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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 14 - Témoignages du 4 décembre 2012


OTTAWA, le mardi 4 décembre 2012

Le Comité permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 9 h 31, dans le cadre de son étude sur les nouveaux enjeux qui sont ceux du transport aérien.

Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des transports et des communications.

[Traduction]

Nous reprenons ce matin notre étude de l'industrie canadienne du transport aérien, nous attachant particulièrement à la situation dans les aéroports régionaux et du Nord.

Nous accueillons deux représentants de la Air Line Pilots Association, International, le commandant Dan Adamus, président, Conseil canadien, et le commandant Peter Black, président de la Commission présidentielle sur les opérations éloignées.

Nous sommes heureux, messieurs, de vous accueillir à nouveau. Vous avez la parole.

Commandant Dan Adamus, président, Conseil canadien, Air Line Pilots Association, International : Merci. Bonjour mesdames et messieurs.

L'Air Line Pilots Association, International, vous remercie de l'occasion qui lui est ainsi donnée de vous présenter un aperçu des intérêts de notre association dans le Nord du Canada. Nous représentons 51 000 pilotes de 35 compagnies aériennes aux États-Unis et au Canada, y compris 2 800 pilotes professionnels qui travaillent pour neuf compagnies aériennes au Canada.

Non seulement nous sommes la plus importante association de pilotes professionnels du monde, mais également la plus grande organisation non gouvernementale de sécurité aérienne du monde. Nous avons comparu devant votre comité il y a un an, et nous sommes heureux de voir que vous poursuivez votre étude pour vous pencher particulièrement maintenant sur la sécurité des opérations dans les aérodromes du Nord et des régions éloignées.

Je vous donnerai aujourd'hui un aperçu des difficultés que vivent les pilotes de ligne professionnels dans les régions éloignées de notre pays. Je vous présenterai aussi ce que l'ALPA croit être des moyens que peut utiliser le gouvernement pour améliorer la sécurité des opérations des compagnies aériennes et le service aux régions éloignées.

D'autres témoins ont démontré au comité l'intérêt croissant que suscite le Nord pour un grand nombre d'acteurs et d'intervenants en raison du développement rapide des activités minières et autres; nous sommes d'accord sur ce point. Cela étant, en juin de cette année, l'ALPA a formé un comité pour les opérations en régions éloignées, présidé par M. Black, pour s'attaquer aux défis uniques et exigeants que doivent relever les pilotes professionnels au cours des vols intérieurs dans l'espace aérien de l'Extrême-Arctique. Puisque le trafic aérien de l'Extrême-Arctique connaîtra assurément une augmentation régulière, il devient de plus en plus urgent d'assurer la sécurité des opérations.

L'ALPA a déterminé que les questions suivantes sont importantes pour veiller à ce que la sécurité aérienne ne soit pas à la traîne au moment du développement des aérodromes du Nord : conception et certification de plus de procédures d'approche aux instruments GPS; développement des infrastructures aéroportuaires existantes; amélioration de l'infrastructure essentielle de transmission radio et de communication; bonification des programmes d'aide financière du gouvernement, tels que le Programme d'aide aux immobilisations aéroportuaires, le PAIA, avant l'essor prochain, plutôt qu'après.

Depuis des années, l'ALPA préconise « un seul niveau de sécurité » pour tous les vols des transporteurs, sans égard au type d'aéronef, à la charge utile ou à la nature du vol. Le travail de notre association en matière de sécurité est en grande partie fondé sur cet important principe, que nous avons tenté d'implanter dans toute l'industrie.

En outre, la croissance rapide des routes transcontinentales de l'espace aérien du Nord canadien, particulièrement en ce qui concerne les vols traversant le pôle, maintenant courants, suscite des questions de sécurité qu'il faut prendre en compte et pour lesquelles il faut des solutions réglementaires, des politiques et des procédures améliorées et, dans certains cas, des mesures législatives.

De nombreux terrains d'aviation et aérodromes où passent couramment les aéronefs commerciaux emploient des procédures d'approche aux instruments au sol, ou des procédures d'approche aux instruments utilisant le recouvrement GPS, ce qui offre une mesure de sécurité supplémentaire. Le système d'approche actuel pose un certain nombre de problèmes cependant. Premièrement, l'entretien des systèmes au sol est dispendieux et le recouvrement GPS n'offre habituellement pas d'amélioration opérationnelle substantielle par rapport aux procédures au sol. Il en est ainsi parce que les aérodromes ne disposent pas des relevés et de l'infrastructure nécessaires pour élaborer de nouvelles procédures pour des plafonds nuageux plus bas et des visibilités réduites. Deuxièmement, en vertu des règlements liés à l'utilisation du GPS, adoptés il y a plus de 20 ans, les équipages ne sont pas autorisés à désigner un autre aéroport comme aéroport de « dégagement », lorsqu'il devient imprudent d'atterrir au point de destination prévu, si cet aéroport n'est pas muni d'un système d'approche au sol. Aux termes des règlements actuels, les aéroports qui ne disposent pas de procédures d'approche GPS ne peuvent servir d'aéroports de dégagement.

Troisièmement, comme vous le savez, les conditions météorologiques du Nord changent souvent rapidement, en ce qui concerne le plafond nuageux et la visibilité. Étant donné les distances entre les terrains d'aviation et la rapidité des changements dans les conditions météorologiques, les aéronefs commerciaux qui desservent ces communautés doivent transporter beaucoup plus de carburant que ceux qui desservent les communautés du Sud afin d'assurer la sécurité des vols vers l'aéroport de dégagement. Permettez-moi de vous expliquer pourquoi cela revêt une telle importance. Selon les règlements de Transports Canada, avant d'entamer un vol, il vous faut avoir assez de carburant pour vous rendre du point A au point B, puis à un aéroport de dégagement, puis, selon le type d'aéronef, avoir une réserve de carburant équivalant à 35 ou 40 minutes de vol supplémentaires. Plus l'aéroport de dégagement est proche, moins il faut une importante réserve de carburant, ce qui permet une plus grande charge utile.

La dernière génération d'approches GPS, et je n'entends pas par cela le recouvrement GPS dont j'ai parlé il y a quelques instants, offre à l'équipage des renseignements leur permettant d'effectuer une descente constante et stable vers la piste. Ces approches stabilisées sont plus sûres parce que l'équipage peut réduire au minimum les changements d'effet sur les gouvernes au cours de la phase d'approche finale et de l'atterrissage.

L'avantage est que les minimums d'atterrissage, c'est-à-dire l'altitude minimale à laquelle un aéronef peut descendre au cours de l'approche finale avant que le pilote voie la piste, sont en général plus bas que ceux des systèmes au sol traditionnels, tels que le radiophare non directionnel, ou NDB, et le radiophare omnidirectionnel VHF, ou VOR.

L'approche au GPS permet à l'aéronef d'effectuer un atterrissage en toute sécurité lorsque le plafond nuageux est bas. Cependant, le simple fait de remplacer les systèmes d'approche au sol par des procédures GPS n'est pas une panacée. Pour que cette technologie améliore efficacement les services à une communauté, de meilleures infrastructures aéroportuaires doivent être établies simultanément. À l'heure actuelle, de nombreux petits aéroports du Nord pourraient tirer pleinement parti de l'utilisation de l'approche GPS seulement s'ils pouvaient installer des bordures de piste, des seuils de piste et des balisages d'approche adéquats et obtenir des relevés couvrant les aires de décollage et d'atterrissage de toutes les pistes.

Il existe des outils de relevé très précis qui permettraient la conception et la certification des dernières procédures d'approche GPS, dont je viens de parler. Ces approches permettraient d'effectuer des vols en toute sécurité en cas de plafond nuageux plus bas et de visibilité réduite et, par le fait même, d'offrir plus de sécurité et un meilleur service à ces communautés, qui dépendent souvent du service aérien pour le réapprovisionnement, les évacuations médicales et les autres services essentiels.

Malheureusement, comme je l'ai indiqué plus tôt, les territoires et les communautés auxquels appartiennent ces aéroports n'ont pas les moyens de réaliser les relevés requis ni de se doter des systèmes de balisage et des infrastructures voulus.

Cela dit, le simple fait d'établir un relevé correct et d'améliorer le balisage de l'aéroport rendrait la conception de procédures d'approche GPS à des limites inférieures rentables.

L'environnement profitera aussi d'une réduction considérable des émissions de gaz à effet de serre, en raison de la diminution de consommation de carburant de l'aéronef. On a beaucoup parlé de la réduction de l'ozone stratosphérique au-dessus des régions polaires. Les GES augmentent dans la haute atmosphère et nous devons tout mettre en œuvre pour renverser la tendance avant que les dommages soient irréversibles.

Toujours au sujet des infrastructures aéroportuaires, il est indéniable que le Nord est sur le point de connaître un développement considérable. L'essor prévu aura tôt fait de surcharger les aéroports. Je ne parle pas seulement des relevés nécessaires pour améliorer les capacités d'approche aux instruments; il faut aussi des pistes assez longues pour accueillir des aéronefs plus grands, des prolongements de piste aval et des aires de dépassement de piste plus sûrs, des aires de demi-tour et des voies de circulation plus larges, des aires de trafic plus étendues et des hangars où passeront la nuit les avions et les hélicoptères qui appuient les opérations. Il faut aussi des installations d'entretien et d'entreposage des marchandises améliorées, de meilleures capacités de déneigement et de déglaçage et une plus grande capacité d'entreposage de carburant, pour n'en nommer que quelques-uns.

Il faudra en outre héberger et nourrir un grand nombre de personnes qui travailleront aux alentours des aéroports. Les services à ces travailleurs seront essentiellement assurés par aéronef. Les services d'évacuation médicale par voie aérienne devront donc être prévus pour intervenir en cas d'accidents graves et d'urgences médicales. Il est évident qu'avec 52 aéroports et aérodromes et une population totale de moins de 200 000 personnes, les provinces nordiques et les territoires ne peuvent supporter à eux seuls le fardeau financier associé à la mise à niveau des infrastructures aéroportuaires. Ils ont besoin d'une aide immédiate.

Évidemment, on ne peut pas tout faire d'un seul coup, les coûts de développement des infrastructures dans le Nord étant astronomiques comparativement aux coûts dans les régions développées. Si nous savons que l'industrie offrira une aide financière aux projets de développement qu'elle souhaite mener, il reste que les infrastructures aéroportuaires doivent à tout le moins être prêtes à faire face à un trafic aérien plus intense, et ce, régulièrement et dans toutes les conditions météorologiques. À l'heure actuelle, les aéroports nordiques n'en ont pas la capacité. Qui plus est, nombre d'aérodromes nordiques n'ont pas de liens de communication continue avec le reste de l'infrastructure aérienne du Canada, particulièrement ceux dont la tour de contrôle ou la station d'information de vol, ou FSS, ne fonctionne pas en permanence. Lorsque la tour ou la station FSS est fermée, les équipages ne peuvent généralement pas vérifier les conditions météorologiques en route ou à destination ni communiquer de plan de vol, à moins d'avoir un téléphone satellite à bord.

Je voudrais maintenant aborder la question du financement du PAIA. Selon Transports Canada, 45 aéroports nordiques sont actuellement admissibles au financement du PAIA, à savoir 3 au Yukon, 18 dans les Territoires du Nord-Ouest et 24 au Nunavut.

Le PAIA dispose d'un budget annuel d'environ 42 millions de dollars. L'ALPA est d'avis que, même si le programme offre toujours de nombreux avantages financiers aux aéroports admissibles, les critères d'admissibilité et le montant du financement doivent être rajustés.

J'insiste sur ce point, car c'est la raison pour laquelle nous prenons la parole devant vous. Les critères d'admissibilité et le montant du financement du PAIA vont devoir être rajustés.

Premièrement, comme chacun le sait, tout coûte beaucoup plus cher dans le Nord et les travaux de construction et de relevé n'échappent pas à la règle. En vue du développement prochain que connaîtra la région afin d'en exploiter les ressources, et compte tenu des limites de ses capacités financières, nous croyons que le budget du programme devrait faire l'objet d'une augmentation considérable.

Deuxièmement, les critères d'admissibilité ne s'appliquent qu'aux projets qui respectent le niveau de sécurité exigé pour un aéroport donné. Je crois que vous connaissez ces critères, et je ne m'étendrai donc pas. Cela dit, on nous a informés qu'un relevé d'aéroport ne fait pas partie de ces critères. L'ALPA est d'avis que toute amélioration apportée à une infrastructure aéroportuaire et permettant la conception et la certification d'approches aux instruments plus basses et plus sûres devraient répondre aux critères de sécurité. De plus, le service aérien aux communautés par mauvais temps s'en trouverait amélioré et les coûts en carburant seraient réduits parce que les équipages pourraient fort probablement utiliser des aéroports de dégagement plus près pour leurs vols quotidiens.

L'ALPA, qui est à l'avant-garde de la sécurité depuis bon nombre d'années, est convaincue que les processus de certification complets de NAV CANADA, combinés à ceux de Transports Canada, doivent être maintenus afin de mettre sur pied, aujourd'hui et à l'avenir, l'infrastructure essentielle pour la navigation, les communications et les aéroports, afin de servir en toute sécurité les communautés au-delà du 60e parallèle et des autres régions éloignées.

Pour conclure, je tiens à exprimer mes remerciements au président et aux membres du comité pour avoir donné à la Air Line Pilots Association l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui. Je serai maintenant heureux de répondre à toutes vos questions, d'autant plus que certaines des choses que nous avons dites revêtent un caractère assez technique.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Merci beaucoup pour votre présence ce matin. Merci pour votre mémoire qui est très clair et qui semble vraiment se concentrer sur la sécurité.

Une première question : vous préconisez un seul niveau de sécurité, et plus loin vous dites que vous ne voulez pas revenir là-dessus parce que vous pensez qu'on connaît tout cela.

Combien de niveaux existent actuellement pour la sécurité, et pourquoi ne préconisez-vous qu'un seul niveau?

[Traduction]

M. Adamus : Permettez-moi d'abord de préciser que, selon la réglementation de Transports Canada, les transporteurs aériens de moindre envergure sont soumis à des critères différents, et ce, sans doute à la suite d'analyses du risque effectuées dans le passé. Transports Canada est sans doute le mieux à même d'expliquer pourquoi il a opté pour une telle solution, mais, du point de vue des pilotes, quelle que soit la taille de l'appareil, c'est la sécurité qui doit primer. Pourquoi cette différence de règles? Nous faisons valoir cet argument depuis des années, car nous représentons les pilotes d'aéronefs allant du plus petit au plus grand et les passagers transportés à bord de ces divers types d'appareils peuvent légitimement s'attendre à un niveau de sécurité leur permettant de ne pas avoir à s'inquiéter.

Le sénateur Boisvenu : Le passage à un seul niveau de sécurité voudrait-il dire que les systèmes d'approche aux instruments seraient les mêmes dans tous les aéroports? Existe-t-il un lien entre l'équipement et le nombre de niveaux de sécurité?

M. Adamus : Vous entendez, je pense, par cela, la différence d'équipement servant à effectuer l'atterrissage et les procédures d'approche aux instruments. Selon le type d'équipement monté à bord de l'aéronef, ce sont essentiellement les mêmes pour la plupart des appareils. Les aéronefs plus gros disposent en général d'un peu plus d'équipement, mais cela n'est pas toujours le cas. Certains appareils de nouvelle génération possèdent un équipement technologiquement très avancé.

Il s'agit, selon nous, d'aligner les approches dans le Nord sur celles du Sud du Canada car, pour l'instant, dans le Nord, les approches manquent de précision, ce qui ne veut pas nécessairement dire qu'elles ne sont pas sûres. Cela veut simplement dire que les atterrissages sont soumis à des paramètres plus contraignants. À météo égale, les règles régissant les atterrissages sont plus contraignantes dans le Nord que dans le Sud.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : S'il y a des niveaux différents au niveau de la sécurité, est-ce que cela veut dire que les pilotes peuvent prendre un niveau de risque différent pour l'atterrissage ou le décollage?

[Traduction]

M. Adamus : Non. Les pilotes sont conscients des limites et s'y tiennent, compte tenu de la nature du vol. Les pilotes ne prennent aucun risque.

Le sénateur Mercer : Je vous remercie, messieurs, de votre présence ici.

Monsieur Adamus, nous vous retrouvons avec plaisir. Pour revenir à la question que vous a posée le sénateur Boisvenu au sujet d'un seul système de sécurité, nous avons été plusieurs à nous rendre ces derniers temps dans le Nord. Certains exploitants d'aéroports, mais non des pilotes, nous ont dit craindre de ne pas pouvoir se conformer à la réglementation unique qui semble être appliquée. J'entends par cela les normes fixées par Transports Canada ainsi que par d'autres organismes. Cela serait dû au coût des infrastructures qu'exigerait le respect de la réglementation actuelle, auquel s'ajoute le fait qu'ils se trouvent dans une situation particulière, étant donné l'éloignement de leurs aéroports. Pourriez-vous nous dire quelque chose de cela? Il me semble que ce soit bien ce que l'on nous a dit dans le Nord.

M. Adamus : Nous avons lu le compte rendu de ce que vous ont dit d'autres témoins et je pense que vous faites allusion à un projet visant l'élargissement des zones qui précèdent et qui dépassent la liste, et aux coûts des travaux. Nous souhaitons que les aéroports soient aussi sûrs que possible. Des aires de dépassement de piste et des prolongements de piste aval plus grands permettraient, après calcul de la distance d'atterrissage, d'atterrir avec une plus grande charge utile ou sur une piste plus courte puisqu'on disposerait de plus de place, soit en fin de piste, soit avant le point d'impact de la piste. Sans cela, il faut faire les calculs que nous faisons actuellement, et les appareils doivent être plus petits. Les gros appareils ne peuvent pas atterrir.

M. Black souhaitera peut-être ajouter quelque chose à cela.

Commandant Peter Black, président de la Commission présidentielle sur les opérations éloignées, Air Line Pilots Association International : Oui, dans le Nord, les exploitants d'aéroport sont soumis à des conditions très difficiles. Nous avons parlé d'un même niveau de sécurité, et d'un même niveau d'attente éprouvé par les passagers qui montent à bord d'un aéronef à Ottawa pour se rendre à Iqaluit puis, disons, à Clyde River. Nous voulons que les voyageurs et les équipages bénéficient tout au long des mêmes procédures. Les attentes sont les mêmes et ils veulent que les mêmes critères s'appliquent tout au long du trajet afin que l'équipage et les passagers puissent se rendre du point A au point B, puis au point C dans des conditions de sécurité maximums.

Cela ne veut aucunement dire que la sécurité ne soit pas assurée en ce moment, mais nous souhaiterions qu'elle soit encore améliorée. Autrement dit, nous aimerions que ceux qui se rendent à Clyde River aient les mêmes assurances que ceux qui atterrissent à Ottawa ou à Toronto. Notre but est de maintenir le même niveau sur l'ensemble du réseau.

Le sénateur Mercer : Nous voulons tous, je pense, que nos aéroports soient aussi sûrs que possible. C'est, cependant, une question de géographie. La topographie particulière du Nord fait que certains aéroports ont beaucoup de mal à assurer ce degré supplémentaire de sécurité. Je crois pouvoir dire que si l'on agrandissait beaucoup l'aéroport d'Iqaluit, il se retrouverait dans l'eau.

Je vous demanderais de nous apporter quelques précisions quant au coût de ces travaux dans le Nord. La somme de 42 millions de dollars a été affectée au financement du PAIA et, selon vous, 45 aéroports du Nord sont admissibles au financement du PAIA.

Lorsque nous nous sommes rendus dans le Nord, nous nous sommes entretenus avec des dirigeants municipaux, avec des autorités aéroportuaires et divers autres groupes, et avons constaté que les travaux d'infrastructure dans le Nord coûtent extrêmement cher. Par exemple, si vous décidez d'asphalter une surface, il se peut que vous ne trouviez pas dans la région l'épandeur nécessaire et à supposer que vous puissiez en trouver un, il sera très coûteux de le faire venir et de le réexpédier.

Quarante-deux millions de dollars ont été mis de côté pour les aéroports admissibles, et les critères d'admissibilité ainsi que le montant du financement doivent être rajustés.

Pourriez-vous nous citer un chiffre? Pour le genre de travaux en question, 42 millions de dollars ce n'est rien du tout. Étant donné que le gouvernement ne dispose pas d'un budget infiniment élastique — il faut en effet, tenir compte des contraintes budgétaires et pourvoir aux dépenses anticipées pour les aéroports du Nord — si vous deviez formuler une recommandation à l'intention du ministre des Finances, combien lui conseilleriez-vous de prévoir?

M. Black : Sénateur, ça prendrait autant d'argent qu'on peut en obtenir. Je ne voudrais pas être pris pour un impertinent, mais il faut tout de même préciser que cette somme de 45 millions de dollars est pour l'ensemble des aéroports canadiens, qui sont, je pense, au nombre de 200 environ, 45 des aéroports répondant aux critères d'admissibilité étant situés dans le Nord.

On pourrait commencer par doubler la somme en question. Je ne peux pas vous dire exactement combien il a fallu récemment pour refaire l'aéroport d'Ottawa, mais c'est une somme considérable. L'argent est vite dépensé.

Pour ce qui est de l'asphaltage des aéroports dans le Nord, ce ne serait probablement pas pratique de le faire. Les transporteurs pourraient contourner le problème en achetant des appareils capables de décoller et d'atterrir sur des pistes en gravier et répondant aux normes des autorités réglementaires.

Ce que nous souhaiterions, au juste, c'est, comme le disait le commandant Adamus, que les aéronefs puissent maintenir un angle de descente constante, c'est-à-dire effectuer une descente constante et stable vers la piste de sorte que les pilotes n'aient pas à continuellement ajuster les contrôles pour réussir leur approche et leur atterrissage. Ainsi, au cas où ils décident, pour une saison ou pour une autre, de ne pas atterrir — que cela leur semble plus sûr en raison des conditions météorologiques, ou parce qu'un caribou se promène sur la piste, il y a une foule de circonstances possibles —, ils vont néanmoins pouvoir, de manière tout à fait contrôlée, repartir ou quitter la zone.

Il est important de disposer de relevés précis et à jour des zones aboutissant à l'aéroport, et s'en éloignant. Un GPS, c'est-à-dire un système de positionnement global offre une plus grande précision. Plus vous êtes précis dans votre navigation, mieux vous êtes à même de procéder en toute sécurité du point A au point B. Ce n'est tout de même pas comme pour enfiler une aiguille, mais cela vous permet d'emprunter des passages très étroits en étant assurés d'une marge de franchissement d'obstacles suffisante.

Le sénateur Mercer : Qui assumerait les frais d'un relevé? J'ai, dans ma voiture, installé un GPS qui comporte la carte de toutes les villes.

M. Black : En ce moment, dans les territoires, le relevé serait à la charge du propriétaire de l'aéroport, c'est-à-dire, en l'occurrence, un des trois territoires.

Le sénateur Mercer : L'établissement d'un relevé dans des zones rurales éloignées du Canada coûte cher.

M. Black : Oui, effectivement, mais les relevés deviennent de plus en plus précis, la technologie servant à les effectuer est de plus en plus perfectionnée et les prix ayant probablement tendance à baisser. Je ne sais pas au juste combien cela coûterait, mais les relevés sont maintenant extrêmement précis.

Le sénateur Mercer : En ce qui concerne les demandes de financement par le PAIA d'aéroports situés dans le Nord, je sais qu'un aéroport du nord de l'Alberta a demandé 25 millions de dollars, c'est-à-dire, à lui seul, plus de la moitié des crédits prévus.

Le président : Vous songez manifestement au Nunavut, et, comme le sénateur Mercer le disait tout à l'heure, si on allonge la piste, on se retrouvera dans l'eau.

Vous avez parlé du coût. Si les gouvernements décidaient d'investir dans ce système de GPS perfectionné, cela voudrait- il dire qu'il y aurait moins de vols annulés? Le nombre d'annulations n'est-il pas très élevé à Iqaluit et à Yellowknife, les gens étant laissés en rade et empêchés de se rendre là où ils voulaient aller? Il est clair que cela ne vaut pas juste pour les vols de vacances, mais également pour les voyages d'affaires. L'investissement ne serait-il pas rentabilisé dans le Nord par une plus grande efficacité du service assuré par les compagnies aériennes?

M. Adamus : En un mot, oui. Cela vaudrait la peine. Cela permettrait d'atterrir avec des plafonds nuageux plus bas.

Le président : Il y aurait ainsi moins de raisons d'annuler les vols et un renforcement général de la sécurité.

M. Adamus : C'est exact.

Le président : Comme vous le disiez, l'étroitesse du marché fait qu'il est difficile d'obtenir les financements nécessaires.

Permettez-moi de vous citer un article paru ce matin dans le Globe and Mail au sujet de Mary River. Il s'agit des investissements effectués à Iqaluit.

Après l'achèvement des travaux, le projet de Mary River pourrait tripler le taux annuel de développement économique du territoire et lui procurer presque cinq milliards de dollars en recettes fiscales et en redevances au cours des 21 ans que devrait durer l'exploitation de la mine.

Ne pourrait-on pas faire ce que l'on fait dans le nord du Québec? Au Québec, les revenus de la production électrique servent à financer le développement des communautés du Nord. Ne pourrait-on pas instaurer un programme financé par les redevances, les aéroports et les travaux d'infrastructure se voyant garantir une partie de ces recettes qui serait affectée à l'amélioration des capacités de nos aéroports et au renforcement de leur sécurité?

M. Adamus : Je ne sais pas si nous prônons ce type de financement, mais nous sommes favorables à tout ce qui permettrait d'obtenir les financements qu'exige l'amélioration de la sécurité.

Le président : Nous arrivons au terme de ce rapport et n'aurons probablement pas l'occasion de vous entendre à nouveau. Après les deux prochaines questions, je vous demanderais de bien vouloir nous parler du problème des pilotes étrangers et du rôle qu'ils jouent dans le transport aérien au Canada.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : J'aimerais revenir sur un des éléments que vous soulignez dans votre rapport, soit la dernière génération des GPS.

Actuellement, de quelle manière les aéroports se partagent-ils l'ancienne et la nouvelle technologie? Est-ce assez répandu ou un minimum d'aéroports profitent de ces instruments?

[Traduction]

M. Adamus : Je vais demander à M. Black de vous répondre au sujet des chiffres. Je ne suis pas certain qu'il les ait, mais en ce qui concerne la différence entre la technologie ancienne et la nouvelle, je peux dire que l'ancienne technologie consiste à prendre un GPS et à en recouvrir le système traditionnel de balises installées au sol. Cela permet un alignement plus précis sur la piste d'atterrissage, car il arrive que les balises se déplacent un peu. Le GPS offre une plus grande précision.

Nous continuons néanmoins à employer la technique de descente par paliers qui consiste à faire descendre l'appareil jusqu'à l'altitude minimale puis à atterrir. Ce n'est pas une approche stabilisée.

La nouvelle technologie permet d'adopter une trajectoire de descente constante, puis, une fois arrivé à un certain point, si vous ne voyez pas la piste, vous n'avez qu'à survoler l'endroit. Voilà où se situe la différence entre l'ancienne et la nouvelle procédure.

En ce qui concerne maintenant le nombre d'aéroports, je ne suis pas en mesure de vous répondre. M. Black pourrait vous dire ce qu'il en est.

M. Black : En effet, sénateur, ce que vous appelez « ancienne » technologie, c'est-à-dire le recouvrement GPS, existe maintenant dans 58 approches dans les trois territoires concernés. Environ 90 approches se servent encore de l'ancienne technologie, c'est-à-dire des systèmes au sol traditionnels tels que le NDB ou le VOR. Le recouvrement GPS dont nous parlions tout à l'heure est ce que nous appelons la première génération de navigation au GPS. Cela mime les systèmes au sol et, par conséquent, les renforce. Comme le disait M. Adamus, lorsque l'aiguille est orientée de manière générale dans le sens d'une balise, le système GPS réduit l'écart, et donc le vacillement. Cela permet de contrôler un peu plus précisément la direction.

En ce qui concerne maintenant la nouvelle génération de systèmes GPS dans les territoires, il n'y en a que huit qui offrent en outre quelque précision à la verticale, et c'est de cela qu'il s'agit. Ces indications verticales, s'ajoutant à des indications latérales beaucoup plus justes, rendent la navigation bien plus précise. Cela ressemble davantage aux systèmes d'atterrissage aux instruments, les ILS, installés dans les grands aéroports.

Il s'agit, encore une fois, d'un système au sol qui coûte très cher à entretenir. La nouvelle génération de GPS comporte, par contre, ces indications verticales qui permettent une approche stabilisée avec un angle de descente constant, ce qui permet d'atterrir par plus mauvais temps, et réduit le nombre de personnes qui se voient contraintes de patienter à l'aéroport d'Iqaluit en attendant de se rendre à Clyde River en raison de la météo à Clyde River. C'est l'avantage que l'on peut en attendre.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Pour ces huit aéroports possédant des équipements de dernière génération, avez-vous des données sur la différence entre les vols annulés avec les anciennes instrumentations par rapport aux nouveaux instruments? Ma question concerne l'amélioration sur le plan de la régularité des vols.

[Traduction]

M. Black : Sénateur, nous n'avons pas les chiffres précis, mais nous pourrions vous les obtenir.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Il serait intéressant d'obtenir des données, à savoir si, par exemple, on a réduit de 50 p. 100 le nombre de vols annulés, car il y a une incidence économique lorsqu'on annule un vol. Il y aurait peut-être un argumentaire intéressant afin de pourvoir à l'établissement de ces équipements.

[Traduction]

M. Black : Vous avez parfaitement raison, sénateur. Nous pouvons obtenir ces renseignements, et vous les faire parvenir. Comme je le disais tout à l'heure, il y a, en fait, huit approches ayant cette composante verticale, mais on ne les trouve qu'à cinq aéroports. Trois de ces aéroports sont directement liés à des exploitations minières et ont donc plus ou moins été financés par des entreprises. Ces procédures d'approche font l'objet d'un examen par NAV CANADA et Transports Canada, avant d'être publiées à des fins d'utilisation générale. À Inuvik, une des approches comporte cette composante verticale. Il en va de même à Whitehorse. Peu d'aéroports disposent de cette composante verticale. Ces deux aéroports possèdent également des systèmes d'atterrissage aux instruments, avec un système au sol qui permet de guider les aéronefs.

Les renseignements précis à ce sujet existent, mais ce qui permettrait le mieux de constater la différence serait de prendre cette composante verticale et de l'installer dans un aéroport tel que celui de Clyde River. Mon intention n'est pas de m'en prendre à Clyde River, mais c'est bien ce qu'il en est. Je pense que nous constaterions dans les petites communautés, une amélioration du taux de succès des approches et des atterrissages. Je travaille dans le Nord depuis 34 ans et je pense pouvoir dire que l'amélioration serait d'environ 80 p. 100.

Le sénateur Unger : Quel serait, à peu près, le coût d'un de ces nouveaux systèmes GPS améliorés?

M. Black : Il faut savoir qu'un système GPS comporte deux composantes distinctes. Il y a l'équipement à bord de l'aéronef, qui lui permet de recevoir des signaux, de les traiter, de les entrer dans le système de vol automatique et d'effectuer l'approche et l'atterrissage.

Et puis il y a le système satellite et la procédure d'élaboration d'une approche aux instruments à l'aide des outils de conception et des gens de NAV CANADA et de Transports Canada. Ils fixent des normes très précises, le cap, les directions et les marges de franchissement d'obstacles en fonction de l'exactitude du signal GPS.

Lorsque NAV CANADA dit souhaiter établir une procédure d'approche pour Clyde River, je regrette, mais la seule chose qu'ils puissent faire c'est dire, bon, nous pouvons vous fournir l'approche de base, mais vos minima vont être assez élevés. Le degré d'exactitude du relevé de la zone veut dire que les données seront assez générales et excessivement prudentes. Je ne veux pas dire « excessivement prudentes », mais il est clair qu'ils vont, dans l'établissement de l'approche, faire preuve d'un maximum de prudence. Au fur et à mesure que nous affinons les données et que nous mettons tout cela en pratique, et que le GPS et le relevé deviennent de plus en plus précis, nous saurons exactement quels sont les obstacles qui existent dans la zone entourant l'aéroport, à la fois à l'arrivée en piste, et au décollage. Tout cela peut devenir très précis.

En règle générale, l'altitude minimale peut être fixée à 1 000 pieds, et c'est à partir de cette altitude qu'il nous faudrait pouvoir sortir des nuages et apercevoir l'aéroport. Avec le système GPS amélioré, qui comprend à la fois l'approche et l'équipement embarqué dont sont munis la plupart des exploitants travaillant dans le Nord canadien, on peut atterrir avec un plafond inférieur à 500 pieds, parfois même à 300 pieds.

M. Adamus : Permettez-moi d'ajouter à ce que M. Black vient de dire qu'il y a également le coût, qui comporte deux volets : le premier concerne la conception de l'approche par NAV CANADA, et l'autre, le relevé. Je ne pense pas que la conception de l'approche coûte vraiment cher. Il s'agit, en effet, de quelque chose qu'ils font régulièrement. Ce qui coûte cher, c'est le relevé. C'est cela que nous voudrions voir désormais admissible au financement dans le cadre du PAIA. À l'heure actuelle, les crédits du PAIA ne peuvent pas être affectés aux relevés. Voilà ce qu'il nous faudrait parvenir à faire ici. Je regrette que nous ne puissions pas vous fournir les chiffres aujourd'hui, mais nous allons vous les trouver.

Le sénateur Unger : Cette technologie peut-elle être employée par tous les aéroports situés dans une région éloignée du Nord, ou est-elle uniquement adaptée aux aéroports d'une certaine taille?

M. Black : Non, c'est essentiellement une question de géographie. Afin de pouvoir obtenir ces approches rendant possible un guidage vertical très précis, il faut, à l'aide d'un ensemble de satellites indépendants, mettre à jour l'information du signal diffusé. Ces satellites sont en position immédiatement au large de la côte ouest du Mexique. Lorsqu'ils sont orientés vers le nord, les avions vers lesquels ils sont tournés se trouvent tout juste au-dessus de cet horizon, si vous pouvez imaginer la portée optique.

Ce que je veux dire, c'est que dans la majorité des cas, la technologie actuelle fait que la plupart des aéroports du Nord canadien pourraient adopter ce système d'approche de nouvelle génération. Cela ne sera cependant pas possible dans certaines régions, simplement parce qu'il n'y a pas un nombre suffisant de satellites pilotes capables d'apporter la correction nécessaire. La technologie progresse continuellement et on peut espérer que le problème sera réglé. La géographie nous impose des limites, mais c'est essentiellement en raison du positionnement des satellites.

Le président : Nous vous saurions gré de communiquer au greffier les chiffres que vous recueillerez. Vous pouvez le contacter et il les transmettra aux membres du comité.

Le sénateur Unger : Les priorités sont multiples. J'étais du groupe qui s'est rendu à Iqaluit, et nous avons noté l'existence de nombreuses pistes en gravier. Si vous étiez le ministre responsable de ce domaine, quelles seraient les trois ou quatre principales priorités de votre action?

M. Black : Si j'étais ministre, j'accorderais la priorité à la précision de la navigation, c'est-à-dire aux moyens permettant de se rendre du point A au point B, de manière aussi précise que possible. C'est la priorité des priorités. Cela veut dire qu'il nous faut adopter, à l'intention des pilotes professionnels travaillant partout dans le Nord, les systèmes d'approche de type GPS les plus perfectionnés. Ce serait la première de mes priorités.

Après cela, ce serait l'infrastructure, les éclairages, les installations aéroportuaires, peut-être le confort, enfin tout ce qui améliorerait la sécurité des aéroports à la fois pour moi en tant que membre de l'équipage de conduite devant atterrir, et pour vous, en tant que passager.

M. Adamus : Je voudrais ajouter à cela les informations météorologiques. Il serait bon de disposer d'informations météo 24 heures sur 24. Je sais que NAV CANADA examine actuellement la question et envisage des stations météo automatisées. Les communications sont, elles aussi, une autre des priorités appelant des améliorations.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Ma question est très technique. Les GPS terrestres fonctionnent avec des Waypoint. Est-ce les GPS pour l'aéronautique fonctionnent sur le même principe ou est-ce qu'ils fonctionnent strictement avec des satellites?

[Traduction]

M. Black : Strictement avec des satellites. Il est également possible d'installer un équipement au sol qui permet d'amplifier le signal GPS, mais cela ne vaut que pour une zone très restreinte.

Le sénateur Boisvenu : La plupart du temps?

M. Black : Le GPS effectue une triangulation entre les divers satellites, ce qui permet d'indiquer là où vous vous trouvez, alors que, pour les installations au sol, il s'agit d'une antenne. Voilà la différence entre les deux systèmes.

Le sénateur Mercer : J'aimerais maintenant revenir, monsieur Adamus, à ce que vous avez dit dans votre exposé. Vous avez parlé des réserves de carburant et des différences existant à cet égard en raison de la distance qui, dans le Nord, sépare la destination prévue de l'aéroport de dégagement. Vous avez, cependant, également dit que dans certains cas, vous n'êtes pas autorisés à désigner un autre aéroport comme aéroport de dégagement. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à cet égard? Je ne saisis pas très bien et c'est peut-être également le cas de certaines des personnes qui nous regardent. Il vous faut suffisamment de carburant pour arriver à votre destination, une réserve vous permettant de rallier l'aéroport de dégagement et, en plus, assez de carburant pour encore 30 minutes de vol. C'est ce que vous avez dit?

M. Adamus : Selon le type d'avion, pour encore 30 ou 45 minutes de vol.

Le sénateur Mercer : Pourriez-vous nous donner à cet égard quelques détails supplémentaires? Conviendrait-il, selon vous, de modifier cette exigence pour les vols effectués dans nos régions du Nord? Manifestement, moins vous transportez de carburant, plus la charge utile de l'appareil peut être importante, ce qui, comme nous l'avons vu, compte beaucoup dans le Nord du Canada, où tout est transporté par avion. À Iqaluit, le beurre coûte 8 $ la livre. Il n'en faut pas beaucoup plus pour comprendre les difficultés qu'entraîne le fait de ne pas pouvoir acheminer à moindre coût les marchandises.

M. Adamus : Il vous faut désigner un aéroport de dégagement pour tout vol IFR, c'est-à-dire pour tout vol effectué selon les règles de vol aux instruments. Parfois, si le mauvais temps fait que l'aéroport de dégagement le plus proche est tout de même très éloigné, et qu'il n'est pas possible d'emporter assez de carburant afin de pouvoir s'y rendre, le vol doit tout simplement être annulé faute d'un aéroport de dégagement. Selon nous, si nous disposions davantage d'approches répondant aux critères qui permettent de désigner un aéroport de dégagement, nous aurions davantage de possibilités. Cela répond-il à votre question?

Le sénateur Mercer : Je crois que oui. Bon, je vous remercie.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Une dernière question si vous permettez, monsieur Black. On parle d'une cinquantaine d'aéroports dans le Nord. Dans combien de ceux-ci pourrait-on installer ce type d'équipement qui fonctionne avec les satellites?

[Traduction]

M. Black : Cela serait, dans une certaine mesure, possible dans tous ces aéroports. Pour un système d'approche au GPS, il y a deux manières d'assurer un guidage vertical. Je n'entrerai pas dans les détails, mais disons simplement que la première est barométrique. Les pilotes peuvent apporter une correction, introduire celle-ci dans l'ordinateur de vol. Le système de vol automatique fixe alors un angle de descente constant. Ça, c'est le système de base qui peut être adopté n'importe où.

Le système plus précis, par contre, analogue au système d'atterrissage aux instruments, tel que celui dont sont équipés les aéroports d'Ottawa et Toronto, vous permet d'entamer la descente avec un plafond de visibilité beaucoup plus bas. Dans le Nord, ce plafond minimum est actuellement très proche de celui en vigueur dans le passage du Nord- Ouest. Vous pourrez vous-même le constater en regardant la carte, en raison, encore une fois, du positionnement, au large du Mexique, des satellites pilotes qui assurent la mise à jour constante du système GPS, ce qui explique leur grande précision. Mais voilà, pour l'instant, la limite en vigueur.

Les 52 aéroports situés dans les 3 territoires pourraient tous être équipés d'un système d'approche au GPS assurant un guidage vertical.

Le président : Monsieur Adamus, j'allais vous poser une question au sujet des pilotes étrangers qui travaillent pour des lignes aériennes canadiennes. Ils ne sont probablement pas membres de votre organisation. Nous n'aurons probablement pas la chance de vous revoir, et je vous demanderais donc de nous dire quelque chose de cette situation que vous avez évoquée, il y a environ un an? Il serait bon, je pense, que les membres du comité sachent ce qu'il en est.

M. Adamus : Tout à fait. Nous avons effectivement évoqué brièvement la question lors de notre comparution devant le comité il y a un an environ. Au Canada, certaines lignes aériennes ont de plus en plus tendance à engager à certaines saisons des pilotes étrangers pour compléter leurs équipes. Il s'agit essentiellement de compagnies assurant des vols de tourisme, vers des destinations ensoleillées. Bon nombre de ces transporteurs sont très occupés en hiver, mais moins en été. Ils éprouvent par conséquent le besoin de recruter des pilotes en période de pointe. Au lieu de former à la tâche un pilote canadien, ils préfèrent engager à l'étranger un pilote ayant déjà la formation voulue.

Il y a trois manières de faire venir un pilote de l'étranger. La voie la plus habituelle, dont ont récemment parlé les médias, est le Programme des travailleurs étrangers temporaires instauré par RHDCC. La compagnie place une annonce de recrutement, et si elle n'arrive pas à trouver les pilotes qu'il lui faut, elle peut s'adresser à RHDCC et dire « Eh bien, nous n'arrivons pas à trouver les pilotes qu'il nous faut, et nous souhaiterions en faire venir de l'étranger ».

Je précise tout de suite que la difficulté provient de la manière dont sont rédigées les annonces de recrutement. Pour que la compagnie retienne une candidature, il faut que le pilote possède une qualification de type. Qu'entend-on par cela? Cela veut dire qu'il faut que le pilote soit formé au pilotage d'un type d'avion précis, en l'occurrence un Boeing 737NG, c'est-à-dire de nouvelle génération. La compagnie ne retiendra pas la candidature d'un pilote qui n'a pas cette formation. Cette formation coûte environ 30 000 $ et il faut cette qualification de type pour piloter tout avion de plus de 12 500 livres.

Nous avons en ce moment, au sein de notre association, 90 pilotes sans travail. Les pilotes n'obtiennent pas cette attestation à moins d'être engagés par une compagnie.

Permettez-moi d'illustrer cela par un exemple. À supposer que, demain, Air Canada ferme ses portes. La compagnie emploie actuellement 3 000 pilotes. Or, je suis prêt à parier que 99,9 p. 100 d'entre eux n'ont pas sur leur brevet cette attestation de pilotage d'un 737. Une ligne aérienne pourrait donc leur dire, « Nous regrettons, mais nous ne pouvons pas retenir votre candidature ». Les pilotes ne peuvent ainsi pas postuler à un emploi auprès de la compagnie en question, et celle-ci pourra faire venir des pilotes de l'étranger. C'est un moyen de circonvenir le marché de la main-d'œuvre.

Citoyenneté et Immigration a aussi lancé un programme dénommé Accord de réciprocité, en vertu duquel le Canada peut, pour une durée déterminée, engager des travailleurs provenant d'un pays étranger, et envoyer dans ce même pays, certains de nos travailleurs. Nous avons, sur ce point, obtenu du ministère qu'il instaure un certain nombre d'automatismes régulateurs. Par le passé, on ne contrôlait que le nombre de travailleurs concernés, mais on applique maintenant la règle des 75 p. 100, selon laquelle un emploi doit être garanti à au moins 75 p. 100 des travailleurs canadiens qui se rendent dans le pays en question. Il y a donc progrès.

On peut également passer par Transports Canada, qui permet aux compagnies d'aviation de prendre en location un avion avec l'équipage nécessaire.

La compagnie dont nous venons de parler a, en période normale, 155 pilotes et 10 appareils. Elle va cet hiver faire venir 200 pilotes étrangers, ce qui lui donnera jusqu'à 360 pilotes en tout, et louer à l'étranger 19 autres appareils, ce qui lui en fera 29. Voilà donc une compagnie canadienne dont plus de la moitié des pilotes sont étrangers et dont les deux tiers des appareils sont loués à l'étranger. Elle n'a ainsi pas de frais de formation qui s'élèvent à environ 30 000 $ par pilote. Si l'on prend 200 pilotes, multiplié par 30 000 $, cela donne 6 millions de dollars d'économie, soit un sérieux avantage par rapport à ses concurrents.

Nous ne sommes pas d'accord avec cette façon de faire. D'abord, il faudrait engager en priorité des Canadiens. Et puis nous estimons que cela rend inéquitables les règles du jeu.

Le sénateur Greene : Les pilotes étrangers possèdent-ils la qualification de type?

M. Adamus : Oui.

Le sénateur Mercer : Nous avons donc 90 pilotes au chômage, et 300 pilotes engagés à l'étranger. Selon vous, il faut 30 000 $ pour assurer à un pilote la formation nécessaire au pilotage d'un 737. Le problème se limite-t-il à ce type d'avion — ce 737 de nouvelle génération?

M. Adamus : Il y a deux compagnies qui se sont prévalues de ce programme, et les deux exploitent ce type d'avion, c'est-à-dire le 737NG.

Le sénateur Mercer : Au lieu de permettre à des pilotes étrangers d'être engagés, serait-il, selon vous, préférable de mettre en place un programme permettant à ces 90 pilotes de parfaire leur formation et d'obtenir la qualification nécessaire à la conduite d'un 737? Je pense que nous souhaiterions tous que les coûts de formation de ces pilotes soient assumés par les compagnies aériennes. Pour tout autre métier, lorsque les besoins s'en font sentir, qu'il s'agisse de plombiers ou de tuyauteurs, il est possible d'organiser, dans nos collèges communautaires, un programme de formation financé par les gouvernements fédéral et provinciaux pour répondre aux besoins.

Une telle solution ne pourrait-elle pas être retenue en l'occurrence? Ne serait-il pas possible, de concert avec le gouvernement et avec l'aide de l'industrie, d'unir les efforts afin d'assurer la formation de ces 90 pilotes au chômage pour leur permettre de retrouver un emploi?

M. Adamus : Nous avons déposé auprès de RHDCC, une demande de financement en vue d'assurer la formation de certains de ces pilotes au chômage puisqu'ils vont devoir recourir à l'assurance-emploi. Nous ne nous opposons pas au recours à des travailleurs étrangers temporaires. Dans notre pays, ce programme répond en effet à de nombreux besoins. Nous ne nous opposons pas à ce que des travailleurs étrangers viennent travailler au Canada. Il y a ici, par contre, des pilotes qui se retrouvent sans emploi, et qui vont devoir obtenir des programmes sociaux un complément de revenu. Or, il y a ces pilotes étrangers qui n'acquittent pas au Canada d'impôt sur le revenu et qui ne cotisent pas à nos programmes sociaux. Cela crée un problème qu'il conviendrait de régler dans les meilleurs délais.

Le sénateur Mercer : Je tiens à préciser que le programme des travailleurs étrangers est très utile puisqu'il répond à la pénurie de travailleurs au Canada. J'y suis donc favorable, mais je comprends fort bien l'argument que vous venez de faire valoir. Que ce soit ou non avec l'aide financière du gouvernement, il nous faudrait trouver le moyen de former ces 90 pilotes canadiens afin qu'ils ne soient plus au chômage. Le fait qu'ils retrouvent un emploi fera plus que compenser les frais de formation.

M. Adamus : Je suis disposé à accepter toute aide financière, quelle qu'en soit la provenance, mais, habituellement — et cela ne vaut pas uniquement pour le Canada et les États-Unis, mais pour tous les pays du monde —, ce sont les compagnies aériennes qui assument les frais de la qualification en question. Certaines compagnies aériennes vous demandent de signer un engagement de deux ou trois ans, afin d'éviter que vous alliez travailler pour une autre compagnie une fois l'attestation obtenue. Je n'y vois aucun inconvénient. Elles sont libres de procéder ainsi, mais les compagnies aériennes assument généralement les frais de formation. C'est ce qu'il en coûte pour faire des affaires, et j'estime qu'une attitude contraire à cela se traduit par des règles du jeu inégales. Les compagnies aériennes qui engagent à plein temps des pilotes canadiens ont du mal à concurrencer les autres et, là encore, cela crée un problème. Si nous ne le réglons pas dès maintenant, toutes les compagnies vont se sentir obligées d'en faire autant. Voulons-nous vraiment que la moitié des pilotes travaillant au Canada soient des étrangers?

Le sénateur Mercer : Je vous remercie.

Le sénateur Unger : Comment se fait-il que les pilotes canadiens n'acquièrent pas cette qualification dans le cadre de la formation qui leur a été assurée? De qui cela relève-t-il? Vous avez parlé des autres compagnies aériennes? Pourrait- on adopter un règlement qui garantirait que cela ne se reproduira pas et que les pilotes obtiendront la formation nécessaire?

M. Adamus : Selon les annonces de recrutement, tous les candidats à un emploi de pilote doivent posséder cette attestation. Si vous ne l'avez pas, votre candidature ne sera pas retenue. Or, selon nous, ce n'est pas comme cela que ça devrait se passer. Nous nous sommes entretenus avec les responsables du programme des travailleurs étrangers temporaires et nous leur avons dit qu'ils ne doivent pas voir dans de telles annonces un réel effort pour recruter en priorité des Canadiens. C'est injuste. Je m'attaque à ce problème depuis six ans. La situation n'est pas nouvelle, mais on en arrive à un point où elle devient tout à fait inacceptable. Nous insistons de plus en plus, et je pense que nous avons fait certains progrès dans la mesure où ils reconnaissent maintenant qu'il faut faire quelque chose.

Ils prétendent, cependant, qu'il est trop tard pour intervenir cette année, car ils ont déjà programmé l'arrivée des pilotes étrangers. J'estime qu'on nous raconte des histoires, car il y a un an déjà, les compagnies savaient qu'elles auraient besoin de pilotes. Elles auraient pu, il y a un an, entamer un programme de formation. Elles vous prennent pour des imbéciles et vous devez mettre un terme à cela. Les responsables du Programme des travailleurs étrangers affirment que si l'on mettait fin à ce programme, ce serait les passagers qui en subiraient les conséquences étant donné qu'ils ont déjà acheté leurs billets en vue de vacances familiales pendant le congé du mois de mars.

En fait, personne n'en subirait les conséquences, car nous avons, ici même, les moyens de répondre aux besoins.

Le sénateur Unger : Mais comment se fait-il que les pilotes ne reçoivent pas la formation en question avant même d'obtenir leur licence de pilote?

M. Adamus : C'est parce qu'il faut obtenir une qualification pour chaque type d'aéronef. Or, il existe 40, 50, 80 ou 100 types d'aéronefs différents et il est impossible de faire autrement. Vous obtenez votre licence de pilote, mais pour conduire un type précis d'aéronef, il vous faut obtenir la qualification de type.

Le sénateur Greene : Je ne suis pas certain de bien comprendre. N'est-il pas tout à fait naturel qu'une compagnie aérienne, ou entreprise de tourisme souhaite engager des pilotes possédant la qualification de type correspondant au genre d'appareil en service?

M. Adamus : Selon la réglementation de Transports Canada, il faut avoir la qualification de type.

Le sénateur Greene : Bon.

M. Adamus : La question est de savoir qui va en assumer les frais.

Le sénateur Greene : Vous parlez essentiellement, donc, des affréteurs?

M. Adamus : Oui.

Le sénateur Greene : Ils n'assument pas ces coûts. Est-ce bien cela que vous dites?

M. Adamus : Ils rémunèrent leurs pilotes à plein temps. Ce sont les travailleurs saisonniers qu'ils ne veulent pas rémunérer. Dans la mesure où ils ne les engagent que pour cinq ou six mois, ils ne veulent pas assumer les frais de leur formation. C'est tout le problème. Pareille considération doit-elle l'emporter sur le fait que cela va mettre un travailleur canadien au chômage? Toute la question est là et, selon nous, il convient d'y répondre par la négative.

Le président : Commandant Adamus, commandant Black, je tiens à vous remercier des éléments d'information que vous nous avez livrés.

Je tiens à rappeler à ceux qui nous regardent, ainsi qu'aux honorables sénateurs, que notre prochaine séance aura lieu mardi, le 11 décembre à 9 h 30. Nous nous réunirons à huis clos pour étudier l'avant-projet de rapport et discuter des affaires que le comité aura à examiner. Nous allons tenter d'achever cela dans les meilleurs délais dès décembre. Nous avons prévu d'accueillir d'autres témoins en février, mais si l'analyste et le greffier peuvent préparer la rédaction du rapport, il nous sera plus facile de continuer pendant les vacances de Noël. Je vous remercie.

(La séance est levée.)


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