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RIDR - Comité permanent

Droits de la personne

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule nº 23 - Témoignages du 6 décembre 2017


OTTAWA, le mercredi 6 décembre 2017

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd’hui à 11 h 30 pour étudier les questions concernant les droits de la personne des prisonniers dans le système correctionnel.

La sénatrice Wanda Elaine Thomas Bernard (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Avant de commencer, je voudrais demander à tous les membres du comité de se présenter, en commençant à ma droite.

La sénatrice Ataullahjan : Salma Ataullahjan, de l’Ontario.

La sénatrice Cordy : Je suis Jane Cordy. Je représente la Nouvelle-Écosse au Sénat. Je vous souhaite la bienvenue.

La sénatrice Andreychuk : Raynell Andreychuk, de la Saskatchewan.

La sénatrice Pate : Kim Pate, de l’Ontario.

La sénatrice Hartling : Nancy Hartling, du Nouveau-Brunswick. Je vous souhaite la bienvenue.

La présidente : Je suis Wanda Thomas Bernard, sénatrice de la Nouvelle-Écosse et présidente du comité.

Nous poursuivons aujourd’hui notre étude sur les questions concernant les droits de la personne des prisonniers dans le système correctionnel. Nous sommes très honorés de la présence parmi nous aujourd’hui du vérificateur général du Canada, Michael Ferguson, qui est accompagné de Carol McCalla. Ils sont venus nous parler du rapport qu’ils ont récemment déposé, La préparation des détenues à la mise en liberté— Service correctionnel Canada.

Monsieur Ferguson, la parole est à vous. Après votre exposé, les membres du comité auront des questions à vous poser.

Michael Ferguson, vérificateur général du Canada, Bureau du vérificatuer général du Canada : Madame la présidente, je vous remercie de nous avoir invités à venir parler de notre rapport d’audit sur la façon dont Service correctionnel Canada prépare les détenues à leur mise en liberté. Nous sommes heureux de vous donner de l’information qui pourra guider votre examen des droits humains des personnes incarcérées dans le système correctionnel. Je suis accompagné de Carol McCalla, la directrice principale chargée de cet audit.

Notre audit visait à déterminer si les délinquantes condamnées à des peines de deux ans ou plus avaient eu accès à temps aux programmes et services qui favorisent la réadaptation. Près de 700 femmes sont détenues dans des établissements fédéraux et 600 autres sont sous surveillance dans la collectivité. Le nombre de détenues autochtones augmente, de sorte qu’elles représentent maintenant 36 p. 100 des délinquantes. Même s’il n’a aucune influence sur le nombre de délinquantes condamnées à des peines de ressort fédéral, Service correctionnel Canada peut leur donner accès en temps opportun à des programmes de réadaptation et à des services culturellement adaptés pour les préparer à la libération conditionnelle.

Notre audit a révélé que Service correctionnel Canada attribuait des cotes de sécurité aux délinquantes à l’aide d’un outil conçu pour évaluer les hommes et non les femmes. Le service utilisait aussi cet outil pour orienter les délinquantes vers les programmes correctionnels, ce qui est problématique puisque l’outil n’a pas été conçu à cette fin. Certaines délinquantes ont donc été soumises à un niveau de sécurité plus élevé que nécessaire et orientées vers des programmes de réadaptation dont elles n’avaient pas besoin.

[Français]

Nous avons constaté que Service correctionnel Canada ne pouvait pas offrir aux délinquantes les programmes de réadaptation dont elles avaient besoin en temps opportun. La plupart des délinquantes sous responsabilité fédérale purgeaient de courtes peines. Cela veut donc dire qu’elles devenaient admissibles à une libération pendant leur première année de détention.

Toutefois, la moitié des délinquantes autochtones en détention n’avait pas terminé leur programme de réadaptation lorsqu’elles devenaient admissibles à une libération conditionnelle pour la première fois, parce qu’elles n’avaient pas eu accès en temps opportun aux programmes dont elles avaient besoin. Elles ont donc eu moins de temps pour profiter d’une mise en liberté graduelle et structurée dans la collectivité, ce qui aurait pu favoriser leur réinsertion.

[Traduction]

Nous avons cependant constaté que Service correctionnel Canada avait accru le recours aux plans de libération prévus à l’article 84 dans le cas des délinquantes autochtones. En vertu de l’article 84 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, des organismes ou des collectivités autochtones participent au processus de réinsertion. Il y a lieu de noter que les détenus autochtones bénéficiant d’un tel plan ont plus de chances que d’autres d’obtenir une libération conditionnelle.

Toutefois, nous avons aussi constaté que l’accès des délinquantes autochtones à des programmes culturellement adaptés était limité dans certains établissements. Par exemple, une seule région avait des pavillons de ressourcement, et ceux-ci étaient exploités presque à pleine capacité. Nous avons constaté que les délinquantes qui participaient à des programmes en pavillon de ressourcement avaient de faibles taux de récidive après leur libération. Pourtant, Service correctionnel Canada n’a pas cherché à élargir l’accès des détenues autochtones à ces pavillons.

[Français]

Nous avons aussi constaté que Service correctionnel Canada avait recours à l’isolement pour gérer certaines des délinquantes et que près de la moitié des délinquantes placées en cellule d’isolement étaient autochtones. Même si le nombre total de détenues placées en cellule d’isolement diminue chaque année, nous avons constaté que 20 p. 100 des placements en isolement duraient plus de 15 jours, soit la limite recommandée par les groupes de défense des droits de la personne.

Les deux tiers des délinquantes sous responsabilité fédérale souffrent de troubles mentaux. Nous avons constaté que Service correctionnel Canada n’avait pas la capacité nécessaire pour offrir les services de santé mentale dont les délinquantes avaient besoin. Les équipes de santé mentale n’avaient pas suffisamment d’employés dans l’ensemble des établissements réservés aux femmes, et le seul hôpital psychiatrique avait été utilisé au maximum de sa capacité ou presque au cours des deux dernières années. Service correctionnel Canada n’avait pas encore trouvé de places supplémentaires dans les hôpitaux psychiatriques provinciaux pour combler ces lacunes.

Nous avons aussi constaté que Service correctionnel Canada utilisait des cellules dans la rangée de cellules d’isolement pour surveiller les délinquantes qui présentaient un risque d’automutilation ou de suicide, et ce, sans qu’elles aient accès 24 heures par jour à un traitement ou à un soutien clinique.

[Traduction]

Nous sommes heureux de noter que, depuis la fin de notre audit, Service correctionnel Canada a accepté de cesser de placer les délinquantes présentant un risque d’automutilation ou de suicide dans les cellules de la rangée d’isolement.

Madame la présidente, cela met fin à mon exposé préliminaire. Nous serons heureux de répondre aux questions des membres du comité. Je vous remercie.

La présidente : Merci, monsieur Ferguson.

Les membres du comité vont maintenant poser des questions, à commencer par les vice-présidentes.

La sénatrice Cordy : Je vous remercie, monsieur Ferguson et madame McCalla, de cet aperçu très intéressant de ce qui se passe dans les établissements correctionnels pour femmes. Comme je suis nouvelle au comité, j’ai trouvé très utile de lire votre rapport.

Je voudrais d’abord parler des problèmes de santé mentale que vous avez évoqués dans votre rapport. Howard Sapers, ancien enquêteur correctionnel du Canada, a parlé, à titre de représentant de l’Institut correctionnel, des problèmes de recrutement et de maintien en fonction des travailleurs en santé mentale dans le système carcéral. En fait, il a dit que c’était un peu comme une porte pivotante. Il y a des problèmes à cause des pénuries de personnel. Quand des gens sont engagés, ils constatent très vite que les services souffrent d’un grave manque de personnel et s’en vont travailler ailleurs.

Vous avez aussi parlé dans votre rapport des problèmes qui existent et de la possibilité que les gens ne reçoivent pas des services adéquats. Je m’interroge sur ce qu’il faudrait faire. Vous avez formulé une recommandation, que j’estime excellente. Vous y demandez à SCC de déterminer l’importance des services de santé mentale à assurer pour traiter les délinquantes qui ont des troubles mentaux conformément aux normes de la profession et pour combler assez rapidement les lacunes au chapitre des niveaux de service.

Où en sommes-nous? On a l’impression que rien n’a été fait. M. Sapers a déjà parlé de ce problème que vous mentionnez maintenant dans votre rapport. SCC a accepté toutes vos recommandations. Par conséquent, où en sommes-nous? Comment allons-nous régler ce problème persistant?

M. Ferguson : Je vais commencer, puis je demanderai à Mme McCalla de vous donner plus de détails.

Comme vous l’avez mentionné, nous avons dit que, à quelques endroits, il a été difficile d’obtenir les ressources dont les services correctionnels avaient besoin pour soigner les délinquantes ayant de sérieux troubles mentaux. En fait, l’un des problèmes résidait dans le fait que les services correctionnels n’avaient pas conclu avec les provinces des ententes leur permettant d’accéder à certains des services dispensés par les hôpitaux provinciaux. L’autre problème était qu’en dépit de l’existence de postes approuvés dans ce domaine, les services correctionnels n’avaient pas réussi à combler toutes les vacances. D’une façon générale, ce sont les deux problèmes qui ont empêché SCC de disposer des ressources nécessaires. Je vais maintenant demander à Mme McCalla de vous donner des détails.

Carol McCalla, directrice principale, Bureau du vérificateur général du Canada : Au chapitre des ressources dont SCC avait besoin pour les détenues, nous avons été heureux de noter que le service avait terminé l’année dernière sa première étude de prévalence des maladies et des troubles mentaux dans la population carcérale. L’étude a établi l’existence d’une très forte prévalence parmi les délinquantes : 67 p. 100 avaient des troubles mentaux et plus de 20 p. 100, de graves problèmes mentaux.

SCC doit maintenant se servir de ces données et, à l’aide des modèles de santé mentale correspondant à une certaine prévalence de l’Organisation mondiale de la Santé, déterminer les services à mettre en place : psychologues, autres membres de l’équipe de la santé mentale et même lits d’hôpitaux psychiatriques. SCC ne l’a pas encore fait. Nous avons donc formulé la recommandation lui demandant de déterminer les capacités nécessaires pour répondre aux besoins.

Au-delà de ce facteur, nous avons noté l’existence de lacunes même en ce qui concerne les capacités que SCC lui-même a jugées nécessaires. Le service souffre d’un important manque de personnel dans les équipes de santé mentale dont il estime lui-même avoir besoin dans l’immédiat. Nous avons également constaté qu’il n’avait pas une stratégie de recrutement ou de maintien en fonction destinée à parer à ce manque. De plus, comme l’a dit le vérificateur général, SCC avait déterminé, il y a quelques années, qu’il avait besoin de renforcer l’accès aux hôpitaux psychiatriques provinciaux. Nous avons cependant constaté que les ententes nécessaires n’étaient pas en place.

La sénatrice Cordy : Est-ce que des ententes quelconques ont été conclues à ce sujet par le gouvernement fédéral ou par SCC avec des provinces?

Mme McCalla : Le service avait une entente avec l’hôpital Royal d’Ottawa, mais elle n’est plus en vigueur à cause d’un incident de sécurité qui a entraîné la suspension de l’entente. SCC a recours aux services de l’Institut Pinel de Montréal dans le cadre d’une entente à long terme.

La sénatrice Cordy : Nous disposons de différents rapports de Howard Sapers. Nous avons aussi votre rapport, et nous savons que SCC a accepté toutes les recommandations que vous avez formulées. Quelle est l’étape suivante? Comment pouvons-nous veiller à ce qu’il y ait un suivi? Irez-vous faire un suivi dans deux ans pour voir si le service a donné suite aux recommandations?

M. Ferguson : Cela peut se faire de deux façons. Chaque fois que nous publions un rapport, l’organisme en cause est censé établir un plan d’action. Bien sûr, vous pouvez voir dans notre rapport tout ce que nous avons constaté et recommandé ainsi que la réponse de l’organisme. De plus, celui-ci est censé préparer un plan d’action plus détaillé exposant les mesures qu’il compte prendre et un calendrier précis. L’organisme doit déposer ce plan auprès du Comité des comptes publics de la Chambre des communes. SCC ne l’a pas encore fait dans le cas de ce rapport parce qu’il vient tout juste d’être publié.

Toutefois, en ce qui concerne, par exemple, le rapport que nous avons produit en 2016 sur la préparation des détenus autochtones à la mise en liberté, le service a établi un plan d’action détaillant les différentes mesures qu’il comptait prendre. Pour la plupart de ces mesures, le délai prévu est écoulé. Cela pourrait constituer pour vous une occasion de faire comparaître des représentants de SCC pour leur demander de s’expliquer. Le service ayant promis de faire certaines choses à l’égard des délinquants autochtones, a-t-il effectivement pris les mesures prévues? Il a en effet fixé des échéances qui sont maintenant dépassées.

Nous pouvons aussi aller faire un audit de suivi, mais nous nous efforçons en général de laisser aux organismes deux ou trois ans pour la mise en œuvre de nos recommandations. Ensuite, nous devons planifier l’audit, l’exécuter et produire un rapport. Dans ce genre d’approche, il s’écoule habituellement au moins cinq ans entre le premier audit et le suivi.

Je crois qu’il y a suffisamment de renseignements publics sur ce que l’organisme a promis de faire. Votre comité peut également jouer un rôle en s’assurant qu’il a effectivement pris les mesures qu’il était censé prendre.

La sénatrice Pate : Vous avez dit, dans votre réponse à la sénatrice Cordy, que SCC a des ententes. N’est-il pas encore vrai, en fait, que le service a des accords d’échange de services avec l’ensemble des provinces et des territoires, mais qu’il n’a pas nécessairement négocié les contrats correspondants? De plus, dans le cas du contrat qu’il a négocié, il s’agissait d’un projet pilote à court terme qui n’a jamais été pleinement mis en œuvre à Brockville. Je crois également savoir — je vous prie de me dire si je me trompe — que le service n’a jamais pleinement mis en œuvre ce contrat ni ne lui a affecté les ressources nécessaires. C’est d’ailleurs un élément du problème qui a entraîné la décision de résilier le contrat.

Mme McCalla : Dans le cadre de notre audit, nous avons cherché à déterminer dans quelle mesure le service avait des ententes avec des hôpitaux psychiatriques et y a eu recours. En fait, il n’avait aucun contrat lui permettant de puiser dans ces ressources. L’entente conclue avec Brockville avait été suspendue lorsque nous avons procédé à notre audit.

Nous avons quelques détails sur les services psychiatriques que les hôpitaux provinciaux avaient proposé de dispenser aux délinquants et délinquantes détenus par SCC. Il y a eu des pourparlers concernant la forme que devaient prendre ces services. D’une façon générale, les offres provinciales allaient beaucoup plus loin que ce que SCC était disposé à payer.

Si j’ai bien compris, les offres provinciales se fondaient sur une certaine masse critique et un nombre minimum de lits pour justifier le soutien que devait assurer le personnel. La population des délinquantes étant très petite, SCC craignait, s’il signait des ententes, d’avoir à payer pour des lits dont il n’aurait pas nécessairement besoin et préférait donc une formule de paiement à l’acte.

Nous avons constaté que l’hôpital psychiatrique actuel de 20 lits fonctionnait presque à pleine capacité. SCC a lui-même déterminé qu’il fallait augmenter la capacité pour desservir les délinquantes détenues.

La sénatrice Pate : En fonction des chiffres que, d’après vous, SCC a lui-même déterminés, la masse critique est, dans l’ensemble, sensiblement supérieure à 300 détenues. Elle dépasse certainement la centaine si on ne tient compte que des cas les plus graves de troubles mentaux. Je sais qu’il ne vous incombe pas nécessairement de décider si le service a mis en œuvre les mesures prévues, mais c’est ce que je comprends d’après les chiffres que vous avez présentés. On pourrait donc soutenir qu’il y a une masse critique et que les ententes conclues avec l’ensemble des provinces et des territoires pourraient faciliter la négociation de ces contrats si on avait eu la volonté d’agir.

Mme McCalla : Oui, si on avait eu la volonté d’agir. Lorsque le service avait défini le besoin, il n’avait pas l’étude de prévalence dont il dispose maintenant. Cette étude n’a été menée qu’en 2016 alors que le besoin avait été défini en 2014, je crois, après l’enquête sur l’affaire Ashley Smith. En 2016, SCC a réalisé l’étude de prévalence qui a permis de connaître le nombre de délinquantes souffrant de troubles mentaux graves et d’importantes déficiences qui auraient été mieux soignées dans un hôpital psychiatrique. Notre audit a établi que le service n’a pas encore utilisé ces renseignements pour déterminer le nombre de lits à obtenir par contrat.

La sénatrice Pate : Le service a-t-il utilisé les renseignements qu’il avait recueillis lorsqu’il a fait des recherches de même nature à la prison pour femmes? Vous avait-il alors parlé de ces renseignements?

Mme McCalla : Je ne suis pas au courant de ces renseignements. En 2014, lorsque le service a déterminé qu’il avait besoin de prévoir des lits supplémentaires, nous avons seulement examiné la nature du besoin défini.

La sénatrice Pate : Il n’y a donc rien eu qui remontait à la fin des années 1990, au début des années 2000 ou à l’époque qui a suivi la publication du rapport de la Commission des droits de la personne?

Mme McCalla : Le service avait certainement fait des études de prévalence, mais elles n’étaient pas nécessairement basées sur les différentes catégories de besoins, comme cela a été le cas en 2016.

La sénatrice Pate : Je vous remercie.

La sénatrice Ataullahjan : Ma question porte sur votre rapport de 2016, La préparation des détenus autochtones à la mise en liberté, d’après lequel SCC n’avait pas déterminé si ses interventions culturellement adaptées étaient suffisamment accessibles aux détenus autochtones. Vous aviez également constaté que l’accès aux interventions correctionnelles variait considérablement selon l’établissement et la région, mais l'article 76 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition impose de mettre en œuvre des programmes destinés à répondre aux besoins et à favoriser la réadaptation et la réinsertion de tous les détenus. Que pensez-vous du fait que SCC n’a pas pleinement appliqué l’article 76? Croyez-vous que cela a nui à la réinsertion des détenus?

M. Ferguson : Je vais encore une fois demander à Mme McCalla de donner des détails à ce sujet, mais SCC a la responsabilité d’offrir des programmes culturellement adaptés. Nous avons constaté, par exemple, qu’il n’y avait pas de pavillons de ressourcement dans toutes les régions, de sorte que les détenues autochtones n’y avaient pas toutes accès. Cette situation était due en partie au fait qu’elles sont trop peu nombreuses dans certaines régions. Les pavillons de ressourcement n’étaient donc pas disponibles partout. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons dit que l’accès à ces services était variable dans le pays parce qu’il y avait des pavillons dans certaines régions, mais pas dans d’autres.

Nous avons en outre noté que, dans certains cas, les détenues n’étaient pas inscrites assez rapidement aux programmes culturellement adaptés et n’étaient donc pas prêtes à accéder le plus tôt possible à la libération conditionnelle. Dans certains cas, les détenues préféraient choisir des programmes qui n’étaient pas culturellement adaptés, même si elles étaient autochtones, parce qu’elles pouvaient les entreprendre plus tôt et espéraient les terminer à temps lorsqu’elles seraient admissibles à la libération conditionnelle.

Nous sommes toujours préoccupés lorsqu’un délinquant est mis en liberté après la date à laquelle il aurait pu être admissible, surtout si c’est parce que l’établissement n’a pas pu l’inscrire assez tôt aux programmes voulus. Cela signifie qu’une fois mis en liberté, le délinquant a moins de temps pour réaliser une réinsertion structurée et progressive dans la collectivité.

Mme McCalla : Nous avons constaté que SCC a établi des programmes culturellement adaptés pour les délinquants autochtones, comme il est tenu de le faire. En vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, le service doit offrir des programmes et des services correspondant aux besoins particuliers des délinquants autochtones et de sexe féminin.

Il a effectivement prévu les Sentiers autochtones, les pavillons de ressourcement, l’accès aux aînés et les programmes correctionnels, mais nous nous inquiétons du fait que l’accès à ces programmes n’est pas le même dans tous les établissements.

À l’établissement d’Edmonton, dans la région des Prairies, plus de la moitié de la population carcérale est d’origine autochtone. Nous avons constaté dans ce cas que l’accès des détenus autochtones aux programmes était comparable à celui des non autochtones.

Pour SCC, le problème se situe principalement dans les régions où les délinquants autochtones ne constituent qu’une faible proportion de la population carcérale. Dans ces cas, nous avons noté que le service était incapable d’assurer l’accès aux programmes correctionnels en temps opportun. Les détenus autochtones ne choisissaient pas nécessairement les programmes destinés aux Autochtones, mais nous avons constaté que, dans les régions où le nombre de délinquants autochtones était relativement faible, ceux d’entre eux qui travaillaient avec un aîné et avaient des activités de ressourcement dans leur plan correctionnel ne choisissaient pas toujours les programmes autochtones, alors que nous nous serions attendus à ce qu’ils le fassent.

Nous avons aussi constaté que plus de la moitié des délinquants autochtones optaient pour les programmes autochtones, mais, comme ils avaient des difficultés à y accéder, seul un quart d’entre eux pouvaient terminer leur programme avant d’être admissibles pour la première fois à la libération conditionnelle. Cette proportion est sensiblement inférieure à celle des délinquants non autochtones.

La sénatrice Ataullahjan : Avez-vous pu constater que les recommandations acceptées entraînaient des changements concrets à SCC?

M. Ferguson : Je crois que, même dans ce cas, nous avons noté que le service plaçait des détenues dans des cellules de la rangée d’isolement simplement à cause du risque d’automutilation ou de suicide. Il utilisait ces cellules simplement pour gérer des risques de santé mentale. Au cours de l’audit, les représentants de SCC ont convenu de cesser de le faire parce que cela ne s’inscrivait pas dans le cadre d’une approche clinique appropriée. Je ne sais pas vraiment ce que le service a l’intention de faire dans le cas des détenues présentant un risque de comportement autodestructeur. Je ne suis pas sûr des détails, mais je crois qu’il y a un cas où nous avons pu constater que le service avait pris des mesures.

C’est le troisième audit que nous faisons au sujet de la préparation des délinquants. Nous en avons fait un sur les délinquants en général, un autre sur les délinquants autochtones et un troisième sur les femmes en détention. Au terme de tous ces audits, nous avons mentionné que le service n’avait pas toujours accès à tous les renseignements disponibles lors de la détermination de la peine et qu’il devrait avoir pour être en mesure de déterminer le niveau de sécurité et les programmes correctionnels voulus. SCC n’a pas encore pris de mesures correctives à cet égard après trois audits, mais nous avons pu voir qu’il avait commencé à faire des progrès.

Pour ce qui est de nos recommandations — pas nécessairement celles qui sont destinées à SCC, mais en général —, les ministères et organismes en cause les acceptent toujours ou presque. Ils disent toujours qu’ils vont y donner suite. Toutefois, lorsque nous revenons faire un suivi dans le même secteur, nous constatons assez souvent qu’ils ont effectivement fait quelque chose, mais que les résultats ne sont pas nécessairement différents. C’est, je crois, l’élément qui nous décourage le plus. Nous formulons une recommandation, l’organisme dit qu’il va agir, mais lorsque nous examinons les résultats, nous n’avons pas toujours l’impression qu’ils se sont améliorés. Nous essayons constamment de transmettre ce message aux ministères et organismes. Lorsque nous parlons des problèmes que nous constatons dans les programmes, nous espérons que l’organisme en cause les modifiera suffisamment pour aboutir à de meilleurs résultats.

La sénatrice Ataullahjan : Je vous remercie.

La sénatrice Pate : Je voudrais revenir sur la question que la sénatrice Ataullahjan a posée au sujet de la surveillance. Vous avez parlé des femmes placées en cellule d’isolement ou traitées comme si elles avaient été en isolement et avez noté que c’était un sujet de préoccupation. Pouvez-vous nous dire comment vous avez appris que cela se produisait et comment vous avez l’intention de surveiller la situation ou de vous assurer d’une surveillance adéquate à l’avenir, afin de déterminer si le placement en isolement se poursuit? Comme vous l’avez sûrement mentionné dans votre rapport, ces personnes sont placées en cellule d’isolement sans être officiellement en isolement préventif, de sorte qu’aucune des exigences légales de surveillance n’était respectée. Je suis curieuse de savoir quels mécanismes de responsabilité vous recommandez ou proposez que notre comité envisage dans ses propres recommandations.

Mme McCalla : Dans le cas de l’observation intensifiée, utilisée lorsqu’on estime que des délinquants présentent un risque d’automutilation ou de suicide, nous avons retenu la question du placement de ces délinquants en isolement préventif sur la base des recommandations du jury dans l’affaire Ashley Smith. Le jury avait recommandé que ces délinquants soient traités de la même façon que s’ils étaient en isolement et fassent l’objet du même niveau de surveillance qu’en cellule d’isolement.

Au cours de nos visites sur place, nous avons examiné les rangées de cellules d’isolement de chaque établissement et avons noté que des délinquants étaient placés en isolement. Les cellules utilisées pour l’observation intensifiée sont un peu différentes des cellules d’isolement. Par exemple, elles sont dotées d’une caméra de surveillance qui fonctionne 24 heures sur 24 et ont une plus grande fenêtre d’observation. Toutefois, ces cellules peuvent également servir pour les détenus en isolement préventif.

La sénatrice Pate : J’aimerais avoir une précision. Ces femmes sont dans l’unité d’isolement, et vous parlez de portes et de fenêtres?

Mme McCalla : Oui.

Lorsque nous avons commencé notre audit, SCC ne tenait pas compte de la période passée par ces femmes en isolement sous observation intensifiée. Au cours de l’année que nous avons consacrée à l’audit, le service a noté la durée de ces périodes. Nous disposons de données incomplètes pour l’année, mais nous avons constaté qu’en général, les femmes étaient soumises à une observation intensifiée en cellule d’isolement pendant environ trois jours, je crois. Les données ne sont cependant pas fiables.

À la fin de notre audit, l’été dernier, SCC a mis à jour sa politique de surveillance. Nous n’avons pas encore eu l’occasion d’étudier la façon dont cette politique doit être mise en œuvre. Nous avons seulement observé la politique qui était en place. Elle prévoyait un examen par des membres de l’équipe psychiatrique. C’est une bonne chose. Je ne sais pas ce que la nouvelle politique prévoit en matière d’examen indépendant, mais ce n’était qu’une recommandation à laquelle on pouvait déroger. Bref, nous n’avons pas eu l’occasion d’étudier les mesures de surveillance des détenues placées en isolement.

De plus, SCC a modifié sa politique au cours de notre audit en interdisant de placer des détenues ayant des troubles mentaux dans la rangée de cellules d’isolement. Nous n’avons pas non plus eu l’occasion de vérifier la façon dont la nouvelle politique devait être appliquée.

La sénatrice Hartling : Encore une fois, bonjour. Je vous remercie de votre présence au comité et de votre bon travail, qui nous est très utile dans notre étude.

Dans votre rapport de 2017, La préparation des détenues à la mise en liberté, vous notez que SCC aurait pu économiser près de 4 millions de dollars si les 225 femmes qui ont obtenu une libération conditionnelle au cours de l’exercice 2016-2017 avaient été préparées à la mise en liberté et avaient été libérées dès la première fois où elles étaient devenues admissibles à la libération conditionnelle. À votre avis, quels sont les meilleurs moyens de tenir SCC responsable de l’application de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition conformément à l’intention du législateur et de remédier aux violations de la loi et de la politique?

M. Ferguson : En général, cela revient à veiller à ce que le service soit en mesure de préparer les délinquants le plus tôt possible pour l’audience de libération conditionnelle. C’est la raison pour laquelle nous insistons tellement sur les différents aspects de cette préparation.

Cela commence au tout début, au moment du placement du délinquant à son arrivée dans le système correctionnel, parce qu’il aura de toute façon une audience de libération conditionnelle, qu’il soit dans un établissement à sécurité minimale, maximale ou moyenne. Les délinquants doivent ensuite faire leur chemin dans le système. Premièrement, l’endroit où ils sont placés est important. Deuxièmement, les programmes auxquels ils sont affectés ont également leur importance. Troisièmement, il faut que SCC permette aux délinquants d’entreprendre ces programmes au moment où ils en ont besoin. Tous ces éléments sont nécessaires pour qu’ils soient prêts le plus tôt possible pour l’audience de libération conditionnelle.

C’est la raison pour laquelle nous avons tant insisté dans cet audit et dans les autres sur le pourcentage de délinquants qui sont prêts dès la première audience. Le service devrait donc continuer à actualiser ses procédures et à vous communiquer, ainsi qu’à d’autres, des renseignements sur le nombre de délinquants qu’il prépare pour leur première audience de libération conditionnelle dès qu’ils y sont admissibles.

La sénatrice Hartling : Avez-vous quelque chose à ajouter?

Mme McCalla : Comme l’a dit le vérificateur général, nous en sommes au troisième audit sur la préparation des détenus à la mise en liberté. Dans chaque cas, nous avons recommandé que SCC veille à ce que les délinquants soient prêts, dans la mesure du possible, dès qu’ils deviennent admissibles à la libération conditionnelle. Nous avons constaté en particulier que les délinquants à faible risque ne sont pas préparés à temps.

Au cours de notre dernier audit, nous avons constaté, pour la première fois en 10 ans, une augmentation du nombre de délinquants qui ont été préparés à la mise en liberté. Il s’agit d’une augmentation sensible qui nous permet de nous rendre compte des effets de notre travail à cet égard. Il n’en reste pas moins que, même si le service prépare davantage de délinquants — ce qui inverse la tendance inquiétante que beaucoup avaient notée —, ils ne sont prêts qu’assez tard. Je crois que seul un quart d’entre eux sont prêts dès qu’ils deviennent admissibles pour la première fois à la libération conditionnelle.

Cela est très important pour leur réinsertion dans la collectivité et leur supervision, particulièrement dans le cas des délinquants à faible risque. Les recherches du service lui-même ont révélé que beaucoup de ces délinquants peuvent être gérés en toute sécurité dans la collectivité plutôt qu’en détention.

La sénatrice Pate : Je vous remercie du bon travail que vous faites.

Vous avez parlé dans votre rapport — ainsi que dans votre exposé préliminaire — du besoin d’un système de classement et des recommandations formulées, surtout depuis la parution en 2003 du rapport Protégeons leurs droits de la Commission canadienne des droits de la personne. Dans ce rapport, la commission avait noté que les échelles de classement et d’évaluation utilisées dans le cas des femmes violaient leurs droits sur le plan non seulement du sexe, mais aussi de la race, à cause de la surreprésentation des femmes racialisées, et notamment des femmes autochtones et des femmes ayant des troubles mentaux. Vous avez dit que SCC s’était engagé à élaborer une nouvelle échelle de classement par niveau de sécurité.

Comme vous le savez sans doute, le service avait à nouveau pris le même engagement en 2004 après la publication du rapport de 2003 de la Commission canadienne des droits de la personne. Il avait retenu les services de Mme Moira Law et l’avait chargée de mener des recherches visant à produire un nouvel outil dans les trois années suivantes. Toutefois, dans son premier rapport, elle avait recommandé de commencer par placer toutes les détenues au niveau de sécurité minimale pour reconnaître que même les femmes condamnées pour des infractions de violence réagissaient souvent à la violence dont elles étaient elles-mêmes victimes, de sorte qu’il était improbable qu’elles présentent un risque par la suite. Mme Law avait également recommandé que les détenues ne fassent l’objet d’un niveau de sécurité plus élevé que si elles présentaient un risque pour la sécurité publique.

Je suis curieuse de savoir si vous avez pu examiner les recherches de Mme Moira Law et où en est le processus maintenant. Compte tenu de l’apparente détermination de SCC — Louise Arbour avait formulé une recommandation similaire en 1996 — à ne pas donner suite à ces recommandations et du fait que le service se bat actuellement contre les mêmes recommandations ou assertions faites par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Ewert, quelles preuves avez-vous pu recueillir dans le cadre de votre audit que des mesures sont prises pour remédier à la situation?

Mme McCalla : Lorsque nous avons examiné cette question, nous avons essayé de déterminer dans quelle mesure SCC avait donné suite aux recommandations formulées en 2003 par la Commission canadienne des droits de la personne. Le service s’était lui-même engagé à élaborer un système de classement par niveau de sécurité pour les délinquantes.

Nous avons demandé et obtenu le rapport de Moira Law et son examen du système de classement. Elle avait été engagée à contrat par SCC pour élaborer un tout nouveau système. Son premier rapport, qui recommandait un mode de classement des délinquantes, avait été examiné et rejeté par SCC, qui n’avait pas poursuivi les efforts entrepris dans ce domaine.

Nous avons vu certains des travaux que SCC avait faits dans le cadre de ses propres recherches pour essayer de modifier la pondération de l’outil. Il a examiné la possibilité d’élaborer une nouvelle pondération. Il y a trois principaux éléments que l’échelle de classement par niveau de sécurité permet d’évaluer et de pondérer. Beaucoup d’autres administrations utilisent pour les femmes une pondération différente de celle des hommes. Toutefois, la taille de l’échantillon était trop petite, de sorte que le service n’a pas abouti à une conclusion sur les avantages d’une nouvelle pondération et a abandonné le travail fait à ce sujet.

D’autres travaux ont été entrepris sans résultat. En fin de compte, SCC n’a apporté aucune modification à l’échelle de classement par niveau de sécurité pour tenir particulièrement compte des risques posés par les délinquantes détenues.

Dans son travail de recherche le plus récent — nous mentionnons dans notre rapport que ce travail remonte à 2012, je crois —, SCC a encore une fois noté les faiblesses de l’échelle quand elle est appliquée aux femmes, surtout en ce qui concerne sa valeur prédictive dans deux des trois éléments mesurés. Par conséquent, nous lui avons recommandé de passer encore une fois en revue les possibilités d’amélioration du classement des délinquantes.

Le grand problème ici est que, en l’absence d’un outil fiable de classement, les femmes reçoivent une cote de sécurité soit trop élevée, qui nuit à leur préparation à temps à la mise en liberté, soit trop basse, ce qui fait courir des risques aux délinquantes et au personnel. Il faut donc veiller à donner aux délinquantes la bonne cote de sécurité. C’est l’objet de la recommandation que nous avons faite à SCC à cet égard.

La sénatrice Pate : Vous avez formulé cette recommandation, comme beaucoup d’autres organismes l’ont fait et comme vous l’aviez fait antérieurement, de même que l’enquêteur correctionnel, la Commission des droits de la personne et Louise Arbour. SCC l’avait lui-même reconnu dans le rapport du Groupe d’étude sur les femmes purgeant une peine fédérale. En fait, vous dites vous-même à la page 6 de votre rapport que le service non seulement avait omis d’établir un nouveau système de classement, mais avait, dans 37 p. 100 des cas, réévalué à la hausse la cote de sécurité attribuée par un système qui, apparemment, classait déjà les femmes à un niveau trop élevé.

Mme McCalla : Nous avons étudié la façon dont l’échelle de classement par niveau de sécurité était utilisée en pratique. En théorie, SCC avait déterminé que la valeur prédictive de l’échelle était douteuse. Lorsque nous en avons examiné l’application, nous avons constaté que le personnel ne tenait pas compte de l’évaluation initiale dans 30 p. 100 des cas, ce qui est problématique dans le cas d’un outil actuariel. Le pourcentage n’aurait pas dû être aussi élevé. Nous avons examiné le travail fait par SCC et avons noté que le service avait constaté que les évaluations différentes établies par le personnel étaient meilleures que les évaluations initiales de l’outil. Cela met en évidence les faiblesses de l’échelle.

SCC a élaboré une échelle de réévaluation du niveau de sécurité spécialement conçue pour les délinquantes. Cet outil a été validé sur la base de résultats très positifs. Nous nous sommes cependant inquiétés du fait que 37 p. 100 des résultats de l’outil étaient rejetés par le personnel, ce qui, encore une fois, est problématique car SCC savait que c’était un bon outil. Ses résultats étaient différents de ceux que produisait l’échelle de classement par niveau de sécurité.

La sénatrice Pate : Avez-vous l’impression que SCC réglera ces problèmes à l’avenir?

Mme McCalla : Nous avons discuté en profondeur des préoccupations que suscitait l’utilisation des échelles. SCC s’est engagé à examiner les possibilités dans le cas de l’échelle de classement par niveau de sécurité et à déterminer les raisons pour lesquelles le personnel rejette si souvent ses résultats. Il est conscient du fait que le pourcentage de rejet est très problématique.

M. Ferguson : Il s’agit d’un problème que nous avons constaté à l’égard d’un certain nombre de programmes différents : les responsables constatent qu’un problème existe et commencent à s’en occuper, mais s’arrêtent en chemin. Le problème persiste donc d’une année à l’autre.

La Commission canadienne des droits de la personne avait évoqué le problème en 2003. Depuis, SCC a eu assez de temps pour déterminer les mesures à prendre. C’est un message que nous essayons de transmettre, non seulement à SCC, mais aussi à l’égard de beaucoup d’autres programmes fédéraux. Lorsqu’une question suscite de sérieuses préoccupations et que des recommandations sont formulées pour y remédier, les ministères et organismes en cause devraient au moins réagir. S’ils procèdent à une évaluation et aboutissent finalement à la conclusion qu’ils n’ont rien de meilleur à mettre en place, ils devraient au moins le dire. Trop souvent, ce n’est pas le cas. Quand un problème est défini et fait l’objet d’une recommandation, ils commencent à s’en occuper, puis s’arrêtent pour reprendre leurs efforts plus tard et ne rien faire en définitive.

Je ne peux pas vous affirmer que le service va remédier au problème cette fois-ci. Tout ce que je peux vous dire, c’est que nous essayons de faire passer ce message à tous les organismes fédéraux. S’ils ont un problème de longue date et affirment qu’ils vont s’en occuper, ils doivent trouver une solution.

La sénatrice Andreychuk : Je voudrais aborder cette question sous un angle un peu différent. Compte tenu des outils dont vous parlez constamment, avez-vous l’impression que les renseignements dont dispose SCC se fondent sur des données antérieures? Autrement dit, établissent-ils leurs propres dossiers ou bien tiennent-ils compte des antécédents de la personne, y compris les analyses et les examens réalisés par les tribunaux ou d’autres organismes gouvernementaux? J’ai souvent constaté par le passé que beaucoup de gens travaillent en vase clos. Certains examens sont faits, puis restent dans le système judiciaire. Quand les délinquants entrent dans le Service correctionnel, c’est presque comme s’ils étaient réinventés. C’est le premier élément.

Deuxièmement, il est beaucoup question ici de santé mentale. Deux autres facteurs m’inquiètent aussi : la drogue et l’alcool. Dans quelle mesure ces facteurs interviennent-ils dans les troubles mentaux? Forment-ils une catégorie distincte ou bien ne sont-ils qu’un autre élément d’un même problème?

Troisièmement, dans quelle mesure les ressources familiales sont-elles exploitées pour la préparation des délinquantes? Je sais qu’il a fallu beaucoup de temps pour établir les pavillons de ressourcement, surtout dans le cas de Maple Creek. Il y a eu beaucoup de tâtonnements à cet égard. Lorsque SCC a pensé à recourir à la collectivité autochtone, et notamment aux familles étendues, le taux de succès a monté. Dans quelle mesure les familles ont-elles participé à la préparation des délinquantes? Y a-t-il eu une participation quelconque?

M. Ferguson : Je vais commencer à répondre à la première partie de votre question, après quoi je demanderai à Mme McCalla de prendre la relève puisqu’elle en sait davantage à ce sujet que moi.

Parlons d’abord de la connaissance de la situation des délinquantes. Lorsqu’une délinquante arrive dans le système correctionnel, SCC est censé réunir différents renseignements, comme les données préparées pour la détermination de la peine, les observations du juge et d’autres documents du même genre. S’il s’agit d’une délinquante autochtone, ces renseignements devraient également comprendre les antécédents sociaux, et cetera.

Toutefois, au cours de chacun des trois audits que nous avons réalisés sur la préparation des délinquants à la mise en liberté, nous n’avons pas trouvé un seul cas où SCC avait réuni tout ce qu’il y avait à recueillir, même s’il avait pu disposer de tous les documents nécessaires. Ces documents existent nécessairement parce qu’ils doivent être produits en prévision de la détermination de la peine. Bref, tous les renseignements sont disponibles, mais SCC n’en dispose pas toujours à l’arrivée des délinquants, en dépit du fait que ces renseignements doivent lui servir à comprendre la situation des délinquants et le contexte des infractions commises afin d’être en mesure de déterminer le niveau de sécurité adéquat.

Dans le cas des délinquantes, nous commençons, je crois, à voir de meilleurs résultats, mais SCC n’a pas encore fait les arrangements nécessaires avec les provinces pour disposer de tous les renseignements disponibles à l’arrivée des délinquantes. Il reste encore du travail à faire à cet égard.

Pour ce qui est de la drogue, de l’alcool et du recours aux ressources familiales, Mme McCalla va vous répondre.

Mme McCalla : De très nombreuses délinquantes ont des problèmes connus d’abus d’alcool et de drogue. SCC cherche ordinairement à affronter ces problèmes au moyen de ses programmes correctionnels polyvalents spécialement conçus à cette fin.

Notre préoccupation découle du fait que SCC n’a pas évalué l’efficacité de ses programmes correctionnels ciblant l’abus d’alcool et de drogue. Il a constaté que, d’une façon générale, les programmes correctionnels ne réduisaient pas sensiblement les chances de récidive après la mise en liberté dans le cas des délinquantes non autochtones. Par contre, les programmes conçus pour les délinquantes autochtones ont des effets. Toutefois, SCC n’a pas déterminé dans quelle mesure ils s’attaquent aux problèmes d’alcool et de drogue, qui créent un risque appréciable de récidive après la mise en liberté. Toutefois, les détenues libérées présentent un très faible risque de récidive, ce qui permet de comprendre que SCC ait eu de la difficulté à mesurer une réduction. Nous avons donc recommandé que le service évalue l’efficacité des programmes en ce qui concerne l’abus d’alcool et de drogue.

Pour ce qui est du contact familial, il est établi qu’il joue un rôle important dans la réinsertion des délinquantes dans la collectivité. C’est en fait pour cette raison que des établissements régionaux pour femmes ont été créés dans les années 1990, depuis la parution du rapport Arbour. Nous avons constaté que SCC s’assure de l’existence de contacts familiaux positifs et en tient compte dans son échelle de réévaluation à cause de l’importance de ce facteur dans la réinsertion des délinquantes.

La sénatrice Andreychuk : Y a-t-il des statistiques quelconques indiquant que les délinquantes elles-mêmes ne veulent pas suivre les programmes? Je sais que la plupart aspirent à la mise en liberté— c’est ce qu’elles m’ont dit —, mais y en a-t-il qui ne soient pas disposées à utiliser les moyens disponibles?

Mme McCalla : Nous avons constaté qu’en général, les taux de participation aux programmes correctionnels sont très élevés, de même que ce que SCC appelle les programmes « achevés avec succès ». Pour achever avec succès un programme correctionnel, il faut que la délinquante y ait participé de son plein gré et ait fait preuve de résultats positifs en matière de reconnaissance des facteurs de risque liés à son comportement criminel.

Pour ce qui est de la proportion des délinquantes autochtones qui souhaitent suivre un programme correctionnel autochtone, par opposition à un programme non autochtone, nous avons constaté qu’elle est d’environ 50 p. 100. Cela correspond à ce que nous avions observé à l’évaluation initiale, lorsqu’on demande aux délinquantes si elles veulent avoir accès à un aîné et suivre un plan de guérison.

SCC suit, par exemple, les femmes qui ont des problèmes de drogue. Il évalue leur niveau de reconnaissance de leur situation et la mesure dans laquelle elles souhaitent s’attaquer à leurs problèmes. En effet, comme vous l’avez signalé, elles n’aboutiront à rien si elles ne veulent pas s’améliorer.

La sénatrice Pate : Je voudrais juste poser une question faisant suite à celle de la sénatrice Andreychuk. Pour faire le lien avec votre rapport de 2016 sur la préparation des détenus autochtones, j’aimerais savoir si vous avez constaté les mêmes effets dans le cas des femmes, compte tenu en particulier de l’arrêt Ipeelee de la Cour suprême du Canada, du jugement rendu dans l’affaire Twins et de l’obligation d’appliquer l’alinéa 718.2e) du Code criminel aux décisions relatives à la libération conditionnelle. Je voudrais simplement en avoir le cœur net. Je crois que vous avez dit non, mais j’aimerais bien savoir si vous avez constaté des effets quelconques.

Mme McCalla : Non.

La sénatrice Andreychuk : Au sujet des pavillons de ressourcement, vous dites qu’ils sont utiles et même plus qu’utiles, mais il n’y en a pas dans toutes les régions. Je sais combien de temps il faut pour établir un bon pavillon de ressourcement, compte tenu des nombreux éléments dont il faut tenir compte. Dans les autres régions, est-ce que le nombre de délinquantes ne suffit pas pour créer un pavillon viable? Le problème consiste toujours à rapprocher les ressources de l’endroit où sont les gens. Si les nombres ne sont pas suffisants, on a une installation qui reste inutilisée. Faut-il, dans certains cas, baisser la cote pour qu’il soit possible d’utiliser l’installation à des fins multiples, ou bien vaut-il mieux envoyer la délinquante au pavillon le plus proche, qui pourrait se trouver assez loin? Beaucoup des délinquantes dont je connais le cas venaient de régions rurales ou nordiques. Comment est-il possible de régler le problème du nombre quand une personne particulière a besoin d’une installation de ce genre?

Mme McCalla : C’est une grande question à laquelle SCC s’attaque à l’heure actuelle. Les responsables nous ont expliqué que c’est le principal obstacle à la création de pavillons de ressourcement, par exemple dans le Canada atlantique où le nombre de délinquantes est petit.

Un travail intéressant a été fait lors de la création du deuxième pavillon à Edmonton, qui fonctionne conformément aux plans prévus aux articles 81 et 84. Il y a là des femmes qui participent à un pavillon de ressourcement, mais celui-ci est exploité par un organisme de la collectivité autochtone. Il y a également là des personnes assujetties à l’article 84, ce qui donne la possibilité de réaffecter des lits et des locaux en fonction des personnes présentes.

SCC a dit — et les statistiques le confirment — que le nombre des délinquantes dans le Canada atlantique, par exemple, est non seulement petit, mais variable. Le service court donc le risque de construire une installation qui ne serait pas exploitée à pleine capacité. Toutefois, entre cette situation et rien du tout, il y a des solutions intermédiaires qu’il conviendrait d’examiner. Nous avons noté que, dans tous les établissements, les délinquantes avaient accès à des aînés et pouvaient travailler avec eux. Nous avons recommandé à SCC de passer en revue les options qui permettraient de créer un pavillon de ressourcement complet tout en continuant à donner accès à ce genre de programmes dans les régions où le nombre de délinquantes est petit. SCC a accepté cette recommandation.

La sénatrice Pate : Comme suite à la question de la sénatrice Andreychuk à laquelle vous venez de répondre, je voudrais parler des accords conclus conformément aux articles 81 et 84. Comme vous le savez sans doute par votre étude de 2016, la maison de ressourcement Buffalo Sage, qui est exploitée par les Native Counselling Services of Alberta, n’avait pas de pensionnaires autochtones au départ, aucune n’ayant été jugée admissible en fonction du système de classement. C’était le cercle vicieux. La maison avait donc dû prendre des délinquantes non autochtones jusqu’à ce qu’il soit possible de modifier la cote des délinquantes autochtones pour qu’elles deviennent admissibles.

SCC a en outre combiné les ententes conclues conformément aux articles 81 et 84 dans sa politique. D’autres témoins nous ont parlé de l’intention du législateur dans le contexte des articles 81 et 84 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition lors de son examen à la Chambre et au Sénat à l’époque. Il s’agissait alors d’envisager des placements individualisés. Pourtant, la politique l’interdit, ne prévoyant que des options institutionnelles. Avez-vous eu l’occasion d’étudier la différence entre l’intention du législateur et la politique adoptée, qui représente ce qui se fait en pratique?

Mme McCalla : Non, nous n’avons pas fait cet examen. Nous avons déterminé la mesure dans laquelle des accords ont été conclus et si les accords signés aux termes de l’article 84 étaient utilisés dans le cas des délinquantes autochtones.

La sénatrice Pate : J’ai noté dans le rapport, encore une fois dans le contexte de la question posée par la sénatrice Andreychuk, que vous avez mentionné l’augmentation du nombre d’accords conclus conformément à l’article 84, ce qui est une bonne chose en principe et en pratique. Toutefois, parmi les accords que vous avez trouvés, combien avaient été conclus avec des organismes existants, et pas seulement avec la maison Buffalo Sage? Je crois savoir que certains de ces accords portent en réalité sur des maisons de transition qui ont affecté un certain nombre de lits aux termes de l’article 84 sans qu’il s’agisse du genre d’accord prévu dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

Mme McCalla : Non, nous n’avons examiné ni l’étendue des accords conclus aux termes de l’article 84 ni les emplacements en cause, mais nous avons trouvé intéressante l’idée de s’entendre avec des organismes communautaires et pas seulement avec des réserves. La loi est assez souple pour qu’il soit possible de le faire, mais nous n’avons pas déterminé la mesure dans laquelle les délinquantes les plus récemment libérées en vertu de l’article 84 étaient confiées à des organismes plutôt qu’à des collectivités autochtones.

La sénatrice Pate : Ou à des maisons de transition?

Mme McCalla : Oui.

La sénatrice Pate : Ainsi, vous réaffectez simplement des lits de maisons de transition existantes.

Mme McCalla : Oui, mais la mise en liberté doit quand même être parrainée par un organisme.

La présidente : Comme nous ne recevons aujourd’hui qu’un seul groupe de témoins, nous pouvons prendre un peu plus de temps. La sénatrice Ataullahjan souhaite poser une question, et moi aussi.

La sénatrice Ataullahjan : Avec votre permission, je voudrais profiter de la présence du vérificateur général pour parler de l’étude que le Comité des droits de la personne a réalisée sur la réinstallation des réfugiés syriens. Je lisais certaines de vos recommandations qui indiquent que le gouvernement n’a pas pris les mesures nécessaires pour suivre les réfugiés syriens et leur réinstallation. Pouvez-vous nous parler de vos principales conclusions à ce sujet? Quels ont été les points forts et les faiblesses de ce programme? Différents articles parus après la publication de votre rapport ont révélé que le gouvernement libéral avait manqué à son obligation de suivre les plus de 40 000 réfugiés qui se sont établis au Canada.

M. Ferguson : Dans le cas des réfugiés syriens, nous avons examiné les services d’établissement en concentrant notre attention sur Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et la responsabilité qu’il a de favoriser et d’appuyer l’intégration des réfugiés syriens et de tous les nouveaux venus au Canada.

Nous avons constaté que, à l’arrivée des réfugiés syriens, le ministère a veillé à ce que leurs besoins et leurs capacités linguistiques soient évalués. La plupart des réfugiés syriens qui avaient besoin d’une formation et de services linguistiques ont pu obtenir la formation et les services nécessaires.

Quelques éléments ont suscité des préoccupations. Premièrement, il y a eu une période pendant laquelle le ministère n’a pas été en mesure de payer intégralement quelques fournisseurs de services, à savoir les organismes qui fournissaient les services linguistiques aux nouveaux venus. Pendant cette période, qui a duré au moins trois mois et davantage dans certains cas, près de 15 p. 100 des fournisseurs ont dû réduire certains de leurs services. En effet, même si le paiement des services avait été approuvé, le ministère n’avait pas conclu les ententes nécessaires pour payer les organismes en cause.

L’autre point qui nous a beaucoup préoccupés était attribuable au fait que le ministère avait mis en place un cadre de mesure lié aux renseignements dont il avait besoin sur l’intégration des réfugiés. Il avait défini les genres de données dont il avait besoin, qui comprenaient des choses telles que l’inscription des enfants à l’école, la possibilité pour les réfugiés ayant de graves problèmes de santé d’accéder aux services médicaux nécessaires, la participation aux programmes de soutien du revenu, et cetera. Il s’agissait dans tous les cas de services provinciaux. Toutefois, le ministère n’avait pas conclu — un peu comme dans le cas des délinquantes — des ententes avec les provinces pour recueillir ces renseignements et ne disposait donc pas des renseignements qu’il avait besoin de connaître sur ce qui se passait au niveau provincial au chapitre de l’intégration, de l’éducation, de la santé et du soutien du revenu. Nous avons estimé, puisque le ministère est chargé d’appuyer l’intégration, qu’il ne pouvait pas se limiter aux services fournis par le gouvernement fédéral. Il devrait être au courant de tous les services assurés aux réfugiés afin de pouvoir se rendre compte s’ils avaient vraiment la possibilité de s’intégrer dans la société canadienne.

La sénatrice Ataullahjan : Nous avons formulé 12 recommandations à l’intention du gouvernement. Notre étude avait mis en évidence un problème particulier, celui des besoins en santé mentale. Des médecins nous avaient dit que, dès que les réfugiés se sentiraient en sécurité, nous assisterions à une recrudescence des problèmes de santé mentale. L’autre point concernait la formation linguistique, surtout dans le cas des mères ayant de jeunes enfants. Nous avions recommandé d’assurer à ces mères des services de garde d’enfants pour qu’elles puissent aller à la formation linguistique. Beaucoup de veuves sont arrivées au Canada avec de jeunes enfants et avaient besoin d’aide. Avez-vous pu déterminer si le gouvernement a répondu d’une façon quelconque à ces besoins?

M. Ferguson : Nous avons constaté que le ministère payait pour des choses telles que la garde d’enfants, le transport, et cetera. Je ne suis pas sûr du degré de participation, mais je sais que ces services étaient disponibles et que le ministère avait un budget permettant de les financer.

La question de la santé mentale est elle aussi liée au fait que le ministère ne recueillait pas des données sur les besoins. Lorsque des réfugiés avaient d’importants problèmes de santé, le ministère ne savait pas s’ils étaient en mesure d’obtenir les soins nécessaires auprès des services de santé provinciaux.

Je crois que tout cela concorde avec ce que nous avons constaté et aussi avec ce que vous avez dit. Le ministère doit être au courant non seulement des services de santé dont les réfugiés avaient besoin à leur arrivée au Canada, mais aussi de la mesure dans laquelle leur situation pouvait modifier leur état de santé. La possibilité pour les réfugiés d’accéder aux services voulus fait sûrement partie des éléments dont nous parlons : le ministère doit être au courant des services dispensés à l’échelle provinciale pour se rendre vraiment compte du degré d’intégration des nouveaux venus.

La sénatrice Ataullahjan : Je vous remercie.

La sénatrice Cordy : Je voudrais revenir à votre rapport. Vous avez parlé du fait que peu de délinquantes ont participé au programme de formation à l’emploi de CORCAN. Vous avez ajouté que beaucoup de délinquantes n’ont pas de compétences recherchées sur le marché du travail et que la formation en cours d’emploi pendant la détention peut favoriser leur réinsertion sociale à la mise en liberté. Vous avez évoqué à plusieurs reprises la nécessité de s’intégrer avec succès pour éviter la récidive. Aujourd’hui, vous avez dit la même chose.

D’après ce que j’ai lu, les détenus de sexe masculin sont formés à des métiers spécialisés pour qu’à leur libération, ils puissent obtenir dans la collectivité un emploi raisonnablement rémunéré, tandis que beaucoup des femmes reçoivent une formation destinée à leur apprendre à faire la cuisine, à nettoyer et à coudre. Ce sont d’excellentes connaissances à acquérir, mais elles ne permettent pas de gagner un salaire décent lors de la mise en liberté.

Y a-t-il des changements à cet égard? Dans la société d’aujourd’hui, beaucoup de femmes sont formées à des métiers spécialisés et obtiennent des emplois dans ce domaine. Les autorités carcérales ont-elles commencé à former les délinquantes à des emplois pouvant leur assurer une rémunération raisonnable après leur mise en liberté? Une bonne réinsertion comprend l’obtention d’un emploi et d’un salaire suffisant pour soi-même et pour sa famille.

Mme McCalla : Absolument. L’emploi est un élément critique d’une réinsertion réussie pour tout délinquant, homme ou femme. Nous n’avons pas nécessairement examiné le genre de formation offert par CORCAN. Nous ne nous sommes occupés de CORCAN qu’en tant que source d’emploi sérieuse. Cet organisme a été établi pour fournir des possibilités d’emploi et de formation pendant la détention. Les nombres de personnes en cause étant très petits, nous ne sommes pas allés plus loin. Seulement 29 femmes avaient participé à un programme d’emploi de CORCAN, ce qui nous a beaucoup préoccupés.

Le programme donne accès à de nombreux certificats de formation professionnelle. Nous avons constaté que beaucoup de délinquantes en obtenaient, mais les périodes de formation nécessaires pour recevoir un certificat s’échelonnent entre une seule journée et trois ou quatre mois, et même quelques années dans le cas des soudeurs.

Nous n’avons pas examiné la répartition des certificats décernés, par exemple pour des cours spécialisés de coiffure ou de préparation d’aliments — qui comptent parmi les cours offerts — ou pour des programmes en agriculture, en aménagement paysager ou en horticulture. Les programmes offerts sont très variés. Nous n’avons pas nécessairement examiné la mesure dans laquelle ils sont liés aux besoins du marché du travail. Nous avons simplement noté que le nombre d’emplois était très faible, contrairement au nombre de certificats de formation professionnelle, qui était plus élevé. Nous avons pensé que c’était une bonne chose parce que beaucoup d’employeurs, même dans le domaine de la préparation d’aliments, exigent ces certificats de formation.

La sénatrice Cordy : Il reste donc du travail à faire dans ce domaine si peu de femmes reçoivent effectivement de la formation.

Mme McCalla : Nous avons également constaté que le pavillon de ressourcement n’avait pas un atelier CORCAN. Nous avons mentionné dans le rapport, je crois, la présence de CORCAN dans quatre ou cinq établissements pour femmes et son absence au pavillon de ressourcement.

La présidente : Comme nous devons terminer dans une dizaine de minutes, je vais peut-être demander que les questions et les réponses soient brèves.

La sénatrice Pate : Comme suite à la question de la sénatrice Cordy, je voudrais mentionner que le seul atelier dont nous ayons connaissance dans les établissements pour femmes est l’atelier de couture de Joliette, que certaines d’entre nous ont pu visiter. Si vous ne pouvez pas le faire tout de suite, vous serait-il possible de communiquer au comité un relevé des endroits où CORCAN est présent?

Mme McCalla : Il n’y avait des ateliers CORCAN que dans quatre des cinq établissements. Je ne crois pas que nous ayons noté le principal domaine de travail de ces ateliers. Nous n’avions pas non plus visité l’atelier de Joliette parce qu’il n’était pas ouvert.

La sénatrice Pate : La formation la plus fréquemment demandée consistait en cours universitaires ou postsecondaires, mais le financement des cours postsecondaires a cessé en 1992. Avez-vous eu l’occasion de déterminer les intérêts manifestés dans ce domaine? Ce n’était peut-être pas pertinent puisqu’il n’y a plus de cours postsecondaires en ce moment, mais je suis juste curieuse de savoir ce qu’il en est, compte tenu de la question de la sénatrice Cordy.

Mme McCalla : Non, nous n’avons pas examiné cet aspect.

La sénatrice Pate : J’ai trouvé utile que vous mentionniez dans votre rapport le nombre de réponses positives que vous avez reçues. Pour revenir à une question que nous avions abordée plus tôt, dans quelle mesure êtes-vous satisfaits des réponses reçues? Les avez-vous trouvées suffisantes? De plus, compte tenu de ce que vous avez dit et de la difficulté qu’il y a parfois à déterminer les suites données aux recommandations, que proposeriez-vous pour remédier dans la mesure du possible à ces problèmes et faire un suivi à l’avenir?

M. Ferguson : Pour ce qui est de notre satisfaction, disons que SCC s’est engagé à modifier ses procédures relatives aux détenues ayant de graves troubles mentaux et à l’utilisation des cellules d’isolement. Pour nous, cela signifie que le service a pris nos conclusions au sérieux. Personnellement, je m’abstiens toujours de porter un jugement sur le succès obtenu en attendant de voir ce que les responsables font, par opposition à ce qu’ils disent qu’ils vont faire. Il est trop souvent arrivé que des organismes nous promettent d’agir. Nous ne portons donc un jugement qu’après avoir vu ce qu’ils ont fait. Nous sommes heureux que le service ait accepté nos recommandations et qu’il ait apporté des changements à ses pratiques liées à l’isolement, mais nous attendrons pour voir ce qu’il aura fait.

Votre question avait une seconde partie?

La sénatrice Pate : Oui. Quels sont, à votre avis, les meilleurs moyens de faire un suivi et de remédier aux problèmes? L’enquêteur correctionnel n’a pas le pouvoir de le faire. Quels sont pour vous les meilleurs moyens d’y arriver?

M. Ferguson : La meilleure façon de continuer à faire un suivi, c’est, comme je l’ai dit, que, à la fin de chacun de nos audits, l’organisme en cause soit tenu d’établir un plan d’action. C’est le troisième audit que nous réalisons sur la préparation des délinquants à la mise en liberté. Par conséquent, le service devrait avoir eu le temps de terminer beaucoup des éléments compris dans son plan d’action. Cela constituerait pour vous une bonne source d’information si vous pouviez demander à SCC de vous donner des explications. Par exemple, s’il a dit qu’il ferait telle ou telle chose, vous pourriez déterminer s’il l’a vraiment fait. Vous pourriez lui demander comment il peut être sûr que les mesures prises ont donné de meilleurs résultats. Ce serait pour vous une bonne source d’information.

Mme McCalla : Le nombre de délinquantes qui sont préparées en vue de leur audience de libération conditionnelle constitue un très important indicateur de la façon dont SCC s’occupe de la population carcérale. En effet, pour préparer les délinquantes à cette audience, SCC doit déployer de grands efforts afin de mettre au point des programmes correctionnels qui ciblent adéquatement les facteurs de risque de chacune, d’amener les délinquantes à suivre ces programmes et de leur permettre d’accéder aux interventions et aux services les mieux adaptés à leurs facteurs de risque.

Nous avons pu constater une augmentation du nombre de délinquantes qui obtiennent la libération conditionnelle depuis que nous avons commencé à réaliser des audits sur cette question. Le moment où elles obtiennent la libération conditionnelle reste un sujet de préoccupation, mais l’épreuve ultime réside dans le taux de récidive. À l’heure actuelle, nous faisons un audit couvrant l’ensemble des délinquants, la surveillance communautaire et le soutien des délinquants dans la collectivité pour favoriser leur réinsertion. Les résultats seront très révélateurs quant à l’efficacité avec laquelle SCC s’acquitte de son mandat.

La sénatrice Pate : Je vous remercie.

La présidente : J’ai moi aussi quelques questions à poser. Je voudrais d’abord savoir si vous avez déterminé, dans le cadre de votre audit, la mesure dans laquelle Service correctionnel Canada dispense des services aux femmes racialisées en général et aux femmes noires en particulier. Avez-vous examiné la situation de ces femmes et, si oui, y avait-il des différences sensibles entre les services, comme le classement par niveau de sécurité, l’accès aux programmes, l’accès à la libération conditionnelle et la disponibilité de programmes culturellement adaptés?

Mme McCalla : Lorsque nous avons procédé à notre examen, nous avons anonymisé les données, de sorte que nous n’avons pas cherché à déterminer qui étaient ces femmes ni d’où elles venaient. Nous avions demandé que les données montrent si les délinquantes s’étaient elles-mêmes déclarées comme autochtones ou non autochtones, mais que toutes les autres caractéristiques personnelles soient supprimées. Nous avons seulement examiné la mesure dans laquelle les délinquantes étaient préparées et disposaient des programmes et des services que SCC avait jugé nécessaire de mettre à leur disposition avant qu’elles ne deviennent admissibles à la libération conditionnelle. Par conséquent, non, nous n’avons pas examiné la situation des différents groupes raciaux dans le système correctionnel, nous limitant à répartir les délinquantes entre Autochtones et non-Autochtones.

La présidente : Est-ce à cause des nombres? D’autres témoins nous ont affirmé que les femmes noires sont surreprésentées dans le système correctionnel. Est-ce à cause du nombre peu élevé que vous n’en avez pas tenu compte, ou bien y a-t-il d’autres raisons?

Mme McCalla : Je ne peux pas vous donner la répartition par groupe ethnique, mais nous avons examiné le groupe des Autochtones par rapport au groupe des non-Autochtones parce que la loi impose expressément de mettre à la disposition des délinquants autochtones et des femmes détenues des services adaptés à leurs besoins. Nous nous basons toujours sur le mandat de l’organisme examiné et les services qu’il est tenu de fournir. À ma connaissance, SCC n’a pas à offrir des services particuliers à certains groupes raciaux pour favoriser leur réinsertion dans la collectivité, à part les services à offrir aux délinquants autochtones.

La présidente : Je voudrais vous remercier tous les deux de votre témoignage, qui nous a été vraiment très utile. Nous vous sommes reconnaissants de votre exposé et des réponses que vous avez données aux questions des sénatrices. Merci beaucoup. Je remercie également les membres du comité.

(La séance est levée.)

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