rouges du pays. Enfin, nous poursuivions nos travaux tout au long de la conférence.

Les élèves répondaient aux questions essentielles, qu'ils avaient eux-mêmes choisies, et ils créaient ensuite les documents. À la fin de la journée, ils prenaient le document et nous en dégagions les 20 idées fondamentales. Après avoir établi les enjeux prioritaires et les solutions, ils ont voté sur ces 20 idées.

C'est vraiment la démocratie. C'est la démocratie à laquelle nous les formons, nous les équipons; nous leur donnons les outils nécessaires à la prise de telles décisions. Ensuite, ils ont voté et nous en avons dégagé les quatre points clés que vous avez devant vous.

J'aimerais maintenant céder la parole à Chelsea Baker, qui vous parlera de certaines des idées qu'ils ont trouvées.

Le président : Pas si vite. La démocratie étant ce qu'elle est, elle comprend la concurrence. De quelle façon a-t-on déterminé qui aurait la chance de venir ici et de nous rencontrer aujourd'hui?

M. Godwaldt : Nous savions qu'il n'y avait que quatre places. Nous voulions avoir une représentation nationale, mais nous ne voulions pas simplement choisir des gens des grandes villes. Nous ne voulions pas seulement nous assurer d'avoir une représentation de l'ensemble du pays — vous remarquerez que nous avons deux représentants de l'Alberta —, mais aussi d'un endroit comme Edson, où il y a des activités liées au gaz naturel et à la foresterie. Cette diversité est utile pour informer les gens des grandes villes sur l'endroit d'où provient l'énergie. Voilà de quelle façon nous avons choisi les quatre collectivités. Chaque ville a été en mesure de choisir...

Le président : ... son représentant.

M. Godwaldt : Oui.

Le président : Beaucoup d'élèves ont participé à cette initiative, mais on a réduit cela à ces quatre personnes formidables que nous avons ici aujourd'hui. En quelque sorte, c'est un honneur pour eux et c'est certainement un privilège pour nous de vous rencontrer tous les quatre.

M. Godwaldt : Ces quatre élèves ont fait un travail exceptionnel. Nous aimerions vous montrer une partie de leur travail, si vous souhaitez voir les documents Google, l'ébauche et l'origine de ce document. Nous serions heureux de vous fournir, mais vous verrez leur signature tout au long de ces documents.

Le président : C'est parti. Nous verrons aussi le résultat de leur travail.

Chelsea Baker, élève, à titre personnel : Les jeunes du Canada ont choisi quatre initiatives stratégiques et quatre énoncés de politique qui, à notre avis, étaient les plus importants pour nous par rapport à l'avenir de la durabilité énergétique au Canada. Si vous regardez le document, vous verrez des résultats et des statistiques. Vous remarquerez qu'un nombre écrasant de jeunes sont favorables à une stratégie énergétique canadienne qui comprend à la fois un volet national et un volet international.

Nous sommes conscients que le pays dépend toujours des sources d'énergie traditionnelles, mais nous voudrions voir un changement visant à rendre ces ressources plus durables, tant sur le plan économique que sur le plan environnemental. En même temps, nous voudrions qu'il y ait une transition graduelle vers des ressources renouvelables et plus durables sur le plan de l'environnement, comme l'énergie solaire et l'énergie éolienne. Cette transition permettra aussi la diversification du secteur canadien de l'énergie, ce qui permettra de créer plus d'emplois.

Nous disons qu'il serait possible d'utiliser les fonds provenant des taxes perçues dans le secteur de l'énergie à des fins de recherche et développement de nouvelles technologies, dans le but de rendre la production d'énergie plus efficace et plus durable sur le plan de l'environnement et de l'économie. Cela pourrait inclure des améliorations dans le secteur des énergies traditionnelles et la poursuite du développement des sources non traditionnelles.

Pour ce qui est de la participation du gouvernement, les jeunes du Canada croient que pour qu'une stratégie énergétique canadienne connaisse du succès, elle doit être facilitée par le gouvernement et les autorités fédérales et provinciales doivent collaborer à la préparation d'un plan unique. Plus des trois quarts des jeunes considèrent que le Canada devrait adopter des objectifs nationaux en matière de réduction des émissions de produits dommageables pour l'environnement et s'engager à les respecter. On devrait graduellement opérer une transition vers des produits plus durables sur le plan de l'environnement.

Le Canada doit aussi être considéré comme le chef de file mondial dans le secteur de l'énergie.

Nous aimerions aussi vous faire remarquer que les jeunes ont eu la possibilité de choisir des points de vue extrêmes tels qu'une transition rapide ou même l'élimination complète des sources d'énergie traditionnelles comme le charbon, le pétrole et le gaz. Si vous regardez les chiffres que vous avez devant vous, vous remarquerez que sur les questions d'énergie, les jeunes ont plutôt choisi une approche plus équilibrée et réaliste qui tient davantage compte de la diversité des besoins énergétiques que l'on observe au pays.

M. Dueck : Je vais parler plus lentement cette fois-ci. Je suis un élève de 12e année à la Parkland Composite High School, à Edson, en Alberta. Aujourd'hui, je ne représente pas seulement les jeunes du Canada, mais je représente aussi les jeunes de l'Alberta sur les questions de la durabilité, des sources d'énergie traditionnelles et par rapport aux solutions et aux recommandations des jeunes sur cette question.

Les jeunes Canadiens aimeraient augmenter l'efficacité des sources d'énergie traditionnelles du Canada — y compris le charbon, le pétrole et le gaz — et voudraient trouver de nouveaux partenaires commerciaux internationaux, ce qui nous donnerait un avantage concurrentiel sur le marché et nous permettrait d'augmenter la valeur des produits pétroliers canadiens.

J'aimerais commencer par une citation de George Bernard Shaw : « Il y a seulement deux qualités dans le monde : l'efficacité et l'inefficacité; et il y a seulement deux catégories d'individus : ceux qui sont efficaces et ceux qui ne le sont pas. » Je suis fier de dire que je suis Canadien, et je suis honoré d'être ici dans notre capitale nationale aujourd'hui pour représenter les jeunes Canadiens.

Le Canada est un pays qui se dit une superpuissance en matière de production d'énergie. À l'heure actuelle, on trouve 19 raffineries au Canada, dont 16 fabriquent la gamme complète de produits pétroliers. Il y a des raffineries dans chaque province canadienne, à l'exception du Manitoba et de l'Île-du-Prince-Édouard. Des 12 sociétés qui exploitent des raffineries au Canada, seules Imperial Oil, Shell et Petro-Canada en exploitent plus d'une et vendent leurs produits pétroliers à l'échelle nationale.

Selon la professeure Flynn-Burhoe, de l'Université Carleton, les Canadiens consomment, en moyenne, 1,8 million de barils de pétrole par jour aux fins d'utilisation domestique; de ce chiffre, 778 000 barils proviennent de partenaires commerciaux internationaux, comme l'Algérie, le Royaume-Uni, le Nigeria, la Norvège et l'Arabie saoudite. Pourtant, nous exportons 1,9 million de barils de pétrole par jour aux États-Unis pour ensuite racheter ce pétrole directement et indirectement sous forme produits pétroliers raffinés.

Quand on revendique le titre de superpuissance internationale en matière d'énergie, on n'a aucune excuse pour dépendre de l'importation afin de répondre à nos besoins nationaux en pétrole. Toutefois, nous ne disons pas qu'il faut éliminer l'importation de produits pétroliers internationaux. Sans perdre de vue le contexte économique mondial concurrentiel, nous aimerions que les entreprises canadiennes tirent parti du marché canadien en raffinant une plus grande quantité de nos ressources naturelles à l'intérieur de nos frontières pour la consommation nationale et le commerce intérieur.

Nous devons inciter les entreprises à fabriquer et à raffiner des produits pétroliers au Canada pour les marchés tant nationaux qu'internationaux. Nous devons considérer cela comme un investissement, et non un coût, parce qu'une telle mesure stimulera l'économie et nous permettra d'atteindre de nouveaux objectifs commerciaux. C'est un élément crucial quand on entre dans le nouveau contexte mondial de l'énergie, qui est plus progressiste et concurrentiel.

Comme pour toute modification apportée aux politiques, aux règlements ou aux objectifs nationaux, on a plus de chances de réussir et d'accroître la prospérité nationale grâce à une intégration lente et harmonieuse de ces changements. D'ailleurs, à la question de savoir s'ils préfèrent une intégration lente de l'énergie durable ou un changement rapide, 67,4 p. 100 des jeunes Canadiens interrogés ont jugé que l'intégration lente de technologies éconergétiques est un des principaux facteurs de réussite pour toute forme de stratégie énergétique.

Par exemple, à l'heure actuelle, il est plus rentable pour nous d'importer notre pétrole auprès de partenaires commerciaux internationaux que de l'acheminer d'un bout à l'autre du pays, des provinces de l'Ouest aux provinces de l'Est et de l'Atlantique. Toutefois, une telle approche ne procure pas aux Canadiens une sécurité énergétique nationale. À cause de l'instabilité politique dans les régions de nos partenaires commerciaux internationaux, il est imprudent de supposer que l'importation du pétrole sera toujours la façon la plus efficace d'approvisionner en énergie l'Est du Canada.

En tant que représentants des jeunes au Canada et en Alberta, nous appuyons la création d'une stratégie énergétique canadienne — une collaboration entre les provinces et le gouvernement fédéral. Nous pouvons établir des objectifs raisonnables en matière d'énergie, notamment celui d'améliorer la capacité de transporter notre pétrole à l'échelle nationale aux provinces de l'Atlantique et de l'Est, tout en établissant une infrastructure qui garantit la durabilité énergétique future pour tous les Canadiens. En plus de la sécurité énergétique, ces oléoducs permettront d'exporter le pétrole canadien de l'autre côté de l'océan Pacifique, en Asie et en Europe. Grâce à ces partenariats commerciaux, nous augmentons non seulement la capacité exportatrice du Canada, mais aussi la valeur du pétrole canadien qui est exporté aux États-Unis à cause de notre nouvel avantage concurrentiel sur le marché.

Revenons à la citation de George Bernard Shaw que j'ai mentionnée au début de mon exposé : « Il y a seulement deux qualités dans le monde : l'efficacité et l'inefficacité; et il y a seulement deux catégories d'individus : ceux qui sont efficaces et ceux qui ne le sont pas. » Nous voulons mettre les Canadiens au défi d'accroître leur efficacité. Au lieu d'établir des normes industrielles que les entreprises s'efforceront d'atteindre, nous devrions miser sur la norme la plus exigeante de l'industrie pour en faire une norme universelle, toujours à la poursuite de l'excellence.

Les jeunes Canadiens veulent être efficaces, non seulement dans la recherche et le développement de solutions axées sur les sources d'énergie conventionnelle en place, mais aussi dans l'exploration de nouvelles solutions misant sur l'énergie renouvelable, et Mme Baker en parlera dans son exposé. Merci.

Le président : Merci, monsieur Dueck.

Mme Baker : Je viens d'Edmonton, en Alberta. Les jeunes Canadiens, d'un bout à l'autre du pays, nous ont dit que, s'ils avaient à choisir entre une transition graduelle ou une transition immédiate pour passer des sources d'énergie conventionnelle vers des sources d'énergie durable, ils choisiraient la première option parce que ce serait plus réaliste.

À cette fin, ils aimeraient voir les mesures suivantes à l'échelle fédérale : des politiques et une aide financière pour la mise en oeuvre progressive des innovations et la création de moyens plus efficaces d'utiliser des sources d'énergie conventionnelle dans le centre du Canada et dans l'Ouest, c'est-à-dire des technologies axées sur l'énergie pétrolière et l'énergie au charbon, ainsi qu'une taxe sur les gaz à effet de serre, surtout le dioxyde de carbone, engendrant ainsi des recettes dont le tout sera versé à l'industrie pour la recherche et l'intégration des innovations en matière d'énergie durable. De plus, nous trouvons qu'il est important d'encourager une utilisation accrue de technologies axées sur l'énergie renouvelable et d'aider un plus grand nombre d'employés du secteur de l'énergie conventionnelle à faire la transition vers des emplois verts. Les jeunes Canadiens voudraient également que le Canada prenne l'initiative et devienne un chef de file mondial en énergie durable.

Nous reconnaissons qu'il s'agit là d'objectifs optimistes. Toutefois, nous sommes convaincus qu'ils sont nécessaires pour la survie et la prospérité de notre pays.

Durant la conférence d'une journée, la majorité des étudiants canadiens ont voté en faveur d'une transition lente vers l'énergie durable au Canada, chose qu'ils ont jugé nécessaire à l'intérêt du pays. Ils ont entendu un exposé sur la quantité d'énergie non renouvelable qui est actuellement utilisée à l'échelle tant nationale qu'internationale. Pour ce qui est d'appliquer une taxe uniforme sur le carbone ou les gaz à effet de serre dans l'ensemble du Canada, nous croyons que le montant total des recettes récupérées devrait retourner à l'industrie pour financer la recherche et le développement dans le domaine des énergies renouvelables. Nous estimons qu'il faut également accorder des subventions aux industries et aux particuliers afin de réduire le plus possible les conséquences négatives éventuelles sur l'économie, comme dans le cas du modèle de l'Alberta.

Par ailleurs, les jeunes Canadiens estiment qu'il serait très important de sensibiliser la population à l'énergie durable, grâce à des efforts pour promouvoir des sources d'énergie propre par l'entremise de la recherche. En ce qui a trait à la taxe sur le carbone, il semble que la façon la plus juste de procéder serait d'imposer le même taux aux gens et aux entreprises partout au pays, qu'il s'agisse d'un taux par tonne d'émissions de dioxyde de carbone ou d'une augmentation de 1 p. 100 de notre TPS, ce qui produirait des recettes d'environ 6,5 à 7 milliards de dollars par année, le tout investi dans des technologies axées sur des formes d'énergie plus vertes. L'ajout de cette taxe à notre TPS serait utile puisque les Canadiens n'auraient pas l'impression de payer plus de taxes qu'ils ne le font déjà, étant donné que ce serait une seule taxe, et le gouvernement investirait les recettes tirées du 1 p. 100 supplémentaire dans l'amélioration ou la mise au point de technologies d'énergie durable. De nombreux pays partout dans le monde ont adopté des lois pour créer des taxes basées sur les émissions de dioxyde de carbone ou de dioxyde de soufre, avec plus ou moins de succès.

Malgré ces avantages, les jeunes Canadiens reconnaissent qu'il faut prendre des précautions au moment d'imposer cette taxe. Songeons, par exemple, à l'industrie de l'aviation. La Finlande a examiné les conséquences d'une taxe basée sur le carbone sur son industrie de l'aviation. Une taxe sur les gaz à effet de serre ferait augmenter les prix des billets pour les consommateurs et, par conséquent, encouragerait ces derniers à opter pour le transport terrestre, ce qui est une option moins efficace. Pour le commun des mortels, une taxe sur les gaz à effet de serre aura pour effet d'augmenter d'au moins 5 p. 100 le coût du chauffage et de l'électricité, d'après les statistiques de 2010 d'Environnement Canada.

Le Canada accroîtrait son utilisation d'énergies renouvelables, comme l'hydroélectricité ou l'énergie éolienne, marémotrice, solaire, nucléaire, et cetera. On perfectionnerait ces méthodes de production d'énergie afin d'obtenir des résultats encore plus efficaces, selon l'emplacement géographique de chaque province, ainsi que les ressources naturelles qu'on y trouve. Ensuite, ce serait aux gouvernements provinciaux de déterminer quelles ressources d'énergie renouvelable conviennent le plus, en fonction des technologies actuelles. Des preuves permettent de conclure que ces sources créeront des emplois verts pour les travailleurs du secteur de l'énergie conventionnelle qui craignent de se retrouver sans emploi après le virage vers les technologies énergétiques.

On dit qu'aux États-Unis, les mesures visant à rendre l'économie américaine moins dépendante des combustibles fossiles stimuleraient les emplois dans les secteurs de la fabrication et de la construction. Cela comprend entre autres les rénovations des maisons et des édifices pour en accroître l'efficacité énergétique, l'adoption de sources d'énergie propre comme l'énergie éolienne ou solaire pour produire plus d'électricité et l'amélioration des systèmes de transport et d'autres infrastructures.

Toutefois, un défi pourrait se présenter : si jamais on en venait à devoir abandonner les emplois axés sur l'énergie conventionnelle, de nombreux citoyens ayant quitté le système scolaire depuis au moins une décennie ne voudraient pas nécessairement retourner aux études ou se retrouver sur les bancs d'école pour suivre une nouvelle formation afin de pouvoir occuper leur nouvel emploi vert. Il est possible de régler bon nombre de ces problèmes grâce à une transition graduelle, comme le préconisent les jeunes. En effet, les emplois verts pourraient être décrochés par les jeunes qui arrivent maintenant à l'école secondaire, au collège ou à l'université; on offrirait les cours nécessaires pour se lancer dans une carrière menant à un emploi vert et, ainsi, aider les jeunes qui se dirigent vers des carrières axées sur l'énergie conventionnelle à se recycler pour s'adapter aux technologies vertes. Par conséquent, tôt ou tard, les citoyens feront leur travail de manière plus écologique, que ce soit dans les secteurs axés sur l'énergie verte ou l'énergie conventionnelle.

Comme M. Eardley vous l'expliquera, le Canada est actuellement bien placé à cause de l'abondance des ressources énergétiques que notre pays améliore, renouvelle et maintient. Selon les jeunes Canadiens, si nous commençons à prendre des mesures pour devenir plus éconergétiques, d'autres pays emboîteront le pas, tout comme le fait le Canada en calquant les modèles d'autres pays.

[Français]

Brandon Eardley, étudiant, à titre personnel : Bonsoir. Je me nomme Brandon Eardley, je viens de l'école secondaire Centennial Regional High School à Montréal. Comme mes coéquipiers, c'est un honneur pour moi de représenter aujourd'hui non seulement les idées des jeunes du Québec, mais aussi des jeunes du Canada.

Nous, la jeunesse du Canada, croyons que notre nation devrait prendre des mesures pour occuper une place de leadership dans nos discussions internationales sur l'énergie durable. L'état de l'environnement est un sujet sur lequel la plupart de nous réfléchissons. Nous sommes d'accord que le Canada devrait commencer à faire des changements dans ce secteur et à jouer le rôle important de guider le monde vers un futur d'énergie durable.

Le Canada est une superpuissance en ce qui concerne l'énergie. Environ 76 p. 100 de notre électricité vient déjà de sources renouvelables. Nous croyons que cela nous met dans une excellente position pour développer des technologies et pour améliorer le raffinement des sources d'énergie conventionnelles afin qu'elles nuisent moins à l'environnement. En faisant cela, nous créons une opportunité économique internationale au lieu d'un problème de manque de financement.

Après la 17e conférence internationale à Durban, tel que vous le savez sûrement, le ministre de l'Environnement, Peter Kent, a expliqué la raison de notre séparation du Protocole de Kyoto. Il a dit que nous nous sommes distancés de cette entente parce que les grands émetteurs comme les États-Unis et la Chine n'étaient pas inclus. Suite à cela, les jeunes du Canada pensent que nous avons maintenant la responsabilité de favoriser la création d'une nouvelle entente qui responsabiliserait toutes les nations à agir. Nous nous sommes distancés de ce projet qui était basé sur l'amélioration de notre environnement, principalement parce que nous voulons apporter des changements partout au monde. C'est à nous de présenter nos idées sur le plan national et international.

De plus, M. Kent explique que le Canada n'a fait aucun travail pour accomplir les conditions fixées par le Protocole de Kyoto depuis plusieurs années. C'est seulement vers 2006 que le Canada s'est préoccupé de mettre en place les changements nécessaires pour rencontrer nos obligations relatives au Protocole de Kyoto.

Ceci met en évidence une situation dont le but était seulement réalisable en prenant des mesures drastiques et vraisemblablement impossibles sur le plan économique et dans la vie quotidienne des Canadiens. Afin d'éviter qu'une telle situation ne se reproduise, nous, la jeunesse, croyons qu'une nouvelle entente devrait définir des buts réalistes et un engagement à les respecter.

La jeunesse du Canada représente le futur du Canada. Nous sommes en accord, à travers le pays, que le Canada est bien placé et détient les connaissances et les ressources nécessaires pour devenir un leader dans la discussion internationale sur l'énergie durable.

Nous apprécions le fait que le travail de ce comité vise à laisser ce pays sain sur le plan environnemental et économique aux dirigeants de demain. Une stratégie de l'énergie canadienne serait une autre façon de mettre notre nation à l'avant du progrès international et elle serait incroyablement bénéfique pour le développement de nos objectifs économiques et environnementaux.

Je cède maintenant la parole à mon collègue Colton.

Colton Praill, étudiant, à titre personnel : Bonsoir. Je suis Colton Praill, j'ai 17 ans et je viens de l'école secondaire Colonel By, à Ottawa.

Les jeunes du Canada envisagent une stratégie d'énergie canadienne qui unirait le Canada d'un océan à l'autre. La stratégie d'énergie canadienne inclurait la création d'initiatives basées sur les sources d'énergie nouvelles et traditionnelles qui diminuent l'effet sur l'environnement sans créer un impact négatif sur l'environnement. Elle inclurait aussi l'assurance de la sécurité d'énergie nationale, et finalement, la participation du Canada sur le plan international.

La stratégie d'énergie canadienne se concentrerait sur la coopération entre les gouvernements fédéral et provinciaux et assurerait la participation du gouvernement fédéral dans le secteur des énergies renouvelables sans enlever les juridictions qui relèvent des provinces.

La stratégie d'énergie canadienne utiliserait les exemples d'autres pays comme le Danemark et leurs politiques d'énergie pour créer des initiatives environnementales et économiques. Finalement, la stratégie d'énergie canadienne se concentrerait sur l'unification nationale des règlements sur l'énergie renouvelable tout en respectant le désir et les nécessités de chaque province et territoire.

[Traduction]

Les jeunes Canadiens estiment qu'il est nécessaire d'élaborer une stratégie énergétique canadienne pour assurer la sécurité énergétique, particulièrement à une époque où des bouleversements ne cessent de secouer le Moyen-Orient, d'où provient une grande partie de notre pétrole.

La création d'une telle stratégie énergétique pourrait nécessiter, comme l'a dit Travis Dueck, l'expansion d'un oléoduc transcanadien. Ainsi, peu importe les bouleversements au Moyen-Orient ou dans n'importe quel autre pays d'où nous importons notre pétrole, nous pourrions quand même nous approvisionner en pétrole, et les provinces de l'Atlantique pourraient en assurer le raffinage. Une telle stratégie s'impose également pour éviter des conséquences négatives possibles, comme le syndrome hollandais au Canada. Qu'adviendrait-il si le Canada attrapait le syndrome hollandais? À cause de la croissance économique attribuable au secteur pétrolier, l'Alberta puiserait dans l'économie manufacturière de l'Ontario. Résultat : l'Ontario passerait d'un statut de province riche à celui de province pauvre. Nous en verrions des ramifications dans l'ensemble du pays.

Nous aimerions également que la stratégie énergétique canadienne favorise la création d'un nouveau secteur économique axé sur l'énergie durable. Pour stimuler ce secteur, on pourrait imposer un pourcentage minimum de taxe sur toutes les matières premières, surtout le pétrole, qui doivent être raffinées avant d'être exportées, ce qui permettrait d'injecter plus d'argent dans les secteurs canadiens.

Parmi les autres options pour ce nouveau secteur économique, mentionnons l'approche qui consiste à créer de nombreuses subventions et à imposer des pénalités fiscales aux entreprises productrices d'énergie en fonction de leurs déchets afin de les encourager à adopter l'énergie durable. De plus, nous pourrions récupérer les fonds en provenance de la taxe canadienne sur le carbone, comme l'a proposé Mme Baker, ainsi que des taxes fédérales pour l'infrastructure, et les verser aux petites collectivités rurales, en Alberta par exemple, qui subissent des dommages économiques à cause de l'essor des sables bitumineux de l'Alberta.

Dans une petite collectivité comme Edson qui pourrait souffrir des conséquences de l'exploitation des sables bitumineux, nous pourrions installer un parc solaire ou éolien et favoriser ainsi une expansion économique basée sur la production d'énergie durable. L'Alberta n'est pas nécessairement la seule province visée; nous pourrions mettre en oeuvre une telle approche à l'échelle nationale.

Toutefois, ce qui nous importe le plus, c'est l'instauration d'une coopération accrue entre les gouvernements fédéral et provinciaux; une coopération qui soit clairement énoncée dans la stratégie énergétique. Il faudrait, à cet effet, que les gouvernements provinciaux établissent des règlements correspondant à ceux créés par le gouvernement fédéral. Il existe déjà beaucoup de sphères de compétences et la situation, qui est plutôt complexe, devra être simplifiée si l'on veut progresser facilement.

Si le Canada doit élaborer une stratégie énergétique qui pourra être mise en oeuvre à l'échelle nationale, cette stratégie ne peut pas et ne doit pas être une copie conforme de la politique énergétique nationale créée sous le gouvernement de l'honorable Pierre Elliott Trudeau. Nous avons pu constater très clairement l'effet d'aliénation de cette politique énergétique nationale sur l'Alberta et qui s'est traduit par la volonté de 49 p. 100 des Albertains de se séparer du Canada. Les provinces de l'Ouest se méfient encore de l'élaboration d'une politique énergétique nationale même si nous l'appelons stratégie énergétique canadienne. Une telle politique doit être élaborée correctement et résulter d'une coopération très étroite.

Nous ne pouvons pas mettre au point une stratégie énergétique qui donnerait au gouvernement fédéral le contrôle total de l'industrie énergétique. Il faudrait plutôt que le gouvernement fédéral facilite la coopération au sein de la Confédération afin que les gouvernements fédéral et provinciaux puissent développer ensemble une stratégie énergétique similaire à celle du Danemark. Si les membres du comité le souhaitent, nous pourrions discuter plus en détail, lors des séries de questions, du rôle que pourrait jouer le gouvernement fédéral.

Le gouvernement danois a élaboré un certain nombre d'initiatives qui peuvent être reproduites au Canada. Par exemple, la politique énergétique du Danemark prévoit le doublement des fonds affectés aux projets de recherche, de développement et de démonstration portant sur les technologies énergétiques. L'Alberta a déjà mis en oeuvre une initiative semblable pour nettoyer les sables bitumineux, mais il faudrait l'appliquer aussi dans tout le pays.

Dans le secteur du transport, le gouvernement danois s'est donné comme objectif 5,75 p. 100 de substitution par les biocarburants de la consommation totale de carburant et il espère arriver à 10 p. 100 d'ici 2020. Il a offert aussi une exonération de la taxe sur l'achat de véhicules électriques. Cette exonération prendra fin cette année, mais s'appliquera alors à l'achat de véhicules à pile à hydrogène. Le gouvernement danois a aussi orchestré la création de nombreux parcs éoliens en mer. Chacun de ces parcs peut, en tout temps, produire 200 mégawatts.

Il serait facile d'effectuer des transitions de ce genre au Canada même si l'on devait commencer à plus petite échelle. Dans le secteur du transport, au lieu de véhicules à pile à hydrogène, nous pourrions fabriquer des moteurs au gaz naturel et des stations de ravitaillement de gaz naturel pour les grands véhicules tels que les camions remorques à 18 roues et les autobus qui empruntent la Transcanadienne.

La Suisse a dû créer un secteur de l'énergie dans lequel seulement 5 p. 100 de toute l'énergie provient de l'énergie thermique; ce pays utilise donc des énergies durables. Cinquante-six pour cent de l'électricité est d'origine hydraulique, le reste provient du nucléaire. Il est vrai qu'il est plus efficace d'utiliser l'énergie thermique dans un petit pays comme la Suisse; ce ne serait pas la solution idéale pour un pays aussi vaste que le Canada. Toutefois, il n'est pas nécessaire d'appliquer cette solution à l'échelle nationale.

Par exemple, dans des provinces comme l'Ontario ou le Québec, qui utilisent déjà de grandes quantités d'énergies nucléaire et hydroélectrique — au Québec, c'est surtout de l'énergie hydroélectrique —, nous pourrions appliquer le modèle suisse au moyen d'une stratégie énergétique canadienne plus axée sur les provinces afin de faire en sorte que les énergies renouvelables deviennent l'objectif de l'ensemble de la nation.

En 40 ans, le Danemark, qui dépendait à 100 p. 100 du pétrole étranger, est devenu un pionner mondial en matière de développement durable et compte parmi les pays qui vont devenir totalement indépendants des combustibles fossiles, un objectif qu'il espère atteindre en 2025.

Les gouvernements fédéral et provinciaux peuvent faire de même, mais ils doivent pour cela travailler de concert et développer des initiatives énergétiques similaires à celles de la Suisse et du Danemark, même à plus petite échelle. Ce ne sera possible qu'en coopérant et en intégrant un éventail de stratégies énergétiques, chacune de ces stratégies sera spécifique à la province et au territoire où elle sera mise en oeuvre. En outre, le développement de plusieurs stratégies énergétiques axées sur des sources d'énergie nouvelles et conventionnelles, comme en Alberta, atténuera les effets sur l'environnement sans engendrer d'empreinte économique durable.

Il faudrait contribuer à assurer la sécurité énergétique nationale, probablement en construisant un autre pipeline transcanadien ou en prolongeant les pipelines existants.

Finalement, nous devons travailler ensemble pour que le Canada puisse espérer développer une stratégie énergétique axée sur la durabilité.

Nous, des jeunes Canadiens, avons travaillé fort ces dernières huit semaines pour définir l'énergie renouvelable devant le comité et présenter des idées et des initiatives qui peuvent être à la base du développement de la stratégie énergétique canadienne.

L'énergie renouvelable suscite des avis différents. J'ai longuement réfléchi à la transition de l'énergie conventionnelle à d'autres formes d'énergie. Je mesure l'importance des sables bitumineux en Alberta aujourd'hui, mais étant originaire de l'Ontario, je ne m'en étais pas rendu compte au tout début de mes recherches et je me suis demandé pourquoi ne pourrions-nous pas simplement passer durant les 10 prochaines années à l'énergie renouvelable et abandonner progressivement les sables bitumineux de l'Alberta? J'ai d'abord pensé à continuer l'exploitation des sables bitumineux, mais nous utilisons les recettes de nos exportations pétrolières pour financer la recherche et le développement. Toutefois, au fur et à mesure de mes recherches, j'ai pris conscience que c'était une folie, du point de vue économique, et que l'économie albertaine dépendait des sables bitumineux. J'ai compris que cette question ne devait pas être connue seulement par un petit groupe de personnes, mais par tous les Canadiens. Ces informations doivent être communiquées à tous les Canadiens. L'unification de notre pays n'a été possible que grâce à l'éducation, l'éducation de tous les étudiants dans l'ensemble du Canada. Nous avons constaté que les étudiants albertains, après des décennies de méfiance, se sont finalement ralliés à l'idée de cette stratégie énergétique; surtout parce que Mme Redford, la première ministre, a mené une campagne de sensibilisation.

D'autres provinces doivent suivre l'exemple de l'Ontario, de la Colombie-Britannique et du Québec qui sont prêtes à se fixer comme objectif l'énergie renouvelable.

La jeunesse canadienne souhaite le développement d'une stratégie énergétique canadienne qui renfermera les idéaux que nous vous avons proposés aujourd'hui et qui vise principalement à protéger notre environnement pour les générations futures. Car, après tout, c'est bien notre avenir qu'il faut protéger.

Merci.

Le président : Monsieur Praill, accepteriez-vous une nomination au Sénat?

M. Praill : Oui, bien sûr.

Le président : Nous vous avons laissé parler car vous le faisiez si bien et vous nous avez donné des frissons. Mais, nous devons quand même faire une petite remarque. On nous dit qu'au Danemark, 57 p. 100 de la consommation d'énergie proviennent encore des centrales thermiques au charbon, or, vous dites qu'ils n'utilisent pratiquement que de l'énergie propre.

M. Praill : C'est l'objectif qu'ils se sont fixés pour 2025 et qui est difficile à atteindre, parce qu'ils utilisent encore des centrales au charbon, surtout lorsqu'ils importent de l'énergie en hiver. Ils ont constaté que leur économie dépend fortement de l'énergie renouvelable, particulièrement en été. En faisant des recherches sur leur politique énergétique dans le site web du gouvernement, j'ai lu que la ministre d'État du Danemark voulait réduire la part des énergies renouvelables dans la production électrique danoise parce qu'elles créaient des problèmes économiques. Ils importent tellement d'énergies qu'ils n'ont pratiquement pas pu justifier le coût de l'énergie renouvelable. Toutefois, quand ils ont voulu faire cette transition, ils se sont rendu compte que leur économie — surtout en été — dépendait si fortement des énergies renouvelables que la transition à des énergies conventionnelles provoquerait un recul économique. Ils ne pourront pas effectuer facilement cette transition.

Le président : J'ai assisté à la conférence de Copenhague. J'ai appris qu'il fallait un plus grand nombre d'éoliennes. Il y en a 35 000 réparties dans le monde, c'est beaucoup.

Vous avez également dit — comprenez que nous essayons aussi de favoriser un peu d'interaction ici entre nous — qu'il serait bon que le Canada n'importe pas autant de pétrole brut puisque nous en exportons vers les États-Unis. Cela revient à presque 1,8. Vous proposiez de construire un pipeline pour transporter le pétrole de l'Alberta au Québec et au Canada atlantique. Comment s'y prendrait-on? Y avez-vous réfléchi? Bien évidemment, c'est un élément qui nous paraît aussi être une anomalie dans le contexte canadien. Bien que des régions de notre pays soient très riches en ressources, principalement pétrolières — même s'il s'agit de combustibles fossiles —, nous importons néanmoins du pétrole sale de ces pays. Un pétrole qui est probablement moins propre que le pétrole extrait des sables bitumineux et de qualité inférieure.

M. Praill : J'y ai beaucoup réfléchi, surtout lors de mes recherches sur le sujet, je me demandais même si je devais en parler. Mes recherches indiquent qu'il faudrait 25 ans pour construire, mettre en service un tel pipeline et avoir un retour sur l'investissement, en supposant que le projet soit mis oeuvre dès aujourd'hui.

Le président : Pourquoi cela prendrait-il tant de temps aujourd'hui?

M. Praill : Principalement à cause de la bureaucratie. En outre, le coût initial du pipeline est si énorme qu'il faudra tout ce temps compte tenu de tout le pétrole à raffiner au Canada pour pouvoir récupérer l'investissement dans la construction du pipeline. J'hésitais à soulever ce point.

Le Printemps arabe est appelé ainsi pour une bonne raison. Que l'on veuille ou non, des révolutions éclatent chaque jour à travers le monde, et si nous continuons à dépendre en grande partie du pétrole d'autres pays, cela signifie que nous n'avons pas de sécurité énergétique nationale.

Je passerai le relais à M. Dueck qui est mieux placé que moi pour en parler.

Le président : Vous avez utilisé toutes les expressions à la mode, décrit le véritable contexte historique et parlé de l'impopularité suscitée par le Programme énergétique national des années 1980 et de la propension de ce programme à semer la division dans le pays. Vous avez ajouté que ce genre d'appellation — une politique ou une stratégie énergétique nationale — ne soulevait toujours pas d'enthousiasme.

Avez-vous songé à un autre nom pour cette stratégie? Nous, les sénateurs, avons essayé d'en trouver un meilleur. Nous avons également constaté qu'il y avait une certaine réticence à utiliser cette appellation, surtout dans l'Ouest, mais nous avons été encouragés d'entendre la première ministre Redford demander une stratégie énergétique commune. Cependant, cette appellation n'a pas encore fait l'unanimité. Si vous avez un meilleur nom ou une meilleure formulation, nous serions ravis que vous les proposiez.

M. Praill : Je me suis rallié à l'appellation « stratégie énergétique canadienne » employée initialement par la première ministre Redford pour l'unique raison qu'elle est la première ministre de l'Alberta et que cette province était la plus concernée par la politique énergétique nationale. Si elle arrive à faire accepter ce nom, pourquoi le refuserait-on? Si c'est ce qu'ils veulent et que le nom nous unifie, je n'y vois aucun inconvénient.

Le président : Au fait, monsieur Godwaldt, j'ai un petit-fils qui veut avoir la même coiffure que vous. Il m'a dit : « Grand-père, je veux des cheveux en pics comme ceux de M. Godwaldt. » Vous me direz tout à l'heure comment vous vous y prenez.

Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup. C'était un bon exposé, très dense et, à certains égards, assez surprenant. J'aimerais utiliser le temps qui m'est accordé pour soulever un certain nombre de points présentés dans l'exposé et y revenir s'il y a plus de temps.

Tout d'abord, M. Praill a laissé M. Dueck parler des pipelines est-ouest. Puis, M. Dueck a évoqué l'exportation de notre pétrole vers la Chine et d'autres marchés du littoral du Pacifique. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet? Une telle exportation implique des coûts et les processus d'approbation de ces coûts. Avez-vous pris en considération ces éléments, les avez-vous étudiés?

M. Dueck : Dans ce contexte, je voudrais commencer par parler des exportations de pétrole et de produits pétroliers vers des pays autres que les États-Unis. Je crois que 22 p. 100 — je ne suis pas tout à fait sûr du pourcentage, donc ne le prenez pas comme référence — de la totalité des importations américaines de pétrole et de gaz naturel proviennent du Canada. Quoi qu'il en soit, nous leur vendons notre pétrole à un prix moins cher que nous le pourrions. Le Canada n'exporte pas vers beaucoup de pays actuellement. Il y a des projets d'exportations vers d'autres pays et d'autres sociétés. Cependant, tant que nous ne trouvons pas le moyen d'exporter de grandes quantités de nos produits pétroliers vers la Chine et des pays d'outre-mer, nous n'aurons pas l'avantage concurrentiel qui nous permettrait d'annoncer aux États-Unis une augmentation du prix du pétrole que nous leur vendons, car nous avons d'autres marchés pour le pétrole canadien. Je pense que l'ouverture de nouveaux marchés serait un atout pour l'économie.

Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, nous n'avons probablement pas besoin à l'heure actuelle, pour assurer notre sécurité énergétique, d'un pipeline qui se rend jusqu'au Canada atlantique. Toutefois, en cas d'instabilité politique, je pense qu'il serait important de pouvoir exporter ces ressources en grande quantité, suffisante pour alimenter le pays en entier, dans toutes les régions afin de garantir un accès aux ressources pétrolières canadiennes à toute la population.

Le sénateur Mitchell : Les autres peuvent aussi intervenir s'ils le souhaitent. Les questions ne s'adressent pas à une seule personne.

M. Godwaldt : Sénateur Mitchell, je me demande si les enjeux entourant la construction de pipelines, et même l'établissement d'un consensus national, ne sont pas liés à l'expérience même qu'ont vécue ces élèves.

M. Praill nous a expliqué qu'au départ, à Ottawa, il se posait la question suivante : « Pourquoi les Albertains ne comprennent-ils pas le bon sens et n'abandonnent-ils pas les sables bitumineux? », puis, au cours des séances d'information et de discussions qui ont réuni des élèves de partout au Canada, de la Colombie-Britannique à Montréal, pendant les six semaines qu'a duré l'expérience, son point de vue a changé. Ainsi, au lieu de passer le flambeau aux médias ou à des groupes d'intérêt spéciaux, nos gouvernements pourraient réunir les gens pour discuter, en ayant recours à la technologie — le transport en avion coûte cher, certes, mais il n'en coûte presque rien pour réunir les gens par Internet — et pour mettre en communication nos classes d'élèves et réunir les gens pour discuter de manière intelligente des enjeux, au lieu de donner dans les sentiments et la rhétorique comme c'est le cas à l'heure actuelle. Si nous voulons construire ces pipelines, nous devons sensibiliser les Canadiens et les amener à discuter ensemble de la question.

Le sénateur Mitchell : Un des éléments qui m'a frappé, c'est l'évolution d'une idée préconçue en fonction de ce que vous apprenez. Je présume que c'est en partie ce qui s'est passé pour chacun d'entre vous. Madame Baker, aimeriez- vous nous parler de votre expérience? Aviez-vous aussi au départ des idées qui ont totalement changé avec le temps?

Mme Baker : Oui et non. En Alberta, nous avons souvent des débats à l'école sur l'énergie. Le charbon et le pétrole ne sont pas les sources d'énergie les plus vertes. Nous devrons nous occuper de la question un jour ou l'autre, mais nous n'en avons jamais vraiment discuté. Nous connaissions les sources d'énergie de remplacement et nous connaissions l'énergie renouvelable, mais à Edmonton et dans les régions avoisinantes, nous avons peu de ressources qui sont entièrement renouvelables, à part le vent. Toutefois, nous avons constaté que l'énergie éolienne comporte aussi son lot de défauts. Tout comme l'énergie solaire, elle n'est pas des plus efficaces et ne suffirait pas à répondre à nos besoins. Et même si, à une certaine époque, Edmonton tirait la majeure partie de son énergie de l'hydroélectricité, cette source n'est plus aussi efficace aujourd'hui.

Le sénateur Mitchell : C'est une question d'efficacité et de coût par rapport aux autres sources. C'est un élément qui se trouve au coeur même du présent débat, alors je vous en remercie.

Monsieur Eardley, comment cela s'est-il passé pour vous? Je vous pose la question, parce que nous avons lancé notre étude en nous disant que nous avions besoin d'un débat, comme vous l'avez dit, afin de permettre à des gens ayant peu ou pas de connaissances des enjeux, ou différents degrés de connaissances, de s'exprimer et de participer à la prise de décision.

Comment peut-on en arriver à rassembler les gens, à élever le débat au-dessus des chicanes — oui, non, oui, non? Votre expérience est, d'une certaine façon, un modèle à cet égard. Nous pourrions en fait, en utilisant la technologie d'une manière concertée, étendre l'expérience avec des groupes d'élèves pour englober des groupes représentatifs et des groupes de discussions virtuels partout au pays.

M. Eardley : Au début de l'initiative, j'avais un point de vue similaire à celui de M. Praill. L'environnement a toujours été important pour moi. Je me disais : « L'exploitation des sables bitumineux doit cesser sur-le-champ. La protection de l'environnement doit primer tout. » Toutefois, pendant l'initiative, j'ai appris très rapidement qu'en agissant ainsi, il y aurait des répercussions graves sur l'économie. C'était impossible. Je comprends mieux maintenant l'importance de certaines sources d'énergie pour notre économie et pourquoi il faut trouver des façons de les rendre plus écologiques tout en explorant d'autres sources.

Le sénateur Mitchell : Je crois que votre argument, qui est implicite dans ce que vous dites, c'est qu'il ne faut pas délaisser complètement les sources d'énergie traditionnelles, comme le pétrole et le gaz conventionnels et les sables bitumineux, mais qu'il faut essayer de trouver des sources d'énergie de remplacement tout en améliorant les sources traditionnelles. Est-ce bien là votre point de vue?

M. Eardley : Il se pourrait en fin de compte qu'on n'ait plus besoin de ces sources d'énergie si on arrive à mettre au point des technologies qui nous permettraient de le faire. Mais pour l'instant, ces sources sont très importantes et elles sont ce qui répond le mieux à nos besoins, même si ce n'est pas à ceux de l'environnement. Nous devons donc nous employer à les rendre plus écologiques, tout en examinant d'autres sources d'énergie renouvelable et durable.

M. Praill : En ce qui a trait à notre modèle énergétique, nous devrions jeter un coup d'oeil du côté des pays asiatiques qui souvent, en ayant recours à la rétro-ingénierie, innovent à partir d'outils que nous avons inventés pour en faire des outils améliorés. En Alberta, la R-D est davantage axée sur l'écologisation des sources d'énergie traditionnelle que sur les nouvelles sources d'énergie renouvelable. La stratégie devra tenir compte de ce qui conviendra le mieux à chaque province et territoire. Dans des provinces comme l'Alberta, la priorité ne sera pas pour l'instant de mettre en place de nouvelles formes d'énergie, mais de trouver de nouvelles façons de verdir l'exploitation des sables bitumineux.

Le sénateur Mitchell : Je trouve vos propos très inspirants et j'aimerais vous poser d'autres questions. Plusieurs d'entre vous ont parlé — et je pense que c'est Mme Baker qui en a parlé le plus directement — d'une taxe. En politique, c'est toujours un mot difficile à utiliser. Vous n'êtes pas la première personne à mentionner qu'il faut fixer un prix au carbone, et de nombreuses entreprises le disent même elles aussi.

Dans les discussions que vous avez eues à l'échelle du pays, avez-vous discuté de la façon de faire accepter cette idée, dans un contexte où les politiciens évitent le mot taxe comme la peste?

Mme Baker : Je crois que l'idée de la TPS est probablement celle qui est ressortie des discussions. Les gens n'aiment pas l'idée d'être taxée pour de nombreuses choses.

Si la taxe était incluse dans une taxe existante — si on augmentait, par exemple, la TPS de 1 p. 100 —, les gens seraient irrités d'avoir à payer ce 1 p. 100 supplémentaire, mais il serait un peu plus facile pour eux de l'accepter que si on créait deux taxes. S'il n'y en a qu'une, cela semble plus acceptable. C'est l'idée qui est ressortie.

Le président : Le sénateur vient du Yukon. On ne paie pas de taxes au Yukon.

Le sénateur Lang : Tout le monde paie des taxes, et il existe de toute évidence des opinions différentes au sein des partis politiques sur la taxation, à savoir s'il faut augmenter les taxes, les diminuer ou opter pour le statu quo. Il est très facile d'avoir une opinion quand on n'est pas celui ou celle qui doit voter pour une augmentation de taxes, quand c'est quelqu'un d'autre qui le fait.

J'aimerais vous poser la question suivante. Vous avez de toute évidence effectué des études. Vous savez que le prix du baril de pétrole tourne autour de 100 $. Même au plus fort de la dernière récession, qui n'est pas si lointaine, vos parents et vous en avez fait l'expérience, le prix du baril est descendu à son plus bas, si je ne m'abuse, à environ 80 $, ce qui est très cher. Habituellement, lorsqu'il y a une récession, le prix du baril peut descendre à 30 $. Dans le cadre de vos discussions visant à prôner une taxe, avez-vous tenu compte du marché? En raison du prix élevé de l'énergie, les consommateurs et les sociétés exploratrices se voient forcer, pour des raisons économiques, de trouver des modes de production plus écoénergétiques et plus écoresponsables que par le passé. Cette situation est le fruit des forces du marché. Le gouvernement n'est pas intervenu pour administrer une taxe et décider qui seront les gagnants et les perdants. Avez-vous examiné à tout le moins cet aspect de la question?

Mme Baker : Vous voulez savoir si le marché est la force derrière cela?

Le sénateur Lang : Vous avez recommandé que l'on envisage la possibilité d'instaurer une taxe sur les émissions de gaz à effet de serre ou sur le carbone ou un système de plafonnement et d'échange de droits d'émission, peu importe le mode de taxation puisque l'idée de base est d'imposer une taxe. Les coûts de l'énergie ne cessent d'augmenter en raison des coûts connexes. Les forces du marché poussent les producteurs à chercher des moyens plus efficaces, et non pas moins efficaces, de la produire. En tant que consommateurs, lorsque nous recevons notre facture mensuelle, nous nous demandons : « Devrais-je mieux isoler ma maison? » Avez-vous examiné cet aspect de la question au lieu de proposer une taxe qui, comme je l'ai dit précédemment, entraîne des gagnants et des perdants, parce que c'est ce que font les gouvernements? Oui ou non?

M. Dueck : Puis-je intervenir?

Le président : Nous allions vous nommer ministre de l'Énergie, mais nous avons décidé au lieu de cela de vous nommer ministre du Commerce. M. Praill sera le sénateur. Le titre de ministre de l'Énergie reviendra à M. Eardley ou à Mme Baker.

M. Dueck : Je suis d'accord pour dire que le prix du marché et le coût des produits influeront sur le prix de l'énergie, et que cela influencera également le choix du consommateur. Toutefois, lorsqu'on parle de l'intégration d'un taux de taxation progressif sur les sources d'énergie, cela veut dire que le coût de l'énergie sera plus élevé même lorsque la récession ou la dépression sera terminée. Lorsque l'économie est florissante, nous n'accordons pas autant d'importance aux sources d'énergie renouvelable que nous le devrions, parce que si notre compte en banque est bien garni, ce qui n'est pas nécessairement le cas de tous les consommateurs, nous ne pensons pas aux choix qui sont les plus responsables sur le plan social. Nous pensons aux choix faciles.

Ce qui change, à mon avis, lorsque l'argent devient plus rare au Canada, c'est la détermination du marché. Une société distribuera son produit au consommateur et le commercialisera de façon efficace, et si le consommateur cherche une forme d'énergie moins coûteuse et plus socialement responsable, c'est ce qu'il obtiendra. En intégrant différentes taxes et en misant sur l'intégration d'une taxe au sortir d'une récession, on peut s'assurer de maintenir le cycle qui se produit naturellement dans l'économie et qui incite les consommateurs, en période de disette, à délaisser les sources d'énergie moins durables et à garder le cap lorsque l'économie redevient florissante.

Le sénateur Lang : Parlons ici des vraies choses. Vous conduisez une voiture, n'est-ce pas?

M. Dueck : Non, mais parlons-en.

Le sénateur Lang : Vous le ferez un jour. J'ai une voiture. Là où j'habite au Yukon, nous payons l'essence, si je ne me trompe pas, environ 1,30 $ ou 1,34 $ le litre, selon les jours.

Le président : C'est pour l'essence ordinaire et non la super.

Le sénateur Lang : C'est pour l'essence ordinaire et le prix est parfois plus élevé. Ce que vous nous dites donc, c'est que ceux qui conduisent vont payer davantage lorsqu'ils iront faire le plein. Vous imposeriez une taxe de 3 à 8 cents sur le litre d'essence, selon le cas, ou une taxe sur le carbone. Au bout du compte, c'est toujours le consommateur qui paie la facture. C'est la solution que vous prônez?

M. Dueck : L'idée n'est pas de cibler des régions du pays en particulier. En ce qui a trait à la taxe provinciale, je sais qu'en Alberta il n'y a pas de TVP, cela relève du pouvoir des provinces. Je ne crois pas que ce soit la solution idéale, mais c'est un point de départ. Si les gens collaborent, nous pouvons en faire un système encore plus efficace. Nous pouvons prospérer par la suite. Je ne dis pas que nous avons la bonne réponse à votre question et à vos préoccupations, mais je dis que c'est une idée qu'il faut explorer. Il faut discuter de la question avec la population du Canada, discuter de nos objectifs et déterminer comment nous voulons nous y prendre pour les atteindre.

M. Praill : En outre, j'ai mentionné plus tôt que le gouvernement fédéral aurait un rôle facilitateur dans la fédération. Pendant nos discussions sur ses rôles éventuels, nous l'avons notamment chargé de l'élaboration d'une stratégie canadienne de l'énergie, d'une politique nationale telle qu'une taxe ordinaire sur le carbone, mais qui apporterait des solutions adaptées aux besoins de chaque province ou territoire. Il incomberait au gouvernement fédéral de s'assurer que la taxe ne donnerait pas directement une image inexacte de chaque province ou territoire ou ne deviendrait pas une charge trop lourde pour une province par rapport à une autre.

Le sénateur Lang : Je pense qu'il est important pour nos auditeurs de se rendre particulièrement compte de la contribution des sables pétrolifères au Canada. Tout à l'heure, j'ai entendu, monsieur Praill, votre opinion sur le Canada et les changements que le pays a connus. En réalité, au cours des 25 prochaines années, 184 milliards de dollars de taxes prélevées, sous une forme ou une autre, sur les sables pétrolifères iront dans les coffres du Canada. À peu près le même montant, 180 milliards, ira à l'Alberta, dans le système fiscal actuel. Ces taxes sont redistribuées partout au Canada pour pourvoir notamment au régime d'assurance-maladie et à d'autres dépenses, grâce aux transferts de paiements et à des mécanismes de cette nature. Nous devons nous rendre compte que, pour conserver notre niveau de vie, nos industries doivent rester en état de fonctionner, rester profitables, tout en versant des taxes au Trésor de l'Alberta, dans l'exemple dont nous parlons et, dans certains cas, de la Colombie-Britannique et des autres provinces où elles sont produites et, aussi, au Trésor fédéral et à notre fédération. Il ne faut pas l'oublier. Il faut faire attention avant de parler de gérer plus de taxes, parce qu'une fiscalité plus lourde coûte plus cher à maintenir et elle coûte plus cher aux consommateurs. Au bout du compte, il reste moins d'argent à consacrer à d'autres postes de dépenses. C'est la sonnette d'alarme que je tirerais en ce qui concerne la solution particulière que vous envisagez.

Le président : Le sénateur Mitchell tient à intervenir sur cette question.

Le sénateur Mitchell : Trois noms figurent sur la liste.

Le président : Voici ce que je propose. J'aimerais terminer dans 15 ou 20 minutes. Actuellement, je crois comprendre que vous avez des questions préparées que vous aimeriez poser aux sénateurs encore présents, y compris au sénateur Massicotte, une fontaine de sagesse, et au sénateur Brown, qui est de l'Alberta et qui, évidemment, est très futé.

Quelques questions nous viennent de Twitter. J'aimerais les lire. Nous pourrions peut-être tous tenter d'y répondre. Adressées aux sénateurs, elles proviennent de @keegansorge et elles s'énoncent comme suit — la première m'a fait penser à vous, sénateur Massicotte : « Quelle est votre opinion sur la situation environnementale et économique du Canada? » La suivante : « Quelle serait la meilleure option pour le Canada parmi les énergies de remplacement? »

Encore une fois, les sénateurs Brown et Sibbeston pourront peut-être formuler des observations, parce que ces questions nous sont adressées. Ensuite, je pense, vous aurez des questions pour nous.

Sénateur Mitchell, je pense que les 15 ou 20 dernières minutes serviront à répondre à ces questions et à d'autres qui pourront nous parvenir par Twitter.

Le sénateur Mitchell : Excellent.

Le président : Voudriez-vous parler le premier, sénateur Massicotte?

Le sénateur Massicotte : Je voudrais qu'eux répondent, parce que nous avons souvent ce genre de discussion entre nous, mais ils ont des idées fraîches à exprimer.

Le président : En ce qui concerne la question que je viens de lire, je ferai seulement remarquer qu'elle s'adressait aux sénateurs. Peut-être pouvez-vous, pour commencer, donner votre opinion. À la deuxième, sur la meilleure option pour le Canada parmi les énergies de remplacement, on peut répondre rapidement, en se fondant sur nos recherches. Pour répondre à la première, mettez-vous à la place des ministres Flaherty ou Mulcair.

Le sénateur Massicotte : Pouvez-vous répéter la première question?

Le président : Bien sûr. Voici : « Quelle est votre opinion sur la situation environnementale et économique du Canada? »

Le sénateur Massicotte : Je répondrai à la question par la question que je vous aurais posée. Le débat est très intéressant, parce qu'il ressemble à celui qui agite constamment la Chambre des communes en raison de la recherche d'un juste milieu entre des intérêts contraires qui s'affrontent. La difficulté que me fait entrevoir votre solution est la même qu'avec le programme actuel du gouvernement, qu'il soit conservateur ou libéral. Je crains, en raison des avis que nous recevons sur les projections actuelles sur nos efforts, à l'échelle mondiale, à l'échelle du Canada, que nous ne pourrons assurément pas d'atteindre les 2 degrés Celsius que nous avions considérés comme acceptables. D'après l'Agence internationale de l'énergie, qui se fonde sur les projections actuelles, nous nous situerons dans une fourchette de 3,5 à peut-être 5 degrés, ce qui entraînera la disparition d'environ 6 p. 100 des espèces sur le globe. Les spécialistes ont le regret de nous annoncer que nous n'atteindrons probablement jamais les 2 degrés Celsius, parce que nous avons simplement trop tardé.

Je vois donc que vous, vous rejetez la taxe sur le carbone et beaucoup d'autres mesures, parce que vous préconisez plutôt beaucoup de subventions de l'État. Désolé, mais il faut augmenter les taxes quelque part, parce que l'État n'est pas un trou noir, mais c'est l'ensemble des contribuables. Je précise que je rejette l'augmentation des taxes et les subventions, mais je crains que l'héritage que le monde laissera à votre génération et à mes petits-enfants ne coûte beaucoup plus que les coûts de renonciation dont nous parlons. Personnellement, je prendrais le taureau par les cornes et j'accepterais une taxe sur le carbone ou une mesure équivalente. Je n'aime pas les taxes, je ne veux pas en payer davantage, mais les conséquences sont très graves, et je pense que nous nous acheminons, en parfaite inconscience, vers une catastrophe, si nous ne changeons pas d'attitude sur les lois réelles de la consommation d'énergie.

Le président : Voilà pour l'état de l'environnement, mais qu'en est-il de l'économie?

Le sénateur Massicotte : Cette situation affectera l'économie.

Le président : Y a-t-il d'autres observations?

M. Godwaldt : En ce qui concerne notre point de vue sur la taxe, avez-vous l'impression que les élèves se sont exprimés contre ou pour elle?

M. Dueck : Je pense que, en général, le consensus sur votre opinion était que, en raison du partage des compétences, l'impact économique, au début, ne serait pas le même pour tous les Canadiens. Après en avoir discuté, c'est le prix que beaucoup de jeunes Canadiens et moi estimons qu'il vaut la peine de payer pour sécuriser notre avenir. L'un de nos meilleurs investissements ne serait pas seulement dans la jeunesse canadienne, mais dans les générations à venir de Canadiens. Faute d'hériter d'un monde où nous aurions notre place, comment pourrions-nous prospérer et réussir?

Le sénateur Massicotte : J'ai des observations à faire sur votre sondage. Seulement 7 p. 100 de vos sondés appuient le plafonnement et l'échange. Seulement 11,6 p. 100 appuient la taxe sur le carbone. Seulement 16 p. 100 approuvent un changement rapide d'orientation vers l'objectif d'une utilisation à 100 p. 100 d'énergie durable, et seulement 11,6 p. 100 favorisent la taxation du carbone pour financer la recherche.

Vous avez répondu comme nous tous. Personne ne veut débourser davantage, mais avez-vous vraiment envisagé les conséquences? Nous aimerions tous ne pas payer davantage, mais, selon les pronostics, la catastrophe menace.

M. Dueck : J'ignore si nous l'avons précisé, au début, mais notre sondage autorisait les élèves de partout au Canada à choisir les quatre principales options, à leurs yeux, que nous devions signaler à l'attention du Sénat. Ils ne pouvaient pas y répondre par « oui » ni par « non » ni par « je suis » ou « je ne suis pas d'accord ». Il s'agissait de choisir les quatre options les plus importantes. Le taux de 7 p. 100 que vous mentionnez signifie que 7 p. 100 des jeunes Canadiens pensent que l'option est l'une des quatre plus importantes parmi toutes celles qui s'appliquent au domaine général de la durabilité de l'environnement.

Le sénateur Massicotte : Est-ce sur la liste que vous avez là?

M. Dueck : C'est sur notre liste. On pouvait choisir quatre options parmi toutes celles qui y figurent.

En ce qui concerne l'autre rubrique, celle des « taxes et incitations », la raison pour laquelle beaucoup d'élèves, moi compris, n'ont pas privilégié une taxe sur le carbone seulement, c'est que le carbone n'est pas la seule émission atmosphérique. Nous préconisions une taxe sur les gaz toxiques, décrite sur la page des initiatives stratégiques. Ces gaz englobent le CO2, l'oxyde nitreux, l'oxyde de sodium, et cetera. Cette taxe ne frappe pas seulement le carbone. On pourrait la qualifier de taxe générale sur la pollution.

Le sénateur Mitchell : Je pense que 58 p. 100 se sont prononcés pour cette option.

M. Dueck : En effet, 58 p. 100, ce qui signifie également que 58 p. 100 des jeunes Canadiens pensent que c'est l'une des quatre politiques d'incitation les plus importantes dont il fallait parler dans notre exposé au Sénat.

Le sénateur Massicotte : En même temps, je lis que seulement 37 p. 100 favorisent une meilleure sensibilisation des consommateurs et seulement 25 p. 100 un financement accru de la recherche, sur des méthodes plus efficaces d'utilisation. Vous dites que cela ne représente pas nécessairement la réalité du vote. À cause de la méthode de sondage, ce pourcentage pourrait ne pas être exact. Est-ce que c'était les 10 options sur lesquelles les élèves devaient se prononcer?

M. Dueck : En ce qui concerne la première, il y avait l'avenir de l'énergie durable au Canada, et nous tenions à parler des énoncés de vision. Ce sont les quatre principaux sujets qui vous ont été présentés aujourd'hui et ils l'ont emporté haut la main. C'est l'option qui s'est classée la première parmi toutes celles que nous avons présentées dans le sondage. Nous avons administré le sondage numériquement, ce qui empêchait l'explication exhaustive des options. Les sondés devaient lire la marche à suivre. Nous avons justifié les quatre options privilégiées par les incitations stratégiques les plus importantes qui s'appliqueraient à ces initiatives. Voici les changements que nous souhaitons et voici les recommandations sur la façon d'y parvenir.

M. Godwaldt : Notre document aurait pu être plus clair à ce sujet. Les sondés n'avaient que quatre choix, mais 90 p. 100 ne s'en sont pas prévalus.

Le sénateur Massicotte : Vos réponses sont très semblables à celles de la population canadienne. Seulement 58 p. 100 préconisent une taxe, malgré votre sensibilité peut-être plus grande à l'environnement que celle des adultes. Probablement parce que vous ne devez pas faire les mêmes choix économiques. Vous pouvez en parler en théorie. D'une certaine manière, le faible appui accordé aux mesures est décevant. Ce n'est que 58 p. 100, mais ainsi va la vie. C'est un portrait assez fidèle de la réalité canadienne. Vous pouvez donc comprendre comment nos gouvernements, peu importe leur couleur, prennent difficilement ces décisions, sachant le peu d'appui dont elles bénéficient. Ils savent probablement très bien quelle est la bonne décision pour les 20 à 30 prochaines années, mais ils préfèrent conserver le pouvoir. Chaque décision de ce genre pose un dilemme au gouvernement. C'est très représentatif du débat actuel dans notre société.

Le sénateur Lang : De mon côté, je ne suis absolument pas déçu de la réaction à l'idée d'une taxe. Ce n'est pas nécessairement la réponse à tous nos problèmes. Si vous pensez qu'une taxe résoudra tel problème, vous feriez bien d'y repenser.

J'étais curieux de savoir si, dans vos questions, vous aviez soulevé celle des systèmes nationaux de réglementation et des complications qu'ils entraînent en raison de l'organisation du processus réglementaire et de leur fonctionnement depuis 10 ans. Ce processus s'est révélé très lent et très coûteux. En fait, il ne s'agit plus de savoir quels sont les risques de tel projet pour l'environnement, mais si on doit lui donner le feu vert avant de connaître les risques. C'est tout ou rien. Le processus a été mis sur pied pour entendre les deux côtés, du point de vue environnemental et économique, puis obtenir des recommandations et y répondre quand il arrive à son terme.

La question de la réglementation n'a pas été abordée par rapport à l'énergie, sa durabilité et la capacité de promouvoir le développement du pays, à aucun moment de la discussion. Ce n'est pas une question qui a été soulevée, n'est-ce pas?

M. Godwaldt : La question de la compétence a été soulevée afin de déterminer à qui incombait cette responsabilité, mais vous faites valoir un excellent argument, en ce sens que ce n'est pas une discussion qui peut se dérouler pendant un mois et se solder par une conférence. Cette discussion doit être continue afin que nous puissions toujours entendre les voix dissidentes. J'aimerais que vous veniez parler à nos jeunes. Le centre maintient le plus important réseau d'écoles du pays et cherche des occasions de dialoguer en temps réel. J'invite tous les sénateurs à venir parler aux jeunes.

Nous souhaitions participer à la séance d'aujourd'hui parce que nous savions que leurs voix seraient entendues. Que ce soit par vidéoconférence à partir de la Chambre du Sénat ou par ordinateur, les jeunes veulent vraiment vous entendre et être entendus par vous. Ils ont créé ce projet de A à Z. Ils ont défini les principaux enjeux, et ils savent qu'on n'accordera pas d'importance à certains d'entre eux, mais s'ils étaient en mesure de poursuivre cette conversation avec un sénateur, quel qu'il soit, ce serait une occasion du tonnerre. La technologie que nous utilisons nous permet de le faire. Sachez que les jeunes sont enchantés que vous soyez disposés à les écouter, qu'ils puissent avoir cette conversation avec vous et aborder les sujets dont nous n'avons pas parlé.

Le sénateur Mitchell : À l'école secondaire Colonel By, j'ai participé à un colloque sur la durabilité et les Autochtones, auquel le sénateur Sibbeston devrait également assister. Les participants à l'écran se trouvaient en Alaska, dans d'autres États et dans quelques provinces. À cette école, ils communiquent même avec des pays étrangers.

En outre, le colloque était animé par deux élèves autochtones de mon ancienne école secondaire, Queen Elizabeth, à Edmonton, ce qui était très intéressant.

Ils cherchent des gens qui sont prêts à participer à ces colloques. Sénateur Lang, ce serait formidable si vous pouviez participer à l'un d'eux. Vous pouvez le faire à partir de n'importe quel endroit, même le Yukon. Nous devrions leur offrir de participer à ces colloques et poursuivre cette discussion.

Le sénateur Massicotte : Je propose que le sénateur Lang participe à l'un d'eux.

Le président : Je déclare la motion irrecevable.

Le sénateur Mitchell : Je tiens à mentionner la présence d'un enseignant d'Edson, Corey Reynolds, qui travaille avec ces élèves et M. Godwaldt.

Le sénateur Brown : Je tiens à vous féliciter, jeunes gens, du travail que vous avez accompli. Toutefois, je recommanderais qu'à l'avenir, vous examiniez les ressources et les recherches qui sont consacrées à ces questions.

Cinq minutes après m'être assis avec vous, j'ai reçu une feuille de papier provenant de Washington, D.C., qui indique que les océans ont commencé à se réchauffer il y a 135 ans, et non 20 ans, que leur température s'est accrue de 0,5 degré Fahrenheit ou 0,33 degré centigrade, et ce, à une profondeur de 2 300 pieds ou 700 mètres. Nous devons tous nous adapter à un changement par rapport à ce que nous pensions que la recherche allait démontrer.

J'ai appris il y a trois jours qu'à 10 endroits dans le monde, on a réussi à produire de l'énergie de fusion pendant un bref moment. Le seul problème rencontré jusqu'à maintenant, c'est que les expériences consomment plus d'énergie qu'elles n'en produisent. Les scientifiques doivent découvrir comment permettre à ce processus de produire des quantités illimitées d'énergie.

Je vous remercie de votre présence et de tous les renseignements que vous nous avez fournis.

M. Dueck : Sénateur Brown, je vous suis reconnaissant de l'occasion qui m'est donnée d'être ici. Lorsque nous préparions notre exposé, nous n'étions pas moins axés sur la recherche que vous l'êtes. Nous avons effectué autant de recherches que nous le pouvions à l'aide des ressources dont nous disposions, afin de vous prouver que la question nous importait. Toutefois, nous avons cru comprendre que votre comité siégeait depuis presque trois ans et qu'il avait entendu des témoignages de la part d'écologistes du monde entier et des plus brillants titulaires de doctorat en science environnementale du Canada. Nous avons pensé qu'il serait malvenu de notre part de vous présenter nos connaissances en la matière. Nous avons décidé plutôt de vous exposer le point de vue différent des jeunes Canadiens.

Je ne connaissais pas l'existence du document que vous avez présenté. Notre recherche ne nous a pas permis de le trouver. C'est le genre de renseignements dont nous devons tenir compte lorsqu'ils sont en notre possession.

Je tenais simplement à préciser que notre objectif aujourd'hui était de présenter un nouveau point de vue au Sénat.

Le sénateur Brown : Encore une fois, je vous félicite de votre travail. Comme je l'ai dit, la recherche révèle des changements à propos des océans. Les scientifiques en apprennent de plus en plus à ce sujet, et vous constaterez qu'un nombre de plus en plus important d'entre eux vous communiqueront des renseignements différents de ceux que vous avez entendus jusqu'à maintenant.

M. Dueck : Merci. Après vos trois années de recherche relative à cette étude, croyez-vous que ce soit une bonne idée de prolonger nos pipelines jusqu'aux côtes atlantique et pacifique du Canada?

Le président : Je ne veux pas parler au nom de mes collègues, mais je dirais que c'est une sacrée bonne idée. Je pense que c'est essentiel, si nous voulons bénéficier d'une stratégie nationale adéquate, assurer la sécurité énergétique future du Canada et protéger tant l'Est que l'Ouest en ce qui concerne leurs besoins en pétrole brut.

Pourquoi ne demanderions-nous pas aux membres du comité assis à la table de donner leur avis?

Le sénateur Lang : De toute évidence, il s'agit là d'un débat politique qui se déroule en ce moment au pays. À l'heure actuelle, des pipelines relient l'Alberta aux États-Unis. Il y a des pipelines partout dans le monde, y compris en Russie et en Europe. Une bonne partie de la propagande politique concernant les dangers des pipelines est discutable. Je viens du Yukon qui est contigu à l'Alaska. Il y a un oléoduc là-bas qui est opérationnel depuis à peu près 40 ans, et il fonctionne d'une manière qui convient au grand public.

Nous allons devoir attendre de connaître la nature des risques environnementaux qui, selon moi, ne seront pas insurmontables. Oui, je crois que nous devrions disposer de pipelines. Si nous voulons diversifier notre économie, tirer parti de nos ressources et les vendre à plein prix sur le marché libre, contrairement à ce que nous faisons en ce moment, nous devons choisir les pipelines. Cela renforcera notre pays et nous permettra de respecter nos obligations sociales.

Le sénateur Massicotte : Je pense que nous avons absolument besoin d'un pipeline vers la côte Ouest. Nous devons diversifier notre clientèle. Je dis oui d'une manière très catégorique.

À l'heure actuelle, il n'est pas économiquement justifiable d'en construire un qui traverse le Canada jusqu'à la côte Est. On pourrait avancer que nos sources actuelles ne sont pas fiables et qu'il est nécessaire d'en construire un pour assurer la sécurité de notre approvisionnement. Dans ce cas, on pourrait être persuadé de subventionner un pipeline vers l'Est du Canada mais, aujourd'hui, je dirais que ce n'est pas faisable sur le plan économique.

Le sénateur Lang : Je suis d'accord avec le sénateur Massicotte. Il faut que le pipeline soit économiquement justifiable.

Le sénateur Brown : Il y a une énorme différence entre un pipeline reliant l'Alberta à la côte Est et un allant vers les États-Unis. Il faut parcourir plus de 3 000 miles pour atteindre la côte Est, alors que la distance entre l'Alberta et la côte du golfe du Mexique, où se trouvent les raffineries, est seulement de 2 200 miles. On s'attend à ce que le projet Keystone et les nouvelles raffineries à construire créent, en 20 ans, des richesses de 1,7 billion de dollars et environ 100 000 emplois. C'est une affaire importante.

Un pipeline vers la côte Est n'aide pas les États-Unis et, en ce moment, ce pays a besoin de beaucoup de capitaux et de nombreux emplois sur le plan économique.

Le sénateur Sibbeston : Si un pipeline vers les provinces de l'Atlantique était pratique ou économiquement justifiable, ne croyez-vous pas qu'on en aurait déjà construit un?

De plus, nous n'avons pas le choix. Nous devons chercher des marchés dans d'autres parties du monde. Lorsque je constate la publicité négative et la résistance dont le pipeline vers la côte Ouest fait l'objet, je me demande comment notre pays parviendra à le construire. Il y a tellement de résistance, en particulier de la part des Autochtones qui habitent le long du pipeline ou sur la côte. Le Canada va-t-il simplement envoyer des bulldozers et construire le pipeline malgré toute l'opposition manifestée en Colombie-Britannique? Voilà le genre de dilemmes auxquels un pays est confronté; il doit en quelque sorte envoyer des bulldozers malgré les réserves des peuples autochtones de l'Ouest de la Colombie-Britannique. D'après les nouvelles, ces derniers semblent tellement opposés au projet qu'on se demande comment un pays pourra jamais les convaincre de sa valeur. Manifestement, ils sont préoccupés par les déversements et les autres problèmes qui pourraient se produire.

C'est le genre de problèmes auxquels un pays fait face. Ce n'est pas seulement un problème théorique; c'est la réalité de la vie dans les diverses parties de notre pays, et nous devons y faire face.

Le président : Nous comptons sur vous pour mettre ce projet en branle.

Le sénateur Mitchell : Les thèmes ou les axes du débat sont clairs, et le sénateur Lang soutient l'un des plus droitistes — pour ne pas dire extrêmes — d'entre eux en parlant sans cesse du marché.

Je crois aux marchés. J'ai travaillé dans le domaine des affaires, mais en exagérant pour faire ressortir mon argument, le marché aurait-il gagné la Seconde Guerre mondiale? Fallait-il la gagner? Oui. Les marchés l'auraient-ils gagné? Non. Il a fallu que nous collaborions, que nous coordonnions nos activités, que nous investissions, que nous élaborions des politiques et que nous trouvions une façon de gagner la guerre.

Je partage l'opinion du sénateur Massicotte. Je suis très préoccupé par le changement climatique, et je pense que l'économie souffrira beaucoup moins si on lutte contre celui-ci que si on s'abstient de le faire.

Notre victoire, à l'issue de la Seconde Guerre mondiale, n'a pas anéanti nos économies. Grâce à celle-ci, les économies des pays occidentaux industrialisés sont devenues les plus solides et les plus prospères de l'histoire du monde et leur niveau de vie, le plus élevé qu'on n'ait jamais connu. Notre victoire sur le changement climatique n'anéantira pas notre économie. Il faut comprendre — et vous le comprenez — que nous ne pouvons pas nous passer simplement des sables bitumineux ou des formes traditionnelles d'énergie. Cela ne se produira pas. Nous devons trouver des façons de mieux les exploiter, et nous le pouvons. Nous devons également trouver des façons de mieux réaliser d'autres choses, mais selon moi, les enjeux sont extrêmement importants et urgents, et nous ne pouvons nous contenter de dire que les marchés s'en occuperont.

Pour être plus précis, les marchés favoriseront grandement ces enjeux; c'est la raison pour laquelle il pourrait être utile de fixer certains prix. En ce qui concerne le pipeline vers l'Est, tout dépend de l'importance que notre société accorde à la sécurité énergétique. Nous disons aux Américains qu'ils devraient acheter notre pétrole parce qu'ils ont besoin d'assurer leur sécurité énergétique. Cependant, les provinces maritimes achètent le même pétrole que les États- Unis. Par conséquent, tout dépend de l'argent que nous souhaitons consacrer à cette question.

Le sénateur Massicotte : Nous recommandez-vous de provoquer une autre guerre mondiale pour résoudre le problème?

Le président : La présidence rappelle les membres à l'ordre. Notre groupe de jeunes Canadiens nous a posé une première question et a entendu nos diverses réponses. Maintenant, ils ont trois autres questions à nous poser. Nous avons dépassé le temps que j'avais alloué pour cette période, mais j'aimerais que vous me communiquiez les trois questions, et vous pourrez obtenir trois réponses supplémentaires.

Quelle est votre prochaine question?

Mme Baker : Après avoir entendu les experts, avez-vous soudainement pris conscience de quelque chose ou changer d'avis comme M. Praill, qui pensait, au début, que nous devrions apporter rapidement des changements et qui, après avoir effectué des recherches, a décidé qu'il serait plus approprié et réalisable de procéder lentement? Il ne s'agissait peut-être pas de ce changement d'opinion en particulier, mais plutôt d'un renseignement qui vous a été communiqué et qui a en quelque sorte modifié votre façon de penser.

Le président : Permettez-moi d'essayer de répondre à votre question. Ensuite, les membres assis autour de la table interviendront à tour de rôle.

Le sénateur Massicotte : Pourrions-nous connaître les trois questions? Ainsi, nous pourrons formuler rapidement des observations et économiser beaucoup de temps.

M. Eardley : J'allais vous interroger à propos de ce dont j'ai parlé pendant mon exposé. Le Canada ambitionne-t-il de devenir un chef de file dans le domaine environnemental? Dans l'affirmative, avons-nous un plan à l'heure actuelle, et si oui, quel est-il? Qu'en pense le gouvernement en ce moment?

Le président : La troisième question?

M. Eardley : Il n'est pas là.

Le président : Nous allons commencer par ces questions. Lorsque nous avons amorcé notre étude — notre objectif était de nous procurer la documentation et d'inciter les gens à aborder la question de l'énergie —, nous avons compris rapidement à quel point notre pays était béni des dieux et diversifié. Ce qui est profitable dans le nord de la Colombie- Britannique ne l'est pas nécessairement en Alberta ou en Saskatchewan.

Nous nous sommes finalement rendu compte que l'économie, l'énergie et l'environnement sont intrinsèquement liés. Si vous optez pour une chose du côté de l'environnement, quel effet cette décision aura-t-elle sur l'économie et tout le reste? Cet élément nous pousse à adopter une approche graduelle sur une longue période. On ne peut pas tout bonnement fermer demain matin toutes les centrales au charbon en Alberta ou les centrales nucléaires en Ontario; ce serait le chaos.

Nous avons de bons éléments en place; il faut seulement les éliminer progressivement là où c'est logique de le faire, comme l'Ontario est en train de le faire en éliminant progressivement les centrales au charbon et en optant pour le gaz naturel comme carburant de remplacement, par exemple. Certains d'entre vous y ont fait allusion. Voilà ce qu'était la situation à cet égard.

Pour ce qui est de la question de M. Eardley, je dirais que les gouvernements changent. Les gouvernements ont leurs politiques. Le présent gouvernement croit avoir une politique très ciblée sur l'environnement. Ce n'est pas tout le monde qui est d'accord avec cela, mais le gouvernement en a une et il en parle. Vous avez fait allusion au ministre Kent, et je crois que vous l'avez rencontré.

Le gouvernement traite avec les partenaires majeurs en Amérique du Nord. À ce chapitre, les trois amigos — le président américain, le président mexicain et le premier ministre canadien — se sont rencontrés. Ils ont diffusé un communiqué, dont la moitié portait sur l'énergie et l'environnement. Nous sommes étroitement liés à eux. La tendance se dirige clairement vers des approches futures plus propres, plus vertes, plus durables et plus efficaces dans le domaine de l'environnement et de l'énergie, tout en tenant compte de l'économie.

Le sénateur Lang : Je soulèverai deux ou trois points concernant votre première question sur le changement de mentalité.

Selon moi, les éléments que vous et vos collègues avez soulevés ne sont pas différents de ceux que nous avons entendus partout au pays. C'est intéressant d'avoir une telle représentation, d'échanger des points de vue et de voir comment ce qui se passe dans une région du Canada influe sur une autre région du pays.

En siégeant au comité, j'ai notamment appris au fil des ans que le Canada est un pays diversifié et que nous sommes vraiment privilégiés d'être Canadiens. Lorsque je prends la parole lors d'évènements, je soulève ce point, et voici comment je le décris. Si vous êtes nés au Canada, vous avez gagné le gros lot. Nous ne devrions jamais l'oublier. Nous sommes extrêmement chanceux.

Nous parlons de l'environnement au Canada et nous nous regardons beaucoup le nombril, mais nous devrions aborder la situation en nous disant que le verre est à moitié plein, et non à moitié vide.

En ce qui concerne nos émissions de gaz à effet de serre, je crois qu'elles totalisent environ 500 000 tonnes métriques. En comparaison, les émissions de la Chine approchent 9 millions de tonnes métriques.

Il s'agit d'un secteur dans lequel nous avons des problèmes concernant les émissions de gaz à effet de serre, et c'est inquiétant. Il faut trouver comment aborder ces inquiétudes et comment diminuer nos émissions et notre empreinte sur la planète.

Je crois que nous pouvons y arriver, mais il faut prendre des mesures en ce sens. En considérant la situation dans laquelle nous sommes rendus en tant que pays et pour notre jeunesse, vous devriez regarder votre pays et vous sentir privilégiés. C'est vrai que nous pouvons l'améliorer, mais nous avons déjà fait beaucoup de chemin au cours des dernières années pour en arriver à la situation actuelle.

Le sénateur Massicotte : Je suis tout à fait d'accord avec le sénateur Lang et notre président; je crois que nous sommes privilégiés d'être au Canada et que nous sommes en bonne position comparativement au reste du monde.

Cependant, je vais réitérer mon commentaire. Ce que j'ai appris a été tout un choc. Un très grand nombre de spécialistes dans le monde affirment que le réchauffement climatique s'accélère. De plus, étant donné l'ampleur de l'infrastructure déjà en place qui ne peut être modifiée, nous nous dirigeons vers un réchauffement considérable de notre climat, et ce, bien au-delà de 2 degrés Celsius. Les répercussions sur les espèces et l'économie seront considérables.

Je dis aussi que même si le gouvernement ou la planète agit rapidement, le changement se fera tout de même lentement. On ne détruira pas tous les édifices et on n'éliminera pas toutes les inefficacités. Ce sera un changement lent.

En tant que chef de file, le Canada a beaucoup d'influence sur la scène internationale. Nous devrions en faire plus pour nous assurer d'atteindre l'objectif plus rapidement, et il faut aborder avec fermeté les changements climatiques.

Je dois dire que je suis découragé que le monde soit le même. Les gens ne se dirigent pas rapidement dans cette direction. Nous pouvons pointer du doigt les gouvernements à ce sujet, mais la raison est que les électeurs n'y sont pas prêts. Regardez les sondages. Environ 85 p. 100 des Canadiens disent vouloir que le gouvernement mette davantage l'accent sur l'environnement. Par contre, lorsqu'on leur impose des frais annuels de 300 $, ce pourcentage chute de 15 points.

C'est bien beau de dire qu'on veut ceci ou cela, mais le Canadien moyen n'est pas prêt à faire les sacrifices pour y arriver. Les gouvernements représentent les électeurs, mais ces derniers doivent se réveiller et faire des sacrifices pour y arriver, parce que nous allons tous payer le prix fort dans 20 ou 30 ans

Le sénateur Brown : En fait, vous pouvez obtenir une nouvelle série de recherches du sénateur Mitchell. Tout ce que vous avez à faire, c'est de lui demander des copies des chercheurs, en commençant par M. Happs. C'est un document de 22 pages.

Le sénateur Sibbeston : Je n'ai pas grand-chose à rajouter à ce qui a déjà été dit.

Je représente les Territoires du Nord-Ouest, où nous constatons les signes des changements climatiques. Les gens n'aiment pas les changements climatiques imprévisibles, mais on ne se plaint pas des températures plus chaudes. J'ai passé trois jours à Yellowknife, et il a fait zéro, ce qui est quelque peu inhabituel.

Nous constatons que les effets sont plus prononcés dans le nord que dans le sud. Nous savons que ça s'en vient. À mon avis, le Nord canadien dans 30 ou 40 ans changera radicalement, parce qu'il y aura moins de glace dans l'Arctique. La région sera navigable. Cette région du Nord canadien sera donc plus propice à la mise en valeur.

S'il fait moins froid, je ne sais pas s'il y aura un jour de l'immigration ou une migration vers l'Arctique. Il n'y a pas de terres cultivables comme en Alberta et en Saskatchewan. C'est une région plutôt sablonneuse et rocheuse avec des fondrières de mousse. Ce n'est pas une région vers laquelle il y aura une migration massive. À bien des égards, les gens du Nord canadien n'ont rien contre cela, parce qu'ils ne veulent pas qu'il y ait trop de gens.

Le sénateur Mitchell : Ce qui m'a le plus surpris, c'est qu'on peut aborder les changements climatiques sans nuire à l'économie. Il ne s'agit pas d'un fardeau économique, mais bien d'une occasion qui stimulera l'économie. Selon moi, nous allons nous rendre compte que nous réparerons les pots cassés plus rapidement et avec moins de bouleversements, de heurts et de changements que nous l'imaginons. Voilà ma réponse à la première question.

La deuxième réponse est que nous n'exerçons pas suffisamment notre rôle de chef de file sur la scène internationale, et je crois qu'il y a un potentiel à cet égard. Je suis d'accord que le Canada est un pays privilégié. C'est un cadeau du ciel — le gros lot — de vivre ici. À bien des égards, nous devons au reste du monde d'exercer notre rôle de chef de file. Je crois que nous pouvons nous améliorer sur ce plan.

Le président : Monsieur Praill, vous aviez quitté la pièce. Nous avons fait un tour de table. Trois questions ont été posées. Il nous reste cinq minutes, et j'aimerais que vous nous posiez votre question.

M. Praill : Après trois ans de recherches sur l'énergie durable, avez-vous conclu qu'il serait mieux d'avoir une certaine stratégie énergétique gérée par le gouvernement fédéral ou les provinces? Quel ordre de gouvernement devrait s'en occuper?

Le président : C'est la question fondamentale et pertinente à laquelle nous répondrons dans notre rapport.

Tous les ordres de gouvernement auront clairement un rôle à jouer. Cependant, au Canada, les compétences fondamentales appartiennent aux provinces. À mon avis, les provinces ont récemment et heureusement compris qu'il leur est nécessaire de commencer à établir un dialogue et à collaborer en vue d'élaborer un cadre cohésif pour convenir d'une politique énergétique nationale qui apportera la prospérité dans toutes les régions canadiennes. Je crois que mes collègues partagent la même opinion.

Les provinces ont décidé de le faire plus ou moins à la condition que le gouvernement fédéral ne s'en mêle pas. Le gouvernement fédéral sera consulté lorsqu'il le sera, et il pourra donner son opinion. Le gouvernement fédéral est à l'aise avec cette situation. Il y a aussi des champs de compétence, particulièrement dans le Nord canadien, où le gouvernement fédéral a un rôle à jouer par l'entremise d'Environnement Canada, de Ressources naturelles Canada et d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, qui est un organisme important. Comme vous le savez, il y a aussi l'Office national de l'énergie et les diverses initiatives fédérales dans le domaine de l'énergie.

Voilà ce que nous avons découvert. Peu importe le résultat de l'élection, depuis qu'elle est première ministre, Mme Redford n'a vraiment pas mâché ses mots, ce qui a eu une influence sur l'Ontario et le Québec. Je ne suis pas certain pour ce qui est des autres provinces, mais je crois comprendre qu'elles se rallient toutes à une approche collaborative entre elles, ce qui est parfait du point de vue du gouvernement fédéral. Ottawa ne devrait pas se mêler de la question. Ottawa était perçu comme le grand méchant loup dans la politique énergétique nationale. Ottawa a suffisamment de pain sur la planche, et le présent gouvernement croit de manière générale qu'il est préférable que le gouvernement fédéral s'ingère moins dans les affaires des provinces.

Voilà mes commentaires.

Le sénateur Massicotte : Je suis tout à fait d'accord avec la réponse du président.

Le président : Il est un bon Canadien.

Le sénateur Mitchell : Les éléments importants selon moi sont la collaboration et la coopération. Je viens de l'Alberta. L'intervention fédérale peut causer certains problèmes.

Il y a un domaine dans lequel l'intervention fédérale est essentielle, et c'est lorsqu'on discute avec le reste du monde. La planète ne pense pas que l'Alberta parle au nom du Canada. Je viens de l'Alberta; j'adore ma province. Que Dieu bénisse Alison Redford — elle en a fait beaucoup à ce sujet. Cependant, le monde ne le voit pas. Le Canada doit participer à la notoriété de notre marque et renforcer notre crédibilité au sujet de ces enjeux.

Je tiens à dire que l'exercice a été une expérience remarquable à bien des égards en ce qui me concerne, et je crois également me faire l'écho de tous mes collègues et des gens qui nous ont regardés. Vous quatre êtes extrêmement impressionnants, et l'apport de personnes comme M. Godwaldt et M. Reynolds est clairement évident dans vos travaux. Vous avez démontré le pouvoir de la technologie moderne et sa contribution à un processus démocratique et aux possibilités démocratiques.

Vous avez aussi fait preuve de passion et d'énergie incroyable pour l'avenir de la part d'une génération qui est clairement prête à assumer une telle charge. Nous avons clairement besoin que vous le fassiez.

Merci beaucoup. Je suis impressionné.

Le président : J'aimerais faire un dernier commentaire. Monsieur Godwaldt et tous les témoins, je vous remercie de votre participation du début jusqu'à la fin. Des effets se feront sentir bien au-delà de ce qui s'est dit ce soir, si je comprends bien le rôle de votre organisme.

Nous sommes ici pour faire une petite différence. Notre rapport est prévu à l'horaire; c'est dans notre viseur et c'est un gros morceau, étant donné l'ampleur de notre étude. De plus, nous voulons arriver à des conclusions qui feront véritablement une différence et qui seront conviviales. Beaucoup de rapports importants se retrouvent sur des tablettes dans les universités, et les gens ne les lisent pas. Nous essayons de rédiger un document pratique.

Nous vous encourageons à faire part de la bonne nouvelle. Vous pouvez constater que nous sommes de vraies personnes en chair et en os qui se préoccupent et s'occupent de l'enjeu en question. Nous voulons poursuivre les discussions sur l'énergie avec les Canadiens. Restez en contact avec nous, si vous le voulez, par l'entremise des médias sociaux ou d'autres moyens électroniques. Entendre vos points de vue nous intéresse toujours.

[Français]

Pour ceux qui, comme moi, sont de la belle province de Québec, nous apprécions beaucoup le travail que vous avez fait au nom tout d'abord de vos écoles, mais aussi en tant que jeunes Canadiens qui ont un profond intérêt pour ce sujet si important pour aujourd'hui et pour l'avenir de tous les Canadiens et Canadiennes.

[Traduction]

Sur ce, merci à tous. La séance est levée.

(La séance est levée.)


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