Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 13 - Témoignages du 3 février 2015
OTTAWA, le mardi 3 février 2015
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour étudier les défis que doit relever la Société Radio-Canada en matière d'évolution du milieu de la radiodiffusion et des communications.
Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, nous poursuivons aujourd'hui notre étude sur les défis que doit relever la Société Radio-Canada en matière d'évolution du milieu de la radiodiffusion et des communications.
Nos témoins sont des représentants de Nordicity, qui est une société d'experts-conseils indépendante spécialisée dans l'analyse des politiques, des stratégies et de l'économie du secteur des médias. Nous accueillons aujourd'hui, grâce à la magie de la télévision, Dustin Chodorowicz et Stephen Hignell.
J'invite les témoins à commencer leur exposé. Ensuite, les sénateurs pourront leur poser des questions.
Dustin Chodorowicz, associé, Nordicity : Bonjour. Je m'appelle Dustin Chodorowicz et je suis un associé chez Nordicity. Je suis l'auteur d'une étude intitulée Analyse du soutien public accordé à la radiodiffusion publique et aux autres instruments culturels au Canada. Chez Nordicity, nous appelons souvent cette étude l'étude sur la radiodiffusion publique, ou l'étude sur la RP, alors il est possible que nous y fassions référence dans ces termes durant notre exposé.
Je suis accompagné de Stephen Hignell, qui est gestionnaire au bureau de Londres. Il était le chercheur en chef lors de la réalisation de l'étude.
La SRC a donné le mandat à Nordicity de mener la première version de l'étude en juin 2006. Depuis, nous l'avons mise à jour à quatre reprises, la plus récente version étant celle d'octobre 2013.
L'étude sur la RP comporte trois principaux volets de recherche. Le premier comporte une comparaison internationale des diffuseurs publics. Le deuxième volet est une évaluation des avantages potentiels de la radiodiffusion publique. Le troisième volet consiste en un examen du soutien à la culture offert par le gouvernement fédéral.
Je vais maintenant demander à M. Hignell de vous expliquer le premier volet de la recherche.
Stephen Hignell, gestionnaire, Nordicity : Le premier volet, qui correspond à la section 2 du rapport, consiste en une comparaison des niveaux et des types du financement public destiné à la radiodiffusion publique dans 18 pays occidentaux, dont le Canada, les États-Unis, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, l'Europe de l'Ouest et le Japon.
D'après nos recherches, la SRC a reçu des fonds publics équivalant à 33 $ par habitant en 2011. Cette somme est le troisième montant le plus bas parmi les 18 pays examinés et représente moins de la moitié de la moyenne, qui est de 82 $ par habitant. Seuls la Nouvelle-Zélande et les États-Unis affichent des niveaux de financement public moins élevés pour la radiodiffusion publique.
En plus du financement public par habitant, nous avons aussi examiné les recettes commerciales des radiodiffuseurs publics. Nous avons constaté que la SRC se situe généralement au milieu du classement pour ce qui est de la part des revenus provenant des recettes commerciales, plus précisément des recettes tirées de la vente de publicités et des commandites.
Notre étude démontre également qu'il est très rare que les radiodiffuseurs publics n'aient pas recours à des recettes commerciales d'une manière ou d'une autre. Dans seulement 3 des 18 pays examinés, les diffuseurs publics n'ont pas obtenu de recettes commerciales en 2011 et dépendaient exclusivement du financement public.
Il n'a pas été surprenant de constater que les pays où le diffuseur public ne vendait pas de publicités avaient tendance à figurer parmi les pays où le niveau de financement public par habitant était le plus élevé. La seule exception a été le Japon, où le financement public s'établissait à 67 $ par habitant, quoique cette somme représente le double de celle établie au Canada en 2011.
M. Chodorowicz : Bien entendu, les avantages potentiels de la radiodiffusion publique peuvent varier d'un pays à l'autre. L'ampleur des avantages potentiels peut avoir une incidence sur les niveaux de financement public. Dans les pays où les avantages potentiels peuvent être importants, on observe un plus grand besoin d'avoir un diffuseur public et, par conséquent, le niveau de financement peut être plus élevé.
Dans la section 3 du rapport, nous faisons correspondre les niveaux de financement public par habitant à un index conçu pour évaluer les avantages potentiels que chaque pays pourrait tirer de la radiodiffusion publique. Cet index se compose de six indicateurs distincts qui visent à mesurer la diversité de la population, la diversité linguistique, les enjeux soulevés par la diversité ethnique, la taille du marché intérieur, la proximité de sources de programmation concurrentes et l'intérêt de la population du pays envers la programmation nationale. Je dois ajouter que la densité de la population a aussi été prise en compte.
Comme vous pouvez le voir dans la figure 9 de notre rapport, la plupart des pays se retrouvent dans le quadrant prévu ou près du milieu de notre graphique. Autrement dit, leur niveau de financement public par habitant correspond aux avantages potentiels qu'ils peuvent tirer de la radiodiffusion publique.
Il semble y avoir seulement quelques cas particuliers : la Norvège, l'Allemagne, la Nouvelle-Zélande et le Canada, où le niveau de financement public ne correspond pas aux avantages potentiels, selon notre index.
Le troisième volet du rapport, qui est la section 4, porte sur le financement au fil du temps au Canada. On y compare les tendances dans les différents types de soutien public pour la culture au Canada entre 1991 et 2011. Au cours de cette période de 20 ans, la valeur du soutien public pour la CBC et Radio-Canada a augmenté de 5 p. 100. Ce chiffre ne tient pas compte de l'inflation; il s'agit de l'augmentation du soutien financier en dollars d'origine.
Pendant ce temps, au cours de cette même période de 20 ans, les dépenses totales du gouvernement fédéral, excluant les dépenses pour la défense et le remboursement de la dette, ont grimpé de 110 p. 100. Même les dépenses du gouvernement fédéral pour la culture, si nous excluons celles consacrées à la SRC, ont augmenté de 66 p. 100 durant cette période.
Nous avons aussi mesuré la croissance du soutien indirect du gouvernement fédéral aux radiodiffuseurs privés au Canada. Ce soutien indirect provient de deux sources : premièrement, il y a la réglementation en matière de substitution simultanée, qui permet aux diffuseurs canadiens de vendre de la publicité diffusée durant des émissions américaines sur des chaînes américaines, sauf bien entendu durant le Super Bowl, à compter de 2017, conformément à la décision rendue récemment par le CRTC; et, deuxièmement, il y a l'article 19.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui interdit aux sociétés canadiennes de déduire de leurs revenus les dépenses engagées pour faire diffuser des publicités par des diffuseurs qui ne sont pas canadiens.
Nous estimons que la valeur combinée de ce soutien indirect aux radiodiffuseurs privés est passée de 58 à 70 p. 100 au cours de la période de 20 ans comprise entre 1991 et 2011. En 2011, la valeur combinée du soutien indirect était évaluée à plus de 334 millions de dollars.
Comme vous pouvez le constater d'après l'étude sur la RP menée par Nordicity, la SRC obtient un des plus faibles financements publics par habitant parmi les pays examinés. Notre étude démontre également que ce faible niveau de financement s'explique en partie par le fait que le soutien public a à peine augmenté depuis 1991. En effet, le taux de croissance du financement accordé à la SRC équivaut à moins d'un dixième du taux du soutien financier direct consenti par le gouvernement fédéral à la culture et du soutien financier indirect accordé aux diffuseurs privés.
Voilà qui met fin à notre exposé. Nous serons ravis de répondre aux questions des membres du comité.
Le président : Je vous remercie.
Nous allons commencer par le vice-président, le sénateur Plett.
Le sénateur Plett : Je vous remercie, messieurs, de prendre le temps de comparaître devant nous. J'ai hâte de me rendre à Londres la semaine prochaine et de visiter la BBC afin de faire quelques comparaisons.
J'ai eu l'occasion de lire une partie de votre rapport hier soir dans l'avion, et j'ai quelques questions qui s'y rapportent en partie.
Vous avez fait de nombreuses comparaisons pour savoir où se situe la SRC en ce qui concerne les sources de financement public. Vous avez également fait quelques comparaisons pour savoir où se situe le Canada sur le plan du soutien accordé à d'autres instruments culturels et à la défense. Je ne crois pas qu'il s'agit d'une bonne comparaison. On peut parler peut-être de la culture au sein de la défense. Quoi qu'il en soit, je n'ai vu nulle part dans votre rapport une corrélation entre ce que les Canadiens veulent et ce que la SRC obtient; je veux parler de l'auditoire.
Ne pensez-vous pas qu'un rapport comme celui que vous avez préparé, qui est très complet, devrait donner une idée de ce que les Canadiens veulent? Je crois qu'un grand nombre d'entre nous estiment que la SRC reçoit le financement auquel les Canadiens s'attendent. Qu'en est-il de l'auditoire dans un rapport comme le vôtre?
M. Chodorowicz : Comme vous l'avez souligné, il n'est pas question de l'auditoire dans cette analyse. Cela ne signifie pas qu'on ne pourrait pas inclure dans ce genre d'étude des indicateurs concernant l'auditoire et la satisfaction des Canadiens. Nous envisageons toujours la possibilité d'étendre ce genre d'étude au fil des ans. Nous avons graduellement ajouté des indicateurs. Nous avons commencé par examiner le financement public par habitant, qui est un des intrants de la SRC, et nous avons ensuite examiné la publicité et les recettes commerciales. Lorsque nous pourrons obtenir des données fiables sur l'auditoire, peut-être par l'entremise de la SRC et d'autres sources, et que nous pourrons incorporer tous les facteurs dans l'analyse, je crois que nous pourrons alors nous pencher sur ce sujet et établir une comparaison à cet égard dans l'avenir.
En ce moment, nous ne disposons pas de ce type de données complètes à la fois pour les intrants et les extrants. Comme vous l'avez souligné, cette étude se penche sur un bon nombre des intrants et les compare aux dépenses du gouvernement pour la culture, mais elle ne porte pas sur les extrants et sur ce que les Canadiens obtiennent en échange des fonds publics versés à la SRC.
Le sénateur Plett : En outre, j'ai entendu dire que vous ne possédez aucune donnée sur l'auditoire en Norvège, par exemple, ou en Suisse — des pays qui, comme vous l'avez dit, bénéficient d'un haut niveau de financement — ou même au Royaume-Uni. Nous allons certes interroger la BBC à ce sujet, mais ai-je raison d'affirmer que vous ne disposez d'aucune donnée sur l'auditoire en Norvège?
M. Chodorowicz : Il y a des études qui comportent des données sur l'auditoire dans différents pays. Il existe des données très générales sur l'auditoire qui pourraient être incluses dans ce genre d'étude. Avant de les inclure, nous devons nous assurer qu'elles sont recueillies de la même façon dans les différents pays et que les mesures sont équivalentes.
Si nous voulons effectuer une comparaison internationale qui inclut des données sur l'auditoire, je pense qu'il faut très bien connaître le milieu dans lequel évoluent les différents diffuseurs publics, particulièrement le milieu concurrentiel. Par exemple, la situation au Canada est très particulière en ce sens que la SRC et les radiodiffuseurs canadiens privés doivent soutenir la concurrence des grands diffuseurs américains. C'est un élément que nous devrons essayer de prendre en considération lorsque nous nous lancerons dans une analyse de l'auditoire, si on nous donne le mandat d'effectuer une telle analyse ou si nous jugeons nécessaire d'en mener une.
Le sénateur Plett : Comme vous l'avez dit, la SRC est en concurrence avec des chaînes américaines. Certains estiment que la concurrence pose des difficultés alors que d'autres sont d'avis que c'est une très bonne chose. Selon moi, la concurrence force les entreprises à mener leurs activités plus efficacement.
Ma prochaine question est la suivante : Est-ce que la BBC vend de la publicité? Il est clair qu'elle ne dépend pas uniquement des sommes versées par le gouvernement britannique. Quelles sont ses autres sources de revenus? Est-ce qu'elle vend de la publicité ou est-ce qu'elle compte seulement sur les commandites?
M. Chodorowicz : J'aimerais donner différentes réponses et faire valoir certains points.
Pour répondre directement à votre question, je dirais que les recettes commerciales de la BBC proviennent non pas de la vente de publicités, mais plutôt de la vente des droits de diffusion de ses programmes, des DVD et des droits sur ses DVD, et cetera. Ce sont d'autres sources de revenus. Elle dispose de différents moyens pour générer des revenus sans avoir à vendre de la publicité.
Ce qui est important aussi de savoir, c'est qu'au Royaume-Uni — et vous allez en apprendre davantage à ce sujet au cours de votre visite la semaine prochaine — il y a la BBC, mais il y a aussi Channel 4. Les deux sont des radiodiffuseurs publics. La BBC ne diffuse pas de publicités, tandis que Channel 4 en diffuse, à l'instar de la SRC.
Au Canada, le modèle de financement de la SRC est un modèle hybride. La société d'État reçoit directement des fonds publics et vend aussi de la publicité. Au Royaume-Uni, si on combine les deux radiodiffuseurs publics, on peut dire qu'il existe un modèle de financement hybride. La différence, c'est qu'il s'agit de deux entités distinctes. Si on les met ensemble, on peut dire que le modèle de financement de la radiodiffusion publique au Royaume-Uni est hybride comme celui du Canada. Si on les examine séparément, on peut dire que Channel 4 compte largement sur la publicité, tandis que la BBC ne vend pas de publicités, mais génère tout de même des recettes commerciales.
Je vais demander à M. Hignell s'il veut en dire un peu plus long au sujet des sources de recettes commerciales de la BBC.
M. Hignell : La BBC exploite BBC Worldwide, qui est sa branche commerciale par l'entremise de laquelle elle vend et distribue ses programmes partout dans le monde pour en tirer des recettes commerciales.
Le sénateur Plett : À la fin de votre exposé, vous avez mentionné que le CRTC a autorisé, à partir de 2017, la vente de publicités américaines destinées à être diffusées durant le Super Bowl. Avez-vous des chiffres sur les revenus qu'aurait obtenus CTV lors de la diffusion du Super Bowl de dimanche dernier si cette décision avait déjà été mise en application? Avez-vous une idée des revenus qui auraient pu être générés si la chaîne avait été en mesure de vendre des publicités américaines?
M. Chodorowicz : Non. Pour le savoir, il faudrait mener une analyse très détaillée qui nécessite — je ne dirais pas des renseignements sur le contrat — une très grande connaissance du marché de l'achat de publicités au Canada. C'est différent d'une année à l'autre, alors, je suis désolé, mais nous ne pouvons pas vous fournir ces chiffres.
Le sénateur Demers : Je vous remercie beaucoup pour votre exposé.
Ici, au Canada, il y a bien entendu des enjeux qui touchent la CBC et Radio-Canada. Qu'en est-il globalement pour la BBC? On entend dire que les choses ne vont pas bien et qu'elle éprouve certaines difficultés. Notre comité doit visiter la BBC dans le cadre de son étude. Quel est le portrait global? Est-ce que ce qu'on entend dire est vrai ou est-ce qu'il s'agit seulement de rumeurs?
M. Chodorowicz : Je vais commencer à répondre et ensuite, M. Hignell pourra poursuivre.
Dans l'ensemble, je dirais que l'auditoire est très satisfait de son diffuseur public. Quant aux rapports qu'entretient la BBC avec le gouvernement du Royaume-Uni, je peux dire que la BBC s'emploie à réduire ou à maîtriser les coûts, car auparavant, elle pouvait compter sur une augmentation plus constante de ses revenus provenant des droits de licence et des fonds publics. Depuis que le gouvernement de coalition est au pouvoir, les modalités du financement ont été un peu renégociées.
Je dirais qu'en général on estime que la BBC est un diffuseur public de calibre mondial, et c'est ce que pense le gouvernement. En tout cas, c'est l'opinion de la population et des téléspectateurs. On cherche toutefois constamment des moyens d'améliorer la gestion et l'exploitation de la BBC, de la manière la plus rentable possible.
M. Hignell : J'ajouterais que, chaque fois que la BBC doit renouveler sa licence, tous les cinq ans, ces problèmes refont surface dans les médias et, comme vous l'avez dit, cela donne lieu à des rumeurs. C'est peut-être en partie parce que la BBC doit maintenant renouveler sa licence.
Le sénateur Demers : Je vous remercie pour votre honnêteté.
Selon vous, comment pourrait évoluer le milieu de la radiodiffusion au Canada et dans d'autres pays au cours des cinq prochaines années? Comment envisagez-vous les changements qui pourraient se produire au cours des cinq prochaines années ou à un peu plus court terme encore?
M. Chodorowicz : Il est certain que la prolifération des plateformes en ligne constitue un défi pour les radiodiffuseurs, tant publics que privés, partout dans le monde. Au Royaume-Uni, selon moi, la BBC s'est adaptée très rapidement et efficacement aux préférences de l'auditoire et à l'adoption des nouvelles plateformes par le public.
Lorsque vous visiterez la BBC à Londres la semaine prochaine, vous en apprendrez au sujet de iPlayer, qui est la plateforme de diffusion en ligne de la programmation de la BBC. Elle connaît un très grand succès. Elle a été lancée très rapidement. Je suppose que la BBC ne voulait pas prendre le temps de la peaufiner; elle souhaitait plutôt la lancer et l'améliorer au fil du temps. D'après ce que je sais, l'auditoire l'utilise largement. Je crois qu'elle est offerte ailleurs qu'au Royaume-Uni, moyennant des frais. On y diffuse du contenu de calibre mondial, produit par la BBC, au moyen d'une plateforme très conviviale, qui fait en sorte qu'il est facile de découvrir ou de trouver ce contenu. Dans le cyberespace, c'est une caractéristique essentielle, qui a contribué au succès de la plateforme. C'est un des grands défis à relever.
M. Hignell : Pour poursuivre sur le sujet de la diffusion au moyen de diverses plateformes, je veux souligner que, outre la BBC, Channel 4, qui est l'autre diffuseur public au Royaume-Uni et qui, comme Dustin l'a mentionné, compte davantage sur les recettes commerciales, a également mis en place la plateforme 4oD, qui connaît le même succès que iPlayer.
Par ailleurs, les radiodiffuseurs au Royaume-Uni ont fait preuve d'innovation dans le domaine de la vidéo-sur-demande. Ils ont élaboré des projets, dont certains par contre n'ont pas été menés à bien. Parmi ceux qui l'ont été, il y a le projet Canvas et le projet Kangaroo, qui constituent une façon novatrice de collaborer avec les diffuseurs privés en vue de diffuser du contenu en ligne et grâce à des boîtes numériques à l'intention d'auditoires de partout au Royaume-Uni.
Il y a également d'autres initiatives comme Freeview, qui est en fait une boîte numérique, et Freesat, qui permet aux téléspectateurs, moyennant des frais, d'avoir accès aux programmes sur Catch Up TV partout au Royaume-Uni.
Le sénateur Housakos : Messieurs, quels sont les deux pays dans le monde, selon vous, qui ont le mieux réussi à développer leurs produits culturels nationaux? Quels sont les deux pays qui ont non seulement réussi à bien développer leurs propres produits culturels, mais aussi à les exporter ailleurs dans le monde? Quels sont ces deux pays qui occupent les deux premiers rangs?
M. Chodorowicz : C'est une très bonne question. Il est difficile de répondre sans mentionner les États-Unis, qui ont très bien réussi à créer du contenu de calibre mondial et à l'exporter dans tous les domaines de l'audio-visuel : la musique, le cinéma et la télévision. Pour ce qui est du deuxième pays, nous avons bien entendu un léger penchant pour le Royaume-Uni. Au cours des dernières années, le Royaume-Uni a connu du succès dans le secteur du cinéma et dans la création d'émissions de télévision qui ont été exportées dans d'autres pays. Un grand nombre des jeux télévisés et des téléréalités diffusés en Amérique du Nord ont été créés au Royaume-Uni. Nous sommes très fiers de cette réussite. Il ne faut pas oublier bien entendu l'industrie de la musique au Royaume-Uni, qui a également connu beaucoup de succès.
Vous nous avez demandé de nommer deux pays, et il se trouve qu'ils sont tous les deux des pays anglophones.
Le sénateur Housakos : Je vous remercie.
Pouvez-vous nous donner des exemples de pays qui n'ont pas un très bon bilan en ce qui a trait à la création de contenu culturel?
M. Chodorowicz : Plusieurs pays ne seront pas contents d'entendre notre avis aujourd'hui. Certains pays sont confrontés à des difficultés. Pour répondre à la question, il faudrait probablement s'appuyer sur quelques chiffres. Dans le milieu de la culture, il n'est pas facile d'obtenir des données internationales fiables. C'est pourquoi, au cours des dernières années, les Nations Unies ont déployé des efforts en vue d'améliorer la situation. Comme nous sommes de bons analystes, je ne crois pas que nous puissions nommer certains pays sans pouvoir nous appuyer sur des données fiables.
Le sénateur Housakos : Je vous remercie.
J'aimerais revenir sur ce que vous avez dit plus tôt dans votre exposé. Vous avez très clairement expliqué que vous avez veillé à ce que l'accent soit mis sur la culture canadienne quand il s'agit d'examiner la CBC et Radio-Canada, car la société d'État se doit de développer la culture canadienne et d'en faire la promotion.
Pendant votre exposé, vous avez mentionné que le Canada dépense 33 $ par habitant pour la radiodiffusion publique et la culture canadienne. Les amis de la CBC et d'autres personnes ont plutôt évoqué des sommes aussi peu élevées que 29 $ par habitant. Bien sûr, les partis qui se sont succédé au pouvoir, peu importe lesquels, ont souhaité au fil des décennies promouvoir la culture canadienne tout en veillant à la rentabilité.
J'aimerais avoir votre opinion. Si j'examine la CBC et Radio-Canada, je ne considère pas que le financement public soit la seule contribution au contenu canadien, à la culture canadienne et à la création de produits culturels canadiens. Je prends en considération Téléfilm Canada, qui reçoit plus de 100 millions de dollars par année et le Fonds des médias du Canada, qui obtient plus de 370 millions de dollars par année. De son côté, la CBC et Radio-Canada reçoivent près de 1 milliard de dollars. En ce moment, c'est plus de 1,4 milliard de dollars. Si je fais un calcul rapide, je constate que la somme de 41,91 $ par habitant est consacrée à la culture canadienne, et ce montant n'inclut pas toutes les subventions accordées par les gouvernements provinciaux pour la production cinématographique en vue d'attirer des producteurs de films dans leur province. Je suppose que si nous incluons les sommes versées à TFO, en Ontario, et à Télé-Québec, et cetera, le montant s'établirait probablement bien au-delà de 42 $ par habitant. J'aimerais obtenir vos commentaires à ce sujet.
Je voudrais que vous alliez un peu plus loin. À mon humble avis, la CBC et Radio-Canada consacrent beaucoup d'argent à la production de bulletins de nouvelles locales et nationales. Il n'est pas question de juger si la société d'État fait un bon travail à cet égard, mais plutôt de déterminer, à votre avis, si cela contribue à promouvoir et à développer le contenu canadien ou tout simplement à informer les Canadiens comme le font tous les autres diffuseurs privés au Canada? Sommes-nous en train de disperser un peu trop les fonds? Ne devrions-nous pas consacrer une plus grande part de ces 1,5 milliard de dollars à la production de documentaires et de films canadiens, qui pourraient être de bonne qualité, et que nous pourrions exporter dans d'autres pays? Je crois que le Canada compte d'excellents acteurs, artistes et interprètes. Quel est le meilleur modèle qui permettrait de leur attribuer le maximum de fonds publics pour se faire valoir?
Il y a beaucoup d'éléments dans cette question. Peut-être avez-vous des commentaires et des réponses?
M. Chodorowicz : Vous avez fait valoir un bon point en ce qui concerne les différents types de soutien public visant à appuyer la création de contenus audiovisuels. Il est vrai que nous avons examiné seulement les sommes accordées par le gouvernement, qui correspondent à 33 $ par habitant. Comme vous l'avez souligné, ce montant est passé à environ 29 $ par habitant lorsque les compressions budgétaires annoncées pour la SRC ont été appliquées.
Comme vous le savez, il y a d'autres sources de soutien public, comme le Fonds des médias du Canada, qui, je pense, a versé près de 300 millions de dollars pour appuyer la production de contenus canadiens. Une partie de cette somme est destinée à la programmation de la SRC, et une partie est également attribuée à la programmation commandée et diffusée par des radiodiffuseurs privés. Il faut prendre cela en considération ainsi que les autres sources de financement que vous avez mentionnées, comme les crédits d'impôt fédéraux et provinciaux.
Le problème, lorsqu'on procède à une comparaison internationale, c'est qu'il est déjà passablement difficile d'obtenir les données au sujet du financement direct des radiodiffuseurs publics dans 18 pays. Alors, si on veut aller un peu plus loin et obtenir des données fiables sur d'autres types de financement provenant de subventions directes et d'incitatifs fiscaux pour tous les pays examinés, il serait très difficile d'effectuer une comparaison juste entre les divers pays. Par exemple, dans le cas du Royaume-Uni, il faudrait obtenir des données fiables sur la part des crédits d'impôt ou des allégements fiscaux qui a été consacrée à la production de films au Royaume-Uni commandés par Channel 4, qui est très active sur le marché des longs métrages. Il faudrait aussi obtenir des données sur les sommes accordées par l'Union européenne qui ont servi à la production de films au Royaume-Uni. Il s'agirait certes d'une analyse exhaustive. Il serait très difficile de comparer les pays entre eux.
Cela dit, il serait peut-être utile d'examiner la situation un peu plus en profondeur au Canada à tout le moins, et de nous assurer que toutes les statistiques à l'appui sont là, pourvu que nous puissions déterminer ce à quoi CBC/Radio-Canada a accès. Ces données devraient ensuite être comparées aux avantages dont bénéficient les diffuseurs privés, ce que nous avons fait dans une certaine mesure à la section 4 de notre rapport, le troisième volet, où nous examinons les avantages indirects qu'offrent certains règlements et certaines règles fiscales aux diffuseurs privés.
La répartition des fonds est très difficile pour un diffuseur public. Je dirais que les diffuseurs commerciaux ont un mandat beaucoup plus clair. Leur principal objectif consiste à attirer des téléspectateurs, ce qu'ils peuvent ensuite vendre aux publicitaires. Dans le système canadien, c'est modéré dans une certaine mesure par des obligations réglementaires relatives à la commande et à la présentation de contenu canadien.
Un diffuseur public a souvent plusieurs mandats. Le mandat de CBC/Radio-Canada, qui est très semblable à celui de la BBC, consiste à informer, à éduquer et à divertir le public. Si l'on essaie de délaisser un mandat au profit d'un autre, on sacrifie la qualité d'un côté ou la capacité de remplir ce mandat. Je pense qu'une distribution des ressources doit s'inscrire dans le cadre d'un examen attentif du mandat que nous avons établi pour notre diffuseur public et de ce que nous voulons qu'il accomplisse.
Dans le cas de la BBC et de bon nombre des autres diffuseurs publics que nous examinons dans le cadre de notre étude, nous n'avons pas trouvé d'exemples où l'on a beaucoup coupé dans les nouvelles. Elles semblent toujours être au premier plan. La BBC a pu maintenir son service de nouvelles de calibre international tout en étant très ambitieuse pour ce qui est du contenu et du divertissement, à un point tel qu'elle a connu beaucoup de succès du côté de l'exportation.
Le président : Avant de céder la parole au sénateur Eggleton, sénatrice Unger, vous avez une question complémentaire à celle posée par le sénateur Housakos?
La sénatrice Unger : Oui.
En ce qui a trait au premier sujet soulevé par le sénateur Housakos, la culture est-elle importante dans le monde? À quel point est-il difficile de vendre la culture, et est-elle toujours pertinente?
M. Chodorowicz : Je pense que la culture est encore très pertinente en tant que question stratégique ou objectif. Je n'ai pas constaté qu'on parle moins à l'échelle internationale de l'importance de soutenir la culture. On surveille ce qui se passe dans l'Union européenne, où l'on a renouvelé l'appui à la culture également. Je ne pense donc pas que la culture ait perdu son importance sur le plan de la politique publique au cours de la dernière décennie.
Le sénateur Eggleton : Pour donner suite aux questions du sénateur Housakos, je veux vous interroger sur les comparaisons que vous avez faites. Vous avez comparé ce qui est offert aux diffuseurs publics dans différents pays. Vous êtes arrivé au montant de 33 $ par habitant. Vous dites que c'est probablement environ 29 $. Le Canada est bien en dessous de la moyenne et est au bas de la liste — en troisième avant-dernière place, en fait.
On a soulevé la question du financement public indirect — au Canada, par exemple, il y a le Fonds des médias du Canada. Vous dites qu'il y a probablement d'autres fonds dans d'autres pays. D'après ce que vous savez des fonds qui sont disponibles pour d'autres diffuseurs publics, ces statistiques sont-elles toujours valides? Peut-on toujours dire que le Canada est bien en dessous de la moyenne des 18 pays? Vous semblez avoir une idée du financement public indirect qui est accordé dans d'autres pays. Pourriez-vous vous exprimer là-dessus, s'il vous plaît?
M. Chodorowicz : J'ai une petite idée, mais je pense qu'il faudrait examiner de façon plus exhaustive les différents types de soutiens auxquels les diffuseurs publics peuvent avoir accès dans d'autres pays.
Étant donné ce que nous savons au sujet du Royaume-Uni et d'autres pays peut-être, si nous examinons la situation au Canada et les autres mesures de soutien qui ont été mentionnées, cela pourrait effectivement changer le montant de 33 $, qui pourrait augmenter. Si nous décidons d'inclure l'argent que CBC/Radio-Canada reçoit du Fonds des médias du Canada et les crédits d'impôts dont elle bénéficie, alors le montant augmenterait certainement.
Je suppose qu'on peut se demander, après avoir examiné les autres pays, et même si leur système n'est pas aussi important que celui du Canada pour ce qui est des autres mesures de soutien, cela changerait-il sensiblement le classement? Le Canada monterait-il vraiment beaucoup dans le classement? Je serais curieux de le savoir.
Je pense qu'on a mentionné que si l'on tient compte de ces autres mesures de soutien, le montant passe à 40 $ par habitant, mais je ne pense pas que cette augmentation nous élève beaucoup dans le classement. Le Canada demeurerait dans le dernier tiers, même si on ne changeait pas le classement des autres pays, ce que l'on ferait bien entendu. Par exemple, l'Australie a également des incitatifs fiscaux pour les productions indépendantes. Il faudrait donc les prendre en considération, ce qui pourrait faire monter l'Australie de quelques rangs dans le classement. Si le Canada monte, alors l'Australie monte et tous les autres pays montent un peu. Il reste à voir comment le classement changerait. Bref, cela ne risque pas d'avoir une grande incidence sur les résultats de notre étude.
Le sénateur Eggleton : C'est ce que je voulais savoir. Le sénateur Housakos a évalué que le montant s'élèverait probablement à environ 42 $, mais c'est tout de même inférieur à la moyenne de 82 $.
Le sénateur Demers vous a posé une question sur la BBC, qui utilise différentes plateformes dans cette nouvelle ère, et vous avez parlé du iPlayer. Pouvez-vous nous dire ce que CBC/Radio-Canada fait sur Internet et les mesures qu'elle prend pour se tenir à jour avec la nouvelle technologie?
M. Chodorowicz : Eh bien, compte tenu de notre emplacement, nous ne pouvons pas vraiment parler en détail des nouvelles plateformes adoptées par CBC/Radio-Canada autant que nous pouvons le faire à propos de la BBC. Dans certains cas, l'accès au contenu de CBC/Radio-Canada est excellent à l'échelle internationale sur les nouvelles plateformes telles qu'iOS, mais dans d'autres cas, pour ceux qui sont à l'extérieur du Canada, il peut être difficile d'accéder au contenu de CBC/Radio-Canada sur les nouvelles plateformes en raison de restrictions géographiques. Les détenteurs de droits de ce contenu accordent un permis à CBC/Radio-Canada pour le distribuer et le présenter au Canada seulement.
C'est frustrant pour certains d'entre nous, amateurs de hockey et de programmes canadiens, car nous n'arrivons pas à avoir l'accès facile que nous estimons être en droit d'avoir, même si nous sommes parfois à l'extérieur du pays.
Au fil des ans, par exemple, dans le cas de la radio satellite, CBC/Radio-Canada a pris des mesures très énergiques pour adopter cette plateforme, qui n'a peut-être pas suscité l'attrait qu'on avait escompté à l'époque.
Pour ce qui est des plateformes de la télévision numérique, CBC/Radio-Canada présente son contenu surtout sur les plateformes télévisées, et plus particulièrement avec sa chaîne de nouvelles, mais dans ce cas-ci, je dirais que CBC/ Radio-Canada est à la merci du CRTC pour ce qui est du nombre de services de télévision numérique qu'elle peut avoir.
Le sénateur Eggleton : Vous avez réalisé deux études. Vous avez également effectué ce que l'on appelle l'étude Westminster, qui a été plus utile pour examiner le rapport qualité-prix que ces mesures statistiques rigides. Dans l'évaluation dont j'ai parlé tout à l'heure, vous avez dit que le Canada était au troisième avant-dernier rang. Mais lorsque vous avez mesuré le rapport qualité-prix dans le cadre de l'étude Westminster, le Canada est arrivé bon dernier. Comment se fait-il? Comment le Canada a-t-il perdu du terrain pour le rapport qualité-prix?
M. Chodorowicz : Je ne sais pas si je l'appellerais l'étude des médias Westminster. C'était un exposé à un déjeuner-conférence sur la radiodiffusion de service public. On a demandé à Nordicity de fournir un peu de contexte international. Nous l'avons fait en présentant un grand nombre des indicateurs qui se trouvent également dans l'étude sur la radiodiffusion de service public qui a été réalisée pour CBC/Radio-Canada, mais nous avons également examiné d'autres indicateurs. Comme vous l'avez souligné, le rapport qualité-prix était l'un d'eux.
Dans ce cas-là, nous avons présenté des données sur les auditoires. Comme je l'ai mentionné plus tôt, des données sur les auditoires sont disponibles dans divers pays, ce qui nous a permis de faire ce que j'appellerais des évaluations rudimentaires du rapport qualité-prix.
Mais pour ce qui est d'une étude commandée en bonne et due forme, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous examinons beaucoup plus attentivement les données sur les auditoires et nous nous assurons qu'elles permettent de comparer des pommes avec des pommes entre les pays. Nous devons également tenir compte, comme je l'ai mentionné plus tôt, de l'environnement concurrentiel dans lequel tous ces pays évoluent.
Bien que la présentation faite devant le Westminster Media Forum ait fourni des renseignements intéressants, elle n'a pas donné lieu à la discussion que nous espérions avoir ce jour-là. Ce n'était pas une étude en bonne et due forme ou une étude exhaustive sur le rapport qualité-prix, mais c'est quelque chose que nous pourrions évaluer dans l'avenir avec ou sans CBC/Radio-Canada.
Le sénateur Eggleton : Merci.
Le sénateur Housakos : J'aimerais poser rapidement une question qui donne suite à la première question que le sénateur Eggleton a posée sur les sources de financement.
La BBC, qui semble être un modèle pour tous, reçoit-elle du financement autre que les deniers publics et les recettes de publicité? Bref, ma question est la suivante : la BBC reçoit-elle du financement provenant de sources à l'extérieur du Royaume-Uni? Quel serait ce financement, et pourquoi recevrait-elle ces fonds?
M. Chodorowicz : Vous parlez de revenus?
Le sénateur Housakos : Des revenus, oui.
M. Chodorowicz : M. Hignell peut peut-être vous parler de la BBC Worldwide.
M. Hignell : La BBC a une division ou une section que l'on appelle la BBC Worldwide, qui a non seulement le mandat de distribuer le contenu de la BBC — des chaînes telles que la BBC World Service — dans le monde entier, mais aussi celui de traiter avec un certain nombre d'entreprises et de gérer ses affaires de façon assez semblable à une entreprise. Elle vend le contenu de la BBC à des diffuseurs dans le monde entier. Elle a beaucoup de succès pour vendre le contenu, ce qui génère des revenus substantiels.
Le sénateur Housakos : Merci.
La sénatrice Unger : Merci, messieurs.
Un témoin qui a comparu devant le comité dans le cadre de la présente étude a fait la déclaration suivante : « Évitez de trop vous intéresser à l'aspect technologique. C'est le contenu qui importe. »
Avant que vous répondiez, j'aimerais vous renvoyer à un article du National Post paru en décembre 2014. On y fait mention que CBC/Radio-Canada n'est pas le diffuseur public et ne cherche pas à présenter des émissions canadiennes, mais plutôt à faire connaître aux Canadiens son opinion éclairée sur la façon dont le monde devrait fonctionner. Pourriez-vous vous prononcer sur le contenu? Est-ce vraiment ce qui importe?
M. Chodorowicz : Nous sommes d'avis que le contenu est très important. Je reconnais qu'on met beaucoup l'accent sur la technologie, surtout lorsque de nouvelles technologies émergent et qu'on pense qu'elles perturberont les modèles traditionnels. Quand la poussière retombera, la qualité du contenu semble toujours être ce qui ressort comme étant la clé du succès.
Je pense que dans une certaine mesure, c'est ce que nous constatons avec les services en marge du réseau tels que Netflix. C'est une nouvelle plateforme, mais elle a vraiment fait ses preuves récemment pour ce qui est de la qualité du contenu qu'elle produit.
Pour revenir à la BBC, qui a toujours porté une attention à la technologie et a fait en sorte qu'elle occupe une place importante sur les nouvelles plateformes, elle n'a certainement pas oublié qu'elle doit continuer de créer du contenu de calibre mondial de très haute qualité pour demeurer concurrentielle. Comme on le dit, le contenu est roi, et je pense que c'est toujours le cas.
La sénatrice Unger : Qu'est-ce que CBC/Radio-Canada ne fait pas, d'après vous? Je répète qu'elle coupe progressivement dans les bulletins de nouvelles en soirée.
Je vis dans l'Ouest canadien, en Alberta, où l'on a coupé substantiellement dans les bulletins de nouvelles, qui sont de moins en moins pertinents dans cette région du pays. Qu'est-ce que la société devrait faire qu'elle ne fait pas?
M. Chodorowicz : Dans le cadre de notre étude, comment pouvons-nous nous attendre qu'elle réalise son mandat comparativement à d'autres diffuseurs publics lorsqu'elle a 50 p. 100 de la moyenne et qu'elle est très loin derrière d'autres diffuseurs publics?
Nous revenons souvent à la BBC qui est, à mon avis, le modèle d'excellence en matière de diffusion publique. Elle fournit un service de nouvelles national. Elle n'est probablement pas assujettie aux mêmes exigences en matière de nouvelles locales que CBC/Radio-Canada. Or, comme vous pouvez le voir dans notre étude, elle assure le service avec un certain niveau de financement — même si l'on ajoutait les recettes publicitaires de 400 à 500 millions de dollars aux crédits qui lui sont alloués, CBC/Radio-Canada est loin de disposer des mêmes ressources que la BBC, et ce, même si leurs obligations en matière de nouvelles ne sont pas tellement différentes.
Comparativement à des diffuseurs dans d'autres pays, les ressources de CBC/Radio-Canada sont utilisées au maximum. C'est ce que j'en conclus en examinant les chiffres et le contexte dans lequel ces deux diffuseurs publics évoluent. La semaine prochaine, les autres membres du comité et vous recevrez un peu plus de détails sur les activités de la BBC. Vous pourrez voir les différences par vous-mêmes.
La sénatrice Unger : Merci.
Le sénateur MacDonald : Messieurs, je veux revenir à la culture. Il y a trois ans ce mois-ci, lorsque Konrad von Finckenstein a quitté ses fonctions à la présidence du CRTC, il a mentionné que l'Internet et la technologie sans fil avaient enlevé aux organismes fédéraux de réglementation leurs armes pour protéger l'identité culturelle.
Nous sommes maintenant en 2015. Il a tenu ces propos il y a trois ans de cela. Avons-nous besoin d'armes pour protéger notre identité culturelle? Le cas échéant, quelles seraient-elles? D'autres pays ont-ils introduit de nouvelles armes pour protéger leur identité culturelle et, le cas échéant, quelles sont-elles?
M. Chodorowicz : Il est évident que c'est une période difficile à cause des nouvelles technologies. Les services en marge du réseau se multiplient au Canada. Si l'on fait un retour en arrière, la situation n'est pas si différente de ce qui s'est passé avec les satellites des marchés gris. C'était une époque difficile pour le système canadien également. Nous avons trouvé une solution canadienne par l'entremise de politiques et de règlements, ce qui a permis aux services canadiens de prospérer dans ce marché particulier. Il y a peut-être un marché gris, mais on n'en entend pas parler autant puisqu'on a Bell Express Vu et Shaw Direct.
Je ne pense pas que ces défis sont insurmontables. Je crois que l'une des meilleures façons de s'y prendre, c'est d'adapter ou de configurer le cadre stratégique et réglementaire au Canada de manière à avoir des champions, des sources nationales de contenu, que ce soit d'avoir une version canadienne de Netflix — Rogers et Shaw sont en train de se lancer dans ce projet — ou de faire en sorte que nos fournisseurs de service mobile puissent profiter au maximum du contenu audiovisuel sur les plateformes mobiles.
Que ce soit la distribution de signaux de télévision ou de télécommunications, les décideurs et les organismes de réglementation se doivent de faire leur part pour aider le marché canadien et de trouver un concurrent national, pour ainsi dire, sur ces autres plateformes.
Une chose qu'il faut dire à propos du Canada, c'est qu'il est dans une situation unique. Aucun autre pays n'est en concurrence directe avec un géant culturel comme les États-Unis. Ce n'est qu'une fois qu'on passe beaucoup de temps à l'extérieur du Canada que l'on s'aperçoit à quel point les médias américains sont omniprésents à la télévision canadienne, et je me rappelle qu'ils étaient très présents à la radio canadienne par les années passées.
C'est un défi auquel le Royaume-Uni n'est pas confronté. D'autres pays non plus, car les émissions américaines doivent être sous-titrées ou doublées dans leur langue. Même dans des pays anglophones comme le Royaume-Uni, on présente des émissions américaines, mais elles ne sont pas diffusées en même temps que sur les réseaux américains, si bien que les téléspectateurs dans ces pays ne sont pas exposés au même contenu publicitaire auquel les téléspectateurs canadiens sont exposés au quotidien.
Je pense que les autres pays, en particulier le Royaume-Uni, ne se préoccupent peut-être pas directement ou activement de ces autres plateformes. Prenons Netflix comme exemple. Au Royaume-Uni, il y a un service concurrent; il appartient maintenant à Amazon, mais il était à l'origine un service britannique appelé LOVEFiLM. Voilà donc un cas où le chef de file sur le marché, même s'il appartient maintenant à une multinationale, était en fait une solution maison, au Royaume-Uni, à cette plateforme émergente de services de TPC. Cet exemple montre comment on peut s'assurer, sous tous les angles stratégiques, que les entrepreneurs canadiens du secteur des médias ont la possibilité de prospérer. Si on leur permet de le faire, ils trouveront pour nous des solutions maison à ces problèmes.
Le président : J'ai quelques questions. Si vous n'avez pas les réponses tout de suite, vous pourrez les faire parvenir au greffier.
Quelle est la structure du conseil d'administration de Channel 4? Quels sont les enjeux de gouvernance? Est-ce la BBC? Est-ce un autre genre de conseil d'administration?
Ensuite, nous avons parlé des revenus publicitaires du Super Bowl. Que fait-on en ce qui concerne la diffusion simultanée de messages publicitaires à la télévision quand les revenus sont générés aux États-Unis? Sont-ils partagés avec le diffuseur local?
Vous avez parlé des 400 millions de dollars de revenus publicitaires de CBC/Radio-Canada. Sauriez-vous quelle est la part de CBC et celle de Radio-Canada, et quelles ont été les conséquences de la perte de quelque 100 millions de dollars causée par le retrait des ondes de l'émission Hockey Night in Canada? Quelle en est l'incidence sur les ratios que vous utilisez depuis le début de votre témoignage?
En général, au sujet des subventions, il a été question de CBC/Radio-Canada, et nous avons parlé de la part de marché. Radio-Canada connaît du succès sur le plan de l'auditoire; des millions de personnes écoutent de nombreuses émissions, ce qui n'est pas nécessairement le cas à CBC. Comment distinguez-vous les deux, lorsque vous réalisez une étude dans laquelle il est question de parts de marché?
M. Chodorowicz : En ce qui concerne les revenus publicitaires, pour CBC, le réseau anglophone, je pense qu'ils sont d'environ 250 millions de dollars. Ces données sont publiées par le CRTC, et nous pourrons vous les faire parvenir après la séance. Nous avons accès à ces données.
Au réseau francophone, je crois qu'ils sont approximativement de 125 millions de dollars. Cela fait donc au total environ 375 millions, tout près de 400 millions de dollars. Voilà comment ils sont répartis.
Pour ce qui est de l'impact de la perte de Hockey Night in Canada, je ne saurais vous dire quelle était la valeur des ventes publicitaires de CBC/Radio-Canada. Je pense que dans la Presse canadienne, on a souvent rapporté qu'elle payait plus de 100 millions de dollars par année pour les droits. J'ignore si des articles ont mentionné quels étaient les revenus publicitaires correspondants, mais nous pourrions vérifier s'il y a eu des rapports ou des études à ce sujet. Vous pourriez poser la question à CBC/Radio-Canada pour obtenir une réponse précise, car nous ne pouvons qu'émettre des hypothèses. Elle a perdu les revenus de Hockey Night in Canada, entre 50 et 100 millions de dollars. Cela représente entre 20 et 40 p. 100 de ce qu'elle perçoit actuellement. Encore une fois, il nous faudrait savoir précisément quels revenus étaient tirés des ventes publicitaires, mais cela représentait probablement une part importante. D'après ce que je comprends, en vertu de la nouvelle entente de retransmission, CBC ne reçoit aucun revenu publicitaire tiré de Hockey Night in Canada, même si elle retransmet les signaux.
Quant à la structure du conseil d'administration, nous pouvons probablement obtenir davantage de renseignements et vous les faire parvenir. Nous n'avons pas l'information actuellement, mais nous pouvons la trouver facilement, car Channel 4 produit d'excellents rapports publics. Nous devrions pouvoir obtenir cette information. Vous en apprendrez plus au sujet de la BBC la semaine prochaine, notamment sur la BBC Trust, qui est un organisme de gouvernance indépendant qui supervise la BBC. Elle ne reçoit pas de crédits parlementaires. Elle perçoit les droits de licence de télévision, et c'est la BBC Trust qui gère cet argent.
Vous avez demandé comment on peut distinguer la part de marché du réseau francophone de celle du réseau anglophone; c'est une bonne question. Si nous voulions le faire adéquatement, nous devrions probablement scinder les deux marchés. Nous devrions peut-être examiner, dans le cadre d'une étude exhaustive, le marché anglophone et le marché francophone canadiens de la télévision afin d'obtenir les bons ratios pour l'évaluation de l'optimisation des ressources. L'approche consistant à les combiner présente peut-être des lacunes.
Le sénateur Plett : Je voudrais faire une petite observation et poser ensuite deux brèves questions. Je ne suis pas déçu du rapport ni du témoignage des messieurs qui sont ici aujourd'hui. Je pense qu'ils ont fait exactement ce que CBC/ Radio-Canada leur a demandé de faire, mais je suis déçu que CBC/Radio-Canada n'ait pas cherché davantage à comparer l'effectif-téléspectateurs avec le financement public qu'elle reçoit, car à mon sens, il y a un lien direct à faire entre les deux. On nous a dit encore aujourd'hui que les États-Unis ont le niveau le moins élevé de financement, mais qu'ils ont le meilleur rendement. Nous n'avons pas ces comparaisons dans ce rapport. Je suis sûr que CBC/Radio-Canada ne l'a pas demandé, et cela me déçoit.
Vous avez mentionné le fait que la situation dans laquelle nous nous trouvons par rapport aux États-Unis est unique. J'aimerais que vous nous parliez de la concurrence qui existe dans les autres pays. En Norvège, le financement public par habitant est de 180 $. Au Canada, CTV, Global et CBC/Radio-Canada se font concurrence. L'un des radiodiffuseurs reçoit des fonds publics, les autres, non. Dans les pays scandinaves, existe-t-il également une concurrence directe avec les radiodiffuseurs privés?
Enfin, j'aimerais savoir si on tient compte, dans ce rapport, du fait qu'un tiers de la population canadienne ne paie pas d'impôt. Comment cela se compare-t-il aux autres pays où ce financement existe, en considérant que si nous ne tenons pas compte du tiers de la population qui ne paie pas d'impôt et que nous utilisons les chiffres que nous a donnés le sénateur Housakos tout à l'heure, qui incluent notamment le financement provincial, notre niveau de financement augmenterait soudain considérablement? Les résultats correspondraient-ils le moindrement à ceux des pays scandinaves, compte tenu de la concurrence à laquelle ces pays font face?
M. Chodorowicz : La deuxième question portait sur la possibilité de ne pas tenir compte du tiers de la population qui ne paie pas d'impôt. Est-ce bien cela?
Le sénateur Plett : Je peux faire moi-même le calcul et déterminer si nous devrions ou non en tenir compte. Ma question est plutôt : comment cela se compare-t-il aux pays scandinaves dont le niveau de financement est élevé? Est-ce qu'un tiers des Norvégiens ne paient pas d'impôt? Je parle de faire une comparaison. Je peux déterminer moi-même ce qui arriverait si nous ne comptions pas un tiers de notre population. Je veux une comparaison.
M. Chodorowicz : Dans les pays européens, dans les pays scandinaves et au Royaume-Uni, le financement ne provient pas de crédits parlementaires, mais des droits de licence perçus auprès des ménages. Nous devrions vérifier le pourcentage de ménages qui paient ces droits de licence.
Je ne saurais dire pour la Scandinavie, mais au Royaume-Uni, certaines exemptions permettent aux gens de ne pas payer les droits de licence. Par exemple, je pense que les gens de 65 ans et plus n'ont pas à les payer; et il peut y avoir d'autres exemptions fondées sur les moyens.
Dans le cas du Royaume-Uni, nous ne tiendrions pas compte de la population totale, mais d'une partie de la population, en déterminant qui paie les droits de licence. Certaines personnes peuvent éviter de payer les droits de licence et d'autres ne les paient pas parce qu'elles n'ont pas de télévision ou qu'elles regardent les émissions diffusées sur Internet. Nous tiendrions compte de ces exemptions.
Le sénateur Plett : Puisqu'il s'agit de droits de licence, sont-ils calculés par téléviseur, ce qui voudrait probablement dire par ménage, à moins qu'il y ait deux téléviseurs dans la maison? Ce ne serait pas par personne; c'est différent si nous parlons de 180 $ par télévision comparativement à 33 $ par personne. Nous sommes maintenant deux à la maison, mais nous avons eu quatre garçons. Si nous multiplions 33 $ par six, nous en sommes à un peu plus de 180 $.
M. Chodorowicz : Dans l'étude, nous avons pris le total des revenus provenant des ménages, soit tant de milliards de livres que nous avons converties en dollars canadiens, puis nous avons divisé le montant par le nombre d'habitants. Dans l'étude, tout est calculé en comparant des pommes avec des pommes.
Si nous voulons tenir compte du fait que les Canadiens ne paient pas tous de l'impôt, alors nous devons aussi tenir compte du fait que les ménages ne paient pas tous des droits de licence et que les personnes qui composent ces ménages ne paient pas toutes de l'impôt non plus. On pourrait faire dans tous les pays des modifications semblables à celles qui seraient faites au Canada.
Le sénateur Plett : Il aurait sans doute fallu faire ces modifications afin d'obtenir une évaluation juste. Quoi qu'il en soit, je vous remercie de votre commentaire.
Je vais utiliser l'exemple de la Norvège, car ce pays a le montant le plus élevé. Quelle concurrence doit-elle affronter? CBC/Radio-Canada a comme concurrents CTV, Global et un tas de stations américaines. À quelle concurrence la Norvège doit-elle faire face?
M. Chodorowicz : Je ne peux pas dire exactement ce qu'il en est du marché norvégien.
Le sénateur Plett : Alors, parlez-nous du marché suisse ou allemand.
M. Chodorowicz : Puis-je utiliser l'exemple du marché britannique?
Le sénateur Plett : Bien sûr.
M. Chodorowicz : Au Royaume-Uni, la BBC a un niveau de financement assez élevé, elle aussi, mais pas autant que la Norvège; et ce n'est certainement pas en raison de la force de la livre en 2011. Même si la BBC est le chef de file, elle est confrontée à une vive concurrence de la part des radiodiffuseurs privés. Il y a des radiodiffuseurs privés autorisés, comme ITV et Channel 5; ils correspondraient aux radiodiffuseurs en direct au Canada. Ils vendent de la publicité et ils ont aussi des obligations réglementaires en matière de promotion du contenu national.
Outre les radiodiffuseurs traditionnels en direct ou les radiodiffuseurs autorisés, il y a une autre source importante de concurrence, soit les chaînes semblables aux chaînes spécialisées, nombreuses au Royaume-Uni. N'oubliez pas que la surveillance réglementaire est différente en ce qui concerne les licences; il est donc beaucoup plus facile pour une chaîne spécialisée américaine de pénétrer le marché du Royaume-Uni. Il y a ensuite Sky, ainsi que BSkyB, qui offre un service supérieur.
Il existe d'autres sources de concurrence, mais en général, elles ne sont pas aussi directes qu'ici, au Canada. Lorsque les Canadiens allument leur téléviseur, ils ont tout de suite accès aux services « trois plus un » des grands réseaux américains. Au Royaume-Uni, il y a des radiodiffuseurs privés qui sont aux niveaux inférieurs ou dans les valeurs inférieures du guide de programmation électronique, mais ce sont des radiodiffuseurs britanniques. Il faut vraiment aller vers les chaînes de numéros supérieurs, si l'on veut, pour trouver quelque chose s'apparentant à la programmation américaine, c'est-à-dire à ce que les radiodiffuseurs américains vont diffuser. On n'aura jamais accès à une alimentation directe d'émissions américaines comme dans le marché canadien. Il n'y a pas de comparaison possible sur le plan de la concurrence.
Le sénateur Plett : Merci.
Le président : Je voudrais rappeler aux membres du comité qu'après la séance, nous aurons une réunion spéciale pour la délégation qui se rendra en Grande-Bretagne.
Y a-t-il d'autres questions?
Le sénateur Eggleton : Je pense que nous ne devons pas oublier, quand nous parlons de l'industrie américaine du divertissement, qu'elle est financée par une population 10 fois plus importante que la nôtre. C'est une énorme source de revenus que nous n'avons pas. Nous devons faire face à ce genre de concurrence pour pouvoir raconter nos histoires. Il n'est pas facile d'être confrontés à l'industrie américaine du divertissement. Il n'y a pas beaucoup d'autres pays qui le sont, en raison des différences linguistiques. Même Radio-Canada n'a pas ce problème. Ils ont une protection linguistique contre l'industrie américaine du divertissement que n'ont pas les réseaux anglophones canadiens.
Je voudrais vous poser une question au sujet des parts de marché. Aujourd'hui, j'ai reçu une lettre du président de CBC dans laquelle il mentionne la part de marché de CBC, et elle est respectable. Elle est inférieure à celle de CTV, qui diffuse principalement des émissions américaines, mais supérieure à celle de Global. Évidemment, CBC présente du contenu canadien aux heures de grande écoute. Elle a une part de marché de 8,2 p. 100. De nos jours, compte tenu du grand nombre de chaînes auxquelles nous avons accès dans l'univers télévisuel, ce n'est pas mal du tout. CTV a une part de marché de 12,3 p. 100.
Dans sa lettre, il souligne également que ce n'est pas seulement une question de part de marché. Il parle de la portée. Il dit que le nombre total de téléspectateurs qui regardent CBC atteint 89 p. 100; c'est donc 89 p. 100 de tous les Canadiens qui regardent chaque mois la télévision de la CBC.
Pourriez-vous nous parler des types de mesure, de la part de marché par rapport à la portée?
M. Chodorowicz : Les analyses et les recherches portant sur les auditoires sont un domaine bien précis. Il faut beaucoup de connaissances et d'expérience pour s'y retrouver dans ces diverses mesures. C'est l'une des raisons pour lesquelles, si nous voulons faire une analyse complète de l'optimisation des ressources, nous devons la faire conjointement avec une expertise dans l'analyse de l'auditoire. Comme je l'ai indiqué plus tôt, l'étude du Westminster Media Forum était un examen rudimentaire et ne tient pas compte de toutes les mesures de l'auditoire sur le plan de la part de marché et de la portée, comme vous l'avez dit. Si nous voulions faire une comparaison à l'échelle internationale, ces indicateurs devraient être inclus et les analyses devraient être effectuées en fonction de chaque pays.
J'aimerais bien vous en parler davantage, mais seule une personne possédant des connaissances liées à l'analyse de l'auditoire peut vous expliquer précisément la différence entre la part de marché et la portée. Je connais un peu ce type de points de données, mais ils ont des définitions très précises.
Le sénateur Housakos : Nous avons examiné ces tableaux et entendu des chiffres toute la journée, et les chiffres peuvent être révélateurs. Au bout du compte, les chiffres les plus importants pour les radiodiffuseurs sont ceux de BBM et des revenus publicitaires. Les annonceurs sont très avisés et ils ne sont pas subjectifs lorsqu'il s'agit de décider où ils doivent investir leur argent. La réalité, c'est que notre radiodiffuseur national a perdu des ressources publicitaires importantes, et c'est un problème.
Pour tout dire, messieurs, je suis un peu déçu aujourd'hui, car j'ai entendu votre version tout au long du débat à ce comité. La seule solution que vous semblez proposer, c'est de dépenser davantage; nous ne dépensons pas suffisamment. Votre principal argument aujourd'hui était représentatif de cette stratégie et de cette perspective : regardez la Norvège, regardez la Suisse, regardez l'Allemagne, et regardez ce pauvre Canada, avec 33 $ par habitant.
J'ai une dernière question. Selon votre graphique et vos chiffres, parmi les cinq pays qui dépensent le plus, il y a la Norvège, l'Allemagne, la Suisse et le Danemark. Je regarde le graphique relatif à l'optimisation des ressources, la part d'auditoire par habitant et le nombre d'auditeurs nationaux selon le financement public par habitant. Quand je regarde ces deux graphiques, pour l'auditoire, je vois que tout en bas, à côté du Canada, il y a l'Allemagne, le Danemark, la Suisse et la Norvège. La Norvège dépense six fois plus que le Canada, mais elle attire des auditoires à peine meilleurs que les nôtres. L'Allemagne et la Suisse dépensent cinq fois plus que le Canada, mais elles ont un auditoire à peine plus important que le nôtre, et c'est la même chose pour le Danemark. Comment expliquez-vous cela? Y a-t-il autre chose que nous puissions faire, à part dépenser davantage?
J'ai déjà été en affaires. Quand mes gestionnaires de division venaient me voir, à la fin d'un trimestre ou d'une année, et me disaient que leurs ventes, leurs revenus et leurs profits étaient en baisse, croyez-moi, la première chose que je voulais savoir, c'est où se situait le marché, et la deuxième, c'est quelle était leur stratégie. Ensuite, je décidais si j'investirais davantage dans cette division. Ce n'était pas la première question que je me posais.
Voilà qui met fin à mes questions. Vous aurez peut-être quelques observations à formuler à ce sujet.
M. Chodorowicz : Vous avez souligné, je crois, que dans le cadre d'une analyse de l'optimisation des ressources, on doit examiner toutes les subtilités des divers marchés et pays, déterminer ce qu'ils font avec leur financement, combien ils consacrent au contenu présenté à l'écran comparativement aux émissions de nouvelles, et quelle en est l'incidence sur leur part d'auditoire. Il y a de nombreux facteurs à considérer. Nous avons parlé des divers marchés concurrentiels ou de la concurrence à laquelle font face ces pays, et il faut tenir compte de cet aspect.
Je vous recommanderais de ne pas tirer trop de conclusions fondées sur ce que j'ai décrit comme une comparaison rudimentaire des pays sur le plan de l'optimisation des ressources ou des recettes totales par rapport à l'auditoire.
Il nous faudra déterminer ce qui se passe précisément dans les pays scandinaves et pourquoi leur financement par habitant est élevé alors que leur part d'auditoire est plus faible. C'est peut-être tout simplement parce qu'ils ont une tradition très différente ou qu'ils se sont engagés à avoir un radiodiffuseur public qui sert de voix ou d'entité impartiale dans leur système de radiodiffusion; ils jugent donc que cela nécessite un certain niveau de financement.
L'une des choses que nous examinons, dans notre étude, c'est la relation entre les niveaux de financement et les avantages potentiels. Il se peut que les pays scandinaves estiment que les avantages potentiels sont beaucoup plus importants et qu'ils financent donc leurs radiodiffuseurs publics à la mesure de ces avantages.
Quant aux mesures à prendre, dans le cadre de notre étude, nous avons examiné les données de 18 pays, et le Canada semble se trouver très loin de la moyenne ou même du milieu du peloton. Il semble être en quelque sorte un cas particulier sur le plan du financement. Si nous tenions compte du Fonds des médias du Canada et des crédits d'impôt, nous pourrions nous rapprocher du milieu du peloton, mais comme nous l'avons souligné plus tôt, ces choses doivent être prises en compte dans les autres pays, et cela ne changera donc pas beaucoup le classement ou les résultats. Nous nous trouverons peut-être encore dans une position où nous devrons examiner ou prendre en compte notre niveau de financement par rapport aux pays comparables au nôtre, simplement pour nous rapprocher du milieu du peloton.
Comme vous l'avez souligné, avant d'injecter des fonds, il est important que nous examinions la façon dont on fait les choses et si on les fait le plus efficacement possible. Il y a deux éléments importants. Lorsqu'on a déterminé qu'on a la bonne stratégie et qu'on fonctionne le plus efficacement possible, on doit tout de même faire face, sur le plan de la programmation, à la concurrence des États-Unis, un pays dont la population est 10 fois supérieure à la nôtre. De plus, les recherches que nous avons effectuées pour les études précédentes ont montré qu'en ce qui concerne la programmation télévisuelle, ils disposent de budgets 10 fois plus élevés que les budgets moyens au Canada. Il est très difficile de soutenir la concurrence dans ces conditions, même en faisant preuve d'un maximum d'habilité et d'efficacité. Tôt ou tard, on doit consacrer des ressources à la programmation afin d'obtenir un niveau de qualité qui plaira aux téléspectateurs.
Le président : Chers collègues, je sais que vous avez d'autres questions, mais le comité de direction, le sénateur Housakos et le sénateur Eggleton doivent se réunir immédiatement dans la salle 7.
Je tiens à remercier les témoins de Nordicity de leur excellente participation.
Demain, nous entendrons un représentant de l'Association canadienne des distributeurs et exportateurs de films.
(La séance est levée.)