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POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule nº 3 - Témoignages du 12 avril 2016


OTTAWA, le mardi 12 avril 2016

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 18 heures, pour examiner les questions ayant trait au cadre stratégique actuel ou en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada.

Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir. Je m'appelle Fabian Manning, sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador. J'ai le plaisir de présider la réunion de ce soir, et avant de laisser la parole aux témoins, j'invite les membres du comité à se présenter.

Le sénateur Baker : George Baker, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.

La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Hubley : Elizabeth Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard.

La sénatrice Poirier : Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, de l'Ontario.

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur McInnis : Tom McInnis, de la Nouvelle-Écosse.

Le président : Le comité commence son étude des questions ayant trait au cadre stratégique actuel et en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada. Avec le premier groupe de témoins, nous allons examiner le déclin des stocks sauvages de saumon de l'Atlantique sur la côte Est du Canada.

Nous avons le plaisir d'accueillir plusieurs représentants du ministère des Pêches et des Océans du Canada. Je vais leur demander de bien vouloir se présenter.

Kevin Stringer, sous-ministre adjoint principal, Gestion des écosystèmes et des pêches, Pêches et Océans Canada : Je m'appelle Kevin Stringer. Je suis sous-ministre adjoint, Gestion des écosystèmes et des pêches.

Trevor Swerdfager, sous-ministre adjoint, Science des écosystèmes et des océans, Pêches et Océans Canada : Je m'appelle Trevor Swerdfager. Je suis sous-ministre adjoint des Sciences.

[Français]

Gérald Chaput, coordonnateur, Services des avis scientifiques, Direction des Sciences (Région Golfe), Pêches et Océans Canada : Je m'appelle Gérald Chaput, je suis coordonnateur aux Services des avis scientifiques, Direction des Sciences (Région Golfe), à Moncton.

[Traduction]

Bhagwant Sandhu, directeur général, Gestion des écosystèmes et des pêches, Pêches et Océans Canada : Je m'appelle Bhagwant Sandhu et je suis directeur exécutif, Gestion des pêches.

Le président : Je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie d'avoir pris le temps de nous rencontrer ce soir.

Je crois que M. Chaput a préparé une déclaration préliminaire. Pouvez-vous le confirmer?

M. Stringer : En effet, mais je vais moi-même commencer par une brève présentation si vous le permettez.

Tout d'abord, je vous remercie d'avoir entrepris cette étude et d'avoir choisi ce sujet en particulier. C'est vraiment un honneur pour moi d'être ici et de répondre aux questions que vous voudrez bien me poser afin de vous fournir des informations de base sur le saumon de l'Atlantique.

Le saumon de l'Atlantique, que l'on appelle souvent le « roi des poissons », est une espèce véritablement emblématique.

Les saumons de l'Atlantique se reproduisent dans des milliers de rivières de l'Est du Canada et sont pêchés à des fins alimentaires, sociales et rituelles par les Autochtones et par les amateurs de pêche du Canada atlantique et du Québec. La pêche au saumon est un élément important de l'économie canadienne, une activité complexe à gérer, mais vraiment importante.

Les stocks sont en déclin. Dans l'Est du Canada, nous estimons que le nombre total de saumons de l'Atlantique s'élevait à près de deux millions d'individus avant le début de l'exploitation marine. Ce chiffre n'est pas aussi élevé que certains pourraient le croire. Actuellement, on estime que les stocks de saumon comptent environ 600 000 individus.

En 2014, les montaisons au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et à l'Île-du-Prince-Édouard figuraient parmi les plus faibles enregistrées. Seulement 30 p. 100 des rivières évaluées ont atteint ou dépassé les limites de conservation que nous avions établies. Le ministère a réagi à la situation par diverses mesures de gestion, dont la création, l'an dernier, du Comité consultatif ministériel.

Nous avons également réduit les limites de prises quotidiennes et saisonnières. Nous avons instauré l'obligation de remettre les prises à l'eau dans des régions où cette obligation n'existait pas auparavant. Nous avons fermé la pêche dans certaines rivières où les mesures de conservation ne permettaient pas d'atteindre les résultats escomptés. Nous avons imposé des restrictions à la pêche commerciale afin d'éliminer ou de réduire les prises accessoires de saumon — le saumon de l'Atlantique n'est pas pêché de manière commerciale — y compris l'obligation de modifier le matériel de pêche. Un moratoire complet est imposé depuis 2000 au Canada sur les pêches commerciales.

Il y a de l'espoir. Plus on monte vers le nord, plus les résultats sont positifs. Les montaisons ont été excellentes dans le nord de Terre-Neuve et au Labrador. En 2014, les montaisons au Labrador ont presque atteint des niveaux records entraînés en particulier par l'augmentation des populations dans les rivières du nord du Labrador. Ces rivières ont régulièrement dépassé les seuils requis pour la conservation, au cours de la dernière décennie. En revanche, les stocks de la côte sud de Terre-Neuve ne sont pas aussi florissants.

En 2015, après l'année difficile que nous avions eue en 2014 — nous avons connu de mauvaises années, mais l'année 2014 a été particulièrement inquiétante —, le Comité consultatif ministériel sur le saumon atlantique a été créé dans le but de remédier à la diminution des montaisons. Le comité a rencontré 78 différents groupes autochtones, associations non gouvernementales et intervenants de l'industrie et a recueilli également de nombreux points de vue.

Le rapport final publié en juillet de l'année dernière contenait 61 recommandations. Après l'intervention de Gérald, je présenterai nos premières réactions à ce sujet, mais je peux signaler d'ores et déjà que le rapport a noté un certain nombre de points sensibles. Le rapport ne pointe pas une seule cause, mais plutôt un ensemble de facteurs et présente une série de recommandations, à vrai dire un plan d'action dont je parlerai un peu plus tard.

Gérald va nous proposer une brève présentation média. Comme il l'a expliqué, Gérald est coordonnateur des Services des avis scientifiques dans la région du golfe. C'est notre expert du saumon de l'Atlantique. Il est connu dans le monde entier. Nous avons de la chance de l'avoir et c'est un plaisir de l'inviter à faire une présentation afin de répondre aux trois questions que vous avez posées ou que nous croyons pouvoir intéresser le comité pour : donner une vue d'ensemble de l'état des stocks de saumon sauvage de l'Atlantique; décrire les zones de gestion du saumon de l'Atlantique, ainsi que les activités de gestion et les restrictions que nous imposons; en plus de quelques commentaires — je m'en chargerai — concernant notre réponse initiale au rapport du Comité consultatif ministériel.

Gérald?

[Français]

M. Chaput : Honorables sénateurs, je vais faire ma présentation en anglais et en français. Vous avez reçu l'information dans les deux langues. N'hésitez pas à me poser vos questions en anglais ou en français.

[Traduction]

Au cours de ma présentation, je passerai de l'anglais au français, au fil des différentes parties. Si vous avez des questions, vous pouvez les poser dans l'une ou l'autre langue et je vous répondrai avec plaisir.

Je ne vais pas entrer dans tous les détails. Kevin a déjà brossé le portrait du saumon de l'Atlantique dans l'Est du Canada. Je veux seulement évoquer certains points se rapportant à l'animal lui-même afin que nous ayons une compréhension commune de ce poisson et de l'état actuel des choses.

Comme l'a dit Kevin, le saumon de l'Atlantique est un poisson très prisé dans l'Est du Canada, dans les Maritimes, à Terre-Neuve-et-Labrador et au Québec. C'est un poisson recherché aussi bien par les Autochtones que par les amateurs de pêche et les pêcheurs commerciaux.

Je tiens à souligner que le saumon de l'Atlantique est en réalité un poisson d'eau douce. Il a besoin de l'eau douce pour survivre. Il se reproduit en eau douce. Il poursuit sa croissance en mer, mais il n'a pas besoin de l'eau de mer pour se développer. Tout son cycle de vie peut se dérouler en eau douce. C'est pourquoi le saumon a besoin d'écosystèmes salubres en eau douce.

C'est en mer qu'il fait face à beaucoup de menaces. On se rend compte aujourd'hui, que la mortalité marine est un facteur qui nuit à l'abondance du saumon de l'Atlantique — c'est le cas par exemple dans les Maritimes, à Terre- Neuve-et-Labrador et au Québec. Les saumons qui naissent dans les rivières se rendent en mer, mais très peu d'entre eux reviennent dans les cours d'eau, par comparaison à ce qui se passait dans les années 1970.

C'est un point très important. Le saumon est un poisson d'eau douce et nous devons maintenir la salubrité des rivières pour lui permettre de survivre.

L'autre élément que je tiens à souligner, c'est que le saumon de l'Atlantique est le même à Terre-Neuve et au Québec, à quelques différences près. Par exemple, la croissance du saumon s'étale sur deux à huit années en eau douce. Ce sont les alevins. Ils naissent au printemps et ils passent deux années dans les provinces maritimes — et jusqu'à huit ans au Labrador — avant d'atteindre la taille suffisante pour se rendre en mer. Le saumon migre vers la mer lorsqu'il mesure entre 12 et 18 centimètres, soit quatre à six pouces. Telle est la taille qu'atteint l'animal après avoir vécu pendant huit ans au Labrador, avant de se rendre dans l'océan.

Une fois arrivé dans l'océan, il continue à grandir pendant un an dans la mer où il se nourrit — sa croissance est rapide — ou bien il peut passer deux ou trois ans en mer et devient encore plus gros.

À Terre-Neuve et dans les Maritimes, les gens parlent ainsi de madeleineau ou petit saumon. Ce sont des poissons qui ont passé une année en mer et qui reviennent en eau douce pour frayer. Ce sont des adultes, beaucoup de mâles, qui sont prêts à se reproduire, mais une année en mer leur suffit pour revenir en eau douce. Au moment de la montaison, ils mesurent de 54 à 60 centimètres, soit 23 à 24 pouces de long.

La sénatrice Eaton : Ils pèsent quatre, cinq ou six livres.

M. Chaput : Oui. Quand ils partent, ils mesurent quatre à six pouces de long et, un an plus tard, à leur retour, ils pèsent quatre à six livres. Ils grandissent assez rapidement. S'ils passent deux ans en mer, ils pèsent 8 à 10 livres à leur retour. S'ils passent trois ans, ils sont encore plus gros.

Dans les Maritimes et au Québec, on trouve un mélange de petits saumons, les madeleineaux, et de saumons plus gros, que nous appelons les saumons pluribermarins. Le Québec a une grande population de gros poissons pluribermarins.

À Terre-Neuve, excepté sur la côte sud-ouest, au sud de Corner Brook et jusqu'à Port aux Basques, les rivières sont peuplées essentiellement de madeleineaux. Elles produisent principalement des petits saumons. Les saumoneaux migrent en mer et quand ils reviennent, ils sont presque devenus des petits saumons.

Les différences biologiques que l'on note chez les animaux des diverses régions du Canada sont très importantes sur le plan des mesures de gestion et pour la survie, notamment. Nous voulons dire par là que les saumons sont très différents dans les diverses régions du Canada et que cela a une incidence sur les mesures de gestion que nous prenons et sur leur capacité à survivre en mer.

Je ne vais pas trop entrer dans les détails, puisque Kevin a déjà fait remarquer que la notion d'abondance ne s'applique pas de la même manière au saumon de l'Atlantique et au saumon du Pacifique. Les deux sont des saumons, mais ce n'est pas le même type de poisson. Le saumon de l'Atlantique ressemble plutôt à une truite, puisqu'il ne meurt pas après le frai. Il peut frayer plusieurs fois quand il retourne en eau douce. Le saumon de l'Atlantique passe l'hiver dans la rivière. Il peut ensuite retourner en mer pour se nourrir. S'il survit, il retournera en eau douce pour se reproduire. Il peut le faire à répétition. De son côté, le saumon du Pacifique meurt après le frai. Il ne fraye qu'une fois, c'est tout. Le saumon de l'Atlantique peut frayer à plusieurs reprises.

L'autre chose, c'est que le saumon de l'Atlantique n'est pas aussi abondant que le saumon du Pacifique. Comme je l'ai dit, c'est sans doute dans les années 1970 que l'on a enregistré les niveaux les plus élevés, car les stocks étaient assez abondants. On comptait peut-être au maximum deux millions de saumons dans l'océan. Toute la population de l'Atlantique-Nord provient de l'Est du Canada. Comparons avec le saumon du Pacifique, sur la côte Ouest. Dans le cas du saumon rouge du Fraser, les populations atteignent des dizaines de millions d'individus. C'est une rivière, une espèce. Dans le cas du saumon de l'Atlantique, on en dénombre deux millions en tout dans l'ensemble des rivières de l'Est du Canada. C'est une espèce moins abondante.

L'organisme du saumon est moins résistant et nous avons noté un important déclin de la survie en mer au cours des 30 dernières années. Il ne survit tout simplement pas aussi bien. Nous le savons, parce que nous pouvons compter combien de juvéniles migrent vers l'océan et retournent dans certaines rivières. Nous pouvons les compter au départ et au moment de la montaison. Nous pouvons donc établir des taux de survie. Nous surveillons certaines rivières depuis le début des années 1970.

Le cours d'eau Western Arm Brook du nord de Terre-Neuve est une de nos plus longues rivières. Le programme a débuté en 1971. Chaque année, Pêches et Océans a compté le nombre de saumoneaux qui migrent vers la mer et combien en reviennent, afin de calculer les taux de survie. Ces observations régulières au fil des années nous ont permis de constater une diminution des taux de survie dans cette rivière au cours des 40 dernières années.

Ce type d'information nous permet de dire que le problème semble se situer dans l'océan où quelque chose a changé sur le plan dynamique.

Pour ce qui est des pêches, les graphiques que nous vous avons distribués indiquent qu'au mieux, nous avons pêché environ 2 500 tonnes de saumons de l'Atlantique, dans les meilleures années. C'était à l'époque où la pêche commerciale était en activité dans les Maritimes et à Terre-Neuve-et-Labrador. Aujourd'hui, depuis les deux ou trois dernières années, nous pêchons peut-être 150 tonnes de poissons. Le nombre total de prises dans les divers types de pêche se situe autour de 60 000 ou 70 000 poissons.

C'est une pêche limitée, mais très diversifiée. Elle est très importante pour la pêche de loisir et aussi pour les Autochtones du Labrador. Le saumon de l'Atlantique tient une place importante dans les communautés autochtones de toutes les provinces du Canada.

Bien entendu, la situation est très variable. Dans une des diapositives que nous vous présentons, vous pouvez voir que le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, le COSEPAC, entité chargée d'évaluer l'état des ressources, s'est penché sur le cas du saumon de l'Atlantique et en particulier sur 16 groupes de population régionaux. Les populations les plus au sud de la baie de Fundy au Nouveau-Brunswick, au large de la Nouvelle-Écosse et sur la côte sud de Terre-Neuve et de l'Île d'Anticosti au Québec sont dans une situation préoccupante. Elles sont soit en danger, soit menacées. Cela signifie qu'elles sont au bord de l'extinction. Quand on remonte vers le nord, la situation s'améliore. Pour une raison inconnue — mais nous avons plusieurs hypothèses —, la situation est nettement meilleure au Labrador et à Terre-Neuve. Ce sont les populations du sud qui souffrent le plus.

Je ne vais pas entrer dans les détails. Il y a des diapositives sur les provinces maritimes. Là-bas, en 2015, la pêche normale avec rétention des saumons était interdite. La pêche sportive était interdite dans beaucoup de rivières et, en cas de prises, les pêcheurs devaient relâcher le poisson. La rétention des prises n'était pas permise, contrairement à Terre- Neuve-et-Labrador et au Québec où les stocks sont en meilleur état et où la réglementation permet la rétention.

À Terre-Neuve-et-Labrador en particulier, comme Kevin y a fait allusion, la situation du saumon est nettement meilleure, parce que ce sont des populations plus septentrionales. Elles ont diminué également, mais le déclin n'est pas aussi grave.

Au Québec, la situation des pêches est très variée et aussi légèrement différente. La pêche sportive au grand saumon avec rétention des prises se pratiquait beaucoup en Gaspésie. Désormais, cette pêche est interdite dans beaucoup de rivières. Les pêcheurs peuvent garder les petits saumons, les madeleineaux, mais beaucoup de grands saumons sont protégés. Les pêcheurs sportifs doivent les remettre à l'eau parce que la plupart des poissons pêchés sont des femelles qui portent beaucoup d'œufs. Voilà la situation actuelle en matière de gestion des pêches. Sur les 109 rivières du Québec où la province permettait autrefois la pêche au grand saumon, il n'y en a plus guère que 36 ou 40 où les pêcheurs sportifs peuvent pêcher et garder de grands saumons et, là encore, ce sont surtout des rivières nordiques.

Voilà, j'ai fait un bref tour d'horizon de la situation. Je me tiens à votre disposition si vous voulez poser des questions, obtenir plus d'informations ou de détails. Nous serons ravis de fournir au comité plus d'informations sur la situation.

Je pense que je vais m'arrêter ici pour voir s'il y a des questions ou des demandes d'informations supplémentaires.

M. Stringer : Je vais vous présenter les deux dernières diapositives qui concernent le Comité consultatif ministériel, puisqu'on nous a demandé, je crois, quelle a été notre réponse initiale et ce qu'il est advenu des recommandations du comité consultatif.

Créé l'an dernier, en début d'année, le comité consultatif est constitué de personnes qui prennent fait et cause pour le saumon de l'Atlantique. Le comité s'est réuni à plusieurs reprises à St. John's, Moncton, Halifax et Québec. Il a rencontré divers intervenants et 78 d'entre eux, comme je l'ai dit, ont participé à ces réunions. Il y a eu plusieurs tables rondes et de nombreuses présentations. Gérald a passé une journée ou une journée et demie avec les membres du comité, en compagnie de Bhagwant, pour examiner des renseignements détaillés, des données scientifiques, des mesures de gestion, et cetera. Les membres du comité ont produit un rapport contenant 61 recommandations se rapportant à divers secteurs.

Le comité ne s'est pas contenté de constater la gravité de la situation, il a proposé un programme d'intervention. Il a évoqué certaines mesures que nous prenons et nous a encouragés à poursuivre dans cette direction. Le comité s'est intéressé aux habitats, aux mesures d'application de la loi, aux recherches scientifiques, aux pêches autochtones, aux pêches internationales au Groenland en particulier et à l'aquaculture. Le comité a formulé une recommandation particulière concernant l'examen de la Politique de conservation du saumon atlantique sauvage, établie il y a plusieurs années et qui n'avait pas été révisée.

Tout au long de l'automne et au cours de l'hiver, Gérald et Bhagwant ont pris part à un groupe réunissant des experts de la gestion et des scientifiques des différents domaines. Ce groupe a passé en revue et évalué nos points de vue à la lumière de leurs diverses spécialités, les interventions que nous faisons actuellement et ce que nous pouvons améliorer. Au cours des prochaines semaines, nous réagirons à cet examen.

Essentiellement, le programme en cours est analogue et conforme au programme d'intervention entrepris. Il est certain que ces experts souhaitent que nous en fassions plus. Il est clair également que les fonds supplémentaires que nous accorde le budget nous donneront la possibilité de mettre en œuvre certaines des mesures préconisées.

Je vais vous présenter en particulier quelques-unes des recommandations que nous avons mises en œuvre. Une de ces recommandations concerne la collaboration avec les pêches internationales. Nous avons collaboré avec l'OCSAN, l'Organisation pour la conservation du saumon de l'Atlantique-Nord qui regroupe le Canada et d'autres pays intéressés par la pêche au saumon. Nous avons exercé des pressions sur le Groenland qui a rétabli ce qu'il appelle la pêche en navire-usine et qui n'est rien d'autre que la pêche commerciale. Le Groenland a fini par réduire le volume de prises et par mettre en place des mesures de surveillance des prises et de gestion qui seront très utiles. Le comité est à l'origine de certaines de ces propositions.

Le comité a également présenté une recommandation provisoire sur la remise à l'eau des prises dans la région du golfe, affirmant qu'en raison de la situation observée en 2014, il serait vraiment souhaitable de pratiquer la remise à l'eau dans cette région. Dans certains secteurs, nous avions autorisé certaines activités de pêche avec rétention des prises. Voilà ce que nous avons fait.

Il y a d'autres éléments. Je répète que nous présenterons dans les prochaines semaines notre réponse précise aux recommandations globales du comité, mais on peut dire globalement qu'il s'agit d'un rapport très utile, un programme d'intervention qui cible les secteurs dont j'ai parlé et qui nous servira de guide pour la préservation du saumon de l'Atlantique.

Nous nous tenons maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur Stringer. Nous commençons à préparer une liste pour les questions. Comme d'habitude, je vais d'abord donner la parole à notre vice-présidente, la sénatrice Hubley.

La sénatrice Hubley : Merci beaucoup, monsieur le président. Je vous souhaite la bienvenue. On dirait que vous revenez chaque année faire le point avec nous. Nous en sommes ravis, car cette rencontre est toujours instructive.

Le Comité consultatif ministériel sur le saumon atlantique a présenté quelques recommandations encourageant le développement de la chasse au phoque gris dans le golfe du Saint-Laurent ainsi que dans d'autres régions où il cause des dommages aux populations de saumon sauvage.

En octobre 2012, il y a près de quatre ans, le comité avait présenté, comme vous le savez, une recommandation analogue concernant la prédation par le phoque gris et son impact sur les poissons de fond. Le comité recommandait que le MPO mette en œuvre et gère un programme ciblé de chasse au phoque gris dans le secteur sud du golfe du Saint- Laurent, à compter de la saison 2013 et pour une période de quatre ans. La même recommandation visait la création de protocoles de recherche au cours de la capture, afin d'examiner l'impact de la prédation sur les stocks de poisson de fond. Dans sa réponse, en mai 2014, la ministre Shea indiquait que le gouvernement acceptait notre recommandation, mais qu'il souhaitait un partenariat ouvert et complet avec tous les principaux intervenants.

J'aimerais savoir où en est le MPO dans la mise en œuvre de ces recommandations concernant la chasse au phoque gris dans le golfe du Saint-Laurent. Avez-vous entamé les consultations avec les principaux intervenants concernés, notamment les provinces et l'industrie? Quelles recherches le MPO a-t-il effectuées au cours des quatre dernières années au sujet de régime alimentaire du phoque gris?

M. Stringer : Je vais vous répondre, mais je demanderai à mon collègue scientifique de vous parler de l'alimentation du phoque gris. Je peux vous donner certaines informations.

Il s'agit là d'un problème constant et difficile. Je pense que la plus récente évaluation officielle de la population de phoques gris a révélé l'existence de 505 000 individus. Il y a de nombreuses années, la population était d'environ 30 000. C'est une augmentation importante. Certains scientifiques estiment que cela peut avoir une incidence sur le rétablissement des stocks de morue dans le sud du golfe. Les experts n'ont pas indiqué si cette augmentation pouvait avoir un impact sur les stocks de saumon.

L'étude des contenus stomacaux des phoques gris — mes collègues scientifiques pourront rectifier si je fais erreur — ne semble pas indiquer que les saumons sont des proies prisées par les phoques gris, peut-être parce qu'ils ne sont pas assez nombreux. Avant de donner la parole à mes collègues, je vais répondre à la suite de votre question qui se rapporte à ce que nous avons fait.

Nous avons communiqué avec nos collègues. Nous avons parlé à des représentants de l'industrie de la pêche. Nous avons pris contact avec les provinces. Nous avons parlé aux chasseurs de phoque des mesures éventuelles de gestion. Tout ce que je peux dire, c'est que nous continuons d'examiner la situation. Nous devons prendre l'avis du ministre. Nous notons qu'il s'agit d'une recommandation.

La recommandation porte sur l'analyse du contenu stomacal des phoques. C'est ce que nous faisons. Il est question d'autoriser le prélèvement et l'abattage sélectif des phoques dans les régions où s'applique la politique de protection du saumon et il est question d'augmenter la chasse au phoque gris dans le golfe du Saint-Laurent. Ce qu'on peut dire à ce sujet, c'est que nous sommes tout à fait en faveur de la chasse au phoque gris. Le problème, c'est le marché. La question du prélèvement et de l'abattage sélectif est un autre défi.

Quant au saumon de l'Atlantique, certains pensent que ce n'est pas un facteur important et que les phoques gris du golfe du Saint-Laurent posent des problèmes plus graves. Les phoques sont très nombreux et les poissons ne sont pas aussi abondants.

M. Swerdfager : Dans le cas du phoque gris, nous avons entrepris toute une gamme de recherches, notamment l'analyse du contenu stomacal, comme l'a indiqué Kevin. Nous avons mis un peu plus l'accent sur les interactions entre le phoque gris et la morue, puisque certaines personnes veulent également en savoir plus à ce sujet. Plusieurs études visent à mieux comprendre l'évolution de la population de phoques et son incidence sur diverses espèces, en particulier le saumon, la morue et d'autres espèces. Ces travaux sont en cours et bien avancés. Nous prévoyons qu'ils vont continuer à progresser dans un avenir proche.

La sénatrice Hubley : À votre connaissance, avons-nous déjà pratiqué l'abattage sélectif?

M. Stringer : Non, il n'y en a pas eu.

La sénatrice Hubley : Il n'y a pas eu d'abattage sélectif. J'aimerais faire un commentaire à ce sujet. Au cours de l'étude que nous avions faite sur le phoque gris, les témoignages que nous avaient fournis les pêcheurs étaient extrêmement convaincants. Il était question de la morue, du saumon, du homard. Les phoques gris dévoraient tout ce qu'ils pouvaient trouver dans l'océan. À l'époque, nous avions présenté une recommandation assez énergique. Conscients de l'impact délicat que pourrait avoir une telle action, nous avions malgré tout jugé qu'il était très important de la prendre sérieusement en considération. C'est tout ce que je voulais dire. Je vous laisse là-dessus.

M. Stringer : Je comprends. Comme l'a dit mon collègue, nous continuons à observer la situation, quel que soit le type de poissons que mangent les phoques gris. Les experts sont formels. Les phoques gris ont un impact sur le rétablissement des stocks de morue. Par contre, nous n'avons pas d'autres avis scientifiques officiels concernant les autres espèces. Nous savons que les phoques mangent et qu'ils mangent du poisson. Les chiffres sont là et ils sont préoccupants. Nous en sommes vraiment conscients.

Le président : Merci, sénatrice Hubley. C'est sûr qu'un phoque gris de 700 livres ne mange pas des carottes.

La sénatrice Eaton : En 2013, vous avez parlé de votre collaboration avec l'OCSAN. Je ne vais pas vous apprendre qu'en 2013, le Groenland a pêché 47 tonnes de saumons, dont 82 p. 100 étaient probablement d'origine canadienne. De plus, les pêcheurs de Saint-Pierre-et-Miquelon ont pêché 5,3 tonnes de saumons, tous d'origine canadienne.

Puisque les saumons sont menacés lorsqu'ils migrent en mer, avons-nous envisagé de demander au Groenland de ramener sa pêche de 47 tonnes à 5 ou 10 tonnes? Avons-nous fixé des objectifs? Et que faire de Saint-Pierre-et- Miquelon? Pourquoi ne pas réserver le saumon de l'Atlantique à la pêche sportive? Pourquoi tout simplement autoriser la pêche au saumon? Est-ce une question raisonnable?

M. Stringer : C'est une excellente question qu'il faudrait prendre très au sérieux. L'OCSAN est le forum idéal pour aborder ces questions. Nous estimons que nos interventions ont été couronnées de succès l'an dernier, même si nous n'avons pas atteint complètement nos objectifs.

Le Groenland avait haussé son volume. Je ne me rappelle plus exactement, mais je crois qu'il est passé de 47 à 55 ou quelque chose comme ça. L'an dernier, il a considérablement diminué ses chiffres.

La sénatrice Eaton : Est-ce que le Groenland vous a dit quel était son objectif?

M. Stringer : Oui, l'objectif est de 45. Je ne sais pas s'il a atteint cet objectif qui était nettement plus bas que l'objectif antérieur, mais ce n'en était pas très loin.

À court terme, notre objectif est d'instaurer un régime de gestion afin de connaître exactement le nombre de prises, car nous ne sommes pas absolument certains que le chiffre rapporté de 47 était exact. Il faut mettre en place un système de compte rendu des prises et un régime de gestion afin de disposer d'une gestion efficace des pêches.

Quant aux chiffres que vous avez cités, le pourcentage de poissons en provenance des eaux canadiennes est, selon nous, exact et peut-être même plus élevé. Certains poissons pêchés par le Groenland sont originaires de ce pays, mais très peu. Ce sont surtout des poissons d'origine canadienne. Il y en a aussi d'origine américaine, mais très peu. C'est un défi, mais nous continuerons à exercer des pressions.

Quant à l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, il n'est pas membre de l'OCSAN. Le ministre précédent avait invité Saint-Pierre-et-Miquelon à devenir membre de l'OCSAN en évoquant la nécessité de mettre en place également un régime de gestion pour le saumon.

La sénatrice Eaton : Si notre traité commercial avec l'Europe aboutit, pensez-vous que nous serons mieux en mesure d'exercer par l'intermédiaire de l'UE des pressions sur des pays comme le Danemark et la France? Oublions Saint- Pierre-et-Miquelon; je suis certaine que c'est Paris qui tire les ficelles.

M. Stringer : En fait, nous avons une importante relation, par l'intermédiaire de Paris, avec Saint-Pierre-et- Miquelon, au sujet de plusieurs espèces. Nous avons une entente relative à la morue, au flétan du Groenland et à d'autres espèces. Le point d'achoppement est le saumon. Leur nombre de prises est faible, mais nous souhaitons que Saint-Pierre-et-Miquelon rejoigne la communauté internationale qui se penche sur l'objectif de conservation du saumon et cherche à le faire adopter.

La sénatrice Eaton : Est-ce qu'en Écosse et en Islande, le saumon fait face aux mêmes pressions qu'ici?

M. Stringer : Tout à fait. Les stocks diminuent à l'échelle mondiale. Je ne sais pas si M. Chaput pourrait nous donner des précisions sur les ordres de grandeur, à titre de comparaison.

M. Chaput : Les stocks d'Écosse et de tous les pays européens accusent le même déclin que les stocks nord- américains.

La sénatrice Eaton : Est-ce qu'ils pratiquent toujours la remise à l'eau?

M. Chaput : En Europe, il y a toutes sortes de pêches. L'Écosse autorise la pêche avec rétention des prises, ainsi que certaines pêches commerciales. La plupart des pays auxquels je peux penser — la France, l'Irlande, l'Écosse, l'Angleterre et le pays de Galles, la Finlande, la Norvège et l'Islande — pratiquent encore la pêche avec rétention. Certains pratiquent la pêche commerciale à petite échelle. C'est en Norvège que les activités de pêche sont les plus développées.

Pour répondre à votre question, je dirai que oui, ces pays ont enregistré un déclin similaire. Dans les pays souverains, ce déclin a été plus important. Par exemple, en France, en Irlande et même au Pays de Galles, ce déclin a été très marqué, alors qu'en Norvège, en Finlande et jusqu'à la Russie, la situation est moins grave, les stocks résistent mieux. C'est en tout cas ce qu'on semble constater sur la ligne sud-nord.

La sénatrice Eaton : C'est peut-être à cause de la température de l'eau.

M. Chaput : Le Groenland pratique la pêche au saumon de l'Atlantique lorsque les saumons viennent se nourrir au large de ses côtes, pendant leur deuxième hiver en mer, car il y a là-bas beaucoup de ressources alimentaires. Les saumons européens y vont aussi. En 2014, on avait constaté qu'environ 82 p. 100 des saumons présents dans la région étaient d'origine nord-américaine, les 18 p. 100 restants étant composés de saumons d'origine européenne, surtout des stocks du Sud, d'Écosse, d'Irlande, de France et d'ailleurs. Les différents stocks de saumon se retrouvent donc dans ces aires d'alimentation, et le Groenland y a facilement accès.

Les Groenlandais sont des gens du Nord, qui se nourrissent principalement des produits auxquels ils ont accès. Mais quelle que soit la façon dont ils justifient leur pêche, il faut que cette pêche soit gérée correctement. Le Canada exerce des pressions pour qu'ils pratiquent une pêche vivrière et non commerciale. Comme l'a dit Kevin, ils viennent d'autoriser la vente de poisson aux usines de transformation. De toute façon, au Groenland, les gens pouvaient vendre leur poisson sur le marché libre, à condition d'avoir un permis de pêche.

J'aimerais bien pouvoir être plus optimiste, mais l'an dernier, les prises ont en fait été bien supérieures à 45 tonnes. Malgré tous leurs efforts pour les limiter à 45 tonnes, notamment en améliorant les systèmes de déclaration et de contrôle, le Groenland a indiqué que ces prises avaient totalisé 57 tonnes l'an dernier.

Les représentants des divers pays se rencontrent à l'Organisation pour la conservation du saumon de l'Atlantique Nord puis, ils rentrent chez eux où ils doivent négocier avec leurs propres pêcheurs. Parfois tout se passe bien, mais parfois aussi il y a des problèmes.

Cette organisation est la tribune qui nous permet de discuter et de négocier. La position du Canada a toujours été d'être proactif et de négocier avec le Groenland pour qu'il améliore ses pratiques de pêche, mais sans lui imposer quoi que ce soit. Il y a eu de multiples rencontres l'an dernier entre le Canada et le Groenland pour discuter de la façon dont nous gérons nos pêches et dont nous déclarons les stocks et les quantités débarquées, et comment nous pourrions nous y prendre pour régler le problème de la pêche artisanale. Nous essayons de traiter le Groenland comme un partenaire, sans chercher à lui dicter la façon dont il devrait régler le problème.

La sénatrice Stewart Olsen : J'aimerais revenir sur la question de la mortalité des poissons. Vous ne l'avez pas dit, mais vous l'avez plus ou moins laissé entendre lorsque vous avez indiqué que la situation dans le Nord n'était pas aussi dramatique que dans le Sud. Nous avons parlé des phoques. Faites-vous des études sur d'autres espèces? Qu'avez-vous constaté, qu'est-ce qui est à l'origine de cette mortalité?

M. Chaput : Je suis désolé, sénatrice Stewart Olsen. C'est une question que les gens nous posent toujours, et ils sont frustrés parce que nous ne pouvons pas leur dire ce qui tue le saumon. Le réchauffement des océans est sans doute un facteur, les prédateurs ne sont plus les mêmes, et nous avons beaucoup parlé des phoques. Leur base alimentaire a changé aussi.

Prenons le cas du capelan. Des études récentes visaient à trouver des corrélations entre l'abondance et même la qualité du capelan au large des côtes du Groenland et de Terre-Neuve, pour voir s'il y avait eu des changements au fil des ans. Il semblerait qu'il y en ait eu en ce qui concerne le capelan, qui est un petit poisson que le saumon pourrait consommer. Le capelan n'est plus ce qu'il était. Dans les années 1970 et 1980, il était beaucoup plus riche et beaucoup plus gras. Aujourd'hui, le capelan ne contient pas autant de calories qu'il y a 25 ou 30 ans.

Leur base alimentaire a changé. Ils consomment peut-être encore du capelan ou d'autres proies, mais la qualité de leur alimentation est différente. Quelle en est la cause? La source de plancton est-elle différente pour le capelan, ce qui se répercuterait sur les autres poissons? Il se peut que le réchauffement des températures affecte le capelan. Il y a beaucoup de facteurs qui entrent en jeu. Il n'y a pas de ligne directe entre le réchauffement de l'eau et le saumon. Il y a toutes sortes d'autres facteurs qui interviennent, notamment la base alimentaire, les courants et les changements qui affectent la répartition de la glace. Malheureusement, il n'existe pas de réponse simple. L'écosystème est très complexe, et tous ces facteurs entrent en jeu.

Il est difficile de dire si une réduction de la population de phoques réglerait le problème du saumon. Il est peu probable que ça l'aggrave, mais est-ce que ça le réglerait? C'est difficile à dire, parce que de multiples facteurs sont en jeu.

La sénatrice Stewart Olsen : Avez-vous des raisons de penser, après toutes ces années — même si je sais qu'il est difficile d'avoir des chiffres précis — que ça pourrait fort bien être un phénomène cyclique? C'est ce que certains pêcheurs semblent croire que c'est un phénomène cyclique qui finira par passer. J'aimerais savoir si des études ont montré que ce genre de problème s'est déjà produit.

M. Chaput : Nos dossiers ne remontent pas jusque-là. Ceux que nous avons portent sur les prises de poissons et les quantités débarquées, depuis la fin des années 1800. Vous laissez entendre que ces dossiers ne sont pas complets, mais pourtant, ils montrent bien qu'il y a des hauts et des bas.

Certains scientifiques nous ont dit, pour expliquer ces hauts et ces bas, qu'une raréfaction de la ressource était probablement causée par sa surexploitation par la génération précédente. Il ne faut pas oublier que, parfois, des prises excessives provoquent une diminution de la ressource une ou deux générations plus tard. On observe donc bien des hauts et des bas.

Pour ce qui est de la dernière période, c'est-à-dire les années 1970, nous avons des statistiques un peu plus précises, et nous voyons que la situation commence à changer. C'est au milieu des années 1980 que le déclin se confirme, de façon inexorable. S'il s'agissait d'un cycle, le cycle se serait achevé, mais aujourd'hui, nous connaissons une période continue de réduction du stock. Il n'y a plus de cycles. La ressource s'est considérablement raréfiée, et ce, depuis le début des années 1990.

La sénatrice Stewart Olsen : S'agissant de la pêche sportive au Nouveau-Brunswick, en particulier, j'ai entendu dire, et je ne vous demande pas de me révéler des secrets du gouvernement, qu'il était question de mettre un terme au programme de pêche avec remise à l'eau, pour faire revenir la pêche sportive. Celle-ci dispose d'un lobby très puissant. Je trouve quand même qu'on devrait y réfléchir un peu plus avant de prendre une décision. Qu'en pensez-vous?

M. Stringer : La décision est imminente, et le ministre va la prendre très prochainement. Nous connaissons les points de vue des différentes parties prenantes. Nous avons procédé à un grand nombre de consultations, et nous savons que les opinions sont bien arrêtées. Tout ce que je peux vous dire, c'est que la conservation de la ressource est quelque chose que nous prenons très au sérieux et que la décision sera prise très prochainement.

Le sénateur Baker : Quiconque nous écoute aujourd'hui, pourrait en conclure qu'au Canada, il n'y a plus du tout de pêche commerciale du saumon sur la côte Est. Nous parlons bien de la côte Est, n'est-ce pas? Nous ne parlons pas de la côte Ouest. Ici sur la côte Est, il n'y a plus de pêche commerciale. Si un pêcheur attrape un saumon avec sa harenguière, il va en prison. Des Canadiens se font mettre en prison quand ils attrapent un saumon.

D'après vos chiffres, nous produisons 80 p. 100 des poissons pêchés par le Groenland et un pourcentage élevé des poissons qui sont pêchés dans d'autres régions du monde. Une personne logique et rationnelle ne manquerait pas de dire que, si le Groenland a le droit d'avoir une pêche commerciale aussi importante — et ce n'est rien de le dire —, pourquoi le Canada ne peut-il pas avoir sa propre pêche commerciale pour pêcher ses propres poissons afin qu'ils ne soient pas pêchés par d'autres pays? Voilà pour ma première question.

Ma deuxième question est la suivante : en quoi les côtes du Groenland offrent-elles une nourriture plus attrayante que celle des côtes du Labrador et de Terre-Neuve? Monsieur Chaput, vous connaissez certainement la réponse à cette question. Le saumon, vous vivez avec, vous dormez avec... En quoi un capelan du Groenland est-il différent d'un capelan des côtes de Terre-Neuve et du Labrador?

Quant à ma troisième question, je l'ai oubliée.

Le président : Parfait. Occupons-nous des deux premières.

Le sénateur Baker : Le président a dit « parfait ».

Le président : Occupons-nous d'abord des deux premières questions. D'ici là, vous aurez le temps de vous souvenir de la troisième, sénateur Baker.

M. Chaput : Je vais d'abord répondre à votre deuxième question. Personnellement, j'aime bien les mets exotiques. Peut-être que c'est la même chose pour les saumons, et que c'est la raison pour laquelle ils vont là-bas. Je n'en sais rien. Peut-être que la température de l'eau leur convient mieux. Les courants sont bons, la nourriture y est abondante.

Le sénateur Baker : Que voulez-vous dire?

M. Chaput : Qu'il y a beaucoup de capelans, de crevettes et de calmars au large des côtes du Groenland. Les saumons ne mangent pas que du capelan. Tout ce qu'ils rencontrent, ils le mangent. Ils ont toujours migré là-bas, pour quelque raison que ce soit. Ils vont aussi dans la mer du Labrador, mais ils se concentrent surtout au large des côtes du Groenland. Peut-être qu'au large des côtes du Labrador, les glaces se forment trop tôt à l'automne et que le courant dans la mer du Labrador est trop froid.

Le sénateur Baker : Monsieur Chaput, parlons du cycle du calmar, puisque vous avez mentionné cette espèce. Le calmar naît au large des côtes de la Floride. Ensuite, il remonte à Terre-Neuve avant de retourner en Floride pour y mourir. Nous avons beaucoup de calmar. Par conséquent, le saumon ne va certainement pas au Groenland pour trouver du calmar. C'est donc certainement pour une autre raison qu'il y va, qui plus est en nombre important puisqu'il représente 80 p. 100 des prises commerciales du Groenland.

M. Chaput : Les saumons ont tendance à migrer vers le Groenland au cours de leur deuxième été. C'est là qu'on les trouve. C'est là qu'on les pêche. Je ne sais pas ce qui les attire là-bas, mais c'est ce qu'ils font depuis la fin de la période glaciaire.

Le sénateur Baker : Très bien. Passons maintenant à mon autre question. Un Canadien plein de bon sens, surtout un pêcheur, aurait de bonnes raisons de se demander pourquoi, étant donné que nous produisons les saumons, nous ne sommes pas autorisés à les pêcher avec un filet. On nous jette en prison. Par contre, on laisse les saumons migrer vers le Groenland, où il y a une pêche commerciale très importante. Comment peut-on interdire la pêche commerciale au Canada et ne pas s'opposer fermement à la pêche commerciale pratiquée par les autres pays sur notre propre ressource? Pouvons-nous dire que c'est notre poisson?

M. Chaput : Au large du Groenland, nous le pouvons, car nous faisons des analyses d'ADN. Nous faisons des prélèvements qui nous indiquent s'il s'agit de saumon canadien ou de saumon européen. Ces deux espèces sont très différentes sur le plan génétique. Il est donc très facile de les distinguer. C'est la raison pour laquelle nous savons que 82 p. 100 des saumons, et même plus certaines années, sont d'origine canadienne.

Vous dites que la pêche commerciale au Groenland est très importante, mais je tiens à remettre les pendules à l'heure : ce n'est pas une pêche très importante. Les 57 tonnes en question représentent environ 12 000 saumons canadiens, mais il faut comparer cela aux 160 000 saumons qui quittent le Groenland pour revenir dans nos rivières d'Amérique du Nord. C'est vrai que 57 tonnes, ça peut paraître beaucoup, mais à la fin des années 1960 et au début des années 1970, le Groenland pêchait 2 500 tonnes de saumon.

Le sénateur Baker : Il n'y a pas de rivières à Saint-Pierre-et-Miquelon, n'est-ce pas?

M. Chaput : Non.

Le sénateur Baker : Donc, s'il n'y a pas de rivières, ils ne peuvent pas produire de saumon, mais par contre, ils sont autorisés à en pêcher.

M. Chaput : Ils en pêchent à peu près trois tonnes. C'est un sujet épineux pour les Canadiens, surtout à Terre-Neuve, qui est juste en face. Je comprends votre point de vue, je vois où vous voulez en venir.

La sénatrice Eaton : Nous, nous devons remettre le poisson à l'eau, alors qu'eux ils peuvent le garder.

M. Chaput : C'est une communauté insulaire qui vit des produits de l'océan. Vous êtes bien placés pour les comprendre.

Le sénateur Baker : En effet.

M. Chaput : Ils pêchent le saumon parce qu'il est accessible. Comme l'a dit Kevin, c'est une question à laquelle le Canada essaie activement de trouver une solution avec la France, au nom de Saint-Pierre-et-Miquelon.

M. Stringer : Les quantités pêchées ont diminué. Vous avez dit, Gérald, qu'on avait observé une augmentation des quantités de prises déclarées, qui sont passées de 47 tonnes il y a quelques années à 57 aujourd'hui. Il faut bien comprendre que le Canada n'est pas le seul pays touché. J'encourage le Groenland à adopter un système de gestion avec des mécanismes de déclaration efficaces, et je pense que les chiffres que nous avons aujourd'hui, reflètent davantage la réalité et indiquent en fait une réduction dans l'ensemble.

Il ne faut pas oublier que le Canada autorise aussi la pêche normale, c'est-à-dire sans remise à l'eau. Je n'ai pas ce chiffre avec moi, mais Gérald doit le connaître. Les quantités de poisson...

Le sénateur Baker : Ça représente 1 p. 100 des prises accessoires.

M. Stringer : ... au Canada, ce type de pêche, qui est autorisé pour la pêche sportive, pour la pêche vivrière, sociale et rituelle, ainsi que pour la pêche de subsistance pratiquée par les résidents du Labrador, représente des quantités plus importantes que celles qui sont pêchées au Groenland. C'est ce qu'on nous fait remarquer. Nous essayons de contrôler le phénomène, surtout dans les régions où cela pose de graves problèmes, mais ce n'est pas le cas partout.

Nous comprenons votre point de vue. C'est un dossier qui a une dimension internationale importante. Nous avons soulevé le problème, le ministre l'a fait et nous aussi. Nos moyens sont limités, mais nous ne sommes pas les seuls dans cette situation. Comme l'a dit Gérald, il y a les pays européens et d'autres. Il faut dire que les Groenlandais collaborent davantage depuis quelques années. Nous aimerions bien que Saint-Pierre-et-Miquelon, c'est-à-dire la France, collabore davantage elle aussi à la NASCO.

Le président : Je regrette de devoir limiter cette discussion très intéressante, mais j'ai encore les noms de quatre sénateurs qui veulent poser des questions à nos invités, et le ministre Tootoo va arriver dans une quinzaine de minutes. Je vais donc vous demander d'être aussi brefs que possible.

La sénatrice Raine : Plusieurs des questions que j'avais en tête ont déjà été posées. On nous a remis des notes sur l'achigan à petite bouche. J'aimerais bien que vous fassiez le point sur ce programme.

M. Stringer : S'agissant de l'achigan à petite bouche, on a mis sur pied un programme de trois ans pour éradiquer ce poisson dans un lac tributaire de la rivière Miramichi, car on s'inquiétait des répercussions que la présence de cette espèce pouvait avoir sur le saumon. Une recommandation nous a été faite, et, pendant trois ans, nous avons détruit cette espèce à l'aide de produits chimiques. Le processus s'est terminé récemment, et nous sommes en train d'en évaluer les résultats. Je ne sais pas si nous avons fait une évaluation scientifique en bonne et due forme pour voir si l'espèce avait été complètement éradiquée. Je ne suis même pas sûr qu'on puisse l'éradiquer complètement, mais il faut vérifier dans quelle mesure on a réussi à éviter sa propagation.

M. Chaput : Nous avons fait des analyses. En fait, nous n'avons pas utilisé de produits chimiques, Kevin. Nous avons essayé d'endiguer la propagation de cette espèce par des moyens mécaniques, en pêchant tous les poissons qu'on pouvait trouver. Ce n'est pas une espèce indigène de la rivière Miramichi. Les gens s'inquiétaient de voir que ce poisson avait été introduit dans le lac par des gens qui pensaient que ça serait bon pour la pêche sportive, mais d'un autre côté, c'est une rivière à saumon de l'Atlantique. Nous avons essayé de limiter la propagation de cette espèce en la confinant au lac et en pêchant tous les achigans qu'on pouvait trouver, mais ça n'a pas été facile, loin de là. Quand on parle de pêche excessive, je peux vous dire que c'est difficile avec l'achigan à petite bouche, c'est très difficile de s'en débarrasser.

Nous poursuivons nos efforts pour contrôler la propagation de cette espèce, comprendre mieux son comportement et, nous l'espérons, en débarrasser complètement le lac. Nous étudions plusieurs options pour les prochaines années, mais je peux vous dire que nous poursuivons nos efforts.

La sénatrice Raine : Y a-t-il des écloseries de saumon ou des programmes similaires sur la côte Est, comme il y en a sur la côte Ouest?

M. Chaput : Il y a quelques écloseries sur la côte Est. Le ministère en gère deux. Ce sont des fermes d'élevage du poisson, mais nous les utilisons pour la reproduction des espèces en voie de disparition, dans la baie de Fundy et à l'intérieur de la baie de Fundy. Le service des écloseries gère nos centres de conservation. Nous avons des programmes dont l'objectif est précisément de réintroduire le saumon dans le système, tout en préservant la diversité génétique du poisson. Ce sont des programmes très spécialisés. Leur objectif n'est pas d'augmenter la ressource au profit de l'industrie de la pêche, mais strictement de préserver les populations. Il y a toutefois dans la région plusieurs écloseries non gouvernementales dont l'objectif est d'augmenter les stocks, mais ce sont des écloseries que le ministère ne gère plus depuis une vingtaine d'années.

La sénatrice Raine : Les poissons élevés dans ces écloseries ont-ils les nageoires coupées ou ont-ils un autre signe distinctif?

M. Chaput : Certains ont les nageoires coupées, mais la plupart sont trop petits pour cela. Ils sont trop petits pour se reproduire. Ce sont des programmes assez modestes, mais qui existent dans plusieurs rivières de la région du golfe, notamment.

Le sénateur Enverga : Je vous remercie de votre exposé. J'ai appris beaucoup de choses aujourd'hui, au sujet du saumon de l'Atlantique. J'aimerais poser une question au sujet de la ouananiche. Ce poisson passe toute sa vie dans l'eau douce, et on en trouve beaucoup au Canada, surtout dans le nord du Québec. Est-ce qu'il fait partie de votre étude? Est-ce une population en bonne santé?

M. Chaput : Il y a beaucoup de populations de ouananiche dans l'est du Canada, notamment à Terre-Neuve. On en trouve en effet dans tous les lacs et dans tous les étangs. On en trouve aussi au Québec, ainsi qu'au Nouveau- Brunswick, dans le lac Grand et dans la rivière Saint-Jean. Mais comme je l'ai dit, la ouananiche est un saumon de l'Atlantique, qui vit dans l'eau douce et n'a pas besoin de migrer dans l'océan.

Dans le lac Ontario, nous ne sommes pas sûrs. Le saumon rouge de l'Atlantique a complètement disparu. Il n'y en a plus. Nous ne savons pas si ces poissons étaient confinés aux eaux intérieures et s'ils ont passé toute leur vie entre le lac Ontario et les rivières. Nous n'étudions pas vraiment les populations confinées aux eaux intérieures, parce que nous nous concentrons sur les espèces anadromes vu que ce sont elles qui intéressent la plupart des pêcheurs. Très peu de gens pêchent la ouananiche. Ça peut leur arriver accidentellement, lorsqu'ils pêchent la truite, à Terre-Neuve et ailleurs, mais nous nous concentrons avant tout sur les espèces anadromes.

Le sénateur Enverga : Avez-vous essayé d'étudier la ouananiche? Ça serait peut-être bon pour la pêche commerciale. Ça ressemble plus à de l'aquaculture terrestre.

M. Chaput : Ce poisson ne grossit pas beaucoup. Quand il est confiné aux eaux intérieures, il ne grossit pas beaucoup et reste très petit pendant toute sa vie. Il ne devient guère plus long que 6, 8 ou 10 pouces, rarement plus. Au Labrador, plus précisément dans la rivière Churchill, on trouve l'une des plus importantes populations de ouananiche et, en fait, je crois que c'est la plus importante au monde. Mais de façon générale, ce poisson est très petit et il n'est pas vraiment commercialisable.

Le sénateur McInnis : Les pluies acides sont-elles néfastes pour le saumon de l'Atlantique? Avez-vous pris contact avec l'Atlantic Salmon Association au sujet de l'écran de sûreté qu'elle a installé dans la rivière West, sur le littoral oriental de la Nouvelle-Écosse? L'eau était plutôt acide, et maintenant, le pH est à 5,2, ce qui élimine l'acidité de la chaux. C'est à peu près ça.

Pendant la fin de semaine, j'ai lu dans le magazine de la Fédération du saumon de l'Atlantique que des papetières sont très souvent sanctionnées, mais que John Dillon, le président de l'une des plus grandes de la région, a acheté un système de surveillance sonique — vous êtes certainement au courant — qu'il a installé au confluent de la rivière Miramichi et de je ne sais plus quelle autre rivière. Cette machine est capable d'intercepter les saumoneaux sans leur faire de mal et de leur mettre un implant pour pouvoir suivre leurs traces.

Êtes-vous au courant? Ces engins sont-ils efficaces? Par exemple, l'écran de sûreté que l'Atlantic Salmon Association a acheté et installé sur le littoral oriental de la Nouvelle-Écosse a coûté environ un million de dollars, y compris l'installation et les dépenses de fonctionnement. Je ne connais rien à ces engins, ils sont fabriqués dans l'Ouest, apparemment. Vous intéressez-vous à ce genre de choses, pour voir comment on peut suivre la trace du poisson et comment on peut remédier au problème des pluies acides?

M. Chaput : Je vous remercie, sénateur, de votre question. Pour ce qui est des pluies acides, c'est un problème qui a commencé à se poser dans les années 1980 au Canada, dans beaucoup de régions entre l'Ontario et l'est du Canada. Les pluies acides sont sans doute l'une des causes principales du déclin et de la disparition du saumon de l'Atlantique dans de nombreuses rivières de la côte atlantique de la Nouvelle-Écosse, région que nous appelons le bas-plateau. La structure géologique ne peut pas absorber ces pluies acides, car c'est de la roche très dure, c'est du granite. Avec ce type de précipitations, le niveau d'acidité devenait très élevé, car rien ne pouvait l'absorber. Depuis le début des années 1980, le gouvernement fait faire des études sur ce problème, en collaboration avec Environnement Canada. C'était l'une des plus graves menaces qu'on avait identifiées pour cette région de la Nouvelle-Écosse. Beaucoup de populations ont disparu. Les saumons y retournent, mais les œufs ne survivent pas. Les jeunes saumons ne peuvent pas survivre aux pluies acides.

Dans Sheet Harbour, à l'ouest, la Nova Scotia Salmon Association a en effet installé un écran de sûreté pour contrer les effets des pluies acides, mais je crois qu'il y a environ 47 rivières sur la côte méridionale de la Nouvelle-Écosse qui sont affectées par les pluies acides. C'est une façon très coûteuse de corriger le problème, même si je sais qu'ils obtiennent des résultats très intéressants en ce qui concerne le niveau de pH et les montaisons. C'est donc une solution coûteuse, qui nécessite beaucoup de main-d'œuvre quand on songe à toutes les rivières qui sont affectées, et c'est une solution à un problème particulier.

Pour répondre à votre autre question sur le dénombrement et le suivi des saumoneaux, je peux vous dire que nous collaborons avec la Fédération du saumon de l'Atlantique pour certains de ses projets d'interception des saumoneaux dans leur migration vers l'océan. Ils leur posent des étiquettes acoustiques qui permettent de suivre ces poissons jusqu'à l'estuaire et au-delà. Nous avons pris connaissance de ces études, qui ont en fait commencé en 2003 pour la rivière Miramichi et qui se répètent chaque année. Elles portent également sur la rivière Restigouche et sur deux rivières du Québec, dont la Cascapedia. Nous sommes bien au courant de ces programmes, qui permettent d'étudier la mortalité marine en suivant ces poissons jusqu'à l'endroit où ils meurent, de repérer ceux qui survivent et de calculer leur vitesse de migration.

La sénatrice Poirier : J'aimerais poser une question au sujet du programme de pêche avec remise à l'eau. Je sais qu'il en existe un dans notre coin de pays, mais j'ai entendu dire que des changements pourraient lui être apportés. Je suppose que ce n'est pas la première fois que vous mettez en place un programme de pêche avec remise à l'eau. J'aimerais savoir si vous l'avez appliqué sur plusieurs années et quels résultats vous avez obtenus. Avez-vous observé des différences lorsque le programme n'est appliqué que pendant une saison? Je crois qu'il ne l'a été que pendant une saison, n'est-ce pas, et s'il n'est pas reconduit, il n'aura donc été en vigueur que pendant une saison. Je sais que l'évaluation des résultats du programme a beaucoup d'impact sur les régions touristiques, surtout le long de la rivière Miramichi, mais je voudrais savoir si les résultats sont différents lorsque le programme est appliqué pendant une période plus longue.

M. Chaput : Pour la pêche à la ligne, le programme de remise à l'eau a commencé en 1984. C'est à partir de cette année-là que, dans les provinces maritimes et à Terre-Neuve, les pêcheurs ont été obligés de remettre à l'eau tous les gros saumons, c'est-à-dire tous les saumons de plus de 63 cm, ou encore 23 pouces et trois-quarts. Le programme est en vigueur dans les Maritimes depuis 1984.

La sénatrice Poirier : Et il existe encore aujourd'hui?

M. Chaput : Absolument. Ce qui a changé en 2015, c'est que les pêcheurs devaient aussi remettre à l'eau les petits saumons, c'est-à-dire les madeleineaux. Nous avons pris cette mesure pour protéger les saumons de toutes tailles, peu nombreux, qui revenaient dans la rivière Miramichi, et pour leur donner toutes les chances de survivre. Le programme de pêche avec remise à l'eau est en vigueur depuis 1984, et nous pensons qu'il a contribué à un accroissement de la ponte et de la production de saumons dans les rivières. À propos de cette nouvelle mesure de protection des petits saumons, certains se demandent si ça en vaut la peine, car ces petits saumons sont tous des mâles, de toute façon. Moi je pense que les mâles sont importants, qu'ils ont un rôle à jouer, mais la question est de savoir si on a besoin de tous ces mâles dans la rivière. Peut-être pas. Je pense quand même qu'ils ont un rôle à jouer, mais la question reste posée quant à l'efficacité de cette mesure pour améliorer l'état des stocks.

Le programme de pêche avec remise à l'eau est en vigueur depuis longtemps, et nous savons qu'il donne des résultats satisfaisants. Nous savons aussi, grâce à des études que nous avons faites sur le sujet, que le taux de mortalité après la remise à l'eau est très faible. Si les gens manipulent le poisson correctement, les taux de survie sont excellents. C'est une mesure qui permet aux amateurs de continuer à pêcher tout en protégeant et en améliorant l'état des stocks.

La sénatrice Poirier : Lorsqu'on met en place le programme de pêche avec remise à l'eau pour la pêche sportive, est- ce qu'on l'applique aussi aux Premières Nations? Ces dernières ont-elles des droits issus de traités qui leur permettent de continuer de pêcher? Dans l'affirmative, quelles quantités de poissons sont-elles autorisées à pêcher, et cela a-t-il un impact?

M. Chaput : Je vais laisser mon directeur vous répondre.

M. Stringer : Je voudrais simplement ajouter à la réponse que Gérald vient de vous donner que le programme de pêche avec remise à l'eau est en place depuis un certain temps, et même depuis plusieurs années dans d'autres régions, n'est-ce pas? À l'Île-du-Prince-Édouard, ce programme s'applique depuis de nombreuses années.

S'agissant des Premières Nations et des peuples autochtones, les arrangements varient d'un groupe à l'autre. Des recommandations très intéressantes ont été faites lorsque les Premières Nations ont participé au comité l'an dernier, car les membres de ces communautés gardent le poisson qu'ils pêchent pour leur propre consommation, pour des activités sociales ou pour des cérémonies rituelles. Ils ont recommandé d'encourager l'utilisation de la trappe, au détriment du filet maillant et d'autres méthodes de pêche plus sélectives, et même dans certains cas, d'imposer également la remise à l'eau aux Premières Nations.

Ce sont là des questions qui sont en cours de négociation. Il est même arrivé que des Premières Nations proposent « de modifier leurs façons de faire, dans certains cas », mais pour répondre à votre question, je dirai que les Premières Nations conservent une partie du poisson qu'elles pêchent dans l'Atlantique.

La sénatrice Poirier : Merci.

Le président : Je remercie nos témoins ainsi que les sénateurs qui ont fait preuve de coopération. Nous avons réussi à limiter nos discussions à tout juste une heure, et M. Tootoo est déjà là qui attend avec ses collaborateurs.

Je vous souhaite la bienvenue, à vous, monsieur le ministre, ainsi qu'à ceux qui vous accompagnent, et je vous remercie de trouver le temps de venir nous rencontrer ce soir. Je vous invite, si vous le voulez bien, à nous présenter rapidement les personnes qui vous accompagnent, afin que les sénateurs puissent les identifier. Ensuite, vous avez, je crois, une déclaration liminaire à faire, après quoi, les sénateurs vous poseront des questions. Je vous invite donc à commencer par nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

L'hon. Hunter Tootoo, C.P., député, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne : Je m'appelle Hunter Tootoo et je suis le ministre des Pêches et des Océans. Nous allons commencer par vous, Kevin.

M. Stringer : Kevin Stringer, sous-ministre adjoint, Gestion des écosystèmes et des pêches.

Leslie MacLean, sous-ministre déléguée, Pêches et Océans Canada : Je m'appelle Leslie MacLean et je suis sous- ministre déléguée et sous-ministre par intérim.

Jody Thomas, commissaire, Garde côtière canadienne, Pêches et Océans Canada : Je m'appelle Jody Thomas et je suis commissaire de la Garde côtière canadienne.

Mario Pelletier, sous-commissaire, Opérations, Garde côtière canadienne, Pêches et Océans Canada : Je m'appelle Mario Pelletier et je suis sous-commissaire des opérations à la Garde côtière canadienne.

M. Swerdfager : Je m'appelle toujours Trevor Swerdfager, SMA, Sciences des écosystèmes et des océans.

Le président : Non, vous n'avez pas changé depuis cinq minutes.

Le sénateur Baker : Vous n'avez rien dit pendant la réunion précédente.

Le président : Monsieur le ministre, vous avez la parole.

M. Tootoo : Je vous remercie, sénateurs, de m'avoir invité à comparaître devant mon premier comité sénatorial, qui ne sera sans doute pas le dernier.

Avant de commencer, je voudrais signaler la présence de mon secrétaire parlementaire, Serge Cormier, qui est assis dans la salle. Il va certainement me faire des critiques plus tard.

Comme vous le savez, je suis accompagné de plusieurs membres de l'équipe de la haute direction du ministère des Pêches et des Océans. Quoique vous ayez déjà rencontré bon nombre de ces personnes, j'aimerais vous présenter Leslie MacLean, qui est ici dans son nouveau rôle de sous-ministre par intérim depuis que Matthew King a pris sa retraite, tout récemment, après de nombreuses années de service non seulement au MPO, mais dans d'autres ministères également. Il était censé partir en juin dernier, mais ils ont réussi à le convaincre de rester jusqu'à décembre, et ensuite c'est moi qui l'ai convaincu de rester jusqu'à la fin du cycle budgétaire. Je suis très content qu'il ait accepté de rester, surtout pour la préparation d'un budget aussi important que celui de notre ministère. Je suis ravi qu'il soit resté aux commandes pendant tout cet exercice.

Comme vous le savez sans doute, au début de février, j'ai eu le plaisir d'être le premier membre du Cabinet fédéral à être invité à prendre part, à la Chambre rouge, à la période des questions. C'est un des hauts points de ma carrière, car, comme je l'ai dit à l'époque, après avoir participé à un exercice analogue devant des assemblées municipales et territoriales, ainsi qu'à la Chambre des communes, on m'offrait l'occasion de répondre à des questions devant la Chambre haute. Ce n'est donné qu'à peu de Canadiens et cette occasion pourrait peut-être, dans une cinquantaine d'années, faire l'objet d'une question quiz lors d'une partie de Trivial Pursuit.

J'ai eu, à cette séance, l'occasion d'évoquer mon mandat et quelques-unes des priorités sur lesquelles le premier ministre Trudeau m'a demandé de concentrer l'action du ministère. Permettez-moi de vous dire en quelques mots de quoi il s'agit. Il m'est demandé d'accroître la proportion des zones marines et côtières protégées, de 5 p. 100 d'ici 2017 et de 10 p. 100 d'ici 2020; de réinjecter des fonds à l'appui des programmes de science et de contrôle océanographiques afin d'améliorer notre compréhension des stocks halieutiques, de contrôler la pollution dans les océans et d'appuyer une aquaculture responsable; de nous fonder sur des preuves scientifiques et de tenir compte des changements climatiques dans les décisions ayant des incidences sur les stocks halieutiques et la gestion des écosystèmes; de travailler en collaboration avec mes collègues du Cabinet pour revoir les modifications apportées à la Loi sur les pêches et à la Loi sur la protection des eaux navigables; de passer en revue les processus canadiens d'évaluation environnementale; et de renforcer, sur la base de connaissances scientifiques solides, la protection des espèces en péril.

Je suis attaché au respect des engagements pris dans le cadre de la Stratégie nationale d'approvisionnement en matière de construction navale, et j'entends œuvrer au renforcement de la sécurité maritime, et veiller à l'étude des effets des changements climatiques sur les écosystèmes marins arctiques.

C'est tout un programme, et dans chacun de ces domaines les Canadiens entendent avoir voix au chapitre. J'en suis conscient, car, au début de mon mandat, j'ai effectué des déplacements dans les diverses régions du Canada, et d'un océan à l'autre, afin de recueillir l'avis de la population. J'ai, à l'époque, dit aux parties prenantes, qu'elles œuvrent dans le secteur des pêches, ou qu'elles se consacrent à l'environnement, aux organisations issues des Premières Nations, aux membres de l'industrie pétrolière et gazière, enfin à tous les intéressés, que j'étais venu pour écouter et pour apprendre. J'ai jugé important de recueillir en direct leur sentiment et d'écouter leurs préoccupations, de me familiariser avec leurs réussites, mais aussi avec les difficultés éprouvées, et d'approfondir ma connaissance des divers dossiers. Ainsi, lorsque je serai appelé à prendre une décision dans tel ou tel domaine, j'aurai une meilleure compréhension de la situation, en m'étant entretenu directement avec les personnes concernées.

J'ai rencontré mes homologues provinciaux, des dirigeants autochtones, enfin, ainsi que je viens de le dire, tout un éventail de groupes actifs dans les domaines de l'aquaculture ou de l'énergie ainsi que des représentants d'un nombre considérable de groupes se consacrant à la défense de l'environnement.

Lors d'un déplacement en Colombie-Britannique, j'ai saisi l'occasion de m'entretenir avec le juge Cohen. Nous avions prévu une rencontre d'une demi-heure, mais, un soir, la conversation a dû bien durer une heure et demie. Nous avons notamment évoqué les recommandations qu'il a formulées en vue du rétablissement dans la région des stocks de saumon sauvage du Pacifique.

J'ai également eu, pour la première fois, l'occasion de me rendre dans un établissement aquicole. J'avais vécu et travaillé en Saskatchewan dans un élevage de poulets, et également dans une exploitation de blé, mais c'était la première fois que je me rendais dans un établissement aquicole. J'ai ainsi pu m'initier à un secteur en pleine croissance.

Partout où je me suis rendu, les propos recueillis portaient sur les mêmes thèmes : la viabilité des pêches, l'aquaculture, et la santé de nos océans et de nos voies navigables. Les Canadiens souhaitent qu'en cela le gouvernement fédéral assume le leadership.

J'entends être, en tant que ministre, un ardent défenseur des pêches durables au plan écologique, et d'un secteur aquacole viable et responsable. J'entends également veiller de près aux mesures à prendre en faveur de l'habitat et aux efforts visant la protection de l'environnement.

J'ai eu le plaisir de voir que le budget fédéral récemment présenté prévoit un certain nombre d'investissements qui vont m'aider dans ma mission. Le budget prévoit, par exemple, plus de 197 millions de dollars pour la recherche scientifique sur les océans et sur l'eau douce, ainsi que pour les activités de surveillance. C'est, de cette génération, l'investissement le plus important que le Canada ait consenti en matière de sciences aquatiques. Cet argent permettra d'engager des chercheurs, des biologistes et des techniciens. Ce sera, de l'histoire récente, l'effort le plus important de recrutement de scientifiques au sein du MPO. Je peux vous dire, après les entretiens que j'ai eus, aussi bien avant qu'après cette décision, que cela réjouit le cœur de nombreux scientifiques.

Ajoutons que cet argent va non seulement nous permettre d'investir dans de nouvelles technologies mais, ce qui est encore plus important, de nouer des partenariats essentiels.

Permettez-moi de vous dire quelques mots de l'importance que cela revêt pour les Canadiens. Le renforcement des équipes scientifiques va permettre au MPO de multiplier les évaluations d'espèces commerciales et d'espèces en péril, y compris des diverses espèces de mammifères marins. L'évaluation des stocks nous permettra de mieux comprendre les incidences de la pêche et de l'aquaculture. Cela va nous aussi nous permettre de recueillir des renseignements utiles sur l'étendue des divers stocks, et nous aider à prédire la manière dont les diverses espèces réagissent aux mesures de gestion et s'adaptent aux changements climatiques. Tout cela est très important, car, comme vous le savez sans doute, le poisson et les fruits de mer constituent le troisième poste de nos exportations alimentaires. De nombreux secteurs, et notamment le secteur aquacole, souhaiteraient accroître leurs exportations.

Au cours de nos rencontres, mes homologues provinciaux et territoriaux sont nombreux à insister sur l'importance économique du secteur aquacole pour l'économie de diverses régions, en particulier celles de la côte Atlantique, mais également de certaines régions de la côte Ouest. Notre gouvernement s'est engagé à instaurer un régime solide qui permette au secteur aquacole de se développer de manière responsable et respectueuse de l'environnement. Nous allons continuer à œuvrer de concert avec les provinces, les territoires, les peuples autochtones, les divers secteurs d'activité et les autres parties prenantes afin de mettre en place des plans qui permettront à l'activité industrielle de se développer de manière durable. Mon ministère continuera à assurer la protection de l'écosystème aquatique.

Je suis au courant de l'excellent travail que les membres de votre comité ont fait dans le domaine de l'aquaculture. Je crois savoir que vous avez décidé de poursuivre vos efforts, et de déposer l'an prochain un rapport révisé. Je tiens à vous remercier de votre contribution en ce domaine et j'ai hâte de prendre connaissance de votre rapport final et de ses recommandations.

Le budget prévoit en outre plusieurs investissements qui devraient permettre d'accélérer la croissance de l'économie et, en même temps, de protéger l'environnement et contrer les effets des changements climatiques. Le MPO et Ressources naturelles Canada vont recevoir plus de 81 millions de dollars pour financer d'importantes mesures de protection du milieu marin, notamment par la désignation de nouvelles aires marines protégées dans le cadre de la Loi sur les océans.

En matière d'aires marines protégées, les objectifs dont j'ai fait état plus tôt sont, comme je l'ai indiqué dès le départ, extrêmement ambitieux. Nous savons tous que la désignation de ces aires relève d'un processus complexe. Il nous faut en effet intégrer de multiples facteurs, dont les effets des changements climatiques et les incidences que ces changements peuvent avoir sur les écosystèmes marins. Nous entendons, comme nous avons promis de le faire, de procéder en cela à des consultations approfondies avec les provinces, les territoires, les divers secteurs d'activité, et l'ensemble des Canadiens, y compris les Premières Nations. Il s'agit d'un engagement que j'ai réitéré à maintes reprises lors de mes rencontres avec les diverses parties prenantes. J'ai eu la satisfaction de constater que, quelle que soit la région d'origine des groupes qu'il m'a été donné de rencontrer, tous sans exception, se sont dits d'accord avec ces objectifs. Tous souhaitent s'engager à nos côtés afin de les atteindre. C'est là un point extrêmement important.

Le budget prévoit également des crédits pour l'entretien et l'amélioration des installations fédérales telles que les bases de la Garde côtière canadienne. Cent quarante-neuf millions de dollars sont par ailleurs prévus pour l'amélioration des infrastructures des ports pour petits bateaux appartenant au gouvernement fédéral.

J'ajoute que le MPO est un des sept ministères et organismes appelés à se partager plus de 129 millions de dollars destinés à faciliter l'adaptation de nos infrastructures aux changements climatiques et aider nos communautés à résister leurs effets.

Je suis le premier Inuk à occuper ce portefeuille ministériel et je suis fier de l'engagement que le gouvernement a pris envers les peuples autochtones. Pour ce qui est des pêches, le MPO va recevoir une dotation de plus de 33 millions de dollars pour étendre l'Initiative des pêches commerciales intégrées du Pacifique. Ce programme va donner aux Premières Nations accès aux pêches commerciales et va les aider à établir des entreprises qui sont viables.

Les peuples du Nord, y compris les Inuits, vont par ailleurs obtenir 40 millions de dollars de crédits fédéraux pour les aider à développer, sur l'ensemble des trois territoires, des économies à la fois solides, diversifiées et durables. Le secteur de la pêche est un des domaines d'activité appelé à profiter de cet investissement.

Je voudrais maintenant prendre quelques instants pour vous parler de la chasse aux phoques. Nous savons tous que cette activité a soulevé bien des controverses et qu'elle s'est heurtée, sur les marchés mondiaux, à de sérieux obstacles.

Vous vous êtes peut-être aperçu que, depuis ma nomination, je me présente chaque jour à la Chambre des communes avec une nouvelle cravate en peau de phoque. J'ai fini par en avoir toute une collection.

Le sénateur Baker : Bravo.

M. Tootoo : Des collègues députés cherchent eux aussi à s'en procurer une et cela me fait grand plaisir. À l'occasion de notre récent déplacement à Washington, j'ai laissé au président Obama la cravate en peau de phoque que j'avais portée le matin même lors de notre première rencontre à la Maison-Blanche.

J'ai conclu un nouvel accord. Il s'agit d'un accord important en faveur de la chasse aux phoques pratiquée par les peuples autochtones du Canada dans le cadre du Programme fédéral de certification et d'accès aux marchés des produits du phoque (PCAMPP).

Je continue de m'initier à une multitude de sigles et j'arrive, avec le temps, à m'y familiariser. Il y en a tellement qu'au départ je ne savais pas où donner de la tête et n'avais pas la moindre idée de ce qu'ils voulaient dire.

C'est un accord sans précédent. Le PCAMPP va financer les mesures de certification et les systèmes de suivi permettant de certifier les produits du phoque issus de la chasse autochtone afin qu'ils puissent être certifiés en vue de leur vente dans l'Union européenne. Cet accord illustre l'engagement que le gouvernement fédéral a pris de renforcer ses relations avec les collectivités autochtones et de soutenir le développement économique du Nord.

Je ne saurais, en tant que ministre, comparaître devant votre comité sans évoquer les investissements importants que notre gouvernement consacre actuellement à la Garde côtière canadienne. La réouverture de l'établissement de la Garde côtière à Kitsilano, à Vancouver, revêt pour le gouvernement une importance prioritaire, et c'est vrai aussi de la population de la Colombie-Britannique, du maire de Vancouver et du premier ministre de la province. Le budget prévoit plus de 23 millions de dollars pour la réouverture de la base de la Garde côtière de Kitsilano. En fait il ne s'agit pas seulement de rouvrir cette base, mais d'élargir en même temps ses capacités de recherche et de sauvetage en la chargeant désormais des interventions d'urgence en mer. Cette base assurera en outre, en matière d'interventions d'urgence, la formation de nos partenaires et servira de poste régional de commandement en cas d'incident maritime.

Nous n'avons pas oublié ce qui s'est passé l'été dernier à English Bay, et dans le cadre de discussions entre la Garde côtière, le ministère et d'autres intervenants de la région, nous avons tenté de trouver un meilleur moyen de faire face à ce type de situation. Nous souhaitions leur faire savoir que leurs préoccupations ne nous sont pas étrangères et que nous comprenons fort bien comment ils ont vécu ce qui s'était passé.

Le budget fédéral prévoit en outre à l'intention de la Garde côtière un crédit de 6 millions de dollars pour lui permettre de procéder à une évaluation technique du Manolis L qui s'est échoué au large de Terre-Neuve. En 2013, du carburant provenant de l'épave était remonté à la surface de la mer. On a, depuis, installé un système de rétention des hydrocarbures, mais il ne s'agit que d'une solution provisoire et les crédits destinés à financer l'évaluation technique devraient permettre de trouver une solution définitive et de régler le problème une fois pour toutes.

La Garde côtière canadienne est également, dans le budget, un des organismes qui doit se voir accorder un financement supplémentaire lui permettant d'assurer à la population des services essentiels. Je crois savoir que le Conseil du Trésor va administrer un fonds de 500 millions de dollars pour aider le gouvernement à réagir plus efficacement aux risques liés aux divers programmes et opérations, tels que la détérioration des actifs et l'inflation des prix des programmes. Le montant des crédits destinés à la Garde côtière reste à fixer, mais une fois les montants arrêtés, les chiffres seront présentés au Parlement dans le cadre de la procédure budgétaire.

J'ai dit au départ que pour ce qui est des questions qui leur tiennent le plus à cœur, les Canadiens veulent avoir voix au chapitre, qu'il s'agisse de l'établissement de quotas, de la mise en place de nouvelles politiques, ou du renforcement de la réglementation, enfin de tout un éventail de questions. Ils veulent que le gouvernement soit non pas leur gardien, mais leur partenaire. Ils souhaitent un leadership solide et veulent qu'on leur propose des orientations qui soient claires et pratiques. Ils veulent, en outre, qu'en matière de politique générale, les décisions soient prises sur la base de données scientifiques et non pas en fonction de considérations politiciennes, et ils veulent que sur le plan financier le gouvernement investisse de manière intelligente afin de préserver l'avenir de ce secteur d'activité. J'estime que l'actuel gouvernement est pour les Canadiens un bon partenaire.

Je suis en outre persuadé que les crédits destinés au MPO et à la Garde côtière permettront à nos pêches et à nos entreprises aquacoles de s'engager sur la voie de la prospérité et du développement durable, afin de protéger nos marins et assurer la préservation de notre environnement et de notre domaine maritime.

J'entends que les membres de ce comité et la population canadienne dans son ensemble me tiennent responsable des résultats dus aux investissements que nous consentons actuellement. Je m'attends par ailleurs à ce que vous, mes collègues de la Chambre des communes, et l'ensemble de la population canadienne me tiennent responsable de la manière dont je mène la mission qui m'a été confiée. C'est dans l'ordre des choses. Je ne manquerai pas au cours des mois et des années à venir de vous tenir régulièrement au courant de notre action.

Vous avez sans doute une ou deux questions à me poser et je vais faire de mon mieux pour y répondre. Monsieur le président, je vous remercie.

Le président : Merci, monsieur le ministre.

Chers collègues, le temps nous est compté et vous aurez donc la possibilité de poser une première question puis, une brève — je dis bien brève — question supplémentaire. Il nous sera peut-être possible de procéder à une deuxième série de questions, mais je souhaite que nous soyons aussi concis que possible.

Selon l'usage, nous allons d'abord donner la parole à notre vice-présidente, la sénatrice Hubley.

La sénatrice Hubley : Je vous remercie, monsieur le président. Je vais être très brève. Je vous souhaite à tous la bienvenue. C'est avec plaisir que nous vous accueillons. Je tiens à vous remercier de l'exposé très complet que vous nous avez présenté. Il est clair que, dans vos fonctions, vous allez être très occupé.

J'aimerais vous poser une question au sujet des modifications apportées en 2012 à la Loi sur les pêches, notamment la partie qui traite de la détérioration, perturbation ou destruction de l'habitat. À l'origine, la loi protégeait toutes les eaux peuplées de poissons, aussi bien les eaux naturelles que les plans d'eau artificiels, et quelle qu'en soit la taille. Or, le gouvernement précédent a fait adopter de nouvelles règles qui ont changé cela. J'ai reçu, à l'époque, des courriers à ce sujet et au sujet aussi d'autres modifications concernant les pêches. Les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard éprouvaient à cet égard un certain nombre de préoccupations.

La Fédération du saumon atlantique éprouvait des préoccupations dont elle a fait état devant le Comité des pêches de la Chambre des communes. En mars, vous avez reçu une lettre signée par un large éventail d'organisations, y compris la Fédération du saumon atlantique, des douzaines de groupes actifs dans le domaine du droit de l'environnement, des universitaires, ainsi que des groupes de pêche, et aussi des associations de protection de la faune et des bassins hydrographiques. Tous vous demandent d'abroger les changements de 2012 concernant l'habitat et souhaitent voir réviser la Loi sur les pêches.

Je sais que votre lettre de mandat vous demande de travailler en collaboration avec le ministre des Transports pour revoir les modifications apportées par le gouvernement précédent et réinstaurer les protections éliminées. Ma question est donc la suivante : Avez-vous prévu pour cela un calendrier? Vous ou vos collaborateurs ont-ils entamé cette révision?

M. Tootoo : Merci, madame la sénatrice. La question est d'une grande importance et on me l'a aussi posée lors de mes déplacements d'un océan à l'autre.

Tout le monde est d'accord pour réinstaurer les protections éliminées. Tout le monde a appris avec satisfaction qu'on nous avait confié la mission de revoir la Loi sur les pêches et de réinstaurer les protections éliminées. Je me suis engagé à le faire de manière ouverte et transparente et après consultations afin que tous, y compris les diverses parties prenantes, aient la possibilité de s'exprimer quant aux changements qui devraient être apportés. Les modifications en question figuraient dans un projet de loi omnibus qui a été adopté sans la moindre consultation. Le premier ministre s'est nettement engagé à agir de manière ouverte et transparente et après consultations, afin que toute personne qui éprouve des préoccupations à ce sujet ait la possibilité de se faire entendre.

Je travaille de concert avec mes collègues, le ministre de l'Environnement et du Changement climatique et le ministre des Transports, en vue de soumettre un plan nous permettant d'avancer. Nous espérons pouvoir dans un ou deux mois avoir un projet à présenter au Cabinet et lui proposer les mesures qu'il conviendrait de prendre.

La sénatrice Poirier : Merci, monsieur le ministre, à la fois pour votre présence et pour l'intérêt de l'exposé que vous nous avez présenté.

On a récemment appris par les nouvelles que le gouvernement suédois entend interdire toute importation de homard américain dans l'Union européenne. Après en avoir trouvé quelques spécimens dans leurs eaux, les Suédois considèrent en effet le homard américain comme une espèce envahissante. Or, une telle mesure aurait pour les pêcheurs de homard de la région Atlantique du Canada des conséquences économiques désastreuses. D'après le Conseil canadien du homard, l'année dernière, les exportations vers les marchés européens se sont chiffrées à quelque 75 millions de dollars, soit environ 10 p. 100 de nos exportations d'animaux vivants.

Quelles mesures votre gouvernement a-t-il prises pour protéger nos pêcheurs de homard de l'impact que de telles mesures pourraient avoir sur nos communautés côtières? Avez-vous rencontré des représentants du Conseil canadien du homard pour en discuter? Vous êtes-vous entretenus avec vos homologues américains, la ministre Freeland ou des représentants du gouvernement suédois pour discuter de cela? Une telle mesure pourrait effectivement entraîner de graves conséquences.

M. Tootoo : La nouvelle a naturellement retenu mon attention et je suis fortement préoccupé par les efforts de la Suède visant à faire désigner le homard nord-américain comme une espèce envahissante étrangère compte tenu des conséquences que cela aurait pour la pêche au homard au Canada. Nous nous attaquons de plusieurs manières à ce problème. L'ambassadeur du Canada auprès de l'Union européenne a adressé à cet égard des courriers à la Norvège qui, elle aussi, vient de prendre des mesures d'interdiction — ainsi qu'aux responsables de la Commission européenne du commerce et de l'environnement pour les informer de nos préoccupations à cet égard.

Nos délégués commerciaux auprès des États membres de l'Union européenne ont pris contact avec leurs homologues européens pour tenter d'obtenir l'appui des États membres afin de contrer les mesures proposées par la Suède. Des scientifiques du MPO étudient à l'heure actuelle l'évaluation du risque à laquelle a procédé la Suède, car nous croyons savoir que c'est sur la base de cette évaluation que l'Union européenne entend se prononcer. Je compte en ce qui me concerne évoquer la question avec mes homologues européens, que je dois rencontrer à Bruxelles vers la fin du mois.

Le gouvernement canadien et les représentants du secteur concerné ont en outre pris contact aux États-Unis avec nos homologues, qui s'inquiètent autant que nous des mesures envisagées par la Suède. Mon ministère est par ailleurs en pourparlers réguliers avec les provinces concernées.

La sénatrice Eaton : Monsieur le ministre, c'est un plaisir pour nous de vous accueillir.

L'évaluation des stocks fait partie du volet international de votre mandat. Les poissons ne tiennent hélas pas compte des frontières. Les navires-usines de pays étrangers pratiquent-ils encore la surpêche au large de Terre-Neuve et dans les Grands bancs? Doit-on s'en inquiéter?

M. Tootoo : Nous suivons de près la situation et...

La sénatrice Eaton : Nous la suivons, très bien, mais...

M. Tootoo : Un instant, je vous prie. Je n'ai pas tous les détails. Nous assurons une surveillance au-delà même de notre frontière maritime et collaborons en cela avec le Danemark et le Groenland, mais peut-être devrais-je demander à M. Stringer de vous fournir plus de détails sur ce point.

M. Stringer : Nous faisons partie de l'OPANO, l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest, qui regroupe 12 parties contractantes, dont le Canada.

La réglementation actuelle est assez stricte et on veille à son respect. Nous envoyons régulièrement des navires patrouiller au large des Grands bancs dans la zone de réglementation relevant de l'OPANO. Nous inspectons régulièrement les bateaux qui se livrent à la pêche dans ces zones. Ils sont soumis à des quotas de pêche calculés en fonction de leurs quotas traditionnels. Je peux dire qu'au cours des 10 ou 15 dernières années, la réglementation s'est améliorée. On arrive à contrôler assez bien les prises. Nous cherchons toujours, certes, à améliorer notre action, mais, ces dernières années, nous sommes parvenus à gérer assez bien la situation.

Le sénateur Baker : Pour ne pas risquer d'être interrompu, je voudrais poser en même temps une première question et une question complémentaire. Il est d'ailleurs fort probable qu'il n'y a pas de réponse à la question que je vais vous poser.

Je tiens, d'abord, à vous féliciter, monsieur le ministre, de la manière dont vous remplissez votre mandat. C'est un véritable plaisir de vous voir à la tête de ce ministère et de constater la confiance que les gens ont en vous. Vous êtes constamment à l'écoute. C'est non seulement ce que nous souhaitons voir, mais c'est ce dont nous avions besoin depuis fort longtemps. Dans le Nord, seul le sénateur Charlie Watt a défendu avec ardeur les zones de pêche au large du Nunavut et du Groenland, mais nous avons maintenant, en votre personne, quelqu'un qui est à même d'épauler ses efforts.

Je voudrais, avant de poser ma question, prendre acte d'une excellente initiative annoncée par le gouvernement, qui entend réexaminer le dossier des services de recherche et de sauvetage dont le besoin se fait cruellement sentir dans l'Est du Canada. Le gouvernement a décidé d'entreprendre ce travail difficile. Notre comité, sous la houlette de notre excellent président, se penche lui aussi sur la question en vertu d'un mandat du Sénat, n'est-ce pas, monsieur le président?

Le président : Avez-vous une question à poser?

Le sénateur Baker : Je tenais simplement à vous féliciter. C'est dire que, sur cette question, le gouvernement et le comité sont sur la même longueur d'onde et nous avons bon espoir que le gouvernement prendra en compte nos recommandations.

Ma question est la suivante — et il est probable qu'il soit impossible d'y répondre. Je viens de Terre-Neuve, une île, entourée d'eau naturellement, où tous les ans les populations de petites communautés se livrent à ce qu'on appelle la pêche de subsistance. On leur accorde pour cela une semaine au début de l'été, et une semaine à l'automne. Ils doivent, en deux semaines, stocker leur nourriture de l'année, alors que, dans les autres provinces, la population peut se livrer à la pêche en tout temps.

Or, ainsi que quelqu'un l'a fait remarquer un peu plus tôt, le poisson se déplace et cette réglementation me paraît par conséquent illogique. Elle remonte aux années 1990. Nous souhaiterions vous voir réexaminer la question, car cette réglementation oblige parfois les gens à sortir par mauvais temps. Le président peut confirmer qu'au printemps et à l'automne ces petits bateaux sont parfois exposés à des vents de 30 à 40 kilomètres par heure. Ils y risquent leur vie. Certains se sont noyés en mer à cause de cette règle qui limite la pêche de subsistance à une semaine au printemps et une semaine à l'automne.

Pourquoi serions-nous traités différemment des autres Canadiens? Comment se fait-il que les habitants de Terre- Neuve soient, en matière de pêche de subsistance, soumis à une telle discrimination? Cette réglementation discriminatoire est en vigueur depuis les années 1990. À l'époque je siégeais à la Chambre des communes et je regrette de ne pas avoir soulevé plus énergiquement le problème.

Je souhaiterais qu'on explique au comité, par écrit, pourquoi il en est ainsi. Je sais que le temps nous est compté et que vous n'êtes pas en mesure de me répondre à l'instant même, mais vous pourriez peut-être nous remettre quelque chose par écrit, ou demander à l'un de vos collaborateurs, Mme MacLean, par exemple, de nous expliquer cela à un moment donné, soit par écrit soit en comparaissant à nouveau devant le comité. Merci, monsieur le président.

Le président : La question se justifie.

Le sénateur Baker : La présidence vient de dire que ma question se justifie.

M. Tootoo : Vous pouvez ainsi être certain que votre question se justifie effectivement.

Je vous remercie. Je suis heureux d'apprendre qu'à vos yeux je fais du bon travail. J'ai consacré à ce dossier beaucoup de temps et je suis bien décidé à le régler.

Le sénateur Baker : Nous en sommes tous persuadés.

M. Tootoo : Je suis conscient de l'importance que ce dossier revêt pour tant de personnes, et en particulier pour les habitants de la côte Atlantique, de la côte Ouest et des régions du Nord.

J'ai constaté que les gens ont deux choses en commun : la première est qu'aucun d'entre eux n'estime avoir sa juste part dans la répartition de la pêche; et deux — chose plus importante encore, et je ne manque pas de leur dire — c'est que tous ont intérêt à assurer la viabilité des stocks de poisson et la conservation des pêches pour les générations à venir. Les gens s'opposent sur bon nombre de questions, mais je ne manque jamais de leur dire qu'ils ont tous en commun quelque chose que l'on peut prendre comme point de départ pour aller de l'avant. C'est l'approche que j'ai adoptée.

Mais, pour ce qui est de la pêche de subsistance à Terre-Neuve, je dois dire que c'est bien la première fois qu'on me parle de cela. Non, je plaisante. On m'en a de fait parlé à maintes reprises.

Le sénateur Baker : C'est le principal problème.

M. Tootoo : Je suis parfaitement conscient des préoccupations dont ont fait part les habitants de Terre-Neuve-et- Labrador qui souhaiteraient, pour les raisons que vous venez de nous rappeler, ne pas avoir à s'en tenir aux actuels 32 jours de pêche.

Une extension de la saison de pêche pourrait être assortie de mesures de gestion adaptées afin d'éviter la surpêche. Certains disent que si la situation est différente à Terre-Neuve et au Labrador c'est parce que le nombre de personnes se livrant à la pêche y est plus élevé que dans d'autres régions. C'est un des arguments que l'on m'a fait valoir.

Mais, si nous souhaitons assouplir la réglementation et prolonger la saison, nous allons devoir prendre des mesures de gestion permettant de contrôler les prises et éviter la surexploitation.

J'entends, en commençant par les gens de Terre-Neuve-et-Labrador, consulter tous les intéressés et examiner les diverses solutions qui s'offrent à nous. J'espère que ce printemps même, avant le début de la saison de pêche, nous serons en mesure de vous mettre au courant de ce qui a été fait.

Le sénateur Baker : Excellent. Je vous remercie.

Le président : Je vous remercie, sénateur Baker, d'avoir soulevé cette importante question.

Le sénateur McInnis : Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre présence. Vous vous êtes, me semble-t-il, attaché à bien comprendre ce secteur d'activité qui revêt pour notre pays une si grande importance.

Vous avez à plusieurs reprises évoqué ce secteur d'activité, mais vous n'avez rien dit d'une éventuelle loi nationale sur l'aquaculture. On vous a sans doute déjà parlé de cela, mais je ne suis pas certain que cela figure dans votre lettre de mandat. Vous avez parlé d'un développement durable de l'aquaculture et il serait, me semble-t-il, tout à fait indiqué d'adopter une nouvelle loi, dans le préambule de laquelle on ferait état du large soutien dont jouit auprès de la population l'idée d'entreprendre un développement méthodique de l'aquaculture.

Le domaine est actuellement régi par une mosaïque de 70 textes différents. C'est un domaine qui, dans ma région, demeure controversé, et s'il est controversé c'est parce que ceux qui souhaiteraient s'implanter dans certaines régions n'ont pas obtenu ce fameux « permis d'exploitation sociale ». Une des meilleures choses que vous pourriez faire pour favoriser cette industrie serait d'adopter un texte de loi qui codifie et harmonise ces dispositions disparates. Rien ne justifie l'actuelle controverse, mais c'est quelque chose dont nous devons tenir compte.

Ce que je sais du processus législatif me porte à dire que, même si vous commenciez dès aujourd'hui, vous auriez de la chance d'aboutir dans les deux ou trois ans. D'après moi, une des mesures les plus importantes que vous pourriez prendre en ce début de mandat serait cependant l'adoption d'un tel texte de loi en ce domaine. Il faudrait, naturellement, procéder à des consultations, mais vous seriez surpris de voir comment une telle mesure serait bien accueillie. Je vous invite à y réfléchir. Vous pourriez, si vous le souhaitiez, nous signaler tout de suite votre accord.

M. Tootoo : Avant de dire tout simplement oui, je vais devoir y réfléchir.

Vous avez raison de dire que l'idée d'une nouvelle loi sur l'aquaculture a suscité des avis très divers. C'est ce qui ressort des entretiens que j'ai eus au cours de mes déplacements et de mes discussions avec les représentants du secteur, des provinces et des territoires, des groupes issus des Premières Nations et autres intervenants depuis novembre dernier.

Au cours de ces discussions, des nombreux arguments tout à fait valables ont été soulevés, et nous allons devoir réfléchir soigneusement aux divers aspects de la question. J'ai pleinement conscience de la complexité du problème. Certains pensent qu'il suffit d'apposer une signature au bas d'un document, mais la réalité n'est pas aussi simple que cela.

Vous avez, avec raison, évoqué la diversité des points de vue et des opinions. J'ai hâte de prendre connaissance du rapport final que vous devez remettre à l'automne. Il me sera très utile, j'en suis certain.

Je me suis, dans tous mes déplacements, entretenu avec des représentants du secteur aquacole. J'ai l'impression qu'ils me suivent pas à pas. Ils sont conscients de l'importance de ce secteur d'activité et savent que les stocks de poissons sauvages ne permettront pas d'alimenter une population qui ne fait qu'augmenter. Le secteur aquacole en est conscient et souhaite pouvoir faire face à la situation. Or, ils m'ont à maintes reprises rappelé que l'aquaculture ne figure même pas dans la Loi sur les pêches.

Je vais étudier les diverses solutions qui s'offrent à nous, qu'il s'agisse d'adopter une loi distincte sur l'aquaculture ou de mettre à jour la Loi sur les pêches. Je vais voir quel serait le meilleur moyen de régler la question, car je sais très bien que l'on ne peut pas se permettre de ne rien faire. Il s'agit de se mettre au travail, d'analyser la question et de voir un peu quel mécanisme donnerait les résultats voulus.

Le sénateur McInnis : Je ne suis pas certain d'avoir bien compris. Vous avez employé le mot « révisé », laissant entendre qu'il y aurait une révision de notre étude. Je pensais pourtant que nous en avions remis la version définitive.

M. Tootoo : J'avais cru comprendre que vous poursuiviez votre examen de la question.

Le sénateur McInnis : J'ai eu le rapport final sous les yeux.

M. Tootoo : Il a en effet été déposé, mais il est devenu caduc à la fin de la dernière législature. Je croyais savoir que vous entendiez poursuivre votre examen de la question.

Le président : Une petite précision, monsieur le ministre. Étant donné le moment où nous avons produit notre rapport, nous sommes allés demander un nouvel ordre de renvoi au Sénat afin d'avoir la possibilité, à l'avenir, de demander à votre ministère de faire le point sur les recommandations que nous vous avons adressées. Ce n'est pas nécessairement ce que nous vous demandons aujourd'hui. Ce n'est pas une réponse que nous attendons aujourd'hui.

Vous avez raison sur le fait que nous sommes allés plus loin, mais nous avons prévu cela pour l'avenir afin de vous donner, à vous et à votre ministère, le temps voulu pour examiner les recommandations que nous vous avons adressées, et nous vous convoquerons à nouveau à l'automne pour vous faire le point à ce sujet.

M. Tootoo : Ce sera un plaisir pour moi de revenir devant le comité.

Le président : Nous ne voudrions pas vous causer de stress aujourd'hui.

La sénatrice Raine : Je suis heureuse de vous accueillir à nouveau parmi nous. La dernière fois, c'était au Sénat. J'ai appris beaucoup plus de choses sur le saumon que je ne l'aurais jamais imaginé, mais ce qui m'inquiète profondément aujourd'hui, c'est la situation du saumon quinnat en Colombie-Britannique. C'est un saumon tout à fait particulier, un saumon emblématique, surtout lorsqu'il est de grande taille. On l'appelle même parfois le saumon royal.

À l'heure actuelle, les stocks de saumon quinnat sauvage figurent sur la liste des stocks préoccupants. Les taux de survie du saumon quinnat issu du programme de mise en valeur du MPO ne cessent de baisser depuis 30 ans et sont actuellement trop faibles pour assurer la reconstitution de la ressource et en permettre la pêche. Si nous parvenions à reconstituer ces stocks au niveau qui convient, cela offrirait d'énormes possibilités pour la pêche et le tourisme.

J'ai pris contact avec Omega Pacific, une écloserie privée située au centre de l'île de Vancouver qui réussit à augmenter les taux de survie et à atteindre des rendements 25 fois plus élevés que dans les écloseries du MPO. Cette société obtient ce résultat en conservant les juvéniles un an de plus dans ses bassins d'eau douce, dans des conditions sanitaires extrêmement rigoureuses, et en les élevant selon le même cycle de vie que les saumons sauvages, avant de les relâcher dans l'océan. On a fait beaucoup de recherches au milieu des années 1980 lorsqu'on a mis sur pied le Programme de mise en valeur des salmonidés, les S0 comme on les appelle. Ce sont de petits saumons juvéniles qu'on relâche dans l'océan avant qu'ils atteignent l'âge de six mois — et il y a ensuite les S1. On a opté pour les S0 parce qu'on estimait que cela coûterait moins cher que de les conserver une année de plus.

Mais depuis des années, cette décision est régulièrement contestée, et je pense que l'heure est venue de trancher la question et de faire des études scientifiques pour déterminer quelle est la meilleure solution, car c'est l'objet d'un débat qui s'est malheureusement un peu polarisé entre une écloserie privée et les écloseries du MPO, ce qui fait que la science passe un peu au deuxième plan dans ce contexte.

Brian Riddell, qui dirige la Fondation du saumon du Pacifique, pense que le ministère devrait demander à un scientifique indépendant de faire une analyse des réalisations de la société Omega Pacific et des expériences du MPO pour déterminer ce qu'il faut faire. À mon avis, cela s'impose, car nous risquons sinon de perdre beaucoup de stocks. Nous en sommes maintenant au point où, si nous continuons de faire comme avant, nous risquons de commencer à perdre des stocks dans certains cours d'eau menacés.

Je vous demande d'inscrire cela sur la liste des questions auxquelles vous allez vous intéresser afin de vous assurer qu'elle sera examinée. Je veux parler de la question du saumon quinnat sur la côte ouest de l'île de Vancouver et même de la mer des Salish. Des études sont en cours pour la mer des Salish, mais la côte ouest de l'île de Vancouver a été quasiment laissée de côté.

M. Tootoo : D'accord. Merci.

La sénatrice Raine : J'ai bien aimé ce que vous avez dit quand vous avez précisé que votre mandat comprend la mise en valeur des espèces à risque, sur la base de solides études scientifiques. C'est précisément ce que je vous demande de faire au sujet du saumon quinnat.

M. Tootoo : C'est déjà dans la liste de mes préoccupations. Je crois que notre programme de mise en valeur du saumon là-bas permet de relâcher plus de trois millions de saumons chaque année. Le programme existe depuis plus de 35 ans. Nous nous intéressons vivement à la situation de ce stock de saumon et nous cherchons continuellement de nouvelles méthodes d'élevage sur la base de données probantes, qui ne mettent pas en danger les stocks de saumon sauvage.

Nous collaborons actuellement avec Omega Salmon Group Limited, une société privée d'aquaculture à but lucratif, pour lancer un projet de recherche destiné à étudier d'autres techniques d'élevage permettant de rehausser les taux de survie du saumon quinnat issu du programme de mise en valeur. C'est là un projet de collaboration que nous avons avec cette entreprise et qui va nous permettre de recueillir de solides données scientifiques. Comme nous l'avons dit, nous allons prendre des décisions fondées sur la science et sur des données probantes, et nous travaillons avec Omega pour analyser ces données de façon à être sûrs de prendre de bonnes décisions.

La sénatrice Raine : Je vous en suis reconnaissante. Il s'agit là d'une écloserie privée qui élève des saumons depuis 36 ans. Elle le fait différemment du MPO, et ses résultats sont différents. Je pense que l'heure est vraiment venue de déterminer quelle est la meilleure méthode.

M. Tootoo : La science nous le dira. Le fait que quelqu'un d'autre utilise une méthode différente n'a aucune importance, car ce sont les données scientifiques qui comptent. Ces données sont évaluées au moyen d'un processus d'examen par les pairs, ce qui nous permet de prendre de bonnes décisions sur la base de solides données scientifiques.

La sénatrice Raine : Il n'y a pas de temps à perdre. Merci.

Le sénateur Baker : J'aimerais poser une brève question supplémentaire ou faire une brève remarque au sujet de cette pêche vivrière. Vous avez tout à fait raison, monsieur le ministre. Je comprends parfaitement votre point de vue et je comprends très bien ce qu'a dit votre sous-ministre au sujet de la pêche vivrière et de la nécessité de préserver les stocks. Toutefois, il y a deux ans, l'OPANO a accordé de nouveaux quotas de morue au large de Terre-Neuve. Douze nations étrangères ont obtenu des quotas de morue dans les zones 3M, 3L et 3N. En plus des quotas de morue, elles ont droit à 10 p. 100 de prises accessoires sur toutes leurs prises. Voici où je veux en venir : il y a là des pêcheurs commerciaux de 11 pays étrangers. Certains d'entre eux pêchent la morue à des fins commerciales. Autrement dit, nous n'avons pas le droit de pratiquer une pêche vivrière au large de Terre-Neuve, alors que ces pêcheurs étrangers peuvent y pratiquer une pêche commerciale.

Le problème est que la situation a changé. C'est donc la principale question que je veux vous poser. Je voudrais vous demander de vous pencher sur ce sujet et de revoir la situation. Je pense que l'heure est maintenant venue de le faire. Vous avez dit que vous alliez examiner la situation. Je crois que le moment est venu d'examiner ce que les pêcheurs étrangers ont le droit de pêcher commercialement au large des côtes de Terre-Neuve, et de revoir quelles prises accessoires nous les autorisons à faire. Et en attendant, nos propres pêcheurs ne peuvent pas sortir. Ils doivent faire face aux tempêtes et au mauvais temps, et mettre leur vie en danger simplement pour pouvoir pêcher une quantité donnée de poisson. Tout ce qu'ils veulent, c'est pouvoir remplir leurs congélateurs. Je suis un Terre-Neuvien ordinaire et c'est tout ce que je veux faire. Je ne veux pas aller pêcher du poisson pour le revendre. C'est illégal. Pourriez-vous garder cela à l'esprit lorsque vous prendrez votre décision sur cette question?

M. Tootoo : Comme dirait mon cousin Jordan, absolument.

Le président : Merci, sénateur Baker, d'être revenu sur ce sujet. Y a-t-il d'autres questions?

La sénatrice Raine : Si vous m'en donnez le temps, je dirai que j'ai reçu récemment une lettre de l'Amalgamated Conservation Society, qui me disait avoir appris que des Premières Nations font du lobbying pour obtenir une fermeture de la pêche au saumon quinnat dans les zones 19 et 20, au large de Victoria et de Sooke. Dans ces zones, on ne pêche que des saumons quinnats aux nageoires coupées, ce qui veut dire que ce sont des saumons qui viennent des écloseries, et non pas du fleuve Fraser. Cette association estime que ce n'est pas nécessaire. Évidemment, une fermeture de cette pêche pourrait être extrêmement préjudiciable aux membres de l'association. Les stocks de saumon quinnat du Fraser sont préoccupants, mais je tiens à dire qu'ils ne sont pas du tout affectés par la pêche récréative locale, raison pour laquelle l'association pense que cette pêche doit rester ouverte. C'est une pêche très importante pour le tourisme, et il y a toutes sortes de commerces qui en dépendent. Je tenais simplement à porter cette question à votre attention.

M. Tootoo : Très bien. Merci.

La sénatrice Raine : Voulez-vous que je vous remette une copie de la lettre?

M. Tootoo : Oui, ce serait une très bonne idée. C'est toujours utile d'avoir une copie d'une lettre afin de pouvoir y répondre, et nous pourrions vous transmettre une copie de la réponse. Ça ne devrait pas prendre longtemps, Kevin?

M. Stringer : Non.

M. Tootoo : Voilà. Vous n'aurez pas à attendre longtemps pour avoir une réponse

Le président : Merci, madame la sénatrice Greene Raine, et merci à vous, monsieur le ministre. Avant de conclure la séance, je voudrais vous dire que notre comité met la dernière main à l'élaboration d'un ordre de renvoi et d'un plan de travail dans le but d'entreprendre une étude intensive des activités de recherche et de sauvetage au Canada. C'est une question qui a été portée à notre attention lors des voyages que nous avons effectués dans diverses régions du pays, dans le cadre d'autres études. Nous allons nous donner largement le temps d'effectuer cette étude qui, je l'espère, sera une étude intensive, comme je l'ai dit, sur les services disponibles dans les diverses régions du pays. Nous savons que c'est très important pour les Canadiens de toutes les régions.

Nous nous réjouissons tous que Mme Thomas soit devenue la nouvelle commissaire de la Garde côtière du Canada, et c'est avec grand plaisir que nous irons frapper à sa porte et à celle de ses collaborateurs pour mener à bien cette étude. Nous nous réjouissons aussi d'avance à l'idée de travailler avec vous, monsieur le ministre, avec votre ministère et avec Mme Thomas, pour essayer d'apporter des améliorations aux services de recherche et de sauvetage et pour essayer de mieux comprendre les défis que le ministère et le gouvernement doivent relever dans ce domaine. Notre but est également de mieux comprendre les immenses opportunités qui s'offrent à nous pour rehausser la sécurité de tous les Canadiens. Comme l'a si bien dit le sénateur Baker, qui vient de Terre-Neuve, nous savons combien tout cela est important. À mesure que nous rassemblons des informations pour élaborer notre ordre de renvoi, nous réalisons que c'est également important pour toutes les régions du pays. Nous serons heureux de collaborer avec vous sur cette question. Je tenais simplement à vous tenir au courant de ce projet.

M. Tootoo : Merci beaucoup, monsieur le président. On m'avait informé que vous envisagiez d'entreprendre cette étude. J'en suis très heureux et j'en attendrai les résultats avec grand intérêt. Je suis sûr que la commissaire et moi- même vous communiquerons avec plaisir toutes les informations dont vous aurez besoin durant ce processus. Je sais que vous êtes tous les deux originaires de Terre-Neuve-et-Labrador et que vous connaissez très bien la situation à cet égard. Vous êtes proches du Nunavut qui se trouve au nord de votre province, et vous avez à peu près les mêmes ressources que nous. Ne manquez pas de vous rendre au Nunavut, si vous en avez l'occasion. Depuis que je suis devenu ministre, et même avant, durant la campagne électorale, on m'a souvent parlé de ce problème, pas seulement au Nunavut, mais également partout dans le Nord. Je vous souhaite beaucoup de succès dans cette étude et je vous assure que j'étudierai votre rapport avec beaucoup d'attention. Merci.

Le président : Merci beaucoup de nous avoir accordé de votre temps. Comme vous avez pu le constater, nous avons ici un comité qui fonctionne très bien, quelle que soit l'allégeance politique de ses membres. Nous nous entendons tous très bien.

Merci à nouveau de nous avoir accordé de votre temps ce soir, avec vos collaborateurs. Je vous invite certainement à revenir nous voir quand vous le voudrez, Monsieur le ministre, et je vous laisse le dernier mot.

M. Tootoo : Je n'ai pas très souvent l'occasion de dire le dernier mot. Merci beaucoup. Comme je l'ai dit, c'était ma première comparution devant votre comité, mais ce ne sera pas la dernière, et je m'en réjouis d'avance. Merci beaucoup de vos excellentes questions, de la lettre, et des informations que vous nous avez données pour poursuivre notre travail. Si vous avez d'autres questions à soulever, n'hésitez pas à vous adresser directement à mon bureau, et nous ferons tout notre possible pour vous donner satisfaction. Merci.

(La séance est levée.)

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