LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES BANQUES ET DU COMMERCE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 21 avril 2021
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd’hui, à 18 h 30 (HE), par vidéoconférence, pour étudier toute question concernant les banques et le commerce en général, tel que précisé à l’article 12-7(8) du Règlement, et, à huis clos, pour étudier un projet d’ordre du jour (travaux futurs).
Le sénateur Howard Wetston (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénatrices et sénateurs, j’ai quelques observations à faire avant de commencer. Je vous rappelle, ainsi qu’aux témoins, qu’il faut désactiver les micros en tout temps, à moins que le président ne vous donne nommément la parole. Avant de prendre la parole, veuillez utiliser la fonction « Lever la main » et attendre qu’on vous reconnaisse à l’écran. S’il y a un problème technique, notamment du côté de l’interprétation, veuillez le signaler au président ou à la greffière. Si vous éprouvez d’autres difficultés techniques, veuillez composer le numéro du bureau de service de la DSI, que vous devriez avoir. Veuillez noter que nous devrons peut-être suspendre la séance pendant ces périodes pour nous assurer que tous les membres du comité sont en mesure de participer intégralement.
Enfin, j’aimerais rappeler à tous les participants que les écrans Zoom ne doivent pas être copiés, enregistrés ou photographiés. Vous pouvez utiliser et partager les transcriptions officielles qui se trouvent sur le site Web de SenVu.
Sur ce, bonsoir et bienvenue à la séance d’aujourd’hui du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Je tiens à remercier les personnes qui sont venues dans les locaux du Sénat pour aider au bon déroulement de la réunion de ce soir. Nous sommes tous conscients des difficultés que cela représente. Je ne vais pas nommer de personnes ou de divisions, mais je tiens à remercier tout le monde.
Je m’appelle Howard Wetston. Je suis un des sénateurs de l’Ontario. J’ai le privilège d’assumer la présidence de ce comité.
J’invite maintenant les membres du comité à se présenter.
La sénatrice Wallin : Pamela Wallin, sénatrice de la Saskatchewan et membre permanente du Comité des banques. Je suis heureuse de notre retour ici.
Le sénateur Smith : Larry Smith, sénateur du Québec. Je suis fier d’assumer la vice-présidence du Comité des banques.
La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall. Je représente Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Klyne : Bienvenue à nos invités. Je m’appelle Marty Klyne, de la Saskatchewan.
Le sénateur C. Deacon : Colin Deacon, sénateur de la Nouvelle-Écosse. Je suis ravi d’être de retour à une réunion du Comité des banques après 21 mois.
[Français]
La sénatrice Ringuette : Pierrette Ringuette, sénatrice du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Bellemare : Diane Bellemare, sénatrice du Québec, du district d’Alma. Je suis très contente de faire partie du comité.
[Traduction]
Le sénateur Loffreda : Tony Loffreda, sénateur du Québec. Je me réjouis à la perspective d’une excellente réunion.
[Français]
La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, sénatrice de l’Ontario.
[Traduction]
Le président : Je vous en remercie. Je crois que les autres sénateurs sont absents. Nous pouvons commencer la réunion.
Comme vous le savez tous, les remarques concernant le mode virtuel de la réunion ont pour raison que les témoins seront entendus par vidéoconférence. Nous allons nous intéresser à une mise à jour de certains aspects de l’économie canadienne, puis nous discuterons à huis clos des travaux à venir.
Avant de passer à notre premier groupe de témoins, j’aimerais demander aux sénatrices et sénateurs et aux témoins d’être brefs dans leurs interventions afin que chaque membre puisse poser au moins une question pendant le peu de temps dont nous disposons en compagnie des témoins. Évidemment, si le temps le permet, nous pourrons avoir une deuxième série de questions.
Si vous le permettez, j’aimerais commencer par notre premier témoin, M. Greg Peterson, statisticien en chef adjoint, Secteur de la statistique économique à Statistique Canada. Je tiens à vous remercier de vous être joint à nous ce soir, monsieur Peterson, surtout à court préavis. Vous avez la parole.
Greg Peterson, statisticien en chef adjoint, Secteur de la statistique économique, Statistique Canada : Merci beaucoup au président, aux vice-présidents et aux sénateurs de m’avoir invité à m’adresser à vous aujourd’hui.
Bien que je me concentre sur l’économie, je ne peux passer sous le silence les conséquences de la COVID-19. La pandémie a infligé des souffrances qui sont vraiment difficiles à comprendre. Plus de 1,1 million de Canadiens l’ont attrapée et plus de 23 000 d’entre eux en sont morts. Chaque personne qui n’est plus parmi nous a laissé derrière elle un grand nombre de familles et de cœurs brisés, et nous pleurons tous leur douleur. Et même ceux qui se sont rétablis doivent encore faire face à de nombreuses difficultés. Saluons également le courage des travailleurs de première ligne qui, chaque jour, se surpassent pour continuer à prodiguer des soins et à faire preuve de compassion.
Si je devais choisir un seul mot pour décrire comment l’économie canadienne a été touchée par la pandémie et comment elle pourrait se rétablir, ce serait « asymétrique ». « Asymétrique » résume ce que nous avons observé alors que la pandémie continue d’influencer la demande des consommateurs et l’activité économique. Les changements dans la consommation continuent de toucher différemment les industries, les entreprises et les ménages dans différentes régions et de diverses manières.
Vous vous souvenez peut-être qu’avant la pandémie, nous parlions de fermetures dans le secteur automobile et de barrages ferroviaires. Nous ne commencions pas 2020 sur un bon pied. Toutefois, au cours des deux dernières semaines de mars et du début avril 2020, nous avons observé les plus fortes baisses mensuelles du PIB de l’histoire économique du Canada. L’activité a diminué dans 17 des 20 secteurs d’activité, et la production économique à la fin d’avril était inférieure d’environ 18 % à ce qu’elle était deux mois plus tôt.
D’une année à l’autre, les dépenses de consommation ont diminué de 6 %. En ce qui concerne le revenu, les répercussions de la pandémie ont été ressenties de façon inégale parmi différents ménages canadiens. Entre janvier et septembre 2020, le revenu disponible des ménages ayant les plus faibles revenus a augmenté de plus d’un tiers — une proportion plus importante que pour les ménages à revenu plus élevé. Parallèlement, les ménages composés de jeunes Canadiens ont enregistré une augmentation de leur valeur nette de près de 10 %, ce qui représente la hausse annuelle la plus marquée que cette cohorte ait jamais connue.
Ces changements ont été provoqués par des augmentations sans précédent des transferts aux ménages, puisque la valeur de l’aide financière d’urgence du gouvernement du Canada a dépassé les pertes de salaires et traitements et de revenus provenant d’un travail autonome.
Cette baisse du taux de dépenses, combinée avec la hausse du revenu disponible, a entraîné des niveaux d’épargne record. Ces épargnes, combinées avec de faibles taux d’intérêt, ont entraîné un marché immobilier fort.
Au début de la pandémie, l’inflation a diminué pour passer de 2 % en février à -0,2 % en avril. Cette baisse a été le ralentissement le plus rapide sur deux mois en près de 30 ans. Les prix ne sont pas revenus aux niveaux d’avant la pandémie avant octobre 2020.
Les répercussions initiales de la pandémie de COVID-19 ont été fortes et rapides : trois millions de Canadiens de moins étaient employés entre février et avril 2020, et le taux de chômage a grimpé à près de 14 % en mai dernier. Le rebond découlant de l’assouplissement des restrictions de santé publique a d’abord été robuste, et près de 2,4 millions de Canadiens sont retournés au travail entre mai et novembre. Toutefois, par suite du début d’une deuxième vague de COVID-19 entre l’automne 2020 et l’hiver 2021, le taux de reprise du marché du travail a ralenti de nouveau.
Dans les mois qui ont suivi les baisses initiales, l’activité dans la plupart des secteurs a commencé à augmenter, dans certains cas assez rapidement. Par suite de l’assouplissement des restrictions de santé publique et de la reprise de l’activité économique, de fortes augmentations ont été enregistrées entre mai et juillet dernier. Plusieurs secteurs sont même retournés à leurs niveaux d’activité d’avant la pandémie ou les ont dépassés. À la fin de l’été dernier, l’activité économique globale était revenue à moins de 5 % du niveau où elle était un mois avant le début des restrictions liées à la pandémie.
Parmi les secteurs qui ont rebondi le plus rapidement, on compte notamment la construction et la fabrication. L’activité dans la construction de bâtiments résidentiels continue de se rétablir dans un contexte de hausse rapide des prix de revente des maisons. Et l’activité dans le secteur de la fabrication est presque revenue aux niveaux observés avant la pandémie en raison de la demande continue de bois et de bois d’œuvre. Dans le secteur de la fabrication de pointe, l’activité est forte pour l’équipement médical, tandis que la production de matériel de transport, qui a amorcé une tendance à la baisse avant la pandémie, reste faible.
Où en sommes-nous? L’activité économique globale de janvier 2021, pour laquelle nous disposons des données les plus récentes, était d’environ 3 % inférieure à celle de février 2020, un mois avant le début des restrictions liées à la pandémie. Encore une fois, « asymétrique » est le thème. Des secteurs tels que les services d’hébergement et de restauration ainsi que les arts, les spectacles et les loisirs continuent d’éprouver des difficultés. En revanche, la forte activité dans l’agriculture, le commerce de gros, la finance et les assurances, les services immobiliers ainsi que les services professionnels ont fortement contribué au PIB.
En terminant, Statistique Canada relève le défi d’appuyer les Canadiens au moment où notre pays passe de la réponse à la pandémie au rétablissement. Le rôle des données n’a jamais été aussi important pour aider les Canadiens non seulement à survivre à cette crise, mais aussi à prospérer une fois que nous l’aurons surmontée. Ce faisant, la COVID-19 a fondamentalement transformé la façon dont Statistique Canada fonctionne. Un certain nombre de nos programmes statistiques ont changé pour répondre à la pandémie, ce qui a donné lieu à de nouvelles méthodes de collecte et d’analyse des données pour répondre aux besoins urgents, comme les estimations éclair des principaux indicateurs économiques, ainsi que l’Enquête canadienne sur la situation des entreprises, tournée vers l’avenir, que nous avons lancée avec la Chambre de commerce du Canada. Cela a nécessité une collaboration accrue avec les entreprises canadiennes en ces temps difficiles. Nous sommes éternellement reconnaissants.
Sur ce, je tiens à vous remercier, honorables sénatrices et sénateurs, de m’avoir permis de comparaître devant vous aujourd’hui et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Peterson. Vos commentaires sont très intéressants. Je crois que nous avons tous reçu un exemplaire de votre exposé avant la réunion, ce qui a été très utile. Nous sommes prêts à vous poser des questions. Nous pourrions commencer par les vice-présidents, si vous voulez, ou nous pourrions simplement passer aux questions de ceux et celles qui sont prêts.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Merci, monsieur Peterson, de cette présentation concise, mais très élaborée en même temps.
Tout le monde a été un peu surpris quand les statistiques ont été publiées à propos de l’augmentation des revenus disponibles pendant la pandémie. On se pose la question suivante : est-ce que l’argent est allé au bon endroit? J’aimerais savoir si Statistique Canada a mené une étude pour savoir s’il y a eu une diminution des inégalités de revenus ou si les statistiques n’ont pas changé à la suite de l’augmentation des revenus disponibles. Y a-t-il eu des variations dans les taux de pauvreté pendant cette période?
M. Peterson : Merci de votre question.
[Traduction]
C’est tout à fait juste. Quand nous avons commencé à produire des estimations du PIB pour le deuxième trimestre de 2020, nous avons constaté une diminution importante de la rémunération des employés pendant toute cette étape de la pandémie. Au cours de la même période, les transferts gouvernementaux ont plus que compensé la baisse des revenus.
Il y a quelques mois, nous avons publié une série expérimentale où nous avons tenté de répartir ces variables macroéconomiques par quintile de revenu et par âge du ménage. Nous avons constaté que les ménages à faible revenu, ceux qui étaient le plus susceptibles de bénéficier des mesures de soutien du gouvernement, étaient ceux qui ont connu la plus forte augmentation du revenu disponible. Vous avez donc pu voir un certain rétrécissement de la répartition du revenu, en grande partie en raison de ces transferts gouvernementaux.
La sénatrice Marshall : Je reviens à la question de la sénatrice Bellemare, monsieur Peterson. Je regardais une réunion à la Chambre des communes aujourd’hui. On y a cité des chiffres indiquant que chaque dollar perdu avait été remplacé par 7 $ d’aide gouvernementale. Avez-vous cette information? Est-elle exacte?
M. Peterson : Je ne suis pas au courant de ces chiffres. Cela ne correspond pas au revenu disponible des ménages dont je parlais.
La sénatrice Marshall : Avez-vous vos chiffres?
M. Peterson : Je ne suis pas certain du contexte de la discussion que vous avez entendue aujourd’hui. Je me ferai un plaisir de vérifier.
La sénatrice Marshall : Eh bien, nous savons que les employés ont fait des économies substantielles. A-t-on une idée de ce à quoi ils consacrent leur argent? Ont-ils encore des économies? Certaines provinces subissent une troisième vague. A-t-on une idée de ce à quoi ils consacrent leur argent ou de ce à quoi ils pourraient le consacrer? Le secteur du logement se porte plutôt bien. Avez-vous des statistiques susceptibles de confirmer ces théories?
M. Peterson : Oui. Permettez-moi de compartimenter un peu tout cela. En matière d’épargne, à la fin de 2020, les ménages avaient accumulé environ 207 milliards de dollars en dépôts sur l’année, et ce sont leurs économies. Cela s’ajoute aux dépenses enregistrées au cours de 2020. Chose certaine, les dépenses ont augmenté dans le secteur de la construction. On a assisté à un essor dans le secteur de l’habitation et dans ceux des ventes et des biens durables.
La consommation a surtout diminué dans le secteur des services personnels. Si on ne peut plus aller au restaurant, on n’a plus de dépenses de repas à l’extérieur. Les voyages ont évidemment diminué aussi. Les achats de vêtements, également. Les dépenses ont augmenté du côté des biens durables, et les économies se sont accumulées, à hauteur d’environ 207 milliards de dollars.
La sénatrice Marshall : J’entends dire que les rénovations vont bon train. Merci.
Le sénateur C. Deacon : Merci beaucoup de votre exposé, monsieur Peterson. Merci du travail que vous et vos collègues faites au nom de tous les Canadiens et de nous aider à avoir une idée de la situation économique.
Je m’intéresse surtout à l’IPC et à ses effets, surtout sur les Canadiens marginalisés. Dans ma région du monde, la Nouvelle-Écosse, l’augmentation du prix des maisons a été tout à fait remarquable au cours de la dernière année, et l’augmentation des loyers a touché de façon disproportionnée les gens qui sont au bas de l’échelle des revenus. À votre avis, dans quelle mesure le panier de consommation et l’équilibre des éléments composant l’IPC traduisent-ils cette évolution? Vous avez dit que les différents effets des taux de croissance économique, et évidemment les coûts et les dépenses, sont très disparates d’un bout à l’autre du pays. Dans l’IPC, d’après la pondération des coûts de logement, ceux-ci ne semblent pas avoir vraiment changé en 20 ans, et pourtant on a l’impression que cela a changé de façon assez marquée dans certains quartiers.
Quel est votre avis, notamment sur la politique gouvernementale concernant les personnes les plus marginalisées? Je pense que cela a un effet très important. Ceux qui ont eu la chance de bénéficier de l’augmentation des logements sont ravis, mais il y en a beaucoup qui ne le sont pas.
M. Peterson : Je vous remercie de la question. La composition du panier de l’IPC est une bonne question sur laquelle nous nous sommes penchés tout au long de cette pandémie. À Statistique Canada, nous faisons une mise à jour du panier, et différents pays ont des fréquences différentes, mais nous sommes sur la même longueur d’onde que les autres pays de l’OCDE et du G7 pour ce qui est de la fréquence de la mise à jour.
Au début de la pandémie, nous nous demandions si le mode de consommation avait changé avant et après la pandémie. Nous avons alors fait un exercice avec la Banque du Canada pour essayer de composer une sorte de panier COVID mis à jour, si vous voulez, et pour mettre au point un autre IPC traduisant le changement de mode de consommation.
Dans l’ensemble, cet autre panier a révélé un IPC situé à environ un demi-point de pourcentage au-dessus de la mesure officielle. Il y a eu des changements de prix à la suite du changement de la composition du panier, mais ils n’étaient pas très importants. À Statistique Canada, nous prévoyons une autre mise à jour du panier cet été, pour mieux encore traduire l’évolution des habitudes de consommation.
Pour les refuges, nous avons publié ce matin des estimations de l’IPC indiquant une augmentation des coûts d’environ 2,2 %, si je me souviens bien. Qu’on me corrige si je me trompe. Oui, nous constatons une forte augmentation du coût de remplacement des logements, mais cela est partiellement compensé par une baisse des frais hypothécaires.
Le sénateur C. Deacon : Merci beaucoup.
La sénatrice Wallin : J’aimerais revenir sur la question du sénateur Deacon, si vous le permettez, parce que c’est exactement ce qui a été annoncé, c’est-à-dire une augmentation de 2,2 %.
Est-ce que cela s’appliquait au panier COVID que vous avez composé ou s’agissait-il du panier traditionnel?
M. Peterson : Je suis désolé, j’ai de la difficulté à entendre. Si j’ai bien compris votre question, vous demandez, au sujet des chiffres que nous avons publiés, s’il s’agissait du panier classique ou du...
La sénatrice Wallin : Du panier COVID, oui.
M. Peterson : Il s’agissait du panier classique. Mais je vous mets en garde, comme nous l’avons indiqué dans notre communiqué de ce matin, car nous sommes partis d’une inflation d’un point et quelques, et nous avons publié le chiffre de 2,2 % ce matin. Une grande partie de cette augmentation est — je déteste utiliser du jargon — une sorte d’« effet de l’année de référence », et elle ne traduit pas vraiment une augmentation des prix ce mois-ci. Cela traduit beaucoup plus la baisse très rapide des prix à la même période l’an dernier. Le prix de l’essence, par exemple, a chuté il y a environ un an, ce qui explique l’augmentation de 2 %.
Je n’interpréterais pas cela comme une accélération de l’inflation. Je dirais plutôt qu’il s’agit de quelque chose qui s’est produit l’année dernière et qui fait en sorte que l’augmentation du pourcentage d’une année à l’autre semble importante. Je m’attends à la même chose le mois prochain.
La sénatrice Wallin : Je reviendrai à la deuxième série de questions pour que tout le monde puisse intervenir. Merci.
Le sénateur Loffreda : Merci de votre exposé, monsieur Peterson. Je vais m’en tenir au sujet de l’inflation. C’est un sujet de préoccupation. Nous commençons à voir ce qui détermine l’inflation, c’est-à-dire un excès de liquidités et des ressources rares en raison des taux d’épargne élevés et des confinements.
En référence à l’époque où il était difficile de contrôler l’inflation, voyez-vous des similitudes, des statistiques, des signaux préoccupants? Auriez-vous en tête des comparaisons, des réflexions ou des conclusions susceptibles de nous aider à contrôler l’inflation? Comme vous le savez, une fois que cela décolle, c’est très difficile à contrôler.
M. Peterson : Il y a très longtemps que nous n’avons pas été dans cette situation. Cette récession est différente de celles que j’ai connues au cours de ma carrière. En 2008-2009, rappelez‑vous, cela a commencé par un problème de liquidités, mais cela s’est ensuite répercuté sur l’économie réelle. Cette récession a surtout frappé le secteur de la production de biens manufacturés. L’exploitation des ressources naturelles a gardé sa vigueur, mais le secteur manufacturier, lui, a été durement frappé. Et il y a eu des problèmes liés au revenu disponible des ménages.
Cette récession est différente parce que l’interruption de l’approvisionnement a été différente. La situation des ménages est différente. Je ne crois pas avoir vu une accumulation d’épargne comme celle d’aujourd’hui.
Il est difficile de faire des comparaisons. La nature de cette récession est complètement différente de tout ce que j’ai vécu au cours de ma vie, et je suis désolé de ne pas pouvoir tirer de leçons du passé.
Le sénateur Loffreda : Merci.
La sénatrice Ringuette : Merci beaucoup. Au cours de la dernière année, plus de 3 millions de Canadiens ont travaillé à domicile, et de nombreuses entreprises estiment que, au moment de la relance, au moins la moitié d’entre eux, soit 1,5 million de Canadiens, continueront de faire du télétravail. Je pars de cette prémisse et du fait que les gens qui vivaient en zones urbaines sont assez nombreux à avoir déménagé dans des zones plus rurales.
Statistiquement parlant, voyez-vous une différence dans les besoins en matière de transport en commun? Devrait-on revoir la priorité de ces énormes projets de transport urbain à la lumière de ces nouvelles réalités et peut-être mettre davantage l’accent sur des systèmes de transport communautaires? Avez-vous des données à ce sujet?
M. Peterson : Étant au service de Statistique Canada, je ne peux pas me prononcer sur ce que devrait être la politique gouvernementale en matière de transport en commun. Nous mesurons le transport urbain et nous avons constaté que, au cours de la pandémie, il a connu une baisse drastique dans toutes les régions. Nous pouvons vous fournir des chiffres à ce sujet.
Il sera absolument essentiel de savoir où les gens travaillent et où ils vivent. Le mois prochain, nous lancerons le recensement de 2021, qui est probablement le meilleur moyen d’obtenir des renseignements sur les lieux de travail et de résidence. Il sera essentiel d’obtenir ce portrait démographique grâce au recensement pour comprendre l’évolution des caractéristiques du travail et ses répercussions sur les caractéristiques du transport.
La sénatrice Ringuette : Il est peut-être trop tôt pour faire cette demande, mais, lorsque ce sera fait, pourriez-vous nous communiquer cette analyse?
M. Peterson : Nous prendrons des notes, et je veillerai à ce que ces renseignements vous soient envoyés.
La sénatrice Ringuette : Merci.
Le président : Monsieur Peterson, lorsque vous aurez ces renseignements, vous pourrez les communiquer à la greffière, qui les communiquera à la sénatrice. Merci beaucoup.
Le sénateur Klyne : Soyez le bienvenu, monsieur Peterson. Je voudrais réagir à votre exposé préliminaire et à votre réflexion sur l’environnement dans lequel nous évoluons actuellement. Je vous suis reconnaissant de cette observation.
Je voudrais poursuivre sur le même thème que la sénatrice Ringuette, selon qui la pandémie démontre que les Canadiens sont prêts à quitter les régions densément peuplées lorsqu’ils peuvent travailler à distance, pour s’installer dans des régions suburbaines et rurales. Certains pensent que ce changement de paradigme caractérise l’avenir immédiat.
Ma question est une sorte de préambule aux vraies questions que je veux poser. Observez-vous des tendances dans les changements de résidence interprovinciaux durant cette pandémie? À cet égard, en quoi la répartition démographique est-elle en train de changer ou devrait-elle changer à terme entre les provinces et les territoires? De plus, en quoi cette évolution pourrait-elle influer sur les revenus médians locaux puisque les travailleurs à salaire élevé décident de s’installer dans les zones suburbaines et rurales d’autres régions où le revenu moyen des ménages est composé de revenus relativement plus faibles?
M. Peterson : Il faudra que je vous revienne avec de l’information sur les mouvements interprovinciaux. Mon domaine de responsabilité à Statistique Canada est la statistique économique et environnementale. Je vais devoir m’en remettre à mes collègues du côté social pour obtenir ces renseignements, mais je les communiquerai à la greffière.
Ce que nous avons observé, pour dire l’évidence, c’est l’augmentation du prix des maisons, mais, d’après les renseignements que nous recueillons, elle a été stimulée par une hausse de la demande liée justement à ce dont vous parlez, c’est‑à-dire le désir de déménager dans des habitations individuelles. Je communiquerai ces renseignements à la greffière.
La sénatrice Moncion : Vous avez parlé de l’épargne accumulée par les ménages au cours de la dernière année. Vous avez parlé de 270 milliards de dollars. Qu’en est-il du ratio de la dette? Comment s’est-il comporté au cours de la dernière année? Avez-vous fait ce calcul?
M. Peterson : Nous avons constaté une augmentation de l’épargne. Mais nous avons aussi observé, d’une part, une augmentation de la dette hypothécaire, et, d’autre part, une diminution de la dette non hypothécaire.
Les ménages ont terminé l’année 2020 avec une réduction de 1,6 % de la dette non hypothécaire de tous les prêteurs par rapport à 2019. Cependant, les emprunts hypothécaires ont augmenté de 7,1 % par rapport à l’année précédente. Autrement dit, la dette totale sur le marché du crédit a augmenté de 4,1 % au cours de l’année.
La sénatrice Moncion : Quel est donc le ratio maintenant, 170 ou 180 pour chaque dollar?
M. Peterson : Je n’ai pas de chiffre en tête.
La sénatrice Moncion : Merci.
Le président : Pourriez-vous nous le communiquer, monsieur Peterson?
M. Peterson : Oui, certainement.
Le président : Je vous remercie; je pense que cela intéresse la sénatrice. Voilà qui termine la première série de questions. Nous pourrions commencer la deuxième.
Le sénateur Smith : Merci d’être parmi nous, monsieur Peterson. Dans le budget de 2021, le gouvernement s’est engagé à verser 250 millions de dollars sur cinq ans à Statistique Canada pour financer un plan d’action qui permettra de produire des données ventilées et de combler des lacunes statistiques cruciales. J’aimerais avoir une idée des lacunes cruciales qui, aujourd’hui, empêchent Statistique Canada de procéder à un examen plus approfondi de l’état de l’économie canadienne.
Ces lacunes ont-elles une incidence sur notre capacité à lutter contre la pandémie de COVID-19 et à relancer l’économie?
M. Peterson : Tout à l’heure, j’ai parlé des données que nous avons publiées sur la répartition du revenu par quintile d’après des comptes macroéconomiques faisant office de série expérimentale.
On nous demande de plus en plus souvent de produire des données plus détaillées sur les répartitions démographiques ou géographiques. Quand je pense à des demandes de données ou d’information sur le bien-être des membres de telle minorité visible ou de telle communauté racialisée, je pense à des renseignements ventilés par quartier urbain.
Tout au long de la pandémie, les commentaires que nous avons reçus indiquent que les utilisateurs ne sont pas satisfaits des données agrégées à l’échelle nationale. Ils ont besoin de renseignements plus précis sur ce qui se passe au sein de tel ou tel groupe socioéconomique, sur ce qui se passe à des niveaux géographiques plus circonscrits. Ce financement permettra de produire des données à degré de granularité plus élevé.
Le sénateur Smith : Cet examen vous permet-il de vous prononcer sur la possibilité d’une relance ou doit-on s’attendre à d’autres périodes de turbulences? D’après ce que vous avez observé jusqu’ici, sommes-nous en voie de rétablissement? Dans l’affirmative, est-ce que la relance pourrait comporter des creux susceptibles de créer des difficultés économiques? Avez-vous des commentaires à ce sujet?
M. Peterson : Je reviens à l’idée de l’asymétrie. Au cours de l’année, certains secteurs ont été à peine touchés par le ralentissement économique. Le secteur agricole a suivi son cours. D’autres secteurs, comme la construction et la fabrication, ont été durement touchés dès le départ, mais ils ont rebondi. Le commerce de gros se porte mieux qu’avant la pandémie.
Les secteurs des services aux consommateurs restent à la traîne, si on peut dire. Tant que les restrictions sanitaires ne seront pas levées et tant que ces services personnels ne pourront pas être rétablis, ils continueront de fonctionner à capacité réduite.
La grande question est de savoir ce qu’il advient de l’épargne de 207 milliards de dollars des ménages. Où ira-t-elle? Je ne peux pas spéculer sur la réponse, mais, si on suit l’argent, il me semble que cela pourrait mener à d’importantes mesures de stimulation des produits.
Le président : Merci. Il nous reste environ cinq minutes. J’aimerais poser au moins une ou deux questions au deuxième tour. Je crois que c’est la sénatrice Bellemare qui commencera la série. Pourrions-nous faire en sorte que les questions et les réponses soient brèves? Je crois savoir où va l’épargne, monsieur Peterson. Elle va à la bourse. Je plaisante. Ce sont des marchés très effervescents.
[Français]
La sénatrice Bellemare : On sait que, en ce qui a trait à l’emploi, nous mettrons bien du temps à revenir aux niveaux précédents. Je voulais vous entendre sur le sujet des chômeurs découragés. Les taux de chômage diminuent, mais, à votre avis, le retrait du marché du travail est-il très fort au sein de certains groupes? Je pense en particulier aux jeunes. J’aimerais que vous parliez de la situation de l’emploi chez les jeunes et de leur participation au marché du travail.
[Traduction]
M. Peterson : On a constaté une faiblesse du marché du travail pour les jeunes récemment. Cela peut être en grande partie lié aux secteurs touchés par la pandémie. Nous surveillons la situation de près. Je n’ai pas de boule de cristal, mais nous suivons cela de très près.
La sénatrice Wallin : J’aimerais revenir à la question du logement. Nous recevons des signaux contradictoires. Je sais que nous en parlerons également avec notre prochain témoin.
Il y a donc une épargne de 200 milliards de dollars, nous savons que les millénariaux ont eu recours aux programmes de soutien du revenu pour accéder au marché de l’habitation, et nous constatons que la dette hypothécaire augmente également. Je sais que vous ne vous prononcez pas sur les politiques. Concernant les taux d’intérêt et le mouvement inflationniste, y a‑t-il quelque chose que vous surveillez et qui, selon vous, pourrait servir d’avertissement?
M. Peterson : Il faut suivre ce qui se passe dans les comptes du bilan national. Ce sont eux qui rendent compte de la richesse et de l’endettement des ménages. C’est une série statistique à surveiller. Il est bon de trianguler différents indicateurs. La richesse permet de mesurer la stabilité financière.
L’Indice des prix à la consommation, ou IPC, contient également des mesures utiles. J’ai parlé tout à l’heure du coût du logement. Nous suivons la situation de près. On peut décomposer ces données en coûts de remplacement de logement et en coûts hypothécaires. Si on examine un éventail de ces variables, on peut, pour ainsi dire, trianguler la stabilité du ménage. Mais il y a toutes sortes d’indicateurs. J’accorderais une attention particulière à la comptabilisation de la richesse nationale.
La sénatrice Marshall : Monsieur Peterson, d’où tirez-vous toutes ces statistiques? Obtenez-vous des données auprès de l’Agence du revenu du Canada ou des banques? Je sais que vous faites des sondages et que vous allez faire un recensement. D’où viennent vos données?
M. Peterson : Les données servant à compiler les comptes macroéconomiques proviennent de diverses sources. Du côté des ménages, nous nous servons de données administratives comme les comptes de retenues à la source et l’Enquête sur la population active. Du côté des entreprises, nous nous servons des renseignements tirés des dossiers administratifs de l’impôt.
Comme nous ne recueillons pas de renseignements sur les transactions auprès des banques, nous les obtenons en grande partie grâce à des sondages ou auprès de sources du secteur public.
La sénatrice Marshall : Les données sont anonymes, n’est‑ce pas? Avez-vous des données sur d’autres personnes ou entreprises?
M. Peterson : Nous avons des données sur certaines entreprises. Nous n’avons pas une grande base de données permettant de suivre la population canadienne. Je ne peux pas vous dire que vous étiez chez Tim Hortons ce matin pour acheter une tasse de café. Dans tout ce que nous faisons, la protection de la vie privée et la confidentialité sont essentielles.
La sénatrice Marshall : Merci.
Le président : Deux autres sénateurs veulent poser des questions. Il est important de gérer cela avec soin. Si les questions et les réponses peuvent être brèves, je pense que nous pourrons terminer la séance de témoignage de M. Peterson, qui a eu la gentillesse de nous fournir ces renseignements fort utiles.
Le sénateur Loffreda : Au troisième trimestre de 2020, 43,9 % des entreprises ont déclaré qu’elles ne pouvaient pas s’endetter davantage. Avez-vous déjà observé ce genre de situation? Dans l’affirmative, quel a été le résultat des faillites? Merci.
M. Peterson : Je crois que ces données proviennent de notre Enquête sur la situation des entreprises. C’est une enquête relativement nouvelle. Elle a commencé depuis la pandémie, et je n’ai donc pas de données chronologiques à ce sujet.
Si vous cherchez un baromètre, consultez la comptabilisation de la richesse nationale. L’analyse que j’ai fournie sur les ménages pourrait vous être fournie sur les entreprises. Nous pourrions communiquer à la greffière de l’information sur les bilans des entreprises.
Le sénateur Loffreda : Merci.
Le sénateur Klyne : Je ne m’attends pas à une réponse. Peut-être pourrait-on l’adresser à la greffière?
Nous savons que l’emploi dans les communautés autochtones a été touché de façon disproportionnée par la pandémie. Les données révèlent également certains écarts entre les hommes et les femmes. Ma question est la suivante : est-ce que Statistique Canada a des données d’enquête détaillées et à jour sur la population active, avec des renseignements sur les répercussions comparatives de la pandémie sur le taux d’emploi et le taux de chômage parmi les Autochtones et les non-Autochtones par secteur d’activité? Je n’ai pas pu en trouver dans le rapport de 2020.
M. Peterson : Je ne sais pas exactement quelles données sont disponibles, mais je vais m’en occuper et communiquer les données que nous pouvons à la greffière.
Le sénateur Klyne : Merci, monsieur Peterson.
Le président : Monsieur Peterson, votre témoignage d’aujourd’hui, les notes que vous nous avez fournies et vos réponses aux questions nous seront très utiles. Nous vous sommes très reconnaissants d’être venu à la réunion à si court préavis. Franchement, ce genre d’analyse ciblée et exhaustive est très utile, et je vous remercie beaucoup d’être venu aujourd’hui. Je vais demander à la greffière s’il vous est possible de rester pour écouter notre prochain témoin. Je crois que c’est possible. Sinon, vous pourrez l’entendre sur SenVu. Mais je vais laisser la greffière vous informer. Merci beaucoup, monsieur Peterson.
M. Peterson : Merci.
Le président : Notre prochain témoin est M. Bob Dugan, économiste en chef de la SCHL, la Société canadienne d’hypothèques et de logement. Je tiens à vous remercier de vous être joint à nous ce soir à si court préavis. Vous avez la parole, monsieur Dugan.
Bob Dugan, économiste en chef, Société canadienne d’hypothèques et de logement : Merci, monsieur le président. Je tiens à souligner que je me joins à vous aujourd’hui à partir d’Ottawa, le territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine anishinabeg. Je suis heureux d’être ici au nom de la Société canadienne d’hypothèques et de logement pour discuter de l’état actuel des marchés de l’habitation partout au pays.
[Français]
En tant qu’organisme national responsable de l’habitation au Canada, la SCHL a pour mandat de soutenir la stabilité du système financier et des marchés de l’habitation du Canada. Nous y parvenons en grande partie grâce à nos activités de financement hypothécaire et d’assurance prêt hypothécaire et en collaborant avec d’autres gouvernements et intervenants pour améliorer l’abordabilité du logement, en particulier pour les populations vulnérables.
[Traduction]
Dans le cadre de notre travail, nous surveillons régulièrement l’état des marchés de l’habitation partout au Canada. Les renseignements commerciaux impartiaux que nous recueillons aident les autres ordres de gouvernement, les promoteurs, les chercheurs et les Canadiens ordinaires à prendre des décisions éclairées en matière de logement.
Ils peuvent aussi nous aider à repérer les problèmes potentiels sur les marchés de l’habitation. À titre d’exemple, notre rapport trimestriel Évaluation du marché de l’habitation évalue la situation du marché dans 15 régions métropolitaines de recensement pour déceler des signes de déséquilibre qui pourraient entraîner une instabilité financière.
Le cadre de l’Évaluation du marché de l’habitation mesure quatre déséquilibres potentiels sur les marchés. Premièrement, la surchauffe — lorsque la demande dépasse l’offre sur le marché de la revente. Deuxièmement, l’accélération des prix — lorsque les prix des logements augmentent rapidement. Troisièmement, la surévaluation — lorsque les prix sont supérieurs aux niveaux dictés par les facteurs économiques et démographiques fondamentaux. Enfin, les stocks excédentaires — lorsqu’un nombre élevé de logements neufs sont inoccupés sur le marché de la propriété ou lorsque le taux d’inoccupation est élevé sur le marché locatif.
Les résultats de notre plus récente Évaluation du marché de l’habitation ont été publiés le mois dernier. Malgré le renouvellement, dans de nombreuses administrations, de mesures rigoureuses visant à atténuer la deuxième vague de COVID-19, les indicateurs de l’activité économique et la conjoncture du marché du travail ont montré des signes de résilience et de reprise au quatrième trimestre de 2020.
Comme le comité le sait sans aucun doute, les ventes de logements sont demeurées vigoureuses sur les marchés du pays durant cette période, tandis que les nouvelles inscriptions sont demeurées faibles. Ces facteurs ont contribué à l’accélération continue des prix. Par conséquent, de nouveaux déséquilibres sont apparus dans certains marchés, et les déséquilibres existants ont été exacerbés dans d’autres marchés déjà vulnérables.
Le résultat final est qu’en raison des signes de surchauffe, d’accélération des prix et de surévaluation, le nombre de régions métropolitaines de recensement présentant un degré modéré ou élevé de vulnérabilité a augmenté au dernier trimestre de 2020. Pour l’ensemble du Canada, qui englobe des régions qui s’ajoutent aux 15 régions métropolitaines de recensement incluses dans le cadre de notre Évaluation du marché de l’habitation, nous avons évalué un degré modéré de vulnérabilité globale.
Bien que ce degré de vulnérabilité demeure inchangé par rapport au trimestre précédent, il convient de souligner que certaines des pressions à la hausse les plus importantes sur les prix des logements ont eu lieu dans de petites collectivités, des collectivités rurales et des régions métropolitaines de recensement non visées par l’Évaluation du marché de l’habitation. Il s’agit notamment de marchés comme Tillsonburg, la région de Lakelands en Ontario, Niagara, Kawartha Lakes, Bancroft et North Bay, des centres qui ne sont généralement pas visés par des déséquilibres du marché de l’habitation.
En ce qui concerne les trois plus grandes régions métropolitaines, le degré de vulnérabilité globale du marché de l’habitation est devenu élevé à Toronto, mais il est demeuré modéré à Montréal et à Vancouver.
Pour ce qui est de l’avenir, nous prévoyons que l’activité économique, l’emploi et la migration nette retrouveront graduellement leurs niveaux d’avant la pandémie, à mesure que l’immunité collective contre la COVID-19 sera réalisée et que les restrictions seront levées au Canada et dans le monde.
Pendant la même période, le rythme des ventes et de la croissance des prix devrait ralentir. La demande de logements locatifs se redressera avec le retour à la normale du niveau de l’immigration, mais les taux d’inoccupation demeureront probablement élevés. Nous prévoyons aussi que les mises en chantier d’habitations se stabiliseront à des niveaux correspondant à la formation de ménages d’ici la fin de 2023.
Bien entendu, ces projections dépendent fortement de la rapidité de la reprise économique au Canada. Par exemple, un déploiement plus lent que prévu des vaccins pourrait prolonger la pandémie et des pressions inflationnistes plus fortes que prévu pourraient entraîner une hausse des taux hypothécaires. L’un ou l’autre de ces scénarios, ainsi que d’autres perturbations économiques imprévues, pourraient avoir une incidence sur la stabilité future des marchés de l’habitation au Canada.
En terminant, je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de faire cette allocution d’ouverture; je serai heureux de répondre à toutes les questions que le comité pourrait avoir.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Dugan. Nous allons maintenant passer aux questions des membres du comité.
Le sénateur Klyne : Soyez le bienvenu, monsieur Dugan. Je vous remercie de votre exposé préliminaire. Dans son budget, le gouvernement a proposé un impôt foncier de 1 % sur les propriétés vacantes de propriétaires étrangers qui ne sont pas des résidents permanents ou des citoyens canadiens. On estime que les propriétaires étrangers représentent une très faible proportion, environ 2 %, des achats d’habitations au Canada. D’après vous, dans quelle mesure une taxe de 1 % sur les propriétés vacantes de propriétaires étrangers — qui ne représentent pas une grande proportion des propriétaires — influera sur le prix des logements, alors que les prix des logements à l’échelle nationale ont augmenté de 25 % et plus au cours de la dernière année, avec des projections de 16 % de plus en 2021? A-t-on fait des projections des recettes que cet objectif stratégique générera pour le gouvernement fédéral?
M. Dugan : Je vous remercie de cette excellente question. Je dirai d’abord que nous n’avons pas nous-mêmes évalué les répercussions de ces programmes. Il faudrait poser la question au ministère des Finances. Mais, en guise de réponse partielle, je peux dire que l’un des principaux éléments qui nuisent à l’abordabilité et qui contribuent vraiment à stimuler l’augmentation des prix des maisons au pays est, à notre avis, le manque d’offre.
Au cours de la dernière année, la demande a été très forte, et beaucoup de gens à revenu élevé et en mesure de se payer une maison ont choisi de déménager dans des banlieues ou des endroits où ils ont plus d’espace. Il a vraiment manqué d’offre pour répondre à cette demande. En fait, cela explique la hausse des prix depuis un certain temps au Canada.
C’est ici que j’arrive à la réponse. Les initiatives susceptibles de débloquer l’offre — par exemple, une taxe sur les maisons vacantes, qui, espérons-le, ferait en sorte que certaines d’entre elles deviendraient disponibles pour les résidents locaux ayant besoin d’un logement — pourraient être utiles. Quant à l’ampleur des répercussions, je regrette, mais je n’ai tout simplement pas de réponse.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Merci d’être avec nous aujourd’hui. Le marché de l’habitation est complexe. Je ne le connais pas beaucoup. Je le connais parce que je m’y suis intéressée au moment de l’achat d’une maison ou lorsque mes enfants ont cherché des appartements, mais il est différent des marchés ordinaires. Vous l’avez bien dit, l’offre de logements est importante pour faire en sorte qu’il soit facile de se loger à bon prix.
Ma question est la suivante. L’habitation est un besoin essentiel, au même titre que les denrées alimentaires. Pouvez‑vous nous parler des expériences ou des programmes, s’il en existe ailleurs, où les gouvernements aident les gens à se payer des loyers convenables? Je parle des locataires. Le système ici est très décentralisé. En même temps, est-ce que des mesures pourraient être mises en place pour aider les gens à payer ces loyers de plus en plus exorbitants?
M. Dugan : C’est une très bonne question. Je reviens à ma réponse à la dernière question. À long terme, la solution à ce problème réside dans l’augmentation de l’offre ou dans la construction de nouvelles habitations. C’est le cas dans plusieurs villes au Canada. L’année 2020 est un peu une exception, car, avec la pandémie, l’immigration a diminué au pays. Beaucoup d’étudiants sont restés à la maison et ont pu étudier à distance. Malgré tout, le taux d’inoccupation dans les grandes villes a été à la hausse en 2020 et les loyers ont continué d’augmenter. À mon avis, pour résoudre le problème à long terme, il faut une augmentation importante du nombre de logements au Canada.
Au cours des dernières années, à l’exception de 2020, on a vu une pénurie de logements dans des villes comme Toronto et Vancouver, où les taux d’inoccupation se situent aux alentours de 1 % et moins. La concurrence est donc très forte, en ce moment, pour les unités locatives. C’est vraiment là où il faut faire le plus d’efforts, en ce qui a trait à l’abordabilité, car c’est à ces endroits que l’on retrouve le plus de personnes à faible revenu qui tentent de se loger. On a remarqué, pendant cette pandémie, à quel point l’impact sur les ménages avait été inégal au Canada, selon les différents niveaux de revenu. Les emplois à plus faible revenu s’adaptent mal au travail à distance. Les personnes qui travaillent dans les restaurants ou les hôtels ont été les plus affectées. Pour ces personnes, il serait important que le nombre de logements disponibles à un prix raisonnable augmente considérablement.
La sénatrice Bellemare : Je vais laisser les autres poursuivre, mais j’aurai d’autres questions à ce sujet au deuxième tour. Merci.
[Traduction]
Le président : Monsieur Dugan, nous avons beaucoup de matière à examiner, et il est important d’essayer de fournir des réponses aussi précises que possible, si c’est possible. Mais merci beaucoup.
Le sénateur C. Deacon : Monsieur Dugan, je vous remercie de votre exposé. Je respecte vraiment votre travail et celui de votre organisation. C’est très important pour assurer la stabilité de ce volet fondamental de la vie des Canadiens. Mais la situation actuelle m’inquiète. Je suis un sénateur de la Nouvelle-Écosse, et nous avons vu une énorme hausse des prix des maisons, dont les répercussions sont importantes. C’est tout à fait « bullesque ».
Je ne dis pas cela pour critiquer, mais je sais que vous avez envisagé, il y a environ six mois, la perspective d’une chute importante des prix des maisons au Canada.
Je m’interroge sur le problème actuel de la bulle immobilière, le risque d’inflation et les répercussions que cela pourrait avoir sur les coûts d’hypothèque. Sur quoi devrions-nous concentrer nos efforts en ce moment? Nous nous inquiétons beaucoup de la stabilité et de la croissance de l’économie canadienne : sur quoi devrions-nous porter notre attention en ce moment? Il y a une énorme quantité de risques susceptibles d’avoir une incidence sur ce qui est à la fois un élément fondamental de la richesse de la plupart des gens et, à coup sûr, l’une des dépenses les plus importantes d’un ménage. Question difficile. Merci.
M. Dugan : C’est une question difficile et une très bonne question. C’est clairement un gros problème. Du côté des prix des maisons, les chiffres publiés l’autre jour montrent qu’ils ont augmenté d’environ 32 % en un an au Canada. Comme vous l’avez dit, certaines municipalités sont même au-dessus de cette moyenne, et il est difficile de suivre le rythme. Les taux hypothécaires sont faibles. Il y a toutes sortes de puissants facteurs qui stimulent la demande en ce moment.
Je sais que j’ai l’air de radoter, mais, à mon avis, compte tenu de cette forte demande, il est important de suivre l’offre. Le marché commence à réagir. Les mises en chantier se sont multipliées en mars, à un niveau record en fait.
Il se peut aussi que certaines zones soient ciblées, dans la mesure où il peut y avoir de la spéculation sur le marché. Il faut également s’inquiéter des comportements qui risquent d’accentuer l’effervescence.
Dans notre propre évaluation du marché de l’habitation, nous décelons une certaine accélération des prix dans certains centres. C’est un indicateur qui établit une corrélation avec l’activité spéculative sur le marché. Ce n’est pas utile. Surtout quand l’abordabilité est un problème et que les prix augmentent rapidement, la demande supplémentaire des spéculateurs qui profitent de la hausse des prix peut aggraver le problème. C’est quelque chose que nous essayons de circonscrire et qui nous préoccupe.
Le sénateur Loffreda : Merci de votre exposé, monsieur Dugan. Lorsque la SCHL a comparu devant le Comité des finances nationales le 13 novembre dernier dans le cadre de l’étude du projet de loi C-9, j’ai posé des questions aux fonctionnaires au sujet de la vie à la verticale. Comme vous pouvez l’imaginer, on s’inquiétait de la pandémie et des projets de copropriétés. Il y en avait énormément au Canada, surtout dans les grandes villes. À l’époque, Mme Leblanc avait dit :
À propos de ce que vous avez dit sur les copropriétés, c’est un risque que nous surveillons. Nous avons observé un ralentissement sur ce marché au cours des derniers mois, et nos modèles de risque montrent une tendance sur le marché immobilier qui nous incite à continuer de surveiller les copropriétés.
Cinq mois se sont écoulés depuis. Y a-t-il une mise à jour sur les marchés des copropriétés? Je crains que si, pour des raisons évidentes, la valeur des copropriétés diminuait, cela pourrait avoir un effet domino sur le marché résidentiel. Merci de votre réponse.
M. Dugan : Je vous remercie de cette question. Le marché des copropriétés a commencé à se raffermir dans les grands centres. Comme vous l’avez souligné très justement, pendant la pandémie, lorsqu’il y a eu un léger exode des centres urbains vers les banlieues et les petites collectivités, la demande de copropriétés s’est affaiblie, et les prix ont subi une pression à la baisse.
Au cours des deux derniers mois, nous avons constaté un raffermissement du marché. Les prix des copropriétés commencent à augmenter dans des endroits comme les centres‑villes de Toronto et de Vancouver. Les prix se sont redressés. Cela est probablement dû en partie à l’optimisme lié à la vaccination et au fait que les gens voient la lumière au bout du tunnel, de sorte que la demande reprend sur ces marchés. Il est encore tôt, mais nous constatons une amélioration de la situation.
Le sénateur Loffreda : Merci.
La sénatrice Wallin : Merci beaucoup. J’ai une petite question, monsieur Dugan. Vous avez resserré les règles de la SCHL en matière de prêts, et vos concurrents du secteur privé disent que cela a entraîné un essor des affaires. Cela vous donne moins de marge de manœuvre pour réagir à ces cycles d’expansion et de ralentissement, dont certains sont liés à la COVID, mais parfois non. Êtes-vous inquiet?
M. Dugan : La part totale de l’assurance hypothécaire sur le marché représente toujours, je crois, environ 40 % de toutes les souscriptions hypothécaires. Dans la mesure où le ministère des Finances contrôle les paramètres de l’assurance hypothécaire, le gouvernement a encore beaucoup de poids sur les compagnies qui veulent avoir accès au cadre de garantie du Canada.
Ce n’est pas nécessairement la SCHL qui prend ces mesures macroprudentielles. Nous avons pris la décision de modifier nos propres politiques de souscription le printemps dernier, parce que nous étions inquiets d’un marché très volatil et susceptible de repli. Nous avons estimé que c’était la mesure à prendre à ce moment-là. Nous voulions prendre une décision responsable.
Quant aux cycles d’expansion et de ralentissement, entre le BSIF, le Bureau du surintendant des institutions financières, qui établit les règlements B-20 et B-21, et le ministère des Finances, qui établit le cadre de garantie du gouvernement régissant l’assurance hypothécaire, le gouvernement a encore à sa disposition des moyens de régler les marchés de l’habitation en périodes d’expansion et de ralentissement.
La sénatrice Ringuette : Ma question porte sur la pratique des courtiers immobiliers et sur l’influence qu’ils exercent sur la hausse des prix et l’inflation du marché immobilier.
Le secteur de l’immobilier m’intéresse. J’adore ça. Depuis le début de la COVID, j’ai constaté que les courtiers immobiliers ne procédaient plus acheteur par acheteur, une offre étant suivie d’une négociation à chaque fois, mais qu’ils procédaient comme pour un encan silencieux, tel jour à telle heure. Quelle est l’incidence de cette pratique sur cette évolution inflationniste des prix?
M. Dugan : Excellente question. J’aimerais pouvoir y répondre par un chiffre précis, mais je ne peux pas dire si cela ajoute 5, 10, ou 20 % aux prix. Mais il est certain que, quand l’offre est faible et que la même maison est convoitée par plusieurs soumissionnaires, ceux-ci, après en avoir perdu une, deux ou trois, se mettent à surenchérir dans le cadre de ces processus d’appels de soumission à l’aveugle.
Ma fille a acheté une maison en décembre. Les propositions dépassaient de 100 000 $ le prix demandé, et j’ai entendu parler de chiffres encore plus élevés dans certaines régions. Cela incite évidemment les acheteurs à faire des dépôts et à se faire concurrence. Cela m’inquiète un peu.
Comme économiste, j’estime que les décisions prises sans information complète sont sous-optimales. Plus on a d’information quand on achète une maison, mieux c’est. Quant à moi, je découragerais la pratique de l’encan silencieux afin que les acheteurs aient plus d’information et qu’ils puissent prendre de meilleures décisions.
La sénatrice Ringuette : Si vous le permettez, j’aimerais ajouter une petite chose. La SCHL doit avoir des relations très étroites avec tous ces exploitants immobiliers. N’avez-vous pas une certaine influence sur cette pratique?
M. Dugan : Je ne suis qu’un économiste et je ne suis donc pas habilité à exercer ce genre d’influence. Pour être parfaitement honnête, je ne suis d’ailleurs pas certain de l’influence que nous pourrions avoir à cet égard.
Je suis d’accord avec vous. Je ne pense pas que ce soit une bonne pratique. Je pense que l’on prend de meilleures décisions quand on a toute l’information, et les soumissions à l’aveugle contribuent à l’augmentation des prix.
Le président : Merci, monsieur Dugan. C’est la première fois que j’entends quelqu’un dire : « Je ne suis qu’un économiste ». Nous devrons nous en souvenir.
[Français]
La sénatrice Moncion : Monsieur Dugan, vous avez mentionné que vous vous attendiez à ce que le prix des maisons revienne, d’ici trois ans, au niveau où il était avant la pandémie. Est-ce que je me trompe en disant cela? Cela va m’amener à poser une autre question.
M. Dugan : Nous n’avons pas encore fini de faire nos prévisions; elles seront publiées dans quelques semaines. Toutefois, on s’attend à une diminution de la pression à la hausse sur les prix. Le rythme de croissance va diminuer, mais il restera quand même élevé au cours des prochaines années.
En ce qui concerne la croissance des prix que l’on verra en 2023, je n’ai pas les chiffres devant moi. On s’attend à un ralentissement du taux de croissance des prix à mesure que les taux hypothécaires augmenteront. Cela diminuera quelque peu la demande et les marchés seront plus équilibrés, ce qui réduira la pression à la hausse sur les prix.
La sénatrice Moncion : Cependant, les prix ne reviendront pas à ce qu’ils étaient avant la pandémie. C’est ce que je comprends. Ce que vous nous dites, c’est qu’il y aura une stabilisation des prix. Il n’y aura pas nécessairement une baisse qui ramènera le prix des propriétés à ce qu’il était avant la pandémie.
M. Dugan : C’est notre prévision de base. Il pourrait y avoir un choc quelconque qui créera une correction des prix, mais cela ne fait pas partie de nos scénarios. Vous avez raison, les prix seront plus élevés en 2023 qu’ils ne le sont aujourd’hui.
La sénatrice Moncion : Ma prochaine question porte sur les risques associés au fait que la SCHL fait beaucoup de souscriptions. Peut-être qu’à un moment donné, les gens ne seront plus en mesure de supporter les taux hypothécaires en raison de l’augmentation des taux d’intérêt.
Je veux savoir quel genre d’analyse de risques vous avez faite par rapport à l’éventualité où il y aurait une augmentation des taux d’intérêt, et où les ménages ne pourraient pas supporter cette augmentation.
M. Dugan : Ultimement, je crois que c’est le genre de dynamique, avec la hausse des taux hypothécaires, qui va créer une baisse de la demande pour les maisons à l’avenir. En ce qui concerne la solvabilité des paiements pour les maisons qui ont déjà une hypothèque, il y a un risque pour les ménages qui ont acheté une maison à un taux de 2 % par rapport à ce qui va arriver dans cinq ans, au moment où ils devront renouveler leur hypothèque à un taux plus élevé.
Heureusement, au Canada, les tests de résistance appliqués aux prêts hypothécaires donnent aux propriétaires un taux d’intérêt qui est actuellement de 300 points de base environ, ou de 3 points de pourcentage plus élevé que le taux qu’ils ont négocié avec leur banque. Cela assure quand même une certaine marge de manœuvre, parce qu’ils se sont qualifiés pour ce taux hypothécaire plus élevé. Cela leur permet de payer des taux hypothécaires plus élevés sans nuire à leur capacité de payer leur hypothèque, parce qu’ils se sont quand même qualifiés pour ce taux.
Cependant, avec les prix plus élevés, l’augmentation des taux hypothécaires va assurément nuire à la demande et va créer un marché plus équilibré, où les pressions à la hausse sur les prix vont diminuer à l’avenir.
La sénatrice Moncion : Merci.
[Traduction]
La sénatrice Marshall : Merci d’être parmi nous, monsieur Dugan.
Combien de dossiers d’assurance hypothécaire la SCHL a‑t‑elle actuellement? Je n’ai pas examiné les états financiers depuis longtemps, mais je pense que c’était un montant considérable.
Également, quel est le bilan de la dernière année? Y a-t-il eu des signes que des gens ont eu de la difficulté à payer leur hypothèque? J’aurais tendance à penser que ce n’est pas le cas étant donné les programmes d’aide financière du gouvernement fédéral, mais pourriez-vous nous parler un peu du bilan de la dernière année et nous dire exactement quel est le risque en ce qui concerne la SCHL et le programme d’assurance hypothécaire?
M. Dugan : Certainement. Excusez-moi, mais je n’ai pas le chiffre exact de notre assurance hypothécaire actuelle. Je vais devoir vérifier et vous l’envoyer par écrit plus tard.
Elle a diminué dans les dernières années. Quant au rendement, en 2020, les ménages ont évidemment pu reporter leurs paiements hypothécaires si leur revenu était compromis en raison de la pandémie. À son point culminant, environ 18 % de l’assurance hypothécaire en vigueur faisait l’objet de paiements différés. C’était probablement vers les mois d’août et de septembre de l’an dernier. Depuis, le pourcentage s’est stabilisé à... en fait, je n’ai pas le chiffre exact, mais il est très faible. Le BSIF a suspendu ce programme, et les banques doivent maintenant considérer les prêts reportés comme des prêts non productifs dans leurs bilans, alors que, quand le programme était en vigueur, elles étaient autorisées à les considérer comme des prêts productifs. Cela a changé.
Le nombre de prêts différés a donc diminué. Je n’ai pas le pourcentage exact, mais c’est probablement 1 ou 2 % tout au plus, voire encore moins.
À mesure que ces prêts hypothécaires différés redeviennent actifs, nous surveillons de près la possibilité que cela entraîne une augmentation de notre taux d’arriérés. Nous ne l’avons pas encore constaté. Nous envisageons des délais plus courts, soit un et deux mois d’arriérés plutôt que 90 jours. Nous surveillons la situation de près parce que nous ne voulons pas être surpris 90 jours plus tard par une augmentation des arriérés. Il n’y a pas de tendance à la hausse marquée pour l’instant.
Cela s’explique en partie par le fait que la plupart des ménages qui possèdent une maison ont un revenu plus élevé. Nous avons constaté une augmentation spectaculaire du taux d’épargne au Canada pendant la pandémie. J’ai parlé de la répartition inégale des pertes d’emplois. C’est probablement à l’extrémité supérieure du spectre des revenus que toute cette épargne est réalisée. Il s’agit probablement surtout du segment des propriétaires. Les propriétaires de maison ont fait des économies considérables qui s’ajoutent au coussin dont ils disposent déjà pour tenir durant le reste de la pandémie.
Quelqu’un est en train de m’écrire que notre assurance hypothécaire actuelle est de 438 milliards de dollars. À son point culminant, en 2012-2013, elle était de près de 600 milliards de dollars. Elle a donc diminué dans les dernières années, et le chiffre le plus récent est 438 milliards de dollars.
Le président : Une deuxième série de questions ne semble pas possible, chers collègues. Nous devons passer à la séance à huis clos. Cela dit, si quelqu’un estime devoir absolument poser une question irrépressible, veuillez lever la main, et nous nous en occuperons.
Le sénateur Smith : Pourrais-je poser une question à ce témoin?
Le président : Bien sûr. Voilà la question irrépressible.
Le sénateur Smith : J’avais préparé quelque chose et je me suis dit pourquoi pas.
Monsieur Dugan, merci d’être parmi nous. Parlons des jeunes acheteurs d’une première maison. C’est formidable que les taux d’intérêt soient faibles ces jours-ci, car cela incite les gens à se lancer sur le marché. Nous savons également que le gouvernement a mis en œuvre une sorte de programme d’incitation à l’achat d’une première maison qui n’a pas vraiment donné les résultats escomptés par le gouvernement ou par la SCHL.
Ma question est très simple : quel a été le pourcentage d’acheteurs d’une première maison au cours de la dernière année? A-t-on discuté des moyens d’améliorer le programme pour inciter les jeunes à devenir propriétaires et leur donner une chance de posséder une maison?
C’est bien beau d’avoir des taux hypothécaires faibles, mais nous savons tous que cela va changer avec l’inflation. Si on obtient un taux fixe sur cinq ans aujourd’hui, disons à 1,82 — peu importe le taux —, c’est très bien, mais qu’arrivera-t-il, à l’échéance, à ceux qui auront acheté, par exemple, une maison qui coûte normalement 300 000 à 400 000 $, mais qui l’ont payé 500 000 $ à cause de soumissions multiples? Pourriez-vous nous parler des difficultés des jeunes acheteurs et de ce que la SCHL peut faire pour encourager les gens?
M. Dugan : C’est une excellente question. Pour les acheteurs d’une première maison, il est effectivement devenu plus difficile, compte tenu de la situation actuelle, d’accéder au marché de l’habitation. Les revenus n’augmentent tout simplement pas de 25 à 30 % d’une année à l’autre, et c’est l’ordre de grandeur de l’augmentation des prix des maisons. En date de mars, l’augmentation enregistrée était de 32 %. Les revenus ne suivent pas.
Les faibles taux hypothécaires aident certainement les gens à se lancer sur ce marché en ce moment, mais, en définitive, l’aide aux jeunes acheteurs — et je vais encore avoir l’air de radoter —, passe vraiment par l’offre. Nos différentes analyses attestent que, quand on introduit des facteurs du côté de la demande pour essayer de composer avec l’augmentation des prix des maisons afin de limiter la demande, on constate habituellement que, comme la demande augmente toujours parce que la population augmente, ces mesures sont très rapidement débordées par l’augmentation de la demande, et on revient au point de départ, mais, cette fois, avec des restrictions qui limitent davantage l’accès.
Pour régler le problème des prix des maisons à long terme et rendre celles-ci abordables, la meilleure chose à faire est d’accroître l’offre de logements pour obtenir un meilleur équilibre. Idéalement, si on construit suffisamment de maisons, les prix baisseront. Une situation d’offre légèrement excédentaire ou la construction d’un plus grand nombre de maisons à prix abordable pourrait faire baisser les prix et faciliter l’accès aux jeunes et aux acheteurs d’une première maison.
L’intérêt pour le programme de participation à la mise de fonds dont vous avez parlé a été faible, mais il faut dire qu’il a été conçu comme un petit programme dès le départ. Nous voulions aider les acheteurs d’une première maison sur certains marchés ciblés, mais nous ne voulions pas que le programme soit d’une ampleur telle que la hausse de la demande entraînerait une augmentation de l’inflation sur le marché du logement et éroderait davantage l’abordabilité pour ceux qui ne participaient pas au programme. On est sur la corde raide quand on essaie de tenir compte de stratégies ayant trait à l’escalade des prix des maisons. J’en ai parlé à de nombreux économistes, et la seule façon durable de s’y prendre à long terme est d’augmenter l’offre. Nous devons essayer de faciliter les choses du côté de l’offre, surtout sur les marchés plus coûteux.
Le sénateur Smith : La seule réserve est que le coût des matériaux, notamment du bois, est devenu exorbitant et que l’accès y est difficile. Cela n’aide pas. Seulement 9 000 personnes ont participé à ce programme, ce qui ne représente pas une brèche importante dans le budget de 1,25 milliard de dollars qui a été accordé.
Le président : Honorables sénateurs, excusez-moi, mais nous ne pourrons pas ouvrir une deuxième série de questions. Nous devons poursuivre à huis clos. Monsieur Dugan, merci d’être venu malgré le court préavis. Les renseignements que vous avez fournis au comité nous seront d’une grande utilité lorsque nous reprendrons nos travaux. Nous vous sommes très reconnaissants. Merci beaucoup d’être venu.
M. Dugan : Merci de m’avoir invité.
Le président : Honorables sénateurs, je crois que nous devons suspendre la séance un moment. Vous voudrez peut-être faire une petite pause. Nous ne prendrons pas beaucoup de temps, puis nous poursuivrons à huis clos. Après cela, je présenterai quelques motions rapidement, et nous pourrons en discuter. J’ai un plan d’urgence dont je vous parlerai si nous manquons de temps. Passons à la deuxième partie de notre séance. Merci beaucoup.
(La séance se poursuit à huis clos.)