Délibérations du Comité permanent de la
Régie interne, des budgets et de l'administration
Fascicule no 10 - Témoignages du 2 mars 2017
OTTAWA, le jeudi 2 mars 2017
Le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration se réunit aujourd'hui, à 8 h 32, en séance publique, conformément à l'article 12-7(1) du Règlement, pour étudier des questions financières et administratives, puis à huis clos, conformément à l'article 12-7(1) du Règlement, pour étudier des questions financières et administratives.
Le sénateur Leo Housakos (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour chers collègues.
J'aimerais que nous commencions par le premier point à l'ordre du jour, soit l'adoption du procès-verbal du 16 février 2017, la partie publique de la séance. Avez-vous des questions à cet égard?
La sénatrice Jaffer : Je propose une motion en vue de son adoption.
Le président : La sénatrice Jaffer propose la motion. Tout le monde s'entend à ce sujet, je l'espère. Il n'y a pas de question. Merci.
Nous passons maintenant au deuxième point. Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui une ancienne collègue qui siégeait au Sénat lorsque j'ai été nommé sénateur en 2009. La sénatrice Carstairs a eu une brillante carrière, tant ici, au Sénat, que partout ailleurs où elle a côtoyé des gens. Elle a demandé de comparaître devant nous au sujet de la question des frais juridiques, et c'est avec plaisir que le comité entendra son court exposé. Nous passerons aux questions par la suite.
Sénatrice Carstairs, la parole est à vous.
L'honorable Sharon Carstairs, C.P., ancienne sénatrice, à titre personnel : Je vous remercie, sénateur Housakos et honorables sénateurs.
J'ai siégé au Sénat pendant 17 ans. Ici et à diverses périodes, j'ai siégé comme leader du gouvernement au Sénat; leader adjointe du gouvernement au Sénat; présidente du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles; présidente du Comité spécial sur les soins de fin de vie; présidente du Comité spécial sur le vieillissement; et, enfin, coprésidente du Comité de la Bibliothèque. J'ai été membre du comité spécial de mise à jour du rapport intitulé De la vie et de la mort; de ce comité-ci; du Comité du Règlement; du Comité sur les conflits d'intérêts; du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie; du Comité des peuples autochtones; du Comité des droits de la personne; et, enfin, du Comité de sélection.
Je suis l'auteure de deux mises à jour du comité sur la fin de vie. De plus, j'ai donné des séminaires destinés aux nouveaux sénateurs pendant neuf ans, et aux pages pendant au moins autant de temps. J'ai été directrice de publication de trois recueils intitulés Pages de réflexion. J'ai siégé à titre de membre du Comité des droits de l'homme des parlementaires de l'UIP pendant sept ans et j'en ai été la présidente pendant plusieurs années, un poste auquel j'ai été élue par 150 pays.
Somme toute, ma carrière au Sénat a été très bien remplie.
Au cours de mes 17 années de service, aucune de mes demandes n'a été contestée par la Direction des finances du Sénat. En effet, le seul message que mon bureau a reçu m'indiquait qu'il y a des demandes que j'aurais pu faire, mais j'avais choisi de ne pas les faire. J'étais fière de cet endroit et des travaux que j'y menais, et c'était un honneur pour moi de servir.
Cependant, 18 mois après mon départ, le Sénat s'est lancé dans un processus qui, non seulement était injuste, mais coûtait très cher. J'ai alors eu l'impression que mes 17 années de travail avaient perdu beaucoup de valeur. Dès le départ, le processus d'audit approuvé par le Sénat était injuste pour les sénateurs à la retraite, en particulier pour ceux d'entre nous qui avaient pris leur retraite de nombreux mois avant qu'on demande au vérificateur général de mener l'audit. On ne nous a jamais invités à la réunion d'information du vérificateur général et nous avons dû nous renseigner nous-mêmes à l'aide d'une copie de la présentation PowerPoint. Nous avons été forcés de nous présenter au bureau du vérificateur général ou, pour ceux d'entre nous qui ne vivent pas à Ottawa, de participer aux enquêtes par téléphone ou par écrit.
Alors que les sénateurs qui siégeaient toujours ont été interrogés dans leur bureau avec du personnel, s'ils le souhaitaient, de notre côté, nous nous sentions comme si nous étions en terrain ennemi. Nous avons effectué toute la recherche nous-mêmes puisque nous n'avions pas de personnel. Nous n'avions pas non plus accès à nos ordinateurs ou à nos BlackBerry, qui contenaient la majeure partie des renseignements, car ces appareils avaient été remis au Sénat au moment de notre départ à la retraite et nos données avaient vraisemblablement été retirées de ces appareils.
En outre, lorsque j'ai pris ma retraite, j'ai demandé à la Direction des finances du Sénat si je devais conserver mes dossiers financiers. On m'a informée que parce qu'il n'y avait jamais eu de problème, je ne devais pas hésiter à les détruire, ce que j'ai fait. Heureusement pour moi, mon adjoint exécutif avait conservé mes programmes de déplacements sur un CD et a été en mesure de les récupérer, et mon employée contractuelle avait conservé des copies de tous mes discours sur son ordinateur personnel.
Au cours de ma dernière année au Sénat, j'ai prononcé 31 discours au pays qui portaient surtout sur les soins palliatifs et le vieillissement de notre société, sur la base des rapports approuvés à l'unanimité par le Sénat, ce qui explique pourquoi, souvent, je n'étais ni à Winnipeg ni à Ottawa.
De plus, chaque année, je voyageais à l'étranger pendant 28 jours à titre de représentante du Canada au Comité des droits de l'homme des parlementaires de l'UIP, qui œuvre à la défense des parlementaires qui ont été assassinés, qui sont portés disparus ou qui ont été privés de leurs droits par leur Parlement.
J'ai eu plusieurs conversations en personne avec les deux vérificateurs auxquels avait été confié mon dossier. Au cours de l'une de ces conversations, au sujet de la question du lieu de résidence, j'ai demandé ceci : si l'Agence de revenu du Canada me considérait comme une Manitobaine puisque je payais mes impôts au Manitoba; si Élections Canada et Élections Manitoba me considéraient comme une Manitobaine puisque je votais dans cette province; si le ministère de la Santé du Manitoba me considérait comme une Manitobaine parce que j'avais une carte santé de la province; et si Manitoba Motor Vehicles me considérait comme une Manitobaine parce que j'avais un permis de conduire émis par la province et que mes deux véhicules, celui que je conduisais au Manitoba et celui que je conduisais à Ottawa, étaient immatriculés et assurés au Manitoba; pourquoi ne me considérait-on pas comme une Manitobaine?
On m'a répondu que c'était en raison de l'audit qu'a mené Deloitte sur les sénateurs Brazeau, Wallin et Duffy 18 mois après mon départ du Sénat, et cela laissait entendre que le lieu de résidence était déterminé par le nombre de jours passés dans la province que nous représentions. Lorsque j'ai dit qu'il n'existait aucune règle au Sénat sur le temps passé dans la province, les vérificateurs ont dit que parce que le Sénat avait accepté l'audit de Deloitte, il avait également accepté ce principe. Toutefois, comme nous le savons tous, il n'y a jamais eu de règles au Sénat sur le nombre de jours que les sénateurs passent dans la province qu'ils représentent, et c'est encore le cas.
Le Sénat savait, dès le dépôt du rapport du vérificateur, qu'il n'existait aucune règle sur le lieu de résidence et, à mon avis, il avait l'obligation de donner des précisions aux deux sénateurs à la retraite, soit Bill Rompkey et moi, pour qui la seule question était liée à la résidence. Vous avez choisi de ne pas le faire. Il est vrai qu'en mars 2013, vous avez resserré les règles sur le lieu de résidence concernant l'acceptation d'une allocation de logement pour une résidence secondaire. Or, sénateurs, j'avais respecté toutes ces nouvelles exigences de 1994 à 2011, la période durant laquelle j'ai siégé au Sénat.
La deuxième conversation que j'ai eue avec les deux vérificateurs a eu lieu après le témoignage qu'a livré Mark Audcent, l'ancien légiste, au procès du sénateur Duffy. M. Audcent avait dit qu'il n'existait aucune règle sur le temps que le sénateur avait passé dans la province qu'il représentait, et il avait aussi témoigné au sujet de la question des résidences principales et secondaires.
Les vérificateurs ont dit qu'ils étaient au courant de son témoignage, mais qu'ils n'étaient pas d'accord avec lui. J'étais abasourdie, car c'est à M. Audcent que je m'adressais lorsque j'avais besoin d'explications sur les règles. Je croyais que c'était lui la personne-ressource pour les autres sénateurs également puisqu'il avait rédigé la plupart des règles.
Je n'ai également pas réussi à leur faire comprendre que le Règlement administratif du Sénat, le RAS, et les Lignes directrices régissant les déplacements des sénateurs étaient les deux documents qu'un sénateur consulterait en ce qui concerne les déplacements. Le contenu du règlement et des lignes directrices était clair, et il l'est encore. Tous les sénateurs avaient droit à quatre points de déplacement après leur départ à la retraite, peu importe leur lieu de résidence, dans le but de fermer leur bureau ou mener des travaux parlementaires qui, comme nous le savons tous, ne se déroulent pas uniquement à Ottawa.
Les règles n'excluaient pas de ce droit les sénateurs qui n'avaient qu'un lieu de résidence. Je n'ai fait une demande que pour un seul des quatre points. Mon déplacement incluait une entrevue à la télévision, un discours prononcé dans une école, une entrevue avec la personne embauchée à contrat au Manitoba, et une rencontre avec la directrice générale du Portail canadien en soins palliatifs, un programme que j'avais aidé à mettre sur pied lorsque j'étais leader du gouvernement au Sénat et ministre responsable des soins palliatifs.
Le Portail canadien en soins palliatifs aide 1,5 million de personnes chaque année en donnant des conseils utiles à des patients et à des familles dans les deux langues officielles. J'ai été en mesure fournir au vérificateur général des courriels contenant de l'information sur ces activités. J'estimais toujours qu'il n'était pas nécessaire d'embaucher un avocat, car j'étais convaincue que j'avais toujours respecté la lettre et l'esprit des règles du Sénat.
C'est seulement après avoir reçu une lettre du Président — qui était également le président du Comité de la régie interne —, qui m'a été remise en main propre le 5 juin 2015 et dans laquelle on indiquait que mon dossier avait été soumis à la GRC, que j'ai compris qu'il me fallait embaucher un avocat. J'ai reçu la lettre avant que le rapport du vérificateur général soit déposé au Sénat, ce qui ne s'est pas fait avant le 9 juin 2015. J'étais dévastée.
Les neuf sénateurs dont les dossiers avaient été envoyés à la GRC ont été vilipendés par les médias. Même si la GRC a déclaré plus tard qu'il n'appartenait pas au vérificateur général ou au Sénat de déterminer s'il y avait eu comportement criminel — et par conséquent, les 30 sénateurs visés par le vérificateur général feraient l'objet d'une enquête —, on s'intéressait uniquement aux neuf dossiers que le Président avait envoyés à la GRC. Les articles du Winnipeg Free Press, par exemple, portaient essentiellement sur le sénateur Rod Zimmer et moi, bien que dans mon cas, les données utilisées correspondaient à l'argent que j'avais dépensé durant mes déplacements et non au montant que le vérificateur général avait dit qu'il pensait que je devais, soit 7 528 $, qu'il a attribué à une déclaration inexacte de résidence principale.
En faisant une recherche sur moi dans Google, vous constaterez que dans Wikipedia, on mentionne toujours que je fais l'objet d'une enquête de la GRC. Jusqu'à tout récemment, on indiquait sur le site web du Sénat que je devais de l'argent, ce qui, ma foi, n'est pas vrai, et ne l'a jamais été.
À la mi-mai, avant le dépôt de l'audit, j'ai appris par un appel du bureau du gouverneur général que j'avais été nommée membre de l'Ordre du Canada et qu'une annonce serait faite à cet égard le 1er juillet 2015. Après le dépôt de l'audit, bien que le bureau du gouverneur général m'avait assuré que tous les documents avaient été signés, il m'a appris que l'annonce serait remise à plus tard. Une fois encore, on supposait que j'étais coupable avant même que je puisse prouver mon innocence. L'annonce a été faite le 1er juillet 2016, soit un an plus tard.
Les dirigeants du Sénat ont annoncé un processus d'arbitrage. J'ai essayé, avec l'aide de mon avocat, d'assister à la séance de deux jours avec l'ancien juge Ian Binnie afin de comprendre le processus. J'ai été refusée parce que je n'avais pas signé l'entente. Mon avocat était d'avis que si je ne connaissais pas le processus à suivre, il était injuste pour moi de suivre ce processus pendant que je faisais l'objet d'une enquête de la GRC. Le processus du juge Binnie concernant l'interrogation des sénateurs s'est terminé avant que j'apprenne, le 11 février 2016, par un appel de Michel Patrice, que la GRC avait ouvert et ensuite fermé son dossier d'enquête à mon sujet et qu'aucune accusation ne serait portée. C'était deux mois avant que soit rendu le verdict dans l'affaire Duffy.
Il était essentiel pour moi de retenir les services d'un avocat puisque j'étais menacée de poursuite civile par le Sénat, une menace annoncée dans le processus d'arbitrage en juin 2015. Ce n'est qu'à l'automne 2016 que j'ai su que je pouvais me prévaloir à nouveau du processus d'arbitrage; je croyais qu'il s'était terminé en septembre 2015. Cependant, entre-temps, le verdict sur l'affaire Duffy avait été rendu, et un processus d'arbitrage basé sur la nécessité pour moi de prouver mon innocence par rapport à la nécessité pour le Sénat de prouver ma culpabilité ne semblait pas juste, car selon mon avocat et moi, le principe de présomption d'innocence est garanti pour les Canadiens.
Mes frais juridiques se sont élevés à 82 023,10 $, ce qui est 11 fois plus élevé que les 7 528 $ que le vérificateur général croyait que je devais rembourser. Mes avocats ont grandement réduit les frais compte tenu de l'injustice que je subissais.
En mai 2016, j'ai demandé de l'aide pour mes frais juridiques, après que la cour a rendu sa décision dans l'affaire Duffy, le 21 avril 2016. À ce moment-là, mon avocat a également envoyé des lettres qui montraient clairement que je n'avais enfreint aucune règle du Sénat. On m'a informée que le comité de direction avait rejeté ma demande parce que je n'avais pas cherché à obtenir de paiement avant de recourir à des services juridiques.
Après avoir fait cette demande initiale pour le paiement des frais juridiques, j'ai encore eu des dépenses considérables à assumer, car dès le départ, cette institution menaçait de me poursuivre. Vous et votre avocat avez reçu de nombreux messages de la part de mon avocat concernant votre menace de poursuite. Le paragraphe 2.5.2(1) auquel vous faites référence concernant le rejet de ma demande par le comité de direction stipule qu'un paiement n'est habituellement pas accordé avant qu'une demande soit faite. Il ne s'agissait guère d'une situation habituelle. Il ne s'agissait pas ici d'une poursuite intentée contre le Sénat ou un sénateur. C'est plutôt que le Sénat menaçait de poursuivre une ancienne sénatrice, et les menaces se sont poursuivies malgré les arguments clairs présentés par mon avocat.
À mon avis, cela a toujours été une affaire entre moi et le Sénat. À vrai dire, si mon dossier n'avait pas été confié à la GRC, j'aurais bien pu faire ce qu'ont fait tant d'autres sénateurs, soit payer le montant pour régler toute l'affaire et, comme bon nombre d'entre eux l'ont dit, non pas parce que je croyais devoir de l'argent aux contribuables. Cependant l'envoi de mon dossier à la GRC a fait en sorte qu'on a mis en doute mon honnêteté et mon intégrité, qui n'avaient jamais été remises en question en 27 ans et demi de service public, et de toute ma vie.
J'ai embauché un avocat parce que le Président a envoyé mon dossier à la GRC sans même que je bénéficie d'un processus équitable. L'argent que je devais prétendument rembourser représentait moins de 0,75 p. 100 de l'argent qui était dû selon le vérificateur général, et je vous rappelle que mes frais juridiques sont 11 fois plus élevés que le montant que je devais supposément.
Il n'y a rien de juste là-dedans. J'ai continué à payer des frais juridiques à cause de menaces de la part de l'institution que j'avais servie.
Je pense que la simple justice exige que ce comité accepte la responsabilité de ces frais. Je suis convaincue que si on m'avait donné l'occasion de me faire entendre devant ce comité ou devant tout le Sénat, je n'aurais jamais eu à recourir aux services d'un avocat et je n'aurais jamais eu à subir ces coûts, car j'aurais pu prouver que je n'avais jamais enfreint la lettre ou l'esprit des règles de cet endroit.
Mesdames et messieurs, j'ai servi ici au meilleur de mes capacités. En raison des mesures prises par cette institution, ma réputation de personne honnête et intègre a été remise en question et ternie. De plus, le processus a coûté cher. Je crois que c'est une simple question de justice que cette institution accepte une partie de la responsabilité. Je crois qu'il serait juste qu'on paie mes frais juridiques.
Le président : Merci, sénatrice Carstairs.
Avant de passer à la liste de sénateurs qui veulent poser des questions, je tiens aussi à mentionner à nos collègues que nous n'avons certainement pas l'intention ou l'objectif de revenir sur le rapport du vérificateur général. Le comité a décidé il y a un certain temps de ne pas se prononcer sur le rapport, et nous avons fait de notre mieux pour éviter de le faire. C'est également la raison pour laquelle nous avons créé le processus d'arbitrage.
Je tiens également à souligner trois points importants pour vous expliquer pourquoi le comité directeur et le Comité de la régie interne ont pris à l'époque de telles décisions. Nos décisions se fondent toutes sur des politiques du Sénat. Premièrement, le remboursement de frais juridiques sans obtenir au préalable l'approbation du comité directeur ou du Comité de la régie interne contrevient évidemment aux politiques.
Deuxièmement, toujours selon nos politiques, les demandes de remboursement concernant des frais juridiques ou la représentation par un avocat dans les cas où plane la possibilité d'une poursuite contre le Sénat sont également inappropriées.
Troisièmement, il ne faut pas oublier que tous les sénateurs pouvaient se présenter devant l'arbitre dans le cadre d'un système prédéterminé. Les sénateurs à la retraite et les sénateurs actifs pouvaient s'en prévaloir.
Avant de passer aux séries de questions, après avoir attendu le témoignage de la sénatrice Carstairs, je tiens également à souligner que les dossiers de tous nos collègues ont évidemment été renvoyés à la GRC aux fins d'examen. À la suite de son analyse minutieuse, la GRC a déclaré catégoriquement qu'aucun de ces cas ne justifiait la tenue d'une enquête. Je tenais à le préciser.
La sénatrice Batters : Je vous remercie énormément de votre présence ici aujourd'hui, madame Carstairs.
Je n'étais pas au Sénat lorsque vous y étiez, mais je tiens certainement à dire d'entrée de jeu que j'éprouve vraiment de la sympathie à l'égard de la situation difficile dans laquelle vous vous êtes retrouvée. Je trouve malheureux que les actions du vérificateur général dans ce dossier aient causé à vous et à de nombreux autres des torts énormes. De nombreux témoins devant le comité ont qualifié ces actions d'excès de zèle et ont dit, comme le juge Binnie et d'autres l'ont constaté plus tard, qu'il était peut-être allé trop loin dans bien des cas.
J'aimerais faire valoir certains points. J'ai pratiqué le droit durant de nombreuses années avant d'être nommée au Sénat, et j'ai à de nombreuses reprises eu des discussions difficiles avec mes clients qui me disaient : « Eh bien, je sais que le montant demandé ou le montant pour lequel nous intentons des poursuites n'est pas très élevé, mais j'ai besoin de le faire par principe. »
J'ai eu de nombreuses conversations de ce genre, et je répondais souvent à mes clients qu'ils doivent au bout du compte tenir compte de ce que cela coûtera, parce que dans six mois, après avoir payé mes honoraires, il y a peu de chances qu'ils se disent heureux de l'avoir fait par principe. De telles discussions étaient fréquentes.
Vous avez déjà mentionné ici aujourd'hui que la somme que le vérificateur général avait conclu que vous deviez au Sénat était de 7 500 $ et que vos frais juridiques s'élevaient à 82 000 $. Je tiens à répéter que l'important est parfois, lorsque c'est fait par principe, de vraiment tenir compte du solde à la fin.
Le vérificateur général avait aussi constaté que de nombreux sénateurs qui devaient de l'argent au Sénat l'avaient remboursé, même s'ils ont farouchement contesté à de nombreuses occasions les constatations du vérificateur général. Certains ont remboursé les sommes à un moment donné avant le rapport du vérificateur général — ces constatations n'ont peut-être même pas été incluses dans le rapport — ou à une date ultérieure après le rapport du vérificateur général. Ils ont décidé de rembourser l'argent, puis ont publié un communiqué dans certains cas pour expliquer aux médias pourquoi ils contestaient farouchement les constatations du vérificateur général, mais ils ont quand même pris de telles décisions.
Je voulais seulement attirer votre attention sur ces quelques points.
Mme Carstairs : Merci, sénatrice Batters.
Si vous me le permettez, j'aimerais brièvement vous répondre. Le juge Vaillancourt a clairement et catégoriquement infirmé les constatations du vérificateur général dans ce dossier en ce qui a trait à la résidence. Cela ne fait aucun doute. Le vérificateur général a mal interprété les dispositions du Règlement du Sénat.
En ce qui concerne la question de retenir les services d'un avocat par principe ou pour défendre mon intégrité, je crois que je peux l'expliquer de deux manières.
Ce n'était pas seulement pour protéger mon intégrité, même si c'est extrêmement important pour moi. Entre le moment où j'ai retenu les services d'un avocat en juin, soit la journée où j'ai reçu la lettre du Sénat, et le 11 février, j'ai fait l'objet d'un examen par la GRC. Il s'agissait d'un processus judiciaire. Voilà pourquoi j'ai retenu les services d'un avocat.
Après cette date, lorsque j'ai appris que je ne faisais plus l'objet d'un examen par la GRC, le Sénat menaçait encore d'intenter des poursuites contre moi, et vous avez seulement décidé le 8 décembre 2016 de ne pas le faire.
De mon point de vue, je n'avais d'autre choix que de retenir les services d'un avocat, parce que je n'avais aucune idée des procédures judiciaires qui seraient engagées contre moi.
Troisièmement, en ce qui concerne les sénateurs qui ont remboursé des sommes, j'y ai fait allusion dans mes commentaires; à ma connaissance, aucun des sénateurs qui ont remboursé des sommes — et j'en vois certains ici présents — n'a été menacé de faire l'objet d'une enquête de la GRC.
Le sénateur Tannas : Tout comme la sénatrice Batters, je n'étais pas au Sénat lorsque vous y étiez, mais je tiens seulement à vous exprimer mon admiration pour tout le travail que vous avez accompli pour les Canadiens.
J'aimerais m'assurer de bien comprendre certains éléments que vous avez dits. Vous n'êtes évidemment pas la seule dont la réputation a été entachée dans ce dossier. Des dizaines de sénateurs qui ont servi le pays se sont retrouvés dans la même position que vous, et certains d'entre eux, comme vous l'avez mentionné, ont décidé que la meilleure chose à faire était de tout simplement rembourser les sommes dues d'après le vérificateur général et de passer à autre chose. Un tel choix ne s'est évidemment pas offert à d'autres qui ont dû se rendre devant les tribunaux, tandis que d'autres ont choisi de plaider leur cause devant le juge Binnie.
Je dois mentionner un élément par rapport à la meilleure chose que le comité aurait pu faire — deux choses, en fait — lorsque nous avons été saisis du rapport du vérificateur général. Premièrement, il était clair pour bon nombre d'entre nous — et ce l'est toujours d'ailleurs — que c'était exagéré et que le rapport sautait à des conclusions qui étaient tout simplement inexactes ou avec lesquelles nous n'étions pas d'accord. Cependant, la pire décision que nous aurions pu prendre aurait été de juger individuellement la trentaine de personnes visées dans un cadre politique en présence des médias et de tout le reste qui gravite autour en vue d'essayer de tirer les choses au clair.
La meilleure solution était de convenir d'un processus indépendant qui se pencherait sur le manque de justice perçue par bon nombre en ce qui concerne ce qui s'était passé, et nous avons accouché du processus Binnie. Nous avons embauché à grands frais un ancien juge de la Cour suprême pour examiner séparément chaque cas et écouter les plaidoyers des personnes concernées, et je n'ai jamais entendu un sénateur, qui a choisi cette option, se dire insatisfait du processus.
Je tiens à m'assurer que c'est exact, mais vous avez dit comprendre que c'était le processus en place et que c'étaient les décisions qui avaient été prises, je présume, parce que je crois que nous avons très bien réussi à essayer de faire savoir que nous n'interviendrions pas dans une telle situation.
Votre avocat vous a conseillé de ne pas participer la première fois au processus d'arbitrage devant le juge Binnie, parce que vous faisiez toujours l'objet d'une enquête de la GRC.
Vous avez décidé de ne pas y participer la deuxième fois, parce que vous ne pouviez pas avoir d'explications quant au processus, à moins de signer une convention en vertu de laquelle vous vous engagiez à respecter le résultat du processus en y participant.
Quel était le problème? Quel était le problème la deuxième fois?
Mme Carstairs : Non. Sénateur Tannas, il n'y a pas eu de deuxième fois.
Disons-le très clairement. Le Sénat a mis en place un processus d'arbitrage. À mon avis, le processus d'arbitrage était peut-être juste et raisonnable pour les sénateurs dont le dossier n'avait pas été publiquement renvoyé à la GRC. Ce n'était pas juste pour ceux d'entre nous dont le dossier avait été publiquement renvoyé à la GRC, parce que nous devions y aller en ordre d'importance, et la situation concernant la GRC était à vrai dire prioritaire.
Cependant, même compte tenu de cela, j'étais disposée à laisser mon avocat — la première fois, pour le dire ainsi — assister aux rencontres préliminaires avec le juge Ian Binnie en septembre 2015 pour comprendre le processus et poser des questions sur les conséquences que cela pourrait avoir sur une future enquête de la GRC.
Ni moi ni mon avocat n'avons pu le faire, parce que nous n'avions pas signé la convention d'arbitrage. Le conseil de mon avocat était que nous ne pouvions pas signer la convention d'arbitrage avant de connaître les modalités du processus d'arbitrage. En ce qui concerne la deuxième fois à laquelle vous faites allusion, j'ai appris dans les médias que pour une certaine raison d'autres sénateurs avaient pu comparaître devant le juge Binnie à l'automne 2016.
En ce qui me concerne, en décidant de ne pas y participer en 2015, c'était la fin du processus. J'ai ensuite reçu une lettre du légiste, si je ne m'abuse, mais je me trompe peut-être. Dans la lettre, il était écrit que j'avais encore la possibilité de comparaître devant le juge Binnie en septembre 2016. Cependant, le verdict concernant Mike Duffy avait déjà été rendu.
Le sénateur Tannas : Voilà ce que je voulais préciser. Vous compreniez qu'il y avait deux chances. La première fois, il y avait la GRC qui entrait en ligne de compte. La deuxième fois, vous avez reçu un conseil et avez décidé que, étant donné que le sénateur Duffy avait été déclaré non coupable par un tribunal pénal, vous ne deviez pas l'argent et que le dossier était par conséquent clos.
Mme Carstairs : Ce n'est pas aussi simple.
La décision rendue par le juge Vaillancourt à la fin avril 2016 réfutait tout argument présenté par la Couronne en ce qui concerne la résidence, et le seul aspect qu'avait trouvé à me reprocher le vérificateur général concernait une déclaration erronée de ma résidence principale. Il n'y avait rien d'autre.
Voilà donc pourquoi, à l'époque où j'ai écrit au comité par l'entremise du comité directeur pour présenter une demande de remboursement de frais juridiques, mon avocat a également envoyé des lettres démontrant clairement que, compte tenu de la décision du juge Vaillancourt et des faits qui me sont reprochés, le dossier était clos, étant donné qu'il avait dit que les dispositions sur la résidence n'avaient pas été enfreintes. Si le sénateur Michael Duffy n'a pas contrevenu aux règles en matière de résidence, je vous soumets bien honnêtement, honorables sénateurs, que les règles en la matière n'ont certainement pas été violées dans mon cas. J'ai respecté non seulement les exigences en vigueur en 2011, lorsque j'ai quitté le Sénat, mais aussi les exigences que vous avez adoptées en 2013.
Le sénateur Tannas : J'aimerais poser une dernière question pour avoir une autre précision. Je ne veux pas m'engager sur ce terrain, mais je me demande s'il serait juste de dire que 90 ou 95 p. 100 de vos frais juridiques sont liés à la GRC, compte tenu de tout ce dont il a été question ici et de ce que vous nous avez raconté au sujet de vos décisions concernant le processus Binnie, qui est le seul processus pour lequel nous avons autorisé le remboursement des frais juridiques, selon ce que j'en comprends, mais je peux me tromper. Vous pouvez me corriger si j'ai tort.
Mme Carstairs : Non; ce ne le serait pas. Je peux vous transmettre des copies de tous mes frais juridiques. Des frais juridiques considérables ont été engagés durant cette période, soit du 6 juin 2015, lorsque j'ai retenu les services d'un avocat, jusqu'à la préparation en vue du processus Binnie, parce que nous n'avons pas rejeté ce processus du revers de la main.
Le sénateur Tannas : D'accord. Merci.
Le sénateur Mitchell : Merci, sénatrice Carstairs. Je suis heureux de vous revoir. Je vous connais depuis de nombreuses années et je vous admire énormément. En fait, vos contributions et votre travail au Sénat m'ont inspiré à plusieurs reprises et ont également inspiré tous vos collègues.
À mon avis, je crois que, dans votre cas, le processus a clairement déraillé en raison du piètre jugement du vérificateur général.
Je tiens à mettre en perspective les chiffres. Si nous tenons compte que nous siégeons de 25 à 30 semaines par année et que nous arrivons le dimanche et partons le jeudi ou le vendredi, nous sommes à Ottawa 150 jours par année, parce que le Sénat siège. Ajoutons à cela une soixantaine de jours, soit deux jours pour chaque allocution que vous avez prononcée partout au pays. Nous avons là 62 jours, puis nous avons 28 jours pour l'Union interparlementaire. C'était une énorme reconnaissance des contributions de la sénatrice Carstairs non seulement au Canada, mais aussi à l'étranger. C'est la plus importante association interparlementaire au monde, et elle a été choisie pour assumer la présidence du groupe qui a fait le tour du globe pour demander la libération de prisonniers politiques. Vous avez dit que cela a duré 28 jours. Nous sommes maintenant rendus à 240 jours où la sénatrice Carstairs n'était pas au Manitoba en raison de ses activités parlementaires, et le jugement était que...
Le président : Sénateur Mitchell, j'ai horreur de devoir vous interrompre, mais je tiens à rappeler à nos collègues que le but du processus est d'examiner la demande de remboursement des frais juridiques de la sénatrice Carstairs, et je ne veux pas que le comité prenne l'habitude de ressasser le rapport du vérificateur général.
Le sénateur Mitchell : Je tiens à mettre en perspective l'important travail et le grand dévouement de la sénatrice Carstairs. Merci de me permettre de le faire.
C'est très facile de porter un jugement à tête reposée à ce sujet et à l'égard de la sénatrice Carstairs. Cependant, si l'un d'entre nous se retrouve un jour dans une telle posture, la situation est très différente. Si nous examinons après coup la différence entre la possibilité d'être poursuivi par le Sénat et la possibilité qu'il se passe quelque chose par rapport à la GRC, il est impossible de ne pas intervenir face à la possibilité de devoir en répondre de la GRC. Il faut mener le combat.
Compte tenu de l'origine de tout cela et des explications que nous avons reçues, la sénatrice Carstairs a agi comme tout autre Canadien ou tout autre sénateur l'aurait fait pour se défendre contre quelque chose dont il n'est pas la cause, et ce, dans des circonstances difficiles. Je ne suis pas avocat, mais je serais aussi réticent à participer au processus Binnie, si je faisais l'objet d'une enquête de la GRC. Même si le juge Binnie est une excellente personne très compétente, ce processus aurait pu nuire à tout ce qui aurait suivi. Vous deviez donc faire preuve d'une extrême prudence.
Il est tout à fait raisonnable que la sénatrice Carstairs présente une telle demande, et nous ne devrions pas la rejeter du revers de la main, si nous sommes vraiment une institution qui veille à l'équité envers tous les Canadiens, comme nous le faisons chaque jour. Je dirais même que nous devrions l'examiner très attentivement. Je serais favorable à répondre positivement à sa demande.
La sénatrice McCoy : Sénatrice Carstairs, je suis ravie de vous revoir. Mon respect à votre endroit est toujours le même.
Je fais partie des sénateurs qui ont remboursé, sous toute réserve, les sommes demandées, parce que je croyais plus pratique de le faire ainsi et que je voulais continuer de servir la population canadienne plutôt que de m'engager dans une bataille qui me semblait perdue d'avance. Je tiens à mentionner pour la gouverne des sénateurs présents que, lorsque mon avocat et moi avons décidé de participer au processus d'arbitrage, nous avons présenté une demande en fonction du processus qui était prévu. Ce processus nous permettait de nous adresser d'abord au comité directeur. Nous avons été informés que le comité directeur avait décidé de ne pas exercer son autorité ou ses responsabilités telles qu'énoncées dans la politique, mais mon choix était d'aller en arbitrage.
J'ai donc fait parvenir une lettre à l'arbitre en mentionnant clairement que je le faisais sous réserve de tout autre droit que je peux avoir, ce qui est une attitude parfaitement sensée à adopter. Personne ne décidera de tout bonnement renoncer à ses droits, surtout si nous ne sommes pas encore entièrement certains à ce moment-là de ce que pourraient être ces droits.
Bref, sous toute réserve, j'ai dit que je participerais au processus d'arbitrage. La réponse que j'ai reçue était que je ne pouvais pas participer au processus d'arbitrage avant d'avoir épuisé tous mes droits juridiques, sauf celui-là.
Je ne savoure pas l'occasion aujourd'hui, parce que les gens auraient probablement oublié que j'étais l'une des personnes qui ont en fait remboursé les sommes demandées, si je ne m'étais pas manifestée. Il s'agit d'une séance publique, et j'attire encore une fois l'attention sur cet aspect. J'ai remboursé, sous toute réserve, les sommes demandées, et je ne vais pas rester assise ici sans corroborer les dires de la sénatrice Carstairs.
J'irai même plus loin. Outre cela, nous voulions notamment participer au processus d'arbitrage à ce moment-là, parce que le processus en soi qui était présenté dans les échanges avec l'ancien juge Ian Binnie ne semblait pas juste. À titre d'arbitre, il recueillait des éléments de preuve avant même que nous soyons là, et cela préoccupait mon avocat. Je sais que cela préoccupait également d'autres avocats, parce qu'ils se sont parlé à notre demande. Le processus nous préoccupait sur deux plans à ce moment-là.
Je veux que les sénateurs comprennent que le processus, à mon avis, n'était pas adéquat à l'époque et ne l'est pas plus maintenant pour réaliser un examen complet et équitable des questions soulevées relativement au respect du Règlement administratif du Sénat. Merci.
La sénatrice Jaffer : Sénatrice Carstairs, l'un des aspects que vous n'avez pas mentionnés, c'est que de nombreuses sénatrices sont ici en raison du travail que vous avez fait pour les femmes. Je tiens aussi à le souligner.
J'aimerais avoir une précision. Avant d'entendre et de lire votre déclaration, je n'avais pas réalisé que nous avions renvoyé votre dossier — c'est mon erreur; je l'avais oublié — à la GRC. Il y avait donc deux choses dans votre cas. Votre dossier avait été renvoyé à la GRC, et vous aviez une dette. Vous vous êtes fait dire que vous pouviez régler la question de la dette avec l'arbitre pendant que la GRC menait son enquête à votre sujet. Tout avocat, même un étudiant de première année en droit, vous dira que vous ne pouvez pas essayer de régler une poursuite civile avant que l'enquête soit terminée.
Ai-je raison de comprendre que vous ne pouviez pas régler la question des 7 000 $ que vous deviez au Sénat avant la fin de l'enquête policière?
Mme Carstairs : C'était certes l'opinion de mon avocat. Voilà pourquoi il voulait obtenir des précisions concernant le processus Binnie, mais nous ne pouvions pas en avoir avant d'apposer ma signature au bas de la page pour signifier que je m'engageais à respecter le processus d'arbitrage. En y participant, nous renoncions à tous nos droits juridiques.
D'après moi, nous n'avions d'autre choix que de dire « non » au juge Binnie et de ne pas participer au processus d'arbitrage. J'ai donc retenu les services d'un avocat littéralement du 5 juin, date à laquelle j'ai reçu la lettre du Sénat, au 11 février, lorsque j'ai appris que je ne faisais plus l'objet d'une enquête de la GRC.
Certains pourraient alors dire : « D'accord. Vous n'avez plus d'avocat. Aucun problème avec l'avocat. » À cette étape-là, j'estimais être dans l'incertitude la plus complète concernant la suite des choses. Je n'avais aucune garantie que j'aurais l'occasion de participer au processus d'arbitrage; cette garantie est arrivée beaucoup plus tard. Nous nous sommes fait dire que c'était la fin, si nous refusions de nous soumettre au processus d'arbitrage en septembre 2015. C'était tout.
Nous avons ensuite été informés en septembre 2016 que nous pourrions nous prévaloir du processus d'arbitrage. Cependant, à ce moment-là, étant donné que l'ensemble du problème dans mon cas portait sur la résidence et que cet argument avait été rejeté, je me suis fondée à vrai dire sur la décision rendue par le juge Vaillancourt et même les dires de votre propre avocate qui vous a dit le 8 décembre le plus clairement possible que les poursuites contre les sénateurs sur la question du lieu de résidence ne sont pas fondées.
La sénatrice Jaffer : Sénatrice Carstairs, je ne peux pas parler au nom de tout le monde, mais je m'exprime en mon nom personnel. J'ai réalisé pour la première fois à quel point l'institution avait laissé tomber les sénateurs en ne leur fournissant aucune aide pour étayer leurs dires. Je ne peux pas m'imaginer le nombre d'heures que mon personnel a passé à répondre aux questions du vérificateur général. L'institution a laissé les anciens sénateurs se débrouiller seuls, et je vous présente personnellement, pour cela, mes excuses.
Le président : Chers collègues, étant donné que j'ai épuisé ma liste d'intervenants, je vais boucler la boucle avant que le comité prenne une décision. Il ne fait aucun doute que l'institution a été plongée dans un profond trou noir durant tout ce processus; il est aussi important de ne pas perdre de vue, chers collègues, en réponse à la question de la sénatrice Jaffer, que le Sénat a renvoyé les dossiers de neuf sénateurs à la GRC en s'appuyant sur la recommandation du vérificateur général et la décision du Comité de la régie interne de ne pas remettre en question cette recommandation.
Cela étant dit, je tiens également à rappeler aux sénateurs que, lorsque le rapport a été renvoyé à la GRC, il était clair que les 30 dossiers seraient examinés. La GRC n'a donc pas enquêté sur seulement 9 sénateurs; elle a enquêté sur les 30. Au fil du temps, la GRC a innocenté les 30 sénateurs et a conclu qu'aucun dossier ne méritait de faire l'objet d'une enquête officielle.
Au sujet de l'argument de la sénatrice Carstairs, chacun des 30 sénateurs visés aurait pu retenir les services d'un avocat en se fondant sur cet argument, mais les règles et les politiques étaient claires au Sénat avant cette histoire et le sont toujours aujourd'hui en ce qui concerne tout sénateur qui fait l'objet d'une enquête criminelle ou d'accusations au criminel. Il n'y avait aucun précédent qui laissait croire que nous rembourserions les frais juridiques. Je rappelle aux sénateurs que c'était l'argument sur lequel nous nous sommes fondés pour prendre cette décision et d'autres décisions relativement aux frais juridiques.
Le comité a évidemment le dernier mot quant à ces questions, et tous les sénateurs ont le droit de se présenter devant le comité pour en appeler d'une décision. Je demande au comité de m'orienter, à savoir si la décision est maintenue, tout en ne perdant pas de vue les conséquences d'une telle décision.
Si aucun collègue ne propose une motion pour infirmer la décision du Comité de la régie interne de ne pas rembourser les frais juridiques dans le cas présent ou si la décision est maintenue et que l'appel est rejeté... Si un sénateur veut proposer une motion pour infirmer cette décision, c'est maintenant le temps de le faire.
Le sénateur Mitchell : Il faut en débattre davantage, puis je proposerais la motion.
Le président : Il faut en débattre davantage?
Le sénateur Mitchell : Oui. Pas nécessairement aujourd'hui, mais il faut étudier la question. C'est un cas assez unique et c'était un exposé très puissant. Je crois qu'il faut examiner la question.
Je proposerais la motion même si on ne l'étudiera pas aujourd'hui, parce qu'elle n'est pas à l'ordre du jour.
Le président : Il faut être justes à l'endroit de la sénatrice Carstairs également, dans le cadre de la prise de décision, mais si le comité veut retarder la décision et débattre davantage de la question, il en sera ainsi.
Le sénateur Mitchell : Je ne veux pas en débattre maintenant, mais je ne sais pas...
Le président : Non? Vous ne voulez pas en débattre maintenant?
[Français]
Préférons-nous débattre de cet enjeu plus tard ou prendrons-nous une décision tout de suite?
[Traduction]
La sénatrice Lankin : Je reconnais la proposition du sénateur Mitchell, notamment parce que je sens le besoin d'entendre les sénateurs débattre de la question, puisque je suis nouveau dans cette institution et que je ne suis pas passé par le processus auquel on fait référence.
Je sais que nombre d'entre vous en ont discuté. Monsieur le président, je vous remercie de nous avoir présenté un résumé, mais ce n'est pas suffisant pour que j'aie une compréhension profonde de tous les enjeux et des conséquences dont vous avez parlé. Je crois qu'il faudrait que je m'abstienne et je ne crois pas que ce soit juste pour un enjeu d'une telle envergure. Je crois que vous voulez que tous les sénateurs soient suffisamment conscientisés et bien informés. Je crois que j'ai besoin d'entendre mes collègues débattre de cette question.
Le président : Si je comprends bien le comité, nous allons remercier la sénatrice Carstairs de son témoignage. Pardon, le sénateur Marwah veut...
Le sénateur Marwah : Je suis d'accord avec la sénatrice Lankin; je ne crois pas avoir suffisamment d'information pour prendre une décision. La sénatrice Carstairs soulève d'excellents points, et je n'ai pas suffisamment d'expérience pour les juger. Je crois que j'aimerais examiner plus de faits avant de prendre une décision.
Le président : Nous allons inscrire ce point à l'ordre du jour d'une prochaine réunion afin de débattre davantage de la question.
Merci, sénatrice Carstairs, de votre exposé et d'avoir pris le temps de témoigner devant nous aujourd'hui.
Mme Carstairs : Merci.
Le président : Le point no 3 à l'ordre du jour vise la consolidation des budgets.
Chers collègues, une motion vous est distribuée. On a pris une décision il y a plusieurs semaines au sujet de la consolidation des budgets des bureaux du leadership. Si vous vous souvenez, selon la méthode de fonctionnement actuelle, les bureaux du leadership gèrent les budgets des leaders et leurs budgets du Sénat, dans des enveloppes distinctes. Nous avons pensé qu'il serait plus facile, à des fins de comptabilité et de communication des renseignements, de fusionner ces budgets lorsqu'une personne est élue ou nommée à un poste de leader. D'après l'examen du procès- verbal de la réunion, on ne peut pas établir clairement le moment de la prise d'une décision à cet égard. La motion présentée ne semble pas avoir été consignée de façon claire et, par conséquent, pour assurer la validité de la décision, nous devons consigner une motion claire et concise au compte rendu.
Ainsi, chers collègues, vous pouvez prendre le temps de lire la motion. Je vous répète que nous réexaminons une question dont nous avions débattu il y a quelques mois, je crois.
Êtes-vous toujours en train de lire la motion, chers collègues? Elle est proposée par le sénateur Campbell. Êtes-vous en faveur de cette motion?
Des voix : D'accord.
Le président : Merci.
Le point no 4, Groupe de travail consultatif sur les médailles commémoratives pour le 150e anniversaire. Sénateur Wells, vous avez la parole.
Le sénateur Wells : Merci, chers collègues. À titre d'information, nombre d'entre nous — et peut être tous les sénateurs — savent que nous avons déployé des efforts pour encourager le gouvernement à frapper une médaille commémorative pour célébrer le 150e anniversaire du Canada, comme nous l'avons fait pour les 60e, 100e et 125e anniversaires du Canada, je crois. Nombre d'entre nous pensent que le 150e anniversaire serait une bonne occasion de le faire. Jusqu'à maintenant, nous n'avons pas réussi à convaincre le gouvernement, et plusieurs sénateurs ont écrit des lettres ou prononcé des discours au Sénat pour encourager le gouvernement à aller en ce sens. Jusqu'à maintenant, il a refusé. Le sénateur Joyal et moi-même avons eu de nombreuses discussions au cours des dernières semaines et je propose la motion suivante :
Qu'un groupe de travail consultatif sur les médailles commémoratives du 150e anniversaire du Sénat soit établi;
Que le groupe de travail soit composé des membres suivants : les honorables sénateurs Joyal (coprésident), Wells (coprésident), Bovey et Unger;
Que trois membres constituent le quorum;
Que le groupe de travail soit autorisé à examiner, afin de présenter des recommandations à cet égard, la production d'une médaille commémorative du 150e anniversaire du Sénat, et qu'il se penche notamment sur les éléments suivants :
Coût
Critères de distribution
Design
Quantité
Calendrier
Autres considérations nécessaires à la mise en place du programme;
Que le groupe de travail fasse rapport au comité au plus tard le 31 mars 2017.
Chers collègues, nous présenterions ensuite au comité les résultats de notre étude et, bien sûr, si nous décidons d'aller de l'avant, il faudra agir rapidement. Nous présenterions donc au comité tous les détails d'ici le 31 mars. Je serai heureux de répondre à vos questions.
La sénatrice Jaffer : Je suis très heureuse de cela. C'est une bonne initiative, mais je vous demanderais, lorsque vous examinerez les travaux du comité, de peut-être — et j'étais présente lors de la création de deux de ces médailles — énoncer les critères qui ont été utilisés par le passé. Ce n'est pas que nous soyons tenus de les respecter, mais ils seraient utiles à des fins de transparence.
Le sénateur Wells : Bien sûr, sénatrice Jaffer. En fait, les critères de distribution font partie de ma liste de points à examiner.
La sénatrice Jaffer : Ce que je voulais dire, c'est que si nous conservons les mêmes critères que pour les deux dernières médailles, alors nous respectons le modèle établi par le gouvernement. Pour les deux dernières médailles, il fallait respecter certains critères; c'est de cela que je parle.
Le sénateur Wells : J'aimerais répondre à cela. Nous allons certainement tenir compte de ces critères, mais il est important que mes collègues sachent qu'il y a deux catégories de médailles commémoratives, peut-être plus, mais deux dont je vais vous parler. La première est sanctionnée par Rideau Hall, la reine ou la Couronne; c'est donc différent de ce que nous voulons faire. Je comprends que des critères aient été établis pour d'autres médailles visées par cette sanction. La médaille que nous proposons ne le serait pas, mais cela ne signifie pas que nous allons ignorer les critères connexes.
La sénatrice Cordy : Je crois qu'il est important non pas d'établir des critères identiques, mais des critères similaires de sorte que les gens aient une idée de ce que l'on recherche. De nombreux sénateurs ont pris la parole à ce sujet et je voulais simplement vous féliciter, vous et le sénateur Joyal, d'avoir pris cette initiative. J'espère que nous pourrons créer ce groupe de travail. Nous pourrons alors espérer que quelqu'un à la Chambre des communes fasse de même.
Le sénateur Wells : Merci, sénatrice Cordy.
La sénatrice Lankin : Merci. Je ne m'oppose certainement pas à ce que le groupe de travail fasse une recommandation. Je crois que ce que je voudrais comprendre, au-delà du coût et de la conception de la médaille, ce sont les conséquences d'une telle reconnaissance provenant d'une seule Chambre du Parlement, quel est le précédent en la matière, si vous arriviez à convaincre le gouvernement de créer une médaille qui ne soit pas sanctionnée par Rideau Hall. J'aimerais obtenir des renseignements comparatifs à ce sujet.
J'étais une élue provinciale lorsque d'autres prix de Rideau Hall ont été remis et je comprends les critères et la distribution; j'y ai participé. J'ai reçu la Médaille du jubilé d'or et la Médaille du jubilé de diamant de la reine, alors je comprends un peu les diverses façons dont les critères ont été appliqués par diverses personnes. Je suggère donc peut- être que je ne méritais pas de recevoir ces médailles. Peut-être aussi que je les méritais. Je crois qu'on utilise les critères de façon très variable. Je ne suis donc pas enthousiaste à l'idée que cette institution entreprenne seule cette démarche, mais je peux me laisser convaincre. J'aimerais toutefois comprendre certains précédents et, si le comité pouvait nous présenter non pas seulement l'analyse coûts-avantages et les critères, mais aussi les raisons pour lesquelles cette institution devrait procéder seule, je vous en serais reconnaissant.
Le sénateur Wells : Merci, sénatrice. Nous n'allons pas présenter une analyse coûts-avantages et nous tiendrons une discussion sur le bien-fondé d'une telle démarche. Nous pouvons tenir cette discussion ici; c'est peut-être le bon endroit pour le faire.
Je crois que lorsque nous ferons notre présentation — si nous avons l'autorisation de créer un groupe de travail et de faire une présentation et si nous décidons de le faire —, ce sera le bon moment de déterminer si c'est une bonne idée que la médaille soit sanctionnée par la Couronne ou par notre auguste institution.
Le président : Avez-vous d'autres questions sur ce sujet, chers collègues? Est-ce que vous présentez la motion, sénateur Wells?
Le sénateur Wells : Oui. En fait, j'ai déjà lu la motion; je propose donc que tout ce que j'ai dit précédemment...
Le sénateur Tkachuk : La motion est adoptée.
Le sénateur Wells : Merci. Le groupe de travail devra faire rapport au comité au plus tard le 31 mars 2017.
Le président : Chers collègues, je suppose que nous sommes tous d'accord avec cela?
Des voix : D'accord.
Le président : Merci.
Nous allons poursuivre à huis clos pour la portion... oui, sénatrice Batters?
La sénatrice Batters : Avant de poursuivre à huis clos, j'aimerais aborder un point, sous « Autres affaires », que nous devons aborder en public et non à huis clos; est-ce que je devrais le présenter maintenant?
Le président : Oui.
La sénatrice Batters : D'accord.
La salle de comité dans laquelle nous nous trouvons permet une télédiffusion, mais les réunions du comité de la régie interne ne sont pas télévisées. Seul le fil audio est disponible et je sais que le sénateur Munson — je ne sais pas s'il siège toujours au comité — a soulevé la question à maintes reprises depuis que je siège à ce comité. Pourquoi ne télédiffusons-nous pas toutes les réunions qui peuvent l'être?
Nous avons déployé tellement d'efforts pour être ouverts et transparents, surtout au sein de ce comité, alors je me demande pourquoi nous ne télédiffusons pas nos réunions.
Le président : Il y a plusieurs mois, nous avons décidé de rendre plusieurs volets du comité publics, ce que nous avons fait, et c'est déjà un pas énorme si l'on se compare aux organismes de régie interne des autres assemblées législatives.
Comme nous le savons tous, la plupart des réunions des comités du Sénat sont télévisées. Ainsi, si les membres du comité souhaitent que nous télédiffusions nos réunions, nous pouvons facilement le faire. Tout le monde sait que j'appuie fermement cette idée.
Les délibérations du Sénat seront télédiffusées à partir de 2018 et j'ai toujours cru que nous vivions à l'ère de la vidéo, dans un monde visuel. Les gens nous entendent alors ils peuvent bien nous voir, mais il revient au comité de décider si c'est ce que nous voulons.
La sénatrice Batters : Je crois seulement que la diffusion audio est archaïque. Je crois qu'il faudrait une télédiffusion.
Le président : Sénateur Mitchell?
Le sénateur Mitchell : Je suis tout à fait d'accord. Devons-nous présenter une motion à cet effet?
Le président : Une motion a été présentée, chers collègues. Avez-vous des questions?
Le sénateur Tkachuk : Oui.
Ne faut-il pas faire des choix quant aux réunions qui seront télévisées? Les réunions de certains comités sont télévisées; on a tout simplement choisi de ne pas télédiffuser les nôtres. Je crois que l'équipe rencontre les whips et qu'il y a une certaine procédure à suivre, parce qu'on ne peut pas télédiffuser toutes les réunions, alors il faut faire des choix.
Peu m'importe si nos réunions sont télédiffusées ou non, mais si je devais déterminer un ordre de priorité pour la télédiffusion des comités, le nôtre figurerait au bas de la liste, après tous les autres comités qui discutent de sujets publics; je ne vois pas tant l'intérêt de parler des bons de taxi avec la population canadienne.
Le président : Est-ce que cela signifie, sénateur, que vous êtes pour la télédiffusion des réunions du comité, mais que vous voulez qu'il figure au bas de la liste des priorités?
La sénatrice Cordy : Nous pourrions peut-être demander aux whips de se réunir et d'en discuter. Je ne vois pas de problème avec la télédiffusion non plus, parce que nous siégeons tous à d'autres comités qui sont télédiffusés et que les gens ont accès au fil audio de toute façon. C'est seulement que les visages qui accompagnent le son ne seront peut-être pas tous beaux à 8 heures du matin.
Le sénateur Tkachuk : Ils pourraient montrer des diapositives pendant que nous parlons.
La sénatrice Cordy : Nous pourrions peut-être demander aux whips d'examiner la question.
Le président : On vient de me chuchoter que nous sommes maintenant capables de télédiffuser quatre réunions à la fois au Sénat, ce que nous ne pouvions pas faire avant; nous pourrions donc avancer dans la liste assez rapidement si c'est ce que souhaitent les membres du comité.
Le sénateur Tkachuk : Nous pourrions passer en quatrième place, par exemple.
La sénatrice Cordy : Ou peut-être en dixième place.
Le président : Il me semble, chers collègues, que nous pourrions aller de l'avant avec une telle décision si vous êtes à l'aise avec cela et si le comité l'approuve.
La sénatrice Batters présente une motion, appuyée par le sénateur Mitchell. Êtes-vous en faveur de cette motion?
Des voix : D'accord.
Le président : Merci.
Merci, sénatrice Batters.
(La séance se poursuit à huis clos.)