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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule no 14 - Témoignages du 26 octobre 2016


OTTAWA, le mercredi 26 octobre 2016

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 16 h 17, pour poursuivre son étude sur les questions relatives aux délais dans le système de justice pénale au Canada et les rôles que jouent le gouvernement du Canada et le Parlement pour corriger la situation.

Le sénateur Bob Runciman (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Chers collègues, invités et membres du public, bonjour et bienvenue.

Chers collègues, plus tôt cette année, le Sénat a autorisé le comité à examiner, pour en faire rapport, les questions relatives aux délais dans le système de justice pénale du Canada et les rôles que jouent le gouvernement du Canada et le Parlement pour corriger la situation. Nous en sommes à notre vingt-cinquième séance sur cette étude.

Nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui des représentants de la Gendarmerie royale du Canada : M. François Bidal, commissaire adjoint, Services des sciences judiciaires et de l'identité; surintendant principal Brendan Heffernan, directeur général, Services canadiens d'identification criminelle en temps réel, Services des sciences judiciaires et de l'identité; et Ron Fourney, directeur, Science et partenariats stratégiques, Services des sciences juridiques et de l'identité.

Nous accueillons également M. Evan Travers, directeur général par intérim, Direction générale de la loi et des stratégies frontalières, Sécurité publique Canada.

Malheureusement, les témoins peuvent uniquement nous consacrer une heure de leur temps. Je crois que la plupart d'entre vous savent que les témoins confirmés pour la deuxième heure de la séance ont annulé leur présence, ce qui signifie que nous terminerons un peu plus tôt que prévu.

Messieurs, merci d'avoir accepté notre invitation. Monsieur Bidal, vous avez la parole.

François Bidal, commissaire adjoint, Services des sciences judiciaires et de l'identité, Gendarmerie royale du Canada : Merci, honorables sénateurs. Je suis heureux de m'adresser à vous aujourd'hui.

[Français]

Les services nationaux de police de la GRC sont le plus important fournisseur de services spécialisés de soutien en matière d'enquête à plus de 500 organismes d'application de la loi et de justice pénale au Canada et à l'étranger. Depuis toujours, ils soutiennent les services de police du Canada grâce à des services de plus en plus perfectionnés et fiables, tels que des services d'analyse judiciaire d'éléments de preuve criminelle, d'information sur les casiers judiciaires, d'identité et de soutien technique, ainsi que des occasions d'apprentissage approfondi, la coordination de l'information et l'échange de renseignements, tous avec l'objectif de faire progresser des enquêtes criminelles.

[Traduction]

Les Services de sciences judiciaires et de l'identité (SSJI) font partie intégrante des Services nationaux de police. Ils fournissent des services de soutien de grande qualité et en temps opportun aux enquêtes des services de police de première ligne au moyen des services de criminalistique, d'identité judiciaire sur les lieux du crime, des répertoires d'empreintes digitales et d'antécédents judiciaires, ainsi que de la Banque nationale de données génétiques. Dans le cadre de votre étude sur les retards du système de justice, j'aimerais décrire brièvement certains des services fournis par les SSJI.

Les SSJI fournissent de l'expertise en analyse judiciaire des pièces à conviction des enquêtes criminelles et tiennent à jour la Banque nationale de données génétiques.

L'analyse génétique est désormais l'un des plus importants outils à la disposition d'un enquêteur qui doit faire la lumière sur des crimes comme des meurtres, des agressions sexuelles et d'autres crimes violents.

Le profil génétique obtenu d'échantillons biologiques laissés sur une scène de crime ou sur une victime peut être utilisé pour lier un suspect à un crime, éliminer un suspect, lier des crimes ou, lorsqu'il fait l'objet d'une recherche dans la Banque nationale de données génétiques, pour identifier un suspect inconnu.

Au cours des dernières années, les Services nationaux de laboratoire judiciaire de la GRC, en collaboration avec des clients et intervenants, ont transformé leur processus d'enquête judiciaire. Ils ont élaboré une approche simplifiée et interactive qui permet l'identification et l'analyse de preuves judiciaires pertinentes en temps opportun, selon les besoins des clients. Ils collaborent étroitement et au quotidien avec les organismes d'application de la loi, et je suis heureux d'annoncer que les délais d'exécution moyens pour les services de biologie ou d'analyse génétique des Services nationaux de laboratoire judiciaire sont de 40 jours pour les dossiers courants et de 11 jours pour les dossiers prioritaires.

[Français]

La Banque nationale des données génétiques aide les organismes d'application de la loi à identifier les auteurs présumés d'infractions désignées particulières. Elle fonctionne séparément des Services nationaux de laboratoires judiciaires.

[Traduction]

La Banque compte deux fichiers : le fichier des condamnés, qui comprend les profils d'identification génétique de délinquants reconnus coupables d'une infraction désignée, et le fichier de criminalistique, dont les données sont tirées de profils d'identification génétique établis à partir de substances trouvées sur le lieu d'un crime. Les échantillons prélevés sont ajoutés à la Banque nationale de données génétiques par les Services de sciences judiciaires et de l'identité de la GRC, le Centre des sciences judiciaires, en Ontario, et le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale du Québec.

Selon la concordance entre l'ADN des scènes de crime et les profils d'identification génétique contenus dans la Banque nationale de données génétiques, les organismes d'application de la loi sont en mesure d'identifier ou d'éliminer des suspects. Depuis sa création en juin 2000, plus de 47 000 enquêtes ont bénéficié de la Banque nationale de données génétiques.

Les SSJI de la GRC fournissent aussi des services d'identification dactyloscopique et de casiers judiciaires à des organismes d'application de la loi et de justice pénale et à d'autres organisations publiques et privées partout au pays et à l'étranger. Les services d'identification dactyloscopique et de casiers judiciaires de la GRC dépendent de deux services nationaux de police de la GRC : le Service canadien d'identification criminelle en temps réel, connu sous l'acronyme SCICTR, qui est responsable de la mise à jour du dépôt national des casiers judiciaires, et le Centre d'information de la police canadienne, le CIPC, qui est responsable d'un système national d'échange de renseignements policiers qui relie les partenaires de l'application de la loi et de la justice pénale dans l'ensemble du Canada et à l'échelle internationale. Je veux profiter de l'occasion pour clarifier les rôles du CIPC et du SCICTR pour le Comité.

[Français]

Le Centre d'information de la police canadienne (CIPC) est un dépôt intégré, centralisé et automatisé dans lequel les forces de l'ordre peuvent conserver et récupérer instantanément des données à jour sur les crimes et les criminels. Géré par la GRC pour le compte de la communauté policière canadienne, le CIPC est le seul système national d'échange d'informations utilisé à la fois par le système de justice pénale et par les forces de l'ordre du Canada et de l'étranger. L'information contenue dans les banques de données provient de partenaires pour l'application de la loi et la sécurité publique et elle appartient aux organismes qui l'ont fournie.

[Traduction]

Une des banques de données du CIPC est la Banque de données de l'identité judiciaire, communément appelée le dépôt national des casiers judiciaires de la GRC. Il contient les données sur les casiers judiciaires classées à partir des empreintes digitales obtenues en vertu de la Loi sur l'identification des criminels. Géré par la GRC, le dépôt national est une base de données qui contient environ 4,25 millions de casiers judiciaires. Chaque année, plus de 600 000 casiers judiciaires sont mis à jour et tenus par le SCICTR.

Par le passé, le dépôt national des casiers judiciaires dépendait de dossiers papier et nécessitait des procédés manuels fastidieux. Compte tenu de la hausse du nombre de mises à jour des casiers judiciaires et de demandes d'accès, la GRC a été confrontée à un arriéré toujours croissant de casiers judiciaires devant être mis à jour.

En guise de réponse, le gouvernement du Canada a investi plus de 140 millions de dollars dans le projet de l'État visant l'identification en temps réel afin d'automatiser le système d'identification dactyloscopique du Canada. Cette nouvelle technologie permet désormais à la GRC d'identifier avec certitude des empreintes digitales prélevées sur des scènes de crime, ce qui n'aurait pas été possible avec des méthodes de consignation des données sur papier. La nouvelle technologie a réduit les délais de traitement des demandes de vérification d'empreintes digitales provenant du système de justice pénale et d'autres intervenants, lesquels sont passés de mois et de semaines à des jours, des heures, voire des minutes.

La GRC mise sur le succès du projet d'identification en temps réel et il apporte d'importantes modifications aux processus opérationnels qui donneront lieu à un programme des dossiers criminels entièrement automatisé. Depuis 2015, tous les services de police participants transmettent des empreintes digitales par voie électronique au SCICTR au moyen des dispositifs de lecture électronique des empreintes digitales. C'est en avril 2016 qu'a été lancée la mise en œuvre nationale du projet de modernisation de l'information de justice pénale, la MIJP, qui permet aux services de police participants de transmettre des décisions par voie électronique. Ce projet a représenté un investissement supplémentaire de 40 millions de dollars.

Parmi les avantages de ces transmissions électroniques, il y a la mise à jour plus rapide des casiers judiciaires, ce qui contribuera à rehausser la sécurité des agents et la sécurité publique puisque les renseignements relatifs au casier judiciaire seront disponibles en temps réel. Grâce à la normalisation, le système de MIJP améliorera grandement les délais dans lesquels un procureur et les organismes de justice pénale de l'ensemble du Canada peuvent accéder à des renseignements à jour en lien avec les dossiers du délinquant.

Comme la gestion des casiers judiciaires est une responsabilité que se partagent les organismes d'application de la loi au Canada, la réussite du projet de MIJP dépend de la mise en œuvre complète et de l'accès au nouveau système par les services de police canadiens. La GRC continue de collaborer avec ses services de police partenaires pour accéder au nouveau système et pour automatiser l'ensemble des casiers judiciaires d'ici 2018. D'ici là, la GRC met en œuvre des mesures pour contrer les risques liés à l'arriéré des casiers criminels. En s'appuyant sur la collaboration avec les forces policières et de la justice des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, la GRC actualise en priorité les casiers judiciaires des délinquants à risque élevé et des récidivistes ainsi que les dossiers liés aux empreintes génétiques et à l'identification des lieux de crime.

De plus, depuis 2013, elle a simplifié le processus d'expédition des demandes d'information sur les casiers judiciaires faites par les procureurs de la Couronne et les services de police dans le cadre des processus judiciaires, comme les décisions sur le prononcé de la peine et les audiences de la Commission des libérations conditionnelles. Ces initiatives viennent garantir que les casiers judiciaires les plus importants sont mis à jour immédiatement.

[Français]

Je vous remercie de nous avoir invités et de m'avoir offert la possibilité de vous parler aujourd'hui. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

[Traduction]

Le président : Monsieur Travers, auriez-vous quelque chose à ajouter avant que nous passions aux questions des membres?

M. Evan Travers, directeur général par intérim, Direction générale de la loi et des stratégies frontalières : Je voulais simplement souligner que, malheureusement, je n'ai pas préparé d'exposé. Toutefois, je suis prêt à répondre à toutes vos questions au sujet de nos ententes sur les analyses biologiques conclues avec les gouvernements de l'Ontario et du Québec.

Le président : Merci. Nous allons maintenant amorcer notre première série de questions. Le sénateur Baker, vice- président du comité, sera notre premier intervenant.

Le sénateur Baker : Monsieur Fourney, vous avez témoigné devant le comité sénatorial et le comité de la Chambre des communes en 2009, n'est-ce pas? J'oublie qui étaient les autres témoins, mais je me souviens que, lors de ce témoignage, vous avez dit que le nombre de fichiers des condamnés téléchargés dans la Banque de données génétiques augmenterait d'environ 100 000 par année. Vous souvenez-vous d'avoir formulé cette estimation?

M. Ron Fourney, directeur, Science et partenariats stratégiques, Services des sciences judiciaires et de l'identité : Non, je ne m'en souviens pas.

Le sénateur Baker : D'accord. C'est vraiment ce que vous avez dit.

Le nombre de fichiers des condamnés a augmenté lentement au fil des ans, sauf au cours des dernières années où l'on a constaté une baisse annuelle. Comment expliquer cette baisse? Certains membres du comité sont surpris. Le comité a recommandé que les données génétiques dans les cas d'infractions désignées soient automatiquement téléchargées. C'est ce que nous avons recommandé.

Comment expliquer cette baisse du nombre de téléchargements?

M. Fourney : Concernant le nombre réel de dossiers que nous traitons, il faut savoir qu'il y a deux composantes aux activités de la Banque de données nationales. Il y a d'abord les échantillons des condamnés qui nous sont envoyés, puis il y a les échantillons prélevés en fonction des infractions, c'est-à-dire qu'un contrevenant a déjà comparu et a été reconnu coupable et qu'un échantillon a déjà été enregistré dans la Banque de données nationale.

Nous remarquons qu'environ 46 p. 100 des échantillons qui nous sont envoyés concernent des récidivistes. Par exemple, des quelque 25 000 ou 27 000 échantillons que nous devrions recevoir cette année, une grande partie concernera des récidivistes.

Le sénateur Baker : Vous dites 27 000?

M. Fourney : Je crois que...

Le sénateur Baker : Il s'agit d'une baisse. En 2011, on parlait de 27 000 échantillons. Selon le rapport annuel, en 2015-2016, le nombre avait baissé à 19 000.

M. Fourney : Si l'on tient compte des récidivistes et du nombre total de condamnés, c'est autour de 40 000.

Le sénateur Baker : Ce n'est pas aussi efficace que ce que nous avions recommandé. Quel est le problème? Est-ce parce que les échantillons ne sont pas automatiquement téléchargés dans le cas d'infractions désignées?

M. Fourney : Pour les actes qui tombent automatiquement dans la catégorie des infractions désignées, les échantillons seraient téléchargés. Il y a un certain nombre...

Le sénateur Baker : Oui, mais, quel est le problème?

M. Fourney : Je ne saurais vous dire pourquoi les échantillons ne nous sont pas envoyés.

Le sénateur Baker : Vous ne le savez pas?

M. Fourney : Non.

Le sénateur Baker : Monsieur le président, le témoin saurait peut-être qui aurait cette information.

Auriez-vous une idée de la raison pour laquelle ils ne vous sont pas envoyés?

M. Fourney : Les échantillons sont prélevés s'il y a une ordonnance judiciaire en ce sens. Lorsqu'il s'agit de certaines infractions génériques — des infractions secondaires —, nous devons en faire la demande. Seuls les échantillons prélevés dans le cas d'une infraction primaire nous sont automatiquement envoyés.

Dans bien des cas, par exemple, la Couronne ne demande tout simplement pas le prélèvement d'échantillons ou le tribunal rejette la demande.

Le sénateur Baker : Nous avions recommandé que ce téléchargement soit obligatoire.

M. Fourney : Si je ne m'abuse, c'était une des recommandations formulées dans le rapport de 2010 du comité.

Le sénateur Baker : C'est exact. Et nous attendons toujours.

M. Fourney : Il faudrait vous adresser à mes collègues du ministère de la Justice et d'autres groupes qui s'occupent de cette question.

Le sénateur Baker : Monsieur le président, je crois qu'il s'agit d'un point assez important.

Le sénateur McIntyre : Messieurs, merci d'avoir accepté notre invitation à venir discuter des questions relatives à la preuve génétique, à l'analyse médico-légale des scènes de crime et aux bases de données des casiers judiciaires, et leur impact sur les délais dans les procédures pénales.

J'aurais quelques questions à vous poser.

Quel genre de données retrouve-t-on dans le système dont le CIPC est responsable? Est-ce uniquement des données relatives à des infractions punissables par procédure sommaire et des infractions punissables par voie de mise en accusation? Qu'en est-il du manquement aux conditions de probation ou de libération, de l'administration des mandats de la justice pénale, des infractions ou des libérations conditionnelles ou inconditionnelles accordées en vertu de l'article 730 du Code? Les suspensions de casiers judiciaires et les pardons figurent-ils dans ce système?

M. Bidal : Le système dont le CPIC est responsable contient quatre banques de données essentielles pour différentes données.

L'identification des casiers judiciaires est normative dans le cas d'une condamnation. Les condamnations sont enregistrées en fonction des infractions commises, soit des infractions hybrides ou des infractions punissables par procédure sommaire. Toutefois, on retrouve ailleurs dans le système des données relatives à quiconque a été accusé d'une infraction, quelle qu'elle soit. Un organisme de police peut enregistrer dans le système les renseignements concernant une personne accusée, mais non condamnée, peu importe l'infraction commise. Il y a aussi des banques de données d'enquête. Celles-ci sont utilisées pour enregistrer les données d'enquête que les organismes de police souhaitent partager entre elles. Par contre, il n'y a aucune restriction quant aux renseignements qui peuvent être enregistrés sur une personne accusée d'une infraction en particulier. C'est l'enregistrement des casiers judiciaires dans le système qui peut faire l'objet de restrictions.

Le sénateur McIntyre : Les données enregistrées dans le système du CPIC sont-elles partagées avec des partenaires? Je parle ici d'organismes gouvernementaux et de ministères et organismes gouvernementaux étrangers.

M. Bidal : Les informations sont partagées avec des organismes canadiens chargés de l'application de la loi en fonction de la catégorie à laquelle ils appartiennent. Il y a trois catégories d'organismes : catégorie 1, 2 et 3. Il n'y a aucune restriction quant au partage d'information entre services de police. Le partage d'information avec d'autres pays est assujetti à certaines règles rigoureuses. Par exemple, nous avons conclu un protocole de coopération avec les États- Unis selon lequel seuls les organismes chargés de l'application de la loi qui ont — les règles reflètent essentiellement celles en vigueur au Canada, donc un organisme de police canadien aurait accès à toutes les informations comme si ces informations étaient au Canada. Toutefois, le partage des informations à l'étranger est limité en fonction du rôle de l'organisme concerné. Ce n'est pas n'importe qui qui a accès à tout.

Le sénateur McIntyre : Le CIPC a-t-il accès aux bases de données étrangères des casiers judiciaires?

M. Bidal : Nous avons accès à certaines bases de données étrangères des casiers judiciaires ce qui nous permet d'avoir accès à certaines informations.

La sénatrice Jaffer : J'aimerais avoir des précisions afin de mieux comprendre. À la deuxième page de votre exposé, vous dites que plus de 47 000 enquêtes ont bénéficié de la Banque nationale de données génétiques. Savez-vous combien de demandes ont été faites? Si j'ai bien compris, vous avez mené 47 000 enquêtes, mais combien de demandes avez-vous reçues?

M. Bidal : Beaucoup plus que cela. Les 47 000 enquêtes ont été menées, car il y avait une correspondance entre l'ADN retrouvé sur la scène du crime et des données enregistrées dans la Banque de données génétiques — une correspondance confirmée. Mais, compte tenu du rôle que joue l'ADN dans les enquêtes, le nombre serait beaucoup plus élevé.

Parfois, il n'y a pas correspondance, mais le profil est tout de même enregistré dans le fichier de criminalistique. Ce profil pourrait se révéler utile dans le cadre d'une infraction subséquente. Le nombre de demandes dépasse le nombre de correspondances en ce qui a trait à l'ADN.

La sénatrice Jaffer : Quel est le délai moyen entre la réception de la demande et la conclusion de l'enquête?

M. Bidal : Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, le délai moyen pour les cas courants d'analyse d'échantillon d'ADN est de 40 jours, alors qu'il est de 11 jours pour les cas prioritaires. Dans mon exposé, toutefois, j'ai omis de préciser que nous avons un processus non annoncé pour les cas urgents. Il s'agit en général de cas de contrevenant en série ou de situation où le risque est imminent. Dans une affaire, le délai a été de 28 heures, mais ce processus exige beaucoup de personnel. C'est comme si on arrêtait toute une chaîne de montage pour construire une seule voiture. Nous recourons rarement à ce processus, mais quand le risque à la sécurité publique le justifie, nous le ferons.

La sénatrice Jaffer : Merci de cette précision. Mais si des enfants sont concernés ou si un autre facteur entre en jeu, accordez-vous la priorité à l'affaire?

M. Bidal : C'est ce à quoi je fais référence quand je parle d'affaires urgentes. Quand un agent de police mène une enquête, il communique avec un centre de triage, un centre d'évaluation judiciaire, afin que nous déterminions l'urgence de son cas et le traitions de manière à satisfaire les besoins de l'agent dans le cadre de son enquête.

La sénatrice Jaffer : Selon l'étude que nous effectuons, il arrive que l'information du CIPC ne soit pas là ou que le procureur ne l'ait pas transmise au juge. En fait, notre président a un projet de loi à ce sujet.

Quelle est la cause de ce retard? Quand je lis le document, il me semble évident que l'information est accessible. Pourquoi le tribunal est-il parfois incapable de l'obtenir. Cela provoque des retards.

M. Bidal : C'est parfois une question de communication .Le système de justice pénale est une grosse machine. Je sais qu'en ce qui concerne certaines procédures dont j'ai parlé, j'ai, dans le but d'accélérer les choses, discuté avec des chefs des poursuites pénales fédéraux, provinciaux et territoriaux, écrit à des chefs de police et envoyé des lettres pour que tous les procureurs de la Couronne soient informés à cet égard.

Pour ce qui est de la mise à jour du casier judiciaire lors de la détermination de la peine, nous avons instauré des mesures de protection dans notre système. Quand une personne va recevoir sa peine en cour, l'agent de police doit consulter le système pour procéder à ce que nous appelons une « interrogation sur le casier judiciaire ». Nous avons intégré au système un mécanisme de réponse qui fait en sorte que dès que l'agent procède à l'interrogation, il voit à la ligne qui suit la mention « Gendarmerie royale du Canada » une indication disant que s'il consulte le système dans le cadre de la détermination de la peine, il doit nous en informer pour que nous mettions le dossier à jour. Nous avons donc prévu un filet de sécurité pour nous assurer qu'aucune détermination de la peine ne survient sans que le casier judiciaire ne soit mis à jour.

La sénatrice Jaffer : Et s'il s'agit d'une enquête sur le cautionnement?

M. Bidal : La situation est alors différente. Dans bien des cas, l'information recevable ne se limite pas à une déclaration de culpabilité; par conséquent, les agents de police savent que la meilleure manière d'obtenir les renseignements consiste à consulter le système de gestion des dossiers. Ils auraient accès à tous les renseignements, y compris les déclarations de culpabilité qui pourraient ne pas avoir encore été entrées. C'est dans le système de gestion des dossiers qu'ils trouveraient les références les plus appropriées à l'information.

Le sénateur White : Merci beaucoup à tous de comparaître aujourd'hui. Je veux traiter précisément des Services nationaux de police et des problèmes de financement. En 2003, ces services ont accusé un déficit en fin d'exercice et ont commencé à devoir demander directement des fonds à la GRC pour appuyer leurs activités, qui consistent à fournir des services à tous les services de police d'une manière ou d'une autre.

Pouvez-vous nous indiquer quel était le déficit au dernier exercice et quelle somme est déduite des revenus généraux de la GRC pour soutenir les Services nationaux de police?

M. Bidal : Nous avons pris quelques mesures pour tenter de contenir et d'isoler les coûts des Services nationaux de police pour que ces derniers les assument. Je n'ai pas les chiffres avec moi aujourd'hui, sénateur White, mais à ce que je sache, nous n'avons pas utilisé les fonds fédéraux pour ces services au cours du dernier exercice fiscal. Nous avons trouvé des économies qui leur ont permis de vivre selon leurs moyens.

Pour ce qui est de pouvoir équilibrer les comptes au sein des Services nationaux de police, nous avons négocié avec les provinces une nouvelle entente en matière d'analyses biologiques qui nous a permis de recevoir de leur part une contribution plus substantielle, particulièrement pour les services d'analyse biologique. À ce que je sache, et corrigez- moi si je fais erreur, nous n'avons pas eu recours aux fonds fédéraux au cours du dernier exercice.

Le sénateur White : Nous avons beaucoup lu récemment et — on ne s'en étonnera pas — entendu parler depuis un certain nombre d'années de la quantité de ressources réaffectées aux affaires de sécurité nationale. Il s'agit de ressources retirées des services qui enquêtent sur le crime organisé, je présume, mais d'ailleurs aussi, j'en suis certain. Des ressources ont-elles été retirées des Services nationaux de police pour appuyer les intérêts de la sécurité nationale. Dans l'affirmative, en quelle quantité?

M. Bidal : Je ne peux parler que de mon domaine, car les Services nationaux de police ne se limitent pas aux Services des sciences judiciaires st de l'identité. Je ne pourrais traiter des opérations techniques. Au sein des Services des sciences judiciaires et de l'identité, aucune ressource de mon programme n'a été réaffectée à la sécurité nationale. Nous avons appuyé les enquêtes relatives à la sécurité nationale dans le cadre de notre mandat et parce que la GRC est également cliente des Services nationaux de police, mais aucune ressource n'a été réaffectée de ces services à la sécurité nationale.

[Français]

Le sénateur Joyal : Notre étude porte sur les délais de l'administration judiciaire. Je n'ai pas entendu ni dans votre présentation ni dans vos réponses ni dans vos commentaires que vous faites face à des délais dans la mise à la disposition des données que vous conservez au service de police ou aux procureurs qui doivent y avoir accès pour faire leur représentation devant les tribunaux. D'après la dernière page de votre présentation, je crois comprendre que vous visez à accéder au nouveau système pour automatiser pour l'ensemble des casiers judiciaires d'ici 2018.

À votre connaissance, y a-t-il ou y a-t-il eu des délais dans la disposition des données que vous conservez qui auraient ou auraient eu un impact sur le déroulement des procédures? En d'autres mots, on est obligé d'ajourner une procédure parce qu'on n'a pas reçu les informations dont vous disposez.

M. Bidal : Je ne suis pas au courant de cas spécifiques où on aurait eu besoin d'ajourner ou de trouver de nouvelles dates à cause des délais. L'objectif est de démontrer que, nous aussi, nous faisons face à des délais, mais que nous travaillons à automatiser certains de nos processus afin de nous assurer que notre partie, notre contribution à une enquête ou à un procès, ne soit pas la cause d'un délai inacceptable. C'est ce que j'ai essayé de démontrer. Il est certain que dans le milieu policier, dans le monde des enquêtes, dans le système judiciaire, tous les délais sont inacceptables. Nous essayons de trouver des façons d'améliorer nos services quotidiennement sans vouloir établir de compromis sur la science, sur la rigueur des systèmes scientifiques et sur la rigueur de la pertinence des dossiers criminels. Nous voulons que ce soit à jour. Pour nous, la marge de manœuvre est zéro. Cependant, nous voulons le faire tout en nous assurant de ne pas ajouter aux délais déjà existants dans le système judiciaire. C'était un peu ce que je voulais démontrer au comité.

Le sénateur Joyal : Dans la pratique courante, il y a des types d'information que vous retardez à remettre parce que votre système n'est pas complètement automatisé. En d'autres mots, les personnes qui peuvent y avoir accès n'y ont pas accès directement et elles sont obligées de passer par un service de répartition ou de triage, pour utiliser un mot courant.

Dans quelle mesure ces retards peuvent-ils être éliminés, ou du moins atténués, par l'utilisation des technologies contemporaines?

M. Bidal : C'est une excellente question. Dans les deux exemples que j'ai cités, autant du côté de l'automatisation des casiers judiciaires, nous reconnaissons que la façon de faire manuelle était inacceptable, voire archaïque. Il fallait des mois et des mois pour faire une mise à jour. Avec le système automatisé, nous passerons de mois à quelques minutes pour mettre à jour un casier judiciaire. Cependant, il y a une période d'intégration pour ce système.

D'ici 2018, tous les corps policiers au Canada pourront mettre à jour ces dossiers de façon automatisée. Ils le feront eux-mêmes. Quand une personne sera déclarée coupable par la cour, ils pourront prendre la décision et le temps nécessaire pour faire l'entrée des données dans l'ordinateur. Le dossier sera mis à jour en deux minutes.

C'est l'objectif que nous visons. Entre-temps, d'ici 2018, quand tous les corps policiers auront la capacité de le faire, c'est un peu un mélange des deux. Nous suivons encore un processus manuel, et nous avons accepté le fameux arriéré de la communauté policière pour les aider à mettre les données à jour. Il y a une période de transition. D'ici là, nous allons mettre à jour les dossiers d'infractions criminelles violentes, sexuelles et commises avec des armes. Nous avons établi des listes de récidivistes en consultation avec les procureurs pour pouvoir minimiser le risque par rapport aux dossiers.

Du côté des laboratoires, c'est un peu la même chose. Nous faisons de la recherche pour nous assurer d'utiliser des techniques qui sont à la fois rapides, efficaces et scientifiquement rigoureuses. Les techniques d'ADN se développent presque tous les jours.

Dans l'intérim, je ne veux pas vous donner l'impression que tout est beau aujourd'hui, mais on s'aligne sur le chemin de la réussite, sans exagérer. Tous les corps policiers ont accepté les deux techniques qu'on utilise. C'est juste une question de savoir combien de temps cela nous prendra pour les mettre en marche.

Le sénateur Boisvenu : Bienvenue, messieurs. Je vous remercie de votre présentation. Je vais dans le sens du sénateur Baker. Lorsqu'on a adopté le projet de loi en 2012, qui prolongeait l'inscription obligatoire au registre de tous les délinquants sexuels, le Québec comptait 70 p. 100 d'inscriptions. Ce sont les juges qui décidaient qui inscrire à l'époque. Cette année, on est à 72 p. 100.

Pourquoi a-t-on adopté cette loi, si le résultat au Québec reste à peu près le même qu'à l'époque où on laissait aux juges la possibilité de décider ou non de l'inscription? Aujourd'hui, l'inscription est obligatoire, pourtant on a les mêmes statistiques. Cela veut dire que 30 p. 100 des prédateurs sexuels ne sont pas inscrits au registre.

En discutez-vous entre vous et avec les autres provinces, parce que les statistiques ne sont pas les mêmes d'une province à l'autre? Je comprends que c'est une question de ressources, comme le centre de détention Parthenais, entre autres, parce que l'inscription se fait là. Si le Québec ne met pas les ressources suffisantes, on prendra du retard. Selon les statistiques, certaines provinces sont à 90 p. 100, d'autres à 60 p. 100.

À quoi servent les lois qu'on adopte au Parlement fédéral si les provinces ne font pas les efforts suffisants pour inscrire ces personnes?

M. Bidal : Nous avons la possibilité d'accepter ce qui nous revient. Ce n'est pas notre rôle d'influencer le système judiciaire en ce qui concerne les décisions suivant ce qui a été ordonné ou pas. Cela demeure leurs responsabilités. Il y a aussi une corrélation directe entre le nombre de données que nous avons et le nombre de résultats positifs. À mesure qu'on reçoit les résultats, on les entre. Ceux qui sont positifs parlent d'eux-mêmes.

Le sénateur Boisvenu : Au Québec, le nombre de reports de procès affecte les ressources. Par exemple, les policiers de la Sûreté du Québec qui se présentent en cour sont payés en heures supplémentaires. Lorsque le procès est reporté, ils retournent chez eux. Pendant ce temps, ils n'ont pas pu être affectés à la patrouille ou à la sécurité.

La GRC est-elle affectée par ce même syndrome de reports de dates des procès criminels avec les mêmes conséquences qu'à la Sûreté du Québec?

M. Bidal : C'est hors de mon champ de responsabilité maintenant. En général, selon mon expérience passée, il est évident que les reports de dates pour les procès ont un impact sur le travail quotidien.

Le sénateur Boisvenu : Le nombre de ces reports augmente-t-il ou diminue-t-il?

M. Bidal : Je ne suis pas en mesure de commenter cela à cause de mes responsabilités actuelles.

Le sénateur Boisvenu : Le gouvernement a adopté une loi l'an dernier qui autorise les provinces à rendre publics les noms des prédateurs sexuels à risque de récidive. Le Québec est une des seules provinces qui ne le fait pas à cause d'une directive émise aux policiers par le ministre de la Sécurité publique. La décision de rendre publique l'information sur les prédateurs sexuels ne devrait-elle pas relever du gouvernement fédéral lorsque la sentence est de plus de deux ans et des gouvernements provinciaux si elle est moindre? Actuellement, cette décision, quelle que soit la durée de la sentence, relève du gouvernement provincial.

M. Bidal : C'est une question qui s'adresse au ministre de la Justice.

Le sénateur Boisvenu : Toute remise en liberté relève soit de la Commission des libérations conditionnelles, soit du système carcéral et non du ministère de la Justice, mais bien du ministère de la Sécurité publique.

M. Bidal : Cette question ne relève pas de mes responsabilités.

Le sénateur Boisvenu : Je vous remercie.

Le sénateur Dagenais : Je vous remercie, monsieur Bidal. Lorsque j'étais policier, je faisais souvent appel au CPIC dont les données étaient relativement à jour. La science vient en aide aux policiers, mais elle n'accélère pas nécessairement le processus judiciaire.

Il est beaucoup question de modernisation et de nouvelles méthodes de travail chez les policiers afin de faciliter leur travail et de maximiser les résultats. Quand on arrive dans le système judiciaire, c'est souvent plus long, comme le mentionnait le sénateur Boisvenu à propos des palais de justice, entre autres. En tant que policiers, nous sommes au courant des délais causés par les remises ou pour toute autre raison.

Croyez-vous qu'il y aurait des moyens techniques, informatiques ou visuels pour simplifier le processus qui permettrait aux policiers de communiquer des éléments à la cour sans qu'ils aient à se déplacer tout en préservant le droit de défense des accusés? Autrement dit, ne pourrait-on pas faciliter le travail des policiers? Au lieu que le policier se présente en cour pour parler d'une chaîne de possession, on pourrait utiliser des moyens techniques pour le prouver. Cela réduirait les délais.

Je ne sais pas si d'autres corps policiers ailleurs dans le monde le font. Nous avons rencontré des corps policiers de différentes provinces qui progressent vers de nouveaux moyens technologiques. Ces technologies évitent aux policiers de se déplacer, elles leur font perdre moins de temps et réduisent le nombre d'heures supplémentaires. En même temps, cela accélère le processus judiciaire. En tant qu'organisation policière, pensez-vous que des moyens pourraient être mis en place?

M. Bidal : Il y a des moyens qu'on utilise, surtout sur la façon dont les spécialistes recueillent les témoignages. À titre d'exemple, plutôt que de faire déplacer des personnes, on fournit des preuves par vidéo. On utilise davantage de technologies. J'ai envoyé des gens à des colloques où des juges se réunissent afin de présenter ces nouvelles perspectives. Nous avons nos perspectives, la cour et le système judiciaire ont les leurs. Il y a sûrement un juste milieu à trouver pour s'assurer qu'une nouvelle technologie soit conforme aux règles judiciaires lors d'un procès ou autre. Dans certains cas, on reconnaît que cela peut être complexe. Autant la technologie peut simplifier certaines choses, autant elle peut aussi les compliquer. Dans le monde de l'ADN, il est toujours question du respect de la vie privée. Plus on utilise des techniques avancées avec l'ADN, plus on doit s'assurer de la confidentialité des informations recueillies. De façon indirecte, pour répondre à votre question, on se penche sur cette question. Certaines technologies, qui pourraient faciliter les procès, n'ont même pas encore été étudiées. On progresse petit à petit.

En ce qui concerne les règlements au tribunal, ce n'est pas nous qui avons la voix absolue pour cela. On collabore avec nos partenaires pour formuler des recommandations au bureau des procureurs.

Le sénateur Dagenais : À la GRC, vous couvrez de grands territoires. Il y a des cours itinérantes dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon. Et même à l'époque, avec la Sûreté du Québec, on couvrait jusqu'à Kuujjuarapik. Plutôt que de faire déplacer un policier de Kuujjuaq ou du Yukon, dans le cas d'un test d'alcoolémie, est-il possible d'écouter les témoignages par vidéoconférence, ce qui permettrait d'éviter des déplacements?

M. Bidal : Nos scientifiques témoignent déjà par vidéoconférence. Ils sont peu nombreux et leur contribution est importante. À moins que ce soit une cause très spécifique ou plus complexe, il est possible de réaliser des témoignages par vidéoconférence. On connaître un grand succès avec cette méthode.

Un autre exemple, c'est au niveau des photos. En cour, souvent on veut voir des centaines de photos. Nous avons lancé un projet pilote où on l'on dispose de iPads en cour. Nous évoluons petit à petit grâce à la technologie, mais cela demande des efforts de la part de tout le personnel.

On n'évolue peut-être pas aussi rapidement que le secteur privé, mais on progresse quand même avec le temps.

[Traduction]

Le président : Avant d'entamer le deuxième tour, je préciserais que nous vous avons convoqués ici parce qu'au cours des voyages du comité dans l'Ouest, certains témoins nous ont fait part de leurs préoccupations. J'ai demandé à nos analystes d'effectuer des recherches sur le chef de la police de Calgary, qui a dit que son service attendait des semaines, voire des mois avant d'obtenir des résultats, pendant que des criminels hantent les rues de la ville en commettant d'autres délits et que les pistes refroidissent. Je pense que ces propos tranchent avec vos déclarations et le message que vous livrez ici aujourd'hui.

Que répondez-vous aux préoccupations dont le chef de la police de Calgary nous a fait part?

M. Bidal : J'ai lu ces commentaires lorsque j'ai examiné certains procès-verbaux. Ils m'ont étonné. J'ignore à quel cas il fait référence, car, comme je l'ai indiqué dans mon exposé, c'est une affaire de Calgary que nous avons réglée en 28 minutes. Je peux vous affirmer que notre délai moyen d'analyse d'échantillons d'ADN en Alberta est inférieur à la moyenne nationale; il est de 36 jours pour les cas courants et de 8 jours pour les cas prioritaires.

J'ai effectué des recherches avec ma propre équipe et je n'ai pu trouver la source de ces affirmations. Je ne sais donc pas ce à quoi le chef de police fait référence.

Le président : D'accord. Nous vous remercions de cette réponse. Nous lui enverrons peut-être une note pour lui demander de nous fournir des détails à ce sujet.

Y a-t-il un délai entre le moment où vous recevez l'échantillon et celui où vous l'envoyez au laboratoire aux fins d'analyse? Certains ont laissé entendre qu'il y avait peut-être un délai en attendant un plaidoyer de culpabilité, par exemple. Savez-vous si ce genre de chose se produit?

M. Bidal : Non, cela ne se produit pas. Je vous expliquerai brièvement la procédure : l'agent de police nous appelle pour que nous discutions du dossier. Nous voulons nous assurer d'obtenir la preuve la plus probante possible pour l'aider à réussir son enquête. Nous nous entendons sur les preuves à envoyer et il nous les fait parvenir.

S'il y a un délai, c'est peut-être en raison du temps qu'il faut à l'agent de police pour nous les envoyer. Nous commençons à calculer le temps à partir du moment où nous recevons la preuve, car nous n'avons aucun contrôle sur le temps qu'il faudra à l'agent de police pour nous la transmettre.

Ainsi, quand je parle du délai de traitement moyen, ce dernier est calculé à partir du moment auquel nous recevons la preuve. Une fois reçue, elle est soumise aux tests nécessaires.

Les temps de traitement moyens que j'ai évoqués sont calculés à partir du moment de la réception de la preuve au laboratoire de la GRC.

Le président : Pour faire suite à l'observation du sénateur Dagenais, certains d'entre nous ont lu quelque chose à propos du profilage génétique rapide utilisé aux États-Unis, où le temps de traitement est de 90 minutes. Dans certains exemples que nous avons vus, le nombre de cas traités avait triplé.

Quelle est la quantité de dossiers en retard du CIPC actuellement?

M. Bidal : Le nombre de casiers judiciaires à mettre à jour s'élève approximativement à 558 000.

Le président : C'est la quantité de dossiers en retard.

M. Bidal : Grâce au nouveau système que nous mettons en œuvre, ce nombre n'augmente plus. Les organismes ont maintenant commencé à adopter le système de MRJP et automatiseront les dossiers eux-mêmes.

À l'heure actuelle, le nombre de dossiers en retard n'augmente plus. Comme je l'ai expliqué, nous commençons à établir l'ordre de priorité des dossiers afin de déterminer comment nous réduirons ce nombre alors que nous mettons le nouveau système en œuvre.

Le président : Faites-vous parfois appel aux laboratoires de l'Ontario, du Québec ou du secteur privé pour réduire le nombre de dossiers en retard?

M. Bidal : C'est de casiers judiciaires dont il s'agit.

Le président : En effet. Vous ne pouvez utiliser le Centre des sciences judiciaires?

M. Bidal : Non, parce que ce sont des casiers judiciaires, dont il ne s'occupe pas. Il ne fait que des tests d'ADN. Les laboratoires de l'Ontario et du Québec...

Le président : Oui, désolé. Je les confonds.

Une autre question, soulevée au cours d'une séance du comité sur un projet de loi d'initiative parlementaire, portait essentiellement sur les enquêtes sur le cautionnement. L'Association canadienne des chefs de police était présente. Le projet de loi stipulait que l'enquête sur le cautionnement se fonderait sur les motifs et le dossier de la personne réclamant sa libération sous caution. Parmi les objections soulevées par l'Association des chefs de police à l'égard de ce projet de loi figuraient le fait que les dossiers du CIPC n'étaient pas à jour.

Cela m'avait étonné, mais quoi qu'il en soit, vous avez parlé d'un système de gestion des dossiers que les agents de police pourraient utiliser en pareil cas. Cela atténuerait-il certaines des préoccupations que les chefs de police avaient par rapport à l'accès des procureurs de la Couronne aux antécédents de l'accusé?

M. Bidal : Cela le devrait. Dans certains cas, la personne n'a peut-être même pas de casier judiciaire. Par contre, si elle a été accusée ailleurs et n'a pas encore été déclarée coupable, le système de gestion des dossiers ou la banque de données d'enquête du CIPC révélerait qu'elle fait l'objet d'une accusation. Cette personne pourrait avoir été considérée comme un suspect dans un grand nombre d'enquêtes, mais ne jamais avoir été condamnée. Cette information pourrait être pertinente lors d'une enquête sur le cautionnement, mais nous n'aurions jamais ces renseignements, puisqu'aucune condamnation ne figure au casier judiciaire.

Cependant, les agents de police pourraient chercher dans le système de gestion des dossiers ou un autre outil appelé Portail d'information policière, un moteur de recherche qui passe au peigne fin les systèmes de gestion des dossiers des divers services de police.

Dans le cadre d'une enquête sur le cautionnement, un agent de police de première ligne aurait bien des manières d'obtenir un éventail de renseignements bien plus large. La personne concernée pourrait ne même pas avoir de condamnation dans le système.

Le président : Et les agents ont essentiellement ces renseignements au bout des doigts?

M. Bidal : Oui.

Le président : Excellent. Nous avons le temps de poser quelques questions brèves.

Le sénateur Baker : Autrement dit, les données du CIPC ne sont pas à jour et vous tentez de réduire le nombre de dossiers en retard?

M. Bidal : Ce n'est pas exactement ce que j'ai essayé d'expliquer.

Le sénateur Baker : Vous avez dit avoir un demi-million de dossiers en retard.

M. Bidal : En effet.

Le sénateur Baker : Et ce retard n'augmente pas?

M. Bidal : Il n'augmente plus.

Le sénateur Baker : Mais il existe toujours.

M. Bidal : Oui, c'est vrai, mais nous sommes en train de le réduire.

Si vous me permettez d'apporter une précision à ce sujet...

Le sénateur Baker : Oui, car c'est quelque chose dont nous entendons beaucoup parler. Nous avons parcouru le pays, et des agents de police affirment toujours que les dossiers du CIPC ne sont pas à jour.

M. Bidal : Sans vouloir pointer nos partenaires de la police du doigt, ce retard est une responsabilité partagée. Dans bien des cas, ces dossiers en retard s'empilaient dans le sous-sol des services de police du pays. À mesure que nous mettons en œuvre le nouveau système — et nous travaillons avec nos partenaires; nous ne les pointons donc pas du doigt —, nous obtenons des dizaines de milliers de documents qui se trouvaient dans les dossiers en retard des divers services de police. Dans certains cas, ils étaient là depuis des mois, voire des années.

Nous avons pris ces documents afin de mettre les dossiers à jour en leur nom, puisque c'était notre responsabilité. À l'époque, l'entrée de données s'effectuait manuellement, mais les services de police, constatant que nous adoptions un nouveau système dont ils appréciaient la valeur, ont tous voulu se débarrasser de leurs dossiers en retard.

Les 558 000 dossiers en retard dont j'ai parlé ce sont ceux des services de police, pas de la GRC.

Le sénateur Baker : Mais il y a encore des dossiers en retard.

M. Bidal : Oui.

Le sénateur Baker : Monsieur Fourney, des comités du Sénat et de la Chambre ont recommandé qu'un échantillon d'ADN soit automatiquement prélevé lors de la condamnation. Vous avez comparu devant le comité, et le ministère de la Justice a estimé le nombre annuel de profils à 100 000 pour les infractions désignées et à 175 000 pour les actes criminels. Le nombre total de profils que vous avez actuellement s'élève à 326 969. Si le ministère de la Justice suivait le conseil de notre comité et du comité de la Chambre des communes et prélevait automatiquement un échantillon lorsqu'un prévenu est déclaré coupable d'une infraction désignée, serait-il juste de dire que cela ferait doubler, selon mon estimation, le nombre de profils que vous avez actuellement?

M. Fourney : Selon le rapport de 2009, vous avez absolument raison, je pense. Si nous recevions tous les échantillons des personnes accusées et condamnées, nous en aurions de 75 000 et 100 000 par année. Ce n'est pas ce que nous recevons. La base de données est conçue pour en contenir 60 000. Grâce à la technologie et aux mises à niveau, elle peut en contenir encore davantage. En 2008, 214 infractions ont été ajoutées à la loi, notamment ce que nous appellerions des « infractions secondaires résiduelles ». Il existe toutes sortes de manières d'obtenir des échantillons des contrevenants admissibles.

Une fois les renseignements entrés dans la base de données nationale, ils sont traités dans un délai de 9 à 14 jours et transférés au CODIS, après quoi nous pouvons les consulter. Mais auparavant, il faut passer par un processus judiciaire : il faut ordonner le prélèvement des échantillons et nous devons les recevoir. Malheureusement, vous me demandez pourquoi ils n'arrivent pas et je ne peux vous répondre.

Le sénateur Baker : Ce que je vous demande, c'est s'il y a de fortes chances pour que ce chiffre de 326 969 ait doublé si le gouvernement avait suivi le conseil de notre comité et du comité de la Chambre des communes?

M. Fourney : Il faudrait que j'effectue des calculs.

Le sénateur Baker : Mais vous ne le niez pas?

M. Fourney : Non, je pense que nous recevrions un nombre plus élevé d'échantillons si on en prélevait pour toutes les infractions pour lesquelles on pourrait en ordonner.

Le sénateur Baker : Lors de la déclaration de culpabilité.

Le sénateur McIntyre : Le sénateur Dagenais a parlé de la chaîne de possession, et je pense que c'est important pour la chaîne de collecte de la preuve. Si j'affirme cela, c'est parce que c'est justement pour avoir des preuves recevables en cour qu'on procède à des tests d'ADN dans le domaine de l'exécution de la loi. Nous pouvons tous en convenir. La formation juridique que reçoit le personnel employé dans les laboratoires d'analyse d'ADN est extrêmement importante, par exemple, relativement à la manière dont nous gérons la chaîne de collecte de la preuve.

Pour éviter les délais, comment le CIPC gère-t-il ses bases de données dans les deux langues officielles? La traduction pose-t-elle un problème lorsqu'il s'agit de tenir ces bases de données à jour?

M. Bidal : Je n'ai jamais entendu dire que la traduction nous empêchait de tenir plus ou moins à jour nos dossiers dans une des langues officielles.

Le sénateur McIntyre : Cela ne pose pas de problème sur le plan des délais dans le système de justice?

M. Bidal : On ne m'a jamais indiqué que la traduction posait un problème.

[Français]

Le sénateur Joyal : Pour une personne ou un accusé qui se retrouvait devant la cour pour demander une libération et pour laquelle la couronne veut vérifier l'état ou le statut, quel est le temps requis pour transmettre les informations, un, si cette personne a déjà été condamnée et se retrouve dans votre registre CIPC ou, deux, si elle a été condamnée dans le passé d'un certain nombre d'offenses qui peuvent avoir un impact sur sa libération conditionnelle?

M. Bidal : Pour l'information qui n'est pas liée à un verdict de culpabilité, un casier judiciaire, c'est le service de police qui a juridiction, qui y a accès dans son système informatique. Alors le corps policier compétent dispose dans son système informatique les outils pour déterminer cela.

Le temps requis pour fournir cette information est le temps que la couronne prend pour demander aux policiers d'aller faire la recherche dans le système informatique. En temps normal, cela se fait le jour avant la comparution. Pour ce qui est d'un dossier criminel, la même chose s'applique. Par contre, dans ce cas, c'est le système des casiers judiciaires, par l'entremise du CIPC. Si, aux fins de la cause, le dossier doit être mis à jour, on le fait sur-le-champ.

Le sénateur Joyal : Si, par exemple, dans les 500 000 dossiers qui n'ont pas été intégrés dans le CIPC, il se retrouve une condamnation qui ne figure pas dans le registre actuel, combien de temps auriez-vous besoin pour vérifier si la personne n'est pas dans les retards accumulés?

M. Bidal : C'est le jour même où la demande nous est transmise. Lorsque la demande est faite pour un casier judiciaire, la réponse indique : « Si c'est pour les besoins de la cour, contactez-nous aussitôt que possible pour nous permettre de mettre à jour le dossier immédiatement. » Si la demande est reçue le jour, entre 8 heures et 16 heures, cela se fera la journée même. Si une personne est incarcérée durant la nuit, la demande est transmise à notre adresse et le suivi est fait le lendemain matin. Lorsque la personne comparaît devant le juge le matin, le dossier est mis à jour. Pour les autres où il n'a pas de casier judiciaire, où la personne a été accusée, pour la libération, cela serait dans le système informatique du corps policier compétent.

Le sénateur Joyal : Seulement le corps policier qui a procédé à l'arrestation? La personne peut être arrêtée à Montréal, mais peut avoir fait l'objet d'une enquête à Québec, par exemple.

M. Bidal : L'autre système que j'ai mentionné, le Portail d'informations policières (PIP), est un outil comme Google, un moteur de recherche, qui pourra trouver avec la date de naissance de la personne de l'information qui n'est pas nécessairement liée à un casier judiciaire dans les systèmes informatiques d'autres corps policiers et un suivi pourra alors être fait.

À titre d'exemple, un corps policier à Vancouver qui garde un détenu de Terre-Neuve pourrait accéder au PIP pour obtenir des informations sur cette personne via le système de la police de Saint-Jean. La police de Vancouver communiquera ensuite avec service de police de Saint-Jean. C'est immédiat.

Le sénateur Boisvenu : Votre site web sur le CIPC contient des informations publiques. Pouvez-vous nous dire quelles informations sont publiques? Est-ce populaire? Les gens consultent-ils ces informations régulièrement?

M. Bidal : On avait donné accès à la population pour vérifier certaines informations. Donc, une personne qui voulait acheter un véhicule pouvait entrer le numéro d'identification du véhicule pour voir s'il avait été volé. Le public avait accès à ce genre d'informations.

Nous avons dû récemment restreindre temporairement cet accès parce que nous avons compris que ce qui est bon pour la personne honnête l'est aussi pour les criminels, qui allaient vérifier si la police savait qu'un certain bien avait été volé.

Nous avons donc restreint cet accès au public. Toutefois, en partenariat avec les bureaux provinciaux d'enregistrement des véhicules, l'accès est toujours disponible pour que les vérifications puissent être faites par un système provincial. Cependant, les criminels abusaient vraiment de ce système pour vérifier si la police savait que l'objet avait été volé.

Le sénateur Boisvenu : Ils ne pouvaient pas le voler une deuxième fois.

M. Bidal : C'est exact.

[Traduction]

Le président : Messieurs, nous vous remercions tous d'avoir comparu ce soir. Vos témoignages ont été fort utiles et très instructifs. Nous vous en sommes reconnaissants.

(La séance est levée.)

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