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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule 25 - Témoignages du 16 octobre 2012


OTTAWA, le mardi 16 octobre 2012

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour étudier le projet de loi S-205, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (crédit d'impôt pour compensation de carbone).

Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, ce matin nous continuons notre étude du projet de loi S-205, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (crédit d'impôt pour compensation de carbone).

[Traduction]

Le projet de loi S-205 vise à modifier la Loi de l'impôt sur le revenu pour offrir un crédit d'impôt non remboursable pour l'achat de crédits compensatoires de carbone.

Nous entendrons tout d'abord le témoignage des représentants d'Environnement Canada. Nous sommes heureux d'accueillir M. John Moffet, directeur général, Affaires législatives et réglementaires. Il est accompagné de Mme Kerri Henry, chef des politiques de crédits compensatoires.

Merci à vous deux d'être des nôtres. Je crois savoir que M. Moffet fera une déclaration liminaire, après quoi nous tiendrons une discussion. Vous avez la parole, monsieur.

John Moffet, directeur général, Affaires législatives et réglementaires, Environnement Canada : Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. Je suis heureux d'être ici en compagnie de ma collègue. Je vais faire quelques remarques d'ordre général au sujet des crédits compensatoires des gaz à effet de serre, puis je me ferai un plaisir de répondre à vos questions afin de vous aider dans votre étude du projet de loi présenté par le sénateur Mitchell.

Comme le sénateur Mitchell l'a expliqué, les systèmes de crédits compensatoires des gaz à effet de serre, ou GES, sont un moyen d'encourager la réduction des émissions, qui ne se ferait pas autrement.

On compte de nombreux systèmes de crédits compensatoires des gaz à effet de serre dans le monde et chacun d'eux est assorti de ses propres règles qu'il faut suivre pour générer un crédit compensatoire.

Certains de ces systèmes doivent être utilisés dans le cadre d'un régime de réglementation qui exige une réduction des émissions. Dans ce contexte, les crédits compensatoires peuvent faire baisser les coûts d'observation des entités réglementées en leur donnant accès à des réductions d'émissions qui coûtent moins cher que si elles payaient pour réduire leurs propres émissions. Ce type de crédits compensatoires peut également être une option stratégique efficace pour encourager la réduction des émissions dans des secteurs difficiles à réglementer sur le plan administratif. De façon générale, la réglementation aux termes de laquelle l'entité doit réduire les émissions serait également l'instrument légal qui énonce les types de crédits compensatoires pouvant être utilisés à des fins de conformité. Dans bien des cas, la réglementation énoncerait, par exemple, pour quelles obligations en matière de réduction les crédits compensatoires peuvent servir.

D'autres systèmes de crédits compensatoires constituent un marché volontaire qui n'impose aucune obligation réglementaire. Ces systèmes sont destinés aux particuliers et aux organismes qui veulent, sur une base volontaire, réduire les émissions de gaz à effet de serre associées à leurs activités. Je crois que dans son témoignage, le sénateur Mitchell a donné l'exemple des compagnies aériennes, dont certaines offrent à leurs passagers la possibilité de compenser les émissions liées à leur vol. C'est sur une base strictement volontaire dans un marché non réglementé.

Bien que les systèmes varient quelque peu, la caractéristique première de tout crédit compensatoire des gaz à effet de serre devrait être qu'il réduit les émissions de gaz ou augmente la séquestration du carbone à plus grande échelle que si cette mesure incitative n'existait pas. Autrement dit, personne ne devrait pouvoir acheter un crédit compensatoire parce qu'il fait quelque chose qu'il aurait fait dans le cours normal de ses activités ou parce qu'une autre mesure l'incite à le faire.

Toutefois, dans la pratique, la rigueur des règles et de la surveillance pour veiller à l'observation de ces règles varie d'un système de crédits compensatoires à un autre.

De même, les prix des crédits compensatoires peuvent varier considérablement, car ils dépendent des forces du marché. Ils incluent, d'une part, le coût de la création du crédit et, d'autre part, la demande des consommateurs pour avoir les crédits et, plus important, les attentes des consommateurs quant à savoir si le crédit compensatoire réduit réellement les émissions — ce pour quoi je paie — et si le crédit sera accepté par les régimes de réglementation existants et futurs.

Je vais conclure sur bref un aperçu des crédits compensatoires des gaz à effet de serre. Ma collègue et moi-même nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur Moffet. Vous avez donné l'exemple d'un passager de lignes aériennes qui souhaite compenser les gaz à effet de serre qu'il générerait indirectement en prenant l'avion. Pourriez-vous fournir plus de détails pour que nous puissions tous comprendre comment le système fonctionnerait, où l'exploitant de la ligne aérienne me donne la possibilité de compenser les répercussions de mon déplacement?

M. Moffet : Comme je l'ai expliqué, il existe deux grands marchés pour les crédits compensatoires. Dans certains pays, une réglementation oblige les installations à réduire leurs émissions. Dans d'autres, la réglementation permet aux entreprises réglementées de s'acquitter en partie ou en totalité de l'obligation de réduire leurs émissions en achetant des crédits compensatoires. Elles ne réduisent pas leurs propres émissions. Elles achètent un crédit compensatoire d'un tiers pour générer cette réduction. C'est un système de réglementation qui utilise des crédits compensatoires. Il y a également un marché volontaire. L'exemple que vous avez cité fait partie du marché volontaire.

Au Canada, ce marché est non réglementé. Si une compagnie aérienne dit qu'elle peut vous offrir un service qui vous permettrait de compenser les émissions associées à votre vol, elle a essentiellement conclu une entente avec un fournisseur de crédits compensatoires — ce qui peut être un grand nombre d'organismes, à but lucratif ou sans but lucratif — qui mène des projets soit pour réduire les émissions, soit pour augmenter la séquestration. Autrement dit, si vous plantez un arbre, vous augmentez la quantité de carbone qui sera séquestré. Ce carbone ne sera pas libéré dans l'atmosphère et sera emmagasiné dans l'arbre.

L'entreprise a conclu une entente et a versé à un tiers un montant fixe par tonne, puis vous offre ce crédit. Elle vous expliquera que la distance de votre trajet équivaut à tant de tonnes et que pour compenser les émissions produites par le vol, vous devez acheter quatre crédits pour telle somme. C'est une transaction sur le marché privé non réglementé, ce qui signifie que l'entente a été conclue avec un fournisseur de crédits compensatoires. Ce fournisseur pourrait être un grand nombre d'organismes différents. Comme je l'ai expliqué, au Canada, ces organismes ne sont pas réglementés quant aux normes qu'ils doivent respecter pour démontrer qu'ils ont bel et bien réduit les émissions ou augmenté la séquestration.

Le président : Y a-t-il des organismes indépendants à but non lucratif qui créent la norme? En tant qu'acheteur d'un billet d'avion qui verse une somme supplémentaire à la compagnie aérienne, comment puis-je savoir si cet argent est réellement utilisé pour réduire les gaz à effet de serre?

M. Moffet : Le marché des crédits volontaires évolue. Il est relativement jeune. Il y a de nouvelles normes, en partie, qui ont été codifiées à l'échelle internationale à titre de pratiques exemplaires. Il y a également un nouveau marché dans lequel les normes que les différents fournisseurs utilisent commencent à être plus comparables à ce qu'elles étaient au début parce que les pratiques exemplaires évoluent.

Disons que c'est Air Canada. Elle aurait le choix de faire appel à n'importe quel fournisseur. Comme dans n'importe quelle transaction commerciale, elle peut s'adresser à un fournisseur fiable ou à un fournisseur moins fiable. En tant que consommateur, vous devez faire confiance à Air Canada lorsqu'elle vous dit qu'un crédit correspond à une réduction. Vous devez vous fier à ce qu'elle ait fait preuve de diligence raisonnable et sélectionné un fournisseur légitime qui réduit les émissions ou augmente la séquestration.

Pour l'instant, il y a, d'une part, le marché qui se surveille lui-même et, d'autre part, le gouvernement qui surveille ces transactions.

Le président : Madame Henry, voulez-vous ajouter quelque chose?

Kerri Henry, chef, Politiques de crédits compensatoires, Environnement Canada : Non.

Le président : Quelques sénateurs aimeraient discuter avec vous. Je vais commencer par le parrain du projet de loi, le sénateur Mitchell, de l'Alberta.

Le sénateur Mitchell : Merci, monsieur le président. Je vous remercie de souligner que c'est mon projet de loi. Je tiens à dire aux témoins que je ne prendrai aucune de leurs réponses comme une attaque personnelle, et je les remercie de leur déclaration liminaire.

Je trouve que vous avez très bien expliqué le fonctionnement et l'application des crédits compensatoires. C'est un concept difficile à comprendre, car il est abstrait. Cependant, ils offrent vraiment un mécanisme axé sur le marché pour réduire les émissions de carbone le plus efficacement possible.

Était-ce votre groupe qui a travaillé au petit projet du gouvernement visant à acheter des crédits — pour 225 000 $, je pense — pour compenser les émissions de gaz à effet de serre produites pendant les Jeux olympiques?

M. Moffet : Oui.

Le sénateur Mitchell : Pourriez-vous nous décrire les étapes que vous avez suivies pour vous assurer que les crédits étaient réels et que le gouvernement du Canada ne gaspillait pas 226 000 $ — car nous savons que le gouvernement ne voudrait pas gaspiller cet argent — pour acheter ces crédits afin de réduire les émissions de carbone et de gaz à effet de serre?

M. Moffet : La réponse courte à votre question, c'est que le gouvernement s'en est remis à Mme Henry, mais je vais vous décrire le processus que nous avons suivi.

Mme Henry : Avant les Jeux d'hiver, nous avons établi l'approche en matière de réduction des émissions que nous voulions adopter et l'avons comparée à celle du COVAN, le Comité olympique de Vancouver. Ce dernier voulait des jeux écologiques et a donc fixé un ensemble d'étapes dans lesquelles il expliquait comment réduire les émissions, pour commencer, ce qui ne pouvait être utilisé pour compenser les émissions et ce qui devait être quantifié.

Après les jeux, nous avons recueilli l'information et quantifié les émissions produites par le gouvernement du Canada. Ce calcul comprenait les émissions liées aux déplacements des employés gouvernementaux, à l'hébergement, et plus particulièrement à la sécurité et au relais de la flamme.

Nous avons fait des calculs scientifiques pour déterminer la quantité d'émissions dont nous étions responsables et que notre participation aux jeux avait produites. Nous avons par la suite préparé une demande de propositions dans laquelle nous avons énoncé les critères à respecter. Ces critères étaient semblables à ceux que l'on utilise dans bien des systèmes : les réductions doivent être réelles et quantifiables; elles doivent pouvoir être vérifiées par un tiers; elles ne doivent être utilisées qu'une seule fois — dans ce cas-ci, par nous —, elles doivent être effectuées au Canada; elles doivent être complémentaires, c'est-à-dire qu'il s'agit d'activités de réduction et de séquestration qui n'auraient pas eu lieu sans l'argent que nous dépensons. Nous avions défini ces critères ainsi que la période pendant laquelle les émissions auraient pu avoir lieu; autrement dit, les émissions devaient dépasser la limite légale requise, au-delà des autres incitatifs possibles et des activités régulières.

Nous avons établi ces critères dans les demandes de propositions et reçu des soumissions. Nous les avons évaluées en fonction des six critères pour déterminer si elles les respectaient tous. Nous avons évalué les soumissions qui ont été acceptées en fonction de leur valeur, et nous avons sélectionné un soumissionnaire.

Le sénateur Mitchell : Quel était le prix par tonne?

Mme Henry : Il était de 14 $ la tonne.

Le sénateur Mitchell : Aux termes de ce projet de loi, si le prix du marché était de 15 $ la tonne et que le gouvernement remboursait 15 p. 100, plutôt que 14 p. 100 directement dans ce cas-ci — tous des crédits gouvernementaux —, on n'aurait qu'à dépenser environ 2,25 $ pour obtenir la même réduction. Enfin, c'est ce que j'en déduis. Par conséquent, si l'on passe par ce mécanisme fiscal pour amener les Canadiens à investir et que le gouvernement ne rembourse que 15 p. 100, il aurait été beaucoup moins coûteux d'acheter les crédits directement du gouvernement. Cette façon de faire semble efficace, n'est-ce pas?

M. Moffet : Je ne sais pas si nous devrions nous prononcer là-dessus. Je peux peut-être expliquer un peu plus en détail quelques-unes de ces observations. J'ai mentionné que les normes évoluent sur le marché. Ce sont des critères typiques. La rigueur qu'applique un système à l'un de ces critères peut varier considérablement. Toutefois, en ce qui concerne ces critères généraux, il faut une réduction réelle. Le crédit ne peut être utilisé qu'une seule fois. Il doit être complémentaire, et c'est l'argument que j'ai fait valoir. La réduction doit être plus importante que ce que vous auriez fait normalement. Ce sont des critères standards; c'est pourquoi nous les utilisons.

Nous avons toutefois eu plusieurs soumissionnaires. Je dois dire que nous ne les avons pas tous jugés satisfaisants. Ils peuvent avoir satisfait un autre participant sur le marché volontaire, mais nous avons fixé une norme relativement élevée et avons par conséquent payé les 15 $.

Nous pourrions payer moins si nous utilisions une norme moins rigoureuse. Les prix correspondent à ce que vous achetez; on en a pour son argent.

Le sénateur Mitchell : Il est intéressant que vous disiez « également » parce que l'une des préoccupations qu'au moins un sénateur a exprimée à la réunion précédente, c'est que ces crédits pourraient être revendus à plusieurs reprises, ce qui serait de l'abus. Toutefois, vous dites qu'ils peuvent être structurés de manière à ne pouvoir être vendus qu'une seule fois — il ne faut pas qu'il y ait nécessairement une valeur de revente, n'est-ce pas?

M. Moffet : Il y a deux réponses à cette question. Premièrement, en ce qui concerne l'application de la réglementation, une règle pourrait être mise en place, mais ce n'est pas vraiment ce que je voulais dire. Quand j'ai parlé de crédit unique, je ne faisais pas allusion à la revente multiple. C'est le fait qu'on l'utilise à plus d'une fin.

Admettons que je génère le crédit, puis que Mme Henry me l'achète, puis décide qu'elle n'en a pas besoin. Toutefois, étant donné que vous le voulez, vous l'achetez, sénateur Mitchell. Vous l'utilisez ensuite pour être conforme à la réglementation. C'est correct. Il est encore unique, car il n'a été utilisé qu'à une seule fin. Ce qui ne serait pas unique, c'est si vous l'utilisiez et le vendiez ensuite à votre collègue, le sénateur Callbeck, qui l'utiliserait également pour respecter la réglementation. La même tonne serait alors utilisée à diverses fins.

Le sénateur Mitchell : Toutefois, si le marché était réglementé, vous pourriez prévenir cette utilisation abusive.

M. Moffet : Dans un marché réglementé, on pourrait assurément prévenir cela.

Le sénateur Mitchell : Je pense que c'est vous, monsieur Moffet, qui avez préparé ce document à l'époque où le gouvernement s'était engagé à instaurer un système de plafonnement et d'échange, qui requiert des crédits compensatoires. C'était en mars 2008.

Pourriez-vous nous décrire brièvement en quoi il consiste et la mesure dans laquelle le gouvernement et votre ministère s'étaient préparés en vue de créer un marché du carbone et répondre aux questions que les gens se posaient à propos des crédits compensatoires, afin de pouvoir mettre en œuvre un système de plafonnement et d'échange? En fait, les conservateurs avaient promis d'adopter cette politique pendant la campagne électorale.

M. Moffet : Le document auquel vous faites allusion est une ébauche qui décrit la façon dont le système de crédits compensatoires aurait fonctionné. En 2007, le gouvernement a proposé un régime de réglementation visant à réduire les gaz à effet de serre. Les règlements de ce régime auraient permis aux entités réglementées de se décharger d'une partie de leurs obligations en achetant et en présentant au gouvernement des crédits compensatoires. Ensuite, la question était de savoir ce qui constituait un crédit compensatoire à des fins de conformité. Le document visait à établir la façon dont ce système fonctionnerait.

Le système proposé par Environnement Canada, dans ce document, était conçu pour respecter une norme établie à l'échelle internationale, l'ISO 14064, qui s'applique aux systèmes de crédits compensatoires pour les gaz à effet de serre.

Selon le système proposé, Environnement Canada était censé être responsable du programme au début, puis nous planifiions d'observer la façon dont il évoluerait. L'organisme responsable du programme aurait accordé des crédits compensatoires aux promoteurs de projets qui, dans le cadre de leurs projets, auraient réalisé des réductions ou des suppressions de gaz à effet de serre admissibles. Pour être admissible, le projet devait remplir les sept critères stipulés dans les règlements proposés. Ils sont à peu près pareils à ceux que nous avons appliqués au COVAN et que nous venons de vous décrire. Le projet devait se dérouler au Canada. Des crédits étaient accordés seulement si les réductions n'avaient pas été réalisées autrement, et celles-ci devaient être un peu uniques en leur genre.

Puis nous avions prévu cinq principaux stades de développement d'un projet. Voici comment le système aurait fonctionné. Premièrement, nous souhaitions établir des règles, que nous appelions des méthodologies de quantification, qui s'appliqueraient à un certain type de projets, et non à un projet en particulier. Prenons le captage du méthane à un site d'enfouissement, qui est un exemple d'endroit qui produit, bien entendu, du méthane. Nous voulions établir un ensemble de règlements uniformes qui s'appliquerait à n'importe quel projet de captage de gaz à un site d'enfouissement.

Nous leur avons dit : « Voici nos critères. Vous pouvez venir nous montrer les résultats que vous avez obtenus à l'aide de la méthodologie de quantification proposée, et nous vous indiquerons si vos réductions sont suffisantes et si votre projet répond à nos critères. » Auparavant, notre concepteur de méthodologies aurait créé une méthodologie de quantification adaptée à ce genre de projets et nous l'aurait présentée. Nous l'aurions examinée et, avec un peu de chance, nous l'aurions approuvée.

Par la suite, nous aurions eu une méthodologie de quantification qui aurait établi les règles que devait suivre tout exploitant de site d'enfouissement qui souhaitait générer des crédits compensatoires. Toute personne désirant obtenir des crédits pour ce genre de projet aurait présenté une demande d'enregistrement du projet et se serait engagée à adopter la méthodologie déjà approuvée. Imaginons que vous travaillez pour une municipalité et que vous exploitez un site d'enfouissement. Vous connaissez maintenant la teneur des règles de quantification. Par conséquent, vous présentez une proposition dans laquelle vous démontrez que vous allez entreprendre un projet qui entraînera une réduction des émissions supérieure à celle qui aurait été enregistrée si vous n'aviez pas amorcé ce projet. Vous vous servez de la méthodologie de quantification pour démontrer ces réductions supplémentaires, les contrôler et les présenter en vue d'obtenir des crédits.

Ensuite, vous mettez en œuvre le projet et, avec un peu de chance, vous réduisez un peu les émissions de gaz à effet de serre. Vous devez ensuite embaucher un organisme de vérification agréé — nous aurions évidemment établi au préalable quelques critères que ces organismes devaient remplir pour pouvoir procéder à ces vérifications — et présenter vos réductions vérifiées, afin que nous vous accordions des crédits pour les réductions ayant fait l'objet d'une vérification et répondant aux critères.

Vous auriez disposé alors de crédits que vous auriez pu utiliser vous-même ou vendre à quelqu'un d'autre. C'est le marché qui aurait déterminé comment vous les auriez vendus. L'évolution du marché aurait déterminé si ces transactions auraient été effectuées bilatéralement ou si elles auraient été prises en charge par une bourse. Si le marché était demeuré restreint, il est probable que les bourses ne seraient pas intervenues. Toutefois, si le marché et les transactions avaient pris de l'ampleur et que, vraisemblablement, il y avait eu des profits à réaliser, des courtiers, des revendeurs et des bourses seraient peut-être entrés en jeu. Nous avions l'intention de laisser le marché entièrement libre de gérer la situation. Notre travail consistait à déterminer si un crédit pouvait être accordé.

Les règlements de ce système, comme les règlements de la plupart des systèmes conçus pour faire respecter la réglementation, auraient stipulé les conditions d'utilisation des crédits compensatoires à des fins de conformité. Nous nous serions assurés que seuls les gens qui engendraient vraiment des réductions supplémentaires obtenaient des crédits. De plus, la réglementation aurait indiqué qu'une entité réglementée pouvait utiliser chaque crédit seulement une fois et uniquement pour se décharger de tel ou tel pourcentage de ses obligations en matière de conformité.

Comme je l'ai déjà mentionné, la responsabilité de gérer la vente et l'acquisition de ces crédits aurait incombé au secteur privé.

Le président : Merci, monsieur Moffet. Cela nous donne une bonne idée de l'ensemble du système. Peut-être que les prochaines questions porteront plus précisément sur le projet de loi.

Le sénateur Buth : Je vous remercie beaucoup d'être venu et de nous avoir donné une explication détaillée.

Je tiens à revenir sur le projet de loi S-205, parce que nous nous sommes réunis dans le but de l'examiner. Pourriez- vous formuler des observations au sujet des trois critères qui, selon vos dires, devraient être appliqués relativement à ce projet de loi? Selon vous, ce projet de loi réduira-t-il vraiment les émissions de dioxyde de carbone, garantira-t-il une utilisation unique des crédits et des réductions supplémentaires? Je me réfère précisément au projet de loi.

M. Moffet : Bien sûr. J'examine le projet de loi en ce moment et, selon moi, voici comment il fonctionnerait. Il autoriserait le ministre à approuver des projets, en tenant compte des critères prescrits, et à désigner des fournisseurs de crédits compensatoires. Je pense que la réponse à votre question est que les résultats seront tributaires des détails, et ces détails ne figurent pas dans le projet de loi.

Il est concevable de répondre à votre question par l'affirmative ou la négative. Est-ce que les critères prescrits exigeront que le projet génère seulement de véritables réductions supplémentaires? C'est tout à fait concevable. C'est à espérer, mais je ne peux pas répondre à la question parce que je ne connais pas les critères qui seront utilisés.

Le sénateur Buth : Le projet de loi n'est pas assez détaillé pour vous permettre d'évaluer cet aspect?

M. Moffet : Non, mais le projet de loi indique qui a le pouvoir d'établir ces critères. Par conséquent, il est concevable que le projet de loi engendre les résultats mentionnés.

Le sénateur Buth : Pouvez-vous évaluer les coûts liés à l'octroi de ces crédits?

M. Moffet : Peut-être pourrais-je vous demander de préciser davantage votre question. Les coûts assumés par qui?

Le sénateur Buth : Avant d'approuver tout type de mesure législative, nous devons examiner ses coûts. Combien cette mesure législative coûtera-t-elle? Quels seront ses coûts administratifs? Il faudrait que vous effectuiez une analyse de rentabilisation.

Le président : Nous devons faire attention à la façon dont nous utilisons le mot « crédit » en ce moment, parce qu'il a deux sens dans le projet de loi. Il y a le crédit d'impôt et le crédit compensatoire. Nous pourrions peut-être préciser le sens que nous donnons au mot lorsque nous l'employons dans une question.

M. Moffet : Cela m'a préoccupé hier soir. Je ne critiquais pas le projet de loi; je craignais simplement de me mettre à parler d'un trop grand nombre de crédits différents.

Je tiens à faire attention à la façon dont je réponds à votre question parce que, selon moi, il est probablement approprié d'envisager divers coûts lorsqu'on examine un système de crédits compensatoires. Il y a les coûts que le marché assume pour générer les crédits. Il me semble que certains critères seront établis en vertu du projet de loi. Ensuite, le marché répondra à la demande, quelle qu'elle soit, qui sera créée par les crédits d'impôt. Vraisemblablement, les forces du marché, la demande, détermineront l'importance de l'offre, et cela aura une incidence sur les prix. Certains projets iront de l'avant parce qu'ils seront en mesure de générer des crédits au prix que chaque contribuable est disposé à payer. J'ignore totalement à combien se chiffrera ce prix, bien que nous puissions déjà observer cette dynamique sur le marché volontaire du carbone. Le sénateur Mitchell vous a donné quelques exemples des prix qui sont payés sur le marché volontaire. À l'extrémité supérieure de la fourchette des prix, nous avons remarqué que le gouvernement avait déboursé de 14 à 15 $ par crédit, pour des crédits très solides. Nous savons que des crédits de cette valeur et de moindre valeur sont générés.

Dans l'autre camp, le gouvernement assume deux coûts. L'un d'eux est ce qu'il en coûte au ministre pour approuver des projets compensatoires et pour désigner des fournisseurs de crédits compensatoires. Un système devra être mis sur pied afin qu'on puisse déclarer qu'un certain projet est en mesure de générer des crédits compensatoires, qui peuvent être achetés et que les contribuables peuvent utiliser, à leur tour, pour demander un crédit d'impôt.

L'établissement de ce système occasionnera des coûts qui pourraient fluctuer énormément, en fonction du nombre de personnes qui tireront parti de la mesure incitative qui sera établie; y aura-t-il beaucoup ou peu de transactions? Le gouvernement devra investir une somme d'argent minimale pour déterminer si les crédits sont valides.

Le deuxième coût que le gouvernement devra assumer sera probablement assez modeste. Je laisse mes collègues du ministère des Finances et de Revenu Canada formuler des observations à propos de l'administration des crédits d'impôt, parce que ce système de crédits d'impôt sera nouveau. Je présume que les coûts occasionnés par la mise en œuvre du nouveau système seront relativement faibles. Il existe déjà une multitude de crédits d'impôt, et celui-là n'en serait qu'un de plus. Selon moi, ils compteront surtout sur l'organisme gouvernemental, quel qu'il soit, qui se verra confier la tâche de désigner les crédits compensatoires admissibles.

Le sénateur Buth : Il me semble que ce système ne serait pas très simple, que l'établissement d'un programme comme celui-là entraînerait beaucoup de travail administratif.

M. Moffet : Il faudrait qu'on établisse des règles. En ce qui concerne la détermination et la désignation des projets compensatoires qui répondent aux critères prescrits, nous bénéficierions de diverses options. Comme je l'ai mentionné, de nombreux systèmes compensatoires existent déjà. À une extrémité du spectre, le gouvernement pourrait déclarer ce qui suit — et j'improvise en ce moment : « Nous savons que 24 systèmes compensatoires exercent leurs activités ou vendent des crédits au Canada. Les 12 suivants sont acceptables », et tous les crédits que ces systèmes génèrent sont admissibles. Pour ce faire, il faudrait prendre certaines mesures requises et déterminer les systèmes qui répondent aux critères. Ensuite, vous compteriez complètement sur ces systèmes.

À l'autre extrémité du spectre, le gouvernement pourrait décider de tout gérer à l'interne, ou il pourrait trouver un compromis entre ces deux solutions. Je ne vais pas vous indiquer la meilleure approche mais, manifestement, les coûts occasionnés varieraient énormément en fonction de l'approche adoptée.

Le sénateur Buth : Cependant, le projet de loi S-205 n'indique nullement la façon dont ce processus serait géré?

M. Moffet : Pas à ma connaissance.

Le sénateur Callbeck : Je vous remercie beaucoup d'être venu. Vous venez de nous exposer le contenu du rapport de 2008, intitulé Le Système canadien de crédits compensatoires pour les gaz à effet de serre, et ce qu'il proposait. Je crois comprendre que le gouvernement a mis le système complètement au rancart. J'aimerais que vous me disiez ce qu'on lui reprochait principalement et les raisons pour lesquelles le gouvernement ne l'a pas mené à bien.

M. Moffet : Assurément pour diverses raisons qu'on ne m'a pas communiquées. Toutefois, la principale raison que le gouvernement a évoquée était que cette approche en matière de réduction des gaz à effet de serre se fondait essentiellement sur son intention d'harmoniser l'approche du Canada avec celle des États-Unis, compte tenu du caractère intégré de l'économie. À l'époque où le gouvernement a élaboré le plan qui comprenait le système de crédits compensatoires, les États-Unis parlaient, bien entendu, d'établir un genre de système de plafonnement et d'échange. Quelques projets de loi avaient été présentés au Sénat et à la Chambre. Le président parlait favorablement d'un système de plafonnement et d'échange. Le gouvernement du Canada s'était, à son tour, engagé à en élaborer un qui cadrerait, en fin de compte, avec celui mis au point aux États-Unis.

Lorsque les États-Unis ont abandonné l'idée de créer un système de plafonnement et d'échange, le gouvernement du Canada a, de même, annoncé qu'il n'élaborerait plus un système de plafonnement et d'échange et qu'il mettrait plutôt au point une approche semblable à celle que les États-Unis développent en ce moment, c'est-à-dire la définition d'un cadre réglementaire sectoriel, et c'est ce que notre gouvernement fait maintenant.

Lorsque le gouvernement a abandonné le système de plafonnement et d'échange, il a également jeté au rebut le système de crédits compensatoires qui le composait. Dans le cadre de son élaboration des règlements sectoriels, le gouvernement se penche encore sur les secteurs qui seront touchés, sur les normes qui seront imposées dans chaque secteur et sur les options de conformité que ces règlements prévoiront, y compris l'intégration éventuelle de n'importe quelle sorte de système compensatoire, et cette décision politique a été prise.

Le sénateur Callbeck : Le projet de loi S-205 dont nous sommes saisis aujourd'hui prévoit des crédits d'impôt. Le rapport de 2008 ne fait pas état de tels crédits. Avaient-ils été pris en considération à l'époque? Sinon, l'ont-ils été depuis?

M. Moffet : Le système que le gouvernement avait suggéré dans le cadre du système de plafonnement et d'échange proposé ne comportait pas de crédit d'impôt, parce que le système de crédits compensatoires visait uniquement à faire respecter la réglementation. Je reprends le concept d'utilisation unique. Nous n'avions pas l'intention de créer un système qui permettrait aux entreprises de tirer deux avantages des crédits compensatoires générés. Par conséquent, le crédit que nous allions approuver dans le cadre de ce système allait servir exclusivement à assurer la conformité. C'était le seul but du système que nous avions conçu. Nous n'axions pas nos efforts sur le marché volontaire ou sur la création de mesures incitatives à son intention. Aucune décision n'avait été prise concernant la pertinence de mettre en œuvre d'autres mesures incitatives destinées au marché volontaire. Le système décrit dans ce document visait exclusivement à faire respecter la réglementation.

Le sénateur Callbeck : Le ministère a-t-il pris en considération les crédits du marché volontaire?

M. Moffet : Jusqu'à maintenant, Environnement Canada n'a pris aucune position de principe à l'égard du marché volontaire.

Le sénateur Callbeck : Toutefois, le ministère s'est penché sur la question, n'est-ce pas? Vous n'avez pas pris de décision, mais vous en avez discuté.

M. Moffet : Je crois qu'il est juste de dire que les fonctionnaires en ont parlé. Je n'ai connaissance d'aucune discussion politique et, par conséquent, d'aucune décision politique pour ou contre cette notion ou même la question de savoir s'il faut accorder des incitatifs supplémentaires au marché volontaire.

Le sénateur Callbeck : On a fait mention de l'achat de crédits compensatoires par le gouvernement pour les Jeux olympiques à Vancouver ainsi que pour les athlètes olympiques qui sont allés à Londres. Le gouvernement a-t-il pris une telle mesure dans le cadre d'autres événements?

M. Moffet : En 2008, le gouvernement a parrainé une réunion de La Francophonie, un collectif de pays francophones qui se réunissent régulièrement. En 2008, la réunion a eu lieu au Canada, et le gouvernement du Canada a compensé les émissions liées à sa participation.

Le sénateur Ringuette : Comment s'y est-il pris?

M. Moffet : Le gouvernement a utilisé un processus semblable à celui qu'on vient de décrire pour la compensation du COVAN. D'abord, on a évalué les émissions associées à la réunion; ensuite, on a établi des critères semblables à ceux utilisés pour le COVAN; puis, on a lancé un appel d'offres auprès de fournisseurs aptes à remplir ces critères, après quoi on a sélectionné le soumissionnaire gagnant; enfin, on a acquis les crédits et on les a utilisés pour compenser les émissions. C'était donc un processus similaire.

Le sénateur Callbeck : Pourquoi le gouvernement a-t-il pris cette mesure uniquement pour ces trois événements?

M. Moffet : Je ne pense pas pouvoir me prononcer sur les décisions du gouvernement quant aux activités qu'il choisit de compenser.

Le sénateur Callbeck : Lorsque le premier ministre se rend à l'étranger — ainsi que les ministres, et cetera —, y a-t-il des émissions de carbone? Les compense-t-on?

M. Moffet : Désolé; la question est-elle de savoir si le gouvernement compense ces émissions?

Le sénateur Callbeck : Oui.

M. Moffet : Pas à ma connaissance. Je dois souligner que c'est d'après ce que j'en sais — notre groupe n'a participé à aucune de ces activités.

Le sénateur Callbeck : Ce sont les seuls trois cas dont vous êtes au courant, incluant les deux Jeux olympiques?

M. Moffet : Oui : les Jeux paralympiques, les Jeux olympiques d'hiver et la Francophonie. Par ailleurs, dans le cadre de la Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, on organise des réunions tous les ans. Dans certains cas, lorsque le gouvernement actuel a assisté à la réunion, les responsables gouvernementaux étaient accompagnés, par exemple, d'un groupe de conseillers, d'universitaires, d'experts du secteur privé et d'Autochtones. Pour certaines de ces réunions, le gouvernement a compensé les émissions associées aux déplacements des conseillers. Ces décisions ont été prises au cas par cas, en fonction des activités du ministre de l'Environnement.

Le sénateur Hervieux-Payette : Lors des sommets du G8 et du G20, a-t-on calculé les crédits compensatoires, comme on l'a fait pour les Jeux olympiques? Autrement dit, lors du grand événement à Toronto, ces deux réunions ont-elles eu le même traitement que les Jeux olympiques?

M. Moffet : Jusqu'ici, le gouvernement n'a pas compensé les émissions des réunions du G8 et du G20.

Le sénateur Finley : J'ai tellement de questions à vous poser. Qu'on approuve ou non les grands enjeux liés au réchauffement planétaire et aux changements climatiques, tout projet de loi présenté dans ce domaine sera forcément peu détaillé; je comprends cela. Or, dans ce cas-ci, il semble que le manque de détails soit malveillant, ce qui m'inquiète. J'ai l'impression que beaucoup d'organisations, de tierces parties, de vérificateurs, d'organismes d'autorisation, de marchés, de gouvernements et de particuliers se sont tous embarqués dans cet exercice sans être guidés par une véritable réglementation ou une démarche à suivre.

Prenons un scénario que vous connaissez évidemment bien : le processus des Jeux olympiques de Vancouver. Comment avez-vous déterminé et vérifié les émissions réelles ou, si vous préférez, l'empreinte carbone? Comment y êtes-vous arrivé? Y avait-il un fondement scientifique pour ce travail et, le cas échéant, en quoi consistait-il?

Mme Henry : L'empreinte globale des jeux a été calculée par le Comité des Jeux olympiques de Vancouver. Les membres du comité ont cherché à établir des calculs pour les bâtiments et l'organisation générale des événements. La partie que nous avons calculée concernait la participation du gouvernement. Nous avons calculé de nouveau les émissions liées au transport à destination et en provenance des jeux, au transport sur les lieux mêmes des jeux et aux services de sécurité pour les représentants du gouvernement.

L'approche de quantification que nous avons adoptée est reconnue à l'échelle internationale. Nous avons suivi les procédures ISO 14064 à cette fin. Je ne veux pas entrer dans les détails.

Le sénateur Finley : Plus il y a de détails, mieux c'est.

Mme Henry : En ce qui concerne la participation du gouvernement, nous avions le nom des personnes qui avaient participé, la durée de leur séjour et les lieux de départ et d'arrivée de leurs vols. Nous avons calculé les émissions associées au transport aérien; la distance des déplacements par voie terrestre sur les lieux mêmes des jeux, à destination et en provenance des sites de travail; et les émissions liées à l'hébergement, par exemple les hôtels ou d'autres types de logement.

Nous avons également quantifié les émissions liées à la sécurité. Ces calculs étaient fondés sur la quantité de carburant utilisé sur certains des sites de sécurité. Au lieu d'adopter une approche de quantification basée sur les séjours à l'hôtel, nous avons tenu compte de la quantité d'émissions générées par les croisières et les déplacements des différentes organisations de sécurité vers les hébergements, selon leur lieu de séjour. Les agents de sécurité sont restés dans différents types d'hébergement. Nous avons recueilli ces données et quantifié le tout.

Le sénateur Finley : Vous venez de dire que vous avez recueilli ces données. Vous avez parlé des chambres d'hôtel, des avions, des croisières, des logements — Dieu sait ce que vous avez inclus là-dedans. Combien de personnes ont participé à la collecte, à la compilation, au calcul et à l'analyse des données?

Mme Henry : Il y avait un comité de surveillance. Ottawa faisait un suivi des représentants qui participaient à l'événement. La collecte des données a été réalisée dans le cadre de ce processus. Bien entendu, dans tout processus gouvernemental, il faut savoir qui participe à un événement. Les données ont donc été recueillies par l'entremise du processus standard. La quantification proprement dite a été effectuée par notre bureau, et quelques employés de mon bureau se sont occupés de la compilation des données et de la quantification.

M. Moffet : Sans vouloir diminuer le travail qui a été réalisé, je crois qu'il s'agit d'une procédure plutôt simple; il s'agit de fournir une estimation assez rigoureuse d'une activité particulière. Si on sait que 10 personnes se sont déplacées par avion, sur une distance de 2 000 kilomètres, il y a des modèles pour estimer les émissions associées à cette activité. Bien sûr, les émissions précises pourraient varier selon les conditions atmosphériques de la journée, mais on dispose de modèles standards qu'on peut utiliser pour les différents types d'activités. L'essentiel, c'est qu'on avait décidé à l'avance de faire un suivi de ces activités et d'en tenir compte, et il fallait ensuite entreprendre un petit exercice de déploiement. Bref, on a suivi des procédures assez normalisées.

Le sénateur Finley : Un calcul a été établi par une organisation internationale, ISO 14064. Pouvez-vous m'expliquer l'origine de cette organisation et la façon dont elle fixe les normes? Je peux penser à plusieurs millions d'activités humaines dans le monde d'aujourd'hui. Sont-elles toutes calculées? Dans quelle mesure calcule-t-on les activités humaines?

Mme Henry : Pour déterminer l'empreinte des jeux, nous avons tenu compte des émissions accrues qui étaient attribuables à la tenue des jeux; autrement dit, nous avons exclu les émissions qui se seraient produites en temps normal. Si quelqu'un vaquait à ses occupations régulières à Vancouver, cela ne serait pas une émission accrue. Nous nous sommes penchés sur les émissions accrues qui étaient causées par la tenue des jeux et nous avons quantifié la différence entre les activités régulières et les activités supplémentaires des gens qui se déplaçaient vers le site des jeux.

Le sénateur Finley : Il s'agit donc d'un calcul distinct qui ne tient pas compte de ce qui se passe régulièrement à Vancouver; vous en faites abstraction. Vous dites que le calcul porte uniquement sur les émissions accrues. Comment savez-vous que c'est le cas? Beaucoup de gens à Vancouver ont probablement utilisé le train et l'autobus plus souvent pour se rendre à des événements. Ce facteur est-il inclus?

Mme Henry : Le gouvernement du Canada a tenu compte uniquement de ses propres émissions. Nous avons examiné les déplacements des fonctionnaires à destination et en provenance des jeux, sur les lieux des jeux et sur les sites de sécurité. Le COVAN a fait sa propre quantification. Il a peut-être inclus ou non les différentes activités menées par les gens qui assistaient aux jeux à Vancouver. Le gouvernement du Canada, pour sa part, a tenu compte uniquement des émissions liées à ses propres activités.

Le sénateur Finley : Il y a eu récemment plusieurs articles dans les journaux et les revues sur le nombre élevé d'abus et d'arnaques dans n'importe quel marché associé à ce type d'initiative. D'énormes sommes d'argent sont en jeu. Avez-vous l'assurance que le projet de loi fera en sorte que cela ne se produise pas au Canada?

M. Moffet : Encore une fois, je donnerai la même réponse que tout à l'heure. Le projet de loi prévoit un cadre très général pour permettre au ministre d'établir des critères qui pourraient ensuite servir à approuver des projets de compensation et des fournisseurs de crédits compensatoires. À mon avis, la rigueur du système et, par conséquent, la possibilité d'abus dépendraient des critères et de la nature du système mis en place pour s'assurer que ces critères sont respectés.

Le sénateur L. Smith : Le gouvernement adopte une approche sectorielle ciblée pour traiter de questions réglementaires, conformément au modèle des États-Unis. Pouvez-vous parler des progrès réalisés à ce jour dans le cadre notre approche sectorielle pour contrôler les gaz à effet de serre et assurer des retombées économiques, ou est-il trop tôt pour le dire? Où en sont les choses?

Logiquement, lorsqu'on adopte une approche ciblée, on évalue ensuite les résultats obtenus. Qu'avez-vous à dire au sujet des mesures prises par votre ministère pour évaluer les impacts économiques de l'initiative du gouvernement à ce jour? Prenons l'exemple des centrales au charbon. Le secteur de la production d'électricité est, semble-t-il, un des domaines qui ont été cernés. Quel type de recherches, d'observations ou de renseignements avez-vous pu obtenir jusqu'à présent?

M. Moffet : Pendant plusieurs années, le gouvernement a fait le suivi des émissions totales de gaz à effet de serre au Canada, pour ensuite les diviser par secteur. Nous savons que le rythme de croissance est maintenant à la baisse et que nous réalisons des réductions considérables dans certains secteurs. Par exemple, Environnement Canada a réglementé ses émissions de gaz à effet de serre pour la plupart des types de moteurs et de véhicules, principalement en conformité avec les normes qui ont vu le jour aux États-Unis. Nous observons une réduction importante des émissions par véhicule, pour presque tous les types de véhicules et de moteurs.

Les plus récents règlements adoptés par le gouvernement, comme vous l'avez mentionné, portent sur le secteur de la production d'électricité au charbon. Ces règlements visent à réduire les émissions de ce sous-secteur en particulier, et non pas du secteur de la production d'électricité dans son ensemble. De toute façon, l'électricité produite au Canada provient, en grande partie, de sources non polluantes, notamment l'hydroélectricité, l'énergie solaire, l'énergie éolienne, et cetera, ainsi qu'une part importante d'énergie nucléaire.

Ces règlements mettent l'accent sur la production d'électricité au charbon. Le but principal est de s'assurer qu'à l'avenir, au moment de renouveler le capital-actions, les centrales — qu'elles soient publiques ou privées — seront tenues d'utiliser une technologie qui émet le moins de carbone possible.

Pour l'instant, on ne connaît pas les impacts économiques et environnementaux de ces règlements, mis à part le fait qu'ils assurent la planification future de ces entreprises de services publics et de production d'électricité. Toutefois, on constatera d'énormes répercussions à l'avenir, quand viendra le temps de renouveler le capital-actions.

Le président : Comme il nous reste trois minutes avant la fin de la séance, je demanderai à chacun de vous de formuler vos observations ou de poser vos questions aux fins du compte rendu. S'il est possible d'y répondre rapidement, nous demanderons à Mme Henry ou à M. Moffet de le faire et, si non, ils pourront fournir une réponse par écrit.

Le sénateur Finley : J'ai une question. Vous avez parlé, à quelques reprises, de vérificateurs indépendants. Qui vérifie les vérificateurs? D'où viennent-ils?

Le sénateur Buth : Je n'ai pas de question.

Le sénateur Mitchell : Ma question porte à nouveau sur l'idée que le projet de loi ne précise pas comment nous nous y prendrons pour nous assurer que le système de crédits fonctionne de façon efficace et adéquate et pour garantir que les crédits sont fiables. J'aimerais que vous confirmiez par écrit, à votre retour devant le comité, que le projet de loi prévoit bel et bien que le gouvernement, plus précisément le ministre, sera tenu d'établir un tel processus — comme c'est souvent le cas dans ce genre de régime de réglementation — et que, par conséquent, le tout dépendra du pouvoir qui sera confié au ministre pour autoriser, dicter et déterminer un tel système.

Instaurer un régime de réglementation, ça coûte très cher. Pourriez-vous nous donner une idée de ce qu'il en coûtera au gouvernement pour imposer des règlements au lieu d'un système de plafonnement et d'échange pour l'industrie pétrolière et l'industrie du charbon? Après tout, une telle approche entraîne aussi une foule de conduites réglementaires.

Le président : Monsieur Moffet, êtes-vous en mesure de répondre brièvement à l'une ou l'autre de ces questions ou préférez-vous avoir le temps de nous fournir votre réponse par écrit?

M. Moffet : Je vais faire de mon mieux pour y répondre en quelques mots, puis je vous remettrai une réponse détaillée par la suite.

Relativement à la question de savoir qui vérifie les vérificateurs, la réponse courte est que cela dépend. Toutefois, on a l'option de suivre des procédures relativement normales; ainsi, le gouvernement pourrait désigner des organismes chargés d'identifier et d'établir des vérificateurs accrédités. C'est ce qu'on fait, par exemple, pour les comptables agréés. Par ailleurs, le Conseil canadien des normes surveille toutes les organisations de normalisation au Canada. En retour, le conseil peut établir des normes auxquelles des tiers doivent adhérer en vue d'obtenir l'accréditation nécessaire pour vérifier la conformité à une foule de normes, allant des casques de protection et des grille-pains jusqu'à des sujets aussi complexes que les crédits compensatoires de gaz à effet de serre.

En effet, nous avons conclu une entente préliminaire avec le Conseil canadien des normes pour offrir des services d'accréditation aux vérificateurs indépendants. Encore une fois, il s'agit d'une transaction basée entièrement sur le marché; c'est le Conseil canadien des normes qui établirait les critères à respecter afin de pouvoir se déclarer vérificateur accrédité. Il y a donc un système assez efficace pour établir des protocoles de vérification et des critères concernant les vérificateurs.

En ce qui a trait à la question sur les coûts, elle comportait deux parties. La première était de confirmer que le projet de loi permet au ministre d'établir des critères, qui seraient ensuite intégrés au système établi — oui, tout à fait, et c'est prévu dans le projet de loi. Par contre, je veux simplement souligner que j'ignore en quoi consisteront ces critères; je ne peux donc pas me prononcer sur le degré de rigueur. On espère bien que ces critères seront rigoureux, mais la décision reviendra au ministre, comme vous l'avez dit, sénateur.

Le président : Nous n'avons plus de temps.

M. Moffet : Je ne peux pas vous donner de réponse simple à la question des coûts de la stratégie réglementaire du gouvernement actuel. Cependant, nous avons des estimations détaillées pour chaque règlement que le gouvernement a proposé.

Le président : La greffière veillera à remettre à tous les membres du comité tous les documents que vous pouvez nous fournir. Je vous remercie.

Au nom du Comité sénatorial permanent des finances nationales, je tiens à remercier les représentants d'Environnement Canada, M. Moffet et Mme Henry. Je vous remercie beaucoup d'être venus discuter avec nous des politiques touchant la compensation et, particulièrement de ce projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi S-205, qui porte sur le crédit d'impôt pour compensation de carbone.

[Français]

Honorables sénateurs, dans cette deuxième partie de notre réunion ce matin, nous allons poursuivre notre étude du projet de loi S-205, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (crédit d'impôt pour compensation du carbone).

[Traduction]

Nous allons maintenant accueillir des porte-parole de l'Agence du revenu du Canada. Brian McCauley est sous- commissaire adjoint, Direction générale de la politique législative et des affaires réglementaires. Il est accompagné de Clément Bouchard, directeur de la Division du traitement, Direction des déclarations des particuliers, Direction générale des services de cotisation et de prestations. Quel titre! J'ose à peine imaginer l'inscription à votre porte. Vous avez probablement une porte plus large juste pour y afficher votre titre.

Ces messieurs sont tous deux ici pour nous aider à étudier le projet de loi S-205, un projet de loi d'initiative parlementaire proposé par le sénateur Mitchell. Ils ont assisté à la discussion précédente, donc nous pouvons présumer qu'ils sont au courant des échanges que nous venons d'avoir et des questions qui ont été posées.

Monsieur McCauley, voulez-vous faire une courte déclaration préliminaire avant de passer à la discussion?

Brian McCauley, sous-commissaire adjoint, Direction générale de la politique législative et des affaires réglementaires, Agence du revenu du Canada : Pas vraiment. Nous sommes contents d'être ici et c'est avec plaisir que nous allons répondre au plus grand nombre de questions possible. Si nous ne pouvons pas répondre à une question, nous allons le faire le plus vite possible ultérieurement. Nous sommes heureux d'être ici.

Le sénateur Buth : Je vous remercie d'être ici. Pour le moment, il n'y a pas de normes reconnues au Canada pour déterminer la compensation de carbone. Nous avons entendu les représentants d'Environnement Canada nous dire qu'il reviendrait au ministre de mettre des normes en place, d'établir des définitions, et cetera.

Comment feriez-vous pour déterminer si une compensation de carbone est admissible dans un contexte comme celui-ci?

M. McCauley : Dans la foulée des discussions que vous avez eues ce matin, j'ajoute que nous ne sommes pas des spécialistes des crédits d'impôt pour compensation de carbone et que nous nous tournerions très probablement — comme c'est l'intention dans le projet de loi, d'ailleurs —, vers une autre autorité politique ou législative, comme le ministre de l'Environnement ou le ministre des Finances, pour en préciser les détails avec nous.

Nous administrons les lois, nous ne les créons pas. Nous administrons les politiques, mais nous ne les créons pas. Ainsi, il y a normalement un dialogue très productif entre l'auteur d'une politique ou d'un projet de loi et l'administrateur que nous sommes. J'ai trouvé la discussion de ce matin très instructive, parce qu'une grande partie des questions qui ont été posées sont exactement le genre de questions que nous nous poserions du point de vue d'administrateurs afin d'établir un plan, un coût ou des règles pour l'administration de cette mesure.

Nous essaierions d'établir un dialogue assez sain auquel nous convierions des participants du marché et des participants aux accords eux-mêmes, comme vous l'avez recommandé ce matin, dans la mesure où les tierces parties, les entreprises et même les personnes voudraient mettre la main à la pâte, pour nous faire la meilleure idée possible, de notre point de vue, de la façon dont tout ce système fonctionnerait. Ensuite, nous élaborerions une stratégie pour réduire le fardeau au minimum tout en nous assurant le mieux possible par le régime fiscal que l'argent dépensé sert bel et bien à atteindre l'objectif, dans ce cas-ci favoriser le recours au crédit d'impôt pour compensation de carbone.

Le sénateur Buth : Quels seraient les coûts d'administration de ce projet de loi?

M. McCauley : Je ne peux vous répondre que du point de vue de l'ARC, un point de vue purement administratif. Encore une fois, les témoignages de ce matin et même une partie des témoignages du 3 octobre, que j'ai lus pendant la fin de semaine, apportent une autre dimension aux coûts, que nous ne sommes sûrement pas en position d'évaluer ce matin. Comme pour tout le reste, les estimations de coûts ne peuvent pas être plus précises que les détails connus au moment de les établir. Je peux demander combien il en coûterait pour rénover ma cuisine, mais si je ne fournis aucun détail, ce sera une estimation très large.

Je peux peut-être vous aider en vous disant qu'en 2006, quand le gouvernement a mis en place les crédits d'impôt pour la condition physique, le laissez-passer de transport en commun et quelques autres crédits moins importants, nous avons reçu environ 5 millions de dollars les premières années. Depuis, nous recevons environ 5,8 millions de dollars pour l'administration de ces crédits. On parle de chaque année, madame le sénateur Nancy Ruth.

Nous prendrions le temps d'étudier la question avec le ministère responsable de la politique ou de la loi. En termes simples, il y a des coûts liés aux changements à apporter au régime fiscal, au logiciel lui-même et à la validation des données. Les remboursements s'élèvent à 26 millions, donc nous ne pouvons pas nous permettre de nous tromper, et nous essayons de ne pas faire d'erreur. Nous nous penchons ensuite sur la production de documents d'information et d'outils de communication pour que tous les participants comprennent bien ce qu'on attend d'eux et quelles sont les modalités.

Nous devons aussi nous demander comment nous allons échanger l'information avec le public, par des sites Web, entre autres. Il faut ensuite prévoir les coûts des services pour répondre aux demandes par téléphone, parce que, avec un tel programme, les gens ont des questions, et l'on veut pouvoir y répondre.

Il y a également des coûts liés au traitement lui-même, mais ils ne sont habituellement pas très élevés parce que tout est automatisé, donc nous intégrons ces postes à nos modèles de traitement des déclarations, mais nous devons tenir compte du niveau de risque. Nous devons prévoir un certain degré de validation. Parfois, il s'agit d'une validation administrative, et il suffit de vérifier si les reçus correspondent bien aux déclarations.

Il faudra aussi probablement retenir un certain nombre de remboursements et envoyer une lettre pour dire que nous avons bel et bien reçu la demande de crédit, mais que la personne doit nous fournir un reçu ou d'autres renseignements pertinents. De même, il faudra probablement prévoir un peu d'argent pour rendre visite à certaines personnes. Le cas échéant, pour des crédits comme celui-ci et le crédit d'impôt pour la condition physique, entre autres, nous voudrons probablement examiner toute la déclaration de revenus et en discuter un peu avec la personne.

Il faut aussi prévoir des coûts pour les appels et le ministère de la Justice, parce qu'il y a toujours quelques personnes insatisfaites quand nous rejetons une demande de crédit, et ces personnes ont le droit de porter notre décision en appel, donc nous devons être en mesure de faire le suivi nécessaire. Ce sont toutes les choses dont nous tenons compte.

Je vous dirais qu'une bonne partie d'entre elles sont assez classiques. Je crois que l'aspect auquel nous devrons le plus travailler, et cela concorde avec ce qui est ressorti de la discussion ce matin, c'est l'immaturité du marché et comment nous pourrions procéder concrètement pour la vérification et la validation.

Je vais vous donner un petit exemple. Je ne veux pas critiquer le projet de loi, j'essaie d'observer les caractéristiques du crédit à l'étude pour en établir les coûts. Prenons l'exemple du crédit d'impôt pour la condition physique. En tant que parent ou membre de la famille, vous payez 500 $ et vous profitez du service ou vous en voyez les bienfaits : votre enfant se rend au cours où vous l'avez inscrit. En gros, vous faites la vérification pour nous. Nous ne nous demandons pas trop s'il y est bel et bien allé, nous avons peut-être 1,5 million de contribuables réclamant ce crédit, qui veillent à ce que les 420 $ qu'ils ont dépensés ont été bien dépensés.

Quand le lien entre le versement d'argent et la réalisation d'un résultat est plus distant pour un crédit, il y a un risque que les contribuables eux-mêmes soient moins sûrs qu'ils en profitent vraiment. Comme vous l'avez dit ce matin, dans ces cas, nous devons trouver d'autres moyens de vérifier que les déclarations sont véridiques, qu'elles sont intègres et que tout a été fait en bonne et due forme. Je ne dis pas que cela ne peut pas arriver. Le risque existe. C'est le genre de risque que nous évaluons quand vous adoptez un crédit comme celui-ci. Je vais m'arrêter là.

Le sénateur Buth : Comment estimez-vous les coûts de mise en œuvre?

M. McCauley : Ce n'est pas nous qui les évaluons. Habituellement, le ministère chargé de la politique, le ministère des Finances ou encore Ressources humaines et Développement des compétences Canada, avec qui nous travaillons beaucoup, doivent estimer le coût fiscal des politiques qu'ils proposent et le nombre de personnes susceptibles d'y participer. Encore une fois, ce sont eux les experts. Nous prenons leurs chiffres et établissons combien d'appels nous devrions recevoir à la lumière de cette estimation. Nous fondons notre travail sur le profil qu'ils génèrent pour le programme.

Le sénateur Callbeck : Je vous remercie et vous souhaite la bienvenue. Je n'ai qu'une question et elle porte sur les crédits d'impôt remboursables ou non. Le gouvernement a créé beaucoup de crédits d'impôt non remboursables. Vous avez mentionné le crédit d'impôt pour la condition physique. C'est une excellente idée, mais le problème, c'est que les personnes qui en auraient le plus besoin ne peuvent pas en tirer avantage. C'est ce qui me dérange.

Ce projet de loi propose un crédit d'impôt non remboursable. Avez-vous l'impression qu'il serait plus efficace si le crédit d'impôt était remboursable?

M. McCauley : Nous administrons le crédit, et il nous importe peu qu'il soit remboursable ou non. Il revient au ministère responsable, au ministre ou au parrain du projet de loi de déterminer quelle est la meilleure façon de faire. Il est sûrement utile de tenir compte des coûts et des effets des propositions, mais c'est le parrain du projet de loi ou le ministère qui doit prendre ce genre de décision. Nous pourrons l'administrer tout aussi bien d'une manière ou d'une autre.

Le sénateur Callbeck : Savez-vous pourquoi le gouvernement rend tous ces crédits d'impôt non remboursables?

M. McCauley : Je n'en sais rien de plus que les raisons annoncées publiquement. Je le répète, nous sommes des administrateurs et nous faisons ce qu'on nous dit de faire. Ce sont les décisions qui ont été prises, et à moins que nous n'observions de graves problèmes administratifs ou de grands risques sur le plan de la conformité, par exemple, nous ne nous prononcerons pas sur ces choix.

Le sénateur Callbeck : Vous dites : « Rien de plus que les raisons annoncées publiquement. »

M. McCauley : Oui.

Le sénateur Callbeck : Et qu'est-ce qui a été annoncé publiquement?

M. McCauley : Tout ce que le ministre des Finances établirait dans un budget ou tout ce qu'il déclarerait chaque fois qu'une mesure est adoptée.

Le sénateur Callbeck : Voilà ce que je n'ai jamais pu vraiment comprendre. Merci.

Le sénateur Ringuette : S'agissant des coûts de mise en œuvre d'un nouveau crédit d'impôt, serait-ce le Conseil du Trésor — ou peut-être le ministère des Finances, je ne sais pas — qui déciderait si les achats compensatoires de carbone constituent un bien ou un service imposable? À combien estimerait-on ces recettes du gouvernement fédéral? Est-ce que cela compenserait le coût de votre opération, et à quelle hauteur?

M. McCauley : Je ne suis pas sûr de comprendre la question. Normalement, lorsqu'une proposition, en l'occurrence concernant un crédit d'impôt, est soumise par le ministre des Finances dans un budget, il prévoit en même temps quel en sera le coût. De notre côté, nous aurions fourni à ce moment-là une estimation préliminaire du coût d'administration de cette mesure.

Une fois la mesure annoncée, nous faisons une analyse plus détaillée des coûts, car nous sommes en mesure de le faire de façon un petit peu plus ouverte et publique, et cette analyse est présentée au Conseil du Trésor. Ce dernier peut contester ces coûts et, après négociation, y donner son accord une fois qu'il les a jugés raisonnables.

Le sénateur Ringuette : J'aimerais faire un parallèle avec un exemple que vous avez donné, à savoir le crédit d'impôt pour la condition physique. Lorsqu'on offre à nos enfants un entraînement de hockey ou des leçons de piano, et cetera, les gouvernements fédéral et provinciaux perçoivent des taxes sur ces services. Dans quelle mesure le montant estimatif des taxes perçues sur ces achats compense le crédit offert et le coût que doit assumer votre organisme pour acquérir la technologie nécessaire à la mise en œuvre de la politique?

M. McCauley : Merci beaucoup de faire ce parallèle. L'analyse économique serait faite par le ministère des Finances ou celui de l'Environnement, ou tout autre ministère ou pouvoir législatif parrainant la politique. Comme nous en avons parlé ce matin, on pourrait voir dans quelle mesure le crédit va réellement encourager cette activité. S'agit-il d'un achat qui aurait de toute façon été fait? Est-ce que cet achat entraîne réellement des recettes supplémentaires? De notre côté, nous ne serions pas mis courant de ces considérations et des calculs macro et microéconomiques effectués.

On leur dit à peu près ce que cela peut coûter. Mais si l'on constate un écart disproportionné entre ce que peut coûter une mesure et les avantages qu'elle procure, il est certain qu'elle ne sera jamais mise en œuvre.

Excusez-moi de ne pas avoir compris d'emblée la question.

Le sénateur Ringuette : D'accord, merci.

Le sénateur Finley : Je ne sais pas où le sénateur Ringuette veut en venir. Laissez-vous entendre, madame le sénateur, que les crédits d'impôt sur le carbone seraient soumis à la TPS?

Le sénateur Ringuette : Non, ce n'est pas du tout ce que je propose. Ce serait au gouvernement de décider s'il s'agit d'un bien ou d'un service qu'il veut taxer. Je faisais cette comparaison par souci de précision auprès des témoins et pour qu'ils comprennent bien ce dont il s'agit.

Ainsi, le crédit d'impôt actuel pour la condition physique est déjà intégré dans les systèmes. Sa mise en œuvre coûte grosso modo 5 millions de dollars. Par une décision du gouvernement, les parents qui achètent ces programmes de conditionnement physique paient des taxes. Comment cela est-il compensé?

Nos témoins ont indiqué que cela ne fait partie, ni de leurs estimations, ni de leurs responsabilités. En conséquence, c'est le gouvernement qui décide.

Le président : Vous vouliez faire valoir que c'est le ministère concerné qui propose la politique, qui s'occupe aussi de l'analyse économique.

Le sénateur Hervieux-Payette : D'un côté il y a cette taxe, mais de l'autre il y a aussi les écoles — de yoga, de judo, et autres — pour lesquelles ces gens paient normalement l'impôt sur le revenu. Y a-t-il un moyen de vérifier si ce sont d'authentiques écoles et si elles se contentent de fournir un reçu? Il est important que ce soient des entreprises légitimes. Il n'y a pas de problème lorsqu'on achète de l'équipement de football par exemple, mais ce n'est pas aussi facile de vérifier lorsqu'il s'agit d'un service offert sous forme de cours. Y a-t-il un moyen de procéder à ces vérifications, non seulement auprès de ceux qui achètent le service et qui ont au moins un reçu, mais aussi auprès de ceux qui sont censés le vendre?

M. McCauley : Je crois que le crédit d'impôt pour la condition physique ne concerne pas l'achat d'équipement et d'autres achats. Le crédit est conçu pour favoriser l'activité physique. Les critères entourant le crédit d'impôt pour la condition physique — critères qui ont d'ailleurs été élaborés par un groupe du secteur privé ayant fait au gouvernement des recommandations sur des points utiles — concernent par exemple le rythme cardiaque et le laps de temps pendant lequel on le constate pour arriver à un certain niveau d'activité physique.

Il est toutefois juste de dire que nous comptons beaucoup sur la vérification auprès du parent ou du membre de la famille qui a acheté le service pour nous assurer qu'ils ont reçu le service. On supposerait logiquement que si vous êtes prêts à payer 500 $, vous allez vous assurer de recevoir le service correspondant et que vos enfants prennent part aux activités du club.

Il se peut aussi que nous fassions des vérifications auprès de clubs, et cetera. Cependant, étant donné la valeur du crédit et l'intervention des parents et des membres de la famille, nous avons probablement d'autres chats à fouetter, notamment pour des vérifications plus coûteuses et autres processus de plus vaste portée.

Le sénateur Hervieux-Payette : D'un côté, il y a la vérification et de l'autre, les recettes. Il importe que vous ayez des recettes suffisantes pour couvrir la somme de 5 millions de dollars — recettes provenant des écoles et recettes provenant des impôts.

M. McCauley : Vous avez raison, il s'agit de deux dossiers distincts. Est-ce que nous nous assurons que l'école de conditionnement physique du sénateur Mitchell tient ses livres à jour, qu'elle fonctionne, qu'elle paie ses impôts, et cetera? Il y a un système distinct qui la concerne en tant que petite entreprise.

Le sénateur Hervieux-Payette : Toutefois, vous n'avez pas de données quantitatives à ce sujet.

M. McCauley : Non.

Le sénateur Hervieux-Payette : Si vous payez 5 millions de dollars, vous en ferez peut-être davantage; car si vous augmentez le nombre de services dans ce secteur, vous ferez plus d'argent et vous percevrez davantage d'impôt.

M. McCauley : Comme je l'ai dit dans ma réponse précédente, cette analyse macroéconomique serait effectuée par le ministère des Finances ou celui qui parraine la politique.

Le sénateur Mitchell : Ce que veut dire ma collègue, c'est que si le crédit d'impôt de 500 $ pour la condition physique faisait augmenter le nombre de leçons et celui des écoles, ces dernières et ceux qui y enseignent auraient davantage de revenus. Il y aurait en conséquence une plus grande activité économique qui susciterait davantage d'impôts et compenserait la somme de 5 millions de dollars que cela vous coûte de faire fonctionner le système. Ce n'est donc pas seulement le coût qui est en jeu. Ce type de crédit, le crédit pour la condition physique, aurait cet effet-là.

Il serait logique de supposer — selon des critères économiques — que si on investit dans des fermes et des petites entreprises qui réduisent leur production de carbone, il y aurait de nouvelles activités et de nouveaux investissements nets. Ce serait le genre d'investissement qui entraînerait une activité commerciale et des revenus pour les particuliers et les entreprises. Cela assurerait en fait la pérennité des fermes et des communautés rurales. Ce serait un apport financier. Ce serait un facteur qui ne vous intéresse peut-être pas, mais dont le ministère des Finances voudrait certainement tenir compte, n'est-ce pas?

M. McCauley : Comme vous le dites, on oserait espérer qu'une analyse macro-économique et de marché ait été faite. Ce type d'effets multiplicateurs et autres facteurs feraient certainement partie de l'analyse.

Le sénateur Mitchell : Je comprends ce que vous voulez dire au sujet du crédit d'impôt de 500 $. Vous n'avez donc guère intérêt à vérifier si c'est mon cousin ou ma femme qui enseigne le karaté à mon enfant. On offre 500 $ et on en récupère 75. Vus sous cet angle, ces crédits présentent un risque, sauf que dans ce cas, ce ne serait pas simplement des particuliers qui le confirmeraient. Nous aurions en fait un régime que ferait fonctionner le secteur privé sous forme, par exemple, d'une bourse qui vérifierait et serait vérifiée par des vérificateurs pour reprendre les termes du sénateur. On aurait ainsi une double certitude, à savoir que ces transactions sont vraiment fiables et qu'on n'a pas simplement affaire à un cousin qui aurait donné ou pas une leçon de karaté.

M. McCauley : La réglementation relative au crédit d'impôt pour la condition physique comprend des dispositions sur les liens de dépendance, de façon à éviter le plus possible cette situation. Mais vous avez raison, est-il possible d'imaginer un système qui comprendrait des mesures suffisantes par rapport à la diligence et à la vérification? Certainement. Je dois toutefois admettre que, après avoir étudié le dossier ces trois derniers jours, j'ai constaté qu'il n'y en avait pas. Peut-être aussi qu'il me manque de l'information. D'après la discussion que j'ai entendue ce matin, il se peut que le système ne soit pas aussi mûr, solide ou précis que celui que nous souhaiterions, mais pourrions-nous l'avoir?

Le sénateur Mitchell : Vous et moi faisons certainement confiance au ministre de l'Environnement pour qu'il mette sur pied un système mûr, robuste, et sur lequel nous puissions compter. Mais se pose alors la question, par où commencer? Certes, il s'agit d'une situation nouvelle, il faut donc commencer quelque part. Vous auriez confiance dans un ministre du gouvernement du Canada pour qu'il procède correctement, n'est-ce pas?

M. McCauley : Aussi confiance que dans n'importe qui d'autre.

Le sénateur Mitchell : Excellente réponse.

Le président : Avant d'aller plus loin, le sénateur Buth avait une question supplémentaire à poser.

Le sénateur Buth : C'est un domaine très complexe et je ne veux pas que les gens s'imaginent que l'on pourrait susciter davantage d'activité économique dans une ferme grâce à ce crédit. En restreignant les travaux du sol, vous réduisez en fait l'activité de la ferme. Ce n'est pas comme s'il s'agissait d'une activité agricole supplémentaire; en fait ce serait une activité en moins. Ne faisons donc pas d'hypothèses sur ce qui pourrait arriver en termes d'activité économique.

Le président : Je crois que nous arrivons à un débat.

Le sénateur Mitchell : J'aimerais ajouter quelque chose à ce sujet. Si vous mettiez sur pied — et cela a d'ailleurs été fait — un système qui permet de produire du méthane à partir du fumier, mais qui exige par ailleurs d'importants investissements, cela créerait d'immenses débouchés économiques. C'est effrayant de constater que le gouvernement n'ait pas envisagé cette option.

Le président : On voudrait encore ajouter quelque chose à cette question supplémentaire.

Le sénateur Mitchell : J'ai une autre question.

Le président : Monsieur McCauley, je voulais faire éclaircir un certain point. Vous avez indiqué qu'il y a une réglementation sur les liens de dépendance par rapport au crédit d'impôt pour la condition physique. S'agit-il d'une réglementation qui a été établie après l'adoption de la loi, avant qu'elle n'entre en vigueur?

M. McCauley : La façon dont on procède habituellement lorsqu'il y a des changements apportés à la Loi de l'impôt sur le revenu est de présenter en même temps la réglementation correspondante, tout simplement pour se conformer au système fiscal et par souci d'uniformité. Autrement dit, on veut s'assurer que les citoyens comprennent le plus clairement possible le fonctionnement du système.

Dans le cas du crédit d'impôt pour la condition physique, au moment même où la loi a été annoncée, le gouvernement a indiqué qu'un groupe d'experts allait se pencher sur la question et fournirait ensuite ses avis aux fins de la réglementation. Je crois que c'est ce qui est arrivé dans le cas du crédit d'impôt pour la condition physique. Pour la plupart des autres crédits d'impôt habituels, la réglementation aurait été présentée en même temps que la loi.

Le président : Merci beaucoup, votre commentaire est d'autant plus pertinent qu'on a dit que le projet de loi n'était pas assorti de toute la réglementation. Nous voyons bien ainsi qu'il s'agit de deux processus différents.

Le sénateur Mitchell : C'est là-dessus qu'allait porter ma prochaine intervention. Il n'est pas vrai qu'il y a toujours ce type de détails que certains attribuent à une lacune du projet de loi, que ces détails sont souvent réglés par la suite. Dans le cas de ces crédits, on n'en a pas simplement confié la tâche au ministre — ce que mon projet de loi fait d'ailleurs — qui est une façon ferme et très rigoureuse de procéder, mais on est allé plus loin en disant : « Nous ne savons pas qui sera admissible et nous demanderons à un groupe d'experts de nous le dire. » S'ils provoquent ce type de critique à l'encontre du projet de loi, il ne s'agit pas d'une critique unique, cela fait partie d'un processus qu'ils ont mis en œuvre, que le gouvernement a lui-même déjà mis en œuvre.

Le président : Vous n'êtes pas tenu de faire un commentaire à ce sujet, si vous ne le souhaitez pas.

Je n'ai personne pour la deuxième série de questions. En conséquence, et au nom du Comité sénatorial permanent des Finances nationales, je tiens à remercier MM. McCauley et Bouchard. Merci de votre aide. Votre présence a été utile lors des premières questions. Nous proposerons cette façon de procéder à d'autres groupes, car cela facilite les délibérations.

Alors que nos témoins de l'Agence du revenu du Canada rassemblent leurs notes, je tenais à vous informer, chers collègues, que nous avons invité l'organisation Climate Change Central à venir témoigner. Elle a décliné notre invitation, mais nous a communiqué des commentaires par écrit que nous vous ferons circuler dès que nous les aurons dans les deux langues officielles, puisqu'ils sont actuellement en cours de traduction.

Voilà tout ce que, pour l'instant et peut-être à jamais, nous voulions entendre à l'égard de ce projet de loi. Je vais vous donner un jour pour y réfléchir. Si vous pensez à d'autres témoins qui pourraient éclaircir les points sur lesquels vous vous posez encore des questions, n'hésitez pas à en aviser le comité directeur. Sinon, nous procéderons comme prévu au cours des deux ou trois prochaines séances à l'analyse article par article du projet de loi.

Demain, nous avons l'intention d'examiner la nouvelle ébauche qui vous a été remise concernant les inégalités entre les prix de certains articles vendus au Canada et aux États-Unis. Si vous voulez faire des commentaires, je vous saurais gré de prendre connaissance du document de façon à ce qu'on n'ait pas à le lire intégralement demain. Si vous avez des changements, des recommandations ou des observations, c'est le moment de les proposer.

Avez-vous des commentaires à faire? Puisqu'il n'y en a pas, la séance est levée. À demain.

(La séance est levée.)


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