Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 11 - Témoignages du 8 février 2012
OTTAWA, le mercredi 8 février 2012
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 18 h 45, pour étudier les raisons pouvant expliquer les inégalités entre les prix de certains articles vendus au Canada et aux États-Unis, étant donné la valeur du dollar canadien et les répercussions du magasinage transfrontalier sur l'économie canadienne.
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, je déclare ouverte cette séance du Comité sénatorial permanent des finances nationales.
[Français]
Honorables sénateurs, ce soir nous allons poursuire notre étude spéciale sur les raisons pouvant expliquer les inégalités entre les prix de certains articles vendus au Canada et aux États-Unis.
[Traduction]
Nous avons le plaisir d'accueillir ce soir Ted Mallett, vice-président et économiste en chef de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, qui va se joindre à nous par vidéoconférence depuis Toronto.
Monsieur Mallett, avez-vous quelques remarques liminaires à faire avant que les sénateurs ne vous posent leurs questions?
Ted Mallett, vice-président et économiste en chef, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante : Oui. J'ai quelques pages de notes. Je ne sais pas si vous les avez reçues. Elles sont rudimentaires. Ce n'est pas un texte officiel, mais il vise plutôt à aider les interprètes et d'autres à suivre mes propos.
Le président : Nous avons les notes.
M. Mallett : Merci de votre invitation à prendre la parole ce soir. C'est un sujet d'actualité, que les membres de la FCEI, et particulièrement ceux des agglomérations frontalières, abordent régulièrement lors de nos conversations et dans nos sondages.
Les exemples anecdotiques de prix canadiens supérieurs aux prix américains abondent. Nous voyons souvent des études cherchant à quantifier les écarts de prix moyens sur un panier d'articles.
Ce n'est pas une tâche facile. Les prix sont hautement variables dans le temps. Les stratégies commerciales, le recours aux produits d'appel et les conditions locales contribuent largement à faire fluctuer les prix de jour en jour, de mois en mois et parfois d'heure en heure.
Si l'on cherche des écarts de prix, il n'est pas difficile d'en trouver, et pas seulement de part et d'autre des frontières internationales. Des écarts de prix se font jour également entre les entités géographiques à l'intérieur du Canada.
Je ne cherche pas à minimiser la valeur de ces études. Nous savons que les anecdotes négatives — celles signalant des prix sensiblement supérieurs aux prix américains — tendent à se répandre plus vite et plus loin que celles où l'inverse est vrai. Il existe effectivement des cas où un article sera vendu moins cher au Canada qu'aux États-Unis à un moment donné.
Nous savons d'après les recherches fondées sur l'indice des prix à la consommation — effectuées par la Banque du Canada et d'autres analystes — qu'il ne faut pas confondre les prix d'un panier d'articles et les comportements de consommation. Les consommateurs vont modifier leurs décisions d'achat en fonction des scénarios de prix qui leur sont présentés. Ils adaptent le moment de leurs achats de façon à maximiser leurs avantages dans le temps.
Ce n'est pas parce qu'il existe un écart de prix à un moment donné que le consommateur est contraint d'acheter à ce moment-là. Il peut ajuster ses dépenses d'autres façons.
Nous aussi connaissons des anecdotes; nos enquêtes recueillent une masse de ces informations. Un commerçant de Colombie-Britannique a indiqué récemment qu'il peut acheter sa marchandise pour moins cher au détail aux États- Unis qu'auprès de son grossiste canadien. Un marchand de matériaux de construction du Manitoba m'a dit qu'il subit la concurrence de fournisseurs du Dakota du Nord où les matériaux de construction sont considérablement moins chers. C'est là le genre de pressions auxquelles nos membres sont exposés. C'est un problème majeur, étant donné surtout les fortes variations du taux de change.
Les marchés recherchent l'équilibre et l'information est le meilleur outil pour cela. À cet égard, les nouvelles sont bonnes. Le consommateur n'a jamais été mieux en mesure de comparer les prix en ligne. Cela lui donne la faculté de modifier son comportement d'achat en fonction des prix du moment et de mieux comparer les prix. Les détaillants utilisent ces outils pour rester compétitifs, vérifier les prix des concurrents et ajuster les leurs lorsque c'est possible.
Les outils de magasinage comparatifs continueront de rétrécir les écarts de prix et nous sommes favorables à toute mesure qui mettra davantage de renseignements aux mains des consommateurs et des petits détaillants afin qu'ils puissent fixer judicieusement leurs prix.
Un changement mineur mais d'importance considérable a été apporté la semaine dernière. Statistique Canada offre maintenant gratuitement l'accès à sa base de données CANSIM au lieu de faire payer 3 $ la série. Nos membres ne l'utilisaient pas du tout. Elle ne contient pas nécessairement des données de prix, mais beaucoup de renseignements commerciaux que les petites entreprises peuvent maintenant utiliser pour la première fois pour évaluer ou modifier leurs comportements commerciaux ou adapter leur clientèle.
Que peut-on faire d'autre, le cas échéant? Cela dépend des causes profondes des écarts de prix, et elles sont diverses.
Je vais vous en donner quelques exemples qui ont été recensés.
La taille du marché est un exemple. Celui du Canada n'est qu'un dixième de celui des États-Unis, ce qui pèse sur les niveaux de productivité que les entreprises canadiennes peuvent atteindre.
Il y a beaucoup plus d'entreprises de taille moyenne aux États-Unis. Les possibilités de croissance permettant de parvenir à une taille efficiente y sont considérablement plus nombreuses.
La géographie est un autre facteur. Les réseaux de distribution tendent à être plus efficients lorsqu'ils forment une grille. Les marchés américains, pour la plupart, ressemblent à des matrices. Les villes sont situées comme des noyaux sur un maillage à moyeux et rayons. Dans une large mesure, le marché canadien ressemble plutôt à un ruban est-ouest étiré le long de notre frontière, avec des longues distances entre les marchés de taille conséquente.
La possibilité de transporter une charge de retour fait une grosse différence pour les transporteurs, du point de vue de la rentabilité du transport par camion et conteneur.
La structure de la propriété est un autre facteur qui tend à produire les écarts de prix les plus visibles, comme le montrent la plupart des études qui se penchent sur les marques commerciales nationales ou mondiales.
Les propriétaires des marques vendent des droits de licence ou les cèdent à des filiales locales dans chaque pays, ce qui alourdit les frais généraux de marketing et de distribution. Plus le pays est petit, et plus ce surcoût peut grossir.
L'énergie est un autre élément qui est fonction de la taille du marché et de la géographie et, peut-être, de la taille moyenne des chargements et des réseaux de distribution. Des coûts de carburant plus élevés contribuent à des coûts de production supérieurs.
Le coût de la main-d'oeuvre est une résultante de la productivité et des salaires courants. Les frais de main-d'oeuvre tendent à être supérieurs au Canada, et la flexibilité du marché du travail est aussi notoirement plus prononcée aux États-Unis.
La fiscalité est aussi souvent citée comme une cause de l'écart. Les cotisations sociales, les taxes de vente, les impôts sur le revenu, les taxes immobilières — qui n'ont pas été suffisamment étudiées dans notre pays — et les droits de douane sont supérieurs au Canada.
Ce sont là des problèmes structurels, mais il existe aussi des facteurs conjoncturels. Les États-Unis sortent d'une récession plus profonde et l'effondrement du marché de l'immobilier et le taux de chômage ont notamment conduit à des baisses de prix plus marquées dans certaines régions et à des modifications des comportements d'achat.
Voyons maintenant la notion répandue voulant que les détaillants eux-mêmes seraient à blâmer, du fait qu'ils engrangeraient des bénéfices d'arbitrage et ne répercuteraient pas totalement les réductions de coûts ou de prix résultant des fluctuations du taux de change. C'est une bonne question, et je vais essayer d'y répondre. Nous tendons à chercher des indices probants de ce phénomène, particulièrement dans le secteur de la petite entreprise. Nous avons recherché des signes de profits supplémentaires dans le secteur de la vente au détail, et nous n'en avons pas trouvés. Les données financières publiées par Statistique Canada et les profils des petites entreprises qu'elles dressent montrent que le secteur du petit commerce connaît une concurrence féroce et que ses marges bénéficiaires sont extrêmement minces.
Les marges bénéficiaires ne sont pas la seule façon de juger la compétitivité des secteurs économiques et ainsi de suite, mais offrent peut-être quelques aperçus. Si l'on considère les profils des petites entreprises les plus récemment publiés, soit ceux de l'année 2008, une petite entreprise constituée en société moyenne, c'est-à-dire réalisant un chiffre d'affaires inférieur à 5 millions de dollars, dégage une marge de profit moyenne d'environ 6,9 p. 100.
Cependant, chez les détaillants, à l'intérieur de ce groupe, la marge de bénéfice moyenne ne tourne qu'autour de 2,5 p. 100, et donc le chiffre de 2,5 est typique; et généralement, plus petite est l'entreprise et plus faible est sa marge bénéficiaire.
Si l'on ventile par catégories encore plus petites de détaillants, on constate que pour les véhicules et pièces automobiles, en moyenne, la marge est de 2,5 p. 100 du chiffre d'affaires; pour l'ameublement, d'environ 3 p. 100; pour l'électronique, d'environ 3 p. 100; et pour les matériaux de construction, d'environ 4 p. 100. Les commerces d'alimentation et de boissons et les stations d'essence réalisent des marges bénéficiaires inférieures à 2 p. 100 et chez les magasins de marchandises diverses, elles ne dépassent même pas 1 p. 100. Ce sont là des marges extrêmement minces qui ne laissent guère de possibilités aux petits détaillants de majorer leurs prix et de gonfler leurs profits.
Encore une fois, les profits ne sont qu'un moyen de mesure parmi d'autres, mais il n'est peut-être pas inutile de voir où ils se situent, du moins dans le secteur de la petite entreprise.
Nous n'avons pas de chiffres comparables sur les commerces de taille moyenne au Canada, mais tout indique que les grosses entreprises au Canada sont plus concentrées qu'aux États-Unis, si bien que la structure de la vente au détail est très différente chez nous de celle de nos voisins du Sud.
La volatilité est un autre facteur crucial. Lorsque nous parlons à nos membres, ils ne portent pas le blâme sur le niveau du taux de change, mais plutôt sur l'impossibilité pour eux de prévoir avec fiabilité ce qu'il sera dans six mois. Les prix des produits importés comportent presqu'une prime de risque.
Le taux de change n'a fluctué que dans une fourchette de 5 cents au-dessus ou en dessous de la parité ces deux dernières années. C'est la période de stabilité la plus longue depuis quelque temps dont je me souvienne, une stabilité sans précédent si l'on regarde les chiffres remontant à une dizaine d'années. Espérons qu'elle se maintienne et que la prime de risque puisse être réduite et baissée encore davantage.
Nos membres ont intérêt à servir les intérêts de leurs clients. Ils rivalisent durement entre eux pour cela et nous aspirons à un monde où les prix canadiens et américains seront beaucoup plus alignés et c'est pourquoi nous appuyons le travail que fait votre comité pour tenter de mieux cerner le problème et de formuler des propositions qui permettront de réduire l'écart.
Merci beaucoup de votre attention.
Le président : Monsieur Mallett, à titre d'information, pourriez-vous nous indiquer qui sont vos membres, quelle est l'envergure de votre organisation, et nous parler un peu de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante?
M. Mallett : La FCEI a été fondée en 1971. Nous comptons environ 108 000 petits entrepreneurs, soit des propriétaires d'entreprises indépendantes au Canada.
La taille moyenne des entreprises est d'environ 14 ou 15 employés. La taille médiane est de quatre ou cinq employés, c'est-à-dire que la moitié de nos membres comptent moins de quatre employés et l'autre moitié en ont plus que quatre.
Seuls peuvent adhérer de réels propriétaires d'entreprises. Nous n'avons pas parmi nos membres des associations représentatives ou des chambres de commerce. Nos membres sont la foule des entrepreneurs, et leurs cotisations nous financent à 100 p. 100. Nous n'acceptons de fonds d'aucune autre source, ni aucune commandite.
Le président : Imposez-vous une limite supérieure à la taille de vos adhérents?
M. Mallett : Non, il suffit que l'entreprise soit d'appartenance privée. Si une société devient cotée en bourse, elle doit cesser d'adhérer. Il doit s'agir d'une entreprise fermée.
Le président : En ce qui concerne les chiffres de marge bénéficiaire dans les divers secteurs que vous nous avez donnés, connaissez-vous les chiffres correspondants aux États-Unis?
M. Mallett : Je n'ai pas pu trouver ces données. Elles existent peut-être et je ne prétends donc pas qu'elles sont introuvables, mais je n'ai pas eu accès à ces renseignements au cours des derniers jours.
Le président : Si vous tombez sur des chiffres comparables et pouviez nous les communiquer, ce serait intéressant et cela pourrait nous apprendre quelque chose.
M. Mallett : Je vais chercher.
Le président : Enfin, quelle proportion de vos membres sont des commerces de détail et quelle proportion des entreprises manufacturières?
M. Mallett : Un peu plus de 25 p. 100 de nos membres sont des détaillants. Environ 10 à 12 p. 100 sont des fabricants; 10 p. 100 sont des entreprises de construction; 5 ou 6 p. 100 des exploitations agricoles, et le reste se situe dans le secteur des services.
Nous sommes largement représentatifs de l'économie dans son ensemble, et nous avons des membres dans tous les secteurs de l'économie nationale.
Le sénateur Nancy Ruth : Dans votre liste de facteurs, tels que la taille du marché, la géographie, la propriété, et cetera, vous n'avez pas mentionné les cartes de crédit.
J'aimerais savoir ce que vos membres pensent des frais de cartes de crédit, et vous avez récemment publié un article intitulé « Aidez les petites entreprises en payant en argent comptant ou par carte de débit ». Pouvez-vous nous en dire un peu plus et nous indiquer quelles conclusions vous avez tirées?
M. Mallett : Je devrais probablement vous renvoyer à l'un de mes collègues, celui qui a rédigé l'article. Nous savons que les frais de cartes de crédit et de débit sont un facteur plutôt important des résultats et de la profitabilité des commerces de détail.
C'est un problème également aux États-Unis, puisque certains de leurs frais, particulièrement ceux concernant les cartes de débit, sont plus élevés qu'au Canada. Notre crainte était en partie que nous nous retrouvions avec un système de cartes de débit américain et qu'Interac soit racheté ou disparaisse suite à un rachat par des sociétés comme Visa et MasterCard qui augmenteraient sensiblement les frais imposés aux détaillants.
Le sénateur Nancy Ruth : Les frais d'utilisation d'une carte de crédit par le consommateur peuvent également être différents aux États-Unis et au Canada. Avez-vous effectué cette comparaison dans votre étude?
M. Mallett : Oui, ils peuvent varier considérablement. Le propriétaire de la carte, le détenteur, peut avoir des frais à payer pour chaque transaction, tout comme le commerçant paye des frais pour chaque transaction par carte de débit ou de crédit, et ces frais peuvent différer considérablement selon le volume de la transaction, c'est-à-dire le prix de l'achat, et le service utilisé.
Le sénateur Nancy Ruth : Mettons que nous achetions un livre, sur lequel les deux prix sont indiqués directement sur la couverture. Est-ce que les détaillants, dans le secteur de l'édition, ont un rôle dans l'établissement de ces écarts de prix?
M. Mallett : Le petit détaillant, et cela s'applique aux livres comme à presque tous les autres produits qu'il vend, n'a virtuellement aucune influence sur le prix hormis ce qu'il prélève sur sa marge bénéficiaire propre. Il peut essayer d'attirer le client en offrant quelques prix d'appel et en ayant des soldes occasionnels, mais généralement il n'est pas en mesure d'offrir ou de vendre des produits à un prix supérieur comparé à celui de leurs plus gros concurrents, et ce ni au Canada ni aux États-Unis.
Le sénateur Ringuette : Vous savez, bien entendu, que depuis juin dernier la Federal Reserve américaine impose un plafonnement des frais facturés aux commerçants pour l'utilisation des cartes de débit, et elle envisage de faire de même pour les cartes de crédit.
Je crois savoir qu'au cours des sept dernières années les frais excessifs d'utilisation des cartes de crédit pour l'achat de biens au Canada totalisaient 5 milliards de dollars par an. En quoi cela pèse-t-il sur les marges bénéficiaires du tableau que vous nous avez présenté? Elle est de 1,5 p. 100 dans le cas des commerces d'alimentation et de boissons et des stations-service. Si vous comparez les frais excessifs imposés chez nous à ceux de nos homologues en Nouvelle- Zélande et en Australie, ils sont de 2,5 p. 100 sur les transactions par carte de crédit. Cela ne peut que ponctionner fortement la marge de 1,5 p. 100 que vous indiquez dans votre tableau.
Je trouve qu'il y a certainement là un problème. Cinq milliards de dollars chaque année qui quittent le Canada — je parle là des frais excessifs — pour ces services représentent une grosse ponction sur notre économie.
Lorsque je vois ces marges, je suis interloquée. Ceux qui vont investir dans un commerce de détail méritent énormément de respect, qu'il s'agisse d'ameublement, d'alimentation, de boisson, d'essence, de vêtement, d'articles de sport, vu ces marges aussi faibles.
M. Mallett : Absolument. L'une des raisons pour lesquelles j'ai inséré ce tableau dans mes notes était pour mettre en évidence les difficultés et les incertitudes auxquelles ils font face au fil du temps. Le taux de change, qui influe sur le coût des produits et ainsi de suite, n'est qu'un facteur parmi d'autres, et vous soulevez là quelques très bonnes questions au sujet des frais de cartes de crédit et de débit, et j'ai fait d'ailleurs l'an dernier une évaluation grossière de la composition du prix d'un litre d'essence. Eh bien, X p. 100 vont aux raffineurs, X p. 100 vont à l'extracteur ou la société pétrolière, et ensuite vous avez les marges de la vente au détail, et les frais de cartes de crédit en sont une partie substantielle. Étant donné qu'ils sont facturés sur la totalité de la transaction, ils représentent un gros morceau du coût.
Les marchands d'essence et les détaillants connaissent des problèmes considérables. Ils sont souvent perçus comme des profiteurs chaque fois que le prix de l'essence augmente, car les consommateurs blâment avant tout le détaillant. C'est vrai même lorsque la hausse est due à l'augmentation des taxes de vente. C'est vrai lorsqu'il arrive que les prix ne baissent pas avec la valorisation du dollar, mais ce sont les réalités avec lesquelles les petits détaillants se débattent. Je suis heureux que vous ayez dit qu'ils ont du mérite à faire ce travail. C'est un secteur brutal.
Je me souviens d'avoir vu des statistiques remontant à la période de 1984 à 1998, soit une période de 15 ou 16 ans. Soixante pour cent des détaillants en activité en 1984 avaient disparu en 1998. Le roulement est énorme. C'est l'un des secteurs où il est relativement facile de se lancer mais il est également très facile d'y échouer et d'être évincé. Voilà la réalité de la situation.
Le sénateur Ringuette : On dit toujours que les petites et moyennes entreprises de notre pays sont le moteur de notre économie, et donc lorsqu'on critique ou ne soutient pas suffisamment ce groupe particulier, je m'interroge sur les problèmes, ou les politiques suivies devrais-je dire.
Vous avez dit que 12 p. 100 de vos membres sont des entreprises de fabrication. Quelle est leur marge de profit en moyenne, comparée à celle des détaillants?
M. Mallett : Eh bien, les chiffres les plus récents sont de 2008. Je pourrais certainement remonter à la source, et j'indique l'adresse du site Internet dans mes notes. C'est un petit outil très intéressant offert par Industrie Canada au moyen des données de Statistique Canada. Il permet aux entreprises de jauger leurs résultats financiers par comparaison avec des industries et des entreprises similaires, au moyen de statistiques officielles, et nous sommes grands partisans de ce type d'outil et je l'ai utilisé aux fins de cet exposé, mais je vais certainement retourner à cette source pour chercher également les chiffres du secteur manufacturier.
Le sénateur Ringuette : Parmi les exemples de facteurs qui se répercutent sur les prix, tels que la taille du marché, la géographie, les transports, la main-d'oeuvre, la fiscalité, vous êtes certainement le premier à mentionner les taxes immobilières.
Comment se comparent-elles à celles payées aux États-Unis? On nous a dit maintes fois que les coûts de l'immobilier sont beaucoup plus faibles aux États-Unis qu'au Canada, et je suppose donc que les taxes immobilières sont aussi un élément qu'il faudrait comparer.
M. Mallett : Les valeurs immobilières peuvent différer considérablement d'une région à l'autre, pas seulement entre pays mais entre le centre des villes et les localités rurales. Techniquement, la valeur d'un immeuble commercial est la valeur actuelle nette du flux de revenu ou le bénéfice net qu'une entreprise peut compter tirer de ce type de bien. Si les immeubles commerciaux coûtent cher, c'est parce que l'on peut compter en tirer des revenus élevés.
Le régime de taxe immobilière canadien n'est pas bien analysé parce que les données concernant les taxes perçues sont aux mains de centaines de milliers de municipalités que compte le Canada. Personne ne recueille vraiment ces renseignements. J'ai eu plusieurs conversations avec des statisticiens en chef au fil des ans pour leur dire que nous avons réellement besoin de meilleurs renseignements sur la fiscalité immobilière.
Cependant, je vais vous donner un indice. Les commerces de détail forment le coeur de la plupart des agglomérations. Nos membres tendent à être autrement visibles et ce sont les établissements commerciaux qui tendent à porter le gros du fardeau des politiques fiscales immobilières des municipalités.
À Toronto, Vancouver et Calgary, par exemple, et peut-être à Montréal, les entreprises payent un taux de taxe sur la valeur immobilière quatre fois plus élevé que celui des habitants de ces mêmes villes. Pour un bien commercial de 500 000 $, la taxe sera quatre fois plus élevée s'il s'agit d'une entreprise commerciale plutôt que d'un immeuble résidentiel.
L'écart est un peu plus faible dans beaucoup d'autres villes, mais, en moyenne, dans le cas des villes de taille moyenne, les entreprises payent peut-être le double de ce que paye un contribuable résidentiel. Cela tend à se retrouver également dans le profil de coût des entreprises. Nous serions certainement favorables à toute étude qui chercherait à déterminer l'effet de la fiscalité immobilière sur la santé globale de l'économie. Jusqu'à présent — et je me penche là- dessus maintenant depuis 25 ans — nous n'avons pas vu de bonnes recherches solides à ce sujet — hormis celles de quelques analystes du monde universitaire — de la part des gouvernements fédéral ou provinciaux.
Le sénateur Gerstein : Monsieur Mallett, je reviens sur le titre de notre étude qui, si je puis la paraphraser brièvement, est « étude sur les raisons pouvant expliquer les inégalités entre les prix... étant donné la valeur du dollar canadien ».
Dans vos remarques liminaires, vous soulevez un certain nombre d'enjeux. Si je regarde votre page 2, je vois que six facteurs sur les sept, très franchement, existaient déjà il y a 15 ans. Les mêmes conditions sont toujours vraies : la géographie, la taille du marché, la structure de la propriété, l'énergie, la main-d'oeuvre, la fiscalité. Vous auriez pu recopier cela d'un rapport d'il y a 15 ans.
La conjoncture économique, je suis d'accord avec vous, a changé au cours des dernières années, étant donné la crise et la chute du marché immobilier aux États-Unis.
Si tout cela avait pu être puisé dans un rapport d'il y a 15 ans, le problème auquel nous sommes confrontés est qu'au cours de ces 15 années, le dollar canadien s'est apprécié de 50 p. 100 par rapport au dollar américain. C'est réellement cet élément que nous étudions au sein de ce comité.
Si l'on isolait le seul facteur monétaire, comment les prix auraient-ils dû se comporter, et comment se sont-ils comportés réellement? Les prix que nous connaissons, nous donne-t-on à penser, sont ce qu'ils sont pour quantité de bonnes raisons, mais tout ce que je dis c'est que ces autres raisons sont restées inchangées au fil de nombreuses années. Qu'est-ce qui aurait dû se passer, à votre avis? Votre rapport sur les marges est très intéressant. Il serait intéressant, comme le président l'a dit, de comparer ces marges aux chiffres américains correspondants. Il serait intéressant également de comparer ces chiffres à ce qu'ils étaient il y a 15 ans.
Je reviens toujours à la question particulière du changement intervenu dans la valeur du dollar canadien. Quel est votre avis à ce sujet?
M. Mallett : Le dollar canadien est l'un de ces facteurs qui influent fortement sur le coût d'exploitation d'une entreprise, particulièrement celui de ses intrants, ainsi que sur les exportations de produits manufacturiers ou autres.
Cependant, c'est un effet résiduel. Les entreprises ne peuvent pas contrôler le cours du dollar, elles ne peuvent que réagir à de tels changements. Nous avons assisté à quelques fluctuations plutôt substantielles dans ce domaine au cours de l'histoire. Je persiste à dire que nous avons connu une relation assez stable entre les monnaies canadienne et américaine au cours des deux dernières années. Nous pensons que c'est principalement la meilleure chose qui puisse arriver.
Même si un changement de la valeur de notre monnaie est perçu comme un atout pour une entreprise donnée, si le taux de change augmente, il devrait théoriquement aider un détaillant qui importe des produits d'outre-mer ou des États-Unis, mais si ce commerçant ne peut pas compter que ce taux restera stable, il ne peut pas fixer son prix correctement. Il a besoin de six mois pour calculer judicieusement son prix et ajuster ses propres prix internes et structures de coûts afin de pouvoir gérer cette sorte de chose.
Par conséquent, s'il existe une forte variabilité dans le temps, ce sera un problème pour cette entreprise. Nous avons assisté à des modifications structurelles du taux de change. Nous pensons que le Canada est perçu comme un pays plus sûr dans lequel investir, ce qui amène un afflux de capitaux et fait grimper le cours de notre monnaie. Les entreprises savent qu'elles doivent faire face à ce genre de chose. Nous sommes simplement heureux que, au cours des deux dernières années, il n'y ait pas eu de fluctuations de forte ampleur.
Comme vous le dites, aucune entreprise ne pourrait survivre facilement à un changement de 50 p. 100 de la valeur de la monnaie si un tel bouleversement intervenait à l'intérieur d'une courte période. Nous sommes heureux que le dollar soit relativement stable et nous espérons que la politique du gouvernement favorisera, ou du moins encouragera, la stabilité monétaire, par opposition à de fortes fluctuations à la hausse ou à la baisse.
Le sénateur Gerstein : Si vous aviez une boule de cristal qui vous disait que les monnaies canadienne et américaine allaient rester à peu près à parité au cours des trois, quatre ou cinq prochaines années — je n'affirme pas qu'il en sera ainsi, mais supposons — à votre avis, qu'adviendrait-il des prix de vente au détail au Canada? Baisseraient-ils?
M. Mallett : Je pense qu'il y aurait une réduction de l'écart entre les prix canadiens et américains si nous étions assurés d'une monnaie stable.
Le sénateur Gerstein : Pensez-vous que la stabilité monétaire relative au cours des deux dernières années a donné lieu à un ajustement suffisant des prix canadiens par rapport aux prix américains? Comme vous l'avez dit, cela fait deux ans que les deux monnaies sont proches de la parité.
M. Mallett : C'est difficile à dire. Nous n'avons pas effectué notre propre comparaison ou des études du type panier de consommation. Nous savons que la Banque du Canada a mené une telle étude et constaté une réduction de l'écart entre les prix canadiens et américains. Le fait que les consommateurs canadiens sont suffisamment évolués pour effectuer des comparaisons de prix avant d'acheter, surtout en ligne, est également bénéfique. Nous devons veiller à ce que les consommateurs aient la faculté de prendre le genre de décision qui servira le mieux leur intérêt. Cela signifie que les prix devraient progressivement se rapprocher.
De manière générale, d'après certaines indications empiriques et certaines des études menées, une réduction de cet écart est intervenue. Pourrons-nous jamais l'éliminer entièrement, c'est difficile à dire, du fait de certains changements structurels. Je ne doute pas que l'écart est aujourd'hui moins grand qu'il l'était il y a peut-être deux ans.
Le président : Monsieur Mallett, vous avez dit au sénateur Gerstein que les entreprises ont besoin de six mois de stabilité relative pour pouvoir réagir. Cependant, au bout de six mois, elles regarderont la situation et verront qu'il n'y a toujours pas de certitude que cette stabilité existera encore six mois plus tard. Par conséquent, les six mois deviennent un an, un an et demi, puis deux ans. Est-ce que ce que nous recherchons n'est pas une façon plus sûre de prédire la stabilité du taux de change?
Cela m'amène à la question suivante : pensez-vous qu'il serait bon de fixer le cours de notre monnaie par rapport au dollar américain?
M. Mallett : Non, je ne vois aucun avantage à l'alignement de notre dollar sur le dollar américain. Nous pensons que cela pourrait amener des problèmes. Nous avons certainement vu des problèmes en Europe, où les pays ont, pour la plupart, arrimé leur monnaie à l'euro, des inégalités internes créant alors des problèmes énormes pour l'économie.
Nous sommes d'avis que les petites sociétés n'ont pas autant accès aux outils de couverture dont bénéficient les plus gros importateurs et exportateurs par le biais de leurs banques ou parfois de leurs propres services financiers, et que la couverture a tendance à être plutôt coûteuse pour les petites sociétés. Celles-ci composent avec de bien plus petits volumes ou valeurs en matière de produits, de dépenses ou de transactions financières.
Tout ce que pourrait faire la communauté financière au Canada pour offrir ces genres de produits à un groupe de plus en plus petit serait avantageux pour ce dernier, qui est à la recherche de certitude. Je parle de six mois car les entreprises qui planifient en fonction, disons, de la période des congés d'été ou de la saison de détail estivale doivent s'y atteler maintenant. Dès juillet et août, elles seront occupées à planifier leurs dépenses et leurs commandes et ainsi de suite pour Noël ou les fêtes. Si elles achètent à l'étranger ou à des fournisseurs qui achètent à l'étranger, alors elles doivent, relativement à l'avance, avoir une certaine confiance quant au coût de ces produits ainsi que du prix auquel elles pourront les vendre au Canada.
Le sénateur Neufeld : J'aimerais revenir sur la question du sénateur Ringuette au sujet des coûts des cartes de crédit. Vous avez convenu avec elle que ces coûts sont plutôt lourds pour les petites entreprises que vous représentez.
Dans l'hypothèse de coûts de transaction nuls pour les cartes de crédit et les cartes de débit, en quoi le tableau qui figure dans le document que vous nous avez livré changerait-il? Au lieu d'une marge bénéficiaire moyenne de 6,9 p. 100, quelle serait-elle? Je ne le sais pas, mais vous le savez peut-être. Vous avez convenu avec ma collègue que ces coûts sont plutôt onéreux, et j'aimerais donc savoir quelle différence cela amènerait en ce qui concerne la marge bénéficiaire. Pourriez-vous m'en donner une petite idée?
M. Mallett : Ce serait difficile à dire. C'est une bonne question. Je ne peux pas vous donner de réponse définitive, car une entreprise optera souvent pour une structure légèrement différente. L'argent qu'il lui aurait peut-être fallu consacrer à des coûts de transaction aurait peut-être été intégré à d'autres volets, ou alors l'entreprise aurait peut-être acheté davantage de main-d'oeuvre ou d'autres genres de produits pour les appliquer dans sa propre activité, et ainsi de suite. Nous savons que ces chiffres sont nets de ces genres de coûts de transaction. Il est donc vraiment impossible de donner une réponse, sauf à dire qu'une part de cet argent se retrouverait probablement dans les profits, résultant peut- être en une meilleure rentabilité pour les entreprises.
Bien sûr, intervient également l'aspect concurrence. Lorsque des entreprises voient que des profits sont réalisables, alors elles seront portées à entrer elles aussi dans le marché. Il y a quantité de raisons portant à croire qu'il y aurait peut-être un certain avantage, mais il est impossible de le cerner de manière précise.
Le sénateur Neufeld : Je vous demande quelle en serait la conséquence générale. Je ne vous demande pas de me dire quels changements hypothétiques cela pourrait amener dans la façon dont les entreprises investiraient leur argent, dépenseraient leur argent, et ainsi de suite. Voici ce que je demande : prenez le coût des cartes de crédit, quel qu'il soit, et enlevez-le; quel changement y aurait-il dans ce tableau? Je ne vous demande pas de me dire en quoi cela changerait leur façon de faire affaire, mais quel changement amènerait le passage d'un scénario à l'autre. Je pense que c'est une question plutôt simple. Pourriez-vous essayer de nous donner une réponse ou d'en obtenir une?
M. Mallett : Ce serait entre zéro et ce que sont les coûts de transaction. Je pense qu'une partie de l'argent se retrouverait dans les profits et une autre partie irait ailleurs.
Le sénateur Neufeld : Si cela représente 2,5 p. 100, je ne pense pas que cela viendrait ajouter 2,5 p. 100 au bénéfice net, en tout cas pas dans mon esprit; mais ce serait peut-être le cas.
M. Mallett : Non, je ne le pense pas moi non plus, mais une partie pourrait s'y retrouver.
Le sénateur Neufeld : D'aucuns nous ont dit que les grossistes vendent leurs marchandises bien meilleur marché aux entreprises qui se trouvent aux États-Unis comparativement à celles qui se trouvent au Canada, et c'est là une partie du problème. Au Canada, du fait du marché plus petit et ainsi de suite, le prix de gros du bidule A est beaucoup plus élevé.
Y aurait-il moyen pour nous, avec votre aide, de vérifier cela? Y a-t-il un article que nous pourrions trouver — j'ignore ce que ce pourrait être —, qui se vend et aux États-Unis et au Canada, pour lequel on pourrait nous fournir une comparaison de ce qui serait payé ici au Canada et de ce que paierait une société comparable aux États-Unis? Y aurait-il moyen pour nous de faire cela, d'essayer de cerner certaines de ces différences? Il nous a été abondamment rapporté — à moi en tout cas — que c'est là l'un des gros problèmes.
M. Mallett : Il me paraît tout à fait envisageable d'effectuer ce genre d'étude, en choisissant peut-être une douzaine de produits, représentant une gamme assez large. Je sais qu'il s'est fait des travaux de type étude panier du marché, mais il y a également eu des études de structure du secteur, retraçant ce sur quoi se répercutent nos prix dans la chaîne d'étapes. Il me semble que ce serait assez facile de faire faire un tel travail.
La FCEI pourrait peut-être vous aider pour certains aspects. Il y a peut-être des universitaires qui ont déjà effectué certains travaux en la matière. Une bonne recherche documentaire serait utile. Il me semble qu'il serait en la matière utile d'effectuer une analyse de cas autour de, disons, une douzaine de produits différents.
Le sénateur Neufeld : Si nous pouvions obtenir un peu d'aide en la matière, nous pourrions nous aussi faire un certain travail, il me semble.
Le président : La Bibliothèque du Parlement pourrait elle aussi nous éclairer quant aux travaux qui existent peut-être déjà. Elle pourrait faire une recherche, après quoi le comité de direction se pencherait sur ce que nous voudrions peut- être faire.
Le sénateur Neufeld : Dans votre dernier paragraphe, vous félicitez le comité pour son travail et vous précisez que celui-ci aidera tout le monde à mieux comprendre la question et à élaborer des politiques en vue de réduire les écarts. Pensez-vous pouvoir m'indiquer, mais peut-être pas à brûle-pourpoint, trois politiques, trois choses dont vous pensez qu'elles pourraient faire toute la différence et que nous pourrions examiner, qui pourraient véritablement nous être utiles? Pourriez-vous faire cela?
M. Mallett : Si vous vouliez bien m'accorder un peu de temps pour y réfléchir et vous revenir là-dessus, je serais ravi de le faire.
Tout projet de politique, quel qu'il soit, serait, me semble-t-il, plutôt restreint. Ces genres de changements reposent sur des raisons multiples, et nous croyons que tout changement de politique, quel qu'il soit, ne pourra à lui seul qu'avoir une petite incidence. Vous pourriez peut-être m'accorder un peu plus de temps pour examiner certains des changements plus importants qui pourraient être envisagés, et je pourrais alors vous revenir là-dessus.
Le sénateur Neufeld : Ce serait formidable. Je voulais également dire que ce ne sont pas tous les coûts au Canada qui sont supérieurs à ce qu'ils sont aux États-Unis. Il y a beaucoup de coûts énergétiques, y compris celui de l'électricité, qui sont de manière générale sensiblement supérieurs. Les coûts à New York sont sans doute deux ou trois fois ce qu'ils sont au Canada. Il y a également certains coûts aux États-Unis qui sont de beaucoup supérieurs à ceux auxquels nous sommes confrontés ici au Canada.
M. Mallett : Oui, et j'ai certainement souligné cela dans mes remarques. La plupart des gens se concentrent sur les coûts supérieurs au Canada et passent sous silence, ce qui les arrange, les cas contraires. Il est important d'examiner la situation de manière équitable de part et d'autre.
Le sénateur Callbeck : Monsieur Mallett, dans votre déclaration, vous nous avez fourni des données au sujet des commerces de détail ayant un chiffre d'affaires de moins de 5 millions de dollars et sur les marges bénéficiaires. Je pense vous avoir entendu dire que la marge bénéficiaire moyenne est de plus de 2 p. 100. Pourriez-vous nous indiquer si ces pourcentages augmentent ou reculent? Il y a cinq ans, ces pourcentages auraient-ils été inférieurs ou supérieurs à ce qu'ils sont ici?
M. Mallett : Certaines données pour 2006 sont disponibles, et je suis certain que Statistique Canada et Industrie Canada possèdent également des données sur les années antérieures. Ces données sont disponibles. Ces pourcentages montent et descendent selon l'année. Je suis à peu près certain que les marges étaient en 2008 inférieures à ce qu'elles étaient en 2006, mais je ne peux pas vous dire, sur la base de l'information disponible, s'il s'agit là d'une tendance ou non.
C'est une bonne question. Cette information se trouve enfouie dans la base de données, et quelqu'un devrait être en mesure de l'en extraire. Je compte que nous pourrons la recueillir pour vous.
Mais n'oublions pas que l'année 2008 représente une année assez particulière dans le scénario d'ensemble. La première moitié de l'année a été plutôt porteuse pour les entreprises canadiennes, tandis que la deuxième moitié de l'année a été plutôt mauvaise pour elles. Nous sommes en présence de deux économies très différentes : celle d'avant septembre 2008 et celle d'après septembre 2008.
Le sénateur Callbeck : J'aimerais revenir au chiffre de 2 p. 100. Vous avez dit que c'est là la marge bénéficiaire des petites entreprises affichant un chiffre d'affaires de moins de 5 millions de dollars. Or, hier, nous avons entendu un témoin qui nous a parlé du secteur canadien du détail, qui englobe les petites et moyennes entreprises, disant que la marge opérationnelle était en moyenne de 12,9 p. 100. Si vous acceptez ces deux pourcentages, alors les gros commerces de détail se portent extrêmement bien.
M. Mallett : Tout dépend des pourcentages que vous regardez. Je ne sais trop si les chiffres que vous avez vus hier représentaient un pourcentage des revenus, ou bien s'agissait-il peut-être du rendement des capitaux propres, ce genre de mesure. Encore une fois, ces données sont elles aussi disponibles auprès de la source de données que j'ai citée. Ce que l'on constate est que, plus l'entreprise est petite, plus elle risque de perdre de l'argent, et c'est ainsi que la marge bénéficiaire est inférieure, dans le temps, quelle que soit la méthode utilisée pour mesurer le profit. La situation est, certes, plus instable pour les petites entreprises. Nous ne sommes pas les seuls à dire que le petit détaillant mène une vie plutôt difficile, compte tenu surtout des genres de marges avec lesquelles il doit composer.
Les grosses sociétés, les gros détaillants, peuvent eux aussi connaître des problèmes; simplement, ils ont plus de poids financier, ce qui leur permet de résister, de restructurer et d'ajuster leur activité. Nous avons vu de gros détaillants canadiens se retrouver eux aussi en difficulté.
Le sénateur Callbeck : J'ai encore une autre question, celle-ci concernant l'achat sur Internet, que pratiquent de nos jours beaucoup de gens. Ce phénomène touche-t-il selon vous davantage les gros commerces de détail comparativement aux petits?
M. Mallett : Ce phénomène ne nuit pas autant aux gros détaillants qu'aux petits. Les petits détaillants n'ont pas les moyens techniques d'exploiter à la fois un emplacement traditionnel ainsi qu'un service pleinement fonctionnel de vente de produits en ligne. Le consommateur est plutôt difficile et sophistiqué quant à ses attentes en matière de configuration de sites web, et ainsi de suite. Il existe de très bons sites web de vente au détail, mais ce sont principalement de grosses chaînes qui les exploitent. Les petits détaillants n'ont pas tendance à exploiter ces genres de chaînes ou de sites web, et les coûts de distribution et les efforts devant être déployés pour maintenir ce genre de service sont tels qu'il faut des volumes importants. Les petits magasins d'électronique n'affichent pas des volumes suffisants pour être aussi rentables que les gros.
Le sénateur Marshall : Monsieur Mallett, je dois dire que je trouve vos propos très intéressants. Ce qui m'a sans doute paru le plus intéressant, ce sont vos remarques liminaires. Nous avons parlé de plusieurs facteurs. Je sais que vous avez évoqué des facteurs géographiques et fiscaux. Dans vos remarques liminaires, vous avez parlé de l'information à destination des consommateurs et de l'importance de cette information. J'imagine qu'en dernière analyse c'est la concurrence qui sera reine.
Parlant des autres facteurs, notamment la taille du marché, la géographie et la main-d'oeuvre, vous avez demandé : qu'y a-t-il d'autre qui pourrait être fait? Pensez-vous qu'il y ait là de la marge pour réduire ces dépenses ou ces coûts, de manière à diminuer l'écart entre les prix américains et les prix canadiens?
M. Mallett : Je ne vois aucune politique qui puisse apporter de gros changements à ces genres de choses. Nous ne pouvons pas tout simplement couper du jour au lendemain de moitié les charges sociales. Il y a quantité d'autres conséquences qui découleraient de pareilles modifications. Nous aimerions, assurément, voir envoyer aux gens d'affaires des signaux selon lesquels nous avons un bon régime fiscal concurrentiel, et je considère que nous avons déjà fait un bon bout de chemin en ce sens. Cet aspect est important.
Je pense que nous parlons de mesures très petites. C'est pourquoi j'ai en effet insisté sur l'information, car je pense que c'est cette dernière qui est le plus susceptible de changer les perspectives des gens et de les habiliter pour qu'ils soient en mesure de prendre les meilleures décisions possible. Il se peut fort bien que nous vivions ces genres de problèmes depuis des décennies déjà. Du fait que les gens étaient moins en mesure de comparer les prix qu'ils ne le sont maintenant, nous n'étions tout simplement pas au courant des genres d'écarts de prix qui existaient. Les gens sont en train de prendre connaissance de ces choses. Le consommateur est de plus en plus sophistiqué. Les détaillants le savent et ils se démènent ou s'empressent de faire du rattrapage ou de veiller à être en mesure de servir cette nouvelle race de consommateurs. Tant mieux pour eux. Nous tenons à ce qu'un maximum d'information parvienne le plus rapidement aux gens afin qu'ils puissent agir en conséquence. Ce n'est pas seulement le consommateur qui a besoin d'information; c'est également le cas des entreprises. Encore une fois, les détaillants de taille petite ou moyenne n'ont peut-être pas le même accès à l'information commerciale que nombre des plus grosses entreprises, et ils se trouvent en conséquence quelque peu désavantagés. Ce n'est pas forcément n'importe quel gouvernement omniprésent qui pourra faire ce genre de chose, mais si nous pouvions tous favoriser les genres d'outils et de technologies de l'information qui aident les petites entreprises à mieux comprendre leurs clients, leur monde, leur rôle en matière de marketing, cela aidera.
Le sénateur Marshall : Nous aimerions connaître les raisons des écarts de prix. D'après votre témoignage et celui d'autres invités que nous avons entendus, il semble que tous ces éléments, comme la géographie et les coûts de transport, sont autant de facteurs. Nous aimerions tous, tout compte fait, connaître les raisons des écarts de prix. En bout de ligne, nous aimerions que les prix canadiens reculent pour se rapprocher davantage des prix américains. Il serait intéressant de connaître les raisons qui expliquent les inégalités entre les prix. Si vous ne pouvez rien y faire, alors il vous faut envisager d'autres possibilités.
Vous énumérez tous ces facteurs. Je ne nourris pas grand espoir d'une réduction des prix sur la base de ces facteurs. Vous avez ensuite parlé des taux de change. Vous dites que si le taux de change pouvait être stabilisé sur une période de temps plus longue, cela pourrait peut-être avoir une incidence sur les prix, mais peut-être pas. Il me semble que cela vous ramène tout droit à vos remarques liminaires, selon lesquelles ce qui compte c'est fournir de l'information au consommateur, que c'est cela qui va amener de gros changements quant aux prix.
M. Mallett : Cela ne se limite pas aux seuls détaillants, mais nous disons depuis quelque temps déjà que le Canada a un assez bon dossier en matière de démarrage d'entreprises. Il est relativement facile ici de lancer une nouvelle entreprise. Les entrepreneurs sont perçus comme étant des forces positives au sein des collectivités, et ainsi de suite, et c'est là une bonne chose. Cela n'a pas toujours été le cas. Il y a 20 ou 30 ans, il n'y avait pas ce même genre d'aura autour de l'entreprenariat. L'économie était dirigée par les grandes entreprises et c'est chez elles que tout le monde souhaitait décrocher un emploi.
De manière générale, nous aimerions voir plus d'encouragements en vue de la transformation de petites sociétés en des sociétés de taille moyenne. Je n'ai peut-être pas du tout fait état de la question des règlements. Il existe beaucoup de règlements aux États-Unis également. L'un des plus gros irritants pour celui ou celle qui souhaite grossir son entreprise est l'augmentation des acrobaties à faire pour satisfaire aux diverses exigences et ainsi de suite. L'entreprise elle-même doit se doter d'une structure beaucoup plus formelle. Il est déjà assez difficile de passer d'un cadre de fonctionnement informel à un cadre plutôt formel. Or, lorsqu'on y ajoute toutes les autres responsabilités — et il vous faut un directeur de l'exploitation, un directeur des finances, un directeur des ressources humaines, et ainsi de suite —, il s'ensuit de gros changements structurels pour qu'une entreprise passe d'une taille petite à une taille moyenne. Beaucoup d'entrepreneurs disent que le jeu n'en vaut pas la chandelle. Peut-être qu'il y aurait un élément fiscal. Peut-être qu'il y aurait un certain nombre d'autres éléments qui pourraient encourager les petites sociétés existantes et faire en sorte qu'il vaudrait la peine pour elles de grossir pour devenir des sociétés de taille moyenne. Nous avons des entreprises qui franchissent cette étape, mais elle est douloureuse. Il serait certainement utile dans le secteur du détail, comme dans tous les secteurs, qu'un plus gros effort soit déployé pour inciter à la croissance, afin que nous puissions transformer cette riche ressource que sont nos micro-entreprises en des entreprises petites, puis moyennes. Il s'agit là d'une chose que fait naturellement bien le marché américain, du fait de sa structure et de sa grande taille, mais existe-t-il des moyens de faciliter cela au Canada? Je pense qu'il y a de bonnes mesures incitatives fiscales qui pourraient aller en ce sens. Nous avons, au fil du temps, préconisé nombre de ces mesures. Il s'agit, de manière générale, d'une forme d'intervention que nous prônons du fait de notre philosophie.
Le sénateur Marshall : Nous avons entendu d'autres témoins parler des régimes de réglementation et de la façon dont ceux-ci empêchent les entreprises de grandir ou d'être rentables. Je pense que c'est hier que nous avons entendu un témoin parler de tous les formulaires que doit remplir une entreprise pour différentes autorités et des importants efforts et coûts que cela occasionne.
D'après ce que je crois comprendre, vous n'avez effectué aucun examen formel de cette question, mais vous comptez bien évidemment un grand nombre de membres. Que vous disent-ils d'autre? L'aspect réglementation est une préoccupation manifeste. Y a-t-il d'autres aspects dont le comité devrait être au courant?
M. Mallett : Si vous demandez à un propriétaire d'entreprise à quelles contraintes il est assujetti dans l'exploitation de son entreprise, il vous fera toute une liste de défis. Voilà quelle est la nature de la bête.
Je n'ai pas inclus cela dans la documentation que je vous ai fournie, mais nous produisons chaque mois un baromètre des entreprises, qui mesure les attentes commerciales chez les petites et moyennes entreprises. Chaque mois, nous prenons des mesures. Quelles sont vos principales contraintes? Est-ce la demande, le nombre de personnes qui franchissent la porte? S'agit-il plutôt des taux de change, des taux d'intérêt, des différents coûts, des frais bancaires, et cetera? Nous suivons cela mois par mois. La situation ne change pas beaucoup sur un court laps de temps, mais nous voyons se dessiner des tendances. Dans le cas de certains types d'entreprises, la pénurie de travailleurs qualifiés commence à se faire sentir.
Nous relevons également dans d'autres domaines des améliorations. L'accès au financement n'a fort heureusement pas été un sérieux problème pendant la récession, contrairement à la situation en 1991.
Ce sont là des éléments que nous avons suivis au fil du temps, et ensuite, bien sûr, notre site web et notre site baromètre fournissent des renseignements anecdotiques quant à ce que disent les propriétaires d'entreprise. Leurs propos couvrent toute la gamme, certains d'entre eux disant que leur entreprise ne s'est jamais mieux portée et d'autres que la situation n'a jamais été pire. Cela recouvre tout l'éventail.
Le sénateur Marshall : Comme je l'ai dit, j'ai été très intéressée par vos remarques au sujet de l'information. Cela est très tôt dans l'étude ressortie comme étant un facteur, et je pense qu'une grosse partie de la solution réside en l'offre aux consommateurs d'information suffisante.
Le sénateur Hervieux-Payette : Il semble que vous représentiez en même temps les entreprises comptant moins de cinq employés et les grosses entreprises. Je ne pense pas que ces dernières se trouvent confrontées aux mêmes problèmes.
Vous avez parlé de la nécessité d'apprendre à recruter, à embaucher davantage de personnel, et cetera.
Selon ma propre expérience en ce qui concerne les entreprises en démarrage, la plupart d'entre elles sont le fait de personnes âgées de moins de 50 ans et qui ont une bonne connaissance de la technologie de l'information. Elles sont intelligentes, même lorsqu'il s'agit de se procurer quelque chose qu'il leur faut et de trouver les programmes qui les aideront à gérer leur entreprise.
J'ai deux questions simples à vous poser. On nous dit que nous prenons du retard et que nous n'affichons pas de bons résultats en matière de productivité et d'innovation. Voilà ce qu'annonce le rapport marquant de la chambre de commerce sur les 25 dernières années.
Il semble que les gens qui font de la représentation — je ne sais plus s'il s'agit de ceux qui ont moins de cinq employés ou plus de cinq employés — ne font pas la bonne chose, paient trop, font ceci et cela, mais ne le font pas bien. Il semble que nous ne sommes pas bien représentés.
Le manque de concurrence est un aspect qui a été mentionné hier. Bien sûr, s'il y a peu de concurrence — du fait d'un petit marché —, cela va amener des prix supérieurs.
Il a été suggéré hier que nous pourrions procéder par secteur. Vous avez fait état dans votre document de 10 secteurs. Serait-ce une bonne chose que de demander au Bureau de la concurrence de faire une étude par secteur, étant donné que l'élément qui a une incidence sur le prix pourrait être différent selon le secteur? J'ai été active dans l'industrie de l'alimentation. Le profit n'y a jamais été supérieur à 1 p. 100 à cause du volume des ventes.
J'aimerais savoir si vous pensez que nous avons les bonnes données et travaillons avec les faits qu'il nous faut pour traiter de cette question. Lorsque je me rends au magasin et que j'achète de l'agneau néo-zélandais, au même prix ou à un prix plus bas que celui de l'agneau qui a été produit pour ainsi dire dans ma cour, je trouve cela quelque peu bizarre. Les coûts de transport depuis la Nouvelle-Zélande sont certainement supérieurs aux coûts de transport depuis la ville voisine dans ma province.
Il en est de même avec le poisson et les pommes en provenance de Chine. Une pomme qui nous vient de la Chine coûte parfois moins cher qu'une pomme en provenance de Rougemont et, à l'occasion, d'une pomme de la Colombie- Britannique. Cela est difficile à comprendre. Mon épicerie, désireuse de réaliser un profit, achètera ces produits. Nous parlons de grosses quantités si nous parlons de tous les supermarchés, mais de l'agneau produit à 10 000 kilomètres de distance coûte moins cher que l'agneau produit à 50 kilomètres.
Si vous connaissez la situation de l'agriculture dans ma province et dans la plupart des autres provinces, vous savez que les profits n'y sont pas énormes. Les producteurs ont du mal à survivre. L'exploitation d'une ferme exige beaucoup d'argent et ne rapporte que très peu de profit.
Je suis en train de me demander comment faire pour concilier tout cela. Quel secteur viser? Il en est de même pour l'industrie du vêtement. Les vêtements sont fabriqués en Chine parce que cela y coûte moins cher. Dans ce cas particulier, je peux comprendre que la main-d'oeuvre y est très bon marché, mais si nous pouvions faire intervenir les taxes et d'autres choses, pour chaque secteur, alors nous pourrions peut-être commencer à comprendre ce qui est englobé dans le prix, par secteur. La situation n'est pas la même pour les industries de l'automobile, du meuble, de l'alimentation et des boissons. L'on n'utilise pas le même ratio aux fins de l'établissement du coût.
M. Mallett : C'est exact; chaque marché est différent. Vous avez raison de soulever la question de la productivité. Nous n'y voyons pas un facteur qui soit le fait de la taille de l'entreprise. Nous croyons que l'augmentation de la productivité est le reflet de la capacité des entreprises de faire la transition d'une taille petite à une taille moyenne. Ou elles font plus avec moins, ou elles deviennent plus efficientes au fil du temps et sont en mesure de réaliser des gains d'efficience d'échelle.
Si nous pouvions encourager davantage d'entreprises à grossir, cela améliorerait le dossier qu'affiche à l'heure actuelle le pays en matière de productivité. Nous comptons dans tous les secteurs quantité de propriétaires d'entreprise très solides et très dévoués. C'est là une bonne chose, mais vous ne pouvez pas avoir une entreprise de taille moyenne sans avoir, d'abord, une petite entreprise.
Nous avons de nombreuses petites entreprises qui ne se sentent pas suffisamment en sécurité pour adopter une stratégie de croissance. Elles estiment la chose risquée. Nous sommes en communication constante avec elles : nous enregistrons chaque semaine entre 2 000 et 3 000 conversations avec des propriétaires d'entreprise. Le consentement d'investissements, l'achat de nouveau matériel ou l'augmentation de leur capacité de production, en l'absence d'une garantie d'avantages à l'avenir, constitue pour eux un risque.
Nous avons discuté avec de nombreux propriétaires d'entreprise qui nous ont dit avoir été, à une époque, de grosses entreprises, ou en tout cas des entreprises plus importantes. Je me souviens d'avoir discuté avec une personne qui avait autrefois 50 employés. Elle a déclaré que la gestion de son affaire constituait un énorme travail. Elle n'en est plus qu'à cinq employés, et elle est plus heureuse et gagne davantage d'argent. Est-ce là être moins productif, ou bien cette personne se consacre-t-elle simplement à ce qu'elle fait le mieux?
Nous croyons que le propriétaire d'entreprise est l'expert mondial quant à la gestion de son entreprise. Il est difficile pour nous autres, analystes, de juger une entreprise de loin en disant « Vous ne gérez pas suffisamment bien votre entreprise ». Je ne vois pas là une réelle préoccupation. Nous voulons favoriser ici une culture de croissance et d'entreprises durables et, avec un peu de chance, le genre de chose qui encourage, qui aide à relever notre défi en matière de productivité et qui livre des avantages. Nous en bénéficierions tous à l'avenir sur le plan niveau de vie et ainsi de suite.
Le sénateur Hervieux-Payette : Votre organisation est-elle selon vous une petite ou une moyenne entreprise?
M. Mallett : Je ne dirais pas qu'elle est petite. Nous sommes sans doute à l'heure actuelle de taille moyenne.
Le sénateur Hervieux-Payette : Vous avez déclaré compter 108 000 membres.
M. Mallett : C'est exact.
Le sénateur Hervieux-Payette : Quelle est votre croissance annuelle, en fonction des nouveaux entrepreneurs qui se joignent à vous?
M. Mallett : Nos rangs augmentent depuis quelques années à un rythme de 2 000 membres par an environ. Nous avons continué de croître pendant la récession, ce qui n'est pas donné à tout le monde. Nous sommes une organisation bénévole. Nous nous consacrons principalement à des activités de lobbying d'intérêt public, et il y a donc relativement peu d'avantages tangibles que puisse retirer un membre. Nous parvenons néanmoins à convaincre de plus en plus de propriétaires d'entreprise que l'appartenance à la FCEI est une bonne chose. Tout compte fait, nous nous sommes plutôt bien tirés de la récession. Cela témoigne en un sens de l'importance que nous accordons également à la défense des intérêts des entrepreneurs.
Le sénateur Hervieux-Payette : Ma question se rattachait à ma question antérieure au sujet de la réalisation par le Bureau de la concurrence d'une étude qui pourrait être utile. Je devine que la réalisation d'une étude pour les 10 secteurs dont vous avez parlé pourrait dépasser le budget dont dispose peut-être une organisation comme la vôtre. Il est coûteux d'entreprendre de telles études.
M. Mallett : Cela est possible. Cela nous demanderait du temps pour effectuer ce genre de chose, mais nous serions heureux de participer à une telle évaluation.
Le secteur du détail correspond au Canada à deux mondes différents fonctionnant en même temps. Nous avons au Canada un secteur du commerce de détail de petite échelle extrêmement féroce et concurrentiel et un secteur composé de gros détaillants qui est relativement concentré et dont on peut se souvenir qu'il est moins compétitif. Nous ne savons trop où se situe le secteur de taille moyenne comparativement à celui des États-Unis. Il serait déjà bien d'entreprendre une étude pour mieux comprendre comment ces différents éléments fonctionnent et d'effectuer des études de cas susceptibles de nous éclairer en la matière.
Le sénateur Hervieux-Payette : Je ne sais trop comment on peut réduire les coûts si on ignore ce qu'ils sont. Voilà pourquoi j'en fais état.
Voyons les éléments qui donnent lieu à des prix supérieurs au Canada par rapport à ceux aux États-Unis. Une fois que nous saurons ce qu'il en est secteur par secteur, alors nous pourrons agir. Depuis le début de nos audiences, comme l'a indiqué ma collègue, on nous répète que nous entendons les mêmes choses depuis 25 ans. Quels sont les éléments des coûts? Lesquels sont essentiels? Lesquels peuvent être réduits? Comment pouvons-nous améliorer la situation? Quelle politique gouvernementale pourrait être élaborée afin que nous soyons plus concurrentiels tout en servant les intérêts du consommateur?
M. Mallett : Pareille étude serait faisable, même s'il s'agit d'une chose que nous n'avons pas faite par le passé. Une étude de structure de marché, effectuée par des éléments beaucoup plus experts en ce qui concerne chaque industrie, par exemple, devrait pouvoir livrer de tels renseignements.
Le président : Monsieur Mallett, nous avons entendu des témoins qui ont dit que les coûts de main-d'oeuvre sont un facteur qui alimente les écarts de prix, du fait, surtout, des salaires minimums fixés par les provinces. Auriez-vous quelque commentaire à faire à cet égard au nom de vos membres?
M. Mallett : Cela peut intervenir dans un sens ou dans l'autre. L'environnement en matière de travail, ou en tout cas le marché de l'emploi, a été bien meilleur au Canada qu'aux États-Unis. L'une des raisons pour lesquelles nous avons des chiffres de productivité inférieurs au Canada est que les entreprises embauchaient du personnel au lieu d'acheter des équipements. L'embauche de personnel procure certains avantages, du fait de maintenir des gens au travail et sur le marché, et ainsi de suite.
Les détaillants au Canada ont, pour la plupart, tendance à employer plus de gens que les détaillants aux États-Unis. Peut-être que cela s'explique du fait de la taille relative des détaillants. Plus l'entreprise est petite, plus elle a tendance à exiger de la main-d'oeuvre. Les économies d'échelle procurées par la croissance sont dans une telle situation plus difficiles à réaliser. La main-d'oeuvre constitue un plus gros élément des coûts pour le secteur du détail au Canada comparativement aux États-Unis. Il existe peut-être des différences par secteur, par taille d'entreprise ou par type d'entreprise. Voilà quelles sont certaines des notions.
Il y a, bien sûr, également des coûts supplémentaires intégrés, par exemple les normes du travail, les heures de travail minimales, et les charges sociales en découlant. Le salaire minimum peut, dans une certaine mesure, avoir un effet, mais celui-ci a en même temps tendance à être contrecarré. Lorsque le salaire minimum augmente, les niveaux d'emploi ont tendance à fléchir pour les personnes appartenant à ces catégories de travailleurs au salaire minimum. Il semble qu'il y ait une réaction inverse et presque égale dans l'autre sens. Le montant en dollars demeure le même, mais le nombre d'heures est rajusté au fil du temps. Nous ne pensons pas que le salaire minimum compte pour beaucoup en ce qui concerne cette question.
Le président : L'autre facteur sur lequel j'aimerais vous inviter à vous prononcer est celui des tarifs. Nous avons entendu certains témoins dire que les tarifs ne sont pas un gros facteur. Que nous diriez-vous, au nom de vos membres, en ce qui concerne les tarifs?
M. Mallett : Ce sont des secteurs bien particuliers qui sont touchés. Nous sommes une organisation très diversifiée. Nous comptons des membres dans presque chaque catégorie de commerce de détail. Il y aura forcément une poignée de produits frappés par des tarifs très élevés qui auront une incidence sur la situation d'ensemble. De manière générale, je conviendrais que les tarifs n'auraient au total qu'une faible incidence, mais qu'ils pourraient compter lourd dans certains cas bien particuliers.
Le président : Monsieur Mallett, merci beaucoup. Vous nous avez livré de nombreux propos intéressants auxquels réfléchir. Certains d'entre nous commencent à former des opinions sur la base de ce que nous entendons, alors que d'autres membres du comité continuent de soupeser les différents enjeux. Votre participation ce soir, en votre nom, et au nom de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, nous a été des plus utiles. Nous vous remercions d'avoir accepté de participer à cette étude entreprise par le Comité sénatorial permanent des finances nationales.
M. Mallett : Tout le plaisir a été pour moi. Merci de l'invitation.
Le président : Sénateurs, voilà qui met fin à cette partie de la réunion.
(La séance se poursuit à huis clos).