Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 16 - Témoignages du 24 avril 2012
OTTAWA, le mardi 24 avril 2012
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, afin d'étudier les raisons pouvant expliquer les inégalités entre les prix de certains articles vendus au Canada et aux États-Unis, étant donné la valeur du dollar canadien et les répercussions du magasinage transfrontalier sur l'économie canadienne.
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : La séance est ouverte.
[Français]
Honorables sénateurs, ce matin nous allons poursuivre notre étude spéciale sur les raisons pouvant expliquer les inégalités entre les prix de certains articles vendus au Canada et aux États-Unis.
[Traduction]
Chers collègues, à l'occasion de notre première séance de la matinée, nous sommes très heureux d'accueillir le Conseil canadien du commerce de détail. Nous attendions avec impatience cette réunion et nous sommes ravis d'avoir pu trouver un moment pour nous rencontrer dans le cadre de cette intéressante étude concernant les prix.
Le premier groupe de témoins à comparaître ce matin est composé de Diane Brisebois, présidente et chef de la direction, et de Karen Proud, vice-présidente, Relations fédérales gouvernementales.
Madame Brisebois, je crois savoir que vous avez quelques observations préliminaires à faire, et nous avons tous reçu une copie du matériel rédigé dans les deux langues officielles que vous avez distribué.
Diane J. Brisebois, présidente et chef de la direction, Conseil canadien du commerce de détail : Comme nous disposons d'environ cinq minutes pour formuler nos commentaires et nos recommandations en ce qui a trait aux inégalités entre les prix de certains articles vendus au Canada et aux États-Unis, je vais aller droit au but et espérer que vous aurez le temps de bien examiner notre mémoire, qui étudie la question plus en profondeur. Nous espérons sincèrement que notre témoignage et l'information que nous nous apprêtons à vous fournir amèneront le gouvernement fédéral à prendre des mesures concrètes en vue d'établir des règles du jeu équitables pour les détaillants canadiens.
Par ailleurs, monsieur le président, il est important de noter que les détaillants de partout au Canada estiment qu'effectivement, les consommateurs ont tout à fait le droit de magasiner là où ils le souhaitent. Les détaillants se livrent une concurrence aux échelles tant locale que mondiale, et ils veulent seulement s'assurer que les administrations canadiennes prennent les moyens pour que les entreprises du pays puissent le faire à armes égales.
[Français]
Évidemment, il nous fera grand plaisir de répondre à toutes vos questions après notre présentation.
[Traduction]
Il est clair, depuis le tout début de l'étude, qu'il s'agit d'une question complexe. Monsieur le président, nous comprenons la frustration que vous avez exprimée au cours d'une réunion antérieure quand vous avez déclaré ceci :
Notre frustration tient au fait que les témoins nous disent qu'il pourrait y avoir un certain nombre de facteurs en jeu. Nous aimerions essayer de réduire le nombre de ces facteurs afin de comprendre ceux qui sont importants...
En réaction à ce commentaire, nous sommes ici pour mettre en évidence quatre aspects importants qui, selon nous, constituent les principaux facteurs expliquant les différences entre les prix de détail du Canada et des États-Unis.
Les quatre facteurs sont les droits à l'importation sur les produits finis qui entrent au Canada, la gestion de l'offre — qui a un effet sur le prix de denrées alimentaires comme les produits laitiers et la volaille —, les prix exigés par les fournisseurs au Canada et l'harmonisation de la réglementation. Rapidement, si vous le voulez bien, je vais aborder la question des droits à l'importation.
Un des principaux aspects à l'égard desquels le gouvernement fédéral doit jouer un rôle est l'élimination des tarifs obsolètes sur les produits finis qui entrent au Canada. Certains témoins vous ont dit que ces tarifs ne s'appliquent qu'à 10 p. 100 de tous les produits importés, mais c'est surtout l'industrie du commerce de détail qui écope. Pour certains détaillants, ces tarifs s'appliquent à presque tous les articles qu'ils importent et vendent au pays.
À titre d'exemple, à la page 9 de la version anglaise et à la page 8 de la version française de notre mémoire, nous avons dressé la liste des tarifs qui s'appliquent aux articles de hockey. Cela nous semblait opportun, compte tenu du prochain témoin. Dans la plupart des cas, aucun droit n'est exigé pour ces articles aux États-Unis; pourtant, ces mêmes articles sont assujettis ici à des tarifs pouvant atteindre 18 p. 100. À la page 10 de notre mémoire se trouve une autre liste de tarifs qui, à notre avis, devraient être éliminés. Il est plutôt choquant, à titre de détaillant, d'entendre que ces tarifs n'ont pas d'incidence sur le prix des biens.
Le deuxième facteur est la gestion de l'offre. Le comité n'a pas discuté de cette question et de ses effets sur l'écart entre les prix des produits laitiers et de la volaille au Canada et aux États-Unis.
Bien que les détaillants respectent et appuient sans réserve la communauté agricole canadienne, nos membres nous ont signalé que ce sont surtout ces produits que les consommateurs vont acheter aux États-Unis quand ils y vont pour une journée de magasinage.
Nous comprenons qu'il s'agit d'une question délicate, mais si le comité souhaite vraiment examiner les facteurs qui contribuent aux écarts de prix observés au Canada et aux États-Unis, ce serait faire preuve de négligence que de ne pas aborder d'une façon ou d'une autre la gestion de l'offre. À tout le moins, si on continue à soutenir le système actuel, le gouvernement doit reconnaître son rôle pour ce qui est d'appuyer les offices de commercialisation et les prix plus élevés qui sont pratiqués au Canada en ce qui concerne les produits alimentaires populaires.
Si le gouvernement voulait uniformiser les règles du jeu pour les détaillants canadiens, il éliminerait ou limiterait l'exemption personnelle accordée à l'égard des produits soumis à la gestion de l'offre, comme il le fait pour le tabac et l'alcool, et appliquerait rigoureusement ces règles à la frontière.
Le troisième facteur — qui, je pense, suscitera pas mal de discussions — est la question de l'établissement des prix par pays. Ce facteur est parfois appelé « l'établissement des prix par les fournisseurs multinationaux ». Il importe de noter que la majorité des produits achetés par les détaillants proviennent du Canada — à moins qu'ils soient importés de l'Asie ou de l'Europe — et non pas directement des États-Unis. Les prix pratiqués au pays sont l'une des principales causes de l'écart des prix au pays, alors il importe que le comité comprenne le fonctionnement de l'approvisionnement dans le commerce de détail.
On a laissé entendre ici que les grandes multinationales de détail devraient pouvoir négocier avec les fournisseurs un prix fixe pour les produits qu'elles vendent en Amérique du Nord. Or, rien n'est plus faux. En réalité, les fournisseurs de produits — ceux qui tendent à afficher le plus grand écart de prix — demandent parfois aux détaillants canadiens un prix jusqu'à 50 p. 100 supérieur à celui demandé aux détaillants américains.
Les contrats avec les fournisseurs sont négociés à l'échelon national, et, bien qu'il y ait une certaine marge de négociation, les détaillants se trouvent souvent à la merci de fournisseurs qui exigent des prix fixes pour le marché canadien. Les fournisseurs justifient ainsi les différences de prix aux détaillants : premièrement, le prix correspond à ce que peut tolérer le marché; deuxièmement, le Canada est un marché plus petit, donc cela coûte plus cher — c'est une question d'échelle; troisièmement, les prix supérieurs sont nécessaires pour que les distributeurs et les grossistes canadiens obtiennent leur part.
La page 7 de notre mémoire contient une liste générale de certains produits d'usage courant que les Canadiens achètent et des différences dans le prix payé respectivement par les détaillants américains et canadiens. J'aimerais préciser que ces exemples ont trait non pas à de petits, mais à de gros détaillants. C'est simplement une brève liste d'articles visant à illustrer notre propos.
Les marques maison de détaillants ont connu un essor en raison des efforts déployés par ces derniers pour être plus compétitifs, mais les consommateurs souhaitent encore acheter des articles de marques bien connues. C'est là qu'on continue à voir les plus grands écarts de prix dans de nombreuses catégories.
Bien que nous ne croyions pas que le gouvernement fédéral a un rôle direct à jouer à ce chapitre, nous pensons qu'il est important que le comité mentionne ce facteur dans son rapport final et fasse une mise au point au sujet de l'établissement des prix par les fournisseurs au Canada. Nous vous encouragerions certainement à étudier ce sujet plus en profondeur.
Enfin, pour ce qui est de l'harmonisation de la réglementation, j'aimerais brièvement parler du besoin de mieux harmoniser les règlements et politiques au sein du gouvernement fédéral, de même qu'entre le Canada et les États-Unis. Les lacunes à ce chapitre et les différentes normes et exigences contribuent toutes à l'augmentation du prix des produits vendus au Canada.
Nous nous réjouissons de la création par le gouvernement du Conseil de coopération canado-américain en matière de réglementation. Cependant, notre mémoire donne un exemple de nouvelles exigences concernant la mise à l'essai de sièges d'auto qui n'étaient pas du tout harmonisées avec la réglementation américaine, mais qui sont pourtant entrées en vigueur après l'annonce de la création du Conseil en février 2011. Notre mémoire fournit plus de renseignements à ce sujet, alors je n'entrerai pas dans les détails. Disons seulement que, même si nous appuyons cette initiative, nous sommes un peu sceptiques à l'égard de sa mise en œuvre.
Nous félicitons par ailleurs le gouvernement de la création de la Commission sur la réduction de la paperasse et de l'établissement d'une règle « un-pour-un » en vue de contrôler le fardeau administratif de la réglementation sur les entreprises. Notre mémoire contient également des recommandations visant à faciliter la réalisation de ces objectifs.
En conclusion, monsieur le président, j'aimerais remercier le comité de nous avoir donné l'occasion d'exprimer le point de vue des quelque 45 000 détaillants que nous représentons à l'échelle du pays. J'exhorte le comité à rectifier les faits en ce qui a trait aux causes réelles des écarts de prix des produits vendus au détail au Canada par rapport aux États-Unis et à tenir compte des recommandations contenues dans notre mémoire.
Le président : Merci beaucoup, madame Brisebois. Votre mémoire est très complet. Nous n'avons pas eu l'occasion de l'examiner en détail, mais nous apprécions beaucoup les efforts que vous avez investis dans la rédaction de ce document à notre intention. Il contient beaucoup de renseignements intéressants sur le contexte et la situation.
Nous vous remercions de votre analyse des quatre facteurs que vous avez mentionnés. En ce qui concerne la gestion de l'offre, vous avez raison de dire qu'il faut prendre cette question en compte pour envisager globalement la situation au Canada. Nous avons décidé de ne pas l'aborder séparément dans le cadre de notre rapport, mais le comité pourrait bien décider de faire quelque chose à ce sujet plus tard. Les produits soumis à la gestion de l'offre seront mentionnés, mais ils ne seront pas visés par notre étude.
Pour revenir à votre commentaire concernant l'harmonisation de la réglementation, est-ce que le Conseil canadien du commerce de détail participe au conseil de réglementation qui a été créé?
Karen Proud, vice-présidente, Relations fédérales gouvernementales, Conseil canadien du commerce de détail : Oui, mais indirectement. Nous ne faisons pas directement partie du conseil, mais nous y contribuons indirectement en présentant nos observations au gouvernement dans le cadre de cette initiative.
Le président : Si j'ai bien compris, il a été créé et annoncé en février 2011?
Mme Proud : Oui, c'est exact.
Le président : Vous avez certaines préoccupations concernant sa mise en œuvre à ce stade, n'est-ce pas?
Mme Proud : Oui.
Le président : Peut-être que d'autres sénateurs ont des questions à ce sujet. J'essaie seulement de préparer le terrain.
Le sénateur Neufeld : De toute évidence, les exemptions relatives aux achats transfrontaliers qui ont été abordées dans le budget n'ont pas été modifiées depuis longtemps. Je pense que le gouvernement voulait essayer de les harmoniser davantage avec les expériences vécues par les voyageurs américains et atténuer les difficultés rencontrées au moment de franchir la frontière, entre autres choses. Toutefois, il n'a pas changé la règle des 24 heures. Si un voyageur passe 24 heures à l'étranger, le montant demeure le même.
Trouvez-vous avantageux pour les entreprises situées de notre côté de la frontière que cette disposition demeure inchangée? Pourriez-vous parler un peu de l'augmentation de ces exemptions et de la règle des 24 heures, s'il vous plaît?
Mme Brisebois : Laissez-moi vous dire, monsieur le sénateur, que nous avons été étonnés de voir qu'on a changé les exemptions dans le cadre du dernier budget, précisément à cause du comité. Le comité a été chargé d'examiner les différences entre les prix de certains articles vendus au Canada et aux États-Unis, et le magasinage transfrontalier représente certes un élément important de cette étude. Toutefois, vous avez raison de dire qu'aucun changement n'a été apporté à l'exemption liée aux voyages de moins de 24 heures. Je vais essayer de ne pas me montrer cynique dans mes commentaires, mais ce sera difficile. À quoi bon modifier l'exemption si on n'effectue aucune vérification à la frontière et si on laisse passer tout le monde? Nous sommes réalistes : nous comprenons tous que la frontière vise principalement à assurer la sécurité, alors nous savons déjà que les douaniers ont tendance à être un peu plus... J'allais dire « libéraux » mais ce n'est peut-être pas le mot à utiliser ici.
Le sénateur Neufeld : Pour certains, ce peut l'être, mais pas pour tout le monde.
Mme Brisebois : Très peu de gens font l'objet d'un contrôle à la frontière à leur retour au pays.
Nous avons tenu à Niagara Falls une séance de discussion ouverte à l'intention des entreprises de cette région, et cela s'est révélé très éclairant. Tout d'abord, la plupart des gens effectuent couramment des voyages de moins de 24 heures, et notre mémoire montre que le nombre de voyages de cette nature s'est considérablement accru. Les gens achètent des produits laitiers, de la volaille, des cigarettes, de la bière et de l'essence. Toutes ces choses sont extrêmement importantes pour les collectivités locales, y compris pour les stations-service, les dépanneurs, les épiceries — et la plupart de ces commerces sont franchisés. Il serait donc erroné de supposer qu'il n'y a pas eu de conséquences négatives pour ces collectivités parce que l'exemption relative aux voyages de moins de 24 heures n'a pas été modifiée. Quoi qu'il en soit, nous ne pouvons pas construire des murs pour empêcher les consommateurs de magasiner là où ils le souhaitent. Cette situation pose problème à l'heure actuelle et, comme notre devise demeure forte, cela ne risque pas de changer.
Le sénateur Neufeld : Quelle réponse intéressante. Diriez-vous, dans ce cas, que nous devrions abolir toutes les exemptions, qu'il devrait n'y en avoir absolument aucune et qu'on devrait simplement laisser les consommateurs magasiner là-bas? Je comprends un peu votre cynisme à l'égard du nombre de personnes qui font l'objet d'un contrôle. Je ne sais pas combien d'agents additionnels il faudrait aux douanes pour contrôler tout le monde. Ce serait assez difficile à réaliser. À ma connaissance, il en est ainsi depuis longtemps. Je n'habite pas près d'une frontière, alors je n'ai pas la possibilité de la franchir pour acheter de l'essence, entre autres choses. Je ne sais pas dans quelle mesure cette pratique est courante.
Bien sûr, on ne peut pas contrôler tout le monde, mais au moins, le gouvernement a maintenu la règle des 24 heures. Espérons que la plupart des gens renonceront à rapporter pour 200 $ d'articles après un voyage de seulement deux ou trois heures aux États-Unis parce qu'ils savent qu'ils pourraient se faire prendre. Les gens ne peuvent pas savoir s'ils vont subir un contrôle et se faire prendre.
Mme Brisebois : Vous soulevez d'excellents points, sénateur. Je ne pense pas que nous contestions l'exemption elle- même. Cependant, ce que nous disons, c'est que si l'on se met à blâmer la communauté des détaillants et qu'on leur dit qu'ils doivent modifier leurs prix afin d'être concurrentiels avec ceux des États-Unis, alors notre responsabilité en tant qu'industrie est de vous dire : assurons-nous d'être sur un pied d'égalité avec nos concurrents. Cela ne veut pas dire qu'il faut construire des murs à la frontière. Rappelez-vous, sénateur, que près de 85 p. 100 de la population vit à moins d'une heure de la frontière, alors cela entraîne des répercussions concrètes sur les collectivités. Par ailleurs, le Canada est ainsi privé d'un énorme montant en recettes fiscales.
Si, d'une façon ou d'une autre, nous pouvons travailler avec vous et avec le gouvernement afin d'uniformiser les règles du jeu, je pense que cela contribuera grandement à la vitalité des collectivités canadiennes.
Le sénateur Buth : Pourriez-vous nous fournir plus de renseignements sur les exigences des fournisseurs qui demandent certains prix pour leurs produits? Bien sûr, les fournisseurs, tout comme les détaillants, cherchent à faire des profits. Toutefois, je suppose que les fournisseurs doivent se livrer une certaine concurrence; les détaillants peuvent alors réduire leurs coûts ou, à tout le moins, comparer les prix. Est-il vrai qu'il y a de la concurrence entre les fournisseurs? Pouvez-vous nous donner quelques précisions à ce chapitre? Y a-t-il des produits pour lesquels on ne se livre aucune concurrence — des produits dont un fournisseur est essentiellement l'unique source?
Mme Brisebois : La réponse brève à ces deux questions serait oui. Pour vous donner un peu plus de détails, je dirais que l'« établissement de prix par pays » concerne des produits vendus aux détaillants canadiens à un prix bien plus élevé. Cela ne s'applique pas à tous les fournisseurs. Toutefois, il ne fait aucun doute que certains fournisseurs vendent des produits de grandes marques — de marques connues. Ils ont su mettre ces marques en valeur — ce qui est tout à leur honneur —, et les consommateurs souhaitent les acheter, alors les fournisseurs peuvent imposer des prix.
Je ne pense pas que les détaillants du Canada s'opposent à cela. Qu'il s'agisse d'entreprises fondées au Canada ou de filiales d'entreprises américaines, les détaillants comprennent que l'échelle est différente, puisque le marché canadien correspond à environ 10 p. 100 du marché américain. Cependant, nous comprenons aussi que, lorsque le dollar canadien a commencé à s'apprécier, si les détaillants importateurs en ont profité, de nombreux fournisseurs en ont fait tout autant. Les détaillants au Canada n'ont pas vu les prix baisser comme ils s'y attendaient, car les fournisseurs — ou plutôt les grossistes et les distributeurs — tiraient profit de la vigueur de la devise canadienne.
Nous préférons ne pas nommer d'entreprises, mais nous avons tout de même fourni des exemples. Vous pouvez deviner vous-mêmes les marques connues dont il est question. Si un détaillant canadien d'articles de sport ne vend pas de produits Reebok ou Nike, il n'y aura probablement pas beaucoup d'achalandage dans son commerce. Bravo à ces fabricants, car ils ont réussi à faire reconnaître leur marque. Voilà pourquoi ils peuvent parfois imposer un certain prix à un détaillant canadien ou à une filiale d'un détaillant nord-américain qui souhaite offrir un produit de cette marque.
L'autre difficulté — propre aux petits marchés —, c'est que certains produits ne sont pas disponibles au Canada. Nombre de détaillants nous disent que, lorsqu'ils participent à des foires commerciales aux États-Unis et qu'ils s'identifient en tant que détaillants canadiens, on leur fournit une liste de prix pour le Canada. C'est ainsi. En outre, dans certains cas, les fabricants ont décidé qu'un certain produit ne sera pas offert en magasins au Canada. Cela crée de nombreuses difficultés, mais c'est surtout l'établissement des prix par les fournisseurs qui pose problème pour un nombre assez grand de produits de marque. Il est difficile d'expliquer pourquoi les détaillants canadiens doivent parfois payer un prix de 35 à 40 p. 100 plus élevé que celui demandé aux détaillants américains.
Le sénateur Buth : Avez-vous des recommandations à faire à cet égard?
Mme Brisebois : Notre mémoire traite de cette question. Nous sommes très clairs. Nous ne pensons pas que le gouvernement devrait jouer un rôle dans les ententes contractuelles entre les détaillants et les fournisseurs. Ces discussions concernent les entreprises, et nos détaillants, certes, se montrent beaucoup plus fermes dans leurs négociations.
Notre principale préoccupation — et nous espérons qu'elle sera abordée dans le rapport du comité — tient au fait que, dans 99 p. 100 des cas, on jette le blâme sur les détaillants. Nous avons entendu des représentants gouvernementaux, des journalistes et des économistes — mal informés, je dirais — laisser entendre que les détaillants exploitent leurs clients. Le problème des détaillants, c'est qu'ils ont affaire à ne pas se mettre personne à dos. Ils veulent servir une clientèle variée; alors, bien sûr, ils ne souhaitent pas se brouiller avec leurs fournisseurs. Si un détaillant sait que tous ses clients veulent des pneus d'une marque donnée et que le fabricant pratique un prix de 40 p. 100 supérieur à ce qui est demandé à un détaillant américain, il fera tout son possible pour négocier un prix plus bas, mais il devra tout de même offrir ce produit. Cependant, le détaillant n'admettra pas publiquement qu'un produit d'une marque connue se vend à un certain prix, car il ne veut pas perdre sa capacité de se procurer le produit. Voilà la difficulté.
Nous demandons au comité de souligner à tout le moins ce fait, car les détaillants se sentent quelque peu frustrés et ont l'impression qu'on a terni leur image en supposant qu'ils exploitent les consommateurs.
Le sénateur Buth : Pourriez-vous parler de la marge bénéficiaire, en pourcentage, des détaillants canadiens par rapport à celle des détaillants américains?
Mme Brisebois : Merci de la question. En fait, nous l'abordons justement dans notre mémoire, à la page 5 de la version anglaise. Mme Proud vous dira à quelle page de la version française figure l'information. À la page 5 de la version anglaise, au deuxième paragraphe, on lit que, selon Statistique Canada, les marges opérationnelles nettes se chiffrent à 3,4 p. 100 pour les détaillants canadiens par rapport à 3,5 p. 100 pour les détaillants américains. De fait, il est trompeur de dire que les détaillants canadiens font beaucoup plus de profits qu'aux États-Unis. Nous devons aussi reconnaître que les détaillants canadiens ont évolué dans une conjoncture beaucoup plus saine que leurs homologues américains ces dernières années. C'est pourquoi nous avons choisi d'utiliser les données de l'exercice 2008-2009; ainsi, nous pouvons comparer des pommes avec des pommes. Cependant, je peux vous assurer que ces chiffres ont été publiés et rendus publics, alors on ne saurait douter qu'il est moins difficile d'exploiter un commerce de détail au Canada qu'aux États-Unis.
En réalité, il existe des différences. Il peut être difficile d'expliquer cela aux consommateurs. Pourquoi devrions-nous le faire? Voilà la question que nous devons poser. Il importe également de s'assurer d'informer les consommateurs afin qu'ils puissent prendre une décision éclairée.
Le sénateur Callbeck : Merci de votre exposé fort complet. Vous avez mentionné quatre raisons pour lesquelles les prix sont peut-être plus élevés au Canada. Je voudrais que vous réagissiez aux commentaires faits par Mark Carney, gouverneur de la Banque du Canada, au sujet de la concentration lors de sa comparution devant le comité. Au Canada, les quatre principaux détaillants comptent pour 28 p. 100 du marché, alors qu'aux États-Unis, ils comptent pour 12 p. 100 du marché. M. Carney a déclaré que la grande concentration des parts de marché au Canada est la principale cause des prix élevés. Avez-vous des commentaires à faire à cet égard?
Mme Brisebois : Oserais-je contredire le gouverneur de la Banque du Canada? La réponse est oui. Je ne suis pas d'accord avec lui. Ce qu'il a dit au sujet de la concentration du marché est juste, mais la situation est la même dans de nombreux pays de taille comparable au nôtre. Le Canada compte 35 millions d'habitants, alors que les États-Unis en comptent plus de 300 millions. Les gens oublient que la population de l'État de la Californie équivaut à elle seule à celle du Canada tout entier. Le contexte est très différent. En raison de tous ces facteurs, les grands détaillants canadiens doivent faire beaucoup de ventes pour demeurer compétitifs. En fait, je pense le contraire de M. Carney : plus les détaillants canadiens prennent de l'expansion, plus ils ont les reins solides et plus ils sont compétitifs.
Les médias se sont justement intéressés à la guerre de prix que les commerces de détail se livrent au Canada depuis trois ou quatre ans et — avec assurément beaucoup d'intérêt et de spéculation — à l'arrivée récente de Target. Plus de 100 nouvelles chaînes se sont établies ici au cours des 10 dernières années. Premièrement, cela témoigne de la vitalité de l'économie canadienne; deuxièmement, cela indique que ces entreprises sont d'avis qu'elles peuvent être concurrentielles et faire des profits ici; troisièmement, les consommateurs ont tout à gagner, car plus la concurrence est vive, plus il y a de diversité et de bas prix. Nous croyons d'ailleurs que le marché canadien est très concurrentiel.
Le sénateur Callbeck : Une autre chose que des témoins nous ont dite au sujet du secteur canadien du commerce de détail, c'est que ce secteur est peu productif comparativement à celui des États-Unis. Je pense qu'un ou deux témoins ont attribué cela au manque de concurrence. Qu'en pensez-vous?
Mme Brisebois : Nous allons vous fournir une copie d'une étude des principaux détaillants canadiens, menée par Industrie Canada, qui montre que ces entreprises étaient et sont plus productives que leurs homologues américains. C'est une étude intéressante. Elle porte sur les investissements réalisés et sur tous les facteurs de productivité du secteur de la vente au détail. Elle a été publiée il y a environ deux ans. Nous allons nous assurer que tous les membres du comité en reçoivent une copie. L'étude réfute cette affirmation.
Le sénateur Callbeck : Elle nous serait très utile.
À la page 10 de la version anglaise, vous donnez des exemples de tarifs proposés. Il s'agit simplement d'exemples; de nombreux articles sont touchés. Est-ce qu'il y a parmi eux des articles fabriqués à grande échelle au Canada?
Mme Brisebois : Pas à grande échelle. La plupart des gens pensent que les détaillants s'approvisionnent auprès de fournisseurs étrangers seulement à cause des prix, mais, bien souvent, c'est parce que le volume requis n'est pas disponible au Canada. La demande est supérieure à l'offre. Voilà la principale difficulté que doit surmonter le secteur de la vente au détail.
Au cours de nos discussions avec le ministère des Finances, nous avons très clairement indiqué que nous souhaitons examiner les secteurs manufacturiers du Canada. Nous voulons et devons continuer à les appuyer. Nous voulons examiner les tarifs qui n'ont pas d'incidence négative sur ces secteurs — et il y en a beaucoup.
Le sénateur Callbeck : Vous allez examiner ces tarifs.
Mme Brisebois : Oui, mais nous espérons aussi que le comité recommandera vivement d'abolir les tarifs sur les produits finis dans les cas où cette mesure n'entraînera aucune répercussion négative sur l'actuelle production intérieure.
Le sénateur Callbeck : Allez-vous nous fournir la liste complète de ces tarifs?
Mme Brisebois : Avec plaisir.
Le sénateur Marshall : Vous avez donné quatre raisons pour expliquer les inégalités entre les prix. Nous avons parlé des droits à l'importation, et je comprends quel genre de recommandations nous pourrions faire à cet égard et en ce qui a trait à la gestion de l'offre.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur l'établissement des prix par le fournisseur? Avez-vous dit, comme je crois le comprendre, qu'il n'y a aucune recommandation que nous pourrions faire à ce chapitre? Je pense que vous avez déclaré que les regards sont maintenant tournés vers les fournisseurs. N'y a-t-il aucune recommandation que nous pourrions faire à ce sujet?
Mme Brisebois : Notre rapport contient deux recommandations concernant l'établissement des prix par les fournisseurs. Je répète qu'il est question non pas de tous les fournisseurs, mais d'un certain pourcentage d'entre eux, plus précisément les fournisseurs multinationaux de l'Amérique du Nord. Nous recommandons qu'ils soient invités à comparaître devant le comité. Quand nous avons pris connaissance de la liste des témoins, nous avons été surpris de constater qu'ils avaient réussi à passer inaperçus, si je puis dire.
À la lumière des commentaires que nous avons reçus des petites, moyennes et grandes entreprises de vente au détail que nous représentons, il apparaît que nous avons besoin du soutien du comité à tout le moins pour mettre en relief que cette réalité touche le marché canadien et qu'elle explique en grande partie les différences de prix. Les détaillants sont frustrés, car ils ne veulent pas mettre en péril leurs relations avec leurs fournisseurs. Ils ne veulent pas qu'on leur coupe les vivres, si je puis m'exprimer ainsi, alors ils se sentent impuissants. Notre deuxième recommandation est de souligner dans le rapport qu'il s'agit d'un des principaux éléments qui expliquent les inégalités entre les prix de certains articles vendus au Canada et aux États-Unis.
Le sénateur Marshall : Qu'en est-il de l'harmonisation de la réglementation? Quand vous avez abordé cet aspect tout à l'heure, il m'a semblé que vous n'étiez pas convaincue que nous sommes sur la bonne voie. Vous avez parlé de la réduction de la paperasse. Pourriez-vous nous parler un peu plus de l'harmonisation de la réglementation?
Mme Brisebois : Je vais demander à Mme Proud de le faire, étant donné qu'elle connaît bien cet aspect et qu'elle s'est penchée sur ce dossier.
Mme Proud : Nous sommes absolument convaincus que le gouvernement est dans la bonne voie en ce qui concerne l'harmonisation de la réglementation. Nous sommes très heureux du travail accompli et de ce qui a été annoncé l'an dernier. Cependant, nous avons certaines réserves à l'égard de sa mise en œuvre. Comme nous l'avons dit, l'harmonisation de la réglementation a été annoncée l'an dernier, et les nouvelles normes relatives aux sièges d'auto sont entrées en vigueur au début de l'année. Le gouvernement a déclaré qu'elles étaient harmonisées avec celles des États-Unis. Ces normes concernaient un certain nombre d'exigences relatives à la mise à l'essai; or, d'autres exigences élaborées au Canada et liées à ce même aspect ont par la suite été intégrées à la réglementation et ont eu pour effet de briser l'harmonisation.
Voilà ce qui nous rend un peu sceptiques. On parle d'harmonisation, mais toute exigence élaborée au Canada annule carrément cette harmonisation, car les sièges d'auto doivent y être conformes. Bien sûr, si les exigences tiennent à des raisons de sécurité, nos détaillants les appuient sans réserve. Cependant, si Transports Canada dit que les sièges d'auto actuels sont tout à fait convenables, nous nous demandons pourquoi ces nouvelles exigences créées au Canada doivent être ajoutées à la réglementation. À cause d'elles, nous devons trouver un tout nouveau type de sièges d'auto destinés au marché canadien, ce qui entraînera évidemment une hausse du prix et une diminution de la diversité de produits offerts au Canada.
Nous sommes absolument convaincus que le gouvernement est sur la bonne voie. Nous surveillerons l'adoption de nouvelles dispositions réglementaires et ferons des commentaires ponctuels afin de nous assurer qu'elles sont harmonisées avec celles des États-Unis, quand la situation le permet.
Le sénateur Marshall : Plus tôt au cours de la séance, vous avez parlé de faible productivité. Certains témoins ont donné deux ou trois raisons pour expliquer les inégalités entre les prix, comme la géographie du pays et le coût des locaux pour le commerce de détail. Pourriez-vous faire des commentaires à ce sujet? Croyez-vous que ces arguments sont justes?
Mme Brisebois : Oui. Toutefois, comme nous l'avons exposé dans notre mémoire, il s'agit de coûts liés à l'exploitation d'une entreprise au Canada. Je sais que certains membres du comité ont de l'expérience dans la vente au détail et savent qu'il en est ainsi et qu'il faut l'accepter. Pour demeurer compétitif et pour protéger ses marges, il faut trouver d'autres moyens d'assurer la rentabilité de son entreprise.
L'échelle est un aspect à considérer. Le Canada est un pays vaste, et quand des produits sont envoyés au marché voisin, ils doivent habituellement franchir non pas 60 milles, mais plutôt 600 milles. Cela entraîne des coûts, notamment pour l'essence.
Au Canada, les commerces de détail sont plus souvent locataires que propriétaires. Aux États-Unis, les entreprises de ce genre sont bien souvent propriétaires. Par ailleurs, la réglementation municipale est moins lourde là-bas. À cause de la réglementation au Canada, il est très difficile pour les détaillants de construire et d'ouvrir de nouveaux commerces.
Certes, ces facteurs contribuent à augmenter les coûts d'exploitation d'une entreprise au Canada, mais il faut savoir que les détaillants en sont très conscients et qu'ils comprennent que c'est le prix à payer quand on fait des affaires dans certaines localités.
Ils sont également au courant des marges aux États-Unis. Voilà pourquoi nous ne sommes pas d'accord pour dire qu'il y a un manque de productivité dans le secteur de la vente au détail — et Industrie Canada, comme l'indique son rapport, n'est manifestement pas de cet avis non plus. Le montant par habitant qu'ont investi les détaillants canadiens dans la logistique, la technologie et l'innovation depuis 10 ans est supérieur à celui qu'ont investi leurs homologues américains au cours de la même période. Voilà ce qu'ils font pour pallier les coûts accrus dans un certain volet de leurs activités.
Ces aspects doivent être pris en considération, mais nous ne croyons pas qu'il s'agisse de facteurs clés qui expliquent les écarts de prix au Canada.
Le sénateur Marshall : Quand on a modifié les exemptions relatives au magasinage transfrontalier, votre organisation a publié un communiqué indiquant que cette mesure était particulièrement préoccupante pour vos détaillants situés près de la frontière, car ils sont exposés à des tensions — au chapitre des prix — que ne subissent pas leurs homologues américains. Est-ce que cette préoccupation a trait aux quatre facteurs que vous avez soulevés ainsi qu'à d'autres facteurs, comme la géographie et le coût des locaux pour le commerce de détail? Y a-t-il autre chose?
Mme Brisebois : Au-delà des réalités auxquelles ils sont confrontés — et qui sont liées à l'« absence de règles du jeu équitables », comme nous l'écrivons dans notre mémoire —, leur principale préoccupation à l'heure actuelle concerne leur réputation. Les consommateurs sont ce qu'ils sont. Si quelqu'un m'offre un article à 8,99 $ et qu'un autre m'offre le même article à 9,99 $, je vais acheter celui à 8,99 $ sans réfléchir aux conséquences. Malheureusement pour elles, de nombreuses PME de localités canadiennes situées près de la frontière se font souvent dire par les consommateurs qu'elles les exploitent, alors que ce n'est pas le cas. On peut comprendre qu'un petit commerce de détail ne peut pas passer son temps à justifier ses prix. La plupart des consommateurs ne veulent pas en connaître les raisons. Les consommateurs veulent payer moins cher, et cela se comprend. Ils veulent le prix le plus bas possible.
Nous avons certes entendu des témoignages émotifs de nos membres, qui nous ont dit combien il est difficile pour eux de demeurer optimistes et de renseigner leur clientèle afin qu'elle n'ait pas l'impression de se faire exploiter. Pour les PME, la situation est difficile. Nombre d'entre elles peinent à conserver leurs employés, qui n'en peuvent plus de devoir interagir avec des clients de plus en plus agressifs.
Je vais vous raconter une brève anecdote au sujet d'une merveilleuse détaillante indépendante de la région de Burlington qui achète la plupart de ses produits d'un petit fabricant canadien de meubles pour bébés. Elle dit qu'il n'est pas rare que des femmes s'arrêtent dans sa boutique et discutent pendant une heure avec elle afin de se renseigner sur un produit, puis qu'elles disent : « D'accord, merci. Je vais maintenant aller l'acheter de l'autre côté de la frontière. » Voilà la situation que vivent les détaillants. C'est difficile.
Le comité pourrait-il faire quelque chose à ce sujet? Je ne pense pas, à part exposer très clairement les problèmes et les difficultés. Nombre de PME du secteur de la vente au détail se trouvent actuellement dans cette situation.
Le sénateur Marshall : Que disent vos membres sur le magasinage en ligne? Je sais que bien des gens — y compris des membres de ma famille — font des achats par Internet aux États-Unis. Quel est l'impact de cette activité, et où cela nous mènera-t-il, selon vous? La consommation, c'est fantastique, et nous avons entendu parler de gens qui comparent les prix de certains produits au moyen de leur iPhone. Pouvez-vous faire des commentaires à ce sujet?
Mme Brisebois : Les ventes au détail réalisées en ligne au Canada comptent pour environ 1,5 p. 100 du total des ventes effectuées au pays. Aux États-Unis, c'est près de 10 fois plus — le pourcentage se chiffre à environ 8 p. 100 —, alors cette pratique s'accroît beaucoup plus vite là-bas. Encore une fois, c'est une question d'échelle. Le Canada n'a pas autant d'entreprises dotées d'un site web interactif. Cependant, à l'hiver 2011, plus précisément pendant la période des Fêtes, les ventes en ligne au Canada ont connu leur hausse la plus importante. Les ventes ont presque triplé comparativement à l'année précédente.
Il est certain que cela jouera un rôle très important, et nos détaillants en sont très conscients. Comme nous l'avons dit, ils se livrent une concurrence aux échelles locale et mondiale. Ils doivent être compétitifs et offrir une valeur particulière. Voilà la réalité de la vente au détail au Canada et de partout ailleurs dans le monde.
Le sénateur Runciman : Merci, chers témoins, et merci de vous être si bien préparés en vue de votre comparution. C'est très apprécié. Vos observations contredisent certains témoignages que nous avons entendus et certaines recommandations qu'on nous a faites. Cela nous aidera dans la phase finale de nos travaux.
Pour ce qui est de la réduction des tarifs, a-t-on analysé les répercussions nettes de ces diminutions sur les recettes publiques? Par exemple, a-t-on comparé le montant des recettes ainsi perdues avec celui des recettes fiscales générées par l'augmentation des ventes? Quelqu'un a-t-il mené de telles analyses?
Mme Proud : Quand nous avons discuté avec le ministère, on nous a dit — et il se peut que je me trompe un peu — que, d'ici 2015, les tarifs actuels auront rapporté environ quatre milliards de dollars au gouvernement fédéral. Je sais qu'aucune analyse n'a été menée pour déterminer ce qui se produirait si le gouvernement éliminait ces tarifs et qu'il touchait des recettes additionnelles. Toutefois, si l'on appliquait le même raisonnement qui a amené le gouvernement à réduire la TPS et à déclarer qu'il valait mieux pour les Canadiens d'avoir plus d'argent dans leurs poches, je pense qu'on éliminerait les tarifs. En effet, si on les élimine et qu'on réduit les coûts au Canada, une certaine partie de cet argent sera réinjectée dans l'économie.
Mme Brisebois : Bien qu'aucune étude canadienne n'ait été menée à cet égard, nous pouvons fournir au comité des renseignements au sujet de ce que représentent actuellement ces tarifs sur le plan des recettes publiques.
Nous pouvons également vous donner des exemples de résultats liés à l'élimination des tarifs imposés sur certains produits aux États-Unis et des avantages qu'en ont retirés les industries — par exemple les détaillants de chaussures et de vêtements — et les consommateurs. Dans un contexte de concurrence, dès qu'on peut baisser le prix d'un produit, on le fait; il y a toujours un meneur, et les autres lui emboîtent le pas. Toutes les études montrent que cette situation est très bénéfique pour l'industrie locale et pour les consommateurs.
Le sénateur Runciman : Vous avez parlé de règles de jeu équitables et du contexte réglementaire. Je suis étonné des marges de profit réalisées dans certains cas, compte tenu de l'impôt foncier, des coûts immobiliers et de ceux qui sont liés aux services publics.
Pour ce qui est de réformer la réglementation, quel effet cela aurait-il sur les difficultés liées aux cadres de réglementation fédéral et provinciaux? En quoi ces cadres diffèrent-ils, et à quel point cela pose-t-il problème?
Mme Brisebois : À l'heure actuelle, le principal problème qui touche l'industrie de la vente au détail est le manque d'harmonisation entre les provinces. Nous n'avons pas abordé cette question dans notre mémoire, mais nous pourrions parler du réacheminement des déchets, par exemple. La plupart d'entre vous doivent connaître les écopoubelles bleues qu'on place en bordure du trottoir. Elles sont payées par les détaillants et les fournisseurs. Le Conseil canadien du commerce de détail gère maintenant 42 programmes réglementés de réacheminent des déchets, dont certains concernent les appareils électroniques, les emballages ou encore les pneus usagés. Ces programmes sont mis en œuvre dans diverses administrations canadiennes, et ils sont tous différents.
Des détaillants nous disent que leur service de durabilité compte plus d'employés affectés à la conformité qu'à l'élaboration de nouveaux programmes. Notre principal défi consiste à faire en sorte que les provinces travaillent de concert pour harmoniser la réglementation afin que les entreprises puissent prendre de l'expansion à l'échelle nationale et qu'elles consacrent plus d'argent non pas à la conformité, mais à l'innovation.
Le sénateur Runciman : Comme l'a dit le président, nous ne formulerons pas de recommandations concernant la gestion de l'offre, mais la préoccupation que vous soulevez est intéressante. Moi-même, j'habite dans une collectivité située près de la frontière. Je me questionne au sujet de l'effet d'entraînement. Avez-vous examiné cet aspect? Si une personne va faire son épicerie de l'autre côté de la frontière pour économiser 20 $, par exemple, aura-t-elle tendance à faire d'autres dépenses? Je me demande si ce phénomène n'entraîne pas d'autres répercussions négatives, du point de vue d'un détaillant canadien.
Mme Brisebois : Il y a un effet d'entraînement énorme. Il n'y a aucun doute là-dessus, selon les recherches menées par nous-mêmes et par de grands détaillants canadiens. Laissez-moi vous donner des précisions au sujet de ces études. Dans le cadre de certaines d'entre elles, on a carrément compté les plaques d'immatriculation dans les stationnements de grands centres commerciaux; on a regardé ce que les gens achetaient et déposaient dans leur coffre et où ils se rendaient par la suite.
Nos détaillants nous disent que les collectivités frontalières américaines sont aux anges et qu'il y a davantage de publicité. Les consommateurs canadiens reçoivent des prospectus de détaillants américains établis près de la frontière. Les personnes qui effectuent un voyage de moins de 24 heures aux États-Unis — et cela n'est pas rare chez les habitants de localités frontalières — seront tentées d'aller dans la quincaillerie, dans le magasin de vêtements ou ailleurs. Il n'y a aucun doute là-dessus. À la lumière des études que nous avons consultées à ce jour, nous croyons qu'il y a une perte d'au moins 30 p.100. Cela veut dire que la personne qui se rend aux États-Unis afin d'acheter pour 70 $ de produits alimentaires dépensera aussi 30 $ pour se procurer d'autres produits. Cela a des répercussions énormes sur le milieu du commerce de détail. Et d'autres professionnels canadiens subissent d'énormes contrecoups. Les détaillants sont de très grands investisseurs : ils rénovent et construisent des commerces, et font de la publicité et du marketing. Certaines professions, des stations de radio et des journaux locaux sont touchés. Les répercussions sont assez vastes.
Le sénateur Runciman : Moi qui ai été député pendant un certain temps, je peux vous dire que mon homologue fédéral et moi-même n'avons pas entendu de détaillants tenir de tels propos dans la région que j'ai représentée et qu'il représente actuellement.
Vous avez parlé d'éliminer les exemptions relatives aux produits soumis à la gestion de l'offre. Or, cela aurait essentiellement pour effet de fermer la frontière.
Mme Brisebois : Cette mesure rendrait les consommateurs très mécontents. Nous comprenons qu'il s'agit des électeurs et nous acceptons cette réalité. C'est la raison pour laquelle nous avons dit à maintes occasions durant notre exposé que nous serions grandement reconnaissants au comité d'au moins mettre en relief certaines inégalités, même si le gouvernement ne prendra peut-être pas de mesures à ce sujet. La mauvaise information...
Le sénateur Runciman : Je pense que l'efficience de la frontière représente un problème plus grave.
Mme Brisebois : Monsieur le sénateur, je peux vous assurer que, pour une industrie constituée de deux millions de personnes qui, comme vous le savez, travaillent dur et investissent dans leur collectivité, il est extrêmement décourageant de lire jour après jour qu'elle exploite les consommateurs. Voilà ce que vit cette industrie au Canada. C'est encore plus dérangeant si des représentants du gouvernement laissent entendre qu'elle se livre à de telles pratiques, alors nous espérons que nous pourrons vous fournir aujourd'hui des renseignements qui, du moins, feront un peu la lumière sur les écarts de prix observés au pays.
Le sénateur Runciman : C'est très apprécié.
Le sénateur Neufeld : Pour revenir à la question posée par le sénateur Runciman concernant les provinces et les diverses dispositions réglementaires, je comprends cela. Comme je viens de la Colombie-Britannique, je sais que la province a entrepris un processus de concert avec l'Alberta et, depuis peu de temps, avec la Saskatchewan.
Mme Brisebois : Merci de le souligner.
Le sénateur Neufeld : On progresse lentement, mais sûrement. Je suis peut-être le seul à penser cela, mais j'aimerais clarifier une chose. Les détaillants de partout au pays qui se trouvent dans une telle situation vivraient la même chose aux États-Unis. Vous en conviendrez avec moi, car les divers États là-bas ne sont pas tous pareils. D'ailleurs, dans bien des cas, ils sont probablement plus dissemblables que les provinces canadiennes. Seriez-vous d'accord avec moi? Il faut en prendre et en laisser.
Mme Brisebois : La question, alors, est la suivante : devrions-nous être aussi mauvais qu'eux ou faire mieux? Mon travail est de veiller à ce que le milieu de la vente au détail puisse investir et prendre de l'expansion, car c'est important pour le secteur et pour les collectivités.
Si nous pouvons apporter des améliorations pour rendre notre industrie et d'autres secteurs plus compétitifs, nous nous concentrons là-dessus. Cependant, je conviens tout à fait avec vous que les difficultés liées respectivement à la réglementation des États et à celle des provinces sont semblables à divers égards.
Le sénateur Neufeld : C'est tout ce que j'essaie de dire.
Mme Brisebois : Vous avez tout à fait raison.
Le sénateur Neufeld : Je ne dis pas que nous devrions rendre cela plus difficile. Je viens d'une province qui essaie de faciliter les choses, et j'étais au sein du gouvernement quand cela a eu lieu. Il y a également des problèmes aux États- Unis. Je ne dis pas que nous devrions faire la même chose qu'eux; ils ont aussi des problèmes.
Mme Brisebois : Il importe de considérer l'exemple que j'ai fourni relativement au réacheminement des déchets. De telles activités sont assujetties à la législation provinciale, alors c'est un exemple. Toutefois, il n'y a aucun doute que le Canada et les États-Unis sont aux prises avec certaines difficultés sur ce plan.
Le sénateur Ringuette : Merci, madame Brisebois. À mon sens, c'était l'un des exposés les plus éclairants que nous avons entendus. Comme je viens moi-même d'une localité frontalière, je suis très préoccupée par les annonces faites il y a deux semaines dans le cadre du budget.
L'une de ces annonces est l'augmentation de 400 p. 100 des exemptions relatives aux voyages de 24 heures aux États- Unis comportant une nuitée et l'augmentation de 100 p. 100 des exemptions relatives aux voyages de 48 heures. Le ministre Flaherty a même dit que le gouvernement perdrait 17 millions de dollars par année à cause de cette mesure. Cela signifie que, selon les prévisions du ministère des Finances, les consommateurs canadiens achèteront chaque année pour plus de deux milliards de dollars de biens aux États-Unis — pas chez des détaillants canadiens — seulement à cause de cette nouvelle initiative d'augmentation des exemptions.
Le fait est que les détaillants sont les plus importants employeurs au Canada. Quelles conséquences dévastatrices cette mesure entraînera-t-elle, d'autant plus qu'on compte aussi éliminer 1 600 postes de gardes-frontières à l'échelle du pays?
Déjà, nous reconnaissons tous que le magasinage transfrontalier s'est accru de façon exponentielle au détriment des collectivités et des détaillants canadiens, et voilà qu'on prend une telle décision. Selon les estimations, la nouvelle politique coûtera plus de deux milliards de dollars par année, sans compter les répercussions qu'elle aura sur l'industrie canadienne du tourisme. Elle incite les Canadiens à aller passer la nuit aux États-Unis et à magasiner là-bas plutôt qu'au Canada.
Je sais qu'il s'agit d'une mesure récente, mais est-ce que le Conseil du commerce de détail s'est penché sur l'impact qu'elle aura sur lui-même et sur ses membres?
Mme Brisebois : Nous l'avons fait, madame le sénateur. Merci de la question.
Bien que cette annonce ait pris de court l'industrie, je pense qu'en général, elle a en quelque sorte accepté le fait que les consommateurs du Canada seront attirés par les États-Unis si le dollar canadien est fort. Je pense que les détaillants sont assez réalistes : ils comprennent que, s'il s'agit d'une politique publique populaire et demandée par les consommateurs, le gouvernement réagira en conséquence. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui. Nous croyons que le gouvernement peut prendre certaines mesures pour commencer à uniformiser les règles du jeu. Nous avons parlé de droits à l'importation, de réglementation, d'établissement des prix par les fournisseurs, et cetera. Il est important d'examiner ces questions pour surmonter les difficultés auxquelles nos détaillants sont confrontés. Le fait est que les consommateurs magasineront où ils le veulent et quand ils le veulent, et je ne suis pas certaine qu'ils ont complètement changé leur comportement à cause des modifications apportées aux exemptions.
Le sénateur Ringuette : Pour les personnes qui étaient déjà susceptibles de le faire, il s'agit assurément d'un incitatif.
Madame Brisebois, vous dites que c'est une politique populaire. La réduction des frais imposés aux marchands sur les transactions effectuées au moyen d'une carte de crédit était aussi une politique très populaire, mais le gouvernement n'a rien fait. En outre, les coûts liés à l'essence et au diesel — donc, au transport des biens — sont un des principaux facteurs qui expliquent les inégalités entre les prix au Canada et aux États-Unis. Or, à ce chapitre, le gouvernement n'a rien fait pour aider les détaillants canadiens.
Le gouvernement est-il disposé à établir certaines règles concernant tous les articles pour lesquels les fabricants imposent des prix différents aux détaillants canadiens et américains? À la page 7 de votre mémoire, vous fournissez des exemples de produits affichant un écart de prix. En ce qui concerne les inégalités entre les prix au Canada et aux États- Unis, est-ce que le gouvernement fédéral est prêt à réglementer le marché d'une façon ou d'une autre afin que les fabricants concernés vendent leurs articles aux détaillants canadiens au même prix qu'à leurs homologues américains?
Mme Brisebois : Madame le sénateur, le mot « réglementer » m'interpelle toujours quand il est question des frais liés aux cartes de crédit, mais je crois sincèrement que nos membres n'appuieraient pas le gouvernement s'il songeait à réglementer les relations entre deux entreprises. Ce qui est important — et c'est la raison pour laquelle nous l'avons indiqué à la page 7 —, c'est de mentionner un facteur qui n'a pas été adéquatement soulevé devant le comité. Il a une incidence énorme. Nous ne demandons certainement pas au gouvernement de réglementer les prix, mais nous voulons nous assurer que le comité sait que certaines inégalités entre les prix au Canada et aux États-Unis ne sont pas toujours liées aux détaillants. Voilà ce que nous avons voulu expliquer à la page 7.
Le sénateur Ringuette : Je comprends. J'ai souligné que des véhicules produits au Canada étaient vendus ici à un prix plus élevé qu'aux États-Unis. Nous avons invité des constructeurs d'automobiles à comparaître devant le comité, mais, jusqu'ici, nous n'avons pas pu les interroger. Cependant, j'ai certainement de l'empathie pour les détaillants canadiens. Personnellement, je n'arrive pas à comprendre pourquoi les Canadiens sont parfois trop fiers pour demander à leur gouvernement de faire ce qui est juste.
Mme Brisebois : Par ailleurs, madame le sénateur, il faut comprendre ceci : le plus important, pour tous les détaillants, c'est d'attirer des clients, de les conserver et de ne pas se disputer avec eux. Voilà pourquoi, en général, les détaillants se sont faits plutôt discrets à ce sujet : ils ne veulent pas jeter de l'huile sur le feu. Ils ne veulent pas nuire à leurs relations avec leurs fournisseurs, qui sont parfois délicates. Ils veulent s'assurer de demeurer en affaires, alors ils continueront à agir ainsi. Aujourd'hui, ils demandent simplement au comité de chercher des moyens d'établir des règles du jeu équitables. À notre avis, il est possible de le faire.
Le sénateur Gerstein : Je n'ai pas eu l'occasion aujourd'hui de lire attentivement votre mémoire, mais j'aimerais parler brièvement de la page couverture. Vous avez intitulé le document « Étude sur les causes possibles des écarts de prix entre le Canada et les États-Unis ». Or, la question que le ministre nous a demandé d'examiner — et qui est énoncée dans l'ordre du jour — comprend aussi ce qui suit : « étant donné la valeur du dollar canadien et les répercussions du magasinage transfrontalier sur l'économie canadienne ». Ce passage ne figure pas dans votre titre.
Je soupçonne qu'on nous demande de mener cette étude parce que le dollar canadien s'est apprécié d'environ 50 p. 100, sinon plus au cours des 15 à 20 dernières années. Il a maintenant la même valeur que le dollar américain — plus ou moins — depuis assez longtemps. Je ne sais pas ce que nous réserve l'avenir, mais le dollar s'est stabilisé et se maintient plus ou moins à parité avec le dollar américain.
Votre mémoire est remarquable, mais, avec le respect que je vous dois, je dirais que la majeure partie du document aurait pu être rédigée il y a 15 ans. En ce qui concerne les tarifs et l'établissement des prix par pays, rien n'a changé. C'était ainsi il y a 20 ans; c'était ainsi il y a 50 ans.
Vous avez dit qu'il y a peut-être une perception — à laquelle je ne souscris pas — selon laquelle les détaillants « exploitent les consommateurs » — ce sont vos mots, pas les miens. Estimez-vous — si on regarde seulement la question de l'appréciation du dollar canadien — que les détaillants canadiens font profiter les consommateurs canadiens des retombées de cette appréciation?
Mme Brisebois : Je réponds sans hésitation que oui.
Le sénateur Gerstein : Avec ou sans hésitation?
Mme Brisebois : Sans hésitation. Les détaillants du pays ne travaillent évidemment pas à décourager leurs clients d'acheter leurs produits. Cependant, en réalité — et j'ai mentionné cela dans ma déclaration préliminaire —, c'est que les détaillants achètent la plupart de leurs produits au Canada, par l'intermédiaire de distributeurs et de grossistes et au siège social de multinationales. Si j'achète du savon, je le fais par l'intermédiaire du siège social d'une multinationale à Toronto. Peu importe si le dollar équivaut à 50 cents ou à un dollar. J'achète en dollars canadiens. Vous avez tout à fait raison; il n'y a pour les détaillants aucune différence entre aujourd'hui et il y a 15 ans. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous sommes ici.
Je crois qu'il y a une idée fausse selon laquelle, en raison de la vigueur du dollar, tous les détaillants du pays — ou partout dans le monde — achètent avec un dollar fort. En réalité, ce n'est pas le cas. Quatre-vingts pour cent des produits proviennent du Canada. Si le fournisseur, le grossiste ou le distributeur ne change pas ses prix, les prix ne changent pas.
J'ai un autre commentaire à faire, et je comprends que nous avons peu de temps.
Le sénateur Gerstein : Est-ce que maintenant, pour cette raison, vous jetez la pierre aux grossistes et aux distributeurs plutôt qu'aux détaillants?
Mme Brisebois : Non, je dis que si les économies ne se répercutent pas sur la chaîne d'approvisionnement, alors elles ne sont pas transmises au consommateur.
Le sénateur Gerstein : Vous les blâmez.
Mme Brisebois : Nous pourrions en discuter pendant longtemps. Nous faisons cela tout le temps.
Le président : L'intervention du sénateur Gerstein commence à ressembler à un contre-interrogatoire.
Mme Brisebois : C'est une question fascinante. Je crois qu'il ne faut pas oublier qu'il y a des centaines de milliers de détaillants au pays. Ils doivent être concurrentiels. Ils n'ont pas le choix. Ce n'est pas un passe-temps que de regarder les gens passer sur les ponts et traverser les frontières. Il serait un peu naïf de supposer qu'ils restent passifs et établissent des prix excessifs. Il y a d'immenses difficultés, mais les prix dans la chaîne d'approvisionnement sont sans aucun doute un facteur immense qu'on ne devrait pas passer sous silence, à mon avis.
Le sénateur Gerstein : Êtes-vous en train de dire que, selon vous, si les prix de détail n'ont pas baissé dans les 15 ou 20 dernières années, c'est uniquement en raison de la variation de la valeur de notre dollar?
Mme Brisebois : Non, je dirais plutôt le contraire. De fait, il y a des preuves d'une déflation des prix dans certaines catégories de vente au détail. Toutefois, monsieur le sénateur, il est assez intéressant de noter que les détaillants sont le plus concurrentiels lorsqu'ils contrôlent leur marque maison ou qu'ils se procurent eux-mêmes leurs produits. Cela vous mènera à la conclusion que je défends.
Le sénateur Nancy Ruth : Je voulais vous questionner de nouveau au sujet de l'établissement des prix par des fournisseurs multinationaux, à l'exception de la volaille et des produits laitiers. Vous dites que le prix pourrait être supérieur de jusqu'à 50 p. 100, puis vous avez donné des raisons, comme le fait que le Canada a une plus petite population et que les distances à parcourir sont plus grandes, le prix de l'immobilier et tout cela. Ensuite, vous avez fait un commentaire, et j'ai tiré des conclusions de ce commentaire, en partie en raison de votre ton : vous avez laissé entendre que ce sont les grands magasins qui acceptent cette augmentation de 50 p. 100 lorsqu'ils importent les biens. Pouvez-vous expliquer cet aspect un peu plus clairement?
Mme Brisebois : Oui, madame le sénateur. En fait, ils n'importent pas les biens, alors tous les détaillants qui, par exemple, veulent acheter du shampooing ou du revitalisant d'une marque renommée au Canada se le procurent auprès du distributeur canadien, alors il peut s'agir de la marque d'une multinationale qui a un siège social au Canada. Le shampoing — comme on l'illustre à la page 7 — est vendu au détaillant canadien à 12,46 $. Un shampoing équivalent est vendu à un détaillant américain à 9,33 $, et c'est là que le bât blesse, sénateur Gerstein; compte tenu de la vigueur du dollar, cela n'a aucun sens. La différence de prix existe. Nous ne disons pas que c'est le cas de tous les fournisseurs, mais il y a assez de données probantes pour démontrer que le phénomène est assez commun dans le cas des grandes marques internationales. Par exemple, l'énorme différence de prix des pneus est plutôt effrayante. Nous entendons toujours parler de cela. La plupart des consommateurs ne comprennent pas que les grands détaillants au Canada achètent cette grande marque du distributeur au Canada. Il ne peut pas l'obtenir des États-Unis. S'il veut offrir ce produit dans son magasin pour que vous puissiez venir l'acheter, il doit payer le prix demandé pour avoir le privilège de vendre cette marque dans son magasin. C'est la réalité. Il ne peut pas l'importer, car ce serait de l'importation parallèle, et cette pratique est interdite au Canada. Il doit l'acheter du distributeur canadien au prix établi par ce dernier. Voilà la réalité des détaillants multinationaux au Canada et des détaillants indépendants au Canada.
Le sénateur Nancy Ruth : Ce prix est établi par le fabricant américain.
Mme Brisebois : Il est établi par le fabricant. Cela se fait au Canada, en Australie et ailleurs dans le monde. La difficulté que nous devons surmonter — sans vouloir faire porter le chapeau à tous les fournisseurs — tient au fait que nous vivons aussi à côté d'un marché gargantuesque, alors il est normal que nous voulions nous comparer. Parfois, on ne peut pas établir de comparaison en raison de la taille du marché. C'est difficile. Toutefois, dans le cas qui nous occupe, c'est un énorme problème.
Mme Proud : Il importe de préciser que notre tableau présente l'information de façon générale, mais que les prix indiqués dans notre tableau — pour les pneus, par exemple — se rapportent au même produit. Nous n'avons pas calculé le prix moyen des pneus. C'est seulement en raison de la valeur concurrentielle des données que nous obtenons de nos membres. Ce sont exactement les mêmes produits.
Mme Brisebois : Nous comparons les pneus ABC au Canada et les pneus ABC aux États-Unis. Nous comparons des pommes et des pommes; nous avons seulement retiré le nom de la marque. Nous avons l'habitude de susciter la controverse, mais nous avons décidé de nous maîtriser.
Le sénateur Peterson : Nous avons entendu un certain nombre d'exposés sur le sujet d'aujourd'hui. Certains exposés présentent des données quantifiables, alors que d'autres sont plutôt subjectifs. Vous avez parlé de choses que peut faire le gouvernement pour uniformiser les règles du jeu. Un aspect serait la remise de droits, mais le ministère des Finances affirme que ce n'est pas du tout un facteur important. Qu'en pensez-vous?
Mme Brisebois : Merci, sénateur, pour la question. Nous savons que le ministère des Finances a déclaré qu'il ne s'agit pas d'un facteur important. Évidemment, nous ne sommes pas d'accord, comme je l'ai noté dans ma déclaration préliminaire et dans le mémoire.
Il s'agit peut-être seulement de 10 p. 100 de tous les produits qui entrent au Canada, mais, dans certains cas, cela représente 70 p. 100 des produits importés par un détaillant; par conséquent, ce taux de 10 p. 100 est trompeur. Dix pour cent de quoi? Si les 10 p. 100 correspondent à 80 p. 100 du marché de détail, alors c'est important. Voilà où nous voulons en venir. Même si, comparé à l'univers tout entier, il s'agit de 10 p. 100, il est trompeur d'utiliser ce chiffre. Vous devez ensuite demander, compte tenu des 10 p. 100, quels secteurs sont les plus touchés? Je suis convaincue que le ministère des Finances ne saurait être en désaccord avec cela. Il s'agit du secteur du commerce de détail. L'essentiel des droits qui demeurent — surtout ceux qui sont assez élevés — se rattache aux produits finis, et les détaillants importent des produits finis.
Le président : J'ai le regret d'annoncer que notre temps est écoulé. Votre témoignage nous est très utile. Je vous suis extrêmement reconnaissant du matériel et de l'information que vous avez présentés aujourd'hui. Si jamais nous devons vous demander des précisions, madame Brisebois, nous vous les soumettrons par l'entremise de Mme Proud.
Mme Brisebois : Nous vous fournirons les documents dont nous vous avons parlé.
Le président : Veuillez les remettre à la greffière, et elle s'assurera de les distribuer à tout le monde dans les deux langues officielles.
Au nom du comité, je remercie de leur présence Diane Brisebois, présidente et chef de la direction du Conseil canadien du commerce de détail, et Karen Proud, vice-présidente aux Relations fédérales gouvernementales.
[Français]
Honorables sénateurs, nous poursuivons notre étude spéciale sur les raisons pouvant expliquer les inégalités entre les prix de certains articles vendus au Canada et aux États-Unis.
[Traduction]
Nous avons le plaisir de souhaiter la bienvenue à Lisa Zajko, gestionnaire supérieure, Impôt indirect, à Deloitte & Touche s.r.l., et à Eric Levert, administrateur fiscal principal international chez Reebok-CCM Hockey.
Madame Zajko, je crois comprendre que vous avez une déclaration préliminaire à présenter. Nous passerons aux questions par la suite.
Monsieur Levert, je vais vous donner la parole après Mme Zajko.
Lisa Zajko, gestionnaire supérieure, Impôt indirect, Deloitte & Touche s.r.l. : Merci de nous avoir donné la possibilité de comparaître devant vous dans le cadre de l'étude commandée par le ministre des Finances sur les raisons pouvant expliquer les inégalités persistantes entre les prix de certains articles vendus au Canada et aux États-Unis.
En guise d'introduction, l'équipe des douanes et du commerce international de Deloitte & Touche travaille activement à conseiller de nombreux clients sur des questions relatives aux douanes et au commerce international en misant sur un réseau mondial de plus de 450 professionnels du domaine et des pratiques rigoureuses, tant au Canada qu'aux États-Unis. Notre équipe s'affaire depuis de nombreuses années à présenter des mémoires au ministère des Finances sur l'allégement tarifaire au nom de nombreux clients. Si nous possédons une vaste expertise et jouons un rôle de chef de file dans l'industrie de la consommation et du commerce de détail, il reste que notre intention aujourd'hui est de mettre l'accent sur l'effet des tarifs.
Comme nous l'avons indiqué dans des mémoires antérieurs au ministre et au ministère des Finances, nous sommes d'avis que les inégalités persistantes sont, au moins en partie, attribuables aux tarifs et que les consommateurs canadiens profiteraient d'une réduction des taux tarifaires sur certains biens, sans préjudice pour l'industrie canadienne. Cela tient principalement au fait que les taux tarifaires sont désuets et que le paysage manufacturier canadien a beaucoup changé depuis la dernière révision des tarifs, en 1998, dans le cadre de l'initiative de simplification du régime tarifaire. Bien que les taux tarifaires aient fait l'objet de révisions en profondeur au cours des deux ou trois dernières années, celles-ci ont porté exclusivement sur l'industrie manufacturière, c'est-à-dire la machinerie et l'équipement, et les matières premières, notamment. Nous ne sommes au courant d'aucun examen exhaustif sur les avantages pour les Canadiens d'une réduction du taux tarifaire sur les biens de consommation et de vente au détail.
Deloitte a déjà soumis au ministère des Finances des mémoires visant à lui demander de supprimer ou de réduire les tarifs sur certains biens de consommation, notamment ceux qui sont assujettis à un taux de droit relativement élevé. Nos mémoires concernaient principalement les produits récréatifs ainsi que d'autres produits de consommation destinés aux familles canadiennes, qui travaillent dur. Nous sommes d'avis que de tels taux sont injustifiés, surtout si l'on tient compte du contexte manufacturier actuel du Canada et du fait que les taux tarifaires généraux des États- Unis, pour les mêmes articles, sont considérablement inférieurs à ceux du Canada. De fait, dans certains cas, les tarifs américains ont été complètement supprimés.
Nous estimons que l'élimination des droits payables sur certains biens de consommation importés qui ne sont pas produits au pays stimulerait l'économie et la compétitivité de nos détaillants, mais surtout, l'allégement tarifaire demandé serait dans l'intérêt public, car la réduction des coûts entraînerait vraisemblablement une réduction des prix au pays, ce qui profiterait au consommateur canadien. L'élimination des droits à l'importation sur les biens qui doivent être importés constitue un facteur de stimulation important et nécessaire qui accroîtrait le pouvoir d'achat et la confiance des consommateurs. Les effets de la récession se font encore sentir, et l'allégement des tarifs qui est demandé fera augmenter les dépenses de consommation locales et donnera ainsi à l'économie canadienne le coup de fouet dont nous avons grandement besoin localement.
La suppression de tarif proposée correspond aussi à des mesures prises récemment par certains de nos plus importants partenaires commerciaux, dont les États-Unis, qui ont reconnu que la suppression de tarifs inutiles et dépassés aurait un effet profond et immédiat sur la relance de l'économie et offrirait un allégement direct et instantané à des familles qui travaillent dur.
L'une des plus importantes mesures d'allégement des prix est du ressort du ministre des Finances. Sur la plupart des articles importés au Canada, les détaillants et les consommateurs paient des sommes considérables en frais d'importation, en droits et en taxes, tout particulièrement compte tenu de la complexification croissante du continuum de conformité. Nous avons relevé certains produits de consommation grand public destinés aux familles qui sont assujettis à des droits d'importation élevés au Canada pour la seule et unique raison qu'il en a toujours été ainsi, indépendamment de l'évolution du climat économique et du contexte manufacturier canadien.
Depuis l'adoption de l'impôt sur le revenu et des taxes de vente, le potentiel de production de recettes de ces tarifs est devenu négligeable et représentait récemment moins de 1 p. 100 de l'ensemble des recettes gouvernementales. En 2008, les Canadiens ont importé des biens d'une valeur totale de 443 milliards de dollars, sur lesquels le gouvernement a perçu environ 4 milliards de dollars en droits d'importation. En 2009, des biens d'une valeur totale de 373 milliards de dollars ont été importés, et des droits de 3,6 milliards de dollars ont été payés.
Si la production de recettes a été l'une des principales raisons d'être des tarifs, elle ne constitue pas actuellement une priorité du gouvernement du Canada dans le domaine des douanes et du commerce. Comme les tarifs ne sont pas une source importante de revenus, le gouvernement devrait considérer que la réduction ou la suppression de tarifs sur certains biens qui profitent aux Canadiens sans nuire à l'industrie du pays constitue une mesure avantageuse.
Pour illustrer l'importance de réduire les tarifs, l'ASFC, dans son Rapport sur les plans et priorités de 2011-2012, définit ses principales priorités comme étant celles d'assurer la sécurité nationale et de faciliter la libre circulation des personnes et des marchandises. Quant à sa raison d'être, l'ASFC mentionne huit responsabilités, mais seulement l'une d'elles a trait à la perception de droits et de taxes. Les prévisions de dépenses associées à la gestion des recettes et du commerce ne représentent que de 6 à 8 p. 100 des dépenses de programme.
En outre, le Canada est partie prenante à plusieurs ententes de libre-échange et a instauré des réductions de tarif unilatérales. Récemment, en 2009, il a éliminé les tarifs sur un large éventail de produits de machinerie et d'équipement, reconnaissant les gains en productivité et en compétitivité que cela procurerait aux fabricants canadiens et à l'ensemble de l'économie. Le budget fédéral du 4 mars 2010 a instauré la phase deux de l'allégement des tarifs sur la machinerie, l'équipement et les matières premières.
Tout au long de ce processus, le gouvernement a manifesté sa volonté d'étudier d'autres demandes d'allégement. Nous devons à présent concentrer nos efforts sur l'aide à l'industrie du commerce de détail. Il est important que les détaillants continuent à trouver des façons de combler les attentes des consommateurs canadiens en matière de prix et de qualité. La parité du dollar canadien rend encore plus urgente la parité des prix entre les États-Unis et le Canada.
Nous avons présenté dans un tableau certains des articles qui, selon nous, profiteraient d'un allégement tarifaire immédiat sans que cela ne porte préjudice à l'industrie nationale, et nous allons entendre Eric Levert, de Reebok, nous parler de certains biens énumérés dans le tableau.
Nous sommes d'avis que le comité devrait recommander un allégement tarifaire pour ces biens, en plus de recommander un examen approfondi des autres biens de consommation pour lesquels on devrait envisager la suppression ou la réduction des tarifs. Il existe un précédent historique concernant la réduction des tarifs sur les produits de détail comme moyen de lutter contre le magasinage transfrontalier.
À cet égard, le sénateur Gerstein a mentionné que c'était peut-être le cas il y a 20 ans. C'était bel et bien le cas il y a 20 ans. Au début des années 90, il y avait beaucoup de magasinage transfrontalier, et le gouvernement avait réagi en établissant le Décret de remise des détaillants canadiens de 1993, éliminant les tarifs — du moins temporairement — sur certains biens de consommation, puis en les supprimant de façon permanente dans le cadre de l'initiative de simplification du régime tarifaire, en 1998. À l'époque, vu la structure du secteur manufacturier canadien, certains biens ne pouvaient pas nécessairement être visés par cet allégement. Depuis 1998 — ou depuis 1993, moment où la remise a été introduite —, le paysage a changé, alors il convient de songer à soumettre d'autres biens à l'allégement.
Compte tenu du grave ralentissement économique qui touche notre pays depuis 2009, il est évident que le gouvernement du Canada est résolu à réduire au minimum l'effet de tout autre ralentissement de l'économie sur les Canadiens et à assurer une reprise rapide en prenant les mesures de stimulation nécessaires.
Si l'élimination des droits de douane sur les biens de consommation nécessaires est conforme aux priorités du gouvernement fédéral qui sont liées à la reprise économique, il convient aussi de noter que l'allégement tarifaire proposé concorde avec d'autres priorités de ministères et d'organismes de services sociaux fédéraux et provinciaux, dont Santé Canada et l'Agence de la santé publique du Canada, de même que les ministères du Québec chargés, par exemple, de promouvoir l'allaitement maternel et le crédit d'impôt pour la condition physique des enfants.
À une époque de volatilité des marchés et d'incertitude économique, il est impératif qu'à l'aide de politiques et de mesures gouvernementales, nous continuions à favoriser la capacité des Canadiens d'acheter des biens courants, particulièrement les biens de consommation destinés aux familles. Une telle mesure contribuerait en outre à réduire l'écart entre les prix aux États-Unis et au Canada.
Merci de votre temps.
Le président : Merci beaucoup, madame Zajko. Le fait que vous ayez inclus les patins à glace est opportun à ce temps-ci de l'année au Canada. Vous estimez que le gouvernement fédéral touchera 9 millions de dollars de recettes en maintenant un tarif de 18 p. 100 sur les patins à glace. Est-ce que je comprends bien?
Mme Zajko : Oui.
Le président : N'y avait-il pas une usine de fabrication de patins à glace dans la région de Kitchener-Waterloo au début des années 1990 que nous tentions de protéger, à savoir celle de Bauer?
Eric Levert, administrateur fiscal principal international, Reebok-CCM Hockey : J'ignore la situation à Kitchener, mais CCM fabriquait des bâtons de hockey à Saint-Jean, au Québec. Nous avions aussi l'usine de fabrication de casques au Nouveau-Brunswick, jusqu'à tout récemment. CCM dispose d'un important réseau pour la fabrication de vêtements et d'équipement de hockey en Ontario, au Québec et au Nouveau-Brunswick.
Le président : Le tarif de 18 p. 100 sur les patins était intéressant.
M. Levert : Merci de m'avoir donné cette occasion. Je suis administrateur fiscal international à Reebok-CCM Hockey, division du Groupe Adidas. Les ventes mondiales de Reebok-CCM s'élèvent à environ 300 millions de dollars. CCM évolue depuis un siècle dans le domaine du hockey au Canada. Je suis persuadé que certains d'entre vous avez grandi avec de l'équipement de hockey portant l'inscription CCM.
Le siège social de la division de Reebok-CCM est situé à Montréal, et nous avons un important service de R-D. Le centre de distribution pour toute l'Amérique du Nord est aussi situé à Montréal. Nous avons deux usines de fabrication : une à Saint-Hyacinthe, au Québec, qui produit une petite quantité de chandails de la LNH et des chandails pour des ligues de niveau inférieur, comme la Ligue canadienne de hockey et la Ligue américaine de hockey. À Saint-Jean-sur-Richelieu, au Québec, nous fabriquons encore des bâtons de hockey et des patins, dans une moindre mesure. Ils sont principalement destinés à des joueurs de hockey professionnels dans la LNH, la LAH, la LCH et les ligues juniors.
Nous vendons nos produits dans 30 pays, quoique principalement au Canada, lequel constitue environ 40 p. 100 du marché mondial. Nous vendons aussi des produits en Norvège, en Finlande, en Suède et aux États-Unis.
C'est là l'essentiel du marché, avec la Russie, qui est un marché émergent. La fabrication de 90 p. 100 des produits est maintenant externalisée, principalement en Asie. Reebok-CCM conserve toujours au Québec une certaine capacité de fabrication de bâtons — et d'équipement de gardien de but aussi —, mais dans une mesure très limitée.
Nous avons parlé du marché du hockey. Ce marché a une valeur mondiale d'environ 800 millions de dollars américains. Il stagne depuis 10 ans. Le marché ne prend pas d'expansion — peut-être 1 p. 100 par année tout au plus. Ce n'est pas ce que nous voulons. Nous voulons donner de l'expansion au marché. Nous voulons nous assurer que la société survivra et que les Canadiens recommenceront à jouer au hockey et à acheter notre équipement, alors, à notre avis, pour être concurrentiels sur ce marché, nous devons proposer des produits novateurs à un prix compétitif et nous assurer que le produit sera abordable pour les consommateurs canadiens.
Regardons la diapositive qui traite des répercussions des taux tarifaires sur le prix de détail. Prenons un prix FOB de 100 $, sans tenir compte du taux de change ni du fret. Je veux seulement démontrer que le tarif appliqué aux produits sera, au bout du compte, payé par le consommateur —, et qu'il n'y a pas que le tarif dans tout ça. Si l'on songe au grossiste, puis au détaillant, chacun aura majoré le prix. Au bout du compte, nous démontrons que des droits de 15 $ sur un produit finiront par coûter 36 $ au consommateur.
Ce que je vous montre à la dernière page est semblable; j'ai seulement ajouté les taux de la Finlande sur différents produits. Nous illustrons ici que le Canada, censé être la Mecque du hockey, paie un taux tarifaire de 18 p. 100 sur les patins à glace, de 15,5 p. 100 sur tout l'équipement de protection et de 8,5 p. 100 sur les casques, tandis que les États- Unis ne paient rien. Les pays scandinaves ne paient rien, ou très peu. Je sais que l'Europe n'est pas visée par l'étude du comité, mais nous essayons seulement de vous montrer que nous demandons une réduction ou l'élimination des taux tarifaires sur ces produits afin qu'ils soient comparables à ce que nous observons dans les autres pays.
Le président : Merci pour vos commentaires. Normalement, nous considérons que les tarifs sur les biens importés sont une mesure mise en place par le gouvernement pour protéger les fabricants canadiens. Vous êtes un fabricant canadien, entre autres choses, et vous recommandez toujours l'élimination de ces tarifs, compte tenu du marché mondial actuel.
M. Levert : À notre connaissance, Bauer détient une part de marché de 40 p. 100, et Easton, d'environ 15 p. 100; avec Reebok-CCM, cela correspond à environ 85 p. 100 du marché, et aucune de ces sociétés ne maintient une production à grande échelle au Canada.
Le sénateur Ringuette : Monsieur le président, vous avez déjà abordé le sujet par lequel je voulais commencer.
Sur l'une de vos diapositives, vous indiquez que 90 p. 100 de la production de Reebok-CCM Hockey est externalisée en Asie.
M. Levert : C'est exact.
Le sénateur Ringuette : Cela tient à des considérations touchant les coûts de production, mais, au bout du compte, c'est encore le consommateur qui paie. Ces tarifs vous convenaient parfaitement lorsque vous produisiez au Canada, mais maintenant que 90 p. 100 de vos produits sont fabriqués en Asie, vous ne voulez plus de tarifs.
M. Levert : C'est exact. C'est non seulement nous, mais l'industrie en général. Si vous regardez Bauer ou Easton ou n'importe quel petit compétiteur, personne ne fabrique de produits au Canada maintenant.
Le sénateur Ringuette : Cette externalisation est certainement l'un des facteurs ayant une incidence sur le prix que paie le consommateur.
Vous nous décrivez le scénario de la chaîne d'approvisionnement au Canada et aux États-Unis, et vous mentionnez les droits de 15 $. Toutefois, si je regarde la chaîne d'approvisionnement, le grossiste, auquel vous avez probablement accordé une licence — puisque vous donnez un exemple lié à votre société —, prend une part de 40 p. 100, ce qui représente 77 $ au Canada, mais seulement 67 $ aux États-Unis. Pourquoi en est-il ainsi? Pourquoi le grossiste tirerait-il une part supérieure sur un produit de 100 $? Premièrement, le prix de gros ici que vous avez déterminé pour vos produits est presque aussi élevé que le prix de fabrication.
M. Levert : C'est exact. Premièrement, la seule différence entre le Canada et les États-Unis dans ce scénario tient aux droits, au taux tarifaire, aux 15 $.
Le sénateur Ringuette : C'est l'idée que vous vouliez vendre au comité. Ce n'est pas la question que je vous pose.
Vous avez autorisé le grossiste à distribuer votre produit. La marge du prix que paient les consommateurs qui lui revient est presque aussi élevée que le prix de fabrication. Son seul rôle dans votre scénario est d'importer votre produit de l'Asie — 90 p. 100 de vos produits —, puis de le distribuer dans son réseau. C'est là la seule mission du grossiste.
M. Levert : Nous sommes le grossiste. Nous concevons et mettons au point le produit, nous importons le produit et nous le mettons en marché. Nous voulons que le grossiste ait une cible de rentabilité d'environ 40 p. 100 afin de couvrir toutes les autres dépenses.
Lorsque je vends sur les marchés canadien et américain, je regarde mes coûts. Il s'agit d'un scénario théorique. Lorsque j'établis la cible, elle correspond à une marge de 40 p. 100. Si je fixe ma marge ou ma cible à ce niveau et que j'engage des coûts inférieurs lorsque je vends aux États-Unis comparativement au Canada, mon profit... Si vous regardez les 77 p. 100, ce pourcentage équivaudra à la marge de 40 p. 100, et les 67 p. 100 équivaudront à la marge de 40 p. 100. Afin d'obtenir la même marge ciblée, je dois augmenter mon prix. Sinon, en tant que grossiste, je devrai prendre cette marge, et elle sera non pas de 40 p. 100, mais de 30 p. 100 au bout du compte.
Le sénateur Ringuette : Monsieur Levert, vous dites que, dans votre cas particulier, vous jouez deux rôles ici. Vous êtes le fabricant du produit, et vous vous chargez aussi de la vente en gros de votre produit.
M. Levert : C'est exact. Je vends aux détaillants.
Le sénateur Ringuette : Vous faites vous-même la vente en gros.
M. Levert : Oui.
Le sénateur Ringuette : J'ai des questions, mais je dois absorber ce que vous venez de dire.
Madame Zajko, dans vos commentaires, vous avez dit qu'on devrait éliminer les droits payables sur certains biens de consommation importés au Canada lorsque de tels biens ne sont pas produits au pays.
Autrement, si les biens ou une partie des biens sont produits au Canada, il faudrait maintenir les tarifs pour conserver cette production intérieure et stimuler l'économie du pays. Ai-je bien compris?
Mme Zajko : Je crois que nous devons étudier le contexte de la production, si tant est qu'il y en a une. Si, comme dans le cas présent, il y a une production limitée ne ciblant qu'un créneau particulier, comme les joueurs de hockey professionnels, alors le maintien d'un tarif sur tous les patins à glace, par exemple, n'a pas vraiment de sens.
Je crois qu'en l'absence de production, le tarif devrait être complètement supprimé. S'il y a un certain niveau de production, alors peut-être que nous pourrions exclure certains produits du tarif — de sorte qu'il y ait un allégement pour les patins à glace, par exemple —, mais pas ceux dont un produit équivalent est fabriqué ici, comme les patins haut de gamme. Il y a des façons de faire cela.
Le sénateur Ringuette : Vous parlez des bâtons de hockey fabriqués au Canada.
Mme Zajko : Oui. Il y a des façons de déterminer ce qu'on devrait éliminer et s'il y a quelqu'un à protéger, mais ce n'est pas nécessairement de cela que nous parlons. Il est question ici des situations où nous ne protégeons personne et où les quantités ou les capacités ne sont pas suffisantes pour répondre à la demande canadienne à ce chapitre.
M. Levert : Pour ce qui est des bâtons de hockey, les tarifs sont maintenant à 2,5 p. 100 comparativement à 18 p. 100 pour les patins. Au Canada, on fabrique plus de bâtons de hockey que de patins.
Le sénateur Ringuette : Monsieur Levert, je veux revenir au scénario, décrit sur votre diapositive, dont je parlais plus tôt. Lorsque vous parlez d'un coût en magasin de 100 $, par exemple, ce montant s'applique aux articles que vous faites fabriquer en Asie, n'est-ce pas?
M. Levert : C'est exact.
Le sénateur Ringuette : Si nous prenons un article que vous fabriquez au Canada, comme un bâton de hockey, quel serait le scénario concernant l'établissement de la marge du grossiste et de la marge du détaillant aux fins de la comparaison du Canada et des États-Unis que vous nous avez présentée? Envisageriez-vous toujours une marge de 40 p. 100? Alors vous n'auriez pas le tarif. Cet article particulier devrait être vendu au même prix au Canada qu'aux États- Unis.
M. Levert : À titre d'exemple, produire un bâton de hockey dans notre unité à Saint-Jean comparativement à la fabrication en Asie... À l'heure actuelle, la différence est d'au moins 80 $ par paire de patins.
Le sénateur Ringuette : Qu'est-ce que vous comparez?
M. Levert : Pour le même patin fabriqué en Asie plutôt que dans notre usine de Saint-Jean, nous parlons d'une différence de coût d'au moins 80 $.
Ensuite, vous vous attendrez toujours à une marge d'au moins 40 p. 100. Si vous prenez n'importe quel grossiste vendant de l'équipement sportif comparable, la marge s'établira entre 35 et 45 p. 100. Cette fourchette pour les produits comparables vaut au Canada, aux États-Unis et partout dans le monde.
Le sénateur Ringuette : Ma question se rattachait à un bâton de hockey fabriqué au Canada, puis vendu au Canada et aux États-Unis. Demandez-vous le même prix au Canada qu'aux États-Unis? Je vais vérifier sur Internet.
M. Levert : Vous pouvez vérifier. Je ne contrôle pas le prix que demandent les détaillants. Le groupe d'établissement des prix est situé à Montréal, et c'est lui qui fixe les prix pour le Canada et les États-Unis.
Il y a des différences. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de différence entre le Canada et les États-Unis. Le taux de change est un facteur. La conjoncture du marché en est un autre; la situation économique aux États-Unis au cours des trois ou quatre dernières années a été un peu plus difficile qu'au Canada.
Le sénateur Ringuette : Cela n'a rien à voir avec les tarifs. En réalité, cela revient à ce que nous disait plus tôt le conseil du commerce de détail. L'un des grands enjeux liés aux différences de prix entre le Canada et les États-Unis appartient au domaine de la commercialisation, et c'est ce qu'on appelle l'établissement de prix par pays.
M. Levert : Ce n'est pas le seul facteur. Dans l'une de nos diapositives, nous disons que la différence de prix est causée par le taux de change, les taux tarifaires et la conjoncture du marché. Le taux tarifaire est un facteur important.
Le sénateur Ringuette : Je regardais un article qui n'est pas soumis à un tarif parce qu'il est fabriqué au Canada et, pourtant, comme c'est le cas pour les automobiles, il s'agit d'une question de commercialisation propre au pays.
M. Levert : Je ne suis pas d'accord avec vous. Il faut regarder ce que nous fabriquons ici au Québec. Ce que nous produisons ici, ce sont des bâtons haut de gamme pour les professionnels. C'est très différent de ce qu'on trouve chez les détaillants. Il s'agit d'un bâton fabriqué sur mesure dont la lame et le manche sont adaptés au goût de chaque joueur. Chaque joueur est différent.
Le président : C'est toute une discussion que vous avez entamée. Elle est intéressante, mais nous manquons de temps.
Le sénateur Runciman : Monsieur Levert, quelle est l'ampleur du problème pour l'industrie? L'avez-vous quantifié? Manquez-vous beaucoup d'affaires pour cette raison?
M. Levert : Le marché stagne depuis 10 ans, alors c'est difficile à dire. Ce que nous entendons sur le terrain, c'est ce que vous venez d'entendre. Lorsque nous allons voir notre client au Canada, il se plaint que les consommateurs canadiens vont toujours aux États-Unis pour acheter leurs produits. Dans les dernières années, nous avons vu apparaître des détaillants en ligne. Les gens achètent meilleur marché aux États-Unis, semble-t-il. C'est ce que nous entendons. La marchandise aux États-Unis est meilleur marché, qu'on achète auprès d'un détaillant en ligne ou d'un détaillant de l'autre côté de la frontière.
Le sénateur Runciman : Vous n'avez pas pris de mesures pour évaluer l'incidence réelle sur le plan des affaires manquées.
M. Levert : Non. Nous avons récemment entrepris une enquête pour savoir si un client américain qui vend nos produits en ligne vend sur le marché canadien. Nous venons tout juste d'entreprendre cette enquête.
Le sénateur Runciman : Madame Zajko, j'ai posé cette question aux témoins précédents, et il convient peut-être mieux de vous demander à vous, qui représentez Deloitte & Touche, de parler d'une analyse des répercussions nettes de l'élimination de ces tarifs et de la possibilité de le faire en mettant en relief l'augmentation des ventes au détail qui compenserait la perte éventuelle de recettes publiques. Est-ce qu'on a réalisé ce type d'études d'impact?
Mme Zajko : Je dirais que non, pas en détail, à tout le moins. Tout ce que nous avons fait, c'est de simplement regarder les différences de taux et à quoi pourraient équivaloir les recettes perdues proprement dites, mais c'est à peu près tout.
Le sénateur Runciman : C'est dommage. Cela aurait été utile pour étayer l'argument.
J'aimerais aborder quelque chose qui n'est pas dans votre mémoire, je crois, et c'est la surestimation de la valeur au moment de l'évaluation en douane.
Lorsque l'Agence des services frontaliers du Canada a besoin d'information pour établir le prix aux fins des droits de douane, est-ce qu'il y a ici des distinctions qui sont préoccupantes pour vous et votre organisation ou votre société?
Mme Zajko : Il y a quelques préoccupations liées à l'évaluation, particulièrement en ce qui concerne le Canada et les États-Unis. L'une tient au principe de la mise en vente, adopté par les États-Unis, qui permet, lorsqu'il y a des ventes à plusieurs niveaux dans le pays d'importation, de fonder la valeur en douane sur une vente antérieure et, par conséquent, d'utiliser un montant de base inférieur aux fins des droits et des taxes.
Le Canada a adopté des lois qui bloqueraient une telle évaluation, exigeant essentiellement l'établissement de la valeur par rapport à la vente à un acheteur au Canada. Au cours des dernières années, des décisions qui ont été rendues au détriment de l'administration douanière au Canada ont donné lieu à un type de planification visant à contourner cela. Toutefois, nous croyons savoir que l'ASFC cherche à modifier les règlements. Ainsi, les activités de planification que peuvent entreprendre les importateurs au Canada pour tenter d'atteindre la parité avec les États-Unis sont risquées, et rares sont les importateurs qui veulent se lancer — avec raison — parce que le changement s'en vient.
Le sénateur Runciman : Est-ce que cela s'inscrit dans le dialogue auquel se prêtent actuellement les États-Unis et le Canada au sujet de la simplification des règles et des activités à la frontière?
Mme Zajko : Je crois comprendre qu'il ne porte pas sur ce genre d'enjeux. Il est question d'établir la valeur en fonction d'une vente à un acheteur au Canada. Ce n'est pas négociable. Le dialogue vise plutôt des enjeux comme l'harmonisation des données préalables qui doivent être produites.
Le sénateur Runciman : Pouvez-vous nous donner un exemple ou deux de l'incidence que cela pourrait avoir sur des produits ou du matériel particuliers, comparativement au prix établi aux États-Unis?
Mme Zajko : Voulez-vous avoir un exemple chiffré?
Le sénateur Runciman : Ou un pourcentage. On vous a fait part de préoccupations à ce sujet, alors on doit vous donner certains détails en ce qui concerne l'incidence.
Mme Zajko : Pour ce qui est des chiffres, je ne suis pas certaine. L'affaire Ferragamo est l'une des principales causes au Canada. Ils ont eu gain de cause et ont pu établir le prix en fonction de la vente d'une entité italienne à une entité américaine, qui a ensuite conclu une vente avec son entité canadienne. Ainsi, la valeur était fondée non pas sur la vente à l'entité canadienne, mais sur la vente à l'entité américaine qui achetait de l'Italie. Toutefois, je ne suis pas certaine de l'écart sur le plan de la majoration ou du prix.
Le sénateur Runciman : Pourriez-vous nous faire parvenir des détails sur cette question? C'est quelque chose que nous voudrons peut-être intégrer à notre rapport final sur les incidences possibles.
Mme Zajko : Il y a aussi un écart, ou une différence dans la façon dont le Canada et les États-Unis gèrent la question de l'établissement de la valeur en particulier, et c'est sur le plan du redressement des prix de cession interne et des transactions avec des parties apparentées à la société. Au Canada, il y a une politique selon laquelle, lorsque je vends au Canada un bien à une partie apparentée à ma société à un prix donné, je dois, à la fin de l'exercice, après avoir mené mon analyse d'établissement des prix de cession interne pour calculer mes marges, revoir à la baisse le prix de cession interne. Le Canada interdit une telle révision de la valeur à l'importation. Par conséquent, vous laissez au gouvernement canadien des droits supplémentaires, en réalité, que vous avez versés au gouvernement canadien; vous n'obtenez pas de remboursement. Toutefois, si votre prix a été revu à la hausse, vous devez verser des droits supplémentaires.
Aux États-Unis, la loi contient une disposition semblable à celle du Canada, mais on a mis en place une politique permettant de déclarer tout rajustement — à la hausse ou à la baisse — du prix de cession interne.
Le sénateur Neufeld : Monsieur Levert, si on éliminait les taux tarifaires pour les casques, les patins à glace et à roues alignées et les coudières et genouillères et les jambières de gardien de but, est-ce que cela aurait pour effet de réduire le prix? Réduiriez-vous du même montant le prix que vous demandez aux détaillants? Pouvez-vous réellement nous dire que c'est exactement de ce montant que vous le réduiriez — nous avions des questions à ce sujet au bout du compte —, pour que les détaillants puissent vendre meilleur marché au consommateur? Pouvez-vous nous dire que votre société — parce que c'est le domaine dans lequel vous évoluez — retrancherait ce même montant?
M. Levert : Je crois qu'en fin de compte, ce sera le consommateur qui aura accès à un meilleur prix, à un produit plus abordable. Nous croyons qu'en ce moment, des joueurs délaissent le hockey parce que ce sport est trop onéreux.
Le sénateur Neufeld : Votre coût au détaillant sera-t-il réduit de 18 p. 100?
M. Levert : Cela dépend; oui.
Le sénateur Neufeld : D'accord. C'est inscrit au compte rendu. C'est fantastique.
Le sénateur Peterson : Pour ce qui est des droits et des tarifs, je crois que vous avez tous deux déclaré que le retrait ne nuirait pas aux fabricants canadiens. Le gouvernement du Canada appuie-t-il cette déclaration?
Mme Zajko : Le retrait ne serait pas nuisible s'il était sélectif. Nous avons proposé certains biens pour lesquels le retrait, selon nous, ne serait pas nuisible, compte tenu du niveau de fabrication, et nous avons recommandé une étude plus en profondeur et des consultations sur d'autres produits.
À ce chapitre, je crois que le gouvernement canadien devrait convenir du fait que l'industrie canadienne ne subirait pas de préjudice si on procédait de façon sélective.
Le sénateur Peterson : Vous dites qu'il devrait en convenir, mais l'avez-vous consulté? En convient-il ou pas?
Mme Zajko : Nous avons présenté des mémoires. Le dernier mémoire a été soumis au ministère des Finances, puis directement au ministre des Finances, lequel nous a orientés vers le comité.
Le sénateur Peterson : Avancez-vous que, si cela n'a pas d'incidence, il s'agit d'une ponction d'argent?
Mme Zajko : Je crois, tout simplement, que c'est parce que la dernière fois qu'on a déployé des efforts en vue d'examiner les tarifs et d'évaluer leur pertinence à la lumière de notre contexte manufacturier, c'était en 1993 et en 1998, si on ne tient pas compte des travaux des dernières années, qui portaient précisément sur les intrants manufacturiers et l'équipement industriel. Il n'y a aucune étude détaillée portant sur la pertinence continue des tarifs restants qui s'appliquent aux biens vendus au détail.
Le sénateur Peterson : C'est un peu comme la Loi de l'impôt sur le revenu : personne ne veut se jeter à l'eau et entreprendre de la moderniser.
Le sénateur Nancy Ruth : Lorsque le représentant du ministère des Finances est venu nous parler de commerce international, il a dit qu'il existait 8 200 catégories tarifaires et que chaque catégorie comportait 18 traitements tarifaires différents. Avez-vous une comparaison de ces catégories au Canada et aux États-Unis?
L'une des choses qu'il a ajoutées, c'est que les tarifs au Canada ne sont pas très différents de ceux qu'appliquent les États-Unis à nos biens. Par conséquent, si vous avez une liste qui compare les catégories, combien de ces catégories accusent une différence que vous considérez comme importante?
Mme Zajko : C'est une très bonne question, et j'espère que je ne commets pas d'indiscrétion en vous disant qu'aujourd'hui, nous devions nous entretenir avec des représentants de Canadian Tire, l'un de nos autres clients, sur cette question. Cette société a mené un examen, non pas de tous les 8 000 numéros tarifaires, mais de tous les UGS qu'ils importent au Canada; comme vous pouvez vous l'imaginer, il y en a une énorme quantité qui recoupe une grande proportion de ces numéros tarifaires.
L'étude internationale qu'elle devait présenter illustrait l'écart. On donnait des détails sur le montant versé aux États-Unis comparativement au montant versé au Canada selon la catégorie ordinaire du « taux de droits de la nation la plus favorisée ».
Si vous pensez que ce sera utile, je peux demander aux représentants de Canadian Tire de fournir des détails sur cette étude au comité.
Le sénateur Nancy Ruth : Je serais intéressée, car ces données ont rapport au commerce ainsi qu'à l'achat au Canada. Si nous faisons quelque chose, quelle sera l'incidence?
Le président : Nous sommes intéressés à obtenir les résultats de l'étude; si les représentants de Canadian Tire souhaitent se présenter devant le comité, nous serions ravis d'entendre leur témoignage.
Le sénateur Buth : Je veux revenir sur un point qu'a soulevé le sénateur Neufeld en ce qui concerne Reebok-CCM. Madame Zajko, vous avez mentionné qu'il y a eu une réduction tarifaire en 1993, qui a été rendue permanente en 1998. Avez-vous de l'information sur ce qu'il est advenu des prix de vente au détail, ou des renseignements permettant de déterminer si les économies ont été transmises aux consommateurs à la suite des réductions tarifaires?
Mme Zajko : Non.
M. Levert : Peut-être que je me trompe, mais je crois que Mme Brisebois a déclaré plus tôt que cette réduction avait eu des retombées positives.
Le sénateur Buth : Je me demande s'il y a des renseignements permettant de déterminer le pourcentage de la réduction selon le montant total du tarif.
Mme Zajko : Je peux certainement tenter de m'informer sur cette question. Je ne l'ai pas fait encore.
Le sénateur Buth : Cela nous aiderait, je crois.
J'ai une question rapide pour M. Levert. Vous continuez à produire des bâtons de hockey et des chandails. Vendez- vous aussi des chandails au Canada?
M. Levert : Oui.
Le sénateur Buth : Y a-t-il des tarifs sur les chandails et les bâtons de hockey que vous aimeriez protéger?
M. Levert : Protéger?
Le sénateur Buth : Pour protéger votre production au Canada. Est-ce que vous recommanderiez le maintien de certains tarifs?
M. Levert : Je dirais que non. La majorité des produits sont fabriqués en Asie. Nous fabriquons ici des produits très haut de gamme — des articles sur mesure pour les joueurs professionnels. Ainsi, il n'y aurait pas d'incidence sur la vente au détail si on éliminait les tarifs visant ces produits.
Le président : Je m'interroge sur l'analyse de l'incidence sur le prix à la consommation lorsque le tarif a été réduit il y a 20 ans.
Si vous pouviez nous dire que l'étude a été menée par le gouvernement — par le ministère des Finances —, cela serait utile. Si un cabinet comptable indépendant a mené l'analyse, nous serions très intéressés à comprendre l'incidence, comme l'a demandé le sénateur Neufeld. Pour que nous recommandions une réduction des tarifs, il faudrait que nous soyons assez certains que cela aura une incidence sur le prix à la consommation.
Mme Zajko : J'ose espérer qu'on a mené une analyse quelconque avant de rendre permanente la réduction qui avait initialement été adoptée temporairement, alors je vais me pencher là-dessus.
Le président : Je me souviens du travail du comité, il y a quelques années, concernant le projet de loi visant à rendre toutes ces réductions permanentes, mais je ne me rappelle pas être retourné en arrière afin de déterminer pourquoi on avait introduit des réductions temporaires. Nous n'avons jamais abordé les différents motifs, et il y en avait probablement plusieurs.
Mme Zajko : Oui.
Le sénateur Callbeck : Madame Zajko, à la page 2 de votre mémoire, vous dites que, pour la plupart des articles importés au Canada, les détaillants et les consommateurs paient des sommes considérables en frais d'importation, en droits et en taxes.
J'aimerais savoir ce que vous entendez par frais d'importation ici. Parlez-vous de l'établissement des prix par pays, comme l'a fait la représentante du Conseil canadien du commerce de détail ce matin, ou du transport, ou d'autre chose?
Mme Zajko : Non. Je parlais de façon plus générale des coûts liés à l'importation, qui ne comprennent pas seulement les tarifs et les taxes. Comme je l'ai mentionné, le continuum de conformité se complexifie, et j'entends par là les exigences relatives aux données commerciales préalables, conformément à l'Initiative relative à la sécurité des conteneurs. Tous les programmes liés à la sécurité et aux données commerciales préalables et au précontrôle par les autorités douanières obligent les différents intervenants dans la chaîne d'approvisionnement à assumer des coûts supplémentaires pour se conformer aux exigences touchant la production de données. Les différents intervenants dans la chaîne d'approvisionnement investissent dans l'automatisation — les systèmes —, dans des mécanismes permettant de fournir les bons renseignements aux bonnes parties, aux autorités douanières, afin de respecter les exigences que celles-ci imposent.
Dans une certaine mesure, le Canada accuse un retard — si je peux me permettre — par rapport aux États-Unis à cet égard. Nous faisons du rattrapage maintenant, et, au cours des deux ou trois dernières années, un grand nombre d'exigences qui exigent d'importants coûts ont fait surface.
Le sénateur Callbeck : Avez-vous la moindre idée de ce que les coûts d'importation dont vous parlez représentent par rapport au prix de détail? J'essaie seulement d'obtenir une idée de leur importance.
Mme Zajko : Pas précisément.
Le président : Si vous voulez vous pencher sur la question et nous informer des résultats de votre analyse approfondie, cela nous conviendrait aussi.
Mme Zajko : Bien sûr.
Le sénateur Callbeck : En ce qui concerne Reebok-CCM et les 40 p. 100 du grossiste — 30 p. 100 pour le détaillant —, j'ai toujours cru que le détaillant avait une marge brute supérieure à celle du grossiste. Est-ce vrai pour la plupart des biens?
M. Levert : Je crois, dans le domaine de l'équipement sportif, que oui.
Le sénateur Callbeck : Mais pas pour d'autres biens?
M. Levert : Je ne saurais dire. Je ne suis pas actif sur d'autres marchés. Je sais que, dans le domaine de l'équipement sportif, lorsque vous regardez les renseignements financiers accessibles au public, vous pourrez voir que c'est la fourchette habituelle, en gros. Dans le cas de Canadian Tire, à titre d'information, pour le public, la marge est d'environ 26 p. 100, et si on regarde Bauer dans notre industrie — qui est une société ouverte — la marge est d'environ 40 p. 100. Cela vous donnera une idée de la situation dans notre industrie. Nos chiffres sont semblables à ceux-là.
Le sénateur Marshall : Monsieur Levert, l'essentiel de la discussion ici portait sur les tarifs. Dites-vous que, si on élimine les tarifs et que le dollar canadien et le dollar américain sont à parité, il n'y aura aucune différence entre le prix américain et le prix canadien?
M. Levert : C'est difficile à dire, car il faut tenir compte du fret. Il y a d'autres conditions du marché qui peuvent différer entre le Canada et les États-Unis, mais nous espérons que cela refermera un peu l'écart.
Le sénateur Marshall : Qu'est-ce que vous entendez par le terme « conditions du marché »? Il y a le fret. Quoi d'autre?
M. Levert : Par exemple, il serait davantage question des difficultés qu'a connues l'économie américaine au cours des trois ou quatre dernières années comparativement au Canada. Nous n'avons pas observé de réduction sur le plan de la croissance, mais moins de gens achetaient du nouvel équipement.
Le sénateur Marshall : Il est possible que le prix américain soit inférieur au prix canadien dans ce cas?
M. Levert : C'est exact. Il faut aussi regarder le type de consommateur. Il y a plus de gros clients au Canada, avec Canadian Tire et le Groupe Forzani, alors qu'aux États-Unis, il y a plutôt davantage de magasins plus modestes; le marché y est plus fragmenté. Nous ne vendons pas à de grandes sociétés.
Le sénateur Marshall : L'harmonisation ou la réglementation est-elle un facteur en ce qui concerne vos produits? Le produit américain doit-il respecter certaines normes qui ne sont pas les mêmes pour le produit canadien?
M. Levert : Non. C'est pareil. Comme je l'ai dit plus tôt, nous achetons tout d'abord les produits de l'Asie, nous les importons dans notre entrepôt à Montréal, puis nous les vendons aux États-Unis. Le coût aux États-Unis est identique à celui du Canada. L'écart qu'on trouve au bout du compte est probablement causé par les conditions du marché, puis le tarif.
Le sénateur Neufeld : En réponse à une question du sénateur Callbeck, vous avez dit que la majoration pour les grossistes d'équipement sportif est de 40 p. 100, mais que, pour d'autres biens, cette majoration peut descendre jusqu'à 3 p. 100. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi, dans le cas de l'équipement sportif, la majoration s'élèverait jusqu'à 40 p. 100? J'ai trouvé cela intrigant lorsque j'ai vu les chiffres, mais je n'ai pas eu le temps de poser la question. Pourquoi est- ce 40 p. 100?
M. Levert : Pourquoi 40 p. 100? Premièrement, les bâtons de hockey exigent un plus gros investissement dans la recherche et le développement. Nous investissons de trois à quatre pour cent dans ce secteur — la conception et tout cela. Il y a un fort investissement dans la mise en marché. Voilà un facteur.
C'est surtout parce que le marché est plus fragmenté. Premièrement, le volume est moindre. Ensuite, le marché est plus fragmenté. Les grandes sociétés, comme Canadian Tire et Forzani, sont probablement l'exception; en général, les détaillants sont assez petits. Il faut un effectif de vente plus important. Il y a aussi l'approvisionnement.
Je ne peux pas établir de comparaison avec l'industrie automobile ou l'alimentation. Je ne connais pas exactement leur modèle. Si vous observez l'industrie de l'équipement sportif, c'est ce que vous verrez. Il y a des investissements importants dans la mise en marché et la commandite d'événements caritatifs comme la Classique hivernale de la LNH. Si vous prenez le Marathon de Vancouver, nous parrainons différentes activités, caritatives ou d'envergure, qui exigent tout un investissement.
Le sénateur Ringuette : Deloitte & Touche a-t-elle mené une étude comparative concernant les coûts de conformité que vous évoquiez plus tôt en réponse à la question du sénateur Callbeck sur le Canada et les États-Unis?
Mme Zajko : Une étude proprement dite? Non.
Le sénateur Ringuette : Il semble que vous ayez mis en lumière ce coût d'importation dans votre déclaration et que, lorsque le sénateur Callbeck vous a questionnée, vous avez parlé du coût de la conformité au Canada et aux États- Unis. Par conséquent, vous semblez dire qu'il s'agit d'un facteur important. Je me demandais si vous aviez comparé ces coûts au Canada et aux États-Unis.
Mme Zajko : C'est plutôt tiré de mon expérience avec les clients, et en tant que membre d'IE Canada...
Le sénateur Ringuette : Le ministère des Finances ne vous a pas posé de questions à ce sujet?
Mme Zajko : Non.
Le président : Malheureusement, cela conclut la séance. Nous avons appris beaucoup de choses intéressantes, et nous sommes heureux de vous avoir eus ici pour nous aider à comprendre le marché et les différents facteurs qui influent sur l'établissement des prix.
Chers collègues, en votre nom, j'aimerais remercier la représentante de Deloitte & Touche, Lisa Zajko, et le représentant de Reebok-CCM Hockey, Eric Levert. Merci beaucoup d'être venus.
C'est la fin de la séance. Nous nous réunirons de nouveau demain soir et accueillerons l'Association des fabricants internationaux d'automobiles, seul groupe de fabricants automobiles que nous accueillons.
(La séance est levée.)