Délibérations du Comité permanent du
Règlement, de la procédure et des droits du Parlement
Fascicule 5 - Témoignages du 4 juin 2013
OTTAWA, le mardi 4 juin 2013
Le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement se réunit aujourd'hui, à 9 h 32, pour l'examen d'un cas de privilège concernant un témoin.
Le sénateur David P. Smith (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Nous avons certainement le quorum et je pense que nous devrions donc commencer. Nous voulons régler cette question et le temps va passer très vite d'ici l'ajournement d'été.
Je dirais d'abord qu'en dehors de la liste des témoins, nous avons donné notre avis au sénateur Cowan, qui a soulevé la question au Sénat, quant à savoir s'il s'agissait ou non d'une question de privilège et, bien sûr, le président a jugé que la question de privilège était fondée de prime abord et il nous l'a renvoyée. J'ai donné au sénateur Cowan l'occasion de présenter un exposé à ce sujet, mais il a décidé de ne pas le faire. Je pense que tous ceux d'entre nous qui étaient là quand il a fait son discours connaissent bien les faits. À moins que quelqu'un ne désire soulever une question, nous pouvons poursuivre.
Vous savez que nous avons cinq témoins ce matin. Je crois que vous avez reçu la version révisée de l'ordre du jour, bien qu'elle n'ait pas été modifiée. Nous allons commencer par Roland Beaulieu, qui est ici pour témoigner à titre personnel, et nous aurons ensuite quatre témoins de la GRC.
Nous allons donner aux témoins la possibilité de témoigner sous serment, s'ils le désirent.
Monsieur Robert, vous pourriez peut-être expliquer la procédure et la protection dont ils bénéficient pour les aider à décider s'ils veulent ou non témoigner sous serment.
Charles Robert, greffier du comité : Le témoignage devant un comité parlementaire est protégé par le privilège parlementaire. Vous n'aurez pas à rendre des comptes à l'égard de ces témoignages en dehors du Parlement. Toutefois, si vous décidez de prêter serment, vous pourriez faire l'objet d'une accusation de parjure en vertu du Code criminel. Si une accusation de parjure était portée contre vous, vous pourriez avoir à en subir les conséquences. Si vous êtes reconnu coupable, vous serez alors passible des sanctions prévues dans le Code criminel.
Dans un cas comme dans l'autre, votre témoignage est protégé, que vous prêtiez serment ou non, car une audience de comité est une délibération du Parlement. Les témoignages sont entièrement protégés par le privilège parlementaire.
Le président : Si je soulève la question, c'est parce que je sais, monsieur Beaulieu, qu'à une occasion antérieure, vous avez dit que vous souhaitiez témoigner sous serment. Nous vous laissons décider. Désirez-vous témoigner sous serment?
Roland Beaulieu, exécutif national, C.-B. Division « E », à titre personnel : Je vais me prévaloir du privilège parlementaire.
Le président : Très bien. Veuillez prendre place à la table.
Vous savez, je crois, pourquoi nous étudions cette question. Ce n'est pas tout à fait la même chose qu'hier; cela concerne la question de privilège. Veuillez nous dire ce que vous pensez utile de nous faire savoir.
M. Beaulieu : Merci, honorables sénateurs et membres du comité.
Hier, j'ai écouté les nouvelles et le commissaire Paulson a estimé devoir parler au comité sur le harcèlement d'une lettre que je lui ai envoyée. Je voudrais répondre à cet égard. J'ai la lettre et ce que le commissaire a dit ne correspond pas tout à fait à ce que dit cette lettre. Je voudrais la lire brièvement, si vous le permettez.
Le président : Ensuite, vous pourrez nous expliquer pourquoi vous êtes ici et certaines autres choses. Si vous voulez commencer par la lettre, allez-y.
M. Beaulieu : Cette lettre est datée du 22 mai.
Cher commissaire Paulson,
Je voudrais vous demander de lire jusqu'au bout la note ci-dessous avant de prendre une décision à l'égard de cette demande.
De plus, je vous demande de répondre d'ici le 5 juin 2013. Si votre bureau ne répond pas, j'en conclurai que vous n'êtes pas d'accord avec les modalités de mon départ à la retraite et que vous ne désirez pas discuter davantage de cette question.
Il n'y avait aucune menace, je tiens à le préciser.
Dans ma lettre, je parle ensuite de la « retraite négociée du Cpl Rolly Beaulieu ». J'énonce des faits, des preuves et les torts causés à ma carrière et à mon intégrité suite aux plaintes que j'ai adressées à la GRC et auxquelles il n'a pas été donné suite.
Bien entendu, je mentionne un montant d'argent, comme l'a dit le commissaire, mais ce n'était pas le montant total ou le règlement final que je recherchais. L'idée était d'ouvrir la porte, mais apparemment, ce n'est pas le tableau qui a été brossé par les médias, malheureusement, et je voulais seulement rétablir les faits.
Le président : Très bien.
Il serait utile que vous expliquiez comment tout cela a commencé, car nous ne pouvons pas supposer que tout le monde dans la salle a lu tous les documents. Des nouvelles pages sortent chaque jour. Si vous pouviez nous expliquer comment on en est arrivé là, ce qui a déclenché tout cela et quelles étaient certaines de vos plaintes, cela nous serait utile.
M. Beaulieu : Oui.
Le sénateur Braley : Il vient de faire une déclaration au sujet d'une lettre. Que s'est-il passé hier soir? J'étais en route pour venir ici. Est-il arrivé, hier soir, quelque chose que j'ignore et qui ne figure pas dans les documents que nous avons sous les yeux?
Le président : C'est au sujet du témoignage que le commissaire Paulson a présenté devant un autre comité hier, et apparemment, il y a eu un échange de lettres.
M. Beaulieu : Oui, j'ai envoyé une lettre au commissaire Paulson au sujet de la négociation de ma retraite. Il en a parlé à un comité dans le contexte du harcèlement à la GRC...
Le sénateur Braley : Très bien.
M. Beaulieu : ... en me ciblant dans son discours.
Le sénateur Braley : Très bien. Cela m'éclaire un peu.
Le président : Nous avons les bleus de ce qui a été déclaré à ce comité.
Le sénateur Braley : Désolé de vous interrompre. J'en ai suffisamment entendu.
Le président : Très bien, mais si vous voulez le lire, c'est juste là.
Veuillez continuer, monsieur Beaulieu.
Avez-vous d'autres questions à ce sujet, sénateur Braley?
Le sénateur Braley : Non. On vient de me remettre les documents à ce sujet.
La sénatrice Fraser : Monsieur le président, pourrions-nous demander que la lettre soit remise au greffier et distribuée à tous les membres du comité étant donné qu'elle a été lue?
Le président : Oui, si vous êtes d'accord.
M. Beaulieu : Oui, bien sûr.
Le président : Je pense qu'il nous serait utile qu'elle soit consignée au compte rendu.
Monsieur Beaulieu, veuillez nous expliquer ce qui s'est passé, comment les choses en sont arrivées là et ce que vous pensez devoir nous dire.
M. Beaulieu : J'ai été invité à témoigner devant le sous-comité du Sénat sur le projet de loi C-42, le 6 mai, je crois, pour l'Association professionnelle de la police montée du Canada, au nom de nos membres, au sujet du harcèlement et de la violence en milieu de travail. J'ai averti mon superviseur que j'étais invité au comité. Je l'ai toujours averti lorsque j'étais en congé de maladie, je lui ai toujours dit où j'allais et je n'avais eu, jusque-là, aucun problème pour aller quelque part ou prendre mes congés.
Le sénateur Furey : Excusez-moi, monsieur le président.
Désolé de vous interrompre, monsieur Beaulieu, mais pourriez-vous fournir les noms quand vous dites que vous avez signalé cela à votre superviseur, s'il vous plaît?
M. Beaulieu : Oui. Je devrais probablement reprendre au commencement.
Le 27 avril, aux environs de minuit, j'informe par courriel mon superviseur, le sergent d'état-major George Reid, que je suis invité à comparaître devant le Sénat, le 6 mai, pour témoigner au sujet du projet de loi C-42. Comme je l'ai dit, chaque fois que j'ai pris des congés, j'en ai fait la demande ou je l'en ai averti sans que cela ne pose de problème. Des copies de ces courriels devraient circuler.
Le 29 avril, à 10 h 36, je reçois un courriel de mon superviseur — encore une fois, mon superviseur était George Reid — m'informant qu'il a quelques questions à me poser au sujet de mon voyage et me demandant de l'appeler. Je lui téléphone le jour même, mais je ne m'en souviens pas; j'ai écrit ici que je lui ai parlé, mais il se peut que non, que je lui aie laissé un message ou que je ne l'aie pas rappelé.
Ensuite, le 29 avril, à 14 h 48, je reçois un autre courriel du sergent d'état-major George Reid m'informant que le médecin chef, la Dre Isabelle Fieschi, s'oppose à ce que je me rende au Sénat. Il veut que je l'appelle, car il est convaincu que nous pourrons trouver un arrangement.
Le jour même, je téléphone au bureau de la Dre Isabelle Fieschi et lui laisse un message pour qu'elle me rappelle, car je veux savoir pourquoi elle a refusé que je fasse ce voyage.
Le 30 avril, à 7 h 10, je reçois un autre courriel de mon superviseur me demandant où j'en suis dans mes démarches. Il me rappelle aussi que le jour de mon voyage approche à grands pas et que je dois produire un certificat médical tous les 30 jours, conformément à la politique administrative. Si vous êtes en congé de maladie, cette politique exige que vous alliez voir votre médecin tous les 30 jours pour fournir les raisons pour lesquelles vous êtes en congé de maladie ou vous ne pouvez pas travailler. C'est ce que j'avais fait.
Pour vous expliquer pourquoi je n'ai pas continué à le faire, la GRC a congédié mon thérapeute et je n'ai donc pas vu de thérapeute. Je me retrouve donc malheureusement entre deux chaises sur ce plan-là.
Le jour même, à 8 h 48, j'informe mon superviseur que la Dre Fieschi ne m'a pas rappelé. J'en profite aussi pour lui signaler que j'ai un rendez-vous chez le médecin le lendemain et que je lui transmettrais sous peu le certificat requis. À 8 h 55, mon superviseur accuse réception de mon courriel. À 13 h 30, comme je n'ai toujours pas eu de nouvelles de la Dre Fieschi, je lui envoie un courriel pour lui demander de me répondre par écrit pour m'expliquer les raisons de son opposition à mon voyage à Ottawa pour aller témoigner devant le Sénat.
À 17 h 33, le même jour, je reçois un courriel de la Dre Fieschi dans lequel elle motive sa décision de s'opposer à ce voyage à Ottawa.
Je tiens à souligner que je n'ai jamais rencontré la Dre Fieschi en personne et que je ne lui ai pas parlé non plus. Le seul contact que nous avons eu se limite à un échange de courriels.
Le 3 mai, j'ai reçu un courriel de ma superviseure. Je ne lui ai pas répondu; j'étais alors très fâché. Je n'ai répondu à personne. J'étais fâché qu'on m'empêche de venir au Sénat.
Le 3 mai, à 12 h 4, je reçois un courriel de mon superviseur m'indiquant qu'il n'avait pas reçu de mise à jour du médecin-chef concernant mon voyage à Ottawa pour aller comparaître devant le Sénat. Il se demande ce que j'en pense. Il ne peut donc pas autoriser ce voyage, car le manuel administratif le lui interdit. Il me demande aussi de communiquer avec lui dès que possible si jamais j'arrive à infléchir la position des services de santé.
Je ne sais pas vraiment si la position dont il parlait était celle du médecin-chef ou des administrateurs de la GRC. Il termine en me rappelant que la date de mon voyage approche à grands pas, parce que je ne lui ai pas répondu.
À 13 h 38, je demande une copie de la politique à mon superviseur, George Reid. À 14 h 45, je reçois une copie de la politique.
À 14 h 48, je reçois un courriel de la Dre Fieschi adressé à moi, à mon superviseur et à une autre personne, la surintendante Deanne Burleigh, qui occupe un poste de direction à la GRC. Je suis bouleversé et horrifié de voir que la Dre Fieschi a jugé bon d'envoyer une copie conforme à Deanne Burleigh.
Je dois mentionner que Deanne Burleigh a envoyé des lettres à des membres de la GRC qui étaient en congé de maladie. Ces lettres étaient des lettres d'intention pour les informer de leur congédiement prochain. Quand j'ai vu qu'elle avait reçu copie de la lettre de la Dre Fieschi, je me suis dit que j'allais recevoir une de ces lettres à mon tour. Je n'en ai jamais reçu dans d'autres circonstances. Cela m'a beaucoup angoissé.
Dans son courriel, la Dre Fieschi me fait remarquer que si je vais assez bien pour aller comparaître devant le Sénat, je vais assez bien pour travailler. Elle ajoute que si je vais comparaître devant le Sénat, mon employeur s'attendra alors à ce que je réintègre mes fonctions dès mon retour d'Ottawa.
Il y a lieu de préciser que la Dre Fieschi sait pertinemment alors que j'ai subi trois chirurgies depuis le début de mon congé de maladie. La dernière est prévue pour le 8 mai et elle le sait très bien. Je suis prêt à aller comparaître devant le Sénat le 6 mai, même si je sais que je dois subir une chirurgie consécutive à mon accident de travail, le 8 mai. Comment peut-elle donc alors m'ordonner de rentrer au travail dès mon retour d'Ottawa alors qu'elle sait très bien que je dois passer sous le bistouri le 8 mai? Cela n'a aucun sens.
Le 31 mai, à 12 h 50, j'envoie un courriel à mon superviseur pour l'informer que j'ai été invité à comparaître devant le Sénat, le 4 juin. Le 1er juin, à 8 h 46, j'ai reçu un courriel de mon superviseur m'avisant que mon déplacement est autorisé et voilà où nous en sommes.
Le président : Il serait peut-être utile que vous nous disiez depuis combien de temps vous êtes à la GRC et pour quelle raison vous avez dû prendre un congé de maladie. Vous avez parlé de plusieurs interventions chirurgicales. Il serait utile que vous nous disiez quelles étaient ces interventions et aussi selon quelle fréquence vous voyez votre médecin et quel est votre état de santé.
M. Beaulieu : J'aurai 27 ans d'ancienneté à la GRC en février et j'ai eu cinq ans d'expérience militaire avant cela. Je suis tombé malade à la GRC vers 2010 suite à des plaintes que j'avais portées contre le superviseur que j'avais à l'époque. Je me suis servi de la procédure de plainte en vigueur à la GRC, mais malheureusement, cela n'a pas marché pour moi, car on s'est arrangé pour que ma plainte n'aboutisse pas. J'ai découvert plus tard, quand j'ai demandé les courriels échangés entre les gestionnaires, qu'un courriel avait été transmis d'un bureau à l'autre pour suggérer que mon représentant n'assiste pas à une réunion afin que je n'aie personne pour m'y représenter. J'ignorais que cela avait été arrangé, mais je l'ai découvert plus tard. J'ai abandonné mes plaintes avant cela, mais j'ai découvert ce qui s'était passé suite à d'autres plaintes.
Je travaillais dans le domaine de la sécurité nationale. J'ai fait des heures supplémentaires qu'on a refusé de me payer. J'ai demandé à profiter des possibilités d'avancement, mais on a modifié les conditions d'admissibilité après que j'ai fait ma demande si bien que je n'ai pas pu demander à m'en prévaloir. J'ai présenté un grief à ce sujet.
On a rédigé mon évaluation de façon à ce que je n'obtienne pas d'avancement sans mentionner aucun des renseignements positifs que j'avais fournis. Je pourrais citer toute une liste de faits, mais il me faudrait longtemps pour entrer dans tous les détails.
Au cours de ce processus, j'ai quitté l'EISN et je suis allé aux Services de protection où j'ai cru que j'allais pouvoir défendre les griefs que j'avais présentés, tout en travaillant. Je ne voulais pas prendre de congé de maladie à ce moment- là et j'ai donc travaillé.
Au cours des quatre ans que j'ai passés là, je me suis occupé de mes griefs. La procédure de griefs m'a laissé tomber encore une fois et j'ai pris congé suite à quelque chose qui est arrivé dans les services de protection. Là encore, j'ai défendu mes hommes et mes patrons ont estimé que je n'avais pas les qualités voulues pour être un gestionnaire. J'ai quitté le bureau et je suis allé consulter mon thérapeute. J'ai eu un diagnostic non pas de ESPT — je confonds toujours — mais de troubles qui ne s'améliorent pas avec le temps. Cela empire. Voilà où j'en suis aujourd'hui.
Le président : En quelques mots, quand vous êtes parti en congé de maladie, et vous avez mentionné les interventions chirurgicales que vous avez subies, diriez-vous que votre congé de maladie résultait d'un stress ou de problèmes physiques qui exigeaient une intervention chirurgicale, ou les deux?
M. Beaulieu : C'était, je pense, un ensemble des deux. La première intervention que j'ai subie était une chirurgie nasale pour les ronflements. Je ne dormais pas bien. J'avais une apnée du sommeil très mineure et on m'a donc opéré pour cela. On m'a également enlevé la vésicule biliaire, ce qui était, je crois, relié au stress et je viens d'avoir une intervention sur mon pied gauche à cause d'un éperon osseux causé par mon travail tactique et le port de grosses bottes et de mauvaises chaussures.
Le sénateur Furey : Caporal Beaulieu, merci d'être venu aujourd'hui. Vous avez dit que vous n'avez jamais rencontré la Dre Fieschi ou que vous ne lui avez jamais parlé, n'est-ce pas?
M. Beaulieu : C'est exact.
Le sénateur Furey : Nous avons ici un certificat médical en date du 1er mai 2013 où je vois le tampon du Dr Chris Sedergreen. S'agit-il de votre médecin traitant?
M. Beaulieu : Oui, c'était mon médecin et il est encore mon médecin.
Le sénateur Furey : Je vois qu'il est chirurgien et non généraliste.
M. Beaulieu : C'est exact.
Le sénateur Furey : Avez-vous d'autres médecins qui vous soignent à part un chirurgien?
M. Beaulieu : Non, pas pour le moment. J'avais le Dr Webster, qui est un thérapeute de la police, mais il a été congédié.
Le sénateur Furey : Quel médecin a fait le diagnostic dont vous venez de parler, à savoir qu'il s'agissait non pas d'un état de stress post-traumatique, mais d'un trouble similaire?
M. Beaulieu : Cela s'appelle — j'ai un trou de mémoire...
Le sénateur Furey : Pas de problème. Quel médecin a fait ce diagnostic?
M. Beaulieu : C'est le Dr Webster qui a fait ce diagnostic.
Le sénateur Furey : Quand vous dites que vous n'avez aucun contact avec la Dre Fieschi, je suppose que c'est à part les courriels ou les écrits ou autres communications non verbales et non physiques.
M. Beaulieu : C'est exact.
Le sénateur Furey : J'ai quelques autres questions. Votre superviseur, le sergent d'état-major Reid était-il au courant de votre diagnostic?
M. Beaulieu : Je ne suis pas certain qu'il était au courant de mon diagnostic en tant que mon superviseur, mais il n'aurait pas dû le savoir, car il s'agit d'un dossier médical. Je pense que la seule personne qui aurait dû être au courant était la responsable des services de santé qui avait accès à mon dossier médical.
Le sénateur Furey : Cela m'amène à ma question suivante. La responsable des services de santé était-elle au courant de votre diagnostic?
M. Beaulieu : Je suppose que oui, car elle avait accès à mon dossier médical.
Le sénateur Furey : Savez-vous si la Dre Fieschi a jamais consulté le Dr Webster ou le Dr Sedergreen?
M. Beaulieu : Je sais qu'elle a cherché à obtenir certains renseignements du Dr Sedergreen à plusieurs reprises et je pense qu'elle cherchait à me faire reprendre le travail. Cependant, comme j'avais un problème psychologique, le Dr Sedergreen a estimé que je n'étais pas en état de reprendre mes fonctions avant d'avoir consulté quelqu'un qui pouvait m'aider.
Le sénateur Furey : Expliquez-nous simplement la procédure, si vous le voulez bien. Si vous êtes en congé de maladie qui, dans la chaîne de commandement, doit savoir que vous êtes en congé et pour quelle raison?
M. Beaulieu : Mon psychologue et mon médecin. En ce qui concerne la GRC, je ne pense pas que les services de santé ou la direction ont à connaître les raisons détaillées. L'important, c'est mon diagnostic.
Le sénateur Furey : Néanmoins, quelqu'un doit accorder le congé, n'est-ce pas?
M. Beaulieu : Je suppose que oui.
Le sénateur Furey : Je me demande seulement qui, dans la chaîne de commandement, était informé de votre diagnostic et en mesure de prendre cette décision.
M. Beaulieu : C'est probablement le médecin-chef qui prend ces décisions en ce qui concerne mon emploi. Je ne suis pas certain de comprendre la question.
Le sénateur Furey : Le médecin-chef a dû avertir vos superviseurs que vous alliez prendre un congé de maladie.
M. Beaulieu : Je devais également en aviser mon superviseur. J'ai reçu le certificat médical de mon médecin psychologue et je lui en ai envoyé la copie par courriel pour qu'il en avise les services de santé. C'est ainsi que j'ai procédé.
Le sénateur Furey : Si vous le permettez, je passe à un sujet un peu différent. Pouvez-vous expliquer la procédure de plainte au sein de la GRC?
M. Beaulieu : Oui, j'aimerais beaucoup le faire.
La procédure de plainte à la GRC est que si je ne suis pas d'accord ou si j'estime avoir été lésé, je dépose un grief. Conformément à la politique, la GRC a un certain délai pour me répondre et enclencher la procédure. Il y a ce qu'on appelle un « stade précoce de résolution » où les parties se réunissent pour discuter des problèmes et parvenir à un accord. C'est ce qui se passe dans le meilleur des cas. Bien souvent, ce n'est pas ce qui se passe pour diverses raisons.
L'étape suivante est que l'auteur du grief peut demander les documents pertinents. C'est un long processus et il faut parfois des années pour obtenir ces renseignements, ce qui ralentit les choses, car les documents pertinents doivent être produits en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Ils proviennent de toutes sortes d'endroits. C'est très difficile.
Lorsque ces renseignements arrivent, vous les recevez et vous déposez vos renseignements au niveau 1, parce que vous ne pouvez pas parvenir à un accord.
Le niveau 1 examine les renseignements que vous avez fournis en preuve, et un arbitre détermine si le grief est fondé ou non. Si vous n'êtes pas d'accord avec son opinion, vous passez au niveau 2.
Au niveau 2, le processus est le même et vous fournissez les renseignements supplémentaires que vous pouvez avoir à fournir en tant que partie lésée.
Le niveau 2 examine ces renseignements et revient vous dire : « Non, nous sommes d'accord avec le niveau 1. » Le seul autre recours est de s'adresser au Comité externe d'examen, comme je le comprends maintenant.
Le Comité externe d'examen suit sa procédure et adresse une recommandation au commissaire qui peut être d'accord ou non avec la décision du Comité externe d'examen.
Le problème que pose tout ce processus est que les choses ne vont pas plus loin que le bureau du commissaire. Comme je l'ai constaté, ainsi qu'un très grand nombre de mes collègues, c'est que cela ne va pas plus loin à ma connaissance, dans 99 p. 100 des cas, le commissaire s'en tient à la décision initiale.
Le sénateur Furey : La procédure semble plutôt lourde. En êtes-vous satisfait?
M. Beaulieu : Non. Elle est très lourde. Elle ne fonctionne pas. Elle fait du tort aux membres de la GRC, car ils estiment que le système n'est pas juste étant donné que la décision est prise par le gestionnaire au sujet duquel vous vous plaignez.
J'ai logé une plainte au sujet d'un gestionnaire et de deux superviseurs. La plainte que j'avais formulée par écrit leur a été renvoyée et ils se sont réunis dans une pièce pour en discuter. Il n'y a eu aucune enquête et on leur a demandé de répondre à ma plainte. Ils en ont discuté ensemble et ils ont rédigé leurs déclarations. Ils les ont remises à l'officier dont je m'étais plaint, qui les a ensuite envoyées ensemble. C'est ainsi qu'on m'a répondu et pour le commandant, l'affaire était réglée.
Le sénateur Furey : Savez-vous si la GRC cherche à rationaliser ce processus ou à le modifier de façon quelconque?
M. Beaulieu : J'en ai entendu parler, oui. Comme je l'ai dit, je suis membre de l'Association professionnelle de la police montée du Canada. J'ai représenté plusieurs membres. J'ai aidé un officier du sexe féminin. Une semaine avant de venir ici, je suis allé l'aider à retourner au travail et à obtenir un règlement de ses plaintes. J'ai parlé à un officier supérieur, du nom de Brian Cantera, qui m'a dit qu'un nouveau processus avait été mis en place. On a estimé que toutes ces plaintes étaient des conflits en milieu de travail et non du harcèlement. C'est une des principales choses qui se sont produites. On a ramené cela à des conflits en milieu de travail pour éviter d'avoir à faire face au problème du harcèlement.
Cette personne avait cinq plaintes. Le responsable les lui a remises en disant : « Chacune de ces plaintes est considérée comme un conflit en milieu de travail. Voici les cinq processus que vous-mêmes et les deux agents dont vous vous plaignez devriez examiner. » L'un d'eux était la médiation. La médiation suggérée ne devait pas être confiée à un médiateur de l'extérieur, mais à un médiateur interne de la GRC, ce qui veut dire que cela reste sous le contrôle de la GRC et non d'un organisme indépendant.
Pour ce qui est des autres personnes dont elle s'est plainte, deux sous-officiers et deux officiers, la médiation n'était pas prévue. Nous avons demandé pourquoi et on n'a pas pu nous répondre.
Le sénateur Furey : Avant de passer à autre chose, pourriez-vous expliquer de quelle organisation vous avez dit être membre?
M. Beaulieu : C'est l'Association professionnelle de la police montée du Canada, l'APPM, dont je suis également un membre exécutif. Je trouve très thérapeutique d'aider les gens à résoudre leurs problèmes, car je peux venir en aide aux personnes qui connaissent les mêmes difficultés que moi.
Le sénateur Furey : C'est un organisme bénévole?
M. Beaulieu : C'est un organisme bénévole. Je ne suis pas payé pour ce travail. Je le fais dans mon temps libre.
Le sénateur Mitchell : Merci, caporal Beaulieu.
Dans la lettre du médecin vous refusant la permission de venir, la raison invoquée est que le voyage en avion, les aéroports et une comparution d'une durée d'une heure vous causeraient beaucoup de stress. Néanmoins, vous aviez déjà obtenu avant l'autorisation de parcourir des grandes distances en avion et ce n'était pas trop stressant?
M. Beaulieu : Non. J'ai même trouvé relaxant de m'éloigner, simplement de partir.
Le sénateur Mitchell : Comment vous sentez-vous après un vol qu'on vous a autorisé à faire avant une réunion d'une heure avec un comité sénatorial. Est-ce aussi stressant que cela?
M. Beaulieu : Oh non!
Le sénateur Mitchell : Il y a lieu de se demander pourquoi vous pouviez voyager avant, mais pas maintenant. Avez- vous une idée des raisons pour lesquelles on a hésité à vous autoriser à comparaître devant un comité de la défense qui se penche sur le harcèlement au sein de la GRC?
M. Beaulieu : Oui, je crois qu'on ne voulait pas que je parle du harcèlement ou de la violence en milieu de travail. Je crois aussi que c'était une tactique d'intimidation pour me forcer à retourner au travail en me disant que si je pouvais voyager, on s'attendait à ce que je reprenne le travail. C'était très intimidant.
Le sénateur Mitchell : Si possible, donnez-moi une idée de la chaîne de commandement, car vous connaissez certainement la chaîne de commandement. Cette initiative émane-t-elle directement du sergent d'état-major Reid ou du médecin? Ont-ils été consultés — nous pourrons leur poser la question plus tard. Se pourrait-il que des gens en haut de la chaîne de commandement leur aient demandé de prendre cette décision? À quel niveau cela serait-il?
M. Beaulieu : C'est une bonne question. Normalement, pour ce qui est de la chaîne de commandement, j'avertis mon superviseur, qui donne alors son autorisation ou son refus. Les raisons pour lesquelles cela pourrait aller plus haut ne sont que pures hypothèses, mais je pense qu'on voulait exercer un contrôle et qu'on ne voulait pas que je vienne témoigner. Je crois que c'est venu du sommet de la hiérarchie. Je n'en ai pas la preuve, mais c'est ma conviction.
Le sénateur Mitchell : Il est évident que le commissaire Paulson vous connaît, car il a passé beaucoup de temps, hier, au comité, à formuler des critiques à votre endroit à une tribune très publique.
M. Beaulieu : Oui, cela m'ennuie beaucoup. Cela m'a choqué et surpris, mais je suis content qu'il ait parlé de la lettre. En effet, depuis de nombreuses années, la GRC avait pour habitude de négocier une clause de retraite ou de départ prévoyant le paiement d'une indemnité de retraite avec les membres qui étaient en congé de maladie. C'est ce qui s'est passé pendant de nombreuses années, au coût de millions de dollars pour les contribuables, ce que ces derniers ignorent. Bien entendu, la GRC vous fait signer un formulaire de non-divulgation dans lequel vous vous engagez à ne pas en parler. Si j'avais conclu une entente, j'aurais dû signer ce formulaire et je n'aurais pas pu en parler maintenant.
J'ai envoyé cette lettre dans l'intention de prendre ma retraite de la GRC parce qu'elle refusait de résoudre mes problèmes. Je n'avais pas le choix; j'étais le dos au mur. On allait me congédier. Je n'avais pas d'autre choix, alors que je n'avais rien fait.
Le président : Passons à quelqu'un d'autre.
Le sénateur Joyal : Je voudrais revenir sur l'évaluation de santé signée par la Dre Fieschi. Avez-vous jamais rencontré la Dre Fieschi avant?
M. Beaulieu : Non.
Le sénateur Joyal : Vous ne connaissez pas la Dre Fieschi?
M. Beaulieu : Non.
Le sénateur Joyal : Elle ne vous a jamais examiné avant?
M. Beaulieu : Non.
Le sénateur Joyal : Avant de signer la lettre, vous a-t-elle contacté?
M. Beaulieu : Non. Je l'ai contactée, mais elle ne m'a jamais rappelé.
Le sénateur Joyal : Je vois. Pourquoi l'avez-vous contactée?
M. Beaulieu : Je voulais savoir pourquoi elle avait refusé mon voyage. Comme elle ne m'a pas rappelé, je lui ai envoyé un courriel demandant par écrit qu'elle me fournisse les raisons et elle m'a répondu par écrit.
Le sénateur Joyal : Elle vous a répondu par écrit?
M. Beaulieu : Oui, après que je lui ai laissé un message, c'est exact.
Le sénateur Joyal : Avez-vous une copie de cette lettre?
M. Beaulieu : Oui, je l'ai. Ce n'est pas une lettre, mais un courriel.
Le sénateur Joyal : Est-il habituel au sein de la GRC qu'un médecin confirme l'état de santé d'un membre de la GRC sans l'examiner, à votre connaissance?
M. Beaulieu : Je ne peux pas répondre à cela, car je ne lui ai pas parlé, mais à ma connaissance, elle a essayé avant de me parler pour que je reprenne le travail, mais comme j'avais toutes ces interventions chirurgicales à subir, je n'ai pas eu l'occasion de la rencontrer. Non, je ne lui ai jamais parlé. Oui, cela s'est déjà produit par le passé.
Le sénateur Joyal : Cela s'est déjà produit par le passé à la GRC?
M. Beaulieu : Je ne peux pas vous donner de renseignements précis à ce sujet. Je fais partie d'un groupe de soutien des membres de la GRC où nous discutons de problèmes similaires et nous nous aidons mutuellement. Il y a d'autres membres de ce groupe — nous sommes une cinquantaine, en Colombie-Britannique — qui ont connu les mêmes problèmes.
Le sénateur Joyal : Comme vous le comprendrez, pour quelqu'un qui ne connaît pas les habitudes de la GRC, il est assez étrange qu'un médecin confirme l'état de santé d'une personne sans l'examiner d'abord ou sans avoir de contacts directs avec elle. À moins que cette personne ne puisse parler parce qu'elle est dans le coma ou ne puisse pas communiquer, car dans ce cas, bien sûr, le médecin se contentera de lire le dossier.
Je vous parle en tant que profane, en tant que personne de l'extérieur. Cet aspect me sidère dans une certaine mesure, car du point de vue professionnel, il me semble que lorsque le « patient » est disponible et capable de communiquer, la norme professionnelle exigerait que le médecin examine son dossier avec lui avant de dire : « Non, il ne peut pas voyager » ou « S'il voyage, j'en conclus qu'il peut retourner au travail », ce qui n'est pas la même chose, selon moi. Une personne peut être capable de voyager, mais pas capable de travailler. Il y a divers éléments à considérer. Il y a des nuances, dans ce contexte, selon moi.
Voilà pourquoi j'aimerais que vous me disiez dans quel contexte dans lequel cela s'applique à la GRC afin de comprendre pourquoi la Dre Fieschi est intervenue dans un dossier alors qu'elle n'est pas votre médecin habituel. Qui est votre médecin habituel?
M. Beaulieu : Mon médecin est le Dr Chris Sedergreen et je le vois régulièrement.
Le sénateur Joyal : Savez-vous si ce médecin a communiqué avec la Dre Fieschi pour l'informer de votre état de santé?
M. Beaulieu : Oui, il l'a informée à plusieurs reprises que j'étais en congé de maladie et c'est tout ce qu'il lui a dit. On savait que j'étais en congé pour des problèmes psychologiques, mais pour ce qui est de mes problèmes physiques, mon médecin en a parlé au médecin-chef. Il savait aussi que je recherchais d'autres thérapeutes.
Le sénateur Joyal : Vous venez d'aborder ce que je voulais souligner. Votre santé physique pourrait vous permettre de voyager, mais pas votre santé psychologique. Comme je l'ai mentionné, ce sont là deux choses différentes.
C'est pourquoi j'essaie de comprendre la relation entre votre médecin traitant et la Dre Fieschi, qui ne semble pas être votre médecin habituel ou conseiller psychologique, car c'est également la relation que vous auriez pu avoir avec un professionnel de la santé dans ce contexte.
Quelles sont les conséquences professionnelles de votre comparution ici aujourd'hui?
M. Beaulieu : Sur le plan professionnel, ma carrière est finie. Elle est finie. En fait, je pense que ma carrière a pris fin quand j'ai reçu l'invitation pour la première fois, il y a longtemps.
Aujourd'hui, oui, elle est terminée. Je ne peux pas retourner à la GRC, c'est impossible. Je ne peux pas le faire. Je ne peux tout simplement pas le faire. Je ne peux pas retourner là-bas, car je sais que ces officiers me considéreraient comme un fauteur de troubles.
Le sénateur Joyal : Un renégat.
M. Beaulieu : Un renégat. Oui, je pense qu'il serait très mauvais pour ma santé mentale de me retrouver à un poste au sein de la GRC.
La sénatrice Fraser : Monsieur Beaulieu, connaissez-vous d'autres cas dans lesquels l'autorisation de voyager a été refusée comme elle l'a été pour vous, autrement dit, pour la raison que si vous êtes capable de voyager, vous êtes capable de retourner au travail?
M. Beaulieu : Non, je n'en ai jamais entendu parler.
La sénatrice Fraser : Vos demandes de voyage antérieures ont été approuvées par le sergent d'état-major Reid lui- même?
M. Beaulieu : C'est exact.
La sénatrice Fraser : Dans votre lettre au commissaire Paulson, vous dites qu'Anciens Combattants Canada vous a donné un diagnostic d'ESPT, le trouble relié au stress dont vous avez parlé. C'est ce service qui vous a examiné?
M. Beaulieu : Ce qui s'est passé, c'est qu'on a demandé un rapport approfondi à mon médecin, le Dr Webster.
La sénatrice Fraser : Anciens Combattants Canada?
M. Beaulieu : Anciens Combattants l'a demandé parce que je lui ai fait une demande de pension d'invalidité. Mon médecin a envoyé son rapport et j'ai envoyé les preuves de mes griefs et de la façon dont ils avaient été traités. Sur cette base, Anciens Combattants a reconnu mon invalidité en raison de la façon dont j'ai été traité par la GRC. J'ai une copie de la lettre, si vous la désirez. Je ne l'ai pas sous la main aujourd'hui.
La sénatrice Fraser : Si vous pouviez la fournir au comité, cela nous serait utile.
M. Beaulieu : Absolument.
La sénatrice Fraser : En même temps, fournissez-nous le nom du trouble en question.
M. Beaulieu : Cela va me revenir.
La sénatrice Fraser : Ce n'est pas important que vous nous le donniez tout de suite, mais c'est pour nos dossiers.
Je ne comprends pas pourquoi vous vous êtes adressé à Anciens Combattants plutôt qu'à la GRC.
M. Beaulieu : C'est une bonne question. Pour ce qui est des Anciens Combattants, j'en ai seulement entendu parler longtemps après être parti en congé de maladie lorsque j'ai participé à des groupes. Un membre du groupe m'a dit que si nous faisions une demande, Anciens Combattants pouvait nous considérer comme étant handicapés ou du moins voir ce qu'il pourrait faire pour nous aider, car nous n'avions aucune autre source d'aide à part nos psychologues ou nos médecins. Par l'entremise des membres du groupe et les recherches que j'ai faites, j'ai appris l'existence d'une clinique pour TSO.
La sénatrice Fraser : Vous l'avez fait de vous-même?
M. Beaulieu : C'est exact. J'ai entamé ce processus de moi-même.
La sénatrice Fraser : Vous dites dans la lettre que le Dr Webster a été congédié de la GRC pour avoir certifié que vous étiez inapte au travail pour cause de maladie. Avez-vous la preuve qu'il a été congédié pour cette raison?
M. Beaulieu : En fait, il n'a jamais vraiment été embauché par la GRC. Il était un des psychologues inscrits sur la liste de psychologues approuvés par la GRC que nous pouvions consulter à ses frais. Le Dr Webster est un personnage très coloré, mais très compétent, qui voyage à travers le monde et parle des négociations, de la psychologie policière. Il connaît très bien son domaine. Il a parlé très franchement des problèmes à la GRC et de la façon dont elle traitait ses membres et refusait de résoudre certains problèmes. La GRC en a eu assez, elle a déposé une plainte contre lui au Collège des psychologues et a dit par lettre, à tous ses patients, que nous ne devrions plus recourir à ses services, car ils ne seraient pas remboursés et nous aurions à les payer de notre poche. La GRC refusait de reconnaître ses diagnostics si les gens payaient ses services de leur poche.
La sénatrice Fraser : Pourquoi avez-vous écrit cette lettre au commissaire? Ne serait-il pas normal d'essayer de négocier une retraite anticipée à un échelon plus bas?
M. Beaulieu : C'est une bonne question. Comme je l'ai dit, je fais partie d'un groupe d'une cinquantaine de personnes qui sont en congé de maladie, dans certains cas depuis huit ans, et qui essaient de négocier ou de résoudre leurs problèmes, ce que la GRC refuse de faire. Un bon nombre de ces personnes ont commencé à négocier dans le cadre de ce qu'on appelle le processus de retour au travail, mais il y a un dénommé Rick Cousins, qui est un membre retraité de la GRC qui a joué le rôle d'intermédiaire, en Colombie-Britannique, auprès des membres de la GRC en congé de maladie ou ceux qui veulent retourner au travail pour les aider à négocier un règlement. Certains membres ont engagé des avocats qui leur ont coûté des centaines de milliers de dollars, ils sont endettés et n'ont pas les moyens de procéder autrement.
J'ai contacté Rick Cousins comme d'autres l'ont fait. Je ne voulais pas avoir à négocier avec le surintendant de la Colombie-Britannique qui, je le sais, s'est occupé de mon dossier depuis le premier jour, à qui je ne fais pas confiance et qui m'a menti. Comment pourrais-je négocier avec ce genre de personne?
Je savais que le commissaire Paulson était déjà au courant de ma situation et je pensais qu'il valait mieux m'adresser directement à lui au lieu de passer par des intermédiaires.
Le sénateur Comeau : Je voudrais centrer mon attention sur certaines questions soulevées dans les médias. Je vais citer des observations publiées par Annie Bergeron-Oliver, le 30 mai 2013, dans iPolitics. Je vais citer quelques-uns de ses propos.
Beaulieu « est déçu que le Sénat ait choisi de tenir sa première séance à ce sujet sans lui et en secret ... le Sénat a décidé de mener une enquête sur les allégations de musellement, mais Beaulieu n'y a pas participé. »
Je pense que c'est la journaliste qui a dit cela. Je cite directement :
« Les raisons pour lesquelles ce n'est pas ouvert au public m'inquiètent beaucoup », a-t-il déclaré au téléphone.
[...] Beaulieu souhaite plus de transparence de la part des membres du comité. Il veut savoir ce qui s'est passé.
Étant donné de ce qui a transpiré de cette discussion à huis clos — toujours à propos de notre comité — Beaulieu a laissé entendre que c'était peut-être pour sa protection.
Vous supposez, je pense, que nous l'avons fait pour votre protection.
Les membres du comité ont reçu la copie de son dossier médical....
Je voudrais savoir si quelqu'un vous a dit que nous avions reçu la copie de votre dossier médical?
M. Beaulieu : Non. Je sais que j'ai été contacté par un avocat du Parlement qui s'occupait de cette question et qui m'a demandé si je voyais des objections à ce que mes dossiers médicaux soient envoyés au comité. J'ai dit que je n'en avais aucune. J'ai dû signer un consentement. On m'a demandé de donner mon consentement. Je l'ai fait par courriel. Je suppose que ce n'était pas suffisant, car on m'a envoyé une lettre que j'ai dû signer pour consentir à ce que le comité examine ces dossiers.
Le sénateur Comeau : Contrairement à ce qu'a dit la journaliste selon qui cela vous préoccupait, vous n'avez aucune raison de croire que nous avons reçu vos dossiers médicaux?
M. Beaulieu : J'ai accepté que vous les obteniez.
Le sénateur Comeau : Je signale que nous ne les avons pas reçus.
M. Beaulieu : Je vois. Je l'ignorais.
Le sénateur Comeau : Quant au fait que vous n'avez pas été invité à notre séance de planification, il est normal que le comité planifie qui il convoquera comme témoins et quels seront ses objectifs. C'est tout à fait normal; tous les comités le font. Avez-vous eu l'impression que nous n'étions pas justes envers vous en ne vous invitant pas à notre séance de planification comme le laisse entendre cet article de journal?
M. Beaulieu : Non.
Le sénateur Comeau : La journaliste, Mme Bergeron-Oliver, prenait des libertés avec ce que vous lui aviez confié.
M. Beaulieu : Je pense qu'elle a mal compris ce dont nous parlions. Je n'étais pas vexé de ne pas avoir été invité à cette partie-là. Je comprenais que c'était probablement à huis clos, parce que vous étudiiez mon dossier médical, et c'est ce que je lui ai expliqué.
Le sénateur Comeau : Tout l'article laisse entendre que, pour une raison ou pour une autre, le comité agissait en secret; il n'était pas transparent. Elle vous a peut-être fait dire ce que vous n'avez pas dit, qu'à un certain point, tout cela était caché.
M. Beaulieu : J'ai mis cela en question, jusqu'à ce que j'y réfléchisse. C'était logique que vous fassiez cela à huis clos et non en public, pour mon dossier médical. C'est ce que je lui ai expliqué.
Le sénateur Comeau : À un moment donné dans l'article aussi, et je pense l'avoir vu ailleurs, la GRC a mis en place une nouvelle politique sur les déplacements quelques jours à peine après que vous ayez été informé par vos supérieurs que vous ne pouviez vous rendre à Ottawa. Est-ce que c'est ce que vous croyez, que ça s'est fait seulement quelques jours avant?
M. Beaulieu : C'est ce que je crois, et je vais vous dire pourquoi. Quand vous consultez une politique de la GRC et que vous examinez des documents expédiés, il arrive qu'ils portent la date à laquelle ils ont été expédiés et aussi la date à laquelle la politique a été mise en œuvre. Si vous regardez la politique que je vous ai envoyée, la ligne du bas est sur la même ligne que la date. Habituellement, la date est placée sur la ligne suivante, mais si elle est sur la même ligne, ça veut dire que c'est la date à laquelle la politique est entrée en vigueur.
Le sénateur Comeau : Nous allons faire confirmer la chose par la GRC, mais ce que je comprends, c'est qu'il existe une politique depuis 2009. Nous pouvons faire confirmer la chose par la GRC.
M. Beaulieu : La GRC met les politiques à jour.
Le sénateur Comeau : Au début, l'intervention pour corriger l'ostéophyte de votre pied avait été prévue le 12 avril. Elle a été reportée au 8 mai.
M. Beaulieu : Oui.
Le sénateur Joyal : Est-ce que c'était à votre demande ou c'était normal?
M. Beaulieu : Non, ce n'était pas normal, parce que ce qui s'est passé, c'est que la GRC a changé notre régime médical en cessant de s'en occuper et en nous obligeant à nous inscrire au régime provincial. Je devais faire une demande en vertu du régime de santé de la Colombie-Britannique et la GRC s'occupait normalement de ces choses. Le bureau du médecin croyait que la GRC allait faire le nécessaire pour mon opération ou la payer. À la date prévue de mon opération, un ou deux jours avant, je me suis rendu compte que je devais m'inscrire au régime de santé et que la chirurgie devait être payée par le régime plutôt que par la GRC. Pour une simple question de facturation, c'est pourquoi ils ont changé la date.
Le sénateur Comeau : Est-ce que l'opération a eu lieu depuis?
M. Beaulieu : Oui, l'intervention s'est déroulée la semaine dernière. Je suis encore en période de rétablissement — il y a un mois, en fait.
Le sénateur Comeau : Ma dernière question concerne la comparution devant le comité de la défense, ce qui semble avoir engendré le problème actuel.
À un moment donné, on vous a demandé si une vidéoconférence serait un moyen envisageable pour vous de comparaître et je crois que d'une manière ou d'une autre, ça ne s'est pas fait. Je crois qu'on estimait alors que vous n'étiez pas autorisé à vous rendre à Ottawa.
Avez-vous envisagé d'essayer d'organiser de nouveau une vidéoconférence, étant donné l'importance de ce que vous vouliez dire au comité? Avez-vous pensé à demander cela?
M. Beaulieu : La GRC a bien dit dans son courriel qu'elle étudiait cette option et, quand on a refusé que je vienne ici, j'ai fait savoir que j'avais eu un refus et que quelqu'un d'autre allait y aller à ma place. On ne m'en a plus parlé. Je n'y ai pas pensé, mais ma hiérarchie m'a répondu que, étant donné que quelqu'un y allait à ma place...
Le sénateur Comeau : Vous n'avez pas envisagé d'insister.
M. Beaulieu : Je n'ai pas pensé à insister.
Le sénateur Runciman : Merci d'être venu, caporal. Comment décririez-vous vos relations avec la direction de la GRC? Est-ce que vous militez pour une représentation indépendante des gendarmes? Vous voyez-vous ainsi?
M. Beaulieu : En effet, maintenant, oui. Ce n'était pas le cas avant, mais je milite dorénavant pour cela.
Le sénateur Runciman : Vous êtes un membre actif de l'association en Colombie-Britannique. Vous faites partie des cadres de l'association.
M. Beaulieu : Oui, en effet.
Le sénateur Runciman : J'essaie de comprendre le contexte. Des choses m'intriguent aussi. Je sais que la sénatrice Fraser vous a parlé de la lettre que vous avez fait parvenir au commissaire Paulson. Le moment choisi pour l'expédier m'intrigue également, puisque la question avait été soulevée au Sénat le 7 mai et, bien sûr, vous saviez qu'une comparution devant le comité aujourd'hui était une possibilité. Ça laisse une drôle d'impression, le fait que vous ayez fait parvenir cette lettre, ou ces demandes, pourrait-on dire, au commissaire avant votre comparution devant nous. C'est là une chose sur laquelle il faudra nous pencher, je crois.
M. Beaulieu : La raison pour laquelle j'ai fait cela, c'est que je savais que j'avais son attention. Je devais obtenir une réponse de sa part, parce que je ne faisais pas confiance aux gens à l'échelle provinciale.
Le sénateur Runciman : Il y a des remarques sur la politique qui régit les déplacements. Vous avez laissé entendre que cette politique a été mise en œuvre pour faire face à votre cas, mais on nous a remis des éléments probants attestant du fait que cette politique existait en fait depuis 2009.
Quand j'étudie cela, et je suis un simple remplaçant à ce comité, je constate que vous avez eu la permission de vous rendre à Hawaï en mars.
M. Beaulieu : C'est exact.
Le sénateur Runciman : Est-ce que votre état de santé a tellement changé que ça justifiait de vous mettre au repos en mars jusqu'au moment où on a refusé que vous veniez ici? Est-ce que vos problèmes physiques ou autres étaient moins graves qu'avant?
M. Beaulieu : Seulement mon pied m'a fait mal pendant des mois. Je devais sautiller pour me déplacer, en gros, même pendant mes vacances.
Le sénateur Runciman : Même chose quand vous avez demandé d'aller à Hawaï, donc votre état ne s'était pas vraiment amélioré.
M. Beaulieu : Non.
Le sénateur Runciman : Je crois que ce fait, à mon avis, affaiblit beaucoup la position de la GRC, car il y aurait deux façons d'appliquer cette politique.
Mis à part la surintendante Burleigh, à votre connaissance, il n'y a personne d'autre qui, dans la chaîne de commandement, a pris part à la décision visant votre comparution.
M. Beaulieu : En fait, j'ai oublié de mentionner qu'il y avait quelqu'un qui venait de prendre sa retraite. Il est allé aux services de santé du quartier général pour ramasser des dossiers, à ce qu'il m'a dit. Il appartient à notre groupe. Quand il est passé, il a rencontré Deanne Burleigh, et elle lui a dit que le commissaire lui avait demandé de lui rédiger une note d'information sur moi. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai envoyé cette lettre également, parce que je voulais qu'il ait non seulement la note d'information de la GRC, mais aussi ma lettre contenant mes griefs.
Le sénateur Runciman : Ça s'est produit après que la décision ait été prise.
M. Beaulieu : C'est exact.
La sénatrice Martin : Mes collègues vous ont déjà posé une partie des questions que j'avais en main. Je veux d'abord vous remercier de votre présence.
En ce qui concerne votre blessure au pied, j'essaie de tirer certains éléments au clair afin de mieux comprendre, comme d'autres, toutes les circonstances de la situation.
Pourriez-vous expliciter le caractère de cette blessure et en quoi elle vous a empêché d'effectuer une partie des tâches administratives qu'on vous avait confiées? Je m'interroge sur le stress physique qu'aurait entraîné l'exécution de certaines tâches et sur la nature des exigences d'un certain nombre de ces tâches. J'essaie d'établir ce qui en était.
M. Beaulieu : Sur le plan physique, je ne crois pas que j'aurais eu de la difficulté à accomplir des tâches administratives. Sur le plan mental, sûrement. J'aurais dû retourner au bureau et avoir affaire à ces personnes qui, n'importe quand, peuvent m'attaquer. Qui peut travailler dans une telle ambiance? Personne. C'est l'équivalent de sortir du lit pour se jeter sciemment dans la gueule du loup. Je ne peux pas.
La sénatrice Martin : Votre blessure physique était un accident du travail, mais ce qui vous empêchait de travailler, c'était plus le stress psychologique.
M. Beaulieu : Absolument.
La sénatrice Martin : En ce qui concerne le voyage qu'on vous avait autorisé, puis-je savoir de quelle nature il était? Je ne sais pas si quelqu'un vous a déjà posé la question.
M. Beaulieu : Le voyage que j'ai fait...
La sénatrice Martin : Oui, en mars.
M. Beaulieu : Ça, c'était des vacances. Ma femme et moi sommes allés passer neuf jours à Hawaï.
La sénatrice Martin : Dans le courriel de la Dre Fieschi, on peut lire que si votre prochaine intervention chirurgicale est retardée, on s'attend à ce que vous repreniez vos tâches administratives, alors que vous nous dites aujourd'hui que ce n'est pas tant la blessure physique que le stress psychologique.
M. Beaulieu : Je veux préciser quelque chose, si vous permettez : mon thérapeute, M. Webster, et moi avons dit à la GRC que la seule façon pour moi de reprendre le travail à la suite de ma maladie mentale, c'était de régler mes problèmes, mes griefs, et la GRC refuse même de reconnaître leur existence. Comment puis-je revenir dans ces circonstances?
La sénatrice Martin : En ce qui concerne la lettre au commissaire Paulson, y a-t-il une procédure ou un processus de négociation standard à respecter pour convenir d'un départ à la retraite?
M. Beaulieu : C'est une bonne question et je n'ai pas la réponse. Tout ce que je sais, c'est ce que d'autres membres de mon groupe m'ont dit avoir fait, soit communiquer avec Rick Cousins parce que c'est l'intermédiaire. L'autre personne en Colombie-Britannique aurait été Paul Darbyshire, surintendant, et l'employé. L'intermédiaire assure les échanges de lettres, ils arrivent à un accord, ils se rencontrent, discutent et, si c'est d'accord, on signe. L'employé soumet l'entente à un avocat pour que ce dernier s'assure que tout fonctionne, l'approuve et, en gros, affirme que je ne dirai rien; vous ne dites rien, adieu, et je m'en vais.
La sénatrice Martin : J'ai de la difficulté à — je ne dis pas que je ne peux pas le croire, mais je me dis que c'est une grosse organisation et qu'il doit y avoir un manuel de politiques ou des procédures.
M. Beaulieu : Il n'y a pas de politique à ce sujet, non.
La sénatrice Martin : Merci. Il y aura peut-être d'autres témoins à qui on pourra poser la question.
La sénatrice Batters : Merci beaucoup de vous être présenté aujourd'hui. Pouvez-vous préciser quel genre de blessure ou de maladie vous empêche de travailler depuis deux ans?
M. Beaulieu : Encore une fois, je ne sais pas pourquoi je ne suis pas capable de m'en souvenir, mais la maladie est en lien avec l'anxiété, le stress, la dépression, l'insomnie et des problèmes de confiance. On appelle cela un « trouble d'adaptation », c'est comme ça qu'on appelle la maladie dont je souffre. On dit que, si c'est soigné assez tôt, il y a de bonnes chances que ça se règle, mais si ça couve et que ça dure plus de cinq ans, la situation empire. Ça ne s'améliore pas. C'est ce que j'ai retenu de mes lectures sur le sujet. Encore une fois, pour l'ESPT, ce que je comprends, c'est que le mot « ESPT » est comme un fourre-tout, mais il est évident que ce n'est pas le cas. C'est bel et bien un diagnostic posé.
La sénatrice Batters : Votre lettre du 22 mai adressée au commissaire Paulson dit ceci :
En 2012, on m'a diagnostiqué un ESPT remontant aux Anciens Combattants Canada.
Maintenant, vous dites que ce n'est pas ça, que c'est en fait ce trouble d'adaptation dont vous parlez?
M. Beaulieu : C'est bien un trouble d'adaptation, mais je crois que ça fait partie d'un ESPT. Je peux me tromper.
La sénatrice Batters : Vous êtes en train de nous dire que c'est un trouble d'adaptation et non un ESPT.
M. Beaulieu : C'est ça, oui.
La sénatrice Batters : Avez-vous rédigé cette lettre ou c'est un avocat qui l'a fait?
M. Beaulieu : De quelle lettre parlez-vous?
La sénatrice Batters : Votre lettre au commissaire Paulson.
M. Beaulieu : Non, c'est moi. J'ai rédigé cela.
La sénatrice Batters : Vous l'avez rédigée?
M. Beaulieu : Oui, je l'ai fait.
La sénatrice Batters : Pourquoi n'avez-vous pas parlé de « trouble d'adaptation » dans cette lettre?
M. Beaulieu : Parce que la GRC le sait déjà, et c'est pour cela que cette lettre a été expédiée. J'ai supposé qu'ils étaient au courant de mes problèmes médicaux; il est évident qu'ils ne le sont pas, sinon je ne crois pas que je serais devant vous aujourd'hui.
La sénatrice Batters : Alors pourquoi avoir choisi le terme ESPT, dans la lettre?
M. Beaulieu : Oh! Je ne suis arrivé à cette conclusion que peu de temps après, en fait.
La sénatrice Batters : Le trouble d'adaptation a été constaté après le 22 mai?
M. Beaulieu : Non, mon interprétation de mon ESPT. Le diagnostic de trouble d'adaptation a été posé par le Dr Webster dès le premier jour, mais ma compréhension de l'ESPT englobait le trouble d'adaptation, ce qui n'est pas le cas.
La sénatrice Batters : Je crois savoir que vous avez — peut-être que vos opérations ont quelque chose à voir avec ça — ou que vous aviez un problème d'ostéophyte au pied gauche. À quand remonte cette blessure? À quel moment les symptômes de cette maladie vous ont empêché d'accomplir vos tâches administratives à la GRC?
M. Beaulieu : En fait, j'ai eu ce problème il y a cinq ans environ. J'ai alors fait opérer mon pied droit pour cet éperon osseux, ce qui m'oblige à porter des bottes et des souliers hauts depuis. Mon pied gauche ne me dérangeait plus autant ensuite, alors je ne l'ai pas fait opérer.
Il a commencé à me déranger pendant que j'étais en congé. Il y a six ou sept mois, ça a recommencé à me déranger. C'est à ce moment-là que je l'ai dit à mon médecin et, de cette façon, j'ai été opéré tout juste en mai.
La sénatrice Batters : Est-ce que les deux autres interventions chirurgicales étaient elles aussi en lien avec ce problème d'ostéophyte?
M. Beaulieu : Non, les deux autres n'avaient rien à voir avec cela. La première intervention, vous allez sur la table et ils doivent libérer vos sinus en raison du ronflement et de l'apnée du sommeil. Celle-là a précédé l'autre.
La deuxième, c'était pour — ma trachée est étroite et je suppose que je pourrais mourir pendant mon sommeil, alors on m'a proposé une intervention pour nettoyer tout ça, ce que j'ai fait. C'était une opération différente, et ensuite il y a eu ma vésicule biliaire et ensuite mon pied. J'ai subi pas mal d'opérations ces deux dernières années.
La sénatrice Batters : Un survol de votre lettre de demande du 22 mai adressée au commissaire Paulson m'a laissé l'impression que les sommes indiquées hier par ce dernier lors de sa comparution sont exactes. Êtes-vous d'accord?
M. Beaulieu : Oui, elles sont exactes, mais loin d'être finales.
La sénatrice Batters : D'accord, mais c'était bien ce que vous proposiez?
M. Beaulieu : C'est exact, oui.
La sénatrice Batters : Merci.
Le sénateur Braley : Je suis dans les affaires, donc je vais adopter un point de vue qui va vous sembler complètement différent.
Vous êtes en congé et, au fond, vous affirmez que c'est pour cause d'anxiété, d'état de crise, de sentiment de harcèlement, et cetera. J'ai entendu dire que vous aidez les employés et que vous faites partie aussi d'une sorte d'association ou de syndicat qui s'occupe du même genre de crise dans le camp opposé. Est-ce que vous ne subissez pas la même pression?
M. Beaulieu : Eh bien, à mon avis, j'aide ces personnes. C'est autre chose. J'aborde cela en tant que victime de la GRC mais en aidant d'autres employés.
Le sénateur Braley : Je comprends cette position, mais je ne comprends pas pourquoi il faut aller dans le camp opposé, parce que les crises y seront encore pires.
M. Beaulieu : Oh! Certaines le sont, mais je constate que je suis en mesure d'aider ces personnes beaucoup mieux.
Le sénateur Braley : Alors, vous devriez être en mesure de mieux négocier ou discuter avec votre propre direction, à mon avis.
M. Beaulieu : C'est ce qu'on pense en effet, monsieur, mais ils ne veulent pas parler de cela avec moi.
Le sénateur Braley : Ma deuxième question a trait à votre conversation avec le sergent Reid; j'en ai pris connaissance en fin de semaine. Vous avez dit que vous aviez l'impression que la docteure ne vous aimait pas et qu'elle manigançait quelque chose. Pourriez-vous préciser s'il vous plaît ce que vous entendez par là? Dans la chronologie des événements que vous présentez dans votre exposé, vous indiquez que vous n'avez eu aucun échange avec elle; vous n'avez reçu qu'une lettre. Vous sentez-vous simplement harcelé en raison de la lettre?
M. Beaulieu : Non, parce qu'elle m'a envoyé des courriels avant que je ne la rencontre. Chaque fois que je suis allé la rencontrer — pas allé la rencontrer, mais je ne voulais pas lui parler. Il n'y avait aucune raison que je lui parle.
Le sénateur Braley : Maintenant, je comprends la raison : vous ne vouliez pas lui parler.
M. Beaulieu : Oui, il n'y avait pas de raison que je lui parle.
Le sénateur Braley : Je comprends.
La troisième question a trait à la lettre. La plupart des entreprises ont une façon de résoudre les problèmes. Quand quelqu'un est estropié, et cetera, vous vous assoyez et vous portez attention à l'employé. Je n'ai jamais fait venir un employé pour négocier avec lui. Vous rencontrez la compagnie d'assurances — ou votre assureur personnel ou quelqu'un d'autre —, mais vous n'arrivez pas avec des exigences. C'est plutôt le contraire qui se passe quand ils disent qu'aucun espoir ne subsiste. Il est évident qu'ils n'en sont pas encore venus à la conclusion qu'il n'y avait plus rien à espérer.
M. Beaulieu : Eh bien! Il n'y a plus rien à espérer.
Le sénateur Braley : Ils ne sont pas parvenus à la position voulant qu'il n'y ait plus d'espoir; vous oui.
M. Beaulieu : C'est vrai.
Le sénateur Braley : Merci.
Le sénateur Enverga : Merci de votre exposé. Quel est le motif du certificat médical signé par le Dr Sedergreen? Est- ce que c'est en rapport avec votre pied ou pour autre chose?
M. Beaulieu : C'est en raison de mon pied. Il est mon omnipraticien; c'est la raison de mon congé. Bien sûr, je ne consulte pas un thérapeute, donc je n'ai pas de suivi psychologique depuis qu'on a congédié le Dr Webster. J'ai rendez- vous avec M. Passe le 13 juin, à la clinique BSO des Anciens Combattants, qui est une clinique pour blessure de stress opérationnel. Je sais qu'il faut que j'y aille pour qu'on s'occupe de cela et trouver une façon de faire face à la situation.
Pendant ce processus, je ne voulais pas être persécuté encore une fois. J'aurais été obligé d'aller raconter encore une fois mon histoire à un nouveau thérapeute. Est-ce que ce serait un thérapeute approuvé par la GRC ou est-ce que je pourrais le choisir?
Le sénateur Enverga : Justement, pourquoi n'avez-vous pas répondu à la lettre de la Dre Fieschi pour lui dire que votre congé de maladie avait d'autres motifs? Lui avez-vous dit?
M. Beaulieu : Il me semblait qu'elle savait que j'étais en congé pour incapacité mentale. J'ai supposé cela. J'ai tenu pour acquis qu'elle avait accès à mon dossier, mais pour ce qui est du certificat médical, c'était pour mon pied et les autres opérations.
Le sénateur Enverga : Est-ce pour cette raison que vous n'avez pas demandé à rencontrer la Dre Fieschi?
M. Beaulieu : La raison pour laquelle je n'ai pas demandé à rencontrer la Dre Fieschi, c'est que la GRC savait pertinemment que le Dr Webster était mon thérapeute et ne voulait pas accepter le diagnostic posé.
Le sénateur Enverga : Dans la lettre au commissaire Paulson, vous êtes-vous basé sur une histoire ou des faits que vous connaissiez?
M. Beaulieu : La lettre?
Le sénateur Enverga : En effet, oui.
M. Beaulieu : En raison de mes liens avec des employés qui avaient discuté avec Rick Cousins de leurs pourparlers, pour ce qui est des chiffres, non. Je suis arrivé à ces chiffres-là en prévoyant une retraite à 62 ans. Je ne sais pas comment faire ces calculs et je ne voulais pas consulter un avocat, parce que je n'ai pas les 1 000 $ ou 2 000 $ nécessaires.
Le sénateur Enverga : Ils se sont basés sur vos connaissances personnelles?
M. Beaulieu : Oui.
Le sénateur Enverga : Vous n'avez jamais entendu dire que quelque chose du genre était attesté?
M. Beaulieu : Oui, je sais que ce système fonctionne. Ça a déjà marché auparavant, en effet. J'ai parlé à des employés qui sont maintenant à la retraite et qui avaient employé ce moyen, oui. Je tente à mon tour d'utiliser le système.
La sénatrice Fraser : Quand vous avez reçu la lettre vous refusant la permission de venir, vous vous êtes senti intimidé, nous avez-vous dit. Est-ce que c'était en raison de ce qui s'était passé lorsqu'on vous a permis de voyager? Qu'est-ce qui était intimidant, pour vous? Le mot « intimidant » laisse entendre que vous avez perçu le geste comme étant une menace. Est-ce que c'était cela la menace que vous ressentiez?
M. Beaulieu : La menace consistait à m'obliger à reprendre mes fonctions, si j'allais témoigner devant le Sénat, et je ne me sentais pas capable de retourner travailler dans cette atmosphère pourrie parce que je considérais que je serais de nouveau ciblé.
La sénatrice Fraser : Soyons bien clair : votre trouble d'adaptation, c'est bien comme ça que ça s'appelle?
M. Beaulieu : Oui.
La sénatrice Fraser : Ce trouble est le résultat des expériences vécues dans ce milieu de travail?
M. Beaulieu : Oui, dans ces milieux de travail.
La sénatrice Fraser : Plusieurs, mais tous au sein de la GRC.
M. Beaulieu : Exact.
La sénatrice Fraser : Tous en Colombie-Britannique, n'est-ce pas?
M. Beaulieu : Oui.
La sénatrice Fraser : Corrigez-moi si j'ai tort, mais ce que vous disiez, c'était que vous ne pouviez pas retourner travailler à l'endroit qui vous avait rendu malade, c'est ça?
M. Beaulieu : Oui.
La sénatrice Fraser : Mais vous étiez prêt à venir à Ottawa?
M. Beaulieu : Oui.
La sénatrice Fraser : Vous aviez l'impression que la GRC vous disait que vous seriez congédié?
M. Beaulieu : Oui. Pour quelle autre raison aurait-elle envoyé ce courriel en copie conforme à Diane Burleigh, la personne même qui expédiait ces lettres?
La sénatrice Fraser : Merci.
M. Beaulieu : Ça n'a pas de sens.
Le sénateur Furey : Je voudrais revenir brièvement sur ce qu'a soulevé la sénatrice Martin. Vous voulez dire que pour les membres actifs de la GRC, et même pour ceux qui sont en congé de maladie, le type de négociation décrit dans votre lettre du 22 mai est normal et ordinaire?
M. Beaulieu : Oui, tout à fait.
Le sénateur Furey : En commentant cette lettre hier soir, le commissaire Paulson a dit que le message implicite qu'il percevait était « sinon... ».
En lisant cette lettre, je n'ai pas eu cette impression, mais évidemment je ne suis pas impliqué dans une querelle contre vous et cela ne m'est jamais arrivé au cours des années. Je vois toutefois ici une phrase que l'on pourrait interpréter de cette façon.
Vous avez écrit :
Si votre bureau ne répond pas, j'en conclurai que vous n'êtes pas d'accord avec les modalités de mon départ à la retraite et que vous ne désirez pas discuter davantage de cette question.
On pourrait interpréter cela comme annonçant que si tel est le cas, vous prendrez d'autres mesures, ce qui équivaut à « sinon... ».
Qu'aviez-vous à l'esprit quand vous avez écrit cette phrase? Pensiez-vous que, s'il ne vous accordait pas ce que vous demandiez vous auriez pris des mesures. Ou faisiez-vous simplement une déclaration tout à fait innocente?
M. Beaulieu : C'était une déclaration tout à fait innocente. Si je n'avais pas reçu de réponse le 5 juin, j'aurais pensé : « Bon, qu'est-ce que je fais maintenant? » Je n'avais pas fait de plans et je n'avais rien prévu, mais j'espérais qu'ils négocieraient. Par contre, comme il m'a répondu avant le 5 juin, j'espère donc que nous pourrons en arriver à un arrangement.
La sénatrice Batters : Dans son courriel du 30 avril, la Dre Fieschi vous fait remarquer que, pour vous rendre jusqu'à Ottawa, il vous faudrait assez de force physique pour vous déplacer dans des aéroports, pour porter vos bagages et pour supporter le décalage horaire et qu'il vous faudrait la capacité cognitive nécessaire pour suivre des arguments complexes devant le comité ainsi qu'un bon sens du jugement pour répondre à des questions qui pourraient s'avérer compliquées. Nous verrons si vous trouvez nos questions compliquées. Êtes-vous d'accord avec son évaluation, monsieur?
M. Beaulieu : Pas du tout.
La sénatrice Batters : Vous n'êtes d'accord avec aucune des choses qu'elle a dites?
M. Beaulieu : Avec aucune des choses qu'elle a dites?
La sénatrice Batters : Avec les choses que je viens de citer.
M. Beaulieu : Je ne sais pas sur quoi elle fonde cette opinion. Elle a dû s'inspirer de mon dossier médical auquel elle a accès, alors elle doit savoir parfaitement que j'ai un trouble de santé, mais voilà, elle est d'avis que je n'ai pas les capacités cognitives nécessaires pour penser et discuter avec les membres du Sénat.
La sénatrice Batters : Non, elle disait que vous risquiez de vous heurter à ce genre de problème en venant à Ottawa pour témoigner devant ce comité : la capacité physique de vous déplacer dans des aéroports, de supporter le décalage horaire, de porter vos bagages et la capacité cognitive de faire ces choses. Convenez-vous que vous aviez besoin de ce genre de capacités?
M. Beaulieu : Oui, j'en avais absolument besoin.
Le président : Merci beaucoup. Passons maintenant la parole au sergent George Reid.
Vous avez entendu plus tôt que vous avez l'option de témoigner sous serment ou de suivre notre procédure ordinaire. Que préférez-vous?
Sergent d'état-major George Reid, Section des services de protection de la Division « E », Gendarmerie royale du Canada : Merci, monsieur le président. Je prêterai serment.
Le président : Nous avons plusieurs témoins et aujourd'hui nous avons jusqu'à midi au plus tard, alors nous allons entendre les quatre derniers témoins qui sont à la table.
Surintendant principal, désirez-vous prononcer une déclaration préliminaire?
Surintendant principal Kevin deBruyckere, adjoint aux enquêtes criminelles de la police fédérale, Division « E », Gendarmerie royale du Canada : Oui.
Le président : Faites votre déclaration préliminaire, puis nous reviendrons au sergent Reid.
M. deBruyckere : Bonjour, honorables sénateurs. Je suis surintendant principal de la GRC en Colombie- Britannique. Je suis responsable des services de police fédérale, ce qui comprend les services de protection. Le port d'attache du caporal Roland Beaulieu est aux services de protection de la Division « E ».
Le sergent George Reid et moi assistons à d'autres réunions à Ottawa. Nous sommes tous deux très honorés de pouvoir nous présenter devant ce comité pour y fournir des renseignements qui pourraient vous aider à accomplir votre travail. La Dre Isabelle Fieschi est agente des services de santé à la Division « E »; elle est venue de Vancouver pour se présenter devant vous aujourd'hui.
Avant d'accéder à mon poste actuel, j'ai été agent responsable du développement et du ressourcement de la Division « E » d'octobre 2010 à février de cette année. À ce titre, j'étais responsable de la dotation de plus de 6 000 membres réguliers à la GRC en Colombie-Britannique. Je devais aussi affecter les membres qui avaient des limites et des restrictions à des postes et à des tâches qui leur conviendraient. La GRC s'est engagée à ce que ces employés aient un travail intéressant et des occasions de réussir.
Les médias ont dit qu'on avait empêché le caporal Beaulieu de témoigner devant le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Cette affirmation est fausse. Le sergent d'état-major Reid a suivi la politique de la GRC, il a demandé l'opinion de l'agente des services de santé, ce qui l'a amené à interdire au caporal Beaulieu de voyager hors de sa zone de service spécial.
La GRC n'a jamais eu l'intention d'empêcher ses membres de comparaître à des audiences de comités du Sénat pour parler du projet de loi C-42, comme en ont témoigné d'autres membres devant ce comité.
Mes collègues et moi nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
Le président : Merci.
Sergent d'état-major Reid, dites-nous ce que vous désirez nous dire et ce que vous pensez que nous devrions entendre.
M. Reid : Merci, monsieur le président et honorables sénateurs. Je suis le sergent d'état-major George Reid. Je suis membre de la Gendarmerie royale du Canada depuis plus de 33 ans. Je suis maintenant le sous-officier responsable des services de protection de la Division « E » en Colombie-Britannique. Cette division compte 35 membres réguliers. À titre de commandant de cette unité, je dois veiller à ce que tous les membres soient dûment respectés dans leur milieu de travail.
Le caporal Beaulieu est parti en congé de maladie il y a environ deux ans. Je suis chargé d'essayer de le réintégrer dans le milieu de travail et de veiller à ce qu'il reçoive des soins médicaux. En accomplissant cette tâche, je ne dispose que de très peu de renseignements, et ceci pour des raisons diverses. On me fournit un certificat médical qui indique si le gendarme est apte à faire son travail ou s'il n'est pas en état de travailler à cause de certaines restrictions. Les certificats médicaux du caporal Beaulieu indiquaient qu'il n'était pas apte à travailler.
J'ai rencontré le caporal Beaulieu plusieurs fois autour d'une tasse de café. Nous avions quelques questions administratives à régler. En même temps, le caporal Beaulieu m'a expliqué les raisons pour lesquelles il était en congé de maladie. Il souffrait de stress dû à des plaintes de harcèlement non réglées et à d'autres raisons. J'en ai conclu qu'il était en congé pour des raisons psychologiques quelconques dont je n'avais eu aucune connaissance.
Ces deux dernières années, le caporal Beaulieu m'appelait constamment pour me demander l'autorisation de quitter sa zone de service pour diverses raisons — pour aller pêcher, pour prendre des vacances, et autres — et j'ai toujours approuvé ses demandes. Je me souviens qu'une fois il m'a demandé de pouvoir se rendre à Victoria pour une réunion quelconque de la législature provinciale dans le cadre de ses fonctions de membre de l'ACPMP. Une autre fois il voulait se rendre à Ottawa, cette fois encore pour faire du lobbying pour l'ACPMP.
À titre de commandant d'unité, je dois aussi veiller à ce que tous les employés soient dûment respectés dans leur milieu de travail, c'est-à-dire les quelque 34 autres gendarmes. Je dois aussi faire preuve de responsabilité financière face aux contribuables canadiens.
Lorsqu'un gendarme part en congé de maladie, son poste reste vacant. D'autres doivent accomplir ses tâches. Certains d'entre eux doivent pour cela faire des heures supplémentaires. Dans une certaine mesure, je dois limiter le nombre d'employés qui prennent leur congé annuel parce que nous manquons de gendarmes, et cela fait baisser le moral de l'unité. J'essaie de ramener ceux qui sont en congé de maladie pour qu'ils reviennent travailler le plus rapidement possible.
Le 29 avril, j'avais déjà reçu des lettres indiquant que le caporal Beaulieu se préparait à témoigner à une audience du Sénat. J'avais tout à fait l'intention d'approuver cette demande comme je l'avais fait dans le passé. Le 29 avril, j'ai parlé au téléphone avec le caporal Beaulieu. Nous avons discuté de son voyage, et il m'a expliqué qu'il n'était pas venu travailler à cause de son pied gauche et de cet éperon osseux. Nous avons parlé longuement de cet éperon osseux et de la procédure et du temps qu'il lui faudrait pour s'en remettre. Il n'a pas mentionné une seule raison psychologique pour laquelle il n'était pas venu travailler. Nous n'en avons pas parlé du tout. J'étais très heureux, parce que je me disais ou j'espérais que les troubles psychologiques qu'il avait peut-être eus étaient réglés et que maintenant il ne restait plus qu'à traiter le trouble physique dont il souffrait au pied gauche.
En ce qui me concerne, ça changeait presque tout puisque nous espérions ramener le caporal Beaulieu à son lieu de travail. Ensuite j'ai appelé l'agente des services de santé, comme vous voyez dans l'information que nous vous avons remise. Cela a accéléré l'évolution des événements qui m'ont empêché de permettre au caporal Beaulieu de quitter sa zone de service.
Je n'ai jamais, au grand jamais eu l'intention de l'empêcher de comparaître devant un comité du Sénat. S'il m'avait demandé de lui permettre d'aller à la pêche à Hawaii j'aurais suivi exactement le même processus et j'aurais rejeté sa demande.
Le président : Il serait plus facile que chaque témoin fasse sa déclaration préliminaire et ensuite que nous leur posions nos questions.
Docteure Fieschi, voulez-vous faire votre déclaration préliminaire et nous dire ce que nous devrions entendre et ce que vous désirez que nous entendions?
Dre Isabelle Fieschi, chef des services de santé, Gendarmerie royale du Canada : Avec plaisir, honorables sénateurs, monsieur le président.
Je m'appelle Isabelle Fieschi. Je suis médecin et je travaille pour la GRC en Colombie-Britannique depuis l'automne 2006. Croyez-le ou non, cela fait de moi l'une des plus anciennes agentes des services de santé de la GRC, bien que cela n'ait l'air de rien à côté des états de service de la majorité des gendarmes. Je ne suis ni membre régulière, ni membre civile de la GRC. Je suis fonctionnaire.
À titre d'agente des services de santé, je m'occupe de 2 400 employés civils et gendarmes réguliers en Colombie- Britannique. La plupart de ces personnes travaillent sur l'île de Vancouver et dans notre district Nord. Très récemment, comme nous manquions de personnel, j'ai assumé d'autres unités, dont les services de protection.
Je voudrais vous parler de beaucoup de choses aujourd'hui, mais je pense qu'elles seront soulevées dans les questions, et je me ferai un plaisir d'y répondre.
Le président : Nous avons maintenant le commissaire adjoint Gilles Moreau, directeur général de la transformation des RH. Voulez-vous faire votre déclaration préliminaire?
Commissaire adjoint Gilles Moreau, directeur général de la Transformation des ressources humaines, Gendarmerie royale du Canada : En fait, je peux répondre à toutes les questions sur les congés de maladie et sur les autorisations de voyage accordées aux employés qui sont en congé de maladie à long terme ainsi que sur les amendements qu'on y apporte. Je pourrai aussi expliquer pourquoi la politique n'a pas été amendée le 3 mai, mais imprimée, et c'est la copie qui a été envoyée au caporal Beaulieu.
La politique sur l'autorisation de quitter sa zone de service est en vigueur depuis au moins 2007. On en a changé le libellé en 2009 pour préciser les rôles de chaque gendarme, du commandant et de l'agent des services de santé, mais cette politique existe depuis très longtemps. Ce n'est pas une nouvelle politique mise en vigueur au mois de mai.
La sénatrice McCoy : Monsieur le président, pourriez-vous demander au témoin de préciser quelles sont ses fonctions? Je n'ai pas bien entendu cela.
Le président : Oui. J'ai lu son titre.
Pourriez-vous expliquer la portée de vos fonctions?
M. Moreau : Je suis directeur général de la transformation des RH. Le budget de 2012 a déclenché à la GRC une vaste modernisation du régime de santé. Entre autres choses, les gendarmes ont maintenant accès à des soins de santé de base, ce que le Parlement a approuvé en 2013 par un amendement à la Loi canadienne sur la santé. Cet amendement est entré en vigueur le 1er avril 2013. On mène aussi un examen de tous les avantages sociaux dont jouissent les gendarmes, du régime de congés de maladie que nous avons à la GRC et qui consiste en fait à leur accorder une période de congé suffisante pour qu'ils puissent reprendre un poste administratif ou opérationnel. On examine aussi la gestion des cas d'invalidité à la GRC afin d'améliorer le système actuel — tout cela dans le but d'améliorer le système, de permettre à nos gendarmes de s'absenter pendant la période la plus brève possible afin de revenir apporter leur contribution à l'organisme en reprenant un poste soit administratif, soit opérationnel. C'est mon rôle.
Dans le cas des politiques, ces six dernières années j'ai été directeur général ou directeur général intérimaire des Services nationaux de rémunération d'où provenait cette politique. En 2009, j'étais directeur général intérimaire et j'ai supervisé les changements et la mise à jour apportés à cette politique pour la rendre plus claire.
La sénatrice McCoy : Votre bureau est à la Direction générale nationale?
M. Moreau : Je suis ici à Ottawa, oui.
Le sénateur Furey : Sergent d'état-major Reid, j'ai deux brèves questions. Vous nous avez dit que, lors de votre discussion avec le caporal Beaulieu au sujet de son éperon osseux, vous avez eu l'impression qu'il avait peut-être résolu ses problèmes psychologiques. Avez-vous pensé à le lui demander pendant que vous discutiez de son problème physique?
M. Reid : Je ne lui ai pas posé directement la question, non.
Le sénateur Furey : Le sénateur Runciman a suggéré que peut-être les autorisations de voyager ne sont pas accordées de manière uniforme. Pourriez-vous répondre cela?
M. Reid : Pourquoi avant et pas maintenant?
Le sénateur Furey : Oui.
M. Reid : Simplement parce qu'en recevant la demande précédente, je croyais qu'il était en congé à cause d'un trouble psychologique qu'il essayait de résoudre. À la suite de cette conversation, il n'en a pas du tout parlé; c'était clairement à cause de son pied gauche. Si un gendarme peut voyager n'importe où pendant ses vacances ou aller à Ottawa pour siéger à des réunions, alors selon moi il devrait être en mesure de travailler et de revenir graduellement au travail en assumant une fonction administrative, même s'il ne le fait que quelques heures par jour.
Le sénateur Furey : Surintendant principal, pardonnez-moi si je n'essaie pas de prononcer votre nom de famille. Ma langue terre-neuvienne a tendance à fourcher.
Avez-vous entendu parler de la lettre datée du 22 mai que le caporal Beaulieu a envoyée au commissaire Paulson?
M. deBruyckere : Oui, mais je ne l'ai pas lue.
Le sénateur Furey : Vous en avez entendu parler et vous savez qu'elle portait sur la négociation que le caporal Beaulieu menait en vue de sa retraite; vous n'en connaissez pas nécessairement le contenu, mais vous avez une idée du contexte?
M. deBruyckere : Oui.
Le sénateur Furey : On nous a dit que c'est la manière habituelle pour les gendarmes de négocier leur retraite, qu'ils soient membres actifs ou en congé de maladie; est-ce vrai?
M. deBruyckere : Pour autant que je le sache, oui. Si vous le désirez, je pourrai vous donner des précisions.
Le caporal Beaulieu a mentionné Rick Cousins. C'est peut-être le meilleur moyen de vous décrire la situation. Rick Cousins est un employé civil temporaire qui travaille à la Division « E » de la GRC. Il est facilitateur de mise à la retraite pour des raisons d'ordre médical. Il aide les gendarmes réguliers et les civils qui sont en congé de maladie depuis une certaine période. D'abord il les rencontre pour discuter de la contribution qu'ils peuvent apporter à l'organisme en retournant graduellement au travail. Il leur explique aussi les avantages qu'une retraite de la GRC pour raisons d'ordre médical leur apporterait. C'est son rôle dans ces situations.
Au cours de ces rencontres, il arrive que les deux parties entrent en négociation sur une date de retraite par exemple, ou sur une certaine période de congé annuel et ensuite sur une date lorsque la retraite pour raisons d'ordre médical entre en vigueur.
Nous négocions ces arrangements en réponse à une demande de règlement comme lorsqu'un gendarme ou son avocat dépose une déclaration ou un formulaire de réclamation. Alors on négocie par le truchement d'un conseiller juridique du ministère de la Justice. C'est dans ces cas qu'on négocie. Il y a deux aspects à cela.
Le sénateur Furey : Donc à votre avis, ce type de processus peut se dérouler et se déroule probablement, mais ce ne serait pas un processus normal ou routinier?
M. deBruyckere : Exactement.
Le sénateur Furey : Docteure Fieschi, voudriez-vous nous donner un aperçu de la formation que vous avez suivie? Êtes-vous omnipraticienne, ou spécialiste?
Dre Fieschi : J'ai étudié à l'école de médecine de l'Université McGill. J'ai fait ma résidence là aussi en médecine familiale, donc je suis médecin de famille de profession, oui.
Le sénateur Furey : Étiez-vous au courant du diagnostic que le fournisseur de soins du caporal Beaulieu avait posé quand vous avez rédigé cette lettre au sujet de son voyage à Ottawa?
Dre Fieschi : Je savais qu'il y avait un diagnostic à son dossier. Il faut que je précise un peu et que je vous explique comment se font les choses.
Ce diagnostic dans son dossier avait été posé par un fournisseur de soins précédent. Le rapport officiel d'un psychologue qui se trouve dans son dossier date de mai 2012. On n'y trouve aucun autre rapport psychologique après cela.
J'ai demandé les renseignements médicaux au Dr Sedergreen, qui est le médecin de famille actuel du caporal Beaulieu. J'ai demandé ces renseignements en janvier de cette année. Je les ai demandés à nouveau en mars de cette année. Je sais que cette procédure est confidentielle, mais je voulais, dans le dossier, un consentement du caporal Beaulieu par lequel il nous aurait autorisés à discuter de ses renseignements médicaux, et je suis un peu nerveuse parce que cette confidentialité est sacrosainte pour les médecins, mais je suppose que j'ai sa permission.
Le Dr Sedergreen m'a parlé de deux diagnostics quand il m'a répondu en janvier. Le premier indique une cholécystite, des calculs biliaires, qu'on élimine en faisant une intervention chirurgicale. L'autre mentionnait une fasciite plantaire, qu'on règle aussi en chirurgie.
Les médecins de la province de la Colombie-Britannique doivent respecter les directives du College of Physicians & Surgeons of British Columbia, qui exigent que quand nous présentons un rapport à un tiers, comme c'est le cas ici, nous devons présenter la vérité complète avec exactitude. Quand je reçois de tels renseignements, je présuppose qu'ils sont complets.
Cela, avec le fait qu'on n'avait pas versé au dossier de nouveaux rapports psychologiques depuis mai 2012, m'incitait à déduire que le diagnostic de trouble de l'adaptation avec humeur anxieuse et dépressive, je me souviens du nom, n'était pas un diagnostic actif ou, tout au moins, pas au point d'empêcher le caporal Beaulieu de retourner au travail.
Le sénateur Furey : Parlons un peu de cela. Je sais que comme vous êtes omnipraticienne, on s'attend à ce que vous sachiez tout, mais on en attend souvent beaucoup trop des médecins de famille à cet égard. Le diagnostic qui était au dossier et que vous venez de mentionner, vous le connaissez. Vous en connaissez les symptômes et les traitements, n'est- ce pas?
Dre Fieschi : Oui, bien sûr.
Le sénateur Furey : Qu'est-ce qui vous inciterait à croire qu'il s'agissait d'un diagnostic versé au dossier en mai 2012 et à déduire ensuite que le caporal Beaulieu devrait voyager ou retourner au travail sans même lui parler ou le rencontrer?
Dre Fieschi : Deux choses — un diagnostic est un diagnostic. En fait, il n'indique aucunement le niveau d'invalidité du patient. Nous avons des employés dont les tâches sont limitées à cause de cela; et nous avons des gendarmes qui sont totalement incapables de travailler à cause d'un même diagnostic. Le diagnostic en soi ne donne aucune indication des symptômes sur le moment ainsi que du degré d'incapacité et d'invalidité du patient.
Je dois composer avec les renseignements qu'on me fournit, et quand je demande des renseignements récents et que ce qu'on me remet ne contient pas de diagnostic psychologique, je ne peux que supposer qu'on a réglé le trouble ou alors qu'il n'est pas assez grave pour empêcher un retour au travail.
Je sais que vous m'avez aussi demandé pourquoi je n'avais pas rencontré le caporal Beaulieu. J'ai demandé deux fois de le rencontrer. J'ai demandé cela la première fois quand je me suis présentée à lui parce qu'il y avait eu un roulement du personnel et qu'on m'avait confié ce dossier. J'ai communiqué avec lui pour lui dire que j'étais chargée de son dossier et que je désirais le rencontrer. Initialement il a semblé être d'accord. Il voulait qu'un représentant l'accompagne, et j'ai accepté. Nous avons convenu de nous rencontrer une fois qu'il aurait subi sa première intervention chirurgicale. Je lui ai demandé à nouveau de le rencontrer après son opération en me disant qu'il serait assez remis pour venir me rencontrer, et à ce moment-là il a refusé de venir me voir.
Il faut aussi que vous compreniez que je ne suis le médecin traitant d'aucun de nos gendarmes. Je n'ai pas de relations de médecin à patient avec eux, et à cause des problèmes de logistique dus à la distance et au nombre de gendarmes que nous avons, la plupart du temps je n'ai pas l'occasion de les rencontrer. La plupart du temps je ne rencontre pas nos gendarmes, mais je n'évalue jamais moi-même leur aptitude au service. Je me fie entièrement à ce que me disent leurs fournisseurs de soins de santé.
Le sénateur Furey : Je comprends ce que vous dites au sujet de l'examen d'un bout de papier. On ne peut pas en tirer grand-chose. Je comprends que vous ayez voulu rencontrer le caporal Beaulieu.
Étant donné tout cela, n'auriez-vous pas dû nuancer votre lettre du 30 avril et y inclure certains de ces éléments, lorsque vous avez évalué sa capacité à retourner au travail et à voyager?
Dre Fieschi : Comment auriez-vous proposé que je fasse cela?
Le sénateur Furey : Vous auriez peut-être pu dire : « Je me suis efforcée de le rencontrer; je ne peux pas être certaine du diagnostic, à moins de le rencontrer et de discuter avec lui de ce que j'ai déjà vu, sur papier, pour en arriver à mon propre diagnostic personnel; toutefois, d'après les renseignements bruts dont je dispose, j'estime qu'il devrait peut-être retourner au travail. »
Je pense qu'il faudrait nuancer la chose, n'est-ce pas?
Dre Fieschi : J'avais demandé à obtenir des renseignements, très peu de temps avant, et je ne pensais pas manquer d'information.
Je crois qu'il incombe également au caporal Beaulieu de nous soumettre des renseignements précis et à jour pour que nous puissions prendre la meilleure décision qui soit.
J'ai déjà, dans plusieurs cas, eu des doutes sur des demandes d'autorisation de voyage qui m'étaient soumises. Cela arrive fréquemment. Il y a certainement eu des cas, où je me suis opposée à ces déplacements. J'aimerais préciser toutefois qu'en tant que médecin-chef, je n'ai pas le pouvoir de refuser une demande de voyage.
À chaque fois, lorsque j'ai remis en question la capacité de voyager d'une personne en congé, le membre en question m'a fourni des renseignements très à jour de son fournisseur de soins ou, parfois, de son prêtre ou pasteur. J'ai reçu des appels de conjoints et de conjointes pour m'aviser que, même si la personne était en congé, elle pouvait s'adonner aux activités visées qui nécessitaient un déplacement. Dans le cas du caporal Beaulieu, je n'ai rien reçu.
Je crois que cela aurait dû être sa responsabilité de nous informer.
Le sénateur Furey : Permettez-moi de citer votre lettre, docteure Fieschi. Vous y déclarez :
Du point de vue cognitif et psychologique, pour présenter un témoignage devant un comité du Sénat, il faut être capable de suivre des raisonnements complexes et posséder le jugement requis pour formuler des réponses à des questions portant sur des sujets parfois difficiles.
À mon avis, si vous êtes apte physiquement et cognitivement à accomplir les tâches décrites ci-dessus, vous êtes apte à assumer des tâches administratives, à titre d'agent de la GRC, dans votre unité.
Sur quoi vous basez-vous pour faire cette évaluation?
Dre Fieschi : Sur plusieurs choses — les deux diagnostics qui m'ont été transmis. Habituellement, la plupart des gens seraient capables d'effectuer des tâches administratives avec ces genres de diagnostics. Si quelqu'un est totalement incapable de travailler, y compris pour effectuer des tâches administratives avec ces diagnostics, je présume que sa mobilité doit être gravement atteinte. La personne ne peut pas se déplacer et, donc, il est hors de question qu'elle puisse se rendre au travail. Elle souffre énormément et cela risque d'amoindrir ses capacités cognitives ou bien elle souffre des effets secondaires du médicament qu'elle prend pour la douleur ou pour son état et cela nuit également à ses capacités cognitives. Voilà trois scénarios dans lesquels une personne ne pourrait pas être en mesure de travailler.
Le sénateur Furey : Votre évaluation des commentaires psychologiques au dossier et votre connaissance des symptômes et du traitement pour ce genre de diagnostic vous permettraient d'en arriver à cette conclusion, sans parler au caporal Beaulieu?
Dre Fieschi : Pouvez-vous répéter votre question?
Le sénateur Furey : Vous avez indiqué que le dossier ne contenait qu'un diagnostic brut, que vous connaissez bien ce diagnostic, en particulier, et que vous comprenez le traitement et l'évaluation de ce diagnostic. Sans parler au caporal Beaulieu ni sans le rencontrer, vous en êtes arrivée à faire ces commentaires précis et...
Dre Fieschi : Vous faites allusion au diagnostic de trouble d'adaptation?
Le sénateur Furey : Oui, bien sûr.
Dre Fieschi : D'après ce qu'on m'a dit, le diagnostic de trouble d'adaptation n'était pas actif, étant donné qu'il n'avait pas été mentionné par son médecin lorsque j'ai demandé de l'information précise sur les obstacles au retour au travail.
Le sénateur Furey : Qui vous a dit qu'il ne s'agissait pas d'un diagnostic actif?
Dre Fieschi : Comme je l'ai indiqué, lorsque j'ai demandé de l'information sur les obstacles qui l'empêchaient de retourner au travail et qu'on m'a donné deux diagnostics qui sont tous les deux physiques, je me suis dit que le médecin qui avait rédigé cette lettre me donnait une description complète des obstacles au retour au travail.
Le sénateur Furey : Merci pour votre patience.
Avant que vous ne prépariez ce rapport, j'ai cru comprendre, d'après ce qu'a dit le sergent d'état-major Reid, que c'est lui qui vous a impliquée dans ce dossier, n'est-ce pas?
Dre Fieschi : Dans ce dossier, oui.
Le sénateur Furey : En fait, c'était tout à fait son droit. Je ne remets pas cela en question. Avez-vous parlé à quiconque, au sein de la GRC, particulièrement dans la chaîne de commandement, de votre rapport avant de le rédiger ou avant de répondre?
Dre Fieschi : Non, à personne.
Le président : Si vous estimez donc qu'on ne lui avait pas diagnostiqué de problème psychologique, ne pensez-vous pas qu'il aurait été apte à voyager, d'un point de vue psychologique?
Dre Fieschi : Fort probablement, oui.
La sénatrice Fraser : Sergent d'état-major Reid, avez-vous une quelconque formation médicale?
M. Reid : Non.
La sénatrice Fraser : Dans votre dernière conversation avec le caporal Beaulieu, vous vous êtes dit que, puisqu'il ne vous avait pas parlé de ses problèmes psychologiques, ceux-ci avaient disparu. Pourquoi ne lui avez-vous pas posé de question à ce sujet? Il vous en avait parlé auparavant, et donc ce n'est pas comme si vous n'étiez pas...
M. Reid : Je me suis dit qu'il devait s'en occuper, car par le passé, lorsque nous nous rencontrions, même si je n'avais pas le droit de lui poser la question directement pour savoir quels étaient les problèmes des gens, il me le disait spontanément. Cette fois-ci, il ne s'agissait que du pied et donc je me suis dit qu'il faisait peut-être des progrès dans les autres domaines et on n'en a pas parlé.
La sénatrice Fraser : Vous avez présumé, ce qui est correct; c'est votre réponse. Pourquoi, dans ce cas-ci, vous êtes- vous adressé à la Dre Fieschi, alors qu'auparavant vous lui aviez vous-même donné la permission de voyager?
M. Reid : Simplement parce que je me suis dit qu'il y avait d'autres problèmes et je n'étais pas au courant des détails qui l'empêchaient d'aller travailler.
La sénatrice Fraser : Quel genre d'autres problèmes?
M. Reid : Des problèmes psychologiques.
La sénatrice Fraser : Avant cela, étant donné qu'il y avait des problèmes psychologiques, vous pensiez pouvoir dire « D'accord, vous pouvez voyager », tandis que, cette fois-ci, vous vous êtes dit que les problèmes psychologiques étaient finis...
M. Reid : Mais il y avait le problème de pied.
La sénatrice Fraser : Vous saviez, j'imagine, que l'opération allait avoir lieu le 8 mai.
M. Reid : Il faudrait que je vérifie dans mes notes, mais je savais qu'il allait se faire opérer et qu'il était en mesure de voyager, à Ottawa ou ailleurs, mais qu'il ne pouvait pas retourner au travail à mi-temps, d'un point de vue administratif.
La sénatrice Fraser : Comment avez-vous contacté la Dre Fieschi?
M. Reid : Par courriel.
La sénatrice Fraser : Avez-vous eu des conversations avec elle là-dessus?
M. Reid : Je crois que tout s'est fait par courriel.
La sénatrice Fraser : Y a-t-il eu un moment où vous avez expliqué à la Dre Fieschi que vous pensiez que les problèmes psychologiques n'existaient plus?
M. Reid : Je ne pense pas, non. Je lui parlais précisément du problème au pied.
La sénatrice Fraser : Docteure Fieschi, il me semble assez clair, d'après le témoignage du caporal Beaulieu, qu'il pense que son diagnostic de trouble d'adaptation concerne une maladie chronique. D'après votre expérience, s'agit-il d'un état chronique ou pas?
Dre Fieschi : Le trouble d'adaptation est délicat. Il renvoie à des symptômes qui découlent de situations stressantes. Habituellement, la situation ne correspond pas à ce que l'on voit normalement pour les troubles de stress post- traumatique, où les personnes peuvent être ou sembler être une menace pour elles-mêmes, leur vie ou leur intégrité physique, ou celles des gens qui les entourent.
Le trouble d'adaptation est généralement limité dans le temps et, selon une de ses définitions, il ne répond pas aux critères des autres troubles de l'humeur comme la dépression ou le trouble d'anxiété. En général...
La sénatrice : Il peut être limité dans le temps?
Dre Fieschi : Dans la grande majorité des cas, oui.
La sénatrice Fraser : Lorsque vous examiniez ce dossier et que l'on vous a dit que le diagnostic n'était plus actif, avez-vous pensé à poser la question pour savoir pourquoi il n'y avait pas eu de commentaire supplémentaire là-dessus? D'après ce que j'ai compris, vous avez posé la question au Dr Sedergreen, mais il est chirurgien.
Dre Fieschi : Non, en réalité, il est médecin de famille.
La sénatrice Fraser : Il est médecin de famille. Ainsi, il traitait le caporal Beaulieu pour ses problèmes physiques.
Dre Fieschi : Comme tous les médecins de famille, on s'attendrait à ce qu'il traite le caporal Beaulieu ou quiconque souffrirait de problèmes physiques et psychologiques, même s'il les aiguillait certainement vers un spécialiste pour d'autres traitements.
La sénatrice Fraser : Pourquoi ne lui avez-vous pas posé de question sur les problèmes affectifs?
Dre Fieschi : D'ordre général, je pose des questions sur les obstacles au retour au travail. Habituellement, avec un diagnostic qui a empêché quelqu'un de retourner au travail, je m'attendrais à ce que cette personne suive un traitement. Je n'ai pas de preuve de traitement en cours, mais il se peut fort bien qu'il ait lieu.
L'autre chose qui m'a poussée à croire cela est un courriel du caporal Beaulieu, lui-même, que je peux vous citer. Il était daté du 14 mars et disait : « J'attends présentement de subir une opération à mon pied gauche. Je ne suis aucunement en mesure de retourner au travail avant l'opération et avant une convalescence nécessaire. »
J'en suis arrivée à cette conclusion, puisqu'il a utilisé ces mots, qu'après son opération, il serait en état de revenir travailler.
La sénatrice Fraser : Vous n'avez toutefois jamais pensé lui poser la question, à lui ou à quelqu'un d'autre, pour savoir si ses problèmes affectifs ou psychologiques persistaient? Vous êtes une professionnelle de la santé; vous êtes médecin; vous avez le droit de poser des questions sur l'état des gens.
Dre Fieschi : Vous avez absolument raison.
La sénatrice Fraser : Et vous ne l'avez pas examiné; vous ne l'avez jamais rencontré.
Dre Fieschi : Non, et une des raisons pour lesquelles je désirais le rencontrer était pour que nous puissions discuter et vérifier qu'il n'y avait rien d'autre qui l'empêchait de retourner au travail. Pour ce qui est de l'état psychologique, vous pouvez effectivement en parler par courriel; vous pouvez aussi en parler par téléphone — et c'est certainement quelque chose que j'ai fait et que je continuerai de faire — mais lorsque quelqu'un est à proximité, il semble logique de discuter en personne et c'est ce que j'espérais faire... et je n'ai d'ailleurs pas abandonné cette idée.
La sénatrice Fraser : Je crois qu'il n'était pas loin.
Dr Fieschi : Oui, c'est clair.
La sénatrice Fraser : À votre avis, est-il acceptable d'émettre des propos aussi fermes et catégoriques que la lettre que vous lui avez envoyée sans vérifier l'état de ses difficultés psychologiques?
Dr Fieschi : J'essayais de vérifier son état de santé global. Je l'avais déjà fait, peu de temps auparavant, et je n'ai pas ressenti le besoin de recommencer, non.
Le sénateur Runciman : Sergent d'état-major Reid, en ce qui concerne vos contacts avec la Dre Fieschi, vous avez indiqué, plus tôt, que ce genre de demande était inhabituel — et non la norme à laquelle vous êtes habitué. Qu'en est-il de vos contacts avec le surintendant principal? Est-ce que c'était la norme que le surintendant principal vous donne le feu vert pour chaque demande de voyage qui vous était soumise?
M. Reid : Non. Dans ce cas-ci, étant donné que la raison pour laquelle le caporal Beaulieu ne revenait pas au travail était différente, je voulais tenir le surintendant principal informé des intentions.
Le sénateur Runciman : Ça devient curieux lorsque vous vous écartez de la norme, dans une situation comme celle-ci, dans vos justifications, alors que vous le jugiez apte à voyager en mars, mais plus en avril; en outre, vous vous êtes écartée de votre pratique normale qui consiste à consulter deux personnes pour savoir comment aborder la chose ou pour vérifier si elles approuvent votre façon d'y faire face. Cela soulève certainement quelques questions.
Docteure, à votre avis, la situation a-t-elle été traitée différemment de toute autre demande qui vous est soumise?
Dre Fieschi : Non. À mon avis, je traite de toutes ces demandes en examinant la politique et les renseignements versés au dossier et, bien entendu, en me fiant à mes connaissances professionnelles.
Le sénateur Runciman : J'ai ici quelques documents, où vous dites que vous avez informé le caporal, au début du mois d'avril, et que vous ne pensiez pas que son état nécessitait qu'il soit en congé, en congé de maladie, mais vous avez laissé faire; c'était en avril. Ensuite, peu de temps après, vous en avez conclu qu'il ne pouvait pas être inapte à retourner au travail et apte à assister aux audiences du Sénat. Pourriez-vous me dire si vous avez des problèmes avec cette chronologie? Dans un des cas, vous lui donnez le feu vert, tandis que, quelques semaines plus tard, vous lui dites : « Mais vous ne pouvez pas vous rendre à Ottawa. » Je dois dire que j'ai du mal à saisir votre raisonnement.
Dre Fieschi : C'est une question légitime. Au moment où j'ai dit cela, la majorité des gens qui souffraient de ces deux troubles physiques étaient en mesure de travailler et donc il me semblait problématique qu'il ne soit pas au travail. Je savais également que l'opération initiale au pied était prévue pour plus tard, en avril. Quand quelqu'un est en congé de maladie pendant une certaine période, le retour au travail peut prendre du temps à organiser. En fait, j'ai laissé tomber la chose à ce moment-là, car je savais qu'il serait en congé de maladie, à cause de son opération chirurgicale. Il se trouve que l'opération a été reportée, mais pas très longtemps après, ce qui explique la chose.
Le sénateur Runciman : Sergent d'état-major Reid, je suppose que, lorsque le caporal a fait sa demande de voyage, vous étiez tout à fait au courant que cela impliquait sa comparution devant le comité sénatorial pour, discuter, j'imagine, des problèmes de harcèlement au sein de la GRC et des accusations de harcèlement au sein de la GRC.
M. Reid : En fait, non. Je savais qu'il avait l'intention de venir ici pour comparaître devant un comité sénatorial. Je ne connaissais pas les détails et je n'ai pas posé de questions pour savoir exactement quelle était sa participation.
Le sénateur Runciman : Connaissiez-vous le processus avant de prendre votre décision? Saviez-vous ce sur quoi portait la comparution devant le Sénat, avant de prendre votre décision?
M. Reid : Non.
La sénatrice Batters : Monsieur Moreau, tantôt, vous nous expliquiez la politique. Dans un reportage de la CBC, diffusé le 6 mai, le journaliste indiquait que la politique de la GRC sur les voyages durant les congés de maladie était récente et qu'elle datait du 3 mai. Dans ce reportage, M. Beaulieu a déclaré : « Il me semble qu'ils ont adopté cette politique uniquement pour m'empêcher d'aller témoigner devant le Sénat. » Aujourd'hui, vous nous dites que cette politique, dans sa forme actuelle, existe depuis 2009. N'a-t-elle pas été révisée depuis?
M. Moreau : L'article 2.15, en particulier, n'a pas été révisé depuis. Il y a eu d'autres changements qui y ont été apportés, en 2012, et qui étaient juste en lien avec une nouvelle politique, une politique connexe, et la date indiquée en bas, à droite, correspond à la date d'impression de votre système. Lorsque vous imprimez la politique pour l'envoyer ou pour la numériser en vue de l'envoyer, c'est la date qui apparaîtra.
La sénatrice Batters : Plus tôt, aujourd'hui, lorsque M. Beaulieu faisait allusion à une date, en bas, c'est ce qu'il a vu?
M. Moreau : La date des modifications apparaît au centre, en haut de la politique lorsque la politique a été modifiée. Par exemple, la politique a récemment été modifiée, le 24 avril 2013, pour éliminer la référence aux agents des ressources humaines, car nous n'avons plus ce titre — il est remplacé par celui de commandant. On a également procédé à la mise à jour de différents liens, dans la politique.
La sénatrice Batters : Docteure Fieschi, le caporal Beaulieu s'est rendu à Hawaï, en mars, et j'imagine qu'il a reçu la permission de faire ce voyage. Quelle était, alors, la situation? Pourquoi a-t-il reçu l'autorisation de voyager, à ce moment-là? Sa situation médicale était-elle alors différente?
Dre Fieschi : Je n'ai pas été consultée, à ce moment-là, pour ce voyage.
La sénatrice Batters : Il s'agissait du sergent d'état-major Reid, n'est-ce pas? Pourriez-vous nous l'expliquer?
M. Reid : D'après ce que j'ai entendu, ce matin, je ne connaissais quasiment rien de l'état du caporal Beaulieu. Tout cela est nouveau pour moi et le peu que je savais, je le tirai des conversations que nous avions en prenant un café. Lorsque j'ai pris certaines décisions, par le passé, je croyais qu'il était en congé pour des raisons psychologiques et j'espérais qu'il allait se rétablir pour retourner au travail. Comme je l'ai indiqué, j'ai autorisé l'ensemble de son voyage.
Maintenant, il s'agissait là d'une autre affaire. Il s'agissait d'un problème physique, au pied, et s'il pouvait voyager n'importe où, alors pourquoi ne pourrait-il pas retourner au travail?
La sénatrice Batters : Docteure Fieschi, de quel type de blessure le caporal Beaulieu souffrait ou souffre-t-il et qui, selon vous, l'empêchait de venir à Ottawa pour témoigner devant le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense?
Dre Fieschi : Les deux diagnostics qui m'ont été transmis concernaient la cholécystite, laquelle, à ce moment-là, avait été traitée et était censée être guérie, et donc il ne restait plus que sa fasciite plantaire gauche à traiter. On m'a indiqué qu'elle était suffisamment grave pour l'empêcher de travailler complètement. Encore une fois, si cela pouvait l'empêcher de travailler, c'était parce que, avec un handicap moteur sévère, ses capacités cognitives étaient grandement affaiblies par la douleur ou les analgésiques. Comme je l'ai indiqué, si sa mobilité était suffisante pour traverser un aéroport, s'occuper des bagages et être tout simplement mobile, de façon générale, pas seulement à la maison, et si ses capacités cognitives étaient suffisantes pour participer aux travaux de ce comité, elles étaient alors probablement suffisantes pour effectuer également des tâches administratives.
La sénatrice Batters : Dans cette lettre, vos commentaires sur ses capacités cognitives et ce genre de choses portaient précisément sur la douleur causée par sa blessure au pied et non sur les troubles psychologiques qui ont été mentionnés plus tôt et qui remontaient à mai 2012, n'est-ce pas?
Dre Fieschi : Oui, c'est bien ça.
La sénatrice McCoy : Commissaire adjoint Moreau, je suis en train de regarder un exemplaire de la politique que vous nous avez fournie. Je pense être dans la bonne section avec l'article 2.15. L'article indique qu'un membre en congé de maladie doit obtenir l'autorisation écrite du chef pour entreprendre un voyage de plus de 24 heures — excluant les ARP — au-delà des limites du district d'affectation ou de la zone de résidence principale, lorsqu'il effectue le voyage pour des raisons personnelles.
M. Moreau : Oui.
La sénatrice McCoy : J'ai quelques questions d'éclaircissement. Que veut dire ARP?
Mr. Moreau : Ça veut dire absences régulières permises, à savoir votre samedi et votre dimanche.
La sénatrice McCoy : J'aimerais aussi savoir ce que signifie « chef ». Je suis allée au début pour voir les définitions et on m'a renvoyée à un chapitre sur les définitions, mais vous ne l'avez pas inclus dans votre document. Pourriez-vous donc me dire ce que veut dire « chef »?
M. Moreau : D'habitude, il s'agit d'un sous-officier responsable d'une unité. Il peut s'agir d'un caporal, si vous relevez directement d'un caporal, ou d'un sergent d'état-major ou d'un officier responsable d'un détachement. Il existe différents échelons hiérarchiques.
La sénatrice McCoy : J'ai vu le sergent d'état-major se redresser lorsque j'ai prononcé le mot « chef ».
Dans ce cas-ci, est-ce vous qui auriez été le chef, sergent Reid?
M. Moreau : C'était lui le chef.
M. Reid : Oui.
La sénatrice McCoy : Mon autre question, ensuite, s'adresse au commissaire adjoint. Pourquoi cette politique est- elle en place? Pourquoi voudriez-vous imposer des limites pour les voyages?
M. Moreau : C'est essentiellement parce que nous versons la solde intégrale à nos membres lorsqu'ils sont en congé de maladie. Il est de leur devoir de retourner au travail le plus rapidement possible, de s'occuper de leur santé, de leur plan de traitement, de suivre leur traitement et de faire tout leur possible pour revenir et contribuer à l'organisation, pour aider l'organisation à surveiller les Canadiens, partout au pays. Telle est leur responsabilité. Nous leur accordons autant de congés qu'il leur en faut pour retourner au travail, mais ils ont des responsabilités.
La sénatrice McCoy : Ils sont responsables de leur rétablissement.
M. Moreau : Ils sont responsables de leur rétablissement. C'est pour cela que cette politique est en place. Nous voulons nous assurer qu'il ne disparaissent pas tout simplement, pendant six mois ou un an, et qu'ils restent dans les limites de leur district d'affectation, qu'ils suivent leur plan de traitement et qu'il ne se retrouvent pas ailleurs pendant six mois, sans voir de médecin, de psychologue ou d'autre spécialiste en santé.
La sénatrice McCoy : Cette obligation des membres est précisée à l'article 2.13. On peut y lire que le membre doit se conformer au traitement et tout mettre en œuvre pour reprendre le travail dans les délais appropriés.
M. Moreau : Oui.
La sénatrice McCoy : D'accord. J'ai donc l'impression que votre préoccupation première, lorsqu'un membre est en congé de maladie, c'est de vous assurer qu'il fasse tout le nécessaire pour se remettre sur pied, notamment en suivant son traitement. J'imagine que c'est pour cela qu'à l'article 2.15.1, on peut lire :
Le chef peut consulter le médecin-chef sur la pertinence de la demande de voyage et ses répercussions sur le processus de rétablissement.
M. Moreau : Absolument. Si la demande de voyage ne correspond pas, si vous avez un problème physique et que vous prévoyez faire quelque chose quelque part, que ce soit pour des vacances ou pour vous rendre à Ottawa pour y escalader des édifices et que vous avez des problèmes de dos, à ce moment-là, en tant que chefs, nous n'avons pas l'information médicale et c'est donc au médecin-chef d'examiner l'information médicale, les limites et les restrictions imposées par les médecins traitants pour voir si cela correspond. Si ce n'est pas le cas et que cela entrave le processus de rétablissement — car nous voulons que nos membres se rétablissent rapidement — le médecin-chef se doit de recommander le refus de la demande de voyage.
La sénatrice McCoy : On met l'accent sur le processus de rétablissement. L'incidence sur le processus de rétablissement, c'est ce que vous venez de dire.
M. Moreau : Oui.
La sénatrice McCoy : Vous nous avez également fourni une série de courriels que vous avez imprimés et dont vous nous avez donné un résumé, que détient la GRC. Je vous en remercie. Cela a été très utile et figure au dossier.
Je voudrais vous poser deux questions d'ordre général. S'agit-il de tous les courriels qui sont pertinents dans le dossier du caporal Beaulieu?
M. Reid : Oui, tous les courriels pertinents auxquels j'ai participé ont été pleinement divulgués.
La sénatrice McCoy : Depuis combien de temps êtes-vous impliqué dans le dossier?
M. Reid : Tous les courriels issus de la correspondance que j'ai eue avec d'autres personnes ont été divulgués, oui.
La sénatrice McCoy : Que voulez-vous dire par là?
M. Reid : J'imagine que vous avez tous les courriels qui concernent le caporal Beaulieu dans ce dossier.
La sénatrice McCoy : « Ce dossier » qui concerne quoi?
M. Reid : La comparution, ici, au comité sénatorial.
(L'avertisseur d'incendie se déclenche.)
Le président : Quelqu'un peut-il sortir pour aller se renseigner?
M. Robert : Nous devons évacuer.
Le président : Je sais qu'il fait chaud, ici, mais il ne fait tout de même pas si chaud, n'est-ce pas?
La sénatrice Fraser : Allons-nous toujours poursuivre là-dessus?
Le président : Nous poursuivrons demain. Dans le pire des cas, nous le ferons à midi, demain. Nous pouvons supposer qu'il nous reste encore quelques minutes.
(La séance est suspendue.)
——————
(La séance reprend.)
Le président : Avons-nous le quorum?
Le sénateur Comeau : Bien sûr.
Le président : Allez-y, sénateur Comeau. Ce sera mon tour après vous.
Le sénateur Comeau : Merci beaucoup, monsieur le président.
Commissaire Moreau, à propos de la politique sur les congés de maladie, votre politique précise-t-elle la fréquence avec laquelle un rapport médical doit être présenté à la GRC?
M. Moreau : Oui, le rapport doit être présenté tous les 30 jours.
Le sénateur Comeau : Tous les 30 jours?
M. Moreau : Tous les 30 jours. Il appartient au gendarme de fournir un certificat médical à la GRC pour ce genre de congé.
Le sénateur Comeau : Cela comprend le congé pour des motifs physiques aussi bien que mentaux?
M. Moreau : Il s'agit d'un certificat médical attestant que la personne n'est pas apte à remplir ses fonctions. Nous nous attendons à ce que le médecin fournisse l'information au bureau de la santé en ce qui a trait aux limites et restrictions. Si le gendarme n'est pas du tout apte à travailler, c'est indiqué sur le certificat, comme dans le cas du certificat du 1er mai présenté par le caporal Beaulieu. Il indique qu'il est absolument inapte au service en actif.
Le sénateur Comeau : Le 1er mai?
M. Moreau : Oui, 2013.
Le sénateur Comeau : Il y a donc eu un certificat médical le 1er mai?
M. Moreau : Je crois qu'il a été fourni à...
Le sénateur Comeau : À ce que j'ai compris, le dernier certificat médical où il était question de problèmes psychologiques date de mai 2012. Je présume que le médecin se serait penché sur l'aspect physique à ce stade-là, car il n'avait pas reçu de rapport psychologique depuis mai 2012?
Dre Fieschi : Les médecins de famille qui nous fournissent ces certificats seraient en principe tenus de faire des remarques sur l'état de santé du gendarme et d'indiquer si celui-ci est prêt à retourner au travail, que ce soit pour des motifs médicaux ou psychologiques.
Le sénateur Comeau : La raison pour laquelle nous nous retrouvons ici aujourd'hui c'est la question de privilège qui a été soulevée et le président a déterminé qu'il y avait des preuves suffisantes à première vue pour que nous examinions le cas de plus près. C'est sans doute pour éviter la perception qu'une personne aurait pu être contrainte à s'abstenir de comparaître devant nous.
S'il y avait quelque chose au-delà de cela, le caporal Beaulieu aurait-il formulé un grief auprès de l'institution s'il avait le sentiment d'être intimidé pour ne pas comparaître? Y a-t-il une procédure lui permettant de formuler un grief pour ce genre de chose?
M. deBruyckere : Oui. Il aurait pu formuler un grief à l'égard d'une décision, la décision étant le refus de le laisser voyager. Il aurait pu présenter un grief pour cela, conformément à la politique en la matière.
Le sénateur Comeau : S'il n'est pas d'accord avec la décision initiale, y a-t-il une série de démarches à suivre pour interjeter appel?
M. deBruyckere : Au moyen du processus de grief, oui. Le caporal Beaulieu a décrit cela en partie en termes d'entretiens avec la personne lésée et ce genre de chose pour chercher à régler le différend à l'amiable.
Le sénateur Comeau : À un moment donné du processus de grief, y a-t-il une procédure pour qu'une personne qui s'estime intimidée de la sorte puisse interjeter appel à l'externe ou est-ce que tout se passe au sein de la GRC?
M. deBruyckere : Tout se passe au sein de la GRC. Je crois que l'on peut interjeter appel devant la Cour fédérale.
M. Moreau : En ce qui a trait au processus de grief, c'est une question. On s'estime lésé, alors on formule un grief qui est réglé rapidement, au premier niveau ou au deuxième s'il le faut. Certains griefs peuvent être renvoyés au comité d'examen externe; d'autres non. Ensuite, il y a la décision du commissaire ou au deuxième niveau. La question peut être examinée. On peut demander un examen de la Cour fédérale.
Le sénateur Comeau : Un examen de la Cour fédérale.
M. Moreau : Voilà ce qu'il en est pour les griefs. Ensuite, il existe un régime de plaintes qui va jusqu'au harcèlement ou quand il y a des questions touchant le lieu de travail qui ne font pas partie du processus de grief. C'est un processus complètement différent.
Le sénateur Comeau : Nous faisons office de comité d'examen externe ou de comité chargé des griefs à certains égards, sauf que nous le faisons en raison d'une question de privilège, allant à la cour qui est presque la plus haute du pays.
Bien. Merci. Je n'ai plus de questions.
Le président : À ce stade-ci, mesdames et messieurs, il reste le sénateur Braley qui veut vous poser des questions et moi pour une autre question. Nous passerons ensuite à une deuxième série de questions.
La sénatrice Fraser : Le sénateur Runciman n'a pas eu l'occasion d'intervenir dans cette première série.
Le président : Ah, oui. J'ai la liste devant moi.
La sénatrice McCoy : Et moi je n'ai pas pu terminer.
Le président : Le premier a été le sénateur Furey, ensuite, la sénatrice Fraser, puis les sénateurs Runciman, Batters, Martin et McCoy. J'ai la liste devant moi.
Le sénateur Furey : J'aimerais poser une autre question également.
Le président : Je vais vous inscrire.
Le sénateur Enverga : J'aurai une question à poser lors de la deuxième série de questions.
Le président : Sénateur Braley.
La sénatrice McCoy : Eh bien, j'ai été interrompue. Je pense qu'aucun de nous ne pourra poser de question dans la minute qui suit, puisque nous devons partir à midi. Ma question se rapporte à la procédure, monsieur le président. Les témoins reviendront-ils demain midi? Dans l'affirmative, je serais heureuse de reprendre mes questions à ce moment-là.
Le président : Nous pouvons dépasser midi un peu. Nous nous sommes entendus pour 12 h 15.
La sénatrice McCoy : Nous pouvons continuer jusqu'à 12 h 15?
Le sénateur Comeau : Votre caucus est d'accord pour cela.
La sénatrice McCoy : Mon caucus n'a pas de problème. Je siège comme indépendante, alors ils se moquent de moi. Mon caucus se compose d'une seule personne. Nous sommes donc unanimes.
Le président : Sénatrice McCoy, avez-vous une autre question à poser?
La sénatrice McCoy : Non, j'en ai plusieurs, et je n'ai pas fini. J'aimerais en rajouter une ou deux. Ma question porte sur la procédure. Les témoins reviendront-ils demain?
Le président : Nous n'en avons pas parlé.
La sénatrice McCoy : Peut-être le devrions-nous. Je veux bien attendre jusqu'à demain, à condition d'avoir l'occasion de poser mes questions jusqu'au bout.
Le président : Si vous en avez plusieurs, je crois que nous laisserons les choses jusqu'à demain. Est-ce que tout le monde est d'accord pour que nous nous réunissions de nouveau à midi demain?
La sénatrice McCoy : Et les témoins sont d'accord?
M. deBruyckere : Oui.
La sénatrice McCoy : Dans ce cas, au lieu de presser les choses, je poursuivrai volontiers mes questions demain.
Le président : Nous poursuivrons avec vous demain.
À présent, c'est le tour du sénateur Braley, et ensuite j'aurais une question à poser de mon côté.
Le sénateur Braley : Nous avons deux personnes pour lesquelles il faudra trouver des remplaçants d'ici 12 h 30 demain. Elles doivent nous quitter parce qu'elles ont des réunions à 12 h 30, mais nous trouverons des remplaçants.
Le président : Avez-vous des questions à poser pour aujourd'hui?
Le sénateur Braley : Oui, mais le temps s'est écoulé.
Le sénateur Comeau : Poursuivons pendant 15 minutes encore. Nous n'avons pas de problème pour 15 minutes.
Le sénateur Braley : Nous faisons la même chose dans mon entreprise quand nous avons des gens qui sont malades. Il faut d'abord savoir ce que disent les certificats délivrés par le médecin. Y a-t-il eu quelque chose autour du 12 mai de l'an dernier?
Dre Fieschi : Il s'agit d'un rapport d'un psychologue agréé qu'il voyait à l'époque. C'était un rapport plus détaillé. Toutes les six séances, les psychologues sont tenus de nous fournir un rapport sur les progrès effectués et demander des séances additionnelles, au besoin.
Le sénateur Braley : Est-ce que c'était la fin des séances?
Dre Fieschi : Je crois qu'elles se sont poursuivies un peu plus longtemps.
Le sénateur Braley : La fin des séances a-t-elle été signalée?
Dre Fieschi : Non; il n'y a pas eu de rapport ultérieur, mais ils ne sont pas obligés de le faire, sauf toutes les six séances.
Le sénateur Braley : Si j'ai bien compris, ces séances se sont interrompues.
Dre Fieschi : C'est bien cela.
Le sénateur Braley : À un moment donné quelqu'un, que ce soit le médecin ou le monsieur ici présent, a décidé de ne pas continuer.
Dre Fieschi : Comme le caporal Beaulieu l'a mentionné, les services du Dr Webster ne sont plus financés par la GRC. Cela dit, il y a une multitude d'autres psychologues autorisés.
La sénatrice Bellemare : Qu'est-ce qui a été noté par le médecin de famille pour la dernière année ou année et demie où il était en congé? Faisait-il des rapports hebdomadaires ou des rapports mensuels? Apparemment, il aurait fallu des rapports mensuels, mais ce n'est pas le cas, car nous n'avons pas ces papiers.
Dre Fieschi : Je ne les ai pas tous, mais je crois qu'il y a eu un certificat médical en octobre et ensuite, quand j'ai demandé un complément d'information en janvier 2013, j'ai reçu une brève lettre. Ensuite, j'ai encore reçu une lettre très brève en mars 2013 et enfin un certificat médical le 1er mai de cette année.
Le sénateur Braley : Vous n'avez pas obtenu les certificats médicaux à ce moment-là, même si on était censé les fournir.
Dre Fieschi : J'ai demandé que le médecin de famille remplisse un questionnaire sur l'incapacité, qui est plus détaillé qu'un certificat médical, mais il ne l'a pas fait.
Le sénateur Braley : L'employé n'a-t-il pas l'obligation d'obtenir un certificat tous les 30 jours pour être en mesure de poursuivre son contrat d'emploi, son congé de maladie ou autre? Est-ce vous qui en assurez le suivi? Avez-vous du personnel qui s'occupe de cela ou est-ce que l'information est saisie sur ordinateur? Comment vous y prenez-vous?
Dre Fieschi : Nous avons une base de données électronique qui contient les fichiers. Parfois nous acceptons qu'il n'y ait pas de certificat médical si nous savons que la personne doit subir une opération chirurgicale et nous savons qu'elle aura besoin d'un congé.
Le sénateur Braley : Il est censé présenter un rapport tous les 30 jours. Quel est le dernier que nous avons reçu?
Dre Fieschi : Le 1er mai 2013.
Le sénateur Braley : Il en a juste fourni un seul. Bon. Je veux que cela figure au compte rendu, car un employé a des obligations à respecter. Il doit faire ce qui doit être fait. Plus particulièrement en ce qui a trait au certificat psychologique, je ne peux pas comprendre pourquoi ni le médecin de famille ni le psychologue n'ont rien signalé depuis mai dernier.
Dre Fieschi : Il y avait probablement un certificat médical du médecin de famille au mois d'octobre, mais il n'y avait pas de rapport psychologique depuis le mois de mai.
Le sénateur Braley : C'est ce que j'essaie de dire.
Le président : Je suis sûr que cela vous a traversé l'esprit — et j'adresse cette remarque à M. Reid et à la Dre Fieschi puisque vous y avez participé directement —, si M. Beaulieu était venu à Ottawa, il aurait pu dire des choses qui auraient pu détériorer l'image de marque et la renommée de la GRC. Il est difficile de croire que quelqu'un n'y ait pas songé. Est-ce que cette possibilité s'est présentée d'une façon ou d'une autre dans vos réflexions quand vous vous êtes dit que si on est en assez bonne forme pour voyager on est également en assez bonne forme pour retourner au travail?
Ce que nous devons régler ici, c'est de savoir s'il y a eu, oui ou non, une question de privilège et si un comité parlementaire veut entendre le témoignage des personnes qui peuvent se sentir inhibées par ce genre de réflexion. Je vous parle en toute franchise. Que répondez-vous à cela?
M. Reid : En ce qui me concerne, et dans la mesure où le projet de loi C-42 s'applique, je ne sais pas si c'est une bonne ou une mauvaise chose; je ne sais rien du projet de loi.
Le président : Je ne suis pas en train de parler du projet de loi; je suis en train de parler de l'image de marque de la GRC après avoir écouté le témoin.
M. Reid : Le caporal Beaulieu et moi nous avons discuté sa participation avec l'ACPMP. Il a ses opinions. Que nous ayons ou non besoin d'une association, je n'ai pas vraiment songé à la chose. Je connais la position de Rolly et je sais que cela n'a pas été un facteur. Comme je l'ai déjà dit, j'ai certainement approuvé son déplacement à Victoria, à la législature, et son retour ici pour faire un peu de lobbying. Cela n'a rien à avoir avec ma décision.
M. deBruyckere : J'ai également reçu, en réponse à la demande du caporal Beaulieu au sergent d'état-major Reid, un courriel de ce dernier. J'ai mené une enquête auprès du surintendant Paul Darbyshire, qui a fait enquête à son tour auprès du surintendant Michael O'Reilly au quartier général au sujet de la comparution de représentants de l'ACPMP devant le Comité de la sécurité nationale et de la défense. Je n'ai pas une position favorable ou défavorable à l'égard de gens qui se présentent à titre individuel. La position qui a été communiquée a été qu'il n'existait aucune restriction empêchant qu'un membre puisse se prononcer ou témoigner devant un sous-comité qui s'occupe du projet de loi C-42 ou de n'importe quelle autre question.
Il n'a jamais été question, certainement de mon optique, comme de toute autre personne dans l'organisme à ce que je sache, que nous allions refuser au caporal Beaulieu la permission de voyager sous prétexte qu'il risquait de causer de l'embarras à la GRC. Ce n'est pas cela qui s'est produit. En fait, le président de l'ACPMP travaille pour moi dans la Division « E ». Il a comparu comme témoin le 6 mai et il a demandé son congé annuel qu'il a obtenu pour pouvoir comparaître devant le comité. Je n'avais pas la moindre crainte ou le moindre doute à propos de la nature de son témoignage.
La suggestion qu'il s'est fait refuser ce congé à cause de l'embarras qu'il aurait pu causer à l'organisation ne tient pas, du moins de mon optique.
Le président : Dans nos délibérations en qualité de parlementaires, si un comité étudie quelque chose — que ce soit à la Chambre des communes ou au Sénat, peu importe — nous voulons pouvoir entendre les témoins que nous voulons, un point c'est tout, peu importe ce qu'ils ont à dire ou l'image qu'ils pourraient affecter. Docteure Fieschi, que répondez-vous à là où je veux en venir? Savez-vous où je veux en venir?
Dre Fieschi : Je crois que le caporal Beaulieu n'est pas le premier et il ne sera pas le dernier employé de la GRC à critiquer vertement l'organisation. Cela dit, je suis médecin et mon inquiétude ici ne se rapportait certainement pas à la question du privilège ou de l'ingérence dans le processus, mais simplement à la question de savoir si l'intéressé était assez en forme pour être en actif. C'est à ce sujet que je peux faire des commentaires, c'est-à-dire à l'état de santé de nos gendarmes et s'ils sont en forme pour être en actif. J'aurais fait les mêmes commentaires pour toute autre activité qui exige le même niveau d'effort sur le plan physique et cognitif.
Le président : Chers collègues, les sénateurs Fraser, Runciman et Furey sont inscrits pour des questions rapides.
La sénatrice Fraser : Non, j'ai plusieurs questions.
Le président : Alors il vaut mieux les laisser à demain, je pense.
Le sénateur Furey : J'ai une question rapide pour le sergent d'état-major Reid.
En ce qui a trait à la dernière question du sénateur Runciman quant à savoir si vous saviez ou non pourquoi le caporal Beaulieu venait à Ottawa, vous avez répondu que non. Il y a un courrier électronique, que je n'ai pas devant moi, que le caporal Beaulieu vous a fait parvenir le 27 avril. Le surintendant principal faisait également partie des destinataires. Le caporal fait allusion à sa demande de déplacement à Ottawa pour comparaître devant un comité sénatorial au sujet du projet de loi C-42. Je déduis de votre réponse au sénateur Runciman que vous ne savez rien du contenu du projet de loi C-42 ou de quoi il s'agit.
M. Reid : Non, et cela n'avait en fait aucune pertinence pour mon processus de réflexion.
Le président : Chers collègues, avez-vous quelque chose de rapide à dire?
Le sénateur Runciman : Une fois de plus, en revenant au sergent d'état-major Reid, vous avez dit que vous avez parlé au caporal Beaulieu. Est-ce que c'est lui qui vous a appelé ou c'est vous qui l'avez appelé? Il vous a appelé en demandant la permission de voyager. Est-ce ainsi que les choses se sont déroulées?
M. Reid : Si vous permettez, je vais vérifier mes notes. Le 27, une demande nous est parvenue par courriel demandant la permission de se déplacer à Ottawa. Ensuite il y a eu un appel téléphonique le 29.
Le sénateur Runciman : De lui?
M. Reid : Oui.
Le sénateur Runciman : Il n'a pas du tout mentionné la question de la santé mentale, alors vous avez présumé que ce n'était pas un facteur, même si vous aviez autorisé le voyage à peine quelques semaines avant. Comme il n'a pas soulevé la question, vous avez présumé qu'il n'y avait pas de telle question.
M. Reid : Oui, il s'agissait clairement d'un problème de pied.
Le sénateur Runciman : C'est sur cela qu'il s'est concentré alors.
M. Reid : J'espérais que ses problèmes étaient en train de se régler et que c'était un problème de pied. C'était le meilleur scénario possible.
Le sénateur Runciman : Je sais, docteure, vous avez répondu à la sénatrice Batters quand elle a fait allusion au message que vous aviez transmis sur des aspects « cognitifs ». Vous avez laissé présumer que quand vous parliez de « cognitif », vous faisiez allusion à son problème au talon. Vous continuez ensuite par mentionner le point de vue psychologique. Vous avez écrit :
[...] du point de vue psychologique, témoigner devant un tel comité exige la capacité de suivre des arguments complexes et de faire preuve du discernement nécessaire pour pouvoir formuler des réponses à des questions qui pourraient être difficiles.
Si la question de la santé mentale n'était pas considérée pertinente ici, pourquoi mentionnez-vous cela pour justifier votre position?
Dre Fieschi : Quand je développe un argument, j'essaie de songer à tous les aspects. Cela ne veut pas dire que c'est en fait pertinent au cas qui nous occupe.
Le sénateur Runciman : Vous ne voyez pas cela comme une contradiction. Vous parlez d'être assis pendant plusieurs heures, de passer par un aéroport. Vous mentionnez aussi d'autres questions qui doivent être reconnues. Ensuite, en même temps, le sergent d'état-major et vous, vous nous dites que cela n'était pas un problème, qu'il n'aurait pas fallu le faire entrer en ligne de compte. Je vois une contradiction ici.
Merci, monsieur le président.
Le président : Pour demain, la sénatrice McCoy commencera et ensuite ce sera au tour de la sénatrice Fraser. Y a-t-il d'autres personnes parmi vous qui aimeraient être sur la liste demain? Je vois le sénateur Braley et le sénateur Enverga. Quelqu'un d'autre?
Je vous remercie de votre présence et nous espérons pouvoir nous occuper de cette question avant que la Chambre ne quitte pour l'été. Voilà pourquoi nous essaierons de tout caser dans la séance de demain.
Merci et à demain.
(La séance est levée.)