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RIDR - Comité permanent

Droits de la personne

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule n° 35 - Témoignages du 31 octobre 2018


OTTAWA, le mercredi 31 octobre 2018

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd’hui, à 11 h 30, pour étudier des questions ayant trait aux droits de la personne et pour examiner, entre autres choses, les mécanismes du gouvernement pour que le Canada respecte ses obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne (sujet : la situation des droits de la personne des Rohingyas).

La sénatrice Wanda Elaine Thomas Bernard (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Avant d’entendre nos témoins, j’aimerais inviter les sénatrices à se présenter.

La sénatrice Ataullahjan : Salma Ataullahjan, de l’Ontario.

La sénatrice Hartling : Nancy Hartling, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Coyle : Mary Coyle, de la Nouvelle-Écosse.

La présidente : Je suis la sénatrice Wanda Thomas Bernard, de la Nouvelle-Écosse. Je suis également présidente du comité.

Sénatrices, acceptez-vous d’autoriser une entreprise privée à filmer la réunion?

Des voix : Oui.

La présidente : L’autre vice-présidente vient d’arriver. Je lui demanderais de se présenter.

La sénatrice Cordy : Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse.

La présidente : L’Est du Canada est bien représenté aujourd’hui avec trois sénatrices de la Nouvelle-Écosse et une sénatrice du Nouveau-Brunswick. Nous avons également une sénatrice de l’Ontario.

Depuis la fin août 2017, plus de 725 000 réfugiés rohingyas ont fui au Bangladesh pour échapper à la violence dont ils sont victimes au Myanmar, où ils forment une minorité musulmane apatride. La vaste majorité des réfugiés rohingyas qui arrivent au Bangladesh sont des femmes et des enfants, y compris des nouveau-nés. Un grand nombre d’autres réfugiés sont des personnes âgées qui ont besoin d’aide supplémentaire et de protection.

En septembre et en octobre 2017, notre comité a organisé deux réunions et entendu 16 témoins. Nous souhaitons maintenant obtenir une mise à jour sur la situation des réfugiés rohingyas.

Aujourd’hui, notre réunion se divise en deux parties. Pendant la première heure, les représentants ministériels nous parleront de la réponse du gouvernement à la situation des droits de la personne des réfugiés rohingyas. Pendant la deuxième heure, nous entendrons un représentant du Réseau des droits de la personne Rohingya et nous entendrons également le professeur Payam Akhavan, membre de la Cour d’arbitrage permanente et ancien procureur des Nations Unies à La Haye.

Permettez-moi maintenant de vous présenter le représentant d’Affaires mondiales Canada, Donald Bobiash, sous-ministre adjoint, Asie Pacifique. Je vous demanderais de nous présenter vos collègues.

Donald Bobiash, sous-ministre adjoint, Asie Pacifique, Affaires mondiales Canada : J’aimerais vous présenter Rosaline Kwan, directrice, Asie Sud-Est; Stephen Salewicz, responsable de l’assistance humanitaire internationale à Affaires mondiales Canada; Rhonda Gossen, conseillère principale en matière de politiques, Bangladesh; François Lafrenière, directeur, Programme d’aide bilatérale au Myanmar; et, enfin, Cory Anderson, expert en sanctions.

La présidente : Nous entendrons d’abord votre exposé. Les sénatrices vous poseront ensuite des questions.

M. Bobiash : J’aimerais remercier le Sénat de m’offrir cette occasion de vous parler aujourd’hui de la crise qui sévit dans l’État de Rakhine, au Myanmar, et dans le Bangladesh voisin. Mes collègues et moi sommes heureux de pouvoir vous informer des dernières mesures prises par le gouvernement canadien en réponse à cette terrible tragédie.

Lorsqu’on visite le camp de réfugiés de Kutupalong, où presque un million de réfugiés s’entassent dans un espace extrêmement restreint, on est dépassé par la nature de cette tragédie. Toutefois, sur une note positive, il est encourageant de voir que de nombreux Canadiens font ce qu’ils peuvent pour alléger les souffrances d’un grand nombre de réfugiés.

J’aimerais également féliciter le comité sénatorial de ses travaux, car je sais que ses membres ont consacré énormément de temps au suivi de la crise des réfugiés rohingyas. Je vous félicite de votre travail.

Permettez-moi de vous parler du contexte de la situation actuelle. Les Rohingyas forment une minorité ethnique vivant traditionnellement dans l’État de Rakhine, au Myanmar. Les interactions entre les Rohingyas et les membres de la communauté d’ethnie rakhine — qui sont principalement bouddhistes et forment la majorité — sont tendues depuis longtemps et sont souvent ponctuées de violence. Les Rohingyas ne sont pas reconnus comme l’un des groupes ethniques autochtones nationaux du Myanmar et ne se voient généralement pas octroyer le statut de citoyens du Myanmar. Selon les Nations Unies, les Rohingyas sont maintenant la plus grande communauté apatride du monde.

La crise récente n’est pas apparue de nulle part : elle est le résultat d’une histoire aussi longue que complexe de violence interethnique, de discrimination généralisée et de violations des droits de la personne profondément enracinées et soutenues par l’État. C’est le cas non seulement dans l’État de Rakhine, mais aussi dans l’ensemble du Myanmar.

En raison de la violence permanente, plus de 730 000 Rohingyas ont fui le Myanmar pour se rendre à Cox’s Bazar, au Bangladesh. Même si leur nombre a récemment diminué, les Rohingyas continuent d’arriver au Bangladesh aujourd’hui. Combiné aux vagues précédentes de demandeurs d’asile, le nombre de réfugiés rohingyas à Cox’s Bazar atteint maintenant près d’un million de personnes. Les camps qui se sont développés à Cox’s Bazar forment maintenant le plus grand camp de réfugiés au monde, Kutupalong. Je l’ai visité il y a un an.

Cette situation exerce une pression énorme sur le gouvernement du Bangladesh. La générosité dont il a fait preuve pour accueillir ces communautés a été applaudie partout dans le monde. Il est également encourageant de voir tous ces professionnels sur le terrain, y compris de nombreux Canadiens, qui s’efforcent de trouver une solution durable.

[Français]

La population rohingya à Cox’s Bazar est extrêmement vulnérable. Elle a fui le conflit, a subi de graves traumatismes et elle vit en ce moment dans des conditions de surpeuplement extrêmement difficiles, une situation récemment aggravée par de fortes pluies de mousson et des inondations intenses. La situation humanitaire dans l’État de Rakhine — et dans d’autres régions du Myanmar touchées par les conflits — est également catastrophique. Selon l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, environ 530 000 Rohingyas sont toujours dans l’État de Rakhine, y compris plus de 125 000 dans des camps pour personnes déplacées depuis les violences de 2012.

À ce jour, le Myanmar n’a pas pris suffisamment de mesures pour remédier aux problèmes d’imputabilité et de rapatriement ni pour appliquer pleinement les recommandations de la Commission consultative sur l’État de Rakhine, présidée par l’ancien et regretté secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan. Ces recommandations constituent la feuille de route la plus importante que nous ayons pour lutter contre les causes profondes du conflit. En tout état de cause, la mise en œuvre intégrale de ces 88 recommandations prendra plusieurs années et nécessitera une approche globale du gouvernement du Myanmar appuyée par une intervention internationale bien coordonnée, notamment du Canada.

[Traduction]

Le 31 mai 2018, le Myanmar a annoncé la création d’une commission d’enquête indépendante nationale, dirigée par deux commissaires nationaux et deux commissaires internationaux. Toutefois, étant donné le piètre bilan du Myanmar en matière d’enquêtes nationales, cette commission a été accueillie avec un profond scepticisme par la communauté internationale, et le Canada ne croit pas qu’il s’agit d’un effort crédible.

Les ententes signées avec le Bangladesh et diverses agences des Nations Unies pour régler les problèmes liés au rapatriement représentent des mesures modestes qui n’ont pas entraîné de résultats concrets.

Malheureusement, les conditions nécessaires à un retour sécuritaire, volontaire et durable au Myanmar n’existent pas en ce moment. En effet, il est encore extrêmement difficile d’avoir accès au Myanmar pour fournir de l’aide humanitaire essentielle à la survie. L’envoyée spéciale du secrétaire général des Nations Unies pour le Myanmar a établi un bureau à Nay Pyi Taw, la capitale du pays. Toutefois, la rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme au Myanmar, Mme Yanghee Lee, de la Corée du Sud, a continué de se voir refuser l’accès au pays.

Comme vous le savez, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a mis sur pied, en mars 2017, une mission d’enquête internationale indépendante sur le Myanmar pour établir les faits et les circonstances des allégations de violations des droits de la personne et des agressions commises au Myanmar. Le mois dernier, la mission d’enquête a publié son rapport complet, un compte rendu funeste de 444 pages de violations massives commises par l’armée dans les États de Rakhine, de Kachin et de Shan.

Le 27 septembre 2018, en réponse à la recommandation de la mission d’enquête, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a adopté une résolution établissant un mécanisme permanent et indépendant de responsabilisation doté du mandat de recueillir des preuves et de préparer des dossiers en vue d’éventuelles procédures pénales. Indépendamment, la Chambre préliminaire I de la Cour pénale internationale a décidé que la cour pouvait exercer sa compétence à l’égard des allégations de déportation forcée du peuple rohingya, même si le Myanmar n’est pas partie au statut. La procureure de la Cour pénale internationale, Mme Fatou Bensouda, de la Gambie, a maintenant ouvert une enquête préliminaire.

Depuis le début de la crise, le gouvernement du Canada fournit une réponse ciblée. Cela s’est notamment traduit par une présence active à l’échelle internationale et à des déplacements pour les ministres Chrystia Freeland et Marie-Claude Bibeau, qui sont allées au camp de réfugiés rohingyas au Bangladesh. Elles ont activement participé à plusieurs grands forums internationaux, notamment la Réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth — la RCGC —, la réunion des ministres des Affaires étrangères du G7 et l’Organisation de coopération islamique par l’entremise du Conseil des ministres des Affaires étrangères de l’OCI. Des activités supplémentaires ont eu lieu en marge du sommet du G7 au Canada et, plus récemment, en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies.

Dans le cadre de forums multilatéraux qui se sont tenus à Genève et à New York, nous avons servi de pouvoir mobilisateur en vue de coordonner des réponses et d’échanger des renseignements. Dans le cadre de ces efforts, le 23 octobre 2017, le premier ministre a nommé l’honorable Bob Rae au titre d’envoyé spécial auprès du Myanmar. Son rapport final a été publié le 3 avril 2018. La nomination de M. Rae à titre d’envoyé spécial a accru la notoriété du Canada sur la scène internationale, et M. Rae continue de discuter de cette question chaque fois que l’occasion se présente. D’après ce que je comprends, il a comparu devant votre comité.

En s’appuyant sur ses recommandations, le premier ministre Trudeau a dévoilé la stratégie du Canada en réponse à la crise des Rohingyas au Myanmar et au Bangladesh, qui prévoit 300 millions de dollars sur trois ans pour la réalisation de quatre objectifs fondamentaux, c’est-à-dire alléger la crise humanitaire, encourager des développements politiques positifs au Myanmar, assurer la responsabilisation et améliorer la coopération internationale.

Conformément à la Politique d’aide internationale féministe, la stratégie met l’accent sur les besoins des femmes et des filles et propose des initiatives concrètes et opportunes visant à promouvoir les droits de la personne, l’égalité des sexes et la dignité humaine, ainsi qu’à améliorer les conditions de vie des Rohingyas déplacés, à aider les communautés d’accueil au Bangladesh et à promouvoir la paix et la sécurité.

Depuis 2017, le Canada a consacré plus de 66,1 millions de dollars à la prestation d’une aide vitale et sexospécifique aux réfugiés, aux personnes déplacées et aux communautés qui les accueillent. Le Canada a également fait preuve de leadership en collaborant avec la Banque mondiale et le gouvernement du Bangladesh pour mettre en œuvre un mécanisme novateur selon lequel chaque dollar versé par le Canada libère 5 $ en subventions, et le Canada consacre environ 16,3 millions de dollars à cette fin.

Affaires mondiales lance également plusieurs projets de développement pour aider à répondre aux besoins des communautés d’accueil du Bangladesh, surtout celles qui accueillent des femmes et des enfants, dans des domaines comme la création de revenus, le perfectionnement des compétences, l’amélioration de l’alimentation des femmes enceintes, des femmes qui allaitent et des enfants de moins de cinq ans, et la cohésion sociale. De nouveaux projets de développement au Myanmar et au Bangladesh fourniront le soutien nécessaire pour défendre la santé sexuelle et génésique et les droits connexes, et pour contrer la violence fondée sur le sexe et la violence sexuelle.

Le Canada appuiera tous les efforts visant à mettre en œuvre les recommandations de la Commission consultative sur l’État de Rakhine, afin d’obliger les auteurs de graves violations des droits de la personne à répondre de leurs actes et à trouver une solution politique à la situation des Rohingyas et d’autres minorités ethniques au Myanmar. Le renforcement de la coordination des efforts internationaux visant à régler cette crise est l’un des fondements de notre réponse.

[Français]

Tout au long de l’année, le gouvernement du Canada n’a pas ménagé ses efforts en matière de défense des droits et continue de collaborer avec les intervenants et la communauté internationale à chaque occasion. Les ministres Freeland et Bibeau se sont rendues dans les camps de réfugiés rohingyas au Bangladesh et soulèvent continuellement cette question dans les forums internationaux. Depuis notre dernière rencontre, pas moins de 30 déclarations et annonces spécifiques sur la crise ont été faites.

[Traduction]

Le Canada a également créé un groupe de travail international sur le Myanmar, afin de favoriser des échanges constructifs de points de vue avec plus de 20 pays sur l’engagement international, la situation humanitaire, la responsabilisation et le renforcement d’une volonté politique favorisant des résolutions multilatérales. Le Canada a organisé quatre réunions informelles de ce groupe, dont deux au cours des 30 derniers jours. L’une de ces réunions a été dirigée par la ministre Freeland et dans le cadre de l’autre réunion, le président de la mission d’enquête des Nations Unies sur le Myanmar et la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Myanmar ont informé les participants de leurs points de vue sur la crise.

En ce qui concerne l’importante question de la responsabilisation, le Canada a été l’un des premiers défenseurs de la résolution du Conseil des droits de l’homme en vue d’assurer la mise en place d’un mécanisme indépendant et d’élargir le mandat de la mission d’enquête. Le Canada a coparrainé cette résolution avec 104 autres pays. Le Canada joue maintenant un rôle actif au siège des Nations Unies pour plaider en faveur du mécanisme, afin qu’il reçoive les ressources financières nécessaires pour être efficace.

En réaction à la gravité de la situation des droits de la personne au Myanmar en 2007, le Canada a imposé des sanctions sur le pays par l’entremise du Règlement sur les mesures économiques spéciales. Ces sanctions comprennent un embargo sur les armes et l’interdiction d’effectuer des transactions avec des personnes ou des entités visées, ce qui entraîne un gel des avoirs. Ces sanctions sont toujours en vigueur, et le Canada a depuis imposé de nouvelles sanctions à sept personnes impliquées dans les opérations militaires réalisées dans l’État de Rakhine. Cette décision fait suite aux sanctions ciblées annoncées le 18 février 2018 contre le major-général Maung Maung Soe en vertu de la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus.

Pour faire suite aux conclusions de divers rapports de la société civile et des Nations Unies, le Canada, par l’entremise d’une motion adoptée à l’unanimité à la Chambre des communes, a été le premier pays à appeler la situation au Myanmar un génocide, une position maintenant adoptée par le chef de la mission d’enquête, qui qualifie la situation de génocide en cours. Une motion sur consentement adoptée à l’unanimité au Parlement a révoqué la citoyenneté canadienne honorifique de la conseillère d’État Aung San Suu Kyi en réponse à sa complicité. Cela reflète également la nécessité d’exercer des pressions sur les éléments civils et militaires du gouvernement du Myanmar.

Nous avons également adopté un rôle de leadership en invitant les pays à se rassembler à Genève et à New York afin d’encourager la responsabilisation des auteurs d’actes haineux. La ministre Freeland a investi beaucoup de temps et d’efforts pour parler de ces enjeux, notamment en s’adressant à l’Organisation de coopération islamique en mai dernier, lorsqu’elle a encore une fois demandé l’intervention de la communauté internationale pour régler cette crise.

Les droits de la personne demeurent au centre de l’engagement du Canada au Myanmar. Il s’est passé beaucoup de choses depuis un an, mais quelles sont les prochaines étapes?

Le Canada continue de faire avancer les quatre composantes de sa stratégie, notamment en encourageant les développements politiques positifs au Myanmar et en aidant les personnes les plus vulnérables et marginalisées, en particulier les femmes et les filles. À cet égard, le Canada appuie fermement les efforts visant à mettre en place un processus de paix fructueux et inclusif débouchant sur un régime politique fédéral et démocratique au Myanmar. Le Myanmar devrait également organiser des élections en 2020.

[Français]

Le Canada soutiendra les initiatives de développement qui répondent directement à la crise, conformément aux recommandations de la Commission consultative sur l’État de Rakhine. En soutenant toutes les communautés vulnérables de manière sensible en tenant compte de la situation de conflit et du genre, le Canada contribuera à promouvoir les conditions dans lesquelles toutes les communautés pourront vivre dans la sécurité et la dignité. L’aide internationale du Canada appuie également les développements positifs au Myanmar qui contribuent à améliorer la dignité humaine, le bien-être et les droits de toutes les personnes vulnérables et marginalisées du pays, y compris dans les États de Kachin, de Karen et de Shan. Les efforts de développement du Canada contribueront à un avenir dans lequel la diversité, l’inclusion, les droits de la personne, la paix et la sécurité sont respectés, en mettant les femmes et les filles au cœur de cette vision.

[Traduction]

Le Canada continue d’intervenir auprès du gouvernement du Bangladesh et de la communauté internationale en vue d’élaborer une stratégie pour les réfugiés de Cox’s Bazar.

Nous continuons également de travailler avec le gouvernement du Bangladesh, les Nations Unies et les ONG internationales et locales pour appuyer les réfugiés et les communautés d’accueil, notamment en faisant la promotion de la cohésion sociale. Nous continuerons également d’encourager l’éducation et la formation professionnelle des Rohingyas au Bangladesh.

Le Canada appuie fermement la création d’un mécanisme de responsabilisation indépendant et l’élargissement du mandat de la mission d’enquête par l’intermédiaire du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, et continuera de plaider pour son financement. La résolution adoptée par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies fait partie de notre effort continu, en coordination avec nos partenaires internationaux, en vue de tenir les auteurs de ce génocide responsables de leurs actes.

Le Canada continuera de travailler étroitement avec la communauté internationale en vue de protéger tous les peuples des crimes les plus graves selon le droit international, notamment le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre.

Le Canada continuera de demander un langage plus ferme dans les prochaines résolutions, notamment à l’Assemblée générale des Nations Unies, et continuera de plaider pour que le Conseil de sécurité des Nations Unies renvoie la situation à la Cour pénale internationale.

En conclusion, j’aimerais terminer par une citation tirée du rapport de la rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme au Myanmar :

[...] seule une véritable responsabilisation permettra de rompre le cycle de violence, d’injustice et d’impunité au Myanmar.

Le Canada approuve l’appel de la rapporteuse spéciale à la communauté internationale à s’engager résolument à assurer la responsabilisation des personnes impliquées et à enquêter sur les responsables de ces atrocités et les poursuivre en justice.

Au Myanmar, la place de la liberté d’expression ne cesse de diminuer, et les discours haineux demeurent omniprésents et sont renforcés par une très longue campagne de discrimination à l’égard des minorités et des violations des droits de la personne. Même si l’ampleur et la complexité des défis à relever sont décourageantes, nous ne pouvons pas nous permettre de garder le silence.

Ces défis extraordinaires exigent une réponse internationale et exhaustive. Le Canada continuera de travailler avec la communauté internationale pour régler les problèmes en matière de droits de la personne au Myanmar et pour soutenir les personnes touchées par cette crise d’une ampleur véritablement historique.

La sénatrice Ataullahjan : J’ai une simple question. Étions-nous le premier pays à qualifier cette situation de génocide? Je croyais que le président de la France était le premier à l’avoir fait.

Je me souviens des pressions que des gens qui savaient que je parlais de la crise des Rohingyas depuis 2012 ont exercées sur le Canada pour qu’il appelle cette situation un génocide. J’avais l’impression qu’il nous a fallu un certain temps pour l’appeler un génocide, mais je peux vérifier.

Que faisons-nous concrètement pour l’éducation des jeunes filles dans le camp? Le Canada a-t-il versé des fonds consacrés à cette initiative?

M. Bobiash : Oui, nous l’avons fait. Lorsque je suis allé à ce camp l’an dernier, j’ai visité une école non officielle financée par l’entremise de l’aide canadienne au développement. L’éducation dans les camps de réfugiés est l’un des domaines sur lesquels nous nous concentrons.

Stephen Salewicz, directeur général, Assistance humanitaire internationale, Affaires mondiales Canada : La protection des enfants dans les camps est un enjeu important pour nous. Cela se traduit par la création d’occasions d’apprentissage. En effet, certains de nos partenaires fournissent des espaces sécuritaires dans lesquels les enfants peuvent recevoir de l’aide pendant la journée pour combler leurs besoins en matière d’apprentissage.

Il y a manifestement d’énormes besoins dans les camps. Au début, les efforts se sont concentrés sur la construction d’abris et l’établissement de services.

À mesure que nous progressons, notre réponse se concentrera de plus en plus sur la question de l’éducation des enfants. Nous examinerons cet enjeu de près dans un cadre humanitaire dans les camps et nous l’intégrerons dans les communautés d’accueil, car elles font également face à de nombreux défis liés à l’éducation.

M. Bobiash : À ma visite du camp, c’est notamment la grande pauvreté des réfugiés qui m’a frappé. À leur arrivée dans le camp, au Bangladesh, c’était, pour plusieurs d’entre eux, j’en suis sûr, la première fois que leurs enfants pouvaient aller à l’école ou fréquenter une clinique médicale.

La grande pauvreté des réfugiés est l’une des leçons d’humilité qu’on retire de cette tragédie.

La sénatrice Ataullahjan : Un dialogue s’est-il instauré avec le gouvernement du Myanmar? Ressent-il les effets des sanctions?

Jusqu’ici, on observe, même chez la dirigeante Aung San Suu Kyi, qu’il tient à qualifier la chose de « fausses nouvelles » et d’en rire, comme elle l’a fait en Inde.

Pourquoi ne s’aperçoivent-ils pas que le reste du monde regarde? Nous avons tous vu les images horribles de meurtres et de viols de femmes. Pourtant, les dirigeants ne semblent renvoyer que du vide.

Chaque fois que j’ai tenté de leur en parler, comme, l’année dernière, pendant notre visite, la réponse a toujours été : « Pas les Rohingyas ».

Que faut-il en comprendre? Il est évident qu’ils ne peuvent pas être si « déconnectés de la réalité », pour employer des termes polis.

M. Bobiash : Je pense qu’il faut distinguer l’image internationale que projette publiquement le gouvernement du Myanmar et les inquiétudes qu’expriment en privé ses porte-parole.

Nous savons que les personnes visées par les sanctions ou désignées nommément s’en inquiètent et s’estiment atteintes. Encore une fois, cela mesure principalement l’écart entre la perception publique qu’elles veulent projeter et leurs propres inquiétudes personnelles.

La sénatrice Cordy : Je vous remercie de votre point très utile sur la situation.

Comme vous l’avez dit, Bob Rae a été nommé envoyé spécial. Je ne peux pas imaginer de meilleur choix pour cette tâche, étant donné sa compassion et ses connaissances. Son témoignage a été très fascinant et très émotif.

Un homme à qui il demandait quel message il devait transmettre à son retour au Canada lui a répondu de bien vouloir dire que lui et les siens étaient des êtres humains.

Comment faire? Il y a la très grande distance; les bulletins d’information nous révèlent un désespoir, une situation si graves qu’on peut se fermer l’esprit, s’en déresponsabiliser.

Comment faire comprendre que chacun ou chacune de ce million de Rohingyas est une mère, un père ou un enfant?

M. Bobiash : Puisque j’ai visité les camps, c’est exactement le genre de questions que nous avons posées. En guise de réponse, je crois que nous devons nous concentrer sur les questions qui en découlent.

L’aide du Canada est-elle efficace? Changeons-nous le quotidien de ces personnes?

Encore une fois, le travail, l’aide et les nombreux sacrifices des bénévoles canadiens, des employés des ONG et des Canadiens des organisations multilatérales sur le terrain sont réconfortants.

L’aide au développement privilégie les plus vulnérables. Le Canada en est un chef de file. Nous promouvons la Politique de développement international féministe qui, dans les camps, avantage et priorise très particulièrement les femmes, les jeunes filles et les personnes vulnérables.

La sénatrice Cordy : Je suis ravie de l’effort du Canada en vue de faire connaître la crise et collaborer avec les Nations Unies.

Comme vous l’avez dit dans votre exposé, le Canada appuie fermement la création d’un mécanisme indépendant de responsabilisation et le prolongement des missions d’enquête par l’entremise du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Il préconise aussi que le Conseil de sécurité de l’ONU saisisse la Cour pénale internationale de la situation. Je suis vraiment heureuse que les ministres Freeland et Bibeau s’en chargent. Je félicite le gouvernement.

Pourquoi l’ONU n’a-t-elle pas déjà réagi et n’a-t-elle pas saisi la Cour pénale internationale? Qu’est-ce qui la retient? Pourquoi le Conseil des droits de l’homme n’a-t-il pas de mandat d’enquête?

Encore une fois, je suis ravie du rôle de premier plan que joue le Canada à l’ONU dans la promotion de ces mesures. Je suis vraiment heureuse des fonds importants qu’il envoie et du nombre de Canadiens présents sur le terrain; mais il est sûr que l’ONU a des responsabilités. Elle devrait prendre assez rapidement ce genre de décisions.

M. Bobiash : Tout d’abord, permettez-moi de dire que notre gouvernement tient vraiment à jouer un rôle actif dans les organisations multilatérales, l’une de ses priorités depuis son élection.

Les Nations Unies sont une organisation colossale, très complexe, qui réagit rapidement. Pour y être efficace, il faut nouer graduellement des coalitions. Le Canada l’a toujours fait. Nous dirigeons ce groupe international de travail qui compte déjà une vingtaine de pays.

Pour faire bouger les Nations Unies, il faut patiemment et graduellement nouer les coalitions nécessaires à l’adoption de ses résolutions et aiguillonner certains éléments des organisations. Nous y excellons. Nous avons aussi réussi à faire pression sur le Conseil de sécurité pour vraiment promouvoir les questions touchant la résolution sur le Myanmar et les réfugiés.

De fait, il y a quelques jours, le 24, le chef du Conseil des droits de l’homme a fait le point sur la situation des réfugiés à ce même conseil. Nous commençons à voir le résultats des ces pressions graduelles.

La sénatrice Cordy : Je suis heureuse que ces pressions proviennent du Canada.

La sénatrice Coyle : Merci beaucoup, monsieur Bobiash et votre équipe, d’être ici. Voilà une question d’une importance incroyable pour tous les Canadiens et, certainement, pour nous les sénateurs. J’ai beaucoup de questions, mais j’essaierai, pour le moment, d’en réduire le nombre à deux. Je remercie mes collègues d’en avoir posé qui me préoccupaient.

Je voudrais en savoir un peu plus sur les 300 millions de dollars sur trois ans qui ont été annoncés pour atteindre les quatre objectifs centraux que vous avez énumérés pour le Bangladesh et le Myanmar. Lesquels concernent le Myanmar? Comment cet argent est-il dépensé? Que destine-t-on au camp? Voilà mon premier bloc de questions.

Je voudrais aussi en savoir davantage sur l’appui donné aux projets de développement visant à répondre aux besoins des communautés hôtes du Bangladesh. Je pense que c’est vraiment crucial. Voilà, comme vous l’avez dit, monsieur Bobiash, un pays incroyablement généreux, mais qui doit déjà relever lui-même beaucoup de défis.

Ceux d’entre nous qui ont très longtemps fait du développement international connaissent l’autre facette. Le Bangladesh s’est acquis une réputation incroyable d’efficacité dans ses initiatives de développement communautaire. Je voudrais savoir comment les petites et les grandes organisations du Bangladesh y sont mobilisées.

M. Bobiash : Vous avez correctement mis en évidence les rapports très fructueux du Canada avec le peuple et le gouvernement du Bangladesh, sénatrice. Depuis l’indépendance de ce pays en 1971, le Canada en a été l’un des principaux donateurs. Nous avons vraiment catalysé son développement. Notre aide au développement a beaucoup privilégié les soins de santé et l’éducation ou, essentiellement, le développement local. Ces résultats sont manifestes partout au Bangladesh. Ce pays, autrefois l’un des plus pauvres du monde, est devenu, presque en une génération, un pays à revenu intermédiaire, en partie grâce aux politiques que son gouvernement a adoptées, en partie grâce à l’aide de pays comme le Canada, qui ont privilégié les bons secteurs à développer.

Sur la situation des Rohingyas, vous avez justement fait remarquer que c’était manifestement très difficile pour un pays assez pauvre d’accueillir un million de réfugiés dans une région qui est déjà l’une des plus pauvres du Bangladesh. Nous en tenons compte dans notre politique d’aide au développement. Nous voyons bien que nous devons faire la part des choses et, d’une certaine manière, indemniser le gouvernement du Bangladesh qui doit répondre à cet afflux très rapidement.

Il y a environ un an, je me suis rendu au Bangladesh pour des consultations annuelles avec le gouvernement du pays. Nos relations sont excellentes, et nous discutons exactement de ces problèmes. Peut-être pourrais-je demander à nos responsables de l’aide au développement de ventiler davantage nos activités dans le camp au Bangladesh et notre programme d’aide au développement au Myanmar même, ce qui est un autre aspect de la question.

François Lafrenière, directeur, Développement Myanmar et Philippines, Affaires mondiales Canada : Sur la question de l’aide au développement, 300 millions de dollars en tout, sur trois ans, couvrent l’aide humanitaire au Myanmar et au Bangladesh. Mon ami, Stephen Salewicz, pourra en parler. Ce montant couvre aussi une partie de l’aide au développement dans ces deux pays. Un montant moindre va à notre programme de soutien des opérations de maintien de la paix.

Ces 300 millions ne sont pas tous affectés à des programmes actuellement. Sur les trois années que nous avions devant nous, nous n’avons entamé que six mois.

Au Bangladesh, la partie des 300 millions destinés à l’aide au développement vise la collaboration avec les communautés hôtes qui subissent de plein fouet le choc de l’afflux de réfugiés.

La situation comporte deux aspects. Les communautés hôtes ont leurs propres besoins, et jusqu’ici, on y a privilégié la santé et l’éducation. Il y a aussi les rapports ou la cohésion sociale entre les communautés hôtes et les réfugiés. On élabore des programmes à cette fin.

L’équilibre entre les perceptions d’une générosité pour les réfugiés et les communautés hôtes et celles du non-enseignement de la collaboration mutuelle entre les deux groupes est délicat. Ces gens vivent ensemble. Certaines communautés hôtes accueillent des réfugiés depuis bien avant la vague actuelle. Les élections s’en viennent au Bangladesh. Ce sont donc des sujets délicats.

Au Bangladesh, je dirais que c’est la santé et l’éducation dans les communautés hôtes et les rapports entre les réfugiés et les communautés hôtes.

Notre aide au développement porte sur l’hygiène et les droits sexuels, des enjeux dans les camps, les communautés hôtes et au Myanmar. Nous mettons en œuvre des programmes, dans l’État de Rakhine et dans d’autres États touchés par le conflit, qui s’adressent aux femmes victimes de crimes. Nous voulons leur montrer à s’autonomiser pour changer cet effet très répandu des conflits. Les conflits portent toujours atteinte à la sexualité et aux droits des femmes. Nous savons que ce n’est pas seulement le fait d’armées permanentes, mais celui aussi de tous les combattants.

Au Myanmar, dans l’État de Rakhine, nous mettons au point des options pour d’autres formes de cohésion sociale. Les relations entre les deux communautés ne sont pas bonnes. Elles ont souffert de l’ampleur de la propagande sur les médias sociaux des deux côtés. Cela suscite, même chez les bouddhistes rakhines neutres ou les Rohingyas neutres un sentiment de peur dans leurs interactions mutuelles. On élabore aussi dans ce domaine des programmes de cohésion sociale, toujours en privilégiant les femmes et les filles comme bénéficiaires et actrices. Nous devons regarder les deux aspects du problème. Les femmes et les filles ont des besoins particuliers, mais elles peuvent aussi jouer un rôle particulier.

Comme j’ai visité Sittwe, chef-lieu de l’État de Rakhine, je dirais que, probablement, les organisations les plus courageuses, en ce qui concerne la cohésion sociale dans cet État, sont les organisations féminines. On court de grands risques quand on entreprend de travailler à maintenir la cohésion sociale et quand on interagit avec la communauté opposée.

Je vais m’arrêter ici pour le moment.

M. Salewicz : Je peux faire le point sur la situation humanitaire. Comme mon collègue l’a dit, nous travaillons au Myanmar. Dans l’exposé d’aujourd’hui, nous avons précisé qu’environ 12,3 millions de dollars sur les 66 millions affectés étaient destinés à la réponse pour le Myanmar. La plus grande partie de ces ressources va à l’État de Rakhine.

Peu d’options s’offrent à nous en ce qui concerne nos partenaires. Comme vous le savez bien, l’accès pour distribuer l’assistance et évaluer la situation présente des défis considérables. Cela reste, pour le gouvernement, une position qu’il faut défendre. Dans l’État de Rakhine, les défis sont considérables. Nous continuons de privilégier, dans la position que nous défendons, l’accès et l’aide.

Au Bangladesh, nous avons un programme très complet qui porte sur de nombreux secteurs. Au début, il s’agissait de privilégier l’établissement des camps. Nous avons collaboré très étroitement avec une gamme d’organisations de l’ONU et de la communauté internationale d’ONG et avec la Croix-Rouge.

Nous avons aussi noué un partenariat très particulier avec BRAC, une ONG du Bangladesh qui permet, pour aider à la réponse, de faire appel aux connaissances et aux capacités locales. Cette ONG a été pour nous un partenaire efficace, très tôt au début de la crise.

En ce qui concerne la nature de notre réponse et pour revenir aux propos de mes collègues, le gouvernement canadien privilégie vraiment la mise en pratique de la Politique d’aide internationale féministe.

Sur le terrain, à quoi cela ressemble-t-il? Comment, effectivement, rendre opérationnelle une politique très ambitieuse? Au Bangladesh, une belle réussite a été au rendez-vous. La démarche qui en est ressortie insistait sur les besoins différents des femmes et des filles à toutes les étapes de la conception et de la mise en œuvre des programmes. Nous ciblons aussi des programmes particuliers pour les femmes et les filles dans le contexte des camps. Ce englobe l’assistance psychosociale et les soins médicaux pour les survivantes de la violence sexuelle et sexiste, la prévention de ces violences et ainsi de suite. Un programme complet nous permet de répondre à leurs besoins.

Nous visons l’autonomisation. Dans cette société traditionnelle, les femmes ont peu d’autorité. Pour nous, il importe beaucoup d’essayer de les faire participer aux décisions sur la conception et l’exécution des programmes, et c’est une étape clé de notre démarche.

La sénatrice Ataullahjan : Il est question d’autonomiser les femmes; il est question de viols, de violences sexuelles et d’esclavage sexuel. Au début de notre étude, nous avons entendu des craintes pour toutes les femmes qui, dans une société musulmane traditionnelle, avaient été violées et pour les enfants issus de ces viols.

Y a-t-il des statistiques sur ces enfants? Quelqu’un fait-il de la recherche sur ce sujet? Vous avez visité les camps. Y a-t-il des preuves? Je sais que c’est un immense sujet de préoccupations. Pendant que nous en parlons, nous entendons aussi parler de l’arrivée de trafiquants d’esclaves sexuelles. C’est un problème immense que l’exploitation sexuelle de ces femmes. En avez-vous vu des signes?

M. Bobiash : Quand j’ai visité personnellement le camp et parlé aux réfugiés, en face à face ou en petits groupes, il était évident que la violence sexuelle dont se servaient les militaires du Myanmar pour effrayer ces gens et leur faire fuir le Myanmar était répandue. Tous mes interlocuteurs semblaient connaître la même histoire de harcèlement sexuel horrible dans leur propre pays.

En ce qui concerne le suivi dans les camps, je crois que certaines ONG s’occupent des enfants des viols, notamment. Je n’ai pas eu vent d’enquêtes canadiennes sur cette question.

M. Lafrenière : Je sais qu’on fait un suivi des statistiques. Bien sûr, vous comprendrez que certaines femmes n’avoueront pas que leur enfant est le fruit d’un viol. Un certain nombre de naissances ont lieu dans les camps. Peut-être que Stephen Salewicz pourra en dire davantage après.

Nous pouvons formuler des hypothèses. Certaines ONG essaient d’évaluer la proportion qui pourrait résulter de viols commis au Myanmar. Certaines naissances ne résultent pas de viols. Certaines femmes sont accompagnées de leur mari.

Il se produit aussi des viols dans les camps. Cela concerne l’avenir. Cela ne se passe pas à la même échelle, mais cela se produit parce que les camps sont très peuplés et que, la nuit, il n’y a pas beaucoup de sécurité. Cela arrive.

Je sais qu’un certain nombre d’ONG et de partenaires humanitaires travaillent dans le camp, ils connaissent le problème et ils essaient d’aider les femmes victimes en créant des espaces de sûreté, un système de référence et même de séparer les files de femmes en attente de leurs rations alimentaires. C’est un autre problème. Je demanderais à Stephen Salewicz de préciser comment on s’occupe de ce problème dans les camps.

Je n’ai pas de chiffres à vous communiquer, mais je sais qu’on essaie de les estimer.

La sénatrice Ataullahjan : Je parlais du moment où ils fuient le Myanmar. Des femmes mariées ont des enfants, et personne ne sait si ce sont des enfants du viol, mais il y a aussi des jeunes filles et des jeunes femmes qui n’étaient pas mariées, qui ont été violées et qui donneront naissance ou ont donné naissance à des enfants. C’est ce que je veux clarifier. De même, il commence à y avoir de la traite de personnes.

M. Salewicz : Le fait que la communauté internationale soit sur le terrain, en force, grâce à l’ONU, à la Croix-Rouge et à d’autres ONG, nous permet justement d’évaluer l’incidence de tout cela. Je ne crois pas que nous ayons encore vu de rapports à ce sujet, mais je peux vous assurer qu’il y a des données qui sont colligées.

En effet, l’une des priorités de notre programme, dans le camp, consiste à gérer les effets de la violence sexuelle commise au Myanmar quand les gens arrivent au Bangladesh. Comme je l’ai déjà mentionné, une grande partie de notre programme consiste à offrir un soutien psychosocial étendu pour aider ces personnes à gérer leur traumatisme psychologique. De plus, il est au moins tout aussi important de leur offrir des soins médicaux grâce à nos partenaires présents dans le camp, et nous passons beaucoup de temps à informer les gens des services qui existent.

La difficulté consiste en partie à nous assurer que les femmes sont au courant de l’existence de ces services. Le camp est énorme, et la diffusion d’information sur les soins médicaux représente tout un défi. Nous mettons beaucoup l’accent sur la santé sexuelle et reproductive dans notre programme.

Nous devons aussi trouver des endroits sûrs où les femmes peuvent venir profiter de services d’aiguillage et obtenir de l’information sur la façon de prévenir la violence sexuelle dans leur propre contexte familial.

La sénatrice Hartling : Je vous remercie beaucoup d’être ici, je vous remercie de votre bon travail et de toute l’information que vous nous transmettez.

Quand l’honorable Bob Rae a comparu devant nous, je me rappelle qu’il était manifestement ébranlé par sa visite, là-bas, et par le tragique de la situation. Il nous a donné un bon aperçu de la vie là-bas.

Comme la sénatrice Cordy le disait, parfois, quand on est loin, on voit des choses à la télévision, mais on ne se sent pas concerné. C’est toujours bon, pour nous, d’entendre les récits de ceux qui ont visité ces camps.

Je suis contente que vous parliez des services de soutien psychosocial en matière sexuelle, monsieur Salewicz, et de l’accessibilité de ces services. Les personnes touchées ont accès à du soutien, mais je me demande ce qu’il en est de ceux qui travaillent avec ces personnes. Ce doit être très lourd pour les travailleurs humanitaires.

Ont-ils eux aussi accès à du soutien psychologique? Peuvent-ils obtenir de l’aide? Quelles sont les difficultés pour qu’ils puissent continuer de travailler avec ces personnes? Il y a de nombreux éléments. Il y a des problèmes d’éducation, d’alimentation, d’habillement, de logement, mais peuvent-ils obtenir du soutien pendant qu’ils travaillent là-bas?

M. Salewicz : Oui, c’est une très bonne question, parce que l’on peut parfois avoir tendance à oublier les nombreuses personnes qui travaillent au sein de ces organisations, qui sont extrêmement ébranlées par ce qu’elles voient tous les jours. C’est extrêmement difficile pour elles.

Nous travaillons avec des organisations parmi les plus grandes et les plus fiables, qui ont une longue expérience de travail dans ce genre de conditions. Elles ont leurs propres protocoles pour la préparation et la formation préalable, de même que pour le soutien après le déploiement. Elles ont leurs propres services de soutien psychologique.

Il y a également des possibilités de repos et de récupération loin des camps pendant les déploiements pour réénergiser les travailleurs et permettre à chacun de se remettre sur pied. Les répercussions de ce travail sur les personnes et les travailleurs humanitaires sont grandes.

La sénatrice Hartling : Croyez-vous qu’il y a suffisamment de soutien offert aux personnes touchées, notamment du soutien psychologique et des interventions auprès des réfugiés?

M. Salewicz : Pour la population des Rohingyas, vous voulez dire?

La sénatrice Hartling : Oui. Croyez-vous que cela suffit?

M. Salewicz : Comme je l’ai dit, il y a un milliard de personnes qui se sont présentées. Il est impossible de créer en un an la gamme de services complète. Nous constatons de grands progrès sur le terrain. On réussit à répondre aux besoins de base, de même qu’à offrir des soins psychosociaux et des soins de santé assez poussés. On voit que la réponse est de plus en plus étoffée. Les organismes de développement peuvent aussi accompagner les fournisseurs de services locaux dans des domaines comme l’éducation et les soins de santé. Ce sont eux qui pourront répondre de manière plus systématique et durable aux besoins.

Les choses s’améliorent. Les services sont-ils au niveau nécessaire pour que tous y aient accès? Loin de là, mais il y a déjà de grands progrès.

M. Bobiash : Vous nous demandez si nous offrons le soutien voulu aux personnes qui travaillent dans les camps.

Ce qui m’a frappé, quand j’ai visité les camps et que j’ai parlé avec les employés des organisations de l’ONU et des ONG, c’est que la plupart d’entre eux avaient beaucoup d’expérience, pour avoir travaillé dans des contextes de crises similaires, dans des camps de réfugiés ou en gestion de catastrophes naturelles, dans d’autres parties du monde comme le Moyen-Orient, l’Amérique latine, et cetera. Plusieurs d’entre eux ont l’expérience de ce genre de travail, donc c’est peut-être un peu moins surprenant pour eux.

J’ai été frappé par la diversité ethnique de ces travailleurs. Il y a littéralement des personnes de partout dans le monde qui ont travaillé à la gestion d’une crise ou une autre qui arrivent avec des compétences et une expérience qui comptent.

La sénatrice Hartling : Vous êtes allé là-bas. Avez-vous eu à rendre compte de votre expérience à votre retour? Comment cela s’est-il passé pour vous?

M. Bobiash : Outre les comptes rendus habituels à notre ministère, nous en avons parlé un peu dans les médias sociaux. Je dois dire que j’ai personnellement trouvé fort traumatisant de voir un million de personnes vivre amassées dans quelques acres de terrain.

J’ai également été frappé de voir à quel point la terre et la végétation étaient complètement dénudées. Les petites forêts et le gazon ont disparu. On y voit des collines grises remplies de tentes, où les gens vivent littéralement les uns à côté des autres. C’est une expérience humaine horrible.

Rhonda Gossen, conseillère principale, Politique, Direction Asie du Sud, Affaires mondiales Canada : J’ai passé sept mois à Cox’s Bazar, en déploiement avec l’ONU, avant d’occuper ma fonction actuelle. Je n’étais pas une intervenante de première ligne dans le camp. J’étais surtout là pour participer aux collectes de fonds, aux stratégies de programmes, et cetera. Je dois dire que c’était vraiment épuisant et traumatisant. J’étais totalement exténuée à mon retour.

On m’a offert du soutien psychologique lorsque je suis sortie du camp. Ils m’ont offert un suivi, ce qui était très bien. Il y a plus de psychologues aujourd’hui. Quand je suis partie, il y en avait de plus en plus qui étaient déployés pour venir en aide aux travailleurs humanitaires. On pouvait voir les interventions sur le terrain. La politique en matière de R et R a été resserrée, de sorte que les gens ont une semaine de repos toutes les huit semaines, ce qui est absolument essentiel.

La sénatrice Hartling : Il doit être difficile, quand on rentre chez soi, de comprendre ce qu’on a vécu.

La présidente : Monsieur Bobiash, vous avez mentionné qu’il y aura des élections en 2020, ce qui n’est pas si loin.

Le Canada vient-il en aide au Myanmar dans la planification des élections, notamment pour assurer l’imputabilité et la sécurité des femmes et des filles qui voudraient voter? Pouvez-vous nous dire si nous participons d’une manière ou d’une autre aux efforts en ce sens, s’il vous plaît?

M. Bobiash : Je mentionne, d’entrée de jeu, que notre programme d’aide au développement, qui est en place depuis de nombreuses années au Myanmar, a toujours comporté un fort volet « gouvernance ». Il ne faut pas oublier que ce gouvernement était, à la base, une dictature militaire. Il effectue la transition depuis 5 à 10 ans vers la démocratie. Notre aide au développement témoigne de notre intérêt à appuyer cette transition.

L’un de nos plus grands projets d’aide au développement au Myanmar consiste à faire connaître le concept du fédéralisme. Nous fournissons beaucoup d’aide technique, de formation et de conseils professionnels sur la façon de renforcer le fédéralisme dans ce pays. Nous travaillons par le truchement du Forum des fédérations, ici à Ottawa, pour mettre ce projet en œuvre.

Comme vous le savez, partout dans le monde, nous offrons souvent du soutien électoral par l’envoi d’observateurs électoraux. Je demanderai à nos responsables de l’aide au développement s’ils ont plus d’information à vous transmettre sur le soutien aux prochaines élections.

M. Lafrenière : Pour l’instant, nous ne prévoyons pas offrir de soutien aux élections elles-mêmes ni financer le gouvernement du Myanmar pour la tenue des prochaines élections.

Pour ajouter à ce que M. Bobiash vient de dire sur l’appui au programme, le fédéralisme est un enjeu. Pour vous donner un ordre de grandeur, des milliers de personnes ont reçu une formation sur ce que le fédéralisme peut et doit être : des fonctionnaires, des employés d’ONG, des membres de minorités ethniques et des Birmans ordinaires.

Jusqu’à il y a trois ans, le mot « fédéralisme » n’était pas utilisé au Myanmar et il était synonyme de séparatisme. C’est aujourd’hui un mot commun que tout le monde utilise, même dans l’armée. Le fédéralisme est là maintenant.

Nous avons aussi deux grands programmes pour venir en aide à la société civile au Myanmar. Nous appuyons environ 80 organisations locales de la société civile au Myanmar. La plupart sont des organisations de femmes ou des regroupements des minorités ethniques, et il y en a aussi quelques-unes en santé. Comme il y a des élections à divers ordres de gouvernement, nous savons que les élections et la démocratie font partie du travail des ONG.

Comme au cours des dernières élections, nous nous attendons à une forte participation des femmes et des membres des minorités ethniques en 2020. Les résultats en seront peut-être différents, mais ce n’est pas à moi d’en juger. Les dernières élections ont produit un balayage de la LND, qui est aujourd’hui au pouvoir, et la marginalisation de bon nombre des petits partis ethniques qui n’ont pas reçu beaucoup de votes. Nous verrons ce qui se passera lors des prochaines élections.

Il y a diverses initiatives favorisant la participation réelle de personnes habituellement exclues de ce genre de processus, comme les femmes et les membres des minorités ethniques. Nous envisagerons d’offrir un soutien au processus lui-même et aux élections en temps et lieu.

La sénatrice Ataullahjan : Merci, madame la présidente, de me permettre de poser une question à laquelle j’attends une réponse par oui ou non.

Bob Rae a comparu devant nous. La sénatrice Cordy en a d’ailleurs parlé de façon très élogieuse. Je ne saurais le remercier assez, particulièrement pour l’émotion qu’il a montrée. Il a fait un travail incroyable.

Dans son rapport final, il a demandé au gouvernement du Canada de fournir 600 millions de dollars sur quatre ans. Pouvez-vous me confirmer que c’est bel et bien la somme à laquelle nous nous sommes engagés?

M. Bobiash : La somme que nous nous sommes engagés à fournir est de 300 millions de dollars. Je sais qu’il a recommandé 600 millions de dollars pour l’aide au développement dans son rapport, en incluant l’aide humanitaire.

La sénatrice Cordy : Est-ce que cela comprend tout?

M. Bobiash : Oui.

La sénatrice Ataullahjan : Nous nous sommes engagés à verser la moitié de la somme qu’il demandait.

M. Bobiash : Exactement.

La présidente : Je m’excuse, mesdames et messieurs les sénateurs, mais nous n’aurons pas le temps de faire un second tour, parce que nous avons un autre groupe de témoins à entendre.

Je remercie les membres de notre premier groupe de témoins pour cet aperçu de la réponse du gouvernement au triste sort des réfugiés rohingyas.

Notre prochain groupe de témoins se compose premièrement de Raïss Tinmaung, qui représente le Réseau des droits de la personne Rohingya. Il est lui-même un Rohingya de Toronto. Bien qu’il soit ingénieur en aérospatiale de profession, sa passion est le travail de développement sur le terrain. Il a vécu en Amérique du Sud, dans les Caraïbes, en Afrique du Sud et au Moyen-Orient, où il a travaillé comme bénévole dans des projets de développement à long terme. Au Réseau des droits de la personne Rohingya, Raïss est l’agent de liaison canadien avec les responsables de la documentation au camp de réfugiés.

Il est accompagné de Fareed Khan, directeur, Sensibilisation et relations avec les médias, Réseau des droits de la personne Rohingya.

Il y a ensuite le professeur Payam Akhavan, qui prendra la parole après les représentants du Réseau des droits de la personne Rohingya.

Monsieur Tinmaung, la parole est à vous.

Raïss Tinmaung, directeur, Projets outre-mers, Réseau des droits de la personne Rohingya, à titre personnel : Merci beaucoup, madame.

[Français]

Bonjour, mesdames et messieurs. Merci de m’avoir invité à partager mon témoignage depuis les camps de réfugiés de mes peuples du Bangladesh, ainsi que les paroles récentes de ma famille éloignée en Birmanie.

[Traduction]

Je suis un Rohingya. Mes parents viennent de Zolda Khana, un village situé en périphérie de ce qu’on appelle aujourd’hui Sittwe et qui a été rasé par les flammes dans le cadre du massacre de 2012. J’ai toujours de la famille qui habite près de Sittwe et dans le canton de Maungdaw, au nord-ouest de Rakhine. Je leur parle de temps en temps, et je vous transmettrai leurs paroles dans mon exposé.

Un peu plus tôt cette année, j’ai visité les camps de réfugiés, où j’ai passé un mois à rencontrer des membres de mon peuple, à écouter et à consigner leurs récits.

[Français]

Les entrevues faisaient partie de mon bénévolat avec l’Université de la Californie du Sud, à laquelle j’ai été recommandé par le Musée de l’Holocauste de Montréal.

[Traduction]

Nous avons interrogé presque 100 hommes et femmes de 15 villages différents qui ont été totalement rasés par les flammes. Je vais vous raconter ce que j’ai vu et entendu pendant ce mois de bénévolat au camp, et ce que les membres de mon peuple continuent de me raconter presque tous les jours depuis les camps de réfugiés.

[Français]

Je vais commencer par les villages du Myanmar.

[Traduction]

Depuis le massacre de 2017, nos efforts pour faire parvenir de l’aide aux villages par des voies familiales informelles sont très restreints. Les villages qui ont survécu sont sous surveillance constante, et une atmosphère de peur règne partout. Les couvre-feux demeurent en vigueur.

Par exemple, mon oncle, qui vit à Maungdaw, m’a dit il n’y a pas très longtemps :

La prière du soir s’est terminée tard, donc tout le monde est resté à l’intérieur de la mosquée jusqu’au lendemain matin, parce que si nous étions sortis, nous nous serions faits arrêter et emprisonner, parce que les Rohingyas ne sont pas censés se trouver dans les rues après 22 heures.

Le couvre-feu est fixé à 20 heures ailleurs, comme à Buthidaung et dans les villages autour de Maungdaw.

Les enfants rohingyas reçoivent une éducation en ségrégation dans les écoles publiques, et il est impossible pour eux de fréquenter le collège.

Une autre de mes proches, qui vit à Buthidaung, m’a dit :

Les déplacements d’un village à l’autre sont extrêmement restreints. À tous les quelques kilomètres, il y a des postes de contrôle, où il faut payer 5 000 kyats environ, faute de quoi on se fait arrêter.

Elle a ajouté qu’ils ne pouvaient pas voir de médecin. Ils sont forcés de se procurer des cartes de vérification nationales, sur lesquelles ils doivent être identifiés comme des Bengalis. Elle ajoute :

[...] on nous menace de brûler nos maisons aussi un jour.

Il y a aussi des membres de ma famille qui habitent à Yangon et qui oublient de se qualifier de Rohingyas. Ils n’utilisent même plus le mot « rohingya » parce qu’ils ont trop peur. Ils me racontent l’atmosphère générale de peur dans laquelle les musulmans vivent, parallèlement à la croissance du nationalisme et de l’appui populaire à l’armée et aux leaders extrémistes bouddhistes.

[Français]

Lorsque j’ai visité les camps de réfugiés au Bangladesh la dernière fois, j’ai remarqué des améliorations dans leurs conditions de vie par rapport à ce que j’avais observé auparavant. On voyait de nombreux abris, des puits, des latrines, des centres de distribution de nourriture, des hôpitaux, et cetera. Les projets subventionnés par le gouvernement du Canada étaient bien visibles également. Alors, je vous remercie énormément pour ces contributions et pour l’aide que vous avez apportée à mes peuples.

[Traduction]

C’était très pénible de mener ces entrevues. Je me rappelle d’un enfant de 9 ans en béquilles. Il a été blessé par balle pendant qu’il fuyait. Comme il n’a pas pu recevoir de traitement à temps, sa jambe gauche a dû être amputée.

J’ai interrogé un homme qui avait perdu son enfant, son oncle, des frères, des sœurs et une tante pendant qu’il fuyait par un champ ouvert avec d’autres villageois pour aller se réfugier dans la jungle parce que leur village était en feu.

J’ai interrogé un homme qui avait perdu sa femme enceinte de neuf mois et qui n’avait même pas pu l’enterrer parce qu’il devait courir pour sa vie.

J’ai interrogé un infirmier qui ne pouvait arrêter de pleurer, qui se disait suicidaire parce qu’il ne pouvait se pardonner de n’avoir rien pu faire pendant qu’il voyait la fille de son voisin de faire retenir par quatre hommes et violer par plusieurs autres l’un après l’autre.

Je me rappelle aussi avoir interrogé un Maulana, soit un religieux, qui, à la fin de son entrevue, a pris un bout de papier, puis a lu les noms qui y étaient inscrits. Il s’est ensuite retourné, parce qu’il ne pouvait plus les lire. En sanglots, il a dit que c’étaient les noms de ses étudiants au madrasa, qui avaient moins de 13 ans.

Si l’on se reporte à aujourd’hui, je sais ce qui arrive en ce moment même au camp par mes collègues rohingyas sur le terrain, avec qui je corresponds au moins une fois par semaine, parfois même tous les jours.         

Mohammad Shakir, du camp de réfugiés Nayapara, est responsable de nos écoles et projets de formation professionnelle. Il disait ceci :

Il y a des centaines de refuges qui ont été détruits par la mousson et les glissements de terrain. Il y a des problèmes d’hygiène dans les camps. Les hommes sont sans travail. Il y a du désespoir, de la traite de personnes, du trafic de drogues et de plus en plus d’hommes qui se tournent vers l’extrémisme. Il manque de traitements adéquats dans les cliniques, et la plupart des écoles n’arrivent pas offrir une bonne éducation aux enfants. Cela semble davantage être une façon d’utiliser l’argent de l’aide au développement.

Une autre de mes collègues, au camp de réfugiés, m’écrivait ceci, hier :

La situation actuelle est inquiétante, parce que le gouvernement bangladais essaie de déporter 100 000 personnes vers l’île de Bhashan Char. Les gens ont peur.

Elle ajoute :

Le HCR fournit des cartes intelligentes pour identifier les réfugiés, mais il n’écrit nulle part que ce sont des Rohingyas. La menace d’un rapatriement se profile à l’horizon. Il y a aussi le protocole d’entente qui a été signé il y a un certain temps, dans lequel le mot « Rohingya » ne figure même pas.

La situation politique au Bangladesh en prévision des élections est inquiétante, elle aussi : les journalistes ont un accès restreint aux camps, plusieurs délégations de médecins étrangers s’y sont fait refuser l’accès. C’est très limité.

J’ai également correspondu avec des médecins de Calgary, en Alberta, et de Burlington, en Ontario, qui se sont fait refuser l’accès aux camps.

Pour conclure cet exposé, j’aimerais vous transmettre deux principaux messages.

Premièrement, les conditions aux camps de réfugiés se détériorent de jour en jour. Nous n’avons aucune façon d’étudier la situation des jeunes ni de les aider. Il y a de la traite de personnes à des fins sexuelles, du trafic de drogues, les journalistes et les médecins ont un accès restreint aux camps, et maintenant, les gens ont peur d’être déportés sur une île ou pire encore, d’être rapatriés au Myanmar.

Comment peut-on même songer à un rapatriement au Myanmar quand on sait que le génocide s’y poursuit? Allons-nous répéter les erreurs du passé et renvoyer nos frères et sœurs juifs aux nazis ou regarder des bus entiers de Bosniaques envoyés aux Serbes?

Deuxièmement, les Rohingyas qui sont toujours au Myanmar demeurent dans un état constant de peur, d’isolement, ils souffrent de discrimination et de désenchantement. Les camps de personnes déplacées en périphérie de Sittwe, d’où vient ma famille, sont toujours là. Le sentiment général dans les rues de Yangon est pro-gouvernement et pro-armée. Le gouvernement même qui a condamné des journalistes de Reuters à sept ans d’emprisonnement est celui qui continue de bombarder les villages de Kachin, Karen, Shan et Chin. Pourtant, ce gouvernement continue de jouir de l’appui du peuple.

Il y a des questions que nous devons nous poser. Dans quelle mesure nos politiques, et celles de nos alliés, ont-elles contribué à empêcher le gouvernement du Myanmar de continuer de commettre un génocide contre son propre peuple? Comment nos politiques peuvent-elles aider les Rohingyas ordinaires, qui sont en train de dépérir dans les camps de réfugiés, à retourner sur leur terre natale en sécurité, avec dignité, avec la citoyenneté et en étant simplement traités comme des humains plutôt que comme des insectes, des puces ou des chiens, comme on nous appelle toujours?

La présidente : Je vous remercie beaucoup de votre témoignage.

Notre second témoin est M. Payam Akhavan qui, à partir du 1er janvier, sera professeur de droit international à l’Université McGill.

Il a travaillé en tant qu’avocat spécialiste des droits de la personne en Bosnie, au Rwanda et dans d’autres zones de conflit dans le monde.

En 2017, il a participé aux conférences Massey de CBC. In Search of a Better World: A Human Rights Odyssey est devenu un ouvrage documentaire à succès au Canada.

En juin 2018, il a visité le camp des Rohingyas au Bangladesh concernant de possibles enquêtes de la Cour pénale internationale sur les dirigeants du Myanmar.

Monsieur Akhavan, vous avez la parole.

[Français]

Payam Akhavan, professeur, Droit international, Université McGill, à titre personnel : Merci beaucoup. Honorables membres du comité, tout d’abord, j’aimerais vous remercier de m’avoir invité. C’est un très grand honneur de pouvoir partager avec vous aujourd’hui mes expériences concernant la lutte pour la justice des Rohingyas.

[Traduction]

Je dois vous dire dès le départ que bien que je sois conseiller du gouvernement du Bangladesh au sujet des procédures en cours devant la Cour pénale internationale, tout ce que je dirai aujourd’hui, je le dirai à titre personnel, en tant qu’universitaire et praticien du droit pénal international. Je ne parlerai pas au nom du gouvernement du Bangladesh. Bien entendu, les observations du Bangladesh qui ont été présentées à la Cour pénale internationale demeurent confidentielles.

En juin dernier, je suis allé à Kutupalong. Comme vous le savez, ce qui était un refuge pour les éléphants sauvages il y a deux ans est devenu le plus grand camp de réfugiés au monde. On estime que 700 000 personnes sont rassemblées dans ce qu’on ne peut décrire que comme un océan de misère.

Comme l’a expliqué mon collègue, on n’a pas à parler longtemps aux survivants pour comprendre à quel point les souffrances et les horreurs dont ils ont été témoins sont immenses.

Comme mon collègue, j’ai vu de nombreux enfants qui avaient perdu des membres et qui avaient été blessés par balle. J’ai rencontré un groupe de femmes qui m’ont raconté des histoires atroces. L’une d’entre elles m’a raconté que son enfant avait été jeté au feu par le tristement célèbre Tatmadaw, les forces armées du Myanmar. À l’époque, les femmes en étaient pour la plupart au troisième trimestre de leur grossesse. Étant donné que la grande majorité des maris avaient été tués, on s’est vite rendu compte que la plupart d’entre elles étaient tombées enceintes à la suite de viols. En ce moment même, ces femmes tiennent des enfants dans leur bras quelque part dans le camp de Kutupalong.

Il est très difficile de s’asseoir devant les témoins, de leur promettre quoi que ce soit qui pourrait améliorer leur situation horrible. Ce que j’ai entendu à maintes reprises, c’est qu’ils voulaient qu’on raconte leur histoire. Ils voulaient que le monde sache ce qui leur est arrivé. Ils voulaient qu’on reconnaisse leurs souffrances. Je suis ravi que le gouvernement du Canada, la Chambre des communes en particulier, ait adopté une résolution qui reconnaît ce qui se passe comme un génocide. Ce qui est encore plus important, c’est qu’on agit pour qu’il y ait une forme de responsabilisation afin que les gens qui commettent ces crimes comprennent qu’ils auront un prix à payer.

De façon réaliste, la seule chose qui peut faire en sorte que ces gens répondent de leurs actes, c’est la Cour pénale internationale, principalement parce qu’en vertu du droit international, les tribunaux du Myanmar sont tenus de traduire en justice les auteurs de crimes contre l’humanité et de génocide. Les chances que cela se produise sont quasi nulles, surtout parce que la campagne de nettoyage ethnique est en soi la politique du leadership du gouvernement du Myanmar.

Il y a quelque temps, nous avons commencé à essayer de déterminer comment la Cour pénale internationale pourrait exercer sa compétence étant donné que le Myanmar n’est pas un État partie. Comme nous le savons tous, en droit international, une cour n’a pas automatiquement compétence à moins qu’il y ait consensus quant à la compétence de cette cour.

Dans des cas précédents, concernant le Soudan, en 2005, et la Libye, en 2011, le Conseil de sécurité de l’ONU avait adopté les résolutions contraignantes en vertu du chapitre VII sur le renvoi d’affaires devant la cour. Compte tenu des politiques du Conseil de sécurité et du droit de veto qu’ont les membres permanents, il n’y a aucune possibilité que cela se produise.

Ce qui ferait en sorte que la cour a compétence, le cas échéant, ce serait le territoire du Bangladesh. Le Bangladesh est un État partie au Statut de la CPI, et dans la mesure où des crimes sont commis sur son territoire, la cour aurait compétence.

D’où l’apparition de ce qu’on appelle la « théorie de l’expulsion ». Si la plupart des crimes, comme les meurtres, les viols, les actes de torture et la destruction gratuite des villages, ont été commis sur le territoire du Myanmar, on est déterminé, en fait, à expulser la population des Rohingyas vers le Bangladesh. Cela signifie que le crime d’expulsion commence sur le territoire du Myanmar, mais qu’il se termine sur celui du Bangladesh.

De ce fait, en avril dernier, la procureure de la Cour pénale internationale a demandé ce qui est, en fait, un avis consultatif de la Cour pénale internationale pour déterminer si la cour avait compétence sur ces crimes avant qu’une enquête soit ouverte.

À la suite de longues conclusions incluant des observations confidentielles du gouvernement du Bangladesh, des observations d’un certain nombre d’organisations non gouvernementales, y compris de mes formidables collègues du Partenariat canadien pour la justice internationale, et d’un vaste groupe d’universitaires et d’activistes canadiens, je suis heureux de dire que le 6 septembre dernier, la cour a statué qu’elle avait compétence sur ces crimes.

Ce qui est remarquable, c’est que la Chambre préliminaire de la cour qui a émis cet avis a demandé à la procureure d’accélérer la tenue d’une enquête préliminaire, qui se tiendra en vertu des règles de la CPI avant l’ouverture d’une enquête officielle.

Il est important de souligner que l’expulsion ne représente qu’une partie des nombreux crimes commis. Il est malheureux que la cour ne puisse pas avoir compétence générale. Je signalerais seulement que le crime d’expulsion inclut également des actes coercitifs, comme le meurtre et la violence sexuelle, qui sont à l’origine des déplacements forcés. Il est possible, par l’expulsion, d’inclure de nombreuses violences commises contre les Rohingyas.

Je vais conclure en disant qu’il y a, évidemment, une grande distance entre lancer des enquêtes et lancer des mandats d’arrestation, dont possiblement contre de principaux dirigeants du Tatmadaw. Dans un geste sans précédent en août dernier, la mission internationale d’observation du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a désigné six hauts dirigeants du Tatmadaw qui seront fort probablement ciblés par les enquêtes de la CPI. Il y a une grande distance entre lancer des mandats d’arrestation et s’assurer que ces gens sont amenés devant la cour à La Haye.

D’après mon expérience au tribunal des Nations Unies à La Haye, alors que nous disons que justice différée est justice refusée, dans ce cas-ci, justice différée est justice rendue. Dans la justice pénale internationale, on doit toujours avoir une vision à long terme, car les gens qui détiennent le pouvoir et qui sont intouchables aujourd’hui pourraient tomber en disgrâce demain. Il est absolument essentiel que la communauté internationale place la question de la responsabilité pénale individuelle au centre de ses relations avec le Myanmar et s’assure qu’on exerce toujours des pressions pour que, au fil du temps, les possibilités d’arrestation et de poursuites deviennent réalistes.

Une autre chose à retenir, c’est que près d’un demi-million de Rohingyas sont toujours au Myanmar. Comme l’a dit mon collègue, il doit y avoir un prix à payer pour ces crimes. Des signes portent à croire que l’enquête menée par la Cour pénale internationale pourrait avoir un effet dissuasif. Au moins, cela fera en sorte qu’il sera plus difficile et coûteux pour le Myanmar de faire subir à un demi-million de Rohingyas ce qu’il a déjà fait subir à près du million de Rohingyas qui se trouvent maintenant dans les camps de réfugiés du Bangladesh.

Enfin, même si nous n’étions pas capables d’accomplir des objectifs utilitaires stricts, il est important de ne pas oublier qu’une mesure de justice, si insuffisante soit-elle, est essentielle pour la guérison des victimes. Cela constitue en soi une bonne raison, à mon avis, d’appuyer les procédures devant la Cour pénale internationale.

Je vais m’arrêter ici. Je vous remercie beaucoup de vous pencher sur cette question importante.

La présidente : Merci.

La sénatrice Ataullahjan : Comme la plupart d’entre vous le savent, je m’intéresse à cette question depuis 2012. J’en ai parlé à la délégation birmane la première fois qu’elle a visité le Québec en 2012 pour l’Union interparlementaire. L’an dernier, un porte-parole politique d’Aung San Suu Kyi a refusé de répondre à toute question sur les Rohingyas. En fait, il disait « pas les Rohingyas ».

Permettez-moi de vous poser des questions qu’on me pose constamment depuis le début de la crise. Je veux voir si vous pouvez y répondre, car j’en ai été incapable. « Pourquoi le monde n’y porte-t-il aucune attention? Pourquoi réagit-il si lentement? Est-ce que c’est parce que nous sommes musulmans? Est-ce que c’est parce que nous avons la peau brune? » Je n’avais vraiment pas de réponse.

Le monde a même hésité à dire qu’il s’agissait d’un génocide. Nous pouvions voir les photos. Nous pouvions voir les vidéos. Nous avons entendu parler des viols que les femmes ont subis. Lorsque j’ai interrogé le représentant du gouvernement au sujet des enfants qui sont nés parce que ces femmes avaient été violées, il a dit en quelque sorte « oui, mais dans certains cas, les parents sont mariés ».

Pourquoi tant de réticences? Pourquoi hésitons-nous à dire de quoi il s’agit? Il y a eu des massacres. Des femmes ont été utilisées. Il y a eu de la violence sexuelle. On a traité ces gens comme des esclaves. Pourquoi?

Je suis incapable de répondre à cette question lorsqu’on me la pose. Vous avez peut-être une réponse.

M. Tinmaung : Je n’ai pas de réponse non plus. Lorsque la Chambre a adopté la motion à l’unanimité, c’était une grande surprise et un grand soulagement pour moi.

Les choses ne devraient pas se passer ainsi. Cela se produit depuis un demi-siècle. J’ai posé la même question aux gens que j’ai interrogés dans les camps, et ils n’avaient rien d’autre que des larmes. « Ne sommes-nous pas des êtres humains? », se disaient-ils. Je n’ai pas non plus de réponse.

Fareed Khan, directeur, Sensibilisation et relations avec les médias, Réseau des droits de la personne Rohingya : Je ne sais pas s’il s’agit d’une réponse, mais cela pourrait vous éclairer. L’ordre mondial qui a été créé après la Seconde Guerre mondiale s’est fondé sur l’expérience des gens, sur ce qu’ils ont vécu durant la guerre, sur ce qu’ils ont vu et sur les horreurs qui se sont produites.

Cette génération est en train de disparaître. Ces gens nous rappelaient sans cesse la dépravation humaine, jusqu’à quel point elle peut être grave. Il semble que pour nos dirigeants politiques d’aujourd’hui, pas seulement au Canada, mais partout dans l’Occident, ces gens ne sont plus là pour leur rappeler ces choses. Il en reste bien peu, mais on n’écoute pas les gens qui prennent la parole.

À la place, nos gouvernements examinent les questions liées aux droits de la personne et à la défense des plus faibles dans le monde en déterminant quelles seront les répercussions sur le plan économique et commercial.

Le Canada n’a pas d’énormes intérêts économiques au Myanmar. Nous sommes bien placés pour soulever la question dans les tribunes internationales et avoir beaucoup d’influence. Les dirigeants canadiens, non seulement le gouvernement actuel, mais les gouvernements précédents, parlent de notre engagement à l’égard des droits de la personne depuis des décennies.

Il est très facile de dénoncer devant les caméras ou un microphone les atrocités commises par un gouvernement ou par des individus. Je dirais honnêtement que les paroles ne valent pas grand-chose. C’est lorsqu’on agit ou qu’on joint le geste à la parole qu’on obtient vraiment des résultats. Je vais m’arrêter ici.

La sénatrice Ataullahjan : Concernant l’île de Bhasan Char, je suis allée au Bangladesh à deux reprises l’an dernier et nous avons soulevé la question auprès du ministre des Affaires étrangères. À l’époque, il était question de déplacer les réfugiés vers cette île. On croyait que cette île était en train de disparaître.

Compte tenu des pluies à venir, pourquoi avait-on l’idée d’envoyer des réfugiés sur une île en train de disparaître et qui allait être inondée durant les moussons? Y a-t-on tout de même envoyé les réfugiés?

M. Tinmaung : Compte tenu des communications que j’ai reçues hier et avant-hier, après que j’ai reçu l’avis de comparution, j’ai mis toutes mes notes à jour.

L’expulsion n’a pas encore commencé, mais elle est imminente. Lors de votre visite, sénatrice, il y avait des pourparlers et on était probablement en train de construire, et la construction est maintenant terminée. C’est un fait. On en parle même dans les médias. Ils les expulseront fort probablement de force, comme ils l’ont fait dans les années 1980 et 1990, mais à cette époque, il s’agissait de les expulser vers le Myanmar ou de les rapatrier au Myanmar.

Pourquoi le feraient-ils? Je vais parler de certaines entrevues que j’ai réalisées récemment au Musée canadien des droits de la personne et que j’ai traduites. La communauté des Rohingyas y lance une exposition. Les gens qui sont maintenant ici parlent de certains de ceux qui sont revenus et qui ont été rapatriés. Ils ont vu des gens se faire battre et être forcés de partir.

Il y a ce sentiment qu’on ne veut pas d’eux avec un million de personnes qui sont maintenant sur leurs terres. Ils n’ont pas d’emploi. Ils ne peuvent pas s’instruire. On ne leur donne même pas un statut de réfugié parce qu’on serait obligé de leur fournir des services.

Cette situation crée tous ces problèmes d’extrémisme et de traite des personnes. La traite des personnes à des fins sexuelles existe depuis longtemps. L’un des programmes que nous avons dirigés aux camps des réfugiés dans le cadre de notre travail humanitaire consiste à nous déplacer d’un endroit à l’autre dans un camp donné pour dire aux femmes, en particulier, de se tenir loin d’une personne qui leur dit qu’elles peuvent faire de l’argent en allant à Taka, parce qu’elles se retrouveront dans un bordel.

Cela s’est produit par le passé et se reproduit déjà. L’expulsion est liée à cela. Avec tous les problèmes liés à la traite des personnes, les gens commencent à dire qu’il faut se débarrasser de ces personnes et les envoyer ailleurs. Quelque chose a stimulé cette construction. Ce sont les entreprises de construction qui ont fait de l’argent avec la construction sur l’île de Bhashan Char. Cet argent est dépensé. C’est fait, et le but est maintenant de se débarrasser des 100 000 personnes et de peut-être 100 000 autres ailleurs, et cetera.

La sénatrice Cordy : La sénatrice Ataullahjan a présenté au Sénat une motion visant à reconnaître que la crise des Rohingyas est un génocide, et cette motion a également été adoptée.

Je vous remercie du travail que vous accomplissez, monsieur Tinmaung. Vous êtes allé dans les camps. Dans quelle mesure a-t-il été difficile pour vous d’obtenir l’accès aux camps? Avez-vous rencontré des problèmes pour y entrer?

M. Tinmaung : Je vais vous raconter une courte histoire. Avant que vous puissiez entrer dans les camps, vous devez passer par divers points de contrôle. Je suis sûr que M. Akhavan pourrait en dire plus à ce sujet. Si vous circulez dans une belle voiture et que vous êtes entouré d’étrangers, vous pouvez entrer facilement. Si vous êtres dans un tuk-tuk ou un cyclotaxi, on vous arrête et on vous contrôle. Si vous êtes un Rohingya, vous ne passez pas.

Cela m’est arrivé une fois, parce que je suis un Rohingya. En tant que travailleur humanitaire, j’ai parcouru l’Afrique du Sud avec mon sac à dos et j’ai fait du bénévolat sur la côte de l’Équateur, après le tremblement de terre, alors je me fais discret. J’étais en tuk-tuk, une fois, mais ils m’ont arrêté et m’ont sorti. J’essaie de parler ma langue le plus justement possible, et ils me prennent à part. Puis je me mets à parler l’anglais, et je peux reprendre mon transport et partir.

C’est assurément difficile d’y entrer et d’en sortir, si c’est ce que vous me demandez. Si vous faites partie d’un convoi ou que vous roulez dans une belle voiture, vous pouvez très bien être d’une ONG bangladaise. On estimera que vous êtes un Bangladais si vous êtes en voiture, par contraste avec les personnes qui sont censées être dans le camp et qui ne doivent pas en sortir.

La sénatrice Cordy : Monsieur Akhavan, quelles difficultés avez-vous éprouvées?

M. Akhavan : Je faisais partie d’une délégation gouvernementale, alors je ne risquais pas d’éprouver de tels problèmes. Il faut voir cela dans le bon contexte. Il y a maintenant près d’un million de réfugiés rohingyas dans le pays le plus densément peuplé du monde. Ce sont des circonstances très difficiles.

Quand je compare cela avec la xénophobie qui sévit dans notre partie du monde, peu importe ce qu’on peut reprocher au gouvernement bangladais, il a été, dans l’ensemble, très réceptif et généreux.

On pourrait en faire plus, mais le monde ne peut s’attendre à ce que le Bangladesh s’occupe seul d’un million de réfugiés. C’est tout simplement impossible.

Avant l’arrivée des agences internationales, quand les gens franchissaient la frontière, j’ai vu avec étonnement les gardes-frontières bangladais et les agriculteurs locaux donner de la nourriture à de nombreux réfugiés et les accueillir chez eux. Nous devrions avoir honte de notre attitude envers les immigrants et les réfugiés.

Je suis de tout cœur avec mon collègue, car c’est vraiment infernal de se trouver à Kutupalong et de voir non seulement les circonstances physiques des gens, mais aussi à quoi ils ont survécu. Ils vivent un traumatisme émotionnel ainsi que des circonstances très difficiles.

J’y étais juste avant la mousson. Il était évident qu’il y aurait des coulées de boue et que des gens mourraient. Mais qu’est-ce qu’on peut faire?

Les possibilités qu’une partie importante de cette population retourne au Myanmar sont faibles, voire nulles, si on n’exerce pas d’importantes pressions sur le Myanmar, dont une présence des Nations Unies dans l’État de Rakhine, mais cela n’arrivera pas.

Nous devons trouver la façon de nous occuper d’un million de personnes qui, comme mon collègue l’a expliqué, sont désespérées et en colère. On craint la radicalisation. Nombreux sont ceux qui me disaient : « Nous voulons nous instruire. Nous sommes ici à ne rien faire. Nous n’avons aucune possibilité de travailler ou de nous instruire. »

C’est un problème complexe. Il faut un plan à long terme, et il faut que le fardeau soit réparti, franchement, concernant la façon de s’occuper d’un million de personnes qui ne peuvent rester indéfiniment au milieu d’un refuge où des éléphants sauvages rôdent.

La sénatrice Cordy : Des représentants de notre gouvernement ont parlé de l’importance de la cohésion sociale entre la terre d’accueil, le Bangladesh, et les réfugiés.

Vous parlez d’un million de réfugiés, et je dois dire que je suis ravie de faire partie de deux groupes qui ont fait venir des réfugiés syriens en Nouvelle-Écosse. Cependant, des gens se sont plaints de la venue de ces petits nombres de réfugiés syriens, alors j’ai peine à imaginer un million de réfugiés.

Comment travailler avec le gouvernement du Bangladesh et les Rohingyas pour créer une cohésion sociale? Vous avez souligné la mesure dans laquelle les Bangladais sont ouverts, mais il y aura prochainement une élection, et nous ne savons jamais ce qui peut se produire dans le sillage d’une élection.

Comment pouvons-nous créer cette cohésion sociale? Je crois que vous avez dit tout à l’heure que c’est une crise qui pourrait durer longtemps, malheureusement.

M. Akhavan : Je pourrais vous répondre très brièvement, et mon collègue pourra compléter ma réponse s’il le veut. Le type de sentiments xénophobes que nous constatons dans notre partie du monde est pratiquement absent chez les politiciens bangladais.

La première ministre Sheikh Hasina est elle-même allée à Kutupalong et a rendu très publiques des images d’elle en compagnie d’enfants réfugiés. On voit ces affiches partout. On peut bien faire preuve de cynisme et dire que c’est de la propagande, mais c’est le message qu’on transmet : ces gens sont désespérés et blessés, et nous devons nous occuper d’eux.

La sénatrice Cordy : C’est de la propagande, je dois le dire.

M. Akhavan : Exactement, mais au fil du temps, le vent peut tourner avec la prolifération des problèmes que vivent les gens désespérés. Ils ont besoin d’emplois. Certains vont être victimes de la traite de personnes. Il y a du trafic de drogues et d’autres problèmes comme ceux que vous avez mentionnés. C’est la raison pour laquelle il faut maintenant une stratégie à long terme sur la façon de nous occuper d’un million de personnes.

Je veux aussi rassurer mon collègue; selon les conversations que j’ai eues avec des représentants du gouvernement, de l’Organisation internationale pour les migrations et d’autres organisations, je doute fort qu’il y ait un rapatriement forcé. C’est ce que j’ai compris de cela.

Selon la position publique, ils sont en train de négocier un rapatriement, mais quand vous discutez officieusement avec eux, personne ne croit que cela va se produire. Au mieux, un petit groupe de gens vont y retourner. Tout le monde réalise que ce million de personnes ne va jamais y retourner.

M. Tinmaung : Merci, monsieur Akhavan, en particulier pour la dernière chose que vous avez dite.

Cela me soulage, mais seul le temps nous dira quels sont les sentiments sur le terrain, compte tenu de ce que j’ai entendu et vécu les nombreuses fois où j’ai visité les camps. Cela est fonction de ce que les gens ont vécu par le passé, quand il y a eu rapatriement dans les années 1990, et avant cela, dans les années 1970.

Des gens sont nés et ont grandi dans les camps, en fait. Le Musée canadien des droits de la personne a interviewé une personne de la ville de Québec. Elle est née et a grandi dans des camps de réfugiés. Les gens des années 1970 et des années 1990 ont vécu, en particulier, d’horribles histoires de rapatriement forcé, ce qui explique toute l’appréhension.

Qu’est-ce qu’on peut faire à long terme? Encore là, je me fais l’écho de ce qu’on dit sur le terrain, et je vais laisser mon collègue, Fareed Kahn, ajouter à cela. Pour commencer, parmi ce million de personnes, il y a des enfants, des femmes, des jeunes et des hommes. Les hommes ont vu d’autres hommes disparaître, se faire torturer, se faire massacrer, et ainsi de suite. Il est naturel qu’une population laissée n’importe où sans activité et sans aucune forme d’autonomisation se tourne vers des avenues que vous et moi ne voulons pas voir dans une société civilisée.

Les jeunes, comme mes jeunes frères et sœurs, ne peuvent pas s’instruire. L’éducation est un droit fondamental de la personne. L’éducation est permise dans les camps de Dadaab, en Haïti où j’ai travaillé comme bénévole, en Turquie, au Liban et ailleurs.

Pourquoi est-ce que l’éducation n’est pas permise dans les camps? Quand j’y suis allé en 2015, la loi exigeait que l’éducation se poursuive jusqu’à la cinquième année. Après cela, on ne peut plus s’instruire. Maintenant, l’éducation va jusqu’à la huitième année. Ce n’est qu’un exemple de ce dont ils sont privés.

Pourquoi est-ce qu’on ne permet pas aux hommes de travailler, même à un taux salarial inférieur? C’est du capital humain. L’économie bangladaise pourrait croître grâce à ce capital humain. Pourquoi est-ce que ces hommes et femmes ne sont pas mis à profit?

Il se peut que vous vouliez quand même les confiner à la partie sud-est du Bangladesh. Soit. Vous pouvez les confiner à cet endroit, mais vous pouvez leur faire accomplir du travail utile. Ils n’ont pas le droit de travailler, alors ils se tournent vers le trafic de drogues. Voyez-vous?

On parle de ces choses fondamentales. Je collabore avec les ONG bangladaises. Le Bangladesh est bien connu pour son industrie du vêtement, alors pourquoi est-ce qu’on ne peut pas construire une usine de vêtements? Si certains de ces hommes et femmes avaient un emploi, ils oublieraient leur frustration et tous les sentiments négatifs qui leur trottent dans la tête. Et pour l’amour du ciel, pourquoi les enfants ne peuvent-ils pas étudier? C’est juste de l’éducation. On peut certainement travailler à réaliser ces choses.

Si les gouvernements étrangers qui entretiennent des relations commerciales avec le Bangladesh peuvent exercer une influence sur leurs politiques, cela sera très utile.

M. Khan : Vous parlez de cohésion et vous voulez savoir ce que nous pouvons faire pour la cohésion sociale dans la société bangladaise. La générosité dont ils ont fait preuve est la manifestation d’un certain degré de cohésion. Cependant, c’est en partie parce que les gens ne s’attendent pas à ce que les réfugiés soient là pour de bon ou soient, à terme absorbés, par la société bangladaise et enlèvent des emplois aux Bangladais.

Pour promouvoir la cohésion sociale en tant que nation, il faut que nous puissions au moins leur donner l’espoir d’un changement éventuel.

J’ai entendu certains des exposés antérieurs, et on mettait beaucoup l’accent sur les camps de réfugiés et sur ce que nous pouvons faire pour aider les réfugiés. Si vous parlez aux réfugiés, ils s’attendent à rester dans les camps pendant un certain temps, mais la grande majorité d’entre eux veulent retourner chez eux. Ils veulent retourner sur les terres d’où ils ont été expulsés. C’est ce qu’ils désirent. Les gens ne sont pas animés d’un ardent désir d’être réinstallés ailleurs dans le monde.

En plus de cela, la situation des réfugiés dans les camps est très différente de celle des réfugiés syriens dont vous avez parlé. Beaucoup de réfugiés syriens étaient des propriétaires d’entreprises et des professionnels. Ils ont été intégrés dans la société, alors que les réfugiés rohingyas ont essentiellement été exclus de la société — exclus de tout ce qui est normal pour les membres d’une société.

Pour progresser et leur donner de l’espoir, nous devons suivre la voie de la responsabilité individuelle qui est prévue dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, et c’est ce que nous avons préconisé dans une lettre ouverte publiée au milieu de septembre. En tant que signataire de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide des Nations Unies, le gouvernement du Canada doit invoquer cette convention afin de faire bouger les choses. Il n’y a pas que les personnes qui doivent être tenues responsables, mais aussi le Myanmar lui-même. C’est exactement pour cela que la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide des Nations Unies a été rédigée. Le Canada est parti à cette convention, de même que le Myanmar.

Nous pouvons mettre à profit les leviers que cela nous offre afin d’essayer de leur permettre d’espérer que nous allons tenir ceux qui leur ont fait cela responsables. Ainsi, le Bangladesh verrait que ce ne sera pas immédiat, mais qu’éventuellement, nous en arriverions au point où les Rohingyas pourraient retourner chez eux, obtenir la citoyenneté et vivre en paix.

La sénatrice Coyle : Merci à vous tous de vos exposés très informatifs. Ma question s’adresse à vous tous. Vos derniers propos, monsieur Khan, me permettent d’enchaîner avec ma question.

Comme vous l’avez vu, avant que vous comparaissiez, nous avons entendu des représentants d’Affaires mondiales Canada. Nous avons entendu des commentaires très sincères, informatifs et encourageants de la part de notre gouvernement, en réponse à la situation des Rohingyas au Myanmar et dans les camps du Bangladesh.

J’aimerais entendre vos diverses perceptions concernant ce que le Canada fait. Monsieur Tinmaung, vous ne parliez pas du Canada, mais vous disiez que selon l’impression dominante, il y avait autour de l’argent destiné à l’aide humanitaire une sorte d’entreprise et que ce qui se passait réellement dans les camps ne correspondait pas à ce qui était requis dans les camps.

J’aimerais entendre votre avis sur le Canada et notre aide au développement, concernant l’aide humanitaire dans le camp, et ce que nous fournissons au Myanmar. Quels sont certains des leviers dont vous parlez, concernant la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide des Nations Unies, le potentiel de la CPI à long terme, et les sanctions?

Comment jugez-vous la façon dont le Canada s’engage en général? Qu’est-ce que vous nous conseillez de faire à l’avenir?

M. Tinmaung : Je remercie mon gouvernement de tout ce qu’il a fait à ce jour, et mes collègues ont les mêmes sentiments. Immédiatement après que nous avons reconnu qu’il s’agissait d’un génocide, immédiatement après notre engagement à verser 300 millions de dollars, et immédiatement après la révocation de la citoyenneté des gens de Sittwe, tout a été reconnu et bien reçu.

Pour revenir à la question de l’argent de l’aide humanitaire qui est une sorte d’entreprise, c’est un des membres de notre personnel qui l’a dit. Cette personne s’occupe des écoles et des centres de formation professionnelle sur le terrain. Nous avons de la formation professionnelle pour les femmes victimes du massacre. Nous leur enseignons à coudre. Nous leur donnons des compétences. Nous avons donné à chacune une machine à coudre.

Ce qu’il a dit concernait les écoles où les classes vont jusqu’à la huitième année. Il estime que si vous n’avez pas d’objectif final, et si vous ne risquez pas d’avoir un collège ou une université, naturellement, il sera impossible d’offrir une éducation de qualité. Je comprends son point de vue et ce qui le justifie, mais cela n’empêche pas qu’il y a des organisations et des efforts concrets qui donnent des résultats.

Je passais devant l’hôpital de campagne de la Croix-Rouge chaque fois que j’allais visiter nos écoles et voir le travail que nous faisions dans les camps. Je connais des médecins qui sont partis d’Ottawa pour aller à cet hôpital de campagne. On peut aussi voir la marque du gouvernement du Canada sur certains des projets, en chemin vers le camp. Il se fait beaucoup d’excellent travail, et c’est reçu avec beaucoup de gratitude.

J’ai aussi mentionné dans mon exposé que nous vous remercions des aménagements que je n’avais pas vus avant ma dernière visite, en 2015. Les gens buvaient l’eau d’un étang pollué. J’ai vu des gens y puiser de l’eau. Il y avait très peu d’aide, s’il y en avait. Ces gens étaient oubliés.

Pour en revenir à l’efficacité, je chercherais les causes profondes. Dans notre travail de réseautage et de mobilisation, nous voulons nous concentrer sur les causes profondes de notre situation actuelle. C’est la manière de s’attaquer au cœur de la situation.

Comme l’a dit M. Akhavan, il faut s’adresser aux dirigeants qui ont causé le massacre. Il faut les poursuivre devant la CPI. Vous invoquez la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide des Nations Unies et vous demandez des comptes à l’État du Myanmar, qui a lui-même ratifié la convention.

Qu’en est-il des gens qui désirent retourner chez eux? Certaines personnes interviewées ont dit : « Je ne veux pas aller au Canada. Je ne veux pas aller aux États-Unis. » Elles se demandaient aussi ce qu’elles iraient faire là-bas, sans leur bétail, sans leurs chèvres, sans leur propre terre.

Vous ne pouvez pas faire venir un million de personnes. Je doute que vous puissiez faire venir 10 000 personnes. Ces gens ne sont pas instruits, et ils sont pauvres et désespérés. Ils ne sont pas comme nos frères et sœurs de Syrie qui sont en droit, en médecine ou en affaires.

Tout compte fait, les gens de mon peuple doivent retourner sur leur propre terre. Nous pourrions faire en sorte que cela se réalise par des politiques axées sur la cause profonde, et cette cause profonde, c’est le gouvernement du Myanmar. Malheureusement, on ne s’est pas tant attaqué à la cause profonde, et les politiques qui ont été mises en œuvre n’ont pas donné de résultats. Nous n’avons constaté aucun changement au Myanmar.

Le sentiment dans les rues de la capitale, Yangon, c’est : « Ces gens ne sont pas d’ici. Ce sont des coquerelles, des puces. Ils doivent partir. »

J’évaluerais notre efficacité en fonction de la mesure dans laquelle nous pouvons nous attaquer à la cause profonde de manière à permettre aux gens de mon peuple de retourner sur leur terre et d’être reconnus comme des humains et des citoyens. C’est ainsi que j’évaluerais cela.

La présidente : Je vous remercie beaucoup de vos témoignages. Nous vous savons gré d’être venus nous présenter votre point de vue sur le sort qui est réservé aux réfugiés rohingyas.

Je rappelle aux sénateurs que la semaine prochaine, nous allons poursuivre notre étude sur la situation des Rohingyas. Nous allons entendre le haut-commissaire du Bangladesh et M. John Packer. Il pourrait y avoir d’autres témoins, car je crois que nous avons convenu qu’il manque de témoins.

(La séance est levée.)

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