Délibérations du Comité permanent du
Règlement, de la procédure et des droits du Parlement
Fascicule 3 - Témoignages du 28 octobre 2014
OTTAWA, le mardi 28 octobre 2014
Le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, saisi du projet de loi S-207, Loi modifiant la Loi sur les conflits d'intérêts (cadeaux), se réunit aujourd'hui, à 9 h 34, pour étudier le projet de loi.
Le sénateur Vernon White (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour et bienvenue à tous à cette réunion du Comité du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement. Je vous remercie de votre présence ici. Nous allons nous pencher aujourd'hui sur le projet de loi S-207, Loi modifiant la Loi sur les conflits d'intérêts (cadeaux).
Tout d'abord, je me présente, Vern White. Je préside ce comité, et j'inviterais chacun d'entre nous à se présenter. Je commence par le vice-président.
Le sénateur D. Smith : Je suis David Smith, de Toronto.
Le sénateur Doyle : Norman Doyle, de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Moore : Bonjour. Wilfred Moore, de Nouvelle-Écosse.
[Français]
Le sénateur Joyal : Sénateur Serge Joyal, du district de Kennebec, au Québec.
Le sénateur McIntyre : Sénateur Paul McIntyre, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
La sénatrice Batters : Sénatrice Denise Batters, de la Saskatchewan.
Le sénateur Gerstein : Irving Gerstein, de l'Ontario.
[Français]
Le sénateur Nolin : Pierre Claude Nolin, sénateur de la province de Québec.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup. Nous accueillons également le sénateur Joseph Day qui représentera un sénateur absent à la fin de son témoignage. Aujourd'hui, nous entendrons trois témoins, en commençant par le sénateur Joseph Day. Ensuite, nous entendrons Sidney Linden, commissaire aux conflits d'intérêts, Bureau du commissaire aux conflits d'intérêts de l'Ontario; et Paul Fraser, commissaire aux conflits d'intérêts, Bureau du commissaire aux conflits d'intérêts de la Colombie-Britannique.
J'inviterais le sénateur Day à prendre la parole. Après votre brève allocution, nous aurons l'occasion de vous poser des questions.
L'honorable Joseph A. Day, parrain du projet de loi : Merci beaucoup, monsieur le président et honorables sénateurs. J'ai présenté le projet de loi S-207 dans le but de modifier la Loi sur les conflits d'intérêts adoptée en 2006 dans le cadre du projet de loi C-2, Loi fédérale sur la responsabilité. Les honorables sénateurs se souviendront de cette brique qui comportait une multitude de sous-parties et qui a été la première mesure législative à être adoptée par la nouvelle administration Harper en 2006. Cette loi a été rédigée à la hâte, ce qui explique peut-être certaines des lacunes observées. En voici une, je pense. Si nous voulons demeurer fidèles à l'objectif du projet de loi, de la Loi fédérale sur responsabilité et de la Loi sur les conflits d'intérêts, nous devrions corriger cette erreur très mineure d'ordre terminologique. À mon avis, il s'agit d'une erreur ou d'une omission qui a mis à mal la notion de responsabilité dont il est question dans la loi.
Permettez-moi de vous décrire le contexte. Si vous avez devant vous la Loi sur les conflits d'intérêts, reportez-vous aux articles 11 et 23 ainsi qu'au paragraphe 25(5). L'article 11 est probablement le plus important, puisqu'il porte sur le genre de cadeaux susceptibles d'être reçus par des titulaires de charge publique et des titulaires de charge publique principaux. La loi donne une définition claire et exacte des titulaires de charge publique. Ce sont les ministres du Cabinet et les personnes qui travaillent avec eux, notamment leurs conseillers. La liste des personnes appartenant à cette catégorie est longue — conseillers ministériels, personnes nommées par le gouverneur en conseil. La loi vise les personnes de ce niveau. Elle contient une autre définition claire, soit celle de « titulaire de charge publique principal »; il s'agit d'un groupe plus restreint que celui des titulaires de charge publique généraux. Dans notre examen des différents articles, nous avons affaire tantôt à un titulaire de charge publique, tantôt à un titulaire de charge publique principal, et nous devons nous demander quels genres de cadeaux ils peuvent ou ne peuvent recevoir. Dans l'article des définitions de la Loi sur les conflits d'intérêts, le terme « cadeau » n'est pas défini. J'aurais pu essayer de définir les mots « cadeau » et « ami ». Désolé, le mot « cadeau » est défini, c'est le mot « ami » qui ne l'est pas. Je m'excuse. C'est la notion d'ami qui devient importante. Qu'est-ce qu'un ami? Si nous prenons Facebook, par exemple, qui sont les amis sur Facebook? Si les tribunaux voulaient donner une interprétation publique et générale du mot « ami » en se basant sur Facebook, ils trouveraient des milliers, voire des millions, de personnes sur ce réseau social et d'autres médias sociaux. Les gens ont des milliers d'amis. Si on se basait sur cette définition, on parlerait alors de plusieurs millions de personnes. Ce n'est certes pas le sens que lui prêtait cette loi.
Avant d'étudier plus en détail le libellé que nous avons sous les yeux, j'aimerais vous donner une idée générale de ce qu'on y trouve. L'article 11 de la loi se lit ainsi :
Il est interdit à tout titulaire de charge publique et à tout membre de sa famille d'accepter un cadeau ou autre avantage, y compris celui provenant d'une fiducie, qui pourrait raisonnablement donner à penser qu'il a été donné pour influencer le titulaire.
C'est le premier critère. Un titulaire de charge publique peut donc accepter et recevoir un cadeau, de même qu'un membre de sa famille, si ce cadeau ne donne raisonnablement pas à penser qu'il a été offert dans le but d'influencer le titulaire de charge publique. Critère numéro un.
Il y a ensuite d'autres exceptions à l'interdiction de recevoir un cadeau. L'une d'elles, à mon avis, pose problème. Le paragraphe 11(2) précise que le titulaire de charge publique « peut toutefois » accepter un cadeau, malgré le critère déjà appliqué pour déterminer si cela pouvait l'influencer ou non dans l'exercice de ses fonctions. Vous dites : « Oui, cela pourrait l'influencer. Il ne devrait pas accepter ce cadeau. » Le paragraphe (2) prévoit des exceptions à cette interdiction. Le titulaire peut toutefois recevoir le cadeau si ce dernier est offert au titre de la Loi électorale du Canada; il s'agit donc d'un régime législatif distinct qui rend obligatoire la déclaration de cadeaux d'une valeur supérieure à 500 $. Nous n'avons pas à nous occuper de ça. L'alinéa b) précise « qui provient d'un parent ou d'un ami... »
Ce que dit l'article 11, dans son libellé actuel, c'est qu'un titulaire de charge publique peut accepter un cadeau provenant d'un ami, même si ce cadeau peut vraisemblablement paraître avoir pour but de l'influencer dans l'exercice de ses fonctions. Or, le mot « ami » n'est pas défini. C'est là le point essentiel de l'amendement que je propose. Les deux autres articles traitent de la déclaration au commissaire et de la publication du nom de la personne qui a offert le cadeau, si cadeau il y a eu.
Pour revenir à l'historique de cet article particulier, il a été promulgué en 2006, comme je l'ai déjà dit. Avant cela, chaque premier ministre établissait un code sur les conflits d'intérêts à l'intention des titulaires de charge publique principaux, des titulaires de charge publique, des ministres du Cabinet et de leurs conseillers, mais ce code n'est jamais devenu statutaire. C'était un code que le premier ministre imposait aux personnes qu'il nommait à une fonction.
En 1985, le code accolait un qualificatif au mot « ami ». S'agissant de cette exception, le qualificatif était « ami personnel », ce qui confère un sens un peu plus restreint au mot « ami ». Cette expression n'est toutefois pas définie. On l'a utilisée un certain temps, puis on a jugé que son sens était un peu trop vague. Par la suite, on lui a préféré l'expression « ami personnel intime ».
En 2006, on a abandonné les qualificatifs « personnel » et « personnel intime » et on s'est retrouvé à nouveau avec le mot « ami » tout court. Nous avons signalé ce problème lorsque je faisais partie du comité; en fait, j'étais porte-parole de ce dossier lorsque le projet de loi a été adopté. En 2006, pendant l'étude du projet de loi dans les deux chambres, nous avons attiré l'attention du gouvernement sur ce problème. À l'époque, des témoins avaient également pointé du doigt ces dispositions. M. Howard Wilson, qui était conseiller en éthique auprès du premier ministre Chrétien, croyait qu'il fallait restreindre le sens du mot « ami », tout comme M. Bernard Shapiro, qui était commissaire à l'éthique lors de l'adoption de la Loi fédérale sur la responsabilité, en 2006. Tous deux sont venus témoigner devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Je fais remarquer que certains de mes collègues ici présents étaient membres de ce comité au moment de l'adoption du projet de loi. Les deux témoins ont recommandé que ces dispositions soient resserrées lorsque le terme « ami » y était mentionné. Ils n'arrivaient pas à comprendre pourquoi l'ancien code avait été modifié. Honorables sénateurs, j'essaie de faire restreindre la définition du mot « ami ».
J'aurais pu m'y prendre autrement, mais j'ai pensé que la manière la plus facile d'aborder ce projet de loi consistait à laisser tomber seulement le terme « ami », plutôt que les mots « ami personnel intime » ou « ami personnel ». J'espère que le gouvernement fera sienne cette idée — il y a encore des chances qu'il le fasse puisque le projet de loi est encore au Sénat — et qu'il l'insérera dans le régime législatif qui lui semble pertinent.
De toute évidence, le projet de loi que je propose met en lumière une situation inacceptable qui consiste à autoriser une exception à l'endroit d'un titulaire de hautes fonctions. Il est important de comprendre que nous parlons de titulaires de hautes fonctions. On s'attend à ce que ces personnes soient assujetties à des normes plus rigoureuses que celles imposées au simple citoyen. Un titulaire de hautes fonctions peut recevoir un cadeau d'un ami. Ce cadeau pourrait raisonnablement être considéré comme étant offert dans le but de l'influencer, même si ce n'est assurément pas l'intention. Ce n'est pas une question de responsabilité, au sens où nous pourrions l'entendre.
Il y a deux autres dispositions : en vertu de l'article 23, si vous recevez un cadeau d'une valeur de 200 $, vous devez le déclarer au commissaire, sauf s'il provient d'un ami; et le paragraphe 25(5) — le dernier amendement des trois — précise que si le cadeau a une valeur supérieure à 200 $, vous devez alors faire une déclaration publique afin de faire savoir au public que vous avez reçu ce cadeau. Toutefois, s'il provient d'un ami, vous êtes dispensé de le faire. Je pense que ces deux exceptions découlent de l'article 11, en retirant le mot « ami » parce qu'il n'est pas défini.
Honorables sénateurs, ce sont là mes propositions. Je serais heureux de vous apporter toutes les précisions que vous souhaitez.
Le président : Merci beaucoup pour vos commentaires, sénateur Day. Nous vous en sommes vraiment reconnaissants. Sénateur Doyle.
Le sénateur Doyle : Sénateur Day, pourquoi avons-nous besoin de ce projet de loi? Ne serait-il pas moins compliqué d'exiger tout simplement que tous les cadeaux soient remis au gouvernement?
Le sénateur Day : Cela serait moins compliqué, il va sans dire.
Le président : Pas pour le gouvernement.
Le sénateur Day : Cette décision appartient au gouvernement. Je ne prétends pas avoir l'unique solution au problème. Mon but est d'attirer l'attention sur un problème et de proposer une façon de le résoudre. Il y a peut-être d'autres solutions. Comme je l'ai mentionné dans ma présentation, une autre approche consisterait à restreindre la définition du mot « ami ».
Le sénateur Doyle : Comment traitez-vous le cas d'un titulaire de charge publique qui reçoit une montre en cadeau? A-t-il la responsabilité de la remettre au donneur et de la faire évaluer? Cette montre pourrait valoir 1 500 $, mais le donneur pourrait affirmer qu'elle n'en vaut que 200. Comment traitez-vous ce genre de situation?
Le sénateur Day : La montre est un exemple difficile. Une montre évaluée à 1 000 $ ou plus au Canada n'aurait pas nécessairement la même valeur dans certains pays d'Asie, par exemple. Une autre exception, c'est que, nonobstant le paragraphe 11(1), le titulaire de charge publique qui reçoit un cadeau pouvant raisonnablement paraître avoir été offert dans l'intention de l'influencer dans ses décisions peut, malgré cela, accepter ce cadeau si ce dernier est considéré « une marque normale ou habituelle de courtoisie ou de protocole... »
C'est correct de l'accepter lorsque le cadeau est une marque normale de courtoisie ou de protocole. Certaines lois provinciales placent sur un même plan les cadeaux offerts par des parents ou amis en guise de marque normale de courtoisie ou de protocole. C'est bien parce que cela circonscrit le genre de cadeaux que vous pouvez recevoir d'un ami : cadeaux de mariage, d'anniversaire ou autres cadeaux du genre. Ce sont des marques normales de courtoisie ou de protocole. Les rédacteurs de cette loi ont établi deux catégories distinctes et c'est justement ce qui pose problème.
Le sénateur Joyal : Je tiens à attirer l'attention des honorables sénateurs et des membres du comité sur le fait que le Code régissant l'éthique et les conflits d'intérêts des sénateurs, qui régit la conduite des sénateurs en matière de cadeaux, ne comprend pas le mot « ami ». Je vais lire l'article 17 du code, qui y correspond.
Le sénateur Day : Je l'ai ici devant moi, oui.
Le sénateur Joyal : Le paragraphe 17(1) se lit ainsi : « Le sénateur et les membres de sa famille ne peuvent [...] accepter... » On n'y a pas inclus le concept d'ami.
Le sénateur Day : Oui.
Le sénateur Joyal : On n'y a pas inclus le concept ou l'existence d'un « ami » du sénateur — « ... accepter de cadeaux ou d'autres avantages... » La personne comprendra ce que représente un « cadeau ». Un « avantage » est une notion bien plus vague.
Le sénateur Day : Oui.
Le sénateur Joyal : Cela peut représenter n'importe quoi. Un « avantage » pourrait être, par exemple, une invitation à un match de hockey. Vous vous trouvez dans la section des billets jaunes ou orange, dépendamment où se trouve votre siège dans l'aréna. Cela peut représenter une grosse somme d'argent — par exemple si vous vous trouvez dans une loge privée ou autre. Le paragraphe 17(2) prévoit qu'un sénateur et un membre de sa famille peuvent cependant accepter des cadeaux ou d'autres avantages qui sont des marques normales de courtoisie ou de protocole ou des marques d'accueil habituellement reçues dans le cadre de la charge du sénateur.
Donc aucun de ces deux paragraphes, ou sous-sections de l'article 17, ne mentionne un « ami ». Autrement dit, le Code régissant l'éthique et les conflits d'intérêts des sénateurs ne fait aucune exception pour un « ami ». Si nous voulons modifier la Loi sur les conflits d'intérêts, il faudra veiller à ce que le Code régissant les conflits d'intérêts s'harmonise bien avec la Loi sur les conflits d'intérêts. Il me semble que les niveaux de responsabilité et d'obligation devraient demeurer égaux; autrement dit, qu'ils devraient être comparables.
C'est pourquoi quand je lis votre projet de loi et que je repense à l'explication que vous avez donnée et aux débats qui ont suivi, je voudrais être sûr que le code correspond bien aux changements que vous proposiez d'apporter à la Loi sur les conflits d'intérêts. Pourriez-vous répondre à cela?
Le sénateur Day : Oui, je suis d'accord. Je crois que plus la terminologie sera la même ou très similaire, plus on aura de chances d'interpréter cela correctement, si et quand la situation se présente.
Je tiens à vous faire remarquer que l'exception du code qui nous régit tous, les sénateurs, contient la même expression que celle que l'on trouve dans une des exceptions du Code régissant les conflits d'intérêts; autrement dit, nous pouvons accepter un cadeau ou d'autres avantages dans les marques normales de courtoisie ou de protocole que nous recevons dans le cadre de notre charge. Cette même expression figure dans le Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d'intérêts et l'après-mandat. C'est bien, parce que nous avons ici ce que vous suggérez, c'est-à-dire que l'on utilise une terminologie similaire.
Le sénateur Joyal : Le paragraphe 11(1) de la Loi sur les conflits d'intérêts, que vous amendez, mentionne un cadeau qui pourrait raisonnablement donner à penser qu'il a été donné pour influencer le titulaire dans l'exercice de ses fonctions officielles. Je tiens à souligner ici l'expression « qui pourrait raisonnablement donner à penser ». C'est l'apparence qui compte.
Le sénateur Day : Oui.
Le sénateur Joyal : Ce n'est pas l'existence ou non d'une influence réelle, c'est son apparence. Cette notion est très importante selon moi, parce qu'elle ne vise pas le fait que vous ayez subi ou non une influence. Vous êtes la seule personne qui puisse témoigner d'avoir subi ou non une influence. La détermination de l'apparence dépend du point de vue de la personne qui observe ce qui se passe.
Le sénateur Day : Oui.
Le sénateur Joyal : D'un côté c'est vous et de l'autre côté, c'est l'autre personne. Nous avons là deux tests complètement différents.
En lisant l'article 17 du Code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs, j'ai dû retourner lire les principes du code qui se trouvent à l'article 2 et qui prévoient que les sénateurs prennent toutes les mesures nécessaires pour éviter les conflits d'intérêts réels ou apparents. Selon le paragraphe 1b) :
Le présent code a pour objet de mieux éclairer et guider les sénateurs lorsqu'ils traitent de questions susceptibles d'engendrer des conflits d'intérêts réels ou apparents qui sont prévisibles.
Donc c'est au sénateur de prévoir les apparences, alors qu'en fait la personne qui offre le cadeau assume l'autre responsabilité. C'est pourquoi je voulais être sûr que les sénateurs n'avaient pas à assumer une responsabilité moindre que celle que prévoit la Loi sur les conflits d'intérêts, mais en fait la portée prévue est similaire dans les deux documents.
Le sénateur Day : Je suis tout à fait d'accord. La Loi sur les conflits d'intérêts des titulaires de charge publique ne mentionne pas d'objectif, mais permettez-moi de souligner que cette loi et le code du premier ministre régissant les conflits d'intérêts qui existe depuis de nombreuses générations visent à accroître la confiance du public envers l'intégrité de ces titulaires de charge publique, exactement comme dans le cas des sénateurs.
La sénatrice Batters : Merci beaucoup, sénateur Day. Je vous fais remarquer que la Loi fédérale sur la responsabilité a été déposée au tout début du mandat de notre gouvernement conservateur en 2006.
Le sénateur Day : Oui.
La sénatrice Batters : Ce projet de loi a provoqué des changements très importants. En fait, il a accéléré l'évolution de toute cette question.
Vous nous avez dit que vous aviez critiqué ce projet de loi, et je me demande simplement pourquoi il vous a fallu... vous avez peut-être déjà déposé une version identique de ce projet de loi, je ne sais pas. Je me demande simplement pourquoi il vous a fallu plus de sept ans pour déposer ce projet de loi-ci.
Le sénateur Day : C'est la troisième fois que je dépose ce projet de loi. Il a été mis de côté à deux reprises à la suite d'une prorogation.
La sénatrice Batters : Merci. Je tiens à affirmer officiellement que je ne suis pas d'accord avec la suggestion du sénateur Doyle selon laquelle nous devrions rendre tous les cadeaux. Qu'arriverait-il si je devenais titulaire d'une charge publique et que je me mariais? Je devrais retourner tous mes cadeaux de mariage.
Mais soyons sérieux... Je me demande si vous accepteriez qu'on laisse le mot « ami » dans la loi si l'on définit le mot « ami ». C'est l'une des recommandations découlant de l'examen parlementaire quinquennal qui a été effectué, et notre gouvernement l'a acceptée en répondant au rapport. Le gouvernement a adopté les 16 recommandations. Je me demande ce que vous pensez de cela.
Le sénateur Day : Je n'ai pas vu l'amendement proposé, mais c'est une autre façon d'aborder le problème. Si vous définissez le mot « ami » en le limitant de manière à ce qu'il ne comprenne pas tous nos amis de Facebook, alors je pense que ce serait une bonne chose à faire. Ce problème existe depuis 2006, et il est absolument crucial que nous y apportions une solution. Ma proposition n'en est qu'une parmi tant d'autres; je tenais surtout à souligner l'existence du problème.
La sénatrice Batters : Vous avez aussi mentionné la position des deux anciens commissaires à l'éthique sur ce projet de loi, mais vous n'avez pas fait remarquer que l'actuelle commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique, Mary Dawson, n'a pas recommandé qu'on apporte des changements à l'exception sur les amis et qu'en fait, elle a dit très exactement qu'il n'est pas nécessaire de définir le mot « ami » dans la loi. Elle a dit récemment devant un comité qu'elle avait déjà interprété cela, en s'expliquant en détail et en donnant une définition de ce que cela signifie. Alors comment répondez-vous à cette déclaration?
Le sénateur Day : J'aurais aimé que la commissaire se présente devant nous pour nous informer de cela au lieu de l'entendre dire de vous, une tierce personne.
La sénatrice Batters : D'accord, mais elle a réellement fait cette déclaration devant un comité.
Le sénateur Day : Eh bien je ne sais pas quelle tournure avait la question qu'on lui avait posée. Je ne sais pas comment elle l'a interprétée. Mais si elle contredit les deux commissaires à l'éthique et à l'intégrité précédents et de nombreuses autres personnes partout au pays, je serais très intéressé de l'entendre expliquer ses raisons à notre comité.
La sénatrice Batters : Alors vous n'avez pas lu la transcription précédente?
Le sénateur Day : Non, je ne l'ai pas lue.
Le sénateur McIntyre : Merci, sénateur Day, de nous avoir présenté cet exposé. Comme vous le savez, la Loi sur les conflits d'intérêts établit une distinction très claire entre un titulaire de charge publique et un titulaire de charge publique principal. Comme vous l'avez souligné tout à l'heure, les fonctionnaires et les titulaires de charge publique se trouvent dans une catégorie, et les titulaires de charge publique principaux se trouvent dans une autre catégorie. Votre projet de loi amende la Loi sur les conflits d'intérêts dans les deux cas, c'est-à-dire pour les titulaires de charge publique et pour les titulaires de charge publique principaux.
Je remarque que dans le cas des titulaires de charge publique, votre projet de loi amende l'alinéa 11(2)b) en retirant le mot « ami ».
Le sénateur Day : Oui.
Le sénateur McIntyre : Dans le cas des titulaires de charge publique principaux, il va un peu plus loin. Il amende le paragraphe 25(5) de la loi, et bien sûr l'article 23. Selon l'article 23, le titulaire de charge publique doit en faire état au commissaire, et selon le paragraphe 25(5), il doit faire une déclaration publique.
Si j'ai bien compris en le lisant, ce projet de loi limite et ce projet de loi élargit. Par exemple, voici ce qu'indique le résumé du projet de loi :
[...] limiter les circonstances dans lesquelles le titulaire d'une charge publique et sa famille peuvent accepter des cadeaux, et à élargir celles dans lesquelles le titulaire de charge publique principal doit faire une déclaration publique des cadeaux que lui-même ou sa famille ont reçus.
Voici donc ma question : à votre avis, est-ce que ce projet de loi est aussi équitable pour les titulaires de charge publique que pour les titulaires de charge publique principaux?
Le sénateur Day : Oui. Oui, absolument. Permettez-moi de souligner que la définition de « titulaire de charge publique » comprend — et vous savez que du point de vue légal, elle pourrait s'appliquer tout aussi bien à d'autres personnes — des ministres, des ministres d'État et des secrétaires parlementaires. La première catégorie, celle des titulaires de charge publique principaux, comprend les ministres, les ministres d'État et les secrétaires parlementaires.
Ce groupe est très similaire. Il englobe toutes les personnes que vous vous attendriez d'y trouver. La définition du titulaire de charge publique principal est un peu plus limitée, mais elle l'est dans le sens du gouverneur en conseil ou des personnes nommées par un ministre par rapport à des personnes nommées par un ministre avec l'approbation du gouverneur en conseil. Il s'agit d'un groupe de gens très similaires.
Est-ce qu'à mon avis, l'approche que j'ai adoptée est équitable pour les deux groupes? Oui, j'en suis sûr. Selon moi, les personnes qui ont tendance à accepter ou à recevoir des cadeaux ou d'autres avantages alors qu'elles ont été nommées à une position si élevée doivent répondre à des normes d'action publique plus élevées.
Le sénateur McIntyre : C'est bien, parce que si je ne m'abuse, nous avons environ 3 000 titulaires de charge publique et plus de 1 000 titulaires de charge publique principaux.
Le sénateur Day : Je ne connais pas ces chiffres, alors je vous crois; mais j'ai bien l'impression qu'il y en a même plus.
Le sénateur McIntyre : Votre projet de loi traite les deux groupes de façon équitable.
Le sénateur Day : Oui.
[Français]
Le sénateur Nolin : Sénateur Day, je voudrais revenir sur la question qu'a soulevée le sénateur Joyal et à laquelle le sénateur McIntyre vient de faire allusion. Dans votre recherche, en arrivez-vous à la conclusion que les sénateurs ne sont pas inclus dans la définition de « titulaire de charge publique »?
[Traduction]
Le sénateur Day : Excusez-moi, je n'ai pas reçu toute la traduction.
Le sénateur Nolin : Cette question a été soulevée par le sénateur Joyal, et elle est cruciale pour nous tous. Nous avons un code régissant les conflits d'intérêts et évidemment, nous voulons que ce code ne nous régisse ni plus, ni moins, que les titulaires de charge publique. Ma question est simple : la définition de « titulaire de charge publique » s'applique-t-elle à nous aussi? C'est ma première question.
[Français]
Le sénateur Day : En français, c'est « charge publique ». Je m'excuse, je n'avais pas saisi la traduction.
Le sénateur Nolin : « Titulaire de charge publique ».
[Traduction]
Le sénateur Day : Le premier ministre compte y inclure les membres du personnel des ministres, les conseillers ministériels, les personnes que nomme le gouverneur en conseil — et nous n'en faisons pas partie —, les personnes nommées par un ministre à plein temps, et nous ne sommes pas nommés par des ministres qui ont une charge publique. C'est très clair. Les titulaires de charge publique et les titulaires de charge publique principaux détiennent tous une charge publique, mais pas d'une manière plus limitée.
[Français]
Le sénateur Nolin : Une modification a été apportée à la Loi sur le lobbying, et elle a pour effet d'inclure les sénateurs et leur personnel dans la définition de « titulaire de charge publique ». C'est la raison pour laquelle je vous posais la question, car il semble y avoir une contradiction et je veux que cela soit très clair.
Le sénateur Day : Le lobbying oui, mais la déontologie non.
Le sénateur Nolin : Exactement, surtout que le projet de loi et la loi visent à analyser les perceptions de la communauté canadienne, comme le disait le sénateur Joyal, d'autant plus que nous devons être très clairs envers les Canadiens lorsque nous adoptons des modifications à ces lois.
Le sénateur Day : Bien sûr.
Le sénateur Nolin : Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aurais une question au sujet du côté plus pratique des choses.
[Traduction]
Pendant les fêtes de Noël, tous ces titulaires de charge publique ont des amis. Cela voudrait dire qu'un ami ne peut pas inviter un ministre au repas de midi, même à Noël?
Le sénateur Day : Est-ce que ce serait considéré comme une expression normale de courtoisie? Je suggère que oui. C'est une expression normale de courtoisie pendant les fêtes de Noël et cela constitue une exception à la règle, même si une tierce personne percevait cela comme une tentative d'influencer le titulaire de charge publique. S'il s'agit d'un cadeau reçu dans le cadre d'une relation normale de courtoisie, alors c'est acceptable, et vous n'enfreignez aucune règle.
Le sénateur Nolin : Autrement dit, à titre de titulaire de charge publique, je pourrais me servir de cette analyse pour dire à tous mes amis, quand ils me font un cadeau, qu'il s'agit d'une expression normale de courtoisie.
Le sénateur Day : Oui, mais n'oublions pas les articles 23 et 25, qui exigent que vous en fassiez état au commissaire.
Le sénateur Nolin : Par exemple une invitation à un repas de...
Le sénateur Day : Deux cents dollars.
Le sénateur Nolin : Disons de moins de 200 $.
Le sénateur Day : Au-dessous de 200 $, vous n'avez pas besoin de le signaler. S'il s'agit d'une expression normale de courtoisie, tout va bien selon la loi en vigueur.
Le sénateur Nolin : C'est bien, mais je suis surpris d'entendre cela. Je tiens à souligner cela très clairement pour les Canadiens qui nous observent. Il y a déjà une contradiction entre la Loi sur le lobbying et la Loi sur les conflits d'intérêts. Si nous devons passer au sujet des relations de courtoisie pour les définir, alors allons-y.
Le sénateur Joyal : Il y a deux éléments sur lesquels je voudrais attirer l'attention de l'honorable sénateur. Ces deux éléments l'intéresseront lui ainsi que tous les sénateurs qui sont autour de cette table, et ils intéresseront aussi certainement les membres du public. À la première question, qui est de savoir si les sénateurs et les députés au Parlement sont régis par la Loi sur les conflits d'intérêts, la réponse est tout simplement non. Elle ne nous régit pas, et elle ne régit pas le côté de la Chambre des communes. Les deux chambres du Parlement sont régies par des lois différentes, puisque les membres de chacune d'entre elles sont régis par un code sur les conflits d'intérêts.
La Loi sur les conflits d'intérêts va plus loin en affirmant que son contenu ne s'applique ni aux hauts fonctionnaires, ni au personnel du Sénat et de la Chambre des communes, ni à ceux de la Bibliothèque du Parlement. Chacun de ces groupes suit un ensemble de règles bien particulier. L'ancien président de la régie interne, sénateur Tkachuk, pourra confirmer que ces règles relèvent du Comité de la régie interne et qu'elles visent les hauts fonctionnaires et le personnel du Sénat. Les hauts fonctionnaires du Sénat comprennent le greffier du Sénat, par exemple. M. Robert est un haut fonctionnaire du Sénat. La loi ne s'applique pas au personnel de la Bibliothèque du Parlement, qui est assujetti à des règlements différents.
Pour répondre à votre deuxième question, il y a deux types d'obligation. D'abord, il est interdit d'accepter un cadeau dans la vie quotidienne, quel qu'il soit, sauf s'il s'agit d'un geste de courtoisie. Deuxièmement, vous avez la responsabilité de le déclarer dans un délai de 30 jours. La Loi sur le Parlement du Canada prévoit un seuil de 200 $, alors que le Code régissant les conflits d'intérêts prévoit un seuil de 500 $. Ces sommes sont différentes, mais vous êtes obligés de signaler le cadeau.
Quelle que soit la valeur du cadeau, qu'elle soit supérieure à 200 $ selon la Loi sur les conflits d'intérêts ou à 500 $ selon le Code régissant les conflits d'intérêts, vous êtes dans l'obligation d'en faire état. Cela fait partie de la déclaration que le conseiller sénatorial en éthique ou le commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique de la Chambre des communes met à jour pour vous chaque mois. Il faut établir une distinction entre les deux : d'abord il y a une interdiction, qui est levée dans des cas bien précis. Même si l'exception s'applique à votre cadeau, vous êtes dans l'obligation de le déclarer. C'est une sorte d'approche en deux paliers.
Il est bon de comprendre le système, car les détails sont cruciaux. Comme vous le disiez, l'objectif premier est de maintenir l'intégrité et la confiance envers l'appareil gouvernemental. L'atteinte de cet objectif dans le cas des cadeaux est en réalité assez complexe quand on regarde toutes les dispositions prévues dans la Loi sur les conflits d'intérêts et dans le Code régissant les conflits d'intérêts. Comme je le disais, il faut harmoniser ces deux règles, parce que le système doit être logique et rationnel et qu'il faut l'appliquer aussi efficacement pour une section des titulaires de charge publique que pour les parlementaires. Il faut considérer ces règles d'un point de vue global, en comprendre les différences et les nuances, pour que rien de cela ne passe sous le radar puisque la plupart du temps c'est une question de perception.
Le sénateur Moore : Je vous remercie, sénateur Day, d'avoir pris cette initiative et d'être venu en discuter avec nous.
J'ai trois questions. Lorsqu'on doit signaler le cadeau au commissaire à l'éthique, qui décide de qui est un ami? La personne qui reçoit le cadeau?
Le sénateur Day : Oui. Je dirais que d'après le libellé actuel, le récipiendaire penserait : « Cet homme est un ami, donc je n'ai pas besoin de déclarer son cadeau. »
Le sénateur Moore : En décidant de signaler ou non le cadeau, qui décide si ce cadeau vise à influencer le récipiendaire? Est-ce la personne qui reçoit le cadeau?
Le sénateur Day : Non, je pense qu'il s'agit de la perception raisonnable d'une tierce personne. Normalement, on n'aborde cette question que si quelqu'un remet la situation en question. « Pourquoi cette personne reçoit-elle tous ces cadeaux? » Alors on commence à appliquer les tests, et c'est le commissaire qui les appliquerait. Dans le cas d'une cause devant un tribunal, il s'agirait d'une interprétation.
Le sénateur Moore : Avant cela, qui dirait : « Moore a reçu un cadeau visant à l'influencer »? Je ne le dirais pas. Qui le dirait? Qui signale la chose au conseiller en éthique?
Le sénateur Day : N'importe qui pourrait la signaler au conseiller en éthique.
Le sénateur Moore : Comment cette personne le sait-elle?
Le sénateur Day : En observant les choses. Elle voit quelque chose qui se passe là et qui n'a pas l'air très orthodoxe.
Le sénateur Moore : Donc, à titre de récipiendaire, rien ne m'oblige à signaler la chose au commissaire à l'éthique pour lui demander son opinion. Je ne suis pas obligé de prendre l'initiative de le faire, si j'ai bien compris?
Le sénateur Day : Les articles 23 et 25 vous y obligent si la valeur du cadeau dépasse 200 $. Votre test personnel est le suivant : « Bon, j'ai reçu un cadeau d'un ami, donc je ne suis pas obligé de le signaler. Il vaut plus de 200 $, et puis quoi? Il me vient d'un ami. » Qu'est-ce qu'un ami? La loi ne le définit pas.
Le sénateur Moore : On dirait un peu que vous me demandez de corriger mon propre examen.
Le sénateur Day : Certaines personnes le font vraiment bien.
Le sénateur Moore : La troisième chose que je voulais souligner est que tout cela dépend de la valeur du cadeau qui dépasse 200 $. Avez-vous considéré que l'on devrait peut-être baisser ce seuil à, disons, 30 $? Au Royaume-Uni, ils doivent déclarer les cadeaux de 30 livres ou plus. Avez-vous considéré que ce serait une autre occasion de réduire la perception et d'aider à appliquer la loi?
Le sénateur Day : En fait, sénateur Moore, je vous avouerai que j'ai pensé à augmenter ce seuil. On l'a fixé à 200 $ en 2006. Dans la Loi électorale du Canada, c'est 500 $. Dans le code régissant les sénateurs, c'est 500 $. En regardant ce 200 $, je me suis dit que quelqu'un voudra peut-être changer ce chiffre, mais je me suis dit que ce n'est pas à moi de proposer ce changement.
Le sénateur Moore : Merci.
La sénatrice Martin : J'écoute les questions de mes collègues, mais je vois aussi que le commissaire est prêt à nous répondre par vidéoconférence. Je me disais que la question du sénateur Moore serait excellente pour notre commissaire, qui pourrait peut-être nous expliquer qui lui signale les cadeaux et ce qu'il pense de certaines de ces questions.
Le président : Nous allons permettre aux deux commissaires de témoigner. Il nous a entendus, donc il sait dans quelle direction vont nos débats.
La sénatrice Martin : Excusez-moi. Je suis arrivée en retard parce que je participais à une autre réunion. Je regardais simplement le commissaire et je me disais que j'aimerais vraiment savoir ce qu'il en pense. Je vais garder ma question pour plus tard.
La sénatrice Cools : J'ai écouté tout cela avec intérêt. Je soupçonne cependant que nous nous compliquons la vie. Certains d'entre nous autour de cette table siégeaient déjà à ce comité quand la loi a été adoptée pour la première fois. Certains d'entre nous se souviennent clairement que les sénateurs ont lutté avec trois premiers ministres pour obtenir leur propre code sur les conflits d'intérêts distinct de celui de la Chambre des communes. Il y a quelques années, on a essayé un peu ridiculement de nommer un seul commissaire pour les deux chambres, et cette tentative a échoué trois fois parce que dès le départ, il était évident que les sénateurs n'accepteraient jamais cela. Nous parlons ici de conflits d'intérêts, et je me demande si nous gardons à l'esprit les intérêts qui sont censés entrer en conflit.
Le sénateur Day : Je l'espère bien.
La sénatrice Cools : Vous n'avez pas besoin d'être si poétique avec moi. Je parle sérieusement. Si quelqu'un donne une bouteille de vin dont une autre personne pourrait évaluer la valeur à — exagérons vraiment, disons — 550 $...
Le sénateur Day : C'est une bonne bouteille de vin.
La sénatrice Cools : Est-ce que, de par sa nature, ce cadeau place celui qui le reçoit en conflit d'intérêts? À quel point y a-t-il conflit dans cette situation particulière? Je ne prends pas position. Je ne défends aucune position, mais en fin de compte nous sommes censés examiner des situations qui mettent une personne en conflit à cause de sa charge publique — par exemple, d'avoir accepté un don de 50 000 $ pour voter d'une certaine façon sur un projet de loi lorsque les votes de la Chambre semblent très près des deux côtés. Je me demande s'il est vraiment si important de savoir si la personne est un fabricant de vin très expérimenté ou un producteur ou autre, et s'il n'y a pas de projet de loi déposé devant vous ou devant la Chambre qui apporterait des avantages à cette personne ou toutes autres circonstances dans lesquelles cette personne pourrait recevoir un avantage de votre part. Est-ce qu'il vaut vraiment la peine de faire cet énorme effort que nous faisons maintenant, en créant toujours plus d'agents et toujours plus de rapports et d'investir un temps et un argent infinis pour traiter d'une question que personne ne considérait raisonnablement comme étant mauvaise ou indésirable?
Le sénateur Day : Je me laisse toujours guider par la loi.
La sénatrice Cools : Moi aussi, mais nous sommes en train de créer une nouvelle loi. C'est ce que j'essaie de vous dire.
Le sénateur Day : Nous interprétons la loi adoptée en 2006. Avant 2006, ce n'était pas une loi, mais un code que le premier ministre imposait aux personnes qu'il nommait. Puis on a codifié la loi, et le libellé du paragraphe 11(1) est « qui pourrait raisonnablement donner à penser qu'il a été donné pour influencer le titulaire dans l'exercice de ses fonctions officielles ». C'est ce que nous examinons et évaluons.
La sénatrice Cools : Alors quelle différence y a-t-il entre « raisonnablement donner à penser » et « perçu comme »?
Le sénateur Day : La différence réside dans le critère du caractère raisonnable.
La sénatrice Cools : J'estime qu'il y a une énorme différence. Dans un cas, il s'agit d'une réalité, de faits, de mise en œuvre et, dans l'autre, c'est une question d'imagination, de possibilités.
Le sénateur Day : Sachez que la notion de « contrainte raisonnable » est bien connue en droit.
La sénatrice Cools : C'est vrai, mais elle ne s'applique pas dans ces circonstances.
Le président : Mesdames et messieurs les sénateurs, nous devons entendre deux autres témoins ce matin. Il paraît que le sénateur Day restera avec nous aujourd'hui, ce qui est excellent. Nous pourrions avoir d'autres questions à lui poser à moins que quelque chose d'autre ne surgisse.
Nos deux prochains témoins sont Paul Fraser, commissaire aux conflits d'intérêts de la Colombie-Britannique, par vidéoconférence; et Sidney Linden, commissaire aux conflits d'intérêts de l'Ontario. M. Linden a gentiment offert que le commissaire en ligne par vidéoconférence prenne la parole le premier. Si vous voulez bien, monsieur, commencer par dire quelques mots et je suis certain que nous aurons ensuite beaucoup de questions à vous poser.
Paul D. K. Fraser, c.r., commissaire aux conflits d'intérêts, Bureau du commissaire aux conflits d'intérêts de la Colombie-Britannique : Merci, je suis enchanté d'être ici au milieu de la nuit à Victoria, en Colombie-Britannique. Je vous remercie infiniment de l'invitation que vous m'avez lancée.
Je crois qu'il importe, pour reprendre la directive publiée par la commissaire Mary Dawson en juillet 2011, de répéter ce que le sénateur Day a déjà affirmé, je crois, à savoir que la raison pour laquelle les titulaires de charge publique et les membres de leur famille ne peuvent pas recevoir des cadeaux, c'est qu'il faut préserver la confiance de la population dans l'intégrité du processus décisionnel gouvernemental.
Je dois dire que, relativement à la loi que vous envisagez de modifier, dans tout le pays, d'un bout à l'autre, c'est la seule qui considère qu'un « ami » peut justifier une exception à la règle visant les cadeaux. Dans toutes les autres administrations du pays, on ne trouve aucune modalité du genre.
Les propos échangés jusqu'à présent ont soulevé une ou deux questions que je peux essayer d'élucider. D'abord, il y a une gradation — je répète ce qu'on a dit, mais je crois que c'est important de l'inscrire dans un contexte.
Depuis 1985 jusqu'à maintenant, on peut noter une évolution. En 1985, le Code régissant les conflits d'intérêts des députés prévoyait une exception pour les « présents offerts par des amis proches ». Ultérieurement, le code a été modifié pour parler plutôt des « amis personnels proches ». Finalement, en 2006, la loi en vigueur a permis d'accepter un cadeau offert par un parent ou un ami.
Intuitivement, l'évolution se ferait en sens contraire, je dirais. Franchement, on aurait pensé que cette progression commencerait par les cadeaux offerts par les amis pour ensuite aller dans l'autre direction et passer aux cadeaux offerts par les amis personnels et ensuite les cadeaux des amis personnels proches. Au lieu de cela, on se retrouve dans la situation où le terme « ami » a été ajouté en 2006.
J'ai entendu un des sénateurs mentionner — et j'ai pu constater la discussion qui s'ensuit depuis — que la commissaire Dawson avait fait savoir au comité de la Chambre des communes qu'à son avis, il n'était pas nécessaire que le mot « ami » soit défini puisqu'elle en avait déjà interprété le sens. Il me semble, sans vouloir vous offenser, qu'il faut prendre cela pour ce que ça vaut. Elle n'avait d'autre choix que d'essayer d'analyser la loi qu'on lui présentait. Elle n'était pas en mesure, contrairement à nous aujourd'hui, d'envisager simplement de laisser tomber le mot « ami ».
Ce qu'elle a fait, c'est de donner au mot « ami » le sens voulant que le terme désigne les personnes qui ont un lien étroit d'amitié — n'est-ce pas quelque chose qui semble familier —, un sentiment d'affection ou une affinité spéciale avec le titulaire de charge publique concerné, mais non les membres d'un vaste cercle social, les partenaires d'affaires ou les collègues, à moins qu'un tel lien n'ait été établi.
Donc, en proposant une analyse pratique, la commissaire Dawson, à mon avis, a simplement regardé l'évolution de la législation ou des codes qui se sont peu à peu transformés pour devenir finalement la loi qui se trouve devant nous.
Je dois dire que si vous deviez examiner ce projet de manière concrète et simple, sans vouloir vous offenser, vous vous poseriez la question suivante : comment un citoyen relativement bien renseigné réagirait-il en apprenant que les cadeaux offerts par des amis à des membres du Cabinet fédéral, entre autres, n'ont pas à être divulgués en vertu de la législation actuelle en matière de conflits d'intérêts? Le citoyen, je crois, demanderait que l'on définisse ce qu'on entend par « ami ». Il faudrait avouer que le terme n'est ni défini ni nuancé dans la législation et fait simplement l'objet d'une interprétation ponctuelle par le commissaire aux conflits d'intérêts. Cette réponse entraînerait probablement d'autres questions. En bout de ligne, face à l'alternative d'éliminer les amis de la liste des exceptions ou de faire confiance à l'interprétation donnée, peu importe qu'elle lui plaise ou non, le citoyen choisirait la première option.
Je ne veux ainsi nullement critiquer ce que la commissaire Dawson a voulu dire. C'est simplement que son cadre de travail l'amène à essayer d'analyser la législation telle qu'elle lui est présentée.
Je dois dire que l'on revient aux principes premiers lorsqu'on se rend compte de toute l'orientation de la législation en matière de conflit d'intérêts au Canada. Il faut se rappeler que la loi fédérale étudiée est la dernière adoptée en 2006. Les provinces, en commençant par l'Ontario en 1989, suivie par la Colombie-Britannique en 1990, et, par la suite, les autres provinces ont mis en œuvre des dispositifs en matière de conflit d'intérêts. Ces réglementations sont basées sur la simple proposition énoncée, je crois, par le juge Frankfurter, de la Cour suprême des États-Unis, il y a 75 ans, soit que la transparence est le meilleur remède. Le mieux que la population peut espérer et obtenir dans les cas de conflit d'intérêts, c'est que les titulaires de charge publique ou les députés soient transparents sur toute la ligne dans ces situations.
Donc, une fois qu'il y a eu divulgation, grâce à cette prise de conscience, la responsabilité, si vous voulez, au premier degré est assumée. Ce qui se passe ensuite, et les gens peuvent argumenter sur la hauteur du plafond ou du plancher de la valeur monétaire des cadeaux, mais ce qui arrive ensuite, c'est que, face à une divulgation, la population peut décider elle-même si l'acceptation du cadeau est appropriée ou non. Ce qui importe dans tout ce que la réglementation des conflits d'intérêts permet d'offrir, c'est qu'il y a obligation de divulgation. En Colombie-Britannique, il y a déclaration obligatoire tous les ans et je soupçonne que c'est la même chose partout au pays.
Si vous me posez la question — vous ne l'avez pas fait, mais si vous l'aviez fait —, je vous répondrai que la solution la plus simple à ce problème serait, en toute franchise, pour les raisons que j'ai déjà indiquées, de retirer le terme « ami » de la loi en vigueur, comme le propose le sénateur Day dans ce projet de loi. La meilleure chose à faire pour moi, probablement, dans l'état actuel des choses, c'est de répondre à vos questions.
Le président : Merci beaucoup, monsieur. Je vous sais gré de vos observations.
Je demande maintenant à M. Linden de prendre la parole avant que nous passions aux questions. Allez-y, monsieur Linden.
Sidney B. Linden, commissaire aux conflits d'intérêts, Bureau du commissaire aux conflits d'intérêts de l'Ontario : Merci beaucoup de m'avoir invité à prendre la parole. Je remplis une fonction précise et quelque peu circonscrite. Je vais faire de mon mieux pour vous la décrire. Je dois commencer en disant que j'ai beaucoup aimé la discussion.
Ce dont vous parlez aujourd'hui est bien sûr quelque chose qui m'occupe tous les jours, à essayer de prendre ce genre de décisions. De prime abord, c'est très simple, très facile, du gros bon sens. Tout le monde sait ce qu'est un ami. Tout le monde sait ce qui est bien et ce qui est mal. Pourtant, c'est compliqué. Plus vous creusez, plus ça se complique.
Je suis tombé sur un livre très intéressant dernièrement et je tiens à le recommander aux sénateurs. Son auteure enseigne le droit à l'Université Fordham; elle s'appelle Zephyr Teachout. C'est nouveau; ça vient tout juste de paraître. Je vous encourage à le lire, parce qu'elle retrace l'évolution de la problématique des cadeaux depuis 1785 alors que Benjamin Franklin était l'ambassadeur américain en France. À la fin de son mandat, pour souligner son départ, on lui a offert une tabatière. On peut voir l'objet sur la couverture du livre. Des diamants décorent le pourtour de l'objet. Sa valeur était astronomique. Cela a causé toutes sortes de problèmes à son retour aux États-Unis. Que devait-on en faire? Pouvait-il l'accepter? Le livre est très intéressant et montre à quel point les débats des gentilshommes qui ont signé la Déclaration de l'indépendance concernaient les cadeaux et le lien entre cadeaux et corruption. Le début des États-Unis a consisté à ne pas reproduire la pagaille qui régnait à l'époque au Royaume-Uni et en France. La démarche visait à trouver un régime moins corrompu que là-bas. C'est donc captivant.
Notre bureau est relativement nouveau. Comme l'a dit le commissaire Fraser, il y a des commissaires à l'intégrité partout au pays. Toutes les provinces en ont un, mais l'Ontario est la seule province qui a un commissaire aux conflits d'intérêts pour les fonctionnaires, rôle que j'exerce. On fait donc une distinction, en Ontario, entre le commissaire à l'intégrité, dont les fonctions ressemblent à celles du commissaire Fraser et à celles de Mary Dawson, en ce qui concerne les députés, d'une part — je ne sais trop où les sénateurs se situent là-dedans — et le commissaire aux conflits d'intérêts, qui s'occupe des fonctionnaires, d'autre part.
Ma responsabilité concerne donc la fonction publique. Notre commissaire à l'intégrité, Lynn Morrison, m'a autorisé à vous adresser quelques mots en son nom. Elle a d'autres engagements. Nos réglementations et nos systèmes se ressemblent beaucoup. Nous sommes constamment en communication l'un avec l'autre et nous essayons d'assurer la cohérence des principes de nos systèmes respectifs.
Le commissaire aux conflits d'intérêts a pour mandat de donner des conseils et de rendre des décisions, vraiment de décider des questions de conflit d'intérêts et d'activités politiques concernant les fonctionnaires ontariens. Nos responsabilités consistent également à fournir des conseils et à guider les organismes publics. En Ontario, bien sûr, il y a des centaines d'organismes publics — la Commission des valeurs mobilières, Infrastructure Ontario, Cybersanté. Tous les organismes publics sont régis par les règles en matière de conflits d'intérêts visant les fonctionnaires. Peu importe l'organisme public dans lequel vous travaillez, tout le monde est considéré comme un fonctionnaire aux fins de notre loi. Nous sommes une ressource pour la collecte et la communication de l'information sur la façon de gérer les conflits d'intérêts et les activités politiques.
Tout le monde en Ontario, que vous soyez dans un ministère ou dans un organisme public, a un responsable de l'éthique. C'est la façon dont la loi est structurée. Dans les ministères, le responsable de l'éthique est le sous-ministre. Dans les organismes publics, le responsable de l'éthique est généralement le président ou le président-directeur général, selon l'organisme en question. Le responsable de l'éthique est chargé de prendre des décisions dans l'organisation concernée. Le système est donc très décentralisé. Le commissaire aux conflits d'intérêts est en fait le responsable de l'éthique pour les présidents des organismes publics. Le secrétaire du Cabinet est le responsable de l'éthique pour les sous-ministres.
Le système a été mis en place en 2007, il y a donc sept ans. Je suis le premier commissaire à plein temps et ça fonctionne très bien, je dois dire. Nous avons un site web qui est facile à trouver : commissaire aux conflits d'intérêts, Ontario. Nous publions un rapport annuel, qu'on trouve facilement. Notre rapport annuel et notre site web contiennent quelques-unes des décisions que nous avons rendues. Nous ne divulguons aucun renseignement personnel, mais nous faisons part de l'essentiel des questions soulevées et des réponses que nous avons données. Nous vous invitons à les lire. Je ne veux pas vous ennuyer avec cela maintenant.
En ce qui concerne les cadeaux, pour traiter du sujet très précis abordé ici, en Ontario, on parle de « dons » et un don s'entend de tout avantage. Ça peut être un billet de hockey, une partie de golf, un lunch, un cadeau. La règle, quant à l'acceptation de dons, est énoncée à l'article 4. Je pourrais la lire, mais elle ressemble beaucoup au libellé que vous avez déjà lu plusieurs fois. On ne mentionne aucune exception pour les amis ou les parents. Tout dépend de l'influence et de l'objet du don en question. Quelqu'un, n'importe qui, peut vous faire un don très peu onéreux en vue de vous influencer, et cela serait inconvenant. Son prix n'aurait aucune pertinence. Notre loi affirme, à l'instar de la vôtre, que s'il a une valeur symbolique et qu'il est l'expression d'une courtoisie attendue dans les circonstances, ça va. On ne définit pas ce qu'on entend par « valeur symbolique », donc nous l'avons fixée à 50 $.
Dans un certain nombre de décisions que nous avons rendues, nous avons déclaré qu'il n'importait pas que ce soit un parent ou un ami. Je ne crois pas que vous deviez vous préoccuper de retourner des cadeaux de mariage, parce qu'ils n'ont pas été donnés pour influencer vos décisions. S'ils visaient à vous influencer, alors ils doivent faire l'objet d'un examen minutieux, mais je crois qu'il sera exceptionnel qu'un cadeau de mariage soit offert en vue de vous influencer. Si un don vous est offert en vue de vous influencer, alors, peu importe sa valeur, il devrait faire l'objet d'un examen très minutieux. Nous avons fixé une valeur de 50 $ et nous avons déclaré qu'il était peu probable qu'un don de moins de 50 $ soit donné pour vous influencer. Vous ne devez donc pas vous en faire. Si sa valeur dépasse 50 $, vous devriez au moins vous demander pourquoi on vous fait ce don et quel est l'objectif visé. Vous vous demandez à qui incombe le fardeau de la preuve? Les personnes qui acceptent un don ont cette responsabilité. Nous ne sommes pas des policiers. Nous ne sommes pas dans un régime policier.
Tout fonctionnaire a l'obligation de déclarer ce qui lui semble représenter une situation de conflit. S'il reçoit un don qui pourrait lui être offert dans le but de l'influencer, il doit en aviser son responsable de l'éthique et une décision sera prise. C'est ce en quoi consiste la fonction publique : être honorable et éthique, ne pas être tenu de faire quelque chose.
De toute façon, la position de l'Ontario à ce sujet, c'est qu'en règle générale, le fait de donner ou de recevoir des dons à titre de représentants de l'État, qu'on soit élu ou non, n'est pas une bonne idée, mais nous comprenons. L'Ontario accueille des délégations de pays où la remise d'un cadeau est chose courante; le fait de refuser un cadeau de valeur symbolique serait faire preuve d'impolitesse. Donc nous comprenons. Nous ne disons pas que nous ne pouvons accepter des cadeaux, quelles que soient les circonstances, en tout temps, mais notre système ne prévoit pas une exception pour les amis ou la famille. Les cadeaux de valeur symbolique peuvent être acceptés lorsqu'ils représentent un geste de courtoisie ou d'hospitalité. Un cadeau de moins de 50 $ peut être inapproprié, tout comme un cadeau de plus de 50 $ pourrait être approprié. Tout dépend des circonstances.
Vous devez établir le motif du don ou d'acceptation du don. Un fonctionnaire ne doit pas accepter un don, peu importe sa valeur, si le but recherché est de l'influencer, que le cadeau vienne d'une épouse, d'un ami, voire d'un collègue.
Comme je l'ai dit, depuis sept ans maintenant, nous n'avons subi aucun recul ni plainte au sujet de notre système ou des lectures que nous en faisons. Il est évident que je ne peux éplucher certaines décisions individuelles que nous avons prises, mais je vous encourage à les consulter sur notre site web. Je serai heureux de répondre à vos questions.
Le président : Je remercie les deux commissaires. Si vous me permettez, le commissaire Linden a apporté une courte biographie ainsi qu'un document donnant un aperçu des règles régissant les conflits d'intérêts. Les deux sont en anglais, donc je vous demande la permission de les distribuer sans les faire traduire. Est-ce que je peux les distribuer en anglais seulement?
M. Linden : Il y a là ma biographie et une liste de nos règles.
Le président : Peut-on les partager?
Le sénateur Joyal : S'ils viennent du gouvernement de l'Ontario, les deux documents devraient être dans les deux langues officielles.
Le président : Je veux bien que vous souleviez la question auprès du gouvernement de l'Ontario, mais pour la réunion d'aujourd'hui, peut-on les distribuer? Si quelqu'un souhaite que nous attendions...
Le sénateur Joyal : Non, par courtoisie à l'égard de notre témoin, qui nous a aidés dans nos réflexions, bien sûr; j'ai néanmoins l'impression que la loi vient de l'Ontario et que les règles sont dans les deux langues officielles.
Le président : Ce n'est pas la loi. C'est un document rédigé par le commissaire, y compris sa notice biographique.
La sénatrice Cools : Ce ne sont pas des documents officiels, mais simplement des objets de réflexion...
Le président : Merci, sénateur Joyal.
Nous allons commencer la période des questions avec la personne à qui nous avons coupé la parole tout à l'heure : la sénatrice Martin, qui avait une question à l'intention de l'un ou des deux commissaires.
La sénatrice Martin : Je vais attendre pour l'instant, simplement parce que plus tôt, j'avais hâte d'interroger le commissaire, après le sénateur Moore. Permettez-moi de reporter mon temps de parole pour le moment.
Le sénateur McIntyre : Messieurs, je vous remercie pour vos exposés. Vous êtes tous les deux des commissaires aux conflits d'intérêts : M. Fraser en Colombie-Britannique et M. Linden en Ontario.
Je remarque que le règlement pris en vertu de la Loi de 2006 sur la fonction publique de l'Ontario précise les activités interdites pouvant mettre un fonctionnaire en situation de conflit d'intérêts. En Colombie-Britannique, l'article 7 de la Loi sur les conflits d'intérêts des députés énonce les circonstances dans lesquelles les députés peuvent accepter des cadeaux. Je remarque qu'une partie du libellé de la loi britanno-colombienne ressemble à celui du projet de loi S-207. Je comprends qu'il y a beaucoup de ressemblances entre la Colombie-Britannique et l'Ontario sur cette question. Y a-t-il des différences?
M. Linden : Je n'ai pas étudié le système de la Colombie-Britannique. Avez-vous étudié celui de l'Ontario? Probablement, monsieur Fraser.
M. Fraser : Je peux affirmer qu'il n'y a aucune différence importante à ce sujet entre l'Ontario et la Colombie-Britannique. La loi de la Colombie-Britannique précise qu'un député ne peut accepter d'honoraires, de cadeaux ou d'avantages personnels, sauf une rétribution autorisée par la loi, en lien direct ou indirect avec l'exécution de ses fonctions officielles. Ces mots trouvent un écho en Ontario.
Le paragraphe suivant établit que l'interdiction dont je viens de faire mention ne s'applique pas aux cadeaux ou avantages personnels reçus dans le contexte du protocole ou des obligations sociales qui font habituellement partie des responsabilités d'une charge publique. Ces mots ou une variante de ces mots, lesquels ont pu être repris de la loi ontarienne, ont sûrement été repris par les autres administrations depuis.
M. Linden : Il y a une légère différence entre les règles de l'Ontario visant les fonctionnaires et celles visant les députés : la valeur est de 50 $ pour les fonctionnaires et de 200 $ pour les députés. Vous êtes obligés de déclarer un cadeau d'une valeur supérieure à 200 $. Le commissaire peut se prononcer sur son caractère approprié. Il y a une légère différence entre les fonctionnaires et les députés.
La sénatrice Batters : Monsieur Fraser, j'ai aimé votre citation : « La transparence est le meilleur remède. » En général, je suis en complet accord avec cela. La Loi sur la responsabilité assurait une grande transparence dans ce domaine en particulier.
J'aimerais des éclaircissements de la part de vous deux, si c'est possible. Monsieur Linden, vos fonctions ont un rapport uniquement avec les fonctionnaires de l'Ontario et, monsieur Fraser, les vôtres se rattachent aux députés de l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique; est-ce exact?
M. Fraser : C'est exact.
La sénatrice Batters : La Bibliothèque du Parlement a reproduit à notre intention les parties pertinentes de votre loi qui s'appliquent aux conditions premières à satisfaire. En Ontario, il suffit qu'une personne raisonnable puisse conclure que le don risque d'influencer le fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions pour qu'il y ait intervention.
M. Linden : C'est exact.
La sénatrice Batters : En Colombie-Britannique, la condition initiale à satisfaire, c'est que le cadeau soit en lien direct ou indirect avec l'exécution de ses fonctions officielles. Est-ce exact?
M. Fraser : Oui.
La sénatrice Batters : Depuis la mise en place de ces modalités particulières ou depuis que vous occupez vos fonctions, combien de fois avez-vous reçu une déclaration de ce genre de cadeaux? Nous pouvons commencer par M. Fraser.
M. Fraser : Notre loi exige qu'il y ait une déclaration annuelle et que le député rencontre le commissaire. En général, la rencontre dure à peu près une heure. Ces divulgations ont lieu après que le député a rempli un formulaire dans lequel, je suis désolé de l'admettre, on lui demande toutes sortes de renseignements quant à ses éléments d'actif et de passif. Le formulaire est réglementaire, donc il ne peut être modifié sur un coup de tête. Il fait l'objet d'un examen au moins par le Cabinet de manière épisodique, parce qu'il fait partie du règlement et constitue par conséquent un décret.
La loi prévoit de plus que l'épouse ou la conjointe du député devrait assister à la rencontre annuelle, si c'est possible. Ce n'est pas obligatoire, donc dans la mesure du possible. Souvent, d'après mon expérience, les conjoints et époux aiment être présents pour bien comprendre comment ça fonctionne, puisque leur conjoint ou époux a si largement contribué à la vie publique et sacrifié sa vie de famille que tout cela peut être considéré comme juste et approprié dans les circonstances. C'est un processus sérieux.
La sénatrice Batters : Je me demande surtout combien de fois ces divulgations concernent les cadeaux offerts par les amis? Quelle est la fréquence de ce genre de divulgations?
M. Fraser : Tous les cadeaux, parce que nous n'avons pas la modalité des « amis » dans notre législation, doivent être signalés au commissaire dans un délai de 30 jours. C'est un processus permanent.
La sénatrice Batters : Est-ce que c'est fréquent ou non? De quel volume parle-t-on?
M. Fraser : Oui, je comprends. Ça dépend de la saison de hockey, en partie.
La sénatrice Batters : Bien sûr.
M. Fraser : Ça dépend aussi du succès des Canucks de Vancouver. Pour être aussi circonspect que possible, je dirais que nous recevons des douzaines d'avis tous les mois. Vous pensez bien que nous avons un système de traitement au bureau. Ce n'est pas difficile de traiter ces documents. En pratique, nous ne constatons pas un enlisement dû au nombre de personnes qui prennent les devants et se conforment à la loi.
La sénatrice Batters : Bien. Un billet de hockey coûte sans doute plus de 200 $, si vous avez une telle limite. Vous avez une équipe qui s'occupe du traitement de ces déclarations.
M. Fraser : Oui.
M. Linden : Le système ontarien ressemble beaucoup à ça. Tous les députés sont tenus de produire une déclaration. Les dons sont probablement compris, mais je n'en suis pas certain. Les fonctionnaires ne sont pas tenus de produire une déclaration annuelle des dons reçus, donc c'est difficile pour moi de vous répondre. Il se peut bien qu'il y ait des personnes qui acceptent des dons sans les déclarer, mais nous recevons 8 à 10 demandes par année de la part de fonctionnaires qui ne savent trop quoi faire d'un don.
La sénatrice Batters : Huit ou dix par année?
M. Linden : Oui, un très petit nombre.
La sénatrice Batters : Même si les billets de hockey pourraient faire partie de ces dons à déclaration obligatoire.
M. Linden : En Ontario, tout le monde sait qu'un billet de hockey serait hors limite.
La sénatrice Batters : À Toronto, il est très difficile de trouver des billets de hockey et ils sont dispendieux.
M. Linden : Voici une demande à ce sujet dans notre rapport annuel. Un fonctionnaire a demandé s'il pouvait accepter un billet gratuit lui permettant d'assister à un événement visant à réunir, et cetera. Je devrais m'assurer que j'ai le bon dossier. Le commissaire a recommandé que le fonctionnaire paie le billet et en demande le remboursement de la façon habituelle.
Notre rapport annuel présente un certain nombre de ces situations où les personnes se sont vu offrir des billets; nous conseillons alors de ne pas accepter des billets de parties qui cherchent ainsi à exercer une influence. Nous ne parlons pas de billet d'invitation à une bar-mitsva ou à un mariage.
La sénatrice Batters : Dont on serait en droit de conclure qu'elles exercent une influence. Vous avez parlé de l'exception du cadeau de mariage. Je me demandais justement ce qui serait décidé si une personne avait un ami proche qui assistait à son mariage et qui était un lobbyiste. Cette personne lui a donné un beau cadeau. Plusieurs diraient que c'est là un simple geste amical, mais d'autres pourraient croire que c'est là une tentative d'influence dans l'exercice de ses fonctions.
M. Linden : C'est la réponse. Certains penchent pour la première option, d'autres pour la seconde. C'est tout à fait ça.
La sénatrice Batters : C'était une question, et pas nécessairement une réponse.
M. Linden : Il n'y a pas de signal lumineux qui distingue le bien du mal. C'est à vous de décider. Si vous pensez qu'on vous l'offre parce qu'on essaie de vous influencer, vous devriez prendre un temps d'arrêt et réfléchir à la question, peu importe la personne qui vous l'offre. C'est la façon dont nous l'avons expliqué, en Ontario.
Le président : Au cas où ça nous aurait échappé, la valeur d'un billet d'entrée à un match des Leafs est très différente de la valeur de l'équipe sur la glace.
Le sénateur D. Smith : J'aimerais découvrir le fin fond de l'affaire et j'apprécierais une réponse directe. J'ai le sentiment de savoir ce que je vais entendre. Est-ce que vous recommandez à ce comité d'adopter le projet de loi étudié, ou non? Quel est le fin mot de l'histoire?
M. Linden : Je suis un simple fonctionnaire du gouvernement de l'Ontario. Loin de moi l'idée de faire quelque recommandation que ce soit. Je suis là pour vous faire profiter de mon expérience, à partir de laquelle vous tirerez toutes les conclusions que vous voudrez. Nous n'avons pas vu la nécessité d'établir une exception pour les amis ou les parents en Ontario. Vous ferez de cette position ce que vous voudrez.
Le sénateur D. Smith : Si j'en déduisais que si vous étiez un membre du comité, vous voteriez contre le projet de loi, est-ce que je serais dans l'erreur?
M. Linden : J'appuierais la proposition de supprimer le mot « ami ».
Le sénateur D. Smith : Je pose la même question à notre collègue de Victoria.
M. Fraser : À mon humble avis, si on me demandait de faire part de mon opinion personnelle, je réitérerais la position prise plus tôt et j'accepterais l'amendement visant à supprimer le mot « ami ». Je crois que c'est la chose la plus simple et la plus facile à faire. J'entends les gens dire qu'un ami est un ami. Nous savons tous ce qu'est un ami, mais parce que c'est très difficile à définir, il me semble que ça n'en vaut pas la chandelle et qu'il devrait tout simplement être éliminé, tout comme il ne fait pas partie des exceptions dans aucune des autres législations au pays.
Le sénateur Tkachuk : J'ai une courte question au sujet des cadeaux. J'ai toujours cru qu'il était inconvenant, lorsqu'on se rend dans un autre pays, que tout le monde s'échange des cadeaux. Je crois que c'est vraiment important pour notre culture. Je connais la culture d'autres peuples. Je ne sais pas pourquoi nous recevons des cadeaux et pourquoi nous en donnons. Nous y allons pour faire des affaires. Lorsque les lobbyistes du pétrole viennent me voir, ils ne m'offrent pas de cadeaux. Cela ne fait pas partie de notre culture. Les groupes d'agriculteurs et autres ne viennent pas à mon bureau les bras chargés de cadeaux parce que ça ne fait pas partie de notre culture. Je crois que nous devrions informer les autres pays que nous sommes conscients que dans leur culture, ils échangent des cadeaux, mais que ce n'est pas le cas dans notre culture. On réglerait ainsi le problème en refusant tout cadeau que ce soit. Il n'y a pas de raison à cela. Je participe à ces voyages et délégations et nous devrions leur dire à l'avance que cela ne fait pas partie de notre culture et que nous ne le faisons pas, donc de ne pas s'attendre à recevoir un cadeau de notre part, et nous n'aurons pas un cadeau de leur part, et tout est réglé. Vous vaquez à vos occupations, ce qui est le but de notre voyage.
La sénatrice Cools : Fini les déjeuners.
Le président : Aviez-vous une question, sénateur Tkachuk?
Le sénateur Tkachuk : C'était une déclaration. Ils peuvent réagir s'ils le souhaitent.
Le sénateur Joyal : Monsieur Fraser, merci pour les observations instructives sur l'historique de cette disposition de la loi.
Vous avez mentionné un seuil de 500 $. J'ai cru comprendre, dans votre exposé, que le code de la Colombie-Britannique avait été adopté dans les années 1990. Est-ce que le seuil de 500 $ est resté le même depuis toutes ces années? Cela voudrait dire, en fait, que sa valeur diminue. Le sénateur White pourrait nous dire quel était le prix des billets de hockey dans les années 1990, comparé à maintenant. Le prix a augmenté, comme vous le savez. Ma question est la suivante : est-ce que ce seuil diminue en valeur ou devrait-on l'amener à 200 $, comme c'est le cas dans la loi actuellement?
M. Fraser : Le plafond est de 250 $ en Colombie-Britannique et il est à ce niveau depuis la promulgation de la loi en 1991.
Si vous me permettez, je vais compléter ma réponse aux autres questions. Quand un cadeau est signalé au commissaire, on m'avise de deux choses, soit la nature du cadeau et qui l'a donné. À partir de ce moment-là, la chose est portée à la connaissance du public.
Un cadeau de mariage ne serait pas sanctionné par notre loi parce que, comme le dit la loi, vous ne pouvez accepter d'honoraires, de cadeaux ou d'avantages personnels en lien direct ou indirect avec l'exécution de vos fonctions officielles. À moins que vous ne soyez l'officiant au mariage et que vous soyez également un membre de l'assemblée législative, vous ne serez pas sanctionné.
Le sénateur Joyal : Monsieur Linden, l'important pour moi, c'est l'apparence de conflit d'intérêts. Pourriez-vous citer, si vous l'avez sous la main, le libellé de la loi ontarienne en ce qui concerne l'apparence de conflit d'intérêts en lien avec les critères que vous devez appliquer?
M. Linden : Je vais lire le libellé à votre intention. La question de l'apparence est traitée ailleurs dans nos règles, pas tellement dans la section portant sur les dons, quand il s'agit de conférer un avantage, ce qui est beaucoup plus subtil qu'un don. Ça n'aurait pas l'apparence d'un traitement préférentiel.
[...] ne doit pas accepter de don des personnes ou des entités suivantes lorsqu'une personne raisonnable pourrait conclure que le don risque de l'influencer dans l'exercice de ses fonctions au service de la Couronne.
Le don ne devrait pas être accepté, si une personne raisonnable en arrivait à cette conclusion.
Le sénateur Joyal : C'est le test de la personne ordinaire qui détermine...
M. Linden : L'homme de la rue.
Le sénateur Joyal : Ce pourrait être une femme, pas nécessairement un homme.
M. Linden : Il faudrait changer la formulation. Le paragraphe parle d'un « fonctionnaire », donc c'est neutre.
Le sénateur Joyal : Monsieur Fraser, quel est le libellé de la loi de la Colombie-Britannique en ce qui concerne le test visant à établir l'apparence de conflit?
M. Fraser : En fait, il est intéressant de noter que la Colombie-Britannique a été la première administration à traiter de l'apparence de conflit d'intérêts. Le test adopté dans la loi est le test qui, dans l'ensemble, est appliqué dans la plupart des administrations. C'est purement objectif et non subjectif. La loi se lit ainsi :
Aux fins de la présente loi, un député est en conflit d'intérêts apparent s'il existe une impression raisonnable, chez une personne raisonnablement bien informée, que la capacité du député à exercer un pouvoir officiel ou à assumer une fonction officielle a probablement été compromise par son intérêt privé.
On ne peut pas être plus objectif.
M. Linden : Je crois que le libellé est tiré d'une cause judiciaire. Je ne me rappelle pas du titre, mais c'est un langage qui existe en droit depuis des années.
Le sénateur Joyal : Merci beaucoup. C'est très instructif. Je pose cette question pour une bonne raison, parce que l'article 17 du Code régissant l'éthique et les conflits d'intérêts des sénateurs comprend le mot « raisonnablement » :
Le sénateur et les membres de sa famille ne peuvent, directement ou indirectement, accepter de cadeaux ou d'autres avantages...
— sauf s'il s'agit d'une rémunération autorisée par la loi —
... qui pourraient raisonnablement être considérés comme ayant un rapport avec la charge du sénateur.
Il y a une nuance ici. On ne parle pas exactement du test de la personne raisonnable placée dans une position semblable, mais au fond, c'est ainsi parce que la personne est un sénateur ou une sénatrice. Ce n'est donc pas l'apparence de conflit qui constitue le test, contrairement à l'article 11 de la loi, qui stipule « qui pourrait raisonnablement donner à penser qu'il a été donné pour influencer le titulaire. » À mon avis, le seuil fixé à l'article 11 est beaucoup plus élevé que celui établi à l'article 17.
À l'article 17 du code, le plafond est plutôt bas : « qui pourraient raisonnablement être considérés comme ayant un rapport avec la charge du sénateur. » Il y a une légère différence entre les deux et je crois qu'il faut le comprendre dans les deux, parce que la législation en Ontario et en Colombie-Britannique, si je comprends bien, est plus liée à la perception du public, plutôt qu'au rapport direct avec le fait que la personne soit un sénateur ou une sénatrice.
M. Linden : Je cherche simplement à savoir s'il y a une différence significative entre les énoncés visant les fonctionnaires et ceux visant les députés en Ontario. Vous décomposez cela tout spécialement, mais je vais vous en faire la lecture rapidement, un article après l'autre.
En ce qui concerne les fonctionnaires : « Un fonctionnaire ne doit pas accepter de don des personnes suivantes — une énumération suit — lorsqu'une personne raisonnable pourrait conclure que le don risque de l'influencer dans l'exercice de ses fonctions au service de la Couronne. »
En ce qui concerne les députés : « Le député ne doit pas accepter d'honoraires, de dons, ni d'avantages personnels qui sont liés, directement ou indirectement, à l'exercice des devoirs de sa charge. » On énumère ensuite les exceptions, mais les amis n'en font pas partie.
La sénatrice Cools : Je réfléchissais à l'évolution de la terminologie en anglais, au fait qu'on soit passé de civil servant à public servant, terme qui, auparavant, désignait uniquement les hommes politiques. Jadis, on disait des députés et des sénateurs qu'ils étaient des serviteurs de l'État, mais l'anglais a étendu la portée sémantique de public servant au personnel des hauts fonctionnaires et aux fonctionnaires, tandis que les députés sont maintenant des élus. C'est ainsi que la langue se délite depuis bien des années et que le changement se fait sentir au quotidien.
J'ai toujours considéré que les risques de corruption viennent en fait des personnes qui ont accès à de grosses sommes d'argent ou qui jouissent d'une véritable influence quant aux actions menées, autrement dit, le parrainage et la rédaction de projets de loi, les fonctions ministérielles, et c'est pourquoi la plupart des conflits d'intérêts trouvent leur source parmi les membres du Cabinet, là où il y a une réelle influence.
Il me semble que le député ou le sénateur ordinaire n'a pas tellement accès à une quelconque influence et je crois que c'était comme ça qu'on voyait les choses il y a 10 ou 15 ans, lorsque plusieurs d'entre nous ont commencé à imaginer ces choses-là. C'était cette opinion qui commandait les perceptions des sénateurs à l'époque.
L'attention devrait toujours porter sur la corruption ou le potentiel de corruption. La plupart des sénateurs et des députés exercent tellement peu d'influence sur les opérations du gouvernement qu'il faut éviter de se mordre la queue et créer une vaste bureaucratie. En fin de compte, il s'agit d'établir s'il y a une pratique en place ou une pratique en croissance qui pourrait mener à une véritable corruption.
Nous avons entendu parler du vieux scandale du Pacifique et ainsi de suite, mais le Canada ne connaît pas le genre de corruption que l'on connaît ailleurs au sein des gouvernements. Par exemple, on m'a dit qu'en Europe les cadres itinérants apportent habituellement avec eux de l'argent pour les pots-de-vin lorsqu'ils se rendent dans certains pays, que le pot-de-vin soit de 10 $ pour que vos bagages se rendent d'un endroit à l'autre, ou autre chose.
L'attention devrait toujours porter sur la corruption et la prévention de la corruption plutôt que sur l'apparence. Je pourrais être dans le tort. Peut-être que c'est là notre époque. On me dit que la perception importe autant que la réalité dans la communauté actuelle. Cependant, ce que vous cherchez, c'est la corruption. Vous cherchez la personne qui peut facilement se retrouver dans les situations lui permettant en fait d'obtenir un résultat très bénéfique ou d'un grand intérêt pour quelqu'un d'autre.
Je me demande si le problème n'est pas le rapport à la corruption ou la corruption des influences plutôt que la perception. Monsieur Linden, je vous connais depuis longtemps, je suis certaine que vous savez que l'imagination et les apparences peuvent être infinies, inépuisables, l'imagination est sans bornes.
M. Linden : Le livre s'intitule Corruption in America. Il commence par l'examen des cadeaux, mais c'est là le titre, c'est écrit dans un style incisif. Vous n'êtes pas obligé d'être d'accord avec tout ce que dit l'auteure, mais c'est fascinant.
La sénatrice Cools : C'est un sujet très intéressant et un livre intéressant pour l'époque, parce que j'ai entendu dire que nos voisins du Sud font face à d'immenses problèmes de corruption au sein de leurs départements. On m'a affirmé que c'était énorme. Ce n'est pas un problème auquel nous sommes confrontés encore. Cela ne veut pas dire que nous ne devrions pas chercher à nous préparer à cette éventualité, mais nous devrions vraiment porter notre attention sur la corruption.
Le sénateur Gerstein : Merci, c'est la première fois que j'ai l'occasion d'assister à une séance du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, et j'aimerais souligner la présence de trois excellents témoins que nous avons eus aujourd'hui. J'aimerais par ailleurs limiter mes observations à l'un d'entre eux.
Le comité sera heureux d'apprendre que la fin de semaine dernière, le juge Linden a célébré sa cinquantième assemblée avec ses camarades de classe de la faculté de droit de l'Université de Toronto. Je vous informe de ce fait, parce que je ne considère pas cela comme étant un conflit d'intérêts pour le juge Linden, malgré le fait que c'était la promotion de 1964, les camarades de classe comptant le très honorable Paul Martin et l'honorable Bill Graham, qui, si je m'en souviens bien, était le médaillé d'or de la promotion. De plus, je crois que les membres du comité ne penseront pas que je suis en conflit d'intérêts pour avoir fait ces observations, malgré le fait que le juge Linden et moi partagions les deux petits-enfants les plus merveilleux du monde. Je vous remercie, monsieur le président.
Le président : C'était excellent, et la valeur du cadeau dépasse certainement 200 $ ou 500 $ pour ces petits-enfants. Étant donné que le sénateur Smith ne sera pas en mesure d'être présent la semaine prochaine, il aimerait poser une question au sénateur Day, si cela lui va?
Le sénateur D. Smith : Je veux garder ça à sa plus simple expression. Si ce projet de loi est adopté, n'allons-nous pas augmenter le nombre de situations dans lesquelles des cadeaux pourront être donnés aux législateurs, lesquels s'occupent de lois qui peuvent influer sur celui qui donne le cadeau? N'allons-nous pas augmenter le nombre de situations possibles de conflit d'intérêts?
Le sénateur Day : Je répondrais par la négative. Il s'agit de resserrer les règles en ce qui concerne les cadeaux. Il reste beaucoup d'exceptions.
Le sénateur D. Smith : Avec l'« ami »...
Le sénateur Day : Le mot « amis » écarté, c'est un ensemble moins large d'exceptions qui existe dorénavant. La modification proposée vise à rendre la chose un peu plus « ordonnée » en ce qui concerne les bénéficiaires de cadeaux. Nous savons qui ils sont, ou ça pourrait faire partie de quelques-unes des autres exceptions. Il reste pas mal d'exceptions dans la loi, en plus des « amis ». Oui, c'est un titulaire de charge publique.
Le sénateur D. Smith : On a beaucoup employé le terme « époux ». Mon épouse est juge et elle occupe le poste de juge en chef de la Cour supérieure. Si je devais tenir une conversation avec elle sur les circonstances dans lesquelles quelqu'un qui comparaît devant un juge peut donner un cadeau à ce dernier — ce serait une conversation ridicule. Y a-t-il des différences fondamentales dans ce cas? Vous saisissez?
Le sénateur Joyal : Monsieur le président, je tiens à souligner que M. Linden a fourni la version française des règlements, qui a été distribuée. Je tiens à le remercier. J'en suis très reconnaissant. Je sais que la province de l'Ontario fait d'énormes efforts à cet égard. Il faut la féliciter d'avoir conçu la loi et les règlements dans les deux langues officielles du Canada.
Merci, monsieur, j'apprécie.
Le président : Nous remercions les témoins et tous les sénateurs présents aujourd'hui. Nous allons ajourner pour le reste de la semaine.
(La séance est levée.)