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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 13 mai 2021

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 14 heures (HE), par vidéoconférence, pour étudier la teneur des éléments des sections 21, 22, 23, 24, 28, 29, 32, 33, 34, 35 et 36 de la partie 4 du projet de loi C-30, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 avril 2021 et mettant en œuvre d’autres mesures.

La sénatrice Chantal Petitclerc (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Bonjour, je m’appelle Chantal Petitclerc, je suis sénatrice du Québec et présidente de ce Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

Avant de commencer, je vous rappelle qu’il s’agit d’une réunion par vidéoconférence; je vais vous épargner la version longue des directives puisque nous nous sommes vus ce matin.

[Traduction]

Je vous rappelle qu’il vous incombe d’activer et de désactiver votre microphone pendant la réunion. Veuillez utiliser la fonction main levée et, s’il y a des complications ou des difficultés avec la technologie ou l’interprétation, veuillez nous en informer. Enfin, je rappelle à tous que les écrans Zoom ne doivent pas être copiés, enregistrés ou photographiés.

[Français]

Je vais maintenant présenter les membres du comité qui participent cet après-midi; nous sommes heureux de nous retrouver pour cette réunion. Nous avons avec nous le sénateur R. Black, les sénatrices Bovey, Frum, Dasko et Forest-Niesing; les sénateurs Kutcher et Manning; les sénatrices Mégie, Moodie, Omidvar et Moncion.

Nous continuons notre étude du projet de loi C-30; nous poursuivons cet après-midi avec l’étude des sections 32 et 33. Nous avons deux groupes de témoins pour débuter; ce sera suivi d’une pause de 16 à 17 heures; et nous allons poursuivre en soirée avec deux autres groupes de témoins.

Notre premier témoin intervient sur la section 32, qui modifie la Loi sur la sécurité de la vieillesse, afin d’augmenter de 10 % la pension de vieillesse à payer aux personnes âgées de 75 ans et plus. Je vous présente, d’Emploi et Développement social Canada, Mme Kristen Underwood, directrice générale, Direction générale de la sécurité du revenu et du développement social.

Sans plus tarder, madame Underwood, je vous invite à faire vos remarques d’introduction.

Kristen Underwood, directrice générale, Direction générale de la sécurité du revenu et du développement social, Emploi et Développement social Canada : Merci, madame la présidente.

[Traduction]

Je vous remercie de m’avoir invitée à vous parler des changements proposés dans le budget pour augmenter de 10 % la pension de la SV des personnes de 75 ans et plus. Je n’ai pas beaucoup de commentaires à faire. Je vais vous expliquer brièvement de ce qui est proposé.

Le gouvernement envisage d’augmenter de 10 % les prestations des personnes de 75 ans et plus. À mesure qu’ils avancent en âge, les aînés ont généralement des revenus plus faibles et doivent assumer des dépenses de santé plus élevées en raison de la maladie et de l’invalidité. La vulnérabilité associée au grand âge est aggravée par une moindre capacité à obtenir un supplément de ressources grâce à un travail rémunéré ou par le risque de vivre plus longtemps que les épargnes, mais aussi par le risque du veuvage. Grâce à cette mesure, le gouvernement s’attaque à l’augmentation de la vulnérabilité financière progressive des aînés.

Sous réserve de l’approbation du Parlement, le changement proposé se fera en deux temps. Premièrement, un paiement unique imposable de 500 $ sera versé aux aînés de 75 ans et plus en août 2021, donc cet été, pour répondre aux besoins immédiats des prestataires de la Sécurité de la vieillesse. Deuxièmement, un changement permanent sera apporté pour augmenter de 10 % les prestations de toutes les personnes de 75 ans et plus, et ce dès juillet 2022, donc l’an prochain.

Cela améliorera la sécurité financière de 3,3 millions d’aînés, dont 56 % sont des femmes. Des modifications seront également apportées à la Loi sur la sécurité de la vieillesse pour exempter le paiement unique de la définition de revenu au titre du Supplément de revenu garanti, ou SRG.

C’est en gros ce que le gouvernement propose de faire.

[Français]

La présidente : Merci beaucoup pour cette présentation. Nous avons des questions pour vous.

[Traduction]

La sénatrice Frum : Madame Underwood, pouvez-vous nous aider à comprendre pourquoi le gouvernement a décidé d’augmenter les prestations de la SV des Canadiens de plus de 75 ans au lieu d’augmenter le Supplément de revenu garanti, qui aide les aînés les plus vulnérables? Il est difficile de comprendre la raison d’être d’une prestation universelle comparativement à une prestation ciblée. Je comprends le raisonnement politique, surtout au sujet du paiement unique de 500 $ en août, mais quelle en est la justification stratégique?

Mme Underwood : Comme vous le savez, la pension de la Sécurité de la vieillesse est une prestation universelle pour tous les aînés et, en l’occurrence, pour tous les aînés de plus de 75 ans. La raison d’être stratégique était d’améliorer cette prestation universelle et d’aider les aînés comme groupe de contributeurs importants de notre société.

La sénatrice Frum : Mais, je le répète, pourquoi ne pas viser les aînés les plus vulnérables qui vivent en deçà d’un certain seuil de revenus, au lieu de faire un paiement universel?

Mme Underwood : Le paiement sert à aider les aînés qui doivent progressivement assumer des dépenses plus élevées, ce qui est le cas de tous les aînés de plus de 75 ans, et nous avons donc décidé d’aider le groupe complet.

La sénatrice Frum : Merci.

La sénatrice Bovey : Je vous remercie de votre exposé, madame Underwood. J’aimerais poursuivre dans la même veine que la sénatrice Frum. En fait, je suis très contente qu’elle ait posé ma première question.

Permettez-moi de passer à l’aspect politique des choses. Je comprends l’idée de prestations universelles, et je comprends que ceux qui n’en ont peut-être pas besoin paieront beaucoup d’impôts. Ma question aussi — je vais la développer un instant. Certains estiment que cette augmentation sera un fardeau pour les contribuables, et, donc, pour en revenir à l’aspect stratégique des choses, pourriez-vous nous fournir des statistiques sur ceux que cette prestation aidera vraiment et nous dire ce que vous allez répondre à ceux qui la trouvent trop généreuse et, comme l'a mentionné ma collègue, à ceux qui sont vraiment dans le besoin et n’en profitent peut-être pas suffisamment?

Pouvez-vous nous expliquer, s’il vous plaît, à qui cela profitera? Et quelles sont vos réponses aux contribuables qui vont payer pour cela?

Mme Underwood : Merci. Je commencerai par dire, comme vous l’avez souligné, madame la sénatrice, qu’il s’agit d’une prestation imposable. L’augmentation de la pension de la Sécurité de la vieillesse est incluse dans l’impôt de récupération. Et le paiement de 500 $ est également imposable.

Il y a plus de gens qui sont sans emploi et ne travaillent pas parmi les personnes de plus de 75 ans. À mesure que les gens vieillissent, ils ont tendance à travailler moins, et ils ont donc moins accès à un revenu d’emploi. Par ailleurs, on y compte un nombre plus élevé de personnes handicapées. Dans ce groupe d’âge, 47 % ont un handicap et 27 % ont un handicap grave.

De plus, ce groupe d’âge compte une plus grande proportion de femmes : 57 % sont des femmes et 39 % d’entre elles sont veuves. Il s’agit donc d’une population plus à risque, comme vous l’avez rappelé.

La sénatrice Bovey : Ayant moi-même été deux fois veuve, je suis bien au courant des problèmes du veuvage, même pour ceux d’entre nous qui n’ont pas encore 75 ans. Pourquoi 75? Pourquoi choisir le critère de l’âge plutôt que la situation personnelle des gens, ce que le SRG vous permettrait de faire?

Mme Underwood : À mesure que les gens vieillissent, ils sont plus susceptibles de se trouver dans ce genre de situation, et le gouvernement a donc décidé de porter son attention sur les personnes âgées qui ont contribué à la société plus longtemps et de proposer une prestation universelle pour ce groupe d’âge.

La sénatrice Bovey : Y a-t-il eu des consultations?

Mme Underwood : Pas sur ce point précis.

La sénatrice Bovey : Merci, madame Underwood.

Le sénateur R. Black : Comment le gouvernement en est-il arrivé à la décision d’augmenter les prestations de 10 % et de faire un versement de 500 $? Nous venons peut-être d’obtenir une réponse à cette question. Ces modifications sont-elles fondées sur des consultations ou sur des données et des modèles de prévisions économiques et, dans l’affirmative, cette information est-elle accessible au public?

Je vais passer à ma deuxième question : s’agit-il d’une augmentation permanente de 10 % ou simplement d’une mesure temporaire? Merci.

Mme Underwood : Je vais commencer par la deuxième question. Il s’agit d’une augmentation permanente applicable à partir de juillet 2022 à tous les aînés. Le coût du programme a été calculé par l’actuaire en chef, comme c’est la pratique normale pour le système de la Sécurité de la vieillesse, et l’évaluation en a été faite par l’actuaire en chef.

Le sénateur R. Black : Merci. J’ai terminé, madame la présidente.

[Français]

La sénatrice Forest-Niesing : Vous nous avez expliqué que les mesures d’aide ne sont pas permanentes, c’est-à-dire que le paiement de 500 $ est un paiement unique, et que les autres mesures n’entreront pas en vigueur avant juillet 2022. Je me demande pourquoi vous prévoyez cela maintenant pour une entrée en vigueur si tardive, à la lumière du fait qu’on s’attend à un budget au printemps 2022.

[Traduction]

Mme Underwood : Merci, madame la présidente. Oui, comme vous le dites, la solution permanente sera mise en œuvre en juillet 2022. Le paiement unique de 500 $ de cette année est une mesure provisoire en attendant la mise en œuvre complète. L’intention est donc d’augmenter à titre permanent les prestations des personnes de 75 ans et plus.

Il faudra un certain temps pour modifier l’administration du programme et pour intégrer ce changement dans nos systèmes afin de nous assurer que toutes les personnes âgées reçoivent les prestations prévues. Pour que les aînés aient rapidement de l’argent, nous avons prévu un paiement unique de 500 $ cette année comme mesure de transition en attendant la solution permanente en juillet 2022. Le montant de 500 $ est donc une mesure de transition en attendant la mise en œuvre complète de la mesure proposée par le gouvernement à partir de juillet 2022.

[Français]

La sénatrice Forest-Niesing : Vous avez appliqué ces mesures de façon universelle, plutôt que d’adopter une approche plus ciblée et vous avez déjà répondu à des questions à cet égard.

Cela m’amène à vous poser des questions sur le revenu ou salaire minimum garanti. À votre connaissance, a-t-on envisagé de mettre en place un tel programme qui adopte aussi une approche universelle comme celle-ci et sinon, pourquoi pas?

[Traduction]

Mme Underwood : Je suis désolée, madame la sénatrice, mais je ne peux pas répondre précisément à cette question. Il s’agit d’une prestation universelle pour les aînés. La prestation de la Sécurité de la vieillesse est universelle depuis longtemps. Je ne peux pas me prononcer sur d’autres prestations envisagées par le gouvernement.

La présidente : En effet — je veux dire, je comprends.

Mme Underwood : C’est la bonne réponse?

La présidente : Je ne sais pas si c’est la bonne réponse, mais vous avez droit à votre réponse, c’est ce que je voulais dire.

Le sénateur Manning : Merci à notre témoin. Je crois comprendre qu’il s’agit d’une prestation universelle, mais la pension... il y a la pension et il y a le supplément. Je connais beaucoup d’aînés dont le seul revenu est exactement ce qu’ils reçoivent du gouvernement fédéral sous la forme de la pension de la Sécurité de la vieillesse, ou SV, et du supplément.

L’augmentation s’appliquera à toutes les personnes de 75 ans et plus. Est-ce qu’on a discuté des moyens de s’occuper des personnes âgées pauvres, dont le revenu est faible et qui n’ont pas d’autres pensions publiques ou professionnelles? Dans ma région, des gens travaillent toute leur vie dans le secteur de la pêche, et je me demande comment on va les aider. Est-ce qu’on a envisagé de tenir compte de leur situation dans la décision d’augmenter les pensions?

Mme Underwood : Comme je l’ai dit, cette mesure vise à verser une prestation à tous les aînés de 75 ans et plus. Elle était destinée à un ensemble et non à un sous-groupe. Il s’agit d’une prestation universelle pour toutes les personnes de 75 ans et plus.

Le sénateur Manning : Les 500 $ qui seront versés en août seront imposables. Pour être sûr de bien suivre, est-ce que l’augmentation de 10 % sera également imposable lorsqu’elle entrera en vigueur en juillet 2022?

Mme Underwood : Effectivement. Elle sera imposable à un taux légèrement différent puisqu’elle sera assujettie à l’impôt de récupération de la SV, mais, oui, les deux sont imposables.

Le sénateur Manning : D’accord. Vous avez fourni des statistiques tout à l’heure au sujet des personnes de 75 ans et plus, du nombre de personnes qui ont un certain degré d’incapacité et du nombre de personnes dont l’incapacité est plus grave.

Le comité pourrait-il obtenir des statistiques sur les personnes de 65 ans et plus? Les statistiques que vous nous avez données concernent les personnes de 75 ans et plus. Je m’interroge sur les différences par rapport au groupe des personnes de 65 ans et plus.

Mme Underwood : J’ai des statistiques pour le groupe des personnes de 65 ans et plus. Ce sont des personnes moins à risque. Je pourrais faire parvenir ces renseignements au comité ultérieurement, mais je peux vous dire que [Difficultés techniques] les personnes de 75 ans et plus sont plus vulnérables.

Le sénateur Manning : Désolé. J’ai manqué une partie de ce que notre témoin a dit.

La présidente : L’écran a gelé, semble-t-il. Il y a peut-être des problèmes de connexion.

Madame Underwood, si j’ai bien compris, vous avez ces données et ces statistiques et vous seriez disposée à les faire parvenir au comité après la réunion. C’est bien cela?

Mme Underwood : Oui, c’est bien cela, madame la présidente. Merci.

Le sénateur Manning : Merci.

Le sénateur Kutcher : Merci d’être parmi nous, madame Underwood. Nous vous en sommes très reconnaissants.

Ma question rejoint celles des sénatrices Frum et Bovey.

Selon le rapport de 2019 de l'Ontario Long Term Care Association, environ 82 % des personnes qui reçoivent des soins de longue durée ont plus de 75 ans. Il s’agit donc de la population cible. Selon les données de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, le coût moyen d’une chambre dans un établissement de soins de longue durée au Canada est d’environ 3 000 $ par mois, et, dans un établissement de soins pour les troubles de la mémoire, d’environ 5 000 $ par mois. La pension de la Sécurité de la vieillesse est d’environ 600 $ par mois. Dans quelle mesure cette augmentation de 10 % sera-t-elle utile aux personnes les plus vulnérables?

Mme Underwood : L’augmentation de 10 % représentera environ 766 $ par an pour les aînés qui reçoivent la totalité de la pension de la Sécurité de la vieillesse, et on tient compte du fait que celle-ci est calculée en fonction du nombre d’années de résidence au Canada. Le système de la Sécurité de la vieillesse fait partie du système de revenus de retraite, qui comprend la Sécurité de la vieillesse, le Régime de pensions du Canada et l’épargne-retraite privée. Elle offre un soutien supplémentaire aux aînés et fait partie du système de revenus de retraite global.

Le sénateur Kutcher : Je vous remercie. Vous avez tout à fait raison, et je comprends. Nous sommes reconnaissants de cette augmentation. Mais je me demande en quoi une augmentation de 10 % va aider les plus vulnérables, compte tenu des coûts qu’ils doivent assumer.

Mme Underwood : Je ne sais pas trop quoi ajouter. L’augmentation vise à aider les personnes de plus de 75 ans et à offrir un soutien financier supplémentaire à tous les aînés plus âgés.

Le sénateur Kutcher : Merci beaucoup.

La sénatrice Moodie : Merci de votre présence aujourd’hui, madame Underwood, et merci de répondre si patiemment à nos questions.

J’aimerais revenir encore sur la question des statistiques. Je suis un peu opiniâtre aujourd’hui à ce sujet. Veuillez m’en excuser.

Vous avez parlé de statistiques sur les femmes. Vous avez parlé de statistiques sur les personnes handicapées. Nous n’avons pas entendu parler des aînés qui vivent dans les régions rurales. Nous n’avons rien entendu au sujet des aînés autochtones ou noirs. Est-ce que vous recueillez des données désagrégées? Est-ce que vous avez accès à ces données pour prendre vos décisions stratégiques?

Mme Underwood : Je n’ai pas ici même d’information sur les aînés des régions urbaines et rurales, mais je crois que nous recueillons ces données. Je pourrais en informer le comité plus tard.

Comme vous le savez, il n’est pas facile en ce moment de recueillir de l’information sur les communautés autochtones et racialisées. Je peux vérifier si nous avons des données supplémentaires à cet égard, mais je ne crois pas que ce soit le cas.

La sénatrice Moodie : J’ai une autre question : qu’est-ce qui explique votre décision de choisir le critère de l’âge, à savoir toutes les personnes de 75 ans et plus, au lieu de vous appuyer sur le revenu de la Sécurité de la vieillesse et non du supplément pour privilégier les personnes à faible revenu? Est-ce le manque d’information qui détermine votre décision stratégique et serait-il utile de recueillir ces données?

Mme Underwood : Il serait certainement utile d’avoir plus d’information et de données. À mesure qu’on désagrège les données démographiques, on peut évidemment mieux comprendre l’incidence de nos politiques sur des populations précises.

Nous tenons compte de ces données. Ce n’est pas tant le manque de données que l’analyse des données qui nous a permis de constater que les personnes de plus de 75 ans sont plus vulnérables. Elles ont généralement des revenus plus faibles et des dépenses plus élevées. C’est pourquoi ce groupe est globalement visé par un soutien gouvernemental plus large.

La sénatrice Dasko : Merci d’être avec nous aujourd’hui, madame Underwood. Excusez-moi d’insister sur ce thème que tant de mes collègues ont abordé, mais voici.

La SV est actuellement liée à l’augmentation du coût de la vie. Cela entre automatiquement en ligne de compte. Donc, pour en revenir à l’augmentation de 10 %, je m’interroge encore sur votre mode de calcul. Si le coût de la vie entre déjà automatiquement dans le calcul, avez-vous des données qui montrent que le coût de la vie pour le groupe des plus de 75 ans a augmenté de 10 %? C’est à cela que, vraisemblablement, ces données serviraient.

J’ai aussi une question sur la récupération de la Sécurité de la vieillesse. Je sais que le mécanisme de récupération commence à un certain seuil, mais je ne m’en souviens pas précisément. Est-ce à 78 000 $ ou à 80 000 $ que la récupération est complète et que les gens ne reçoivent plus de prestations de la SV? Je le dis de mémoire. Le mécanisme de récupération est-il le même qu’avant? C’est la deuxième partie de ma question à ce sujet.

Dans l’analyse qui a précédé votre décision concernant l’augmentation de la SV et non du SRG, avez-vous tenu compte des autres sources de revenus? Il est vrai que certains aînés n’ont que la SV, mais d’autres ont aussi le RPC et peuvent avoir des revenus privés de diverses sources. Comment en avez-vous tenu compte?

Mme Underwood : Merci, madame la présidente.

Oui, effectivement, la pension de la Sécurité de la vieillesse est augmentée quatre fois par année en fonction du coût de la vie pour tous les aînés de 65 ans et plus, donc pour tous ceux qui reçoivent cette pension. L’augmentation de 10 % n’est pas vraiment un ajustement au coût de la vie; elle est liée au fait que les aînés sont plus vulnérables à mesure qu’ils vieillissent. Votre troisième question porte sur les autres économies des aînés. Les aînés vivent généralement plus longtemps que leurs économies. C’est donc un facteur supplémentaire dans l’analyse du groupe des 75 ans et plus.

Vous avez raison, la récupération des prestations de la SV commence effectivement autour de 78 000 $ et se prolonge à partir de ce seuil. Seulement 6 % des aînés voient leurs prestations ainsi réduites, et seulement 2 % d’entre eux les perdent complètement. C’est un renseignement important pour vous aussi.

La sénatrice Dasko : Et cela n’a pas changé?

Mme Underwood : Non.

La sénatrice Dasko : C’était ma question à ce sujet. Concernant les autres sources, vous les avez énumérées, mais en avez-vous tenu compte dans votre analyse?

Mme Underwood : Notre analyse passe par un examen de tout le système de revenus de retraite. Le ministère s’intéresse plus particulièrement à la Sécurité de la vieillesse et au Régime de pensions du Canada, mais nous effectuons cette analyse dans le contexte de tout le système de revenus de retraite.

La sénatrice Dasko : Merci beaucoup.

[Français]

La sénatrice Mégie : Merci, madame Underwood. J’ai une question, mais je ne sais pas si vous pourrez y répondre. Le public en général dit souvent que les personnes âgées coûtent cher à la société. Vous l’avez beaucoup entendu.

Est-ce que vos actuaires ont fait des calculs, à savoir pour chaque dollar que vous investissez dans la pension de la Sécurité de la vieillesse, combien cela peut rapporter à l’économie canadienne, soit de manière directe ou indirecte?

[Traduction]

Mme Underwood : Il me semble juste de dire, madame la présidente, que les aînés contribuent effectivement à l’économie canadienne et qu’ils constituent une partie importante de notre tissu économique. L’analyse de nos actuaires porte davantage sur le coût du programme pour les aînés. Évidemment que les gens dépensent leur argent et que cela contribue à l’économie canadienne, et c’est un élément important du roulement de l’économie. L’analyse porte sur les coûts directs pour le résultat net du gouvernement par opposition aux coûts indirects de l’argent comme source de stimulation économique.

[Français]

La sénatrice Mégie : Donc, vous n’avez pas de chiffres du tout là-dessus?

Mme Underwood : Non.

La sénatrice Mégie : D’accord, merci.

[Traduction]

La sénatrice Omidvar : Merci, madame Underwood. Je dois dire que je compatis avec vous parce que nous vous posons des questions auxquelles ce sont vos maîtres politiques qui devraient répondre. Et j’aimerais vraiment leur demander la justification stratégique, s’il y en a une, de cette mesure liée à la COVID. Le problème en l’occurrence — et nous avons entendu parler d’autres mesures au cours de nos audiences antérieures — est qu’il s’agit d’une mesure permanente, qui pèsera lourd sur notre capacité fiscale, quoique je ne sois pas contre l’augmentation des transferts aux personnes dans le besoin. Je veux donc vous interroger sur les gens dans le besoin.

Quel pourcentage des prestataires de la SV reçoivent le SRG? Ce sont eux qui sont dans le besoin.

Mme Underwood : Excusez-moi, je devrais avoir ce chiffre sous la main, mais ce n’est pas le cas; je pourrai cependant vous faire parvenir cette information plus tard. Nous avons assurément cette donnée statistique, mais je ne l’ai pas ici.

La sénatrice Omidvar : Peut-on estimer que... non, ne faisons pas d’estimation. Je veux simplement parler de l’ampleur de la pauvreté chez les personnes âgées, et le meilleur moyen de s’en faire une idée est le SRG. Il aurait été utile d’avoir ce chiffre, mais j’espère que vous pourrez nous le communiquer plus tard.

Mme Underwood : Vous l’aurez. Je ne l’ai tout simplement pas sous la main.

La sénatrice Omidvar : Merci.

La présidente : Il nous reste du temps pour quelques questions. Si vous le permettez, j’aimerais en poser une brève faisant suite à celle de la sénatrice Omidvar. J’ai lu dans la documentation que cette mesure vise à sortir environ 60 700 aînés de la pauvreté, dont 65 % sont des femmes. J’essaie de me faire, à partir de là, une idée du nombre de personnes qui ont besoin de sortir de la pauvreté. Avez-vous ce chiffre ou pouvez-vous nous l’obtenir? Je crois que cela fait écho à beaucoup des questions qui ont été posées aujourd’hui.

Mme Underwood : J’ai vu ce chiffre circuler et je dois dire qu’il y aurait lieu d’en faire une analyse plus approfondie parce qu’on devrait intégrer d’autres données. Je n’ai pas ce chiffre sous la main, mais nous essayons d’en savoir plus sur ce qu’il pourrait être exactement.

La présidente : Très bien. Si vous pouvez nous en donner une idée, j’ai vu ce chiffre à quelques reprises et j’aimerais le mettre en contexte.

Mme Underwood : Il est certain que, en augmentant de 10 % la pension des personnes de 75 ans et plus, on va sortir beaucoup de gens de la pauvreté parce qu’ils sont près du seuil de la pauvreté. Cela va changer les chiffres.

La présidente : Merci.

La sénatrice Bovey : Merci encore, madame Underwood. C’est un après-midi difficile pour vous, mais je crois que cela montre que nous cherchons tous le meilleur moyen, comme société, d’aider les personnes vulnérables.

J’ai une observation à faire sur ce qui a été dit. On nous dit que des actuaires examinent les statistiques, nous sommes au courant de certaines statistiques, nous sommes inquiets pour ceux qui ont besoin du SRG, et vous avez parlé de faire une analyse plus approfondie en tenant compte d’autres renseignements. Certains de ces renseignements sont-ils d’origine provinciale? Y a-t-il eu des discussions avec les provinces? Je sais très bien que certains régimes de retraite provinciaux... non, je vais le formuler autrement.

Je sais qu’un certain nombre de personnes n’ont pas droit à la pension provinciale de leur conjoint s’il y a une certaine différence d’âge entre les conjoints. Par exemple, si l’homme... eh bien, je vais être honnête : mon premier mari avait plus de dix ans de plus que moi. Lorsqu’il est décédé, je n’ai pas eu droit — et je n’ai toujours pas droit — à sa pension, même si nous avons été mariés pendant près de 35 ans. J’étais assez jeune à ce moment-là pour pouvoir réorienter ma vie personnelle, mais cela m’a vraiment surprise. Je reçois un montant minuscule, qui a augmenté de deux cents par mois il y a trois ans, après quoi il a été gelé. J’ai demandé à mes petits-enfants de calculer quand je pourrais me permettre une tasse de café, et ils m’ont dit que je pourrais en acheter une petite tous les trois ans et demi à condition qu’elle soit vraiment petite.

Je ne plaisante pas. Beaucoup d’entre nous s’en sortent, mais certaines personnes qui comptent sur les régimes de retraite provinciaux découvrent soudain qu’elles n’ont pas droit à des prestations à cause de règles entre les lignes, et je me demande comment ces règles augmentent la vulnérabilité des personnes que nous essayons d’aider avec cette augmentation de 10 %. C’est un exemple personnel, mais je suis sûre que je ne suis pas la seule dans cette situation.

Mme Underwood : Comme vous l’avez dit, la SV fait partie du système de revenus de retraite. Ce système comporte d’autres éléments. Pour nous, la Sécurité de la vieillesse et le RPC forment la base du système. Nous pouvons faire des ajustements dans ces programmes et non dans les programmes de pensions privés.

La sénatrice Bovey : Je comprends. Vous avez tout à fait raison, et c’est ce qu’il faut faire. Mais j’espère que, quand vous analyserez d’autres renseignements, vous examinerez les différentes règles et réglementations provinciales, parce qu’elles ne sont pas les mêmes.

Le sénateur Kutcher : Je m’intéresse à cette discussion sur le dépassement du seuil de pauvreté. Quel est ce seuil? Parce que d’après mes calculs personnels — je ne suis pas mathématicien, je tiens à le préciser —, une augmentation de 10 % sur 613 $ par mois représente un peu moins de 1 000 $ par an. Nous aurons donc 1 000 $ de plus par an, et cela est censé permettre à beaucoup de Canadiens de dépasser le seuil de pauvreté? Si je dis que je suis incrédule, c’est bien parce que je le suis. J’aimerais beaucoup voir ces données.

Mme Underwood : Je répète que c’est pour les gens qui reçoivent la pension maximale de la Sécurité de la vieillesse. Qui se monte à 766 $. Ce serait un peu moins pour les gens qui sont au pays depuis moins de 40 ans. La mesure du seuil de pauvreté dont nous nous servons est la mesure du panier de consommation.

La présidente : Merci de votre réponse. Je sais que Mme Underwood nous fera parvenir des données et des statistiques, et nous aurons alors peut-être une meilleure perspective sur cette section du projet de loi. À moins que quelqu’un d’autre ne lève la main, nous allons suspendre la séance en attendant d’accueillir nos prochains témoins. Mais, auparavant, je tiens à remercier Mme Underwood.

[Français]

Nous vous avons bombardée de questions et nous apprécions beaucoup la générosité avec laquelle vous y avez répondu.

[Traduction]

Nous sommes prêts à accueillir notre prochain groupe de témoins au sujet de la section 33, qui modifie la Loi sur l’emploi dans la fonction publique.

[Français]

Aujourd’hui, nous recevons plusieurs témoins qui vont nous parler de la section 33.

D’abord, du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, M. Tolga Yalkin, sous-ministre adjoint, Secteur des politiques et services en milieu de travail; Mme Selena Beattie, directrice exécutive, Gestion des personnes et de l’engagement des collectivités, Secteur des politiques et services en milieu de travail.

Également, de la Commission de la fonction publique du Canada, M. Patrick Borbey, président; Mme Gaveen Cadotte, vice-présidente, Politiques et communications; M. Robert McSheffrey, directeur général, Centre de psychologie du personnel; Mme Sharon Messerschmidt, directrice générale, Vérification; M. Michael Morin, directeur général, Direction des politiques et orientations stratégiques.

Nous allons d’abord écouter la présentation introductive de M. Yalkin. Ce sera suivi par M. Borbey et ensuite nous passerons à la période des questions. La parole est à vous, monsieur Yalkin.

Tolga Yalkin, sous-ministre adjoint, Secteur des politiques et services en milieu de travail, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Madame la présidente, d’abord je vous remercie de cette chaleureuse présentation.

[Traduction]

Nous sommes ici aujourd’hui pour parler de la section 33 de la loi d’exécution du budget, ou LEB. Je suis heureux d’être ici avec ma collègue, la directrice exécutive Selena Beattie, que vous avez aimablement présentée.

Nous sommes ici aujourd’hui pour souligner et reconnaître que nous ne pouvons pas ignorer les préjugés, les obstacles et la discrimination qui sont une réalité quotidienne pour les Canadiens noirs, les Autochtones et bien d’autres personnes en raison de leur race, de leur religion, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur genre, de leur handicap et de nombreux autres motifs. La fonction publique a depuis longtemps fait siennes les valeurs de la diversité et de l’inclusion, et des progrès ont été réalisés, mais, comme dans beaucoup d’autres institutions, il reste encore beaucoup à faire.

[Français]

En octobre dernier, le discours du Trône a annoncé un plan d’action visant à accroître la représentation et le perfectionnement du leadership dans la fonction publique. L’énoncé économique de l’automne a engagé 12 millions de dollars sur trois ans pour réaliser ces objectifs. Les domaines d’intérêt seront de produire et de publier de meilleures données, d’accroître la diversité des cadres supérieurs, de garantir des repères appropriés, de remédier aux obstacles systémiques ainsi que l’éducation et la sensibilisation.

[Traduction]

Dans le cadre de ces efforts, à la suite de consultations auprès des réseaux d’employés issus de la diversité, des agents négociateurs et des hauts fonctionnaires du ministère chargés de l’équité en matière d’emploi, de la diversité et de l’inclusion, le gouvernement a annoncé, dans le budget de 2021, son intention de proposer des modifications à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique pour confirmer l’importance de la diversité et de l’inclusion dans ses effectifs et pour consolider les dispositions visant à éliminer les préjugés et les obstacles éventuels dans le processus de dotation.

[Français]

Les modifications proposées agiront sur six points. Premièrement, madame la présidente, ajouter un engagement explicite du gouvernement à l’égard d’une fonction publique qui représente la diversité du Canada. Alors que le préambule actuel reconnaît la valeur de la diversité, la modification ajouterait un engagement explicite en faveur d’une fonction publique inclusive et diversifiée. La modification affirmerait donc que la diversité et l’inclusion ne sont pas des considérations secondaires, mais qu’elles font partie de l’objet de la loi et des objectifs du processus d’embauche.

[Traduction]

Le deuxième des six points suppose que l’élaboration ou l’examen des normes de qualification comprenne une évaluation des préjugés et des obstacles et que des mesures d’atténuation raisonnables soient prises.

Les normes de qualification fixent des exigences minimales en matière d’instruction, de certification professionnelle et de connaissance des langues officielles, entre autres. Selon la modification proposée, il faudrait procéder à une évaluation des préjugés et des obstacles auxquels se heurtent les groupes visés par l’équité et en tenir compte dans l’élaboration ou l’examen des normes de qualification, et, de plus, prendre des mesures raisonnables pour les atténuer. Par exemple, nous avons entendu dire que l’exigence d’un diplôme universitaire peut constituer un obstacle pour les Autochtones qui vivent dans des collectivités éloignées, parce qu’ils n’ont peut-être pas eu accès au même niveau d’instruction que les autres candidats. L’évaluation d’une norme de qualification exigeant des études postsecondaires pourrait donc passer par un examen de la nécessité de cette exigence et permettre d’envisager des solutions de rechange.

Le troisième point suppose que la conception et le mode d’application des méthodes d’évaluation comprennent une évaluation des préjugés et des obstacles et que des mesures raisonnables soient prises pour les atténuer. Les gestionnaires recruteurs de la Commission de la fonction publique peuvent évaluer les candidats au moyen d’un large éventail de méthodes, comme des examens écrits, des entrevues et la vérification des références. Le récent audit de la CFP sur la représentation et le recrutement des employés visés par l’équité, dont je suis sûr que mes collègues de la Commission seraient heureux de parler plus en détail, a révélé que les groupes visés par l’équité en matière d’emploi, ou EE, n’étaient pas représentés proportionnellement tout au long du processus de recrutement.

Par exemple, si je me souviens bien, les candidats autochtones avaient moins de succès aux entrevues; les membres des minorités visibles, surtout les candidats noirs, avaient moins de succès aux examens écrits; et les trois groupes visés par l’équité en matière d’emploi — les Autochtones, les membres des minorités visibles et les personnes handicapées — avaient moins de succès à l’étape de la vérification des références. Cela souligne l’importance de cette nouvelle mesure législative.

[Français]

Quatrièmement, veiller à ce que les autorités d’enquête et d’audits englobent les préjugés et les obstacles. Bien que la loi prévoit actuellement des pouvoirs d’audits et d’enquête, elle ne prévoit pas que cela comprenne l’examen des préjugés et des obstacles qui désavantagent les groupes en quête d’équité. Les modifications ajouteraient évidemment ces éléments.

[Traduction]

Cinquième point, il y aurait lieu d’élargir aux résidents permanents le principe de la préférence donnée aux citoyens canadiens dans les processus de dotation externes. Dans sa forme actuelle, la loi accorde la préférence aux citoyens canadiens dans les processus annoncés à l’extérieur, qui sont un point d’entrée très important dans la fonction publique et qui représentent, je crois, 45 % de tous les processus annoncés. Donc, si un candidat qualifié est citoyen canadien et qu’un autre ne l’est pas, c’est le citoyen canadien qui sera retenu.

La modification proposée élargirait aux résidents permanents la préférence actuellement accordée aux citoyens canadiens. D’après les données que nos collègues de la Commission de la fonction publique ont recueillies et analysées, cela multiplierait le nombre de membres des minorités visibles susceptibles d’être candidats dans le cadre de ces processus.

La sixième et dernière proposition serait d’inclure une définition large des groupes visés par l’équité. Autrement dit, les modes d’évaluation, les normes de qualification et les pouvoirs d’audit et d’enquête dont j’ai parlé devront être évalués en fonction de leurs répercussions sur les groupes désavantagés en raison de l’un ou l’autre des motifs de distinction illicite énoncés dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, dont la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, l’expression de genre, la déficience et d’autres motifs.

[Français]

Ces modifications, si elles sont approuvées, seront mises en œuvre en consultation avec les réseaux de diversité des employés, les agents négociateurs et les hauts fonctionnaires chargés de l’équité en matière d’emploi, de la diversité et de l’inclusion tout en soutenant la vision globale d’une fonction publique représentative de la population qu’elle sert et qui valorise et célèbre la diversité et l’inclusion.

[Traduction]

Je tiens à souligner que ces modifications législatives ne sont qu’une partie d’une série plus vaste d’initiatives de la fonction publique destinées à améliorer la diversité et l’inclusion; et aussi que le travail d’élimination des préjugés et des obstacles qui ont pris racine au fil des générations exige un effort continu et constant.

Je parle au nom de mon organisation et de mon ministre lorsque je dis que nous sommes déterminés à faire cet effort et à utiliser tous les leviers disponibles pour améliorer l’expérience professionnelle des fonctionnaires jusqu’à ce qu’ils puissent réaliser leur plein potentiel en contribuant à la vie de leurs concitoyens.

Je vous remercie de l’invitation à témoigner, madame la présidente. J’espère que nous avons pu fournir au comité des renseignements qui l’aideront à mieux comprendre l’intention de ces modifications.

[Français]

Nous répondrons aux questions des membres de ce comité distingué avec plaisir. Merci.

[Traduction]

La présidente : Je crois que vous avez également un exposé préliminaire, monsieur Borbey.

[Français]

Patrick Borbey, président, Commission de la fonction publique du Canada : Je vous remercie de m’avoir invité à comparaître devant le comité aujourd’hui. Je tiens d’abord à souligner que je me trouve sur le territoire non cédé de la nation algonquine Anishinabeg. Comme vous l’avez mentionné au début, je suis ravi d’être accompagné de Gaveen Cadotte, vice-présidente, Politiques et communications; Michael Morin, directeur général, Politiques et orientations stratégiques; Robert McSheffrey, directeur général du Centre de psychologie du personnel; Sharon Messerschmidt, directrice générale de la vérification.

[Traduction]

La Commission de la fonction publique a la responsabilité de promouvoir et de protéger une fonction publique représentative, impartiale et fondée sur le mérite qui sert tous les Canadiens. Nous rendons compte de notre mandat au Parlement à titre indépendant.

La CFP est fermement engagée à promouvoir la diversité et l’inclusion à la fonction publique. Bien que nous continuions de réaliser des progrès, ils sont encore trop lents. Nous devons en faire davantage.

Tous les candidats qui postulent à un emploi devraient bénéficier d’occasions égales de mettre en valeur leurs talents uniques. Malheureusement, ce n’est possiblement pas encore le cas. La fonction publique devrait aller plus loin pour éliminer le racisme systémique et les préjugés dans nos propres institutions. Pour la CFP, cela signifie que nous devons revoir le processus de nomination.

Comme l’a dit mon collègue, en janvier, nous avons publié la Vérification portant sur la représentation des groupes visés par l’équité en matière d’emploi lors du recrutement à la fonction publique fédérale. Notre vérification a montré que les groupes visés par l’équité en matière d’emploi ne demeurent pas représentés proportionnellement au cours du processus de recrutement. En effet, le taux de représentation des Autochtones, des membres des minorités visibles et des personnes en situation de handicap diminue de façon disproportionnée à diverses étapes du processus de recrutement.

[Français]

Le taux de représentation des candidats noirs a diminué davantage que celui des autres groupes de minorités visibles.

Nos études récentes sur les taux de promotion ont également montré des résultats négatifs pour les membres des mêmes groupes visés par l’équité en matière d’emploi.

Pour donner suite à ces conclusions, la CFP prend des mesures immédiates. Une formation sur les préjugés inconscients sera bientôt requise pour tous les gestionnaires d’embauche. Nous aurons recours à des moyens d’accroître la diversité au sein des comités d’entrevue. Nous bonifierons également nos conseils sur les méthodes de recrutement exempt d’obstacles. Finalement, nous développerons une expertise sur les mesures d’adaptation en matière d’évaluation dans les organisations.

[Traduction]

De plus, la CFP contribue à la promotion de la diversité et de l’inclusion grâce à d’autres initiatives, comme les programmes ciblés de recrutement pour étudiants et diplômés, ainsi que le Programme fédéral de stages pour les Canadiens en situation de handicap. Nous continuerons à effectuer des vérifications et des recherches afin de cerner les obstacles et trouver des solutions appropriées pour les atténuer.

Notre vérification était un appel à l’action, et nous sommes heureux de constater les efforts supplémentaires qui sont déployés pour accroître la représentation des groupes en quête d’équité. Nous croyons que les modifications proposées, ainsi que les mesures prises par la CFP, le Bureau du dirigeant principal des ressources humaines et d’autres ministères et organismes, permettront d’éliminer les obstacles à la diversité et contribueront à rendre le recrutement plus inclusif. Elles apporteront des changements durables et se traduiront par une fonction publique plus représentative des personnes qu’elle sert dans tout le pays.

[Français]

Par exemple, le changement apporté à la préférence d’embauche pour inclure les résidents permanents aura une incidence positive immédiate sur le recrutement de minorités visibles qualifiées. De plus, cela nous donnera accès à un plus grand bassin de talents. La modification de nos pouvoirs d’enquête offrira une nouvelle solution aux personnes qui estiment s’être vu refuser un poste pour cause de racisme ou de discrimination. De plus, le renforcement de nos pouvoirs de vérification nous permettra de continuer à fournir des données pour développer de nouvelles politiques et de nouveaux programmes axés sur la diversité.

Pour élaborer et mettre en œuvre ces initiatives, nous travaillerons avec les organisations, les agents négociateurs et les groupes en quête d’équité. La collaboration avec tous les intervenants sera essentielle à la réussite de ces initiatives.

En conclusion, si les modifications à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique sont adoptées, celles-ci permettront d’éliminer certains préjugés et obstacles auxquels peuvent être confrontés les groupes en quête d’équité, tout au long du processus de recrutement, et aussi tout au long des parcours de carrière.

[Traduction]

En collaboration avec nos partenaires, nous nous réjouissons à la perspective de redoubler d’efforts pour ainsi façonner une fonction publique plus diversifiée et plus inclusive.

Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions. Merci, meegwetch.

La présidente : Merci de votre exposé préliminaire. Nous sommes prêts à passer aux questions. Nous allons commencer par notre vice-présidente, la sénatrice Bovey.

La sénatrice Bovey : Je tiens à vous remercier de votre présence parmi nous, monsieur Yalkin, monsieur Borbey et vos collègues. Il est encourageant de voir qu’on a assorti d’objectifs les mesures d’élimination des préjugés et des obstacles systémiques tout en essayant de garantir l’équité en matière d’emploi, et je suis heureuse de constater que vous envisagez de nouveaux processus de recrutement et de nomination.

J’ai quelques questions à ce sujet. Concernant la définition des critères de qualification, pouvez-vous nous parler du travail que vous faites pour circonscrire les conditions d’équivalence? Vous avez parlé, par exemple, des diplômes universitaires. Quelles sont les équivalences que vous envisagez en termes d’expérience?

Je voudrais aussi que vous nous parliez des répercussions des nominations non annoncées dans la fonction publique sur les Canadiens marginalisés. Il est facile de promouvoir un fonctionnaire à l’interne sans lancer d’appels de candidatures ni aller sur le marché. De quelles données disposez-vous pour rendre compte des effets que cela peut avoir sur les Canadiens marginalisés?

M. Yalkin : Je vous remercie de vos questions. Je vais laisser nos collègues de la Commission de la fonction publique répondre à la deuxième, mais je peux répondre à la première.

C’est une question très intéressante. Chaque fois que le Secrétariat du Conseil du Trésor élabore ou examine une norme de qualification, et c’est peut-être évident et clair d’après ce que j’ai déjà dit, il s’interroge sur les différentes exigences et se demande si cela risque de susciter des préjugés ou des obstacles pour un membre d’un groupe visé par l’équité.

Dans l’affirmative, il se pose alors la question suivante : quels sont les autres combinaisons d’expériences ou les autres critères qui pourraient y être équivalents ou permettre de concrétiser l’objectif public et la raison d’être de cette exigence?

Dans des circonstances antérieures où il existait une solution de rechange, elle a été formulée de la façon suivante : voici le niveau d’instruction ou d’expérience équivalente qui mène à la compréhension nécessaire des concepts économiques et sociaux, et ainsi de suite.

Cela donne une certaine latitude aux gestionnaires qui peuvent ainsi évaluer des candidats pour tel ou tel rôle. Les répercussions éventuelles sur divers groupes sont peut-être évidentes.

La sénatrice Bovey : Monsieur Borbey, je serai heureuse d’entendre votre réponse à mon autre question, mais j’ai une question complémentaire pour M. Yalkin, si vous le permettez.

Prenons l’exemple des Inuits du point de vue de la science, de l’expérimentation et du savoir vécu, du savoir traditionnel des Inuits sur le territoire. Si j’étais Inuite et que je voulais poser ma candidature à un emploi, je ne suis pas certaine que je considérerais cela comme une équivalence. Je suppose que j’ai de la difficulté à trouver les mots qui feraient en sorte que l’équivalence ouvre vraiment la perspective au lieu de la fermer davantage.

M. Yalkin : Encore une fois, je vous remercie. C’est une excellente question, madame la présidente.

En ce qui concerne les normes de qualification, elles tendent à être passablement générales. De toute évidence, chaque poste comporte des critères particuliers que le gestionnaire établit et auxquels il s’attend à ce que les candidats répondent. Cela pourrait, par exemple, comprendre certaines des situations que l’honorable sénatrice a mentionnées dans sa question. Mais lorsqu’il s’agit de solutions de remplacement, comme des combinaisons d’expériences ou de connaissances pouvant permettre à quelqu’un de répondre aux exigences essentielles d’un poste, il peut y avoir un certain nombre d’itérations ou de combinaisons différentes de ces expériences permettant de conclure qu’un candidat répond aux normes de qualification, c’est-à-dire aux exigences essentielles du poste en question.

Je suppose que ces solutions pourraient jouer en faveur du candidat de deux façons. Premièrement, il pourrait s’agir d’une combinaison d’expériences et de connaissances parallèles permettant de conclure qu’un candidat répond à une exigence essentielle et à une norme de qualification. Deuxièmement, il pourrait s’agir de critères établis pour un poste particulier. Je suppose que c’est le cas pour certains postes dans la fonction publique.

La sénatrice Bovey : Merci.

Monsieur Borbey, qu’en est-il de l’autre question, celle concernant l’incidence des nominations non annoncées chez les Canadiens marginalisés?

M. Borbey : Je vous remercie de la question. C’est une pratique que nous surveillons de près. Il y a eu une augmentation du recours aux nominations non annoncées. Ici également, il s’agit d’une souplesse qui est offerte aux gestionnaires; ce sont eux qui font le choix.

Je vais vous donner un exemple. Une nomination non annoncée peut se faire dans un cas de transition d’un étudiant, quelqu’un qui est déjà employé dans le cadre d’un programme étudiant et qui est ensuite titularisé dans son poste lorsqu’il obtient son diplôme. Il y a aussi des situations où des gens sont nommés à partir de bassins établis par d’autres ministères. Ces bassins sont composés de personnes qui se sont qualifiées à la suite d’un processus concurrentiel, mais il s’agit bien de nominations non annoncées.

Nous en avons suivi la progression au cours des trois ou quatre dernières années. Dans le cas des groupes ciblés par la politique d’équité en matière d’emploi, nous avons constaté que les nominations non annoncées ont eu une incidence positive chez les femmes et les minorités visibles. Chez les peuples autochtones, elle a été neutre. Toutefois, les nominations non annoncées dépassent la disponibilité sur le marché du travail dans le cas des Autochtones. Les personnes handicapées constituent le seul groupe où ces nominations sont inférieures à la disponibilité sur le marché du travail. Selon les plus récentes données, nous sommes passés à 9 % de disponibilité au sein de la population active. Les résultats de ce groupe sont, comme dans d’autres catégories d’emploi, inférieurs à ce qu’ils devraient être.

Encore une fois, les nominations ont été stables au cours des trois ou quatre dernières années pour ce groupe également. Elles ont eu une incidence neutre ou positive sur les groupes ciblés par la politique d’équité en matière d’emploi.

La sénatrice Bovey : Je vous remercie.

Le sénateur R. Black : Monsieur Yalkin, je songe aux obstacles. Nous savons que de nombreux postes sont annoncés en ligne. Nous savons également que la pandémie de la COVID-19 a mis en évidence des problèmes d’accès fiable à l’Internet dans les collectivités rurales, éloignées et nordiques. Comment le gouvernement et la fonction publique fédérale surmontent-ils cet obstacle, et d’autres, pour rendre plus accessibles les annonces d’emploi à ceux qui ont peut-être un accès limité en raison de leurs ressources?

M. Yalkin : Je vous remercie de la question. Madame la présidente, je m’excuse auprès du comité, mais je ne suis pas certain d’être le mieux placé pour répondre à cette question. Je soupçonne — sans vouloir mettre nos collègues sur la sellette — que les gens de la Commission de la fonction publique seraient plus en mesure d’expliquer comment les candidats postulent à certains postes, comment ces candidatures sont prises en considération et quelle est la nature de la plateforme en ligne. Je m’excuse, mais je ne suis pas bien placé pour répondre à cette question.

Le sénateur R. Black : Merci. J’adresse donc ma question à M. Borbey.

M. Borbey : D’accord. Merci. Tous les postes annoncés doivent être affichés dans le Système de ressourcement de la fonction publique, communément appelé Emplois GC. Les gens peuvent voir les annonces, et le système est disponible sur toutes sortes de différentes plateformes.

Nous reconnaissons que c’est plus difficile dans les collectivités éloignées et isolées. Nous savons que, dans le Nord, par exemple, les ministères continuent de faire paraître les annonces dans les médias traditionnels — quotidiens, journaux régionaux — pour atteindre les gens. Nous reconnaissons néanmoins qu’il y a un obstacle et que c’est un problème que nous devrons régler. Nous espérons que, grâce à l’amélioration continue de l’accès aux services à large bande, tous les Canadiens auront un accès égal à ces annonces.

Le sénateur R. Black : Merci. Le point essentiel de votre réponse réside dans l’amélioration des services à large bande dans les régions rurales.

J’ai une autre question, précisément pour vous. Votre ministère utilise-t-il l’analyse comparative entre les sexes dans son examen des nominations à la fonction publique fédérale? Si oui, je vous prie de nous donner quelques explications et un exemple.

M. Borbey : Nous avons recours à l’analyse comparative entre les sexes dans l’examen de nos programmes, nos initiatives, nos politiques et nos activités, mais pas en ce qui concerne les nominations individuelles. Encore une fois, je vous rappelle que les nominations sont faites par les ministères en vertu de notre instrument de délégation. Il est clair que les ministères ont la responsabilité, aux termes de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, de contrôler leurs résultats et la représentativité, y compris des sexes, à tous les niveaux. S’il y a des écarts, notamment au niveau des groupes et sous-groupes professionnels, ils doivent prendre des mesures pour améliorer la représentativité.

Par exemple, à la Commission de la fonction publique, nous suivons de très près le groupe EC parce que les femmes y étaient sous-représentées. Devant cette situation, nous avons pris des mesures en vue de combler l’écart et nous avons réussi à le faire. Encore une fois, il faut un certain temps, quelques années, pour établir un équilibre, mais nous prenons certainement cela très au sérieux.

Le sénateur R. Black : Merci beaucoup.

[Français]

La sénatrice Forest-Niesing : Ma question porte sur un enjeu dont on n’a pas parlé jusqu’à présent en ce qui a trait à cette section.

Le commissaire aux langues officielles, M. Raymond Théberge, a déposé en janvier 2021 un rapport intitulé (In)sécurité linguistique au travail – Sondage exploratoire sur les langues officielles auprès des fonctionnaires du gouvernement fédéral du Canada, portant particulièrement sur les régions canadiennes qui sont désignées bilingues aux fins de la langue de travail dans la fonction publique fédérale. Ce rapport révèle que de nombreux employés qui travaillent dans les régions désignées ressentent une insécurité linguistique.

Quels sont les effets des mesures proposées dans cette section sur la capacité des fonctionnaires fédéraux à communiquer dans la langue officielle de leur choix?

M. Yalkin : Merci de cette question. En fait, pour ce qui est de la section dont il est question, les modifications proposées à loi ne visent pas particulièrement l’amélioration de l’état de l’insécurité linguistique dans les régions désignées bilingues, mais je peux quand même en parler. Le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada concentre toute son attention sur ce dossier, parce que la création d’un environnement propice à l’utilisation des deux langues officielles pourrait mieux répondre aux objectifs de la Loi sur les langues officielles.

[Traduction]

L’insécurité linguistique est, en fait, l’une de nos grandes préoccupations, et il y a beaucoup de points sur lesquels nous collaborons avec le commissaire et d’autres partenaires.

Par exemple, il existe actuellement un groupe de travail interministériel sur l’insécurité linguistique qui prépare une série d’outils et de mesures de soutien que les ministères pourront utiliser pour tâcher de surmonter certains des obstacles existants, y compris l’idée d’un passeport linguistique au moyen duquel les fonctionnaires pourraient affirmer leur engagement envers leur langue seconde. Il y a aussi eu une série d’événements.

[Français]

Le Forum sur les bonnes pratiques en matière de langues officielles, par exemple, s’est concentré sur l’insécurité linguistique et les discussions entre les divers groupes de témoins et les causeries ont traité cet enjeu en profondeur. Les discussions se poursuivent.

C’est un sujet qui préoccupe beaucoup le président du Conseil du Trésor. C’est aussi un thème qui est au centre de la vision du projet de modernisation du gouvernement énoncé par Mme Joly. Merci de la question.

La sénatrice Forest-Niesing : J’ai une question supplémentaire.

La présidente : Sénatrice Forest-Niesing, M. Borbey voulait ajouter un commentaire à ce sujet.

La sénatrice Forest-Niesing : Oui, certainement.

M. Borbey : Je pense que vous seriez intéressée de savoir qu’à la Commission de la fonction publique du Canada, nous déployons beaucoup d’efforts pour créer des bassins de candidats bilingues partout au pays. Nous sommes toujours surpris de constater la disponibilité de candidats bilingues d’un bout à l’autre du pays, y compris une très bonne représentation parmi les groupes de l’équité. Selon les statistiques, l’année dernière, 30 % des candidats externes autochtones et 41 % des personnes en situation de handicap s’auto-identifiaient comme étant bilingues. Pour ce qui est des minorités visibles et des femmes, respectivement 41 % et 43 % des candidats s’auto-identifiaient comme bilingues.

Cela montre qu’on a des bassins de candidats qualifiés qui sont disponibles d’un bout à l’autre du pays. Cela est important surtout si le gouvernement veut améliorer la capacité de servir le public en région et la capacité de bien protéger les droits des employés à travailler et à être supervisés dans leur langue, quel que soit l’endroit où ils se trouvent au pays. Merci.

La présidente : Merci pour ce complément d’information. Il vous reste du temps, sénatrice Forest-Niesing.

La sénatrice Forest-Niesing : J’ai une toute petite sous-question. Merci pour les informations fournies sur cette question.

Plus précisément, en ce qui a trait à la section qui nous préoccupe aujourd’hui, si je comprends bien, vous envisagez d’élargir la définition des groupes qui sont en quête d’équité. J’aimerais savoir si vous considérez que les communautés de langue officielle en situation minoritaire font partie des groupes en quête d’équité. Est-ce qu'elles font partie de cette définition?

M. Yalkin : La réponse est non, parce que la définition est issue de la Loi canadienne sur les droits de la personne et les amendements font référence à cette définition. Donc, c’est cette définition qui est utilisée, ainsi que toutes les protections existantes pour les fonctionnaires qui sont énoncées dans la Loi sur les langues officielles.

J’imagine que le comité a peut-être déjà mené une étude là-dessus, mais le document de vision publié par le gouvernement contient plusieurs propositions administratives, comme le rehaussement des niveaux de bilinguisme pour les superviseurs afin que les employés français ou anglais dans les régions bilingues soient supervisés par quelqu’un ayant les compétences nécessaires pour superviser les personnes dans leur langue maternelle. De nombreuses propositions visent à favoriser l’acquisition des langues officielles dans l’ensemble de la fonction publique.

La sénatrice Forest-Niesing : Merci beaucoup.

La sénatrice Mégie : Merci aux témoins. Monsieur Borbey, j’ai entendu vos explications à la sénatrice Forest-Niesing concernant certains pourcentages de personnes qui s’identifient comme bilingues.

Cette identification fait partie des différents éléments de la diversité. Dans le même ordre d’idées, comme le but de la section 33 est de refléter la diversité de la population canadienne au sein de la fonction publique, avez-vous déjà mesuré les autres éléments de la diversité? Avez-vous des chiffres ou certains pourcentages qui vous permettent d’affirmer que la population canadienne a tant de personnes ou un certain pourcentage dans les différents éléments de la diversité? Avez-vous des chiffres?

M. Borbey : Nous avons certainement des chiffres et M. Yalkin pourrait en parler en ce qui concerne la représentation des groupes d’équité, les groupes qui sont officiellement représentés par les quatre groupes. Nous avons aussi de plus en plus de données sur les sous-groupes.

On a beaucoup entendu parler dernièrement du besoin de disposer de données désagrégées pour les citoyens, les candidats et les employés noirs. La commission a déployé des efforts pour améliorer ses connaissances et découvrir que des progrès dans certaines catégories peuvent masquer des enjeux qui existent pour un certain sous-groupe. C’est un domaine sur lequel on se penche.

Si on revient à la question des groupes de langue officielle en situation minoritaire, nous suivons aussi de très près la progression de l’emploi dans ces communautés. On s’est fixé des cibles de pourcentage d’embauche de gens issus de ces communautés, que ce soit des anglophones au Québec ou des francophones hors Québec.

Je suis heureux de souligner que nos résultats dépassent ces cibles sur le plan du recrutement annuel. C’est un peu normal parce que ces communautés n’ont pas de problèmes en matière de bilinguisme. La grande majorité des membres, voire même tous les membres de ces communautés, ont des habiletés dans la deuxième langue ou sont déjà bilingues. Il s’agit donc de bassins importants pour la fonction publique, particulièrement dans le cas du renouvellement de la fonction publique, compte tenu des départs à la retraite prévus et du besoin d’augmenter notre capacité dans les deux langues officielles.

La sénatrice Mégie : Je suis contente de vous entendre dire que vous suivez la progression, parce que c’était mon autre question, soit que vous suivez le progrès régulièrement jusqu’à l’atteinte de vos objectifs cibles. Est-ce que vous vous appuyez sur l’auto-identification des personnes?

M. Borbey : Oui, c’est un enjeu très important parce qu’on sait qu’il existe une stigmatisation et une certaine réticence à s’auto-identifier. Nous avons un processus d’auto-identification pour les candidats qui postulent dans la fonction publique. Lorsqu’ils sont embauchés, il y a un processus qui est sous la gouverne de nos collègues du Secrétariat du Conseil du Trésor et une mise à jour annuelle qui permet aux employés de s’auto-identifier comme faisant partie des groupes et des sous-groupes.

Bien entendu, on se sert de cette information pour être en mesure de suivre la progression lorsqu’on fait des études. Par exemple, on ne pourrait pas faire l’étude ou la vérification dont j’ai parlé tout à l’heure si on n’avait pas cette information qui permet de bien comprendre l’évolution relative aux processus d’emploi des groupes d’équité.

La sénatrice Mégie : Parfait. Merci beaucoup.

[Traduction]

La sénatrice Omidvar : J’ai une série de questions et, si mon temps de parole n’est pas suffisant, je serai heureuse de poursuivre au deuxième tour. Ma première question, qui s’adresse à M. Yalkin, porte sur la modification qui donnerait aux résidents permanents le même statut que les citoyens canadiens pour ce qui est des postes annoncés à l’externe. Je m’en réjouis parce qu’il s’agissait d’un obstacle important. Cependant, il y a un autre obstacle, et il est de taille. Il s’agit de l’exigence d’atteindre un certain niveau de bilinguisme officiel; je parle vraiment ici de la maîtrise du français.

Je crois comprendre qu’il y a des postes dans la fonction publique, dans certaines régions, pour lesquels on suspend l’exigence d’un certain niveau de bilinguisme, de sorte que les résidents permanents — les minorités visibles — peuvent poser leur candidature. Est-ce toujours le cas ou non?

M. Yalkin : Je vous remercie de la question. Pour chaque poste dans la fonction publique, le bilinguisme et le niveau de bilinguisme de la personne qui l’occupe sont déterminés — exigés, en fait, par l’article 91 de la Loi sur les langues officielles — objectivement par rapport aux fonctions associées au poste. Il n’y a pas de décision arbitraire quant à la désignation bilingue ou non bilingue d’un poste. Chaque fois qu’un poste est créé, toute exigence linguistique — notre norme de qualification définit les niveaux A, B et C pour la lecture, l’écriture et l'expression orale — doit être déterminée objectivement en fonction des fonctions du nouveau poste.

Le comité sera peut-être intéressé de savoir qu’environ 43 % des postes dans la fonction publique ont actuellement un profil bilingue, ce qui signifie qu’ils exigent un certain niveau de compétence dans les deux langues officielles.

La sénatrice Omidvar : Merci. Ce sont des renseignements très utiles.

Je pense qu’il y a une dizaine d’années — Je me trompe peut-être — le gouvernement du Canada, et en particulier IRCC, a reconnu les obstacles particuliers auxquels se heurtent les immigrants dans leur recherche d’emploi, notamment dans la fonction publique fédérale. Il a lancé un programme de stages rémunérés qui a été étendu à tous les ministères. Ce programme existe-t-il toujours ou est-il chose du passé?

M. Yalkin : Mes excuses, mais je ne peux répondre à cette question. Je ne connais pas ce programme, mais je serai heureux de me renseigner et de vous communiquer ce que j’aurai pu trouver, madame la sénatrice.

M. Borbey : Je peux répondre à cette question, si vous le voulez.

La sénatrice Omidvar : Allez-y, s’il vous plaît.

M. Borbey : IRCC administre un programme pour les nouveaux arrivants au Canada. Il s’agit du Programme fédéral de stage pour les nouveaux arrivants ou PFSNA, qui offre jusqu’à quatre mois de stages. Oui, il est toujours actif. En fait, nous espérons, à la suite du changement accordant la même préférence aux résidents permanents qu’aux citoyens canadiens, pouvoir élargir le programme.

La sénatrice Omidvar : Eh bien, ce serait une excellente nouvelle. Pouvez-vous également me dire combien de stagiaires réussissent à obtenir un emploi permanent, ou tout autre emploi, dans la fonction publique fédérale?

M. Borbey : Je n’ai pas cette information sous la main, mais je sais qu’IRCC la recueille. Nous pourrons donc nous renseigner et obtenir cette information pour vous à la suite de la réunion.

La sénatrice Omidvar : Merci. Je vous en serais reconnaissante.

J’aimerais savoir — et je m’adresse peut-être à vous deux, ou à tous les témoins ici présents — si la fonction publique fédérale utilise une technologie et des plateformes numériques pour repérer les situations de partialité. Il y a des plateformes numériques qui peuvent être appliquées à tous vos processus et qui vous en informeront, puisqu’elles sont capables, au moyen d’une formule, semble-t-il — je dois avouer ma nullité en matière de technologie —, d’extraire ce genre d’information. Il y a d’autres plateformes qui aident à déceler les préjugés fondés sur le nom, qui, nous le savons, sont encore répandus dans nos pratiques de recrutement. Malheureusement, les préjugés existent toujours. L’anonymisation des CV aide à surmonter en partie ces préjugés. Je sais que certaines de ces plateformes sont utilisées par les Forces armées canadiennes, où elles ont fait leurs preuves, particulièrement, je crois, pour ce qui est de la sélection, de la tenue d’entrevues et de l’embauche de candidats handicapés. Je sais qu’IRCC utilise d’autres plateformes. J’ai aussi entendu dire que le Conseil du Trésor utilise ces plateformes. Y a-t-il un réel effort pour évaluer certaines de ces plateformes et les intégrer dans l’appareil gouvernemental de la fonction publique du Canada?

M. Borbey : Je pourrais peut-être faire un commentaire à ce sujet, étant donné que nous avons une certaine expérience dans le domaine. Tout d’abord, je voudrais mentionner que nous avons réalisé un projet de recherche sur le recrutement anonyme. Il s’agissait d’un projet pilote que nous avons mené il y a environ trois ans. Nous serions heureux de vous en faire parvenir le rapport. En définitive, il n’a pas été possible de déterminer si l’anonymisation de l’information avait abouti à de meilleurs résultats, notamment dans le cas des minorités visibles. En fait, c’est une approche et un processus très lourds. Je les ai appelés les « CV de de fromage suisse », où tellement d’information devait être caviardée qu’il était difficile pour les gestionnaires de les utiliser.

Quant aux systèmes automatisés, nous avons travaillé avec l’un des ministères en vue de déterminer si l’intelligence artificielle pouvait être un outil efficace de dépistage et, en particulier, d’en faire l’essai de validité dans les cas de partialité. S’il est une chose pire que la partialité humaine, c’est la partialité machine, puisqu’elle est beaucoup plus difficile à corriger. Nous avons mené une expérience de concert avec ce ministère. En fin de compte, on a jugé que le processus de sélection était trop complexe pour y appliquer les techniques d’apprentissage automatique, puisque l’apprentissage automatique — l’intelligence artificielle — se prête bien aux questions à régler par oui ou par non, mais moins bien aux situations où il y a beaucoup de différents facteurs à évaluer.

Nous continuons de suivre d’autres expériences d’utilisation de l’intelligence artificielle, mais, encore une fois, nous voulons nous assurer de ne pas introduire une partialité machine alors même que nous tentons d’éliminer la partialité humaine.

La sénatrice Omidvar : Bien sûr. Cependant, je dirais que s’abstenir de les utiliser, c’est laisser passer une occasion. Nous savons que beaucoup des plus grandes sociétés canadiennes adoptent maintenant ces plateformes pour les aider à résoudre leurs problèmes de diversité, ce qui m’amène à conclure qu’il y a de bonnes choses que vous pourriez en tirer. J’espère que nous aurons l’occasion d’en discuter une autre fois.

Madame la présidente, puis-je poser une dernière question?

La présidente : Je vais vous inscrire au deuxième tour afin de donner à tous la possibilité de poser une question au premier tour.

La sénatrice Moodie : J’adresse ma question à M. Borbey, en fait à vous deux, si vous n’y voyez pas d’inconvénient, mais avant tout à M. Borbey.

Depuis de nombreuses années, des fonctionnaires noirs ont défini un certain nombre de changements qui, à leurs yeux, sont nécessaires pour promouvoir la diversité au sein de la fonction publique. Cela comprend des choses comme la formation efficace, le mentorat et les changements à apporter au processus de dotation. En fait, je dirais que le problème est à son point culminant. La fonction publique a mis une telle lenteur à s’adapter et à apporter de réels changements qu’un recours collectif, actuellement en instance, a été intenté contre le gouvernement fédéral par plus de 600 anciens fonctionnaires noirs qui allèguent avoir fait l’objet de discrimination dans leur milieu de travail. Ainsi, bien que vous reconnaissiez tous deux franchement qu’il y a beaucoup à améliorer à la fonction publique, il est clair que les changements se sont produits très lentement.

Qu’attendez-vous à la suite de la nouvelle loi? À quel rythme les fonctionnaires peuvent-ils s’attendre à voir des changements dans leur milieu de travail? En fait, jusqu’à présent, le processus de changement a été très lent. Qu’est-ce qui est nouveau, qu’est-ce qui est différent maintenant?

M. Borbey : Je peux peut-être répondre en disant que les modifications législatives seront utiles. J’ai essayé de mettre en lumière les aspects qui, selon moi, entraîneront des améliorations. Certaines prendront un certain temps. Par exemple, nous devrons examiner tous les différents outils d’évaluation. Il faudra un certain temps avant d’avoir des outils exempts de préjugés que nous pourrons ensuite déployer dans les ministères. Mais nous allons nous atteler à la tâche très sérieusement pour que cela se fasse le plus rapidement possible.

Nous devons examiner la question dans le contexte d’un ensemble plus vaste d’initiatives. C’est pourquoi j’ai mentionné plus tôt, quand il était question des constats de la vérification, que nous avions commencé à y donner suite. Nous offrons une formation obligatoire sur les préjugés inconscients. Nous nous dirigeons vers la diversification des jurys de sélection. Nous avons déjà donné de nouvelles directives et orientations aux ministères sur l’utilisation de critères de mérite inclusifs et sur la façon de bien cibler les sous-groupes dans les mesures de dotation lorsqu’il est nécessaire d’améliorer leur représentation. Nous travaillons avec des organismes comme le Caucus des employés fédéraux noirs ou CEFN pour voir quelles autres améliorations nous pourrions apporter pour accélérer le changement dont vous parlez.

M. Yalkin : Si je peux me le permettre, madame la présidente, je dirai que c’est une excellente question. Pour revenir sur quelques points que madame la sénatrice a pertinemment soulevés et sur les observations de M. Borbey, ces changements fondamentaux apportés au processus de dotation ne sont que l’un des éléments d’un vaste effort conjoint pour nous assurer non seulement d’améliorer ce processus, mais aussi de nous attaquer par d’autres moyens au racisme et à la discrimination. En voici trois bons exemples.

Le premier est le Programme de perfectionnement du leadership des cadres, qui est en fait un programme de la fonction publique ayant pour objet de former ses futurs directeurs. Dans ce programme, 50 % des places sont maintenant réservées aux trois groupes visés par la politique d’équité en matière d’emploi, soit les personnes handicapées, les Autochtones et les membres d’une minorité visible. Les femmes y étaient déjà bien représentées. Voilà un engagement qui a été pris.

Le deuxième est le programme Mentorat plus, qui est essentiellement un programme conjuguant mentorat et parrainage, donc de promotion active de ce qu’on appelle les protégés. Ceux-ci proviennent de divers groupes, comme les personnes handicapées et les personnes racialisées, et ils sont jumelés à un cadre supérieur, leur parrain, qui promeut activement leur mérite dans les cercles de direction et qui s’intéresse activement à leur travail. Nous avons mis en place beaucoup de mesures de soutien pour ce programme. Neuf ministères l’ont mis en œuvre et plus de 30 ministères s’apprêtent à le faire au cours des prochaines semaines ou des prochains mois.

Le dernier exemple est un projet à plus long terme qui est prévu dans le budget. Il s’agit d’un programme de perfectionnement en gestion. Il s’appliquerait expressément aux membres des groupes en quête d’équité et s’adresserait aux cadres intermédiaires désireux d’avancement, leur fournissant tous les outils et toutes les possibilités qui leur sont nécessaires, ainsi que la formation et l’exposition susceptibles d’accélérer leur cheminement de carrière dans la fonction publique.

Ce sont là des initiatives très importantes et très prometteuses. Il ne s’agit évidemment pas de mesures mandatées légalement, mais ce sont des outils d’une extrême importance à notre disposition pour régler certains des problèmes historiques que madame la sénatrice a soulevés.

La sénatrice Moodie : Pouvez-vous nous donner des éclaircissements sur ce que vous prévoyez être l’échéancier du processus relatif aux comités de sélection diversifiés dont vous faites état, monsieur Borbey. Quand cela sera-t-il mis en œuvre? Il semble que ce soit l’un des changements à apporter presque immédiatement pour améliorer les conditions de sélection des candidats. Si les dirigeants de la fonction publique sont principalement des personnes qui ne constituent pas un groupe diversifié ou qui n’appartiennent pas à un groupe visé par la politique d’équité en matière d’emploi, leurs filtres de sélection seront transmis aux personnes qu’ils choisiront. Pouvez-vous me donner une idée du moment où vous mettrez sur pied ces groupes?

M. Borbey : Nous y travaillons actuellement. Nous consultons les groupes en quête d’équité. Nous allons veiller à ce que cela fonctionne pour tout le monde. J’espère que nous ne finirons pas par demander toujours aux mêmes personnes de siéger aux comités de sélection simplement parce qu’elles sont noires ou qu’elles sont les seules en situation de handicap dans une organisation donnée.

Une des choses qui m’intéressent, par exemple, c’est de savoir s’il y aurait moyen de créer, à même les groupes visés par l’équité en matière d’emploi, des listes de cadres supérieurs bénévoles qui seraient mises à la disposition d’autres ministères, pour qu’on ne fasse pas toujours appel aux mêmes personnes. Voilà quelques-uns des problèmes que nous voulons régler avant d’aller plus loin.

Nous regardons aussi ce qui se fait dans d’autres administrations de par le monde qui ont mis en place des comités de sélection diversifiés, ou qui l’exigent, pour voir quelle leçon nous pouvons en tirer.

La sénatrice Moodie : Merci.

Le sénateur Kutcher : Merci de votre présence. Nous saluons vos initiatives visant à créer des milieux de travail plus diversifiés. Cependant, comme on pouvait lire récemment dans un article de la Harvard Business Review, « La diversité ne tient pas sans inclusion ». Pour savoir si le milieu de travail devient plus inclusif, il faut pouvoir le mesurer.

Ma question est triple. Comment allez-vous mesurer l’effet de vos interventions sur l’inclusion? Ensuite, parmi vos outils d’évaluation, recourez-vous à l’analyse des réseaux organisationnels pour mesurer l’inclusion? Enfin, quelles mesures de base de l’inclusion avez-vous effectuées jusqu’à maintenant et quel est votre plan de recherche pour l’avenir?

M. Yalkin : Madame la présidente, je serai heureux de répondre à cette question. C’est une très bonne question.

Nous voulons être sûrs que la diversité s’accroît dans nos organisations et que les gens ont des chances d’y réussir. Nous voulons être sûrs aussi que les organisations sont inclusives au point que chacun a le sentiment d’en faire partie. Soit dit en passant, c’est inhérent à certaines des initiatives dont j’ai parlé, comme le programme Mentorat plus, et c’est inhérent aussi aux engagements que nous avons pris avec, par exemple, les réseaux d’équité en matière d’emploi, les agents négociateurs, et cetera.

L’essentiel pour nous dans la fonction publique, c’est de savoir si l’inclusion progresse ou non; faisons-nous des progrès? Les nombreuses interventions que nous menons ont-elles toutes une incidence?

L’outil dont nous disposons pour le savoir est en fait le Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux. Il y a des questions qui jettent un éclairage sur l’inclusion. Les résultats les plus récents recueillis au cours des derniers mois devraient être publiés sous peu, si ce n’est déjà fait. Nous serions heureux de vous les communiquer dès qu’ils seront rendus publics, pour montrer les progrès de la fonction publique vers l’inclusion.

Le Secrétariat du Conseil du Trésor administre ce qu’on appelle le Cadre de responsabilisation de gestion, ou CRG. Le CRG comprend aussi des questions, qui portent souvent sur l'inclusion. Lors de la dernière ronde d’évaluations, une des questions portait justement sur l’existence des comités de sélection diversifiés et sur l’usage qu’on en fait. C’est un autre exemple de ce que nous faisons pour mesurer l’inclusion.

M. Borbey : Nous avons aussi d’autres moyens de mesurer les progrès, en plus, bien sûr, d’utiliser nos outils de vérification ou de mettre à jour annuellement des études comme celles des taux de promotion. Cependant, pour ce qui est de l’inclusion, je pourrais mentionner que nous faisons, tous les deux ans, un sondage auprès de tous les fonctionnaires pour connaître leur point de vue sur la dotation et sur la neutralité politique de la fonction publique. Nous venons tout juste d’en terminer un, où nous avions ajouté quelques questions pour mieux cerner l’opinion des groupes et des sous-groupes visés par l’équité en matière d’emploi sur la dotation, l’équité, la transparence et le mérite.

En conjuguant tout cela aux autres instruments dont M. Yalkin vous a donné des exemples, nous espérons bien avoir un meilleur aperçu des progrès.

Le sénateur Kutcher : Merci. Je m’interroge au sujet du recours à l’analyse des réseaux organisationnels. Les sondages sont intéressants et certainement utiles, et je suis ravi d’entendre que vous en faites, mais qu’en est-il de l’analyse des réseaux organisationnels, qui, à ma connaissance, est la norme d’excellence dans ce domaine?

M. Yalkin : Je dois avouer mon ignorance au sujet de l’analyse des réseaux organisationnels. Je ne suis pas familier avec cette méthode, je m’en excuse, mais je vous suis reconnaissant de me la signaler et je vais certainement y donner suite.

Le sénateur Kutcher : Merci beaucoup. Je comprends cela.

La sénatrice Dasko : Ce sont certainement des initiatives valables.

J’aimerais avoir des précisions d’ordre terminologique. Il est question de groupes en quête d’équité, mais bon nombre d’entre nous sont familiers avec le concept d’équité en matière d’emploi et avec les cibles que cela comprend ou que cela suppose. Pourriez-vous m’éclairer? Ces changements font-ils partie d’un programme d’équité en matière d’emploi? Est-ce qu’ils relèvent d’autre chose? Pourriez-vous m’expliquer la terminologie et me dire où cela se situe par rapport aux autres éléments?

Je n’ai pas beaucoup entendu l’expression « équité en matière d’emploi » aujourd’hui parce que nous parlons de processus qui concernent les groupes en quête d’équité, les qualifications, l’examen des candidatures, et cetera. Si quelqu’un pouvait démêler cela pour moi, ce serait ma question. Merci.

M. Yalkin : Je vous remercie de cette excellente question. La Loi sur l’équité en matière d’emploi établit, comme nous l’avons vu aujourd’hui, quatre groupes visés par l’équité en matière d’emploi, soit les femmes, les Autochtones, les personnes handicapées et les membres des minorités visibles.

Lorsqu’est venu le temps d’examiner les amendements qui sont à l’étude aujourd’hui, nous nous sommes demandé quels groupes devraient bénéficier de certaines des protections dont il est question ici aujourd’hui. Le conseil qu’on nous a donné, c’est qu’au lieu de nous en tenir aux quatre groupes énoncés par la Loi, il vaudrait peut-être mieux étendre ces protections au plus grand nombre, être plus inclusifs en fait. De plus, comme vous le savez peut-être, la Loi sur l’équité en matière d’emploi doit faire l’objet d’un examen approfondi, où les groupes mêmes qu’elle énumère pourraient être repensés.

Par conséquent, afin de mieux inclure, par exemple, les personnes LGBTQ2+ et d’éviter les pièges entourant les protections qui pourraient être accordées ou non à des sous-groupes dans le cadre de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, nous avons opté pour une nouvelle expression, « groupes en quête d’équité », qui tire sa définition des motifs de discrimination énoncés dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Je serais heureux de répéter ces motifs, mais je suis certain que les sénateurs les connaissent.

La sénatrice Dasko : C’est très utile. Merci.

La sénatrice Omidvar : J’aimerais dire à nos témoins que si nous allons aussi creux avec nos questions, c’est parce que nous voulons placer la barre très haut pour la fonction publique fédérale, car vous êtes le modèle que les autres vont suivre, et c’est ce que nous souhaitons ici.

Je veux revenir aux comités de recrutement et parler des préjugés inconscients. D’après ce que j’en sais, tout le monde a des préjugés inconscients et tout le monde est plus susceptible de favoriser le groupe de personnes qui leur ressemblent le plus, plutôt que d’exprimer inconsciemment ses préjugés. Est-ce que vous avez tenu compte de cela?

Je me demande si je me fais bien comprendre. Les préjugés inconscients nous poussent à favoriser les personnes qui sont comme nous, ce qui explique pourquoi j’ai déjà embauché des femmes de petite taille. Est-ce que vous avez tenu compte de cela quand vous avez lancé votre formation sur les préjugés inconscients? Et je suis heureuse d’apprendre qu’elle est obligatoire. Au Sénat, elle est facultative.

Michael Morin, directeur général, Direction des politiques et orientations stratégiques, Commission de la fonction publique du Canada : Nous avons reçu beaucoup de commentaires de différents groupes sur la nécessité d’avoir une formation sur les préjugés inconscients en recrutement de personnel, et nous avons monté le cours en étroite collaboration avec l’École de la fonction publique du Canada. Nous voulons en effet souligner les préjugés courants, les exposer au grand jour et donner des exemples pour que les gens y pensent lorsqu’ils font du recrutement. Cette formation sera non seulement obligatoire, mais aussi renforcée dans toutes les directives et les avis que nous donnons aux ministères.

La sénatrice Omidvar : Merci.

La présidente : Honorables sénateurs et sénatrices, je tiens à remercier nos témoins d’avoir bien voulu comparaître aujourd’hui.

[Français]

Merci beaucoup d’avoir été avec nous aujourd’hui et d’avoir répondu généreusement à nos questions. S’il y a quoi que ce soit que vous désirez ajouter ou si vous pensez à quelque chose plus tard, vous pouvez nous en faire part par écrit dans les prochains jours.

Nous continuons avec les deux derniers groupes de témoins de cette journée bien remplie.

Sans plus tarder, je vous présente les témoins du premier groupe qui vont nous parler de la section 32 qui, je le rappelle, modifie la Loi sur la sécurité de la vieillesse et vise à augmenter de 10 % la pension de la vieillesse payable aux personnes âgées de 75 ans et plus. De l’Association canadienne des individus retraités, nous accueillons M. Bill VanGorder, chef des opérations et chef des politiques, et du Réseau FADOQ, Mme Gisèle Tassé-Goodman, présidente.

Nous allons prendre quelques minutes pour entendre vos observations d’ouverture. Monsieur VanGorder, la parole est à vous.

[Traduction]

Bill VanGorder, chef des opérations et chef des politiques, Association canadienne des individus retraités : Merci beaucoup. Je vous salue de Halifax, où il fait un beau soleil aujourd’hui. Je tiens à vous remercier tous pour cette occasion de nous faire entendre au nom des centaines de milliers de Canadiens âgés qui font partie de CARP, l’acronyme de notre association.

Au cas où vous ne le sauriez pas, CARP est un organisme national, sans but lucratif et sans affiliation politique, qui compte 325 000 membres répartis dans toutes les provinces et les territoires du Canada. Nos membres sont pour la plupart des aînés à la retraite, instruits, à revenu moyen ou élevé, qui défendent avec nous les intérêts des Canadiens âgés appartenant à toutes les couches sociales et économiques.

La pandémie de COVID-19 a miné les fondements d’un vieillissement sain et heureux. Ce qu’un grand nombre de membres nous disent, mis à part les terribles conséquences humaines, c’est que les aînés ont été frappés par l’augmentation du coût de la vie, par des choses comme la surfacturation de l’épicerie, les frais de livraison, l’augmentation des frais de médicaments d’ordonnance, la perte de services gratuits, comme la buanderie ou les repas offerts dans les centres communautaires qui ont dû fermer leurs portes en raison des consignes de distanciation physique.

Dans un sondage pré-pandémie, la majorité de nos membres disaient déjà s’inquiéter beaucoup d’épuiser leur épargne de leur vivant. Avec les conséquences récentes de la COVID-19 sur l’économie, ces craintes sont plus réelles que jamais.

Bien entendu, notre exposé d’aujourd’hui porte sur la proposition d’augmenter de 10 % les pensions de la Sécurité de la vieillesse payables aux personnes âgées de 75 ans et plus, et sur le paiement unique de 500 $ aux personnes âgées de 75 ans et plus.

Les statistiques sont claires. Les Canadiens vivent plus longtemps que jamais. À 65 ans, il y a 72 % de chances qu’un des deux membres d’un couple vive jusqu’à 85 ans, 45 % de chances qu’il vive jusqu’à 90 ans et même 10 % de chances qu’il vive jusqu’à 100 ans. Cette longévité sans précédent a une incidence sur des programmes comme la Sécurité de la vieillesse. De plus, l’insécurité à la retraite est élevée chez les aînés. Nous voyons partout dans le monde des taux d’intérêt plus bas que jamais et des coûts d’investissement élevés.

Contrairement à d’autres pays, le Canada n’oblige pas les employeurs à verser des pensions à leurs employés. Cela signifie que la Sécurité de la vieillesse est essentielle pour garder les aînés à l’abri de la pauvreté.

CARP ne peut pas être en désaccord avec la bonne idée d’augmenter de 10 % la pension de la Sécurité de la vieillesse, mais je suis déçu de vous dire que les Canadiens âgés trouvent que le gouvernement fédéral en a fait bien peu pour les aider directement pendant la pandémie. Il y a eu de l’aide financière aux travailleurs, aux entreprises et aux institutions, mais très peu pour les aînés.

C’est vrai qu’il y a eu des programmes destinés aux aînés, mais à leurs yeux, tout ce qu’ils ont reçu directement, c’est 300 $ en juin dernier — 200 $ de plus s’ils étaient vraiment pauvres — et c’est tout. C’est ainsi qu’ils voient les choses.

D’après les très fortes réactions de nos membres et les résultats de nos sondages, les Canadiens âgés ne sont pas contents de l’aide financière que le gouvernement fédéral leur envoie ou leur promet.

Il y a énormément d’inquiétude et de frustration chez les 65 à 75 ans, parce qu’ils ne sont pas inclus dans l’augmentation de 10 % de la Sécurité de la vieillesse. Ils se sentent laissés pour compte et, de fait, ils le sont. Ils se demandent pourquoi on n’accorde pas simplement l’augmentation à toutes les personnes admissibles à partir de 65 ans. Ils remettent aussi en question le paiement de 500 $ versé en août, alors qu’il aurait été beaucoup plus utile d’offrir immédiatement à toutes les personnes de 65 ans et plus la pension majorée de 10 % au lieu d’attendre jusqu’en 2022.

Je vous remercie de me donner l’occasion de vous faire part des préoccupations de 325 000 Canadiens inquiets de leur sécurité financière.

[Français]

La présidente : Merci beaucoup. Nous allons maintenant écouter Mme Tassé-Goodman, avant de passer à la période de questions.

Gisèle Tassé-Goodman, présidente, Réseau FADOQ : Honorables sénateurs, je me nomme Gisèle Tassé-Goodman, je suis présidente du Réseau FADOQ. J’aimerais d’abord remercier les membres du comité pour cette invitation.

Le Réseau FADOQ est un regroupement de personnes qui compte plus de 550 000 membres. Dans chacune de nos représentations politiques, nous souhaitons contribuer à l’amélioration de la qualité de vie des aînés.

Au cours des dernières années, le gouvernement fédéral a posé des gestes positifs à l’égard des aînés.

Il était essentiel de maintenir à 65 ans l’âge d’admissibilité à la Sécurité de la vieillesse et au Supplément de revenu garanti. L’inscription automatique au Supplément de revenu garanti pour les personnes admissibles à ce programme était nécessaire.

La bonification des sommes octroyées par le Supplément de revenu garanti a également été bien accueillie, tout comme le rehaussement de l’exemption des gains du Supplément de revenu garanti est apprécié par de nombreux travailleurs d’expérience à faible revenu.

Ce sont des gestes que notre organisation a salués en temps opportun.

Toutefois, ce qui nous préoccupe aujourd’hui concerne le choix du gouvernement fédéral de rehausser de 10 % la pension de la Sécurité de la vieillesse pour les personnes âgées de 75 ans et plus seulement.

Bien que le premier ministre soit fidèle à son engagement de 2019, des milliers d’aînés de 65 à 74 ans ont encaissé durement les mesures annoncées dans le dernier budget fédéral.

Notre organisation recommande que la bonification de 10 % de la Sécurité de la vieillesse s’adresse à l’ensemble des personnes admissibles à cette prestation afin d’éviter de créer deux classes d’aînés.

Pour le Réseau FADOQ, il est clair que la précarité financière n’a pas d’âge.

De nombreuses personnes de 65 ans ont autant de difficulté à joindre les deux bouts que celles âgées de 75 ans.

À ce jour, une personne recevant seulement la prestation de la Sécurité de la vieillesse ainsi que le montant maximum provenant du Supplément de revenu garanti a un revenu annuel de 18 505 $. Une personne dans cette situation obtient des revenus annuels en dessous du seuil officiel de la pauvreté au Canada.

Dans le cadre de la Loi sur la réduction de la pauvreté, adoptée en 2019, le gouvernement canadien a choisi de retenir la mesure du panier de consommation comme seuil officiel de la pauvreté au Canada.

Pour 2021, les seuils de la mesure du panier de consommation évoluent entre 19 564 $ et 21 132 $ pour une personne seule, selon le lieu où elle habite. Il est inadmissible qu’une personne recevant seulement la pension de la Sécurité de la vieillesse ainsi que le Supplément de revenu garanti n’atteigne pas ces seuils.

Rappelons que la mesure du panier de consommation vise à établir le coût d’un panier de consommation de subsistance minimale, lequel permet de combler les besoins de base. Les personnes ayant des revenus équivalant à ces seuils ne vivent pas, elles survivent.

Par ailleurs, certains éléments essentiels au bien-être des ménages ne sont pas inclus dans le calcul de la mesure du panier de consommation.

C’est le cas de certains soins de santé non remboursés, tels que les soins dentaires, les soins pour les yeux ainsi que l’achat de médicaments. Rappelons que les personnes vieillissantes ont des dépenses courantes qui peuvent être plus importantes que celles d’autres groupes d’âge, en ce qui concerne, entre autres, l’achat de médicaments et de matériel d’appoint.

Pour le Réseau FADOQ, il est évident que les sommes octroyées par la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti doivent minimalement permettre de couvrir les soins de bases inclus dans la mesure du panier de consommation.

Comme point de départ, le gouvernement fédéral doit s’engager à bonifier de 10 % les prestations de la Sécurité de la vieillesse pour l’ensemble des aînés admissibles à ce programme, soit dès qu’ils atteignent 65 ans.

La bonification proposée doit être accessible à tous, sans discrimination en fonction de l’âge.

Le Réseau FADOQ estime que le gouvernement fédéral doit également bonifier de 50 $ le montant octroyé au moyen du Supplément de revenu garanti.

En combinant ces deux bonifications, une personne aînée recevant seulement la prestation de la Sécurité de la vieillesse ainsi que le Supplément de revenu garanti aura un revenu annuel légèrement au-dessus de la fourchette inférieure des seuils fixés par la mesure du panier de consommation.

Il s’agit, en d’autres mots, du strict minimum auquel les aînés du Québec et du Canada doivent s’attendre de la part de leur gouvernement.

J’aimerais remercier les membres du comité de nous avoir accueillis.

La présidente : Merci. Nous avons des questions pour vous, en commençant par la vice-présidente du comité, la sénatrice Bovey.

[Traduction]

La sénatrice Bovey : Je remercie nos deux témoins. Vos exposés ont été clairs et succincts, et je suis très heureuse de connaître vos positions. Comme vous le dites, les gens sont contents des mesures prises récemment en leur faveur, mais en réalité, comme on l’a vu aux audiences du comité de la Chambre des communes, c’est peut-être trop peu, trop tard, ou pas assez tôt si nous parlons du groupe des 65 ans et plus au lieu du groupe des 75 ans et plus.

J’aimerais savoir ce que vous pensez de l’incidence de la COVID sur les aînés. Nous connaissons tous des gens qui sont devenus des reclus au cours des 14 derniers mois parce qu’ils avaient peur de sortir. Monsieur VanGorder, vous parliez des centres communautaires qui n’étaient plus en mesure de leur fournir les repas. Ces personnes-là n’ont souvent pas de famille autour d’elles. Elles ne peuvent pas sortir. Beaucoup ne sont plus capables de conduire. Si elles ne sont pas dans un milieu où des bénévoles peuvent livrer leurs ordonnances, elles sont doublement isolées.

J’aimerais savoir ce que vous en pensez tous les deux : le gouvernement aurait-il dû se servir du Supplément de revenu garanti, le SRG, pour déterminer les paiements à verser, au lieu d’offrir ce paiement de 500 $ au titre de la Sécurité de la vieillesse, puis cette augmentation de 10 % pour les 75 ans et plus? Le SRG n’aurait-il pas été un meilleur guide pour prendre une décision?

Mon autre question est la suivante : vos organisations ont-elles été consultées lorsque ces décisions et ces politiques ont été discutées et mises en œuvre?

M. VanGorder : Pour commencer, l’isolement a été un énorme problème, et nous nous sommes concentrés, à juste titre, sur les terribles problèmes qui se sont produits dans les foyers de soins de longue durée. Cependant, il y a au Canada entre 90 à 95 % des personnes âgées qui vivent encore dans leur maison et leur quartier. Elles ont été encore plus affectées d’une certaine façon — en tout cas, par l’isolement —, non seulement parce qu’elles sont forcées de rester dans leur maison, mais aussi parce que leurs soutiens — les jeunes membres de la famille, les voisins et d’autres gens du milieu — ne peuvent pas venir les voir ou sont mal à l’aise de les côtoyer. Nous déplorons même le manque de moyens de communications, surtout dans les régions rurales, où il n’y a pas d’Internet haute vitesse, une de ces choses sur lesquelles vous et moi pouvons compter, comme nous le faisons aujourd’hui, pour venir à bout de ces problèmes.

Nous croyons chez CARP, et nos membres nous le disent, que l’isolement est un problème qui va durer. Bien après la fin espérée de cette pandémie, nous allons devoir nous occuper des problèmes causés par l’isolement, en particulier les problèmes de santé mentale. Une des choses que nous faisons, c’est d’essayer d’offrir aux aînés plus de services en santé mentale.

Pour répondre rapidement à votre autre question concernant d’autres façons de régler la question financière, nous n’avons pas été consultés. Bien entendu, comme d’habitude, nous avons présenté de nombreux mémoires au gouvernement sur ce qui devrait se produire selon nous, tant dans le budget que dans les programmes, et nous y avons réagi par la suite. Nous n’avons pas été consultés là-dessus. Nous avons été un peu surpris lorsque la proposition est arrivée, avec l’augmentation destinée aux 75 ans et plus, mais nous savons bien que ces questions financières sont complexes. Vous avez des tas d’employés qui sont experts à trouver le moyen le plus économique. Nous savons que l’aide dirigée n’est souvent pas aussi rentable que l’aide généralisée, qui ramène de l’argent au gouvernement sous forme d’impôts.

Ce que nous vous exposons aujourd’hui, c’est la réaction de ces personnes de 65 à 74 ans qui se demandent bien pourquoi elles sont laissées pour compte. Comme je l’ai souligné dans ma déclaration initiale, elles ont l’impression d’avoir été oubliées pendant tout ce temps. On leur a donné un peu d’argent en juin dernier, et maintenant on promet ceci, alors c’est tout ce qu’elles ont obtenu en fait d’aide du gouvernement.

La présidente : Madame Tassé-Goodman, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet et avez-vous été consultés?

[Français]

Mme Tassé-Goodman : Oui, nous avons été consultés et nous avons déposé plusieurs mémoires, dont au Comité sénatorial permanent des finances nationales. Nous avons eu maintes occasions de rencontrer la ministre des Aînés, Mme Schulte ainsi que son secrétaire parlementaire. Nous avons également rencontré le président du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada. Nous avons eu l’occasion à maintes reprises d’expliquer les besoins des aînés dans la communauté.

Cela dit, l’isolement a pesé lourdement sur les aînés, autant en ce qui a trait aux pertes cognitives qu’à la santé physique. Il y a encore des aînés qui sont isolés parce que l’accès aux visites est limité. Plusieurs aînés nous ont confié qu’ils n’avaient pas vu leurs enfants depuis près d’un an ou un an. C’est assez difficile pour eux, mais il est évident qu’il y a eu plusieurs coûts attribués à la pandémie, par exemple, la livraison des médicaments et de l’épicerie. Ils n’ont pas eu accès à leur cercle familial et à leurs cercles d’amis.

Aujourd’hui, comme disait notre collègue de CARP, la fragilité financière des aînés existe réellement avant 65 ans. On ne peut se leurrer. Les revenus alloués par la Sécurité de la vieillesse ainsi que le Supplément de revenu garanti sont sous le seuil de la mesure du panier de consommation et c’est ce qui constitue le seuil de pauvreté au Canada.

Lors des consultations, nous avions aussi demandé d’augmenter le Supplément de revenu garanti de 50 $ par mois, puisque les aînés peinent à joindre les deux bouts après le paiement du loyer et l’achat de leurs médicaments. Il y a eu des souffrances pendant la pandémie et celles-ci ont des répercussions encore aujourd’hui.

[Traduction]

Le sénateur R. Black : Monsieur VanGorder, merci beaucoup d’avoir rappelé les problèmes et les préoccupations qui s’ajoutent dans les régions rurales, éloignées et nordiques. Étant moi-même intéressé aux affaires rurales, j’aime bien vos propos et je vous en remercie.

D’après vous, l’augmentation de 10 % de la pension de la Sécurité de la vieillesse apporte-t-elle une aide suffisante aux aînés dans l’économie d’aujourd’hui? Je sais que vous avez déjà dit qu’il est injuste de l’accorder uniquement aux 75 ans et plus, mais est-ce une aide suffisante aux aînés dans l’économie d’aujourd’hui?

M. VanGorder : Merci, monsieur le sénateur. Non, ce n’est pas suffisant. Nous accusons du retard dans ce domaine depuis des années et nous avons besoin de faire du rattrapage à un moment donné. Comme ma collègue de la FADOQ l’a dit, nous ne faisons que garder les gens à un certain montant d’argent par année, qui porte ce vilain nom de seuil de pauvreté, un montant avec lequel on n’arrive pas à vivre. C’est artificiel et cela ne représente pas du tout ce qu’il en coûte vraiment pour vivre décemment de nos jours. Nous avons encore beaucoup de chemin à faire.

Le sénateur R. Black : Madame Tassé-Goodman, en votre qualité de présidente de la plus grande organisation de personnes âgées au Canada, vous reconnaissez que les aînés ont fait face à des défis de difficulté croissante lors de cette pandémie et qu’ils ont peut-être même assumé des coûts supplémentaires pendant cette période pour assurer leur sécurité.

Pouvez-vous nous dire quels sont les coûts importants? Je sais que vous avez parlé des dentistes, mais y a-t-il d’autres coûts importants qu’ont dû assumer vos membres au cours des 14 à 16 derniers mois, et est-ce que le versement unique des 500 $ cet été et l’augmentation de 10 % l’été prochain vont contribuer à régler ce problème financier?

[Français]

Mme Tassé-Goodman : Merci, sénateur Black. Je vous dirais que la précarité financière ne discrimine pas en raison de l’âge; c’est clair. On nous confie que certains aînés qui reçoivent la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti, qui gagnent 18 505 $ par année, comptent leurs médicaments à la fin du mois. Certains choisissent de sauter une journée, car ils peinent à payer leurs factures d’épicerie.

Il y a une injustice et on reçoit des centaines de messages d’incompréhension de la part des aînés qui ne comprennent pas pourquoi le gouvernement fédéral de M. Trudeau se limite à une augmentation de 10 % aux personnes de 75 ans, en plus de la bonification de 10 %. Nous ne sommes pas contre l’augmentation de 10 % des prestations pour les 75 ans et plus, mais celle-ci devrait aussi être accordée aux personnes de 65 ans et plus. Voilà la position du Réseau FADOQ.

La présidente : Merci pour cette réponse, madame Tassé-Goodman. Cela m’interpelle beaucoup, car il y a deux jours justement, quelqu’un m’a écrit au bureau pour me dire qu’en raison de cette section du budget, M. Trudeau crée deux classes d’aînés et effectivement, cette personne fait partie de la catégorie des personnes âgées de 65 à 74 ans. Vous nourrissez beaucoup cette réflexion à savoir si les coûts sont moins élevés pour cette catégorie d’âge. On continue avec nos questions.

La sénatrice Forest-Niesing : Je remercie les deux témoins d’être avec nous et de nous présenter si clairement leurs positions.

Ma première question s’adresse à Mme Tassé-Goodman. Dans un article publié dans La Presse, vous exprimiez une opinion à la suite du budget, plus particulièrement la colère et l’incompréhension des gens que vous représentez relativement aux deux catégories d’aînés créées par cette mesure.

Dans une réponse publiée aujourd’hui — et j’imagine que vous en avez pris connaissance —, la ministre Schulte tente de vous répondre en faisant référence à trois facteurs principaux : le coût de la vie a augmenté — et je vois difficilement comment cela s’applique plus particulièrement aux gens de 75 ans et plus; à cela s’ajoute le motif que les dépenses de soins de santé augmentent en raison de la maladie et de l’invalidité pour cette catégorie de personnes de 75 ans et plus; enfin, il y a le risque, chez un couple plus âgé, de perdre l’une des personnes et d’entraîner ainsi des difficultés financières.

Êtes-vous satisfaite de cette réponse? Et est-ce qu’il y a d’autres facteurs qui, selon vous, auraient dû être pris en compte?

Mme Tassé-Goodman : Merci pour votre question, elle est intéressante.

C’est une réalité : la détresse chez les aînés, qu’ils aient 65 ans ou 75 ans, c’est une situation qui est bien réelle. Il y a beaucoup plus de femmes qui risquent de se retrouver seules après 60 ou 65 ans. Plusieurs d’entre elles se retrouvent seules et certaines ont élevé leurs enfants seules et sont demeurées à la maison, elles n’ont pas de revenus de pension, ou elles sont allées sur le marché du travail un peu tard dans leur vie.

Par conséquent, certaines n’ont pas du tout de fonds de pension. Certaines sont restées à la maison pour élever leurs enfants et d’autres sont de proches aidantes aujourd’hui et vivent sans revenu tout en aidant leurs parents vieillissants. Ces personnes — que ce soit des hommes ou des femmes qui offrent ce soutien — s’appauvrissent malgré tout cela. Pensons au stationnement quand on se rend dans les centres pour visiter ses parents; il y a la nourriture et l’essence, il y a beaucoup de frais qui viennent se greffer à ce service.

J’ajouterais même qu’un aîné m’a rappelé que, lorsqu’il arrivait à la caisse du supermarché pour payer son épicerie, à cause de son revenu annuel de 18 505 $, il mettait ses mains dans ses poches et devait parfois enlever des produits de son panier d’épicerie. Vous savez, c’est inacceptable d’entendre des choses comme cela, parce qu’on parle aussi de produits de base.

C’est la même chose pour l’achat de lunettes. Certains aînés reçoivent la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti, mais n’ont pas les moyens d’aller chez l’optométriste pour s’acheter des lunettes prescrites; ils choisissent plutôt d’acheter des lunettes à la pharmacie, qui ne sont probablement pas adaptées à leur vue.

D’autres aînés ont des problèmes avec leurs pieds, ils ont de la difficulté à marcher, ils ont des callosités et toutes sortes d’autres maladies. Ils ne peuvent pas se permettre d’aller chez le podiatre parce que ce n’est pas couvert par le régime d’assurance-médicaments. C’est la même chose pour les soins dentaires : les aînés ne peuvent pas se permettre une visite chez le dentiste pour assurer leur hygiène dentaire.

Vous pouvez comprendre que c’est très pertinent, ce que l’on demande : une augmentation de 10 % accordée à toute personne de 65 ans et plus qui est bénéficiaire de la Sécurité de la vieillesse.

La sénatrice Forest-Niesing : Je vais adresser ma prochaine question à M. VanGorder.

[Traduction]

Merci beaucoup, monsieur VanGorder. J’ai oublié de remercier nos deux témoins, non seulement pour leurs témoignages d’aujourd’hui, mais aussi pour leur travail. C’est très important et très apprécié.

Monsieur VanGorder, j’aimerais savoir ce que vous pensez des différences très importantes constatées au sujet de certains frais. De façon générale, nous reconnaissons tous, je pense, que les coûts sont plus élevés, d’un océan à l’autre, et qu’ils concernent l’épicerie et les autres nécessités de la vie. L’hébergement dans les établissements de soins de longue durée, de SLD, au Québec est subventionné, et il est donc beaucoup moins coûteux dans cette province que dans les autres. En Ontario, par exemple, un établissement de SLD peut facilement facturer 5 000 $ par personne. Pensez-vous que cela doit être pris en considération lors de l’établissement des montants d’aide et de ce genre de mesures?

M. VanGorder : Excellente remarque. Merci d’avoir posé la question.

Le comité doit savoir que, lorsqu'il s'agit des attentes de CARP, l’association s’exprime au nom de ses membres. Nous les sondons régulièrement, et ce sont là les réponses qu’ils nous donnent. En réponse à votre question, ils nous disent essentiellement qu’il existe des inégalités dans les niveaux de soins de santé au pays. Le genre de soins de santé dont vous allez bénéficier dépend vraiment de votre lieu de résidence. Nous en sommes convaincus. Nos membres veulent recevoir le même niveau de soins de santé en Nouvelle-Écosse que lorsqu’ils habitaient, par exemple, en Ontario ou en Alberta. Or, cela devient de plus en plus difficile. Comme les communications s’améliorent, nos aînés suivent le mouvement et ils en apprennent davantage sur le fait que le gouvernement ne leur garantit pas les mêmes normes partout au pays.

Nous nous attendons à ce que le gouvernement fédéral joue un rôle plus important pour faire disparaître ces inégalités. Nous croyons qu’il devrait y avoir une stratégie nationale pour les aînés, et nous nous sommes engagés à ce que, si le gouvernement fédéral établit des normes nationales, nos membres de partout au pays, fassent pression auprès de leurs gouvernements provinciaux pour qu’ils emboîtent le pas et qu’ils ne permettent pas que les aînés soient ballottés dans le débat politique qui les empêche d'être heureux dans leurs vieux jours.

[Français]

La sénatrice Mégie : Merci aux témoins.

J’étais contente de voir que vous avez à peu près les mêmes réactions quant au choix du groupe d’âge; cela démontre quand même une certaine uniformité à travers le Canada.

Est-ce que vous connaissez le pourcentage des personnes faisant partie du groupe de personnes âgées de 65 à 74 ans qui ne bénéficieront pas de cette augmentation? Est-ce que ces personnes ont accès à d’autres services?

On nous a dit que les personnes de 75 ans et plus sont plus vulnérables, qu’elles ont plus de besoins. Cependant, je sais qu’entre 65 ans et 74 ans, certaines personnes sont vulnérables aussi, ou elles vont le devenir au fil du temps.

Alors, existe-t-il des services ou d’autres types de subventions dont elles pourraient bénéficier en attendant l’âge de 75 ans? Est-ce que cela existe au Canada, monsieur VanGorder?

[Traduction]

M. VanGorder : Je ne suis pas au courant de l’existence de programmes visant précisément ce groupe d’âge et qui permettraient de corriger la situation dans le cas des plus de 75 ans. Chez les personnes âgées, même à partir de 60 ans, on constate des cas de pauvreté et des besoins particuliers partout au pays.

L’un des problèmes tient à l’approche fragmentaire adoptée pour essayer de résoudre ces problèmes à coups d’ajustements. C’est pourquoi nous aimerions vraiment que le gouvernement adopte une vue d’ensemble de la façon de soutenir les aînés afin que nous n’aboutissions pas, comme ma collègue l’a dit, à un système à deux vitesses.

La réponse simple à votre question est non, il n’y a pas de programmes de compensation pour les plus âgés. Nous ne comprenons pas pourquoi l’âge a été fixé à 75 ans.

[Français]

La sénatrice Mégie : Je vais toucher au même domaine, mais en ce qui concerne les groupes de personnes; dans le groupe des 65 ans et plus, est-ce que vous avez des données sur les différentes catégories? Je dis « catégorie », mais sans vouloir être péjorative je pense aux femmes âgées, aux hommes âgés, aux personnes handicapées, aux Autochtones âgés, aux Noirs âgés. Connaissez-vous ces catégories qui pourraient servir dans le cadre du prochain mémoire à apporter au gouvernement? Cela pourrait peut-être permettre de faire ressortir certains besoins. Avez-vous ce type de données?

[Traduction]

M. VanGorder : Ma collègue en a mentionné un type en particulier. Nous savons que dans de nombreuses régions du pays, surtout dans les régions rurales, comme le sénateur Black l’a mentionné, plus de 30 % des femmes seules de plus de 60 ans vivent au seuil de la pauvreté ou sous le seuil de la pauvreté. C’est un groupe très précis qui continue de souffrir de ces inégalités dans le système de soutien.

[Français]

Mme Tassé-Goodman : Je voulais tout simplement ajouter un complément de réponse à ce que M. VanGorder vient de mentionner.

Effectivement, vous savez, il y a beaucoup de femmes qui vivent sous le seuil de la pauvreté. J’ai mentionné tantôt que plusieurs d’entre elles se retrouvaient veuves, donc avec des factures supplémentaires à payer après le décès de leur conjoint — que ce soit le loyer, l’électricité, le téléphone, etc. Vous voyez que les factures continuent d’arriver, mais la personne vit seule et souvent il s’agit d’une femme qui est proche aidante, qui vient en aide à ses parents vieillissants. Ce sont souvent les femmes qui écopent de ce manque à gagner.

La sénatrice Mégie : Merci.

La présidente : Merci beaucoup.

[Traduction]

Le sénateur Kutcher : Ma question s’adresse aux deux témoins. J’aimerais que nous passions de ce seuil de pauvreté hypothétique à une réalité un peu plus concrète.

Je ne suis pas mathématicien, mais d’après mes calculs, le SRG et la SV rapportent en moyenne 1 500 $ par mois à une personne seule, selon son revenu antérieur et le nombre d’années de cotisation. La Sécurité de la vieillesse représente probablement la plus petite partie de ce montant, ou à peu près.

Nous savons que plus de 80 % des Canadiens qui vivent dans des établissements de soins de longue durée ont plus de 75 ans. Selon les dernières données de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, il en coûte en moyenne 3 000 $ par mois pour vivre dans un tel établissement, et pour une personne souffrant de pertes de mémoire, il en coûte près de 5 000 $ par mois. Nous nous retrouvons donc avec un revenu de 1 500 $ par mois pour une dépense mensuelle de 5 000 $. Cela ressemble à un budget gouvernemental.

Dans quelle mesure l’augmentation de 10 % de la Sécurité de la vieillesse sera-t-elle utile pour nos citoyens les plus pauvres qui ont besoin de soins de longue durée?

M. VanGorder : Je vais répondre en premier, sénateur Kutcher. On parle d’une augmentation d’un peu plus de 60 $ par mois. Comme je l’ai dit en introduction, il n’y a rien de mal à verser plus d’argent aux plus vulnérables, mais il est certain que 60 $ par mois ne vont pas combler cet écart. Soit dit en passant, d’après mes chiffres, il en coûte près de 3 600 $ dans les établissements de soins de longue durée les moins chers. Les intéressés reçoivent donc environ la moitié de ce dont ils ont vraiment besoin.

Les gens dont nous parlons sont ceux qui n’ont pas d’économies, de pensions ou d’autres revenus. C’est pour cela qu’ils se battent.

Il doit y avoir une autre façon, meilleure que celle-ci, de les cibler. C’est pourquoi, comme je l’ai déjà dit, nous avons continué d’exhorter le gouvernement à adopter une stratégie globale pour les aînés afin que nous puissions nous attaquer à ces problèmes là où ils se présentent et ne pas nous contenter d’adopter des approches globales pour essayer de régler un problème quand nous ne nous concentrons pas sur les besoins réels comme vous l’avez souligné.

Le sénateur Kutcher : Merci.

[Français]

Mme Tassé-Goodman : Certainement. J’aimerais ajouter que la majorité des aînés choisissent de vieillir à la maison. Il faut savoir que les CHSLD, les centres de soins de longue durée sont des milieux de soins, pas nécessairement des milieux de vie. Vieillir à la maison est le choix de la majorité des aînés et c’est une façon aussi de contribuer à la mobilité, à la socialisation et au maintien dans son milieu, sa famille, son voisinage; c’est une sécurité aussi.

Si l’on revient à l’augmentation de 10 %, comme M. VanGorder le mentionnait, cela ne représente pas beaucoup d’argent à la fin de l’année, mais ces gens en ont grandement besoin. La Sécurité de la vieillesse procure 618 $ par mois et une personne seule qui reçoit le Supplément de revenu garanti a un revenu de 923 $ par mois. Grosso modo, 1 500 $ par mois, c’est très peu si l’on tient compte de toutes les dépenses qui peuvent se greffer; ce montant ne leur permet que de survivre, actuellement.

La présidente : Merci beaucoup pour ces précisions.

[Traduction]

La sénatrice Bovey : Encore une fois, je tiens à remercier nos deux témoins. Vous nous avez beaucoup aidés.

Vous avez parlé de la nécessité d’adopter une stratégie pour les aînés, alors je m’éloigne peut-être un peu du budget. Nous allons faire très vite.

Les Nations unies essaient de produire une convention sur les droits des personnes âgées, et c’est un projet auquel j’ai participé.

À votre avis, si cette convention était en place et si le Canada l’appuyait fermement — je crois savoir qu’il a pris des mesures pour l’appuyer au départ — pensez-vous que la situation serait différente aujourd’hui et qu’on ne parlerait pas de 500 $ et de 10 %, mais peut-être d’une stratégie plus vaste que vous avez évoquée? Si vous pouviez tous les deux répondre brièvement, j’aimerais connaître vos points de vue.

M. VanGorder : Je serai bref et je dirai d’abord « bonne question ». C’est certainement un projet que CARP appuie, même si nous nous demandons toujours dans quelle mesure les résolutions et les programmes des Nations unies ont une incidence sur la situation financière des gens, dans quelle mesure ils retiennent l’attention de notre gouvernement et l’amènent à accorder plus d’attention aux besoins des Canadiens les plus vulnérables.

[Français]

Mme Tassé-Goodman : C’est un point à considérer. Il est évident qu’il y aurait plusieurs consultations à mener à cet égard. Est-ce que cela changerait la donne? Possiblement, mais il est évident qu’on ne peut rester silencieux devant une telle initiative.

[Traduction]

La sénatrice Omidvar : J’ai manqué une demi-heure de la réunion, alors si ma question a déjà été posée, veuillez me le dire, car je ne veux faire perdre de temps à personne.

Ma question s’adresse aux deux témoins. Il s’agit, bien sûr, de trouver des façons d’assurer la stabilité financière de nos aînés, en plus des 10 % supplémentaires qui leur seront versés, comme c’est prévu. Parmi les solutions envisagées, on songe bien sûr à défiscaliser la SV ou à l’augmenter en fonction de l’indice des prix à la consommation. En avez-vous parlé? Avez-vous fait cette analyse? Est-ce que ce serait plus logique qu’une augmentation annuelle de 10 %? S’agirait-il d’une augmentation ponctuelle?

La présidente : Je vois que M. VanGorder sourit, alors je pense qu’il a quelques réflexions à ce sujet. Nous passerons ensuite à vous, madame Tassé-Goodman.

M. VanGorder : J’ai hésité parce qu’il me semble avoir devancé Mme Tassé-Goodman à plusieurs reprises; je veux lui donner l’occasion de répondre.

Il existe de nombreuses solutions de rechange et d’autres façons d’aborder la question dans son ensemble. Nous estimons que le gouvernement devrait prendre l’initiative. Chaque fois que nous faisons une suggestion sur le plan financier, les cerbères de la fiscalité gouvernementale nous disent que cela ne fonctionnera pas ou coûtera énormément d’argent. Donc, si le gouvernement convient que nous ne nous occupons pas de nos aînés les plus vulnérables aussi bien que nous le devrions, nous vous suggérons de demander à vos experts de proposer des solutions de rechange et de nous laisser ensuite en parler.

Non, nous n’avons pas les ressources techniques, à part quelques merveilleux bénévoles de partout au pays, pour trouver ce genre de solutions détaillées pour le gouvernement. Si je me trompe et si vous pensez que nous devrions le faire, c’est ce que nous ferons, alors dites-le-moi et nous nous exécuterons. Mais je crois vraiment qu’il revient à vos experts de proposer des solutions de rechange et des options.

[Français]

Mme Tassé-Goodman : Effectivement, je pense exactement la même chose. Le gouvernement a certainement des stratèges, ou accès à des spécialistes qui peuvent étudier la question d’une augmentation.

Lorsqu’un aîné reçoit le Supplément de revenu garanti et la Sécurité de la vieillesse, son revenu annuel est tellement minime qu’il n’a pas d’impôts à payer, finalement. Est-ce que le montant alloué devrait être exempté d’impôt? C’est une question sur laquelle des spécialistes devraient se pencher et je crois que le gouvernement peut faire ses devoirs, de son côté.

[Traduction]

La présidente : Merci. Avez-vous une autre question, sénatrice Omidvar?

La sénatrice Omidvar : Je regarde les notes d’information. Nous allons payer 4,4 milliards de dollars par an en plus du coût de base, qui est de 58,8 milliards de dollars. Ce n’est pas rien, c’est une somme énorme. J’ai cru comprendre en écoutant les deux témoins que nous devons examiner la question de la sécurité du revenu des personnes âgées de façon à tenir compte de plusieurs options.

Monsieur VanGorder, je dois vous dire que je suis une membre satisfaite de CARP, et je dirais que la défense des droits des citoyens fonctionne toujours.

[Français]

La sénatrice Forest-Niesing : Les témoins pourraient donner une réponse écrite à cette question. J’aimerais savoir si vous disposez de données indiquant le pourcentage de vos membres ou encore mieux, le pourcentage des aînés de partout au Canada dont la seule source de revenus est la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti.

La présidente : Est-ce que ces données existent, madame Tassé-Goodman? Si elles existent, est-ce qu’on pourrait les obtenir?

Mme Tassé-Goodman : Nous n’avons pas ce genre de données, parce que les membres ne vont pas nécessairement nous dévoiler qu’ils reçoivent le Supplément de revenu garanti. Par contre, le gouvernement fédéral a tous ces renseignements dans sa base de données. Je crois que le gouvernement pourrait certainement vous les fournir.

La présidente : Merci beaucoup. Effectivement, on posera certainement la question.

Je vous remercie, chers témoins, d’avoir été avec nous, pour vos réponses, mais aussi pour tout ce que vous faites pour nos aînés. Merci beaucoup pour votre contribution aujourd’hui, mais aussi chaque jour.

Nous accueillons maintenant les derniers témoins de la journée. Nous allons porter notre attention à la section 33 du projet de loi qui modifie la Loi sur l’emploi dans la fonction publique.

Sans plus tarder, je vous présente, de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, Debi Daviau, présidente; Isabelle Roy, avocate générale et chef des relations de travail; du Caucus des employés fédéraux noirs, Jean-Sibert Lapolice, chef de l’engagement stratégique et du partenariat; de l’Alliance de la fonction publique du Canada, Sharon DeSousa, vice-présidente exécutive nationale ainsi que Seema Lamba, agente des droits de la personne.

Pour prendre la parole aujourd’hui, j’invite tout d’abord Mme Daviau à faire sa présentation, suivie de M. Lapolice et de Mme DeSousa.

[Traduction]

Debi Daviau, présidente, Institut professionnel de la fonction publique du Canada : Bonsoir. Je suis la présidente de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, le syndicat qui représente quelque 60 000 professionnels principalement de la fonction publique fédérale partout au Canada.

Je vous remercie de nous avoir donné l’occasion de présenter notre point de vue aujourd’hui. Je suis accompagnée de notre avocate générale et chef des relations de travail, Me Isabelle Roy. Nous serons heureuses de répondre à toutes vos questions après notre présentation.

À propos de l’article 33 de la partie 4 du projet de loi C-30, nous estimons généralement que les changements proposés représentent une amélioration par rapport à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, la LEFP, parce qu’on reconnaît l’incidence des partis pris et des obstacles en matière de sélection et de promotion des candidats appartenant à des groupes en quête d’équité. Mais je pense qu’il est juste de dire que ces changements ne constituent qu’une petite partie de ce qu’il faut faire pour répondre aux préoccupations que les agents négociateurs ont récemment soulevées au sujet de la LEFP.

À la fin janvier, nous avons participé à une consultation du Comité mixte sur l’équité en matière d’emploi du Conseil national mixte. Plusieurs syndicats y étaient représentés, ainsi que la Commission de la fonction publique, le Bureau du dirigeant principal des ressources humaines, le Bureau du Conseil privé et le Centre sur la diversité et l’inclusion.

On nous a assurés que ce serait la première consultation, et non la dernière. Nous espérons que ce sera le cas, car un certain nombre de préoccupations ont alors été soulevées et j’aimerais les porter à votre attention aujourd’hui.

Premièrement, par les temps qui courent, nous n’avons pas beaucoup confiance dans les processus de dotation au fédéral. Nous craignons que les candidats qui se plaignent d’un processus de dotation ne fassent l’objet de représailles. Le mécanisme de recours est défaillant. Les recommandations de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral n’ont aucun effet sur les pratiques ministérielles. Il n’y a aucun moyen de surveiller la formation des administrateurs généraux délégués, les conseillers en ressources humaines ne fournissent pas de freins et contrepoids et ils prennent presque toujours le parti de la direction.

Deuxièmement, la délégation des pouvoirs de dotation du Conseil du Trésor et des gestionnaires de la fonction publique a contribué de façon marquée à entraver l’équité, la diversité et l’inclusion pour nos membres. La proportion de processus non annoncés a considérablement augmenté, passant de 29 % des nominations en 2016 à 60 % en 2020.

On constate un manque inhérent de transparence ou d’équité quant aux raisons pour lesquelles la fonction publique a recours à des processus non annoncés. Parce que les gestionnaires d’embauche appartiennent à un certain groupe démographique et qu’ils ont des préjugés, les processus non annoncés ne font qu’exclure davantage les membres de groupes en quête d’équité. La réponse la plus courante qu’un plaignant reçoit d’un gestionnaire d’embauche est « Je peux faire ce que je veux ». On ne lui fournit aucune justification valable et le gestionnaire ne fait preuve d’aucune ouverture quant aux raisons pour lesquelles sa candidature ne peut pas être prise en considération, outre qu’il n’y a aucune surveillance ni reddition de comptes.

Troisièmement, le système dresse les employés les uns contre les autres au lieu d’imposer une surveillance suffisante à l’administrateur général délégué et de le responsabiliser. On parle beaucoup de santé mentale et d’accessibilité pour les employés handicapés ainsi que d’amélioration de la représentation des Autochtones, mais il n’y a pas d’exigences systématiques pour contrer les préjugés à l’origine de la faible représentation constatée.

Quatrièmement, les sondages auprès des fonctionnaires reflètent le cynisme et la frustration des fonctionnaires fédéraux de tous les ministères à l’égard de la dotation des postes et de la façon dont les promotions sont accordées. Les critères de sélection incohérents sont courants; par exemple, l’augmentation ou la diminution des exigences relatives au niveau d’études au profit du candidat pressenti. Les bassins de candidats préqualifiés sont souvent ignorés.

Cinquièmement, le choix de la bonne personne est souvent invoqué pour exclure des candidats plus qualifiés. L’énoncé des critères de mérite est adapté de manière à restreindre le champ des possibilités et à favoriser le candidat préféré. Les zones de sélection n’ont aucune pertinence réelle, car elles ont souvent peu à voir avec les véritables exigences affichées, qui sont adaptées au seul secteur ou à la seule direction générale.

Enfin, les nominations intérimaires sont faites et prolongées, sans justification, au moyen de processus non annoncés. Les gestionnaires choisissent un candidat favori qui a l’avantage d’avoir de l’expérience et qui est éventuellement nommé dans le poste, ou alors ils nomment une série de candidats à des postes intérimaires pour un certain temps, puis ils leur refusent une nomination permanente pour des motifs discutables. Ils s’attendent souvent même à ce que ces employés forment le gagnant.

Il est clair qu’il faut prendre des mesures décisives et immédiates pour enfin créer, à la fonction publique fédérale, un milieu de travail qui soit le reflet des Canadiens et de leurs valeurs. Une réforme législative est nécessaire pour assurer une surveillance, une transparence et une reddition de comptes véritables dans les processus de dotation gouvernementaux. Nous devons nous assurer que les outils d’évaluation ou les techniques d’entrevue sont adaptés pour éliminer les préjugés. Il est recommandé d’offrir une formation spécifique aux chefs délégués afin de recenser les préjugés et de les contrer.

Dans certains milieux de travail, les préoccupations relatives à la protection des renseignements personnels sont parfois utilisées pour empêcher la divulgation de renseignements sur les salaires. Cela peut mener à des abus dans le cas de membres de groupes en quête d’équité. Les niveaux de salaire devraient être publiés.

Les exigences en matière de bilinguisme peuvent aussi, dans certains cas, devenir un obstacle pour certains de nos membres. La position non-interventionniste de la Commission de la fonction publique laisse entendre qu’elle hésite à assumer un rôle de surveillance nécessaire.

Conclusion : la représentation des groupes en quête d’équité dans le milieu de travail fédéral ne peut pas s’améliorer dans le contexte actuel. Il est grand temps d’arrêter de proposer des solutions temporaires à ce grave problème.

Merci de votre temps. Nous serons très heureuses de répondre à vos questions.

[Français]

La présidente : Monsieur Lapolice, nous allons poursuivre avec votre présentation d’introduction.

Jean-Sibert Lapolice, chef de l’engagement stratégique et du partenariat, Caucus des employés fédéraux noirs : Bonsoir, honorables sénateurs. Au nom du Caucus des employés fédéraux noirs (CEFN), je tiens à vous remercier de nous avoir invités à prendre la parole au sujet des changements proposés à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique.

Avant d’aller plus loin, j’aimerais reconnaître que, puisque je me trouve à Ottawa, je suis sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin Anishinabeg.

Honorables sénateurs, au Caucus des employés fédéraux noirs, nous avons été surpris et touchés par votre invitation.

C’est un honneur et un privilège pour moi de me présenter devant vous aujourd’hui, au nom des employés noirs fiers, compétents, engagés et déterminés à servir les Canadiens et leur pays, le Canada.

Le Caucus des employés fédéraux noirs, communément appelé CEFN, a été créé en 2017. Depuis sa création, le CEFN travaille en étroite collaboration avec les organismes centraux de la fonction publique, de hauts fonctionnaires, des dirigeants syndicaux, les réseaux de diversité et d’inclusion ainsi que le Caucus des parlementaires noirs. Cela dans le but de promouvoir les préoccupations des employés noirs et de soutenir les efforts au point de vue national, régional et local afin de répondre aux défis auxquels font face les fonctionnaires noirs en milieu de travail.

Pendant des décennies, les employés noirs devaient constamment faire face à la discrimination, au harcèlement, aux microagressions et au manque de possibilités d’avancement professionnel. Certains diront que c’est encore le cas aujourd’hui.

Le CEFN a été créé parce que le système et les mécanismes en place n’ont pas répondu aux besoins et aux attentes des employés noirs. Cela tant en matière de progression de carrière que sur le plan du bien-être en milieu de travail.

Cependant, nous sommes encouragés par nos discussions honnêtes et franches avec de hauts dirigeants de la fonction publique fédérale. Nous sommes également encouragés et optimistes par rapport à la volonté collective exprimée récemment au sein du système fédéral, tant du point de vue politique que bureaucratique, visant à lutter contre le racisme anti-Noirs.

Le récent appel à l’action du greffier du Bureau du Conseil privé, en faveur de la lutte contre le racisme, de l’équité et de l’inclusion dans la fonction publique, est un exemple qui nous fait croire à cette volonté.

Le CEFN a été consulté au sujet des changements proposés dans la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. Nous sommes conscients que beaucoup reste à faire pour éliminer le racisme anti-Noirs dans le système.

Cependant, nous considérons les changements proposés comme un pas dans la bonne direction. Ceux-ci donneront à la fonction publique fédérale les moyens pour cerner et éliminer les barrières systémiques auxquelles font face les employés noirs en matière de recrutement et de dotation.

Honorables sénateurs, nous comprenons que le Caucus des employés fédéraux noirs n’a pas de mandat ou d’autorité législative. Cependant, aussi longtemps qu’il n’y aura pas un secrétariat mandaté officiellement pour s’occuper des enjeux qui touchent les Noirs, le CEFN continuera à plaider la cause des employés noirs, en travaillant avec les institutions et les intervenants clés pour éradiquer le harcèlement et la discrimination en milieu de travail.

Au cours des dernières années, de nombreux employés noirs ont exprimé des préoccupations concernant les préjugés, les inégalités et les incohérences dans l’application des programmes de gestion du rendement et des talents dans la fonction publique. Il existe une perception que ce régime est parfois utilisé pour contrôler et punir les employés noirs, voire même pour empêcher la progression de leur carrière. Cela a un impact significatif sur la santé mentale des employés noirs. Le CEFN souhaite travailler avec le Secrétariat du Conseil du Trésor afin d’analyser la situation et d’apporter les correctifs nécessaires.

Je profite de cette occasion pour exprimer notre intérêt à l’égard du processus de modernisation de la Loi sur l’équité en matière d’emploi. Le CEFN sera heureux de participer, dans le futur, à d’autres conversations semblables, si vous le jugez approprié.

Finalement, au nom du CEFN, je tiens à vous remercier, honorables sénateurs, pour votre engagement, votre leadership et vos services. Grâce à votre travail, le Canada sera toujours un pays où il fait bon vivre!

Je vous remercie.

La présidente : Merci à vous. Nous poursuivons avec les remarques d’introduction de Mme DeSousa.

[Traduction]

Sharon DeSousa, vice-présidente exécutive nationale, Alliance de la Fonction publique du Canada : Merci. Je m’adresse à vous aujourd’hui de Toronto, qui se trouve sur le territoire traditionnel de nombreuses nations, dont les Mississaugas de Credit, les Anishnabeg, les Chippewa, les Haudenosaunee et les Wendat. Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de vous rencontrer.

L’Alliance de la Fonction publique du Canada représente plus de 120 000 travailleurs de la fonction publique fédérale visés par la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. Depuis des années, nos membres qui revendiquent l’équité estiment que le processus de dotation actuel n’est pas inclusif. Nous accueillons favorablement l’amendement proposé dans le préambule pour inclure le concept d’une fonction publique inclusive et la définition élargie de groupe en quête d’équité afin que soient visés tous les motifs de discrimination interdits dans la Loi canadienne sur les droits de la personne. De plus, l’AFPC appuie les modifications apportées à l’évaluation et à l’examen des normes de qualification et des méthodes d’évaluation, le recours aux vérifications et aux enquêtes et l’élargissement de la préférence en matière de citoyenneté pour ouvrir les recrutements externes aux résidents permanents.

Toutefois, ces initiatives ne règlent pas le problème systémique des pouvoirs discrétionnaires délégués aux gestionnaires d’embauche, qui ne sont souvent pas contrôlés. La Loi sur la modernisation de la fonction publique a transféré le pouvoir de dotation de la Commission de la fonction publique, ou CFP, aux administrateurs généraux pour qu’ils s’occupent de la dotation dans leur ministère. Les administrateurs généraux délèguent leurs pouvoirs de faire des nominations et de définir ce qu’il faut entendre par mérite aux paliers de gestion inférieurs ou aux gestionnaires de première ligne.

Les gestionnaires n’ont pas à embaucher le candidat le plus qualifié, mais plutôt le candidat qui, selon eux, convient le mieux au poste. Cela a créé un risque d’abus et touche de façon disproportionnée les membres des groupes en quête d’équité. L’orientation actuelle de l’initiative de dotation renforce le fait que la délégation aux niveaux inférieurs mène à des décisions de dotation arbitraires et à des apparences de favoritisme.

De 2019 à 2020, la commission a déterminé que 160 plaintes relevant de son mandat étaient liées à des erreurs, à des omissions, à une conduite inappropriée ou à des problèmes de définition du mérite en regard de la définition actuelle. De ce nombre, six ont été jugées fondées. Compte tenu de l’étendue des pouvoirs discrétionnaires accordés aux gestionnaires d’embauche, nous ne sommes pas convaincus que cette solution permette de remédier à la question du traitement injuste réservé aux groupes en quête d’équité. Nous ne savons pas non plus si les administrateurs généraux ont fait enquête sur un processus de nomination ou s’ils ont révoqué une nomination parce qu’il n’y a pas d’endroit central pour obtenir cette information, qui ne figure d’ailleurs pas dans le rapport annuel de la CFP. Un gestionnaire d’embauche peut décider de la meilleure personne en fonction du mérite individuel et n’a pas à annoncer le poste.

Les modifications actuelles ne traitent pas de cette question. La CFP sera en mesure de vérifier les processus de dotation pour déterminer s’il y a des obstacles, mais elle n’aidera pas ceux qui sont actuellement lésés dans le processus de dotation. La commission ne sera pas en mesure d’offrir des recours systémiques pour éliminer les obstacles et les préjugés constatés, surtout si le pouvoir a été délégué aux administrateurs généraux.

L’article 33 ne traite pas du problème que pose le manque d’uniformité des processus de recours entre les divers ministères. Le seul processus interne requis en vertu de la loi est une discussion informelle entre l’employé et le gestionnaire que celui-ci peut rejeter comme une simple formalité. Les décisions sont rarement renversées.

En conclusion, l’AFPC a plusieurs recommandations. La Commission devrait avoir le pouvoir d’exiger que les ministères disposent de mécanismes clairs et transparents et d’exiger des changements aux procédures et processus appliqués. La Commission doit s’assurer que les enquêteurs chargés de constater les préjugés et les obstacles possèdent l’expérience et les connaissances nécessaires. Il faudrait que la dotation fasse davantage l’objet d’une surveillance centralisée au niveau de la Commission afin de s’attaquer aux causes réelles du mécontentement que suscite la dotation ainsi qu’à la lenteur des processus. Le recours abusif aux pouvoirs discrétionnaires doit être réglé.

En fin de compte, les changements apportés à la LEFP sont insuffisants. Nos membres sont favorables au dépôt de plaintes en matière de dotation auprès de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral. Les modifications proposées dans le projet de loi ne s’attaquent pas à ce qui fait obstacle au processus de plainte de la Commission. D’importants changements législatifs s’imposent.

Je vous remercie d’avoir tenu compte de nos commentaires et de nos recommandations. Mme Lamba et moi-même serons heureuses de répondre à vos questions.

La présidente : Je remercie nos témoins de leurs déclarations liminaires. Nous allons tout de suite passer aux questions des sénateurs. Commençons par la sénatrice Bovey, qui est vice-présidente du comité.

La sénatrice Bovey : Merci à nos témoins. J’apprécie beaucoup les éclairages supplémentaires que vous avez apportés dans les documents que j’ai déjà consultés. Je dois dire, madame Daviau, que j’ai été surprise par les statistiques selon lesquelles le nombre de postes non annoncés serait passé de 29 % à 60 %. J’ai l’impression que vous nous dites toutes deux qu’il est heureux qu’on puisse constater ces problèmes de dotation et qu’il y ait des objectifs de lutte contre les préjugés, les obstacles systémiques et l’équité en matière d’emploi, le but étant d’améliorer tout cela.

Je veux savoir quels sont les effets réels de ces nominations non annoncées sur l’avancement, le perfectionnement professionnel et le bien-être des Canadiens marginalisés dans la fonction publique.

J’ai une question corollaire à ce sujet, puis je me tairai. Quand on songe aux critères d’embauche — et il nous est arrivé à tous d’embaucher des employés au fil des ans —, le poste et les critères de recrutement sont normalement décrits. Avant, il était régulièrement précisé : « Vous avez besoin de telle expérience et de tel niveau d’instruction ou l’équivalent. » Je ne vois pas autant de définitions d'équivalence dans les offres d'emploi qu'il y a 5 ou 10 ans.

Cela tient-il à l’incapacité de définir ce qu’est une équivalence par rapport à un niveau d’études ou à une expérience professionnelle? Mais surtout, quel est l’effet des nominations non annoncées sur les Canadiens marginalisés, surtout quand vous dites que ce genre de nominations a pris de l’ampleur en quatre ans?

Madame Daviau, vous pourriez peut-être commencer. En cours de route, d’autres pourront ajouter ce qu’ils jugeront nécessaires et qui n’aura pas été dit. Merci.

Mme Daviau : Nous n’avons jamais été des partisans du processus non annoncé, c’est certain. Quand la loi a été adoptée, nous y avons vu un moyen pour les gestionnaires de recourir au processus non annoncé chaque fois qu’ils n’avaient pas envie d’annoncer un poste. Il n’y avait pas vraiment de critères que les gestionnaires devaient respecter pour avoir accès à ce genre de processus. Pourquoi un gestionnaire n’utiliserait-il pas un processus qui ne l’oblige pas à se soumettre à des freins et contrepoids adéquats, qui ne l’oblige pas à comparer les candidats entre eux? Malheureusement, comme la majorité des gestionnaires d’embauche ne font pas partie des groupes en quête d’équité, et ils ont l’habitude d’embaucher des gens comme eux. Voilà l’impact, pour répondre à votre première question.

Je ne sais pas si Me Roy a quelque chose à ajouter à ce sujet ou en réponse à la deuxième question.

Me Isabelle Roy, avocate générale et chef des relations de travail, Institut professionnel de la fonction publique du Canada : Oui, en fait. Cela nous ramène peut-être à la deuxième partie de la question de l’honorable sénatrice concernant les exigences ou les critères qui sont évalués. Nous savons, statistiquement, que les nominations non annoncées sont un choix extrêmement populaire dans les cas de nominations intérimaires. Il arrive souvent que, pour obtenir une nomination, il faille démontrer une expérience que l’on ne peut acquérir qu’à la faveur de nominations intérimaires. Cela aggrave le problème, et les statistiques générales ne sont pas vraiment vérifiées, en ce qui concerne la sous-représentation des groupes en quête d’équité.

En l’absence d’une plus grande responsabilisation, d’une meilleure formation des gestionnaires et, en fait, d’une plus grande centralisation de ces processus, les gestionnaires délégués poursuivent les pratiques auxquelles ils se sont habitués au fil du temps.

La sénatrice Bovey : J’ai fait carrière dans le monde des organismes sans but lucratif et je peux vous dire qu’après avoir reçu un certain financement du gouvernement fédéral au cours de ces décennies, nous n’avons plus été autorisés à embaucher sans annoncer les postes. C’est un phénomène nouveau pour moi après toutes ces décennies. Je trouve qu’il est beaucoup plus facile de nommer des gens comme moi que d’autres qui pourraient mieux faire le travail. C’est ce que je pense. Est-ce que je me trompe?

Mme Daviau : Pour être juste envers les gestionnaires d’embauche, il faut dire qu’ils n’agissent pas intentionnellement. Au départ, ils ont accès à ce genre de processus parce que c’est plus rapide et que cela fonctionne mieux pour eux. Le résultat est le même à terme.

La sénatrice Bovey : Merci beaucoup.

La présidente : Sénateur Black, avez-vous une question?

Le sénateur R. Black : J’avais quelques questions à poser, mais les trois témoins y ont répondu dans leurs exposés. Je veux remercier nos témoins.

La sénatrice Omidvar : Merci à tous les témoins. C’est très difficile à entendre tout cela. Je crois que mes collègues croient, comme moi, que le gouvernement fédéral devrait être évalué selon des normes plus strictes afin que d’autres institutions puissent suivre. Nous sommes le gouvernement fédéral; nous devrions prendre l’initiative. Ce que vous me dites, c’est que le système semble obéir à des préjugés et fonctionner selon des processus qui entravent la quête d’équité. Cet amendement porte sur le processus. Nous cherchons le bon résultat, et l’un mène à l’autre.

Ma première question s’adresse à Mme Daviau et porte sur les postes non annoncés. La hausse du nombre de postes non annoncés nous amène à conclure que quelque chose cloche. Aimeriez-vous que l’amendement limite le nombre de postes non annoncés? Par exemple, le gouvernement fédéral ne devrait-il pas utiliser des postes non annoncés pour combler plus de, disons, 20 % des postes vacants? Est-ce que cela répondrait à vos préoccupations?

Mme Daviau : Certes, un plafond aiderait, mais il serait difficile de fixer une limite sans être arbitraire. Plus important encore, il doit y avoir un ensemble de critères officiels — un ensemble de critères beaucoup plus rigoureux — auxquels les gestionnaires doivent répondre, sous la supervision de la Commission de la fonction publique. Les gestionnaires devraient être tenus de répondre à ces exigences pour se prévaloir de ce mode d’embauche.

La sénatrice Omidvar : Devrait-il y avoir des conséquences s’ils ne le faisaient pas? Parce que nous savons tous comment les systèmes fonctionnent.

Mme Daviau : La Commission de la fonction publique dispose probablement des pouvoirs nécessaires pour empêcher l’application de ces mesures de dotation en partant parce qu’elle doit s’acquitter de sa partie du processus. C’est vraiment le seul endroit où une surveillance peut s’exercer. Malheureusement, soit elle ne dispose pas des pouvoirs appropriés, soit elle n’exerce pas tous ces pouvoirs dans le cadre de ces processus.

La sénatrice Omidvar : Selon vous, quel est le facteur qui a contribué à cette augmentation incroyable du nombre de postes non annoncés? Qu’est-ce qui a changé au cours des quatre dernières années pour que nous en arrivions là?

Mme Daviau : La capacité de doter les postes de cette façon est relativement récente. Je suis désolée de ne pas avoir la date exacte, mais cette formule n’existe pas depuis très longtemps. Nous l’avons vu gagner du terrain sans cesse depuis qu’on a déclaré que c’était une façon possible de doter les postes. Ce qui joue surtout chez les gestionnaires, c’est que cette façon de faire est plus facile et plus rapide. Ils peuvent contourner tous les processus et tous les freins et contrepoids qui sont en place pour s’assurer que la dotation est équitable, qu’il n’y a pas de fraternisation, de favoritisme ou de création d’obstacles systémiques pour les groupes d’équité.

La sénatrice Omidvar : Pensez-vous qu’il faudrait rajouter des processus, des critères et d’autres examens avant qu’il soit possible de combler un poste sans l’annoncer?

Mme Daviau : Bonne réponse. Nous avons besoin de plus de règles, de plus de critères, d’un processus mieux défini et d’une surveillance accrue de ce processus.

La sénatrice Omidvar : Je vous en remercie.

La présidente : Madame DeSousa, voulez-vous ajouter quelque chose, si cela vous convient, sénatrice Omidvar?

Mme Daviau : En tant que personne de couleur qui vient de la fonction publique, Mme DeSousa a certainement beaucoup à apporter à ce sujet.

Mme DeSousa : Oui, j’aimerais ajouter quelques points. La question précédente portait sur les conséquences. Pour acquérir de l’expérience dans la fonction publique fédérale, qui intervient dans tout avancement, il faut avoir la possibilité d’aller chercher cette expérience. Ces nominations de moins de quatre mois privent la clientèle actuelle de la fonction publique fédérale d’occasions d’acquérir de l’expérience et de postuler à des emplois permanents. Si vous regardez les statistiques sur l’équité en matière d’emploi qui viennent d’être publiées, vous verrez qu’elles pointent dans le sens d’un manque de représentation. Pourquoi en est-il ainsi? Si vous n’en avez pas la possibilité, comment présenter une demande et respecter les critères?

Dans un autre ordre d’idées, je veux simplement souligner que cela a aussi une incidence sur la sécurité économique de l’employé et de sa famille, en ce sens que la personne gagne moins. Quand ces gens-là prennent leur retraite, leur pension est moindre. Quand on parle de pauvreté, on parle d’un cycle de pauvreté qui rend impossible pour la personne et sa famille de briser un plafond économique à cause de ce qui est un obstacle systémique.

Je voulais simplement souligner une chose. Quand on examine les processus en place, il ne s’agit pas seulement de l’approche adoptée pour les embauches. Ce n’est pas une question de mérite. Cela touche à la responsabilité du perfectionnement de la personne, et il s’agit aussi d’examiner les freins et contrepoids et de savoir qui fait cela, parce qu’à l’heure actuelle, avec les changements apportés à la Loi sur la modernisation de la fonction publique, il n’y a que deux motifs de plainte en matière de dotation — les langues officielles et l’abus de pouvoir — qui sont difficiles à contester. Souvent, la médiation permet de régler le problème, mais elle n’aide pas nos membres qui cherchent à faire carrière dans la fonction publique fédérale.

La sénatrice Omidvar : Je vous remercie d’avoir souligné la question de l’égalité des chances. C’est un point important.

Madame DeSousa, je crois vous avoir entendue dire qu’une partie du problème serait dû au fait que le pouvoir d’embauche est délégué aux gestionnaires hiérarchiques. Il ne s’agit donc pas d’un système centralisé de dotation qui, non seulement satisferait la hiérarchie, mais qui, de plus, répondrait à l’ensemble des besoins. Aimeriez-vous voir un modèle de dotation centralisé où l’embauche serait centralisée, où l’on répondrait aux besoins de l’ensemble de la fonction publique et aux besoins de chaque gestionnaire d’embauche? Si ce n’est que ce ne sont pas les seuls besoins en jeu. Est-ce quelque chose que vous suggérez?

Mme DeSousa : D’après votre description, sénatrice, je suis d’accord. Nous avons besoin d’un organisme centralisé, mais nous avons aussi besoin d’un organisme de surveillance. Quand on prend chaque ministère individuellement, on se rend compte que les pouvoirs de dotation de chacun et les initiatives entreprises perpétuent les préjugés. Chaque ministère perpétue l’exclusion des membres en quête d’équité qui font déjà partie de la fonction publique fédérale, et c’est pourquoi nous avons besoin d’un organisme de surveillance ayant non seulement la capacité de mener des enquêtes, mais aussi de tenir les ministères responsables, parce qu’il y a des ministères, par exemple, ou l’on ne trouve aucun membre de groupes racialisés dans l’équipe de gestion. Ce n’est pas acceptable en 2021, sans parler des personnes qui s’identifient comme handicapées ou Autochtones. C’est extrêmement difficile.

Comment parvenir à créer un système juste et équitable, assorti de mécanismes de reddition de comptes et de pouvoirs? Parce qu’il ne suffit pas de cocher ces cases et de tourner la page, de dire : « D’accord, vous n’avez pas très bien réussi, alors faites mieux la prochaine fois. » C’est inacceptable. Les groupes en quête d’équité en ont assez, et ils veulent voir de véritables changements dans cette loi.

La sénatrice Omidvar : Donc, un organisme de surveillance indépendant ou interne? J’aimerais avoir des précisions à ce sujet.

Mme DeSousa : Je dirais qu’il devrait être indépendant.

La sénatrice Omidvar : D’accord. Merci.

La présidente : Merci. Monsieur Lapolice?

[Français]

Est-ce que vous vouliez ajouter quelque chose sur le sujet?

M. Lapolice : Rapidement, j’aimerais simplement ajouter que les employés noirs de la fonction publique, en particulier, ne bénéficient pas des processus non annoncés, et je suis très heureux d’entendre que les syndicats soulèvent cette préoccupation.

Pour notre part, étant donné que maintenant, il y a un écart énorme, nous encourageons des processus assez ciblés pour essayer de rattraper le temps perdu. Je sais qu’on ne va pas rattraper le temps perdu, mais c’est simplement pour dire qu’en général, les minorités et les groupes d’équité ne bénéficient pas de ces processus non annoncés.

La présidente : Monsieur Lapolice, merci beaucoup de cette précision.

La sénatrice Mégie : Merci aux témoins. Ce matin, j’ai entendu un témoin nous dire que le gouvernement se penchait déjà sur la mesure de la diversité au sein de la fonction publique et qu’il se mettait activement en action pour trouver les cibles et essayer de les atteindre. Pour ma part, j’étais bien contente d’entendre cela, sauf qu’en vous écoutant cet après-midi, je suis vraiment étonnée.

Monsieur Lapolice, est-ce que vous et vos collègues avez déjà ressenti les effets de ce que je viens de dire dans votre milieu de travail? Je pourrais aussi poser la question à Mme Daviau. Avez-vous une idée de ce qui se passe vraiment sur le terrain? Est-ce que les employés ressentent cet effort déployé par le gouvernement?

M. Lapolice : Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question. Rapidement, et personnellement, je crois que le CEFN ressent un mouvement et une volonté.

Comme je l’ai mentionné dans mon allocution, nous sommes encouragés par ce qu’on observe de la part de la haute direction de la fonction publique, tant au niveau de la bureaucratie qu’au niveau politique. Je sais que dans le budget, il y a des annonces d’investissements, et on encourage Statistique Canada à entreprendre des recherches et à faire la collecte et l’analyse des données sur l’équité. Pour le CEFN, c’est un domaine dans lequel on a beaucoup insisté, pour avoir ce qu’on appelle les données désagrégées. Il y a beaucoup de mouvement en ce sens. Il y a une ouverture de la part de ce que j’appelle « le système » pour encourager le dialogue.

Actuellement, au sein de la fonction publique fédérale, dans l’ensemble des ministères, on autorise les employés noirs à se réunir et à discuter entre eux. Honnêtement, c’est quelque chose que j’apprécie beaucoup. Cela fait 20 ans que je travaille dans la fonction publique et au début de ma carrière, je me souviens qu’il était mal vu que deux ou trois personnes noires s’assoient ensemble pour discuter. Du coup, on croyait qu’il y avait un complot. On ne pouvait pas se rencontrer pour discuter.

Cependant, aujourd’hui, dans l’ensemble de la fonction publique, il y a des conversations. Par exemple, le CEFN discute assez souvent avec le Bureau du Conseil privé, le Secrétariat du Conseil du Trésor et la Commission de la fonction publique du Canada. Vraiment, je sens un renouveau en ce sens.

Récemment, le greffier du Bureau du Conseil privé a publié un document intitulé Appel à l’action en faveur de la lutte contre le racisme, de l’équité et de l’inclusion. Il s’agit pour moi d’un document extraordinaire. Si sa volonté est vraiment d’aller de l’avant, l’ensemble de la fonction publique devrait s’en inspirer.

Bref, honnêtement, il y a une démarche, une ouverture dans le système qu’on n’avait pas vue depuis longtemps, et c’est ce qui nous donne l’espoir que les prochaines années seront meilleures.

La sénatrice Mégie : Madame Daviau, êtes-vous en mesure de me répondre à ce sujet?

Mme Daviau : Oui, merci de la question, sénatrice. Je vais demander à Me Isabelle Roy de répondre.

Me Roy : Merci. L’Institut professionnel de la fonction publique du Canada est d’accord avec le fait qu’actuellement, nous sommes en mesure de constater une amélioration importante par rapport à l’intention du gouvernement. Les mesures qui sont prévues dans le projet de loi actuellement à l’étude en font preuve. Sans aucun doute, il y a un signe de progression dans ce projet de loi.

De notre côté, la difficulté vient de l’ensemble du système qui sous-tend les mesures contenues dans le projet de loi. On parle d’un système de dotation qui manque vraiment de mordant. La Commission de la fonction publique du Canada a une certaine autorité, mais à notre avis, elle n’est pas vraiment en mesure d’entreprendre des démarches et d’appliquer des sanctions qui font en sorte qu’un réel changement sera possible. Il en va de même pour la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral, qui a une compétence extrêmement limitée par rapport aux exercices de dotation.

Ma collègue Mme DeSousa parlait tout à l’heure des nominations intérimaires pour des périodes qui n’excèdent pas quatre mois. Ces processus sont complètement à l’écart de tout examen par une tierce partie. Il n’existe effectivement aucun recours pour de telles mesures de dotation.

Ce sont des éléments systémiques comme ceux-là qui font que nous nous questionnons sur l’effet des mesures législatives qui sont dans ce projet de loi. Ce n’est pas l’intention du tout qui nous préoccupe. Il s’agit plutôt d’éléments qui ne recevront peut-être pas l’appui d’un système assez fort pour amener de véritables changements.

La sénatrice Mégie : Je ne sais pas qui peut répondre à ma question. Dans les discussions qu’on a entendues, on a proposé qu’un curriculum vitæ (CV) anonyme pourrait aider quand on fait le choix ou le tri des personnes à convoquer lors de la dotation.

Étant donné que dans un CV, il n’y a pas seulement le nom de famille, mais aussi d’autres informations telles que le pays où vous avez fait vos études, d’après vous, est-ce qu’un CV anonyme serait un moyen de contourner ou de faciliter la dotation des immigrants ou d’autres personnes dans le groupe en quête d’équité?

La présidente : Madame Daviau, vous voulez prendre la parole à ce sujet?

[Traduction]

Mme Daviau : Oui, sénatrice, merci de m’en donner l’occasion.

Nous avons travaillé avec le gouvernement à la formulation de 42 recommandations très réalisables, et l’une d’entre elles concernait la tenue d’un projet pilote d’embauche à l’aveugle; c’est la seule des 42 recommandations qui, selon moi, a été directement mise en œuvre. Un projet pilote d’embauche a donc été mené à l’aveugle, et les résultats obtenus n’ont malheureusement pas pointé dans le sens d’une amélioration de l’embauche des groupes visés par l’équité en matière d’emploi. Je ne m’y oppose pas, mais je ne suis pas certaine que ce soit la solution pour assurer un recrutement équitable. Je pense qu’il s’agit davantage de s’assurer que les processus sont annoncés et que le processus soit suivi.

La présidente : Merci, madame Daviau.

Le sénateur Kutcher : Merci à tous les témoins de cet après-midi. Tout cela est très instructif, très préoccupant, et nous vous entendons.

Je commencerai par citer un de mes philosophes préférés, Yogi Berra des Yankees de New York, qui a dit que si l’on ne sait pas où l’on va, on risque d’aboutir quelque part ailleurs. Cela me dit qu’il y a un plan d’action et qu’il est nécessaire d’en mesurer les résultats.

J’ai deux questions. Premièrement, quels sont les cinq éléments essentiels de votre plan d’action? Nous avons entendu parler d’un organisme de surveillance indépendant; je suppose que c’en est un.

Deuxièmement, il faut pouvoir, au fil du temps, appliquer des mesures valides et fiables de l’inclusion en milieu de travail afin de déterminer s’il y a un changement positif et à quel rythme celui-ci se produit. Quelles mesures allez-vous prendre à cette fin et quelle est votre stratégie pour les appliquer?

Seema Lamba, agente des droits de la personne, Alliance de la Fonction publique du Canada : Je ne sais pas si je vais vous trouver cinq mesures, mais je peux vous citer les principales.

Si les postes non annoncés sont si utilisés c’est notamment parce que la définition du mérite a été changée après 2003 dans la Loi sur la modernisation de la fonction publique. Avant cela, les gens étaient embauchés au mérite relatif. Ils devaient participer à un concours et suivre un processus. C’est à partir du moment où la définition du mérite a été changée et que la loi a été modifiée pour permettre qu’il n’y ait plus de concours, qu’on a vu fleurir les postes non annoncés, et que les gestionnaires ont commencé à trouver cette méthode utile et rapide. La définition du mérite doit donc être réexaminée.

Il y a aussi les véritables recours. Le changement législatif donne à penser que les enquêtes de la CFP et des administrateurs généraux comprendront des enquêtes concernant des préjugés ou des obstacles dans le cas des groupes en quête d’équité. Mais voici le problème : lors de la préparation en vue de notre audience, nous avons demandé qui avait recours au processus d’enquête. D’après ce que nous avons constaté, peu de nos membres l’utilisent parce qu’il est inefficace. La Commission de la fonction publique ne fait pas vraiment enquête. Il faut beaucoup de preuves, et si l’enquête est infructueuse, le processus prévoit un contrôle judiciaire. Les administrateurs généraux ont un parti pris pour les processus en place, de sorte qu’ils ont tendance à ne pas vouloir enquêter. C’est ce que nous avons entendu, et pourtant ce changement est apporté à la loi pour permettre à plus de gens de le faire.

Voici la question que j’ai posée à la Commission de la fonction publique : si la procédure n’est pas efficace à l’heure actuelle, pourquoi pensez-vous qu’elle le sera si l’on permet que les enquêtes s’attaquent aux préjugés et aux obstacles? Il faut s’attaquer au problème. Nous avons besoin de mécanismes de recours efficaces si la dotation n’a pas lieu, que ce soit par l’entremise de la Commission de la fonction publique, de discussions informelles ou d’enquêtes de l’administrateur général, de processus et de changements à la Commission des relations de travail. Ce processus arrive à point nommé. Un plaignant n’a pas beaucoup de temps pour déposer une plainte, et du temps, il en faut. L’enquête intervient après coup et il y a peu de moyens de faire la preuve de discrimination. On a déjà mentionné qu’il y a très peu de motifs. Il faut mettre en place un véritable mécanisme de recours pour examiner les obstacles. Je ne pense pas que cela se soit produit ici.

Voilà deux des plus importantes mesures auxquelles je peux penser maintenant. Évidemment, nous avons aussi parlé de centralisation, mais il faut tenir compte des pouvoirs discrétionnaires des gestionnaires. Il faut changer les choses. Nos membres nous ont répété à maintes reprises que les gestionnaires peuvent choisir de ne pas annoncer un poste ou de sélectionner le candidat qu’ils veulent. Ils peuvent changer les qualifications exigées, à leur gré, et nous l’avons entendu dire : « Les qualifications ont été modifiées parce que la direction voulait embaucher unetelle ou untel. » C’est une perception; que ce soit la réalité ou non, c’est ce que nos membres nous ont répété à maintes reprises.

Je vais m’arrêter ici parce que j’ai beaucoup parlé, mais je vous ai donné au moins trois mesures.

La présidente : Je vous en remercie. Un de nos autres témoins voudrait-il en ajouter une ou deux pour arriver aux cinq mesures demandées par le sénateur Kutcher. Dans l’affirmative, ne vous gênez pas.

Mme Daviau : À supposer qu’il soit possible de réduire le nombre de processus non annoncés, il faudra quand même examiner les critères pour déterminer s’il est approprié ou non de recourir à ce genre de processus, et déterminer quels mécanismes peuvent permettre d’empêcher que celui-ci ne soit utilisé de façon inappropriée.

Me Roy : Pour ce qui est de la reddition de comptes, il faudrait nettement améliorer les liens hiérarchiques. Certains des principes sous-jacents de la loi comprennent la responsabilisation et la transparence; cependant, si vous avez essayé de comprendre comment les choses se passent en matière de dotation dans la fonction publique, vous aurez sans doute constaté qu’on vous balade entre la Commission de la fonction publique, le Conseil privé, le Bureau du dirigeant principal des ressources humaines du Conseil du Trésor et les dirigeants délégués de chaque ministère. Il faut que la reddition de comptes et les liens hiérarchiques soient beaucoup plus clairs.

La présidente : Merci.

La sénatrice Dasko : Avant de poser mes principales questions, j’aimerais revenir sur ce que Mme Lamba vient de dire au sujet des recours réels. Êtes-vous en train de dire qu’il faudrait modifier certaines choses dans le projet de loi que nous avons étudié, ou êtes-vous plutôt en train de réfléchir sur le genre de processus qui devraient être élaborés à la suite de l’adoption du projet de loi? Êtes-vous en train de dire qu’il y a quelque chose dans le projet de loi qui n’est pas bon? Je n’ai pas bien compris ce dont vous parlez. Pourriez-vous nous le préciser?

Mme Lamba : Si le projet de loi est adopté et que rien d’autre ne change, il ne sera pas efficace.

La sénatrice Dasko : Je vois.

Mme Lamba : Le processus actuel ne fonctionne pas en ce qui a trait aux enquêtes. Il y a probablement des choses dans la loi qui pourraient être modifiées afin d’améliorer la situation et de faire en sorte que la Commission de la fonction publique soit plus proactive dans ses enquêtes. En fait, il faudrait qu’elle soit proactive et qu’elle intervienne plutôt que d’attendre qu’une plainte soit déposée. Nous savons que cela ne fonctionne pas parce que nous voyons bien les statistiques. Sur les 160 plaintes déposées, 6 ont été jugées fondées dans le cadre du processus actuel. Le processus est [Difficultés techniques] changer. Je dirais qu’il pourrait aussi y avoir des modifications législatives, mais je me rends compte que les possibilités sont peut-être limitées.

La sénatrice Dasko : Je dirais simplement qu’il est très difficile d’amender un projet de loi, ce qui ne veut pas dire que ce n’est pas faisable. Je suis intéressée de voir que le projet de loi ne va pas vous nuire, parce que, si nous avions conclu que tel était le cas, il est possible que nous aurions voulu faire quelque chose d’un peu plus draconien. Je parle en mon nom personnel. Ce que vous dites, c’est que le projet de loi ne vous gêne pas; c’est simplement qu’il ne met pas tout à fait dans le mille. C’est très bien.

Je voulais prendre un peu de recul et poser une question qui m’est venue à l’esprit aujourd’hui pendant que j’examinais les choses en écoutant les fonctionnaires. Nous avons très peu parlé de la situation des femmes dans la fonction publique fédérale. Je pense qu’il en a été question une fois. Quelqu’un a laissé entendre que les femmes s’en tirent peut-être bien, du moins à certains égards. Nous n’avons cependant pas tiré les choses au clair.

Je me demande si quelqu’un a quelque chose à dire à ce sujet. Nous savons que des changements seront apportés à la Loi sur l’équité en matière d’emploi à un moment donné, et il en a déjà été question. Quelqu’un, il y a quelques minutes, a dit que les statistiques sur l’équité en matière d’emploi venaient d’être publiées. Je dois vous avouer ne pas les avoir vues, alors je ne sais pas ce qu’elles indiquent. Je me demande si l’un de nos témoins, y compris M. Lapolice, est au courant et souhaiterait aborder ce sujet.

En fait, ma question porte sur tout ce qui touche à l’égalité des femmes, aux promotions des femmes, à leur rémunération, à l’équité salariale et à toutes les facettes du travail des femmes. J’ai vraiment hâte d’entendre vos réponses. Merci.

Mme Daviau : Merci. J’apprécie vraiment la question. À cause de la pandémie, en particulier, nous constatons une incidence disproportionnée sur la capacité des femmes à participer au marché du travail. Même avant la pandémie, les statistiques de la fonction publique fédérale nous indiquaient que — du moins dans le cas de nos membres —, la majorité des fonctionnaires sont des femmes. Elles représentent un peu plus de 55 % des effectifs, je crois. Mais quand on creuse dans ces statistiques, on constate que les femmes occupent généralement des emplois de niveau inférieur à ceux des hommes. Chose certaine, au sein des groupes que je représente, dont un certain nombre sont dominés par les hommes, nous constatons que, malgré une amélioration de la représentation des sexes, les femmes continuent de se heurter à un plafond de verre. Même quand les effectifs sont paritaires à 50-50 dans un groupe donné, 20 % seulement des postes de direction ou de gestion sont occupés par des femmes. L’écart demeure énorme.

Je pense qu’un certain nombre des questions que nous avons soulevées au sujet des groupes en quête d’équité s’appliquent également aux femmes.

La sénatrice Dasko : Merci. Y a-t-il d’autres commentaires à ce sujet? Madame DeSousa?

Mme DeSousa : Oui, merci. Je pense que nous devons faire une petite ventilation. Nous devons parler des femmes qui ont une identité intersectionnelle. Où sont les femmes autochtones? Où sont les femmes racialisées et noires dans la fonction publique fédérale? Où sont les femmes handicapées? Où sont les femmes trans? Je pense que nous devons vraiment prendre du recul et reconnaître que la Loi sur l’équité en matière d’emploi et les statistiques qui nous sont fournies doivent aller plus loin. Nous dépendons du recensement pour obtenir de l’information, mais cela ne nous donne pas vraiment une image claire de la situation des femmes dans la fonction publique fédérale.

Si je me fonde sur ce qui existe actuellement dans la société, je dirais qu’on ne voit pas beaucoup de femmes ayant une identité intersectionnelle dans des postes de pouvoir, de leadership et dans des postes exclus. Je dirais que nous devons recueillir ce genre d’information et prendre des mesures positives pour veiller à ce que les femmes ayant une identité intersectionnelle soient vraiment représentées à tous les niveaux de la fonction publique fédérale.

La sénatrice Dasko : Merci. C’est un très bon point. Monsieur Lapolice, avez-vous quelque chose à dire au sujet des femmes en situation minoritaire dans la fonction publique?

[Français]

M. Lapolice : Merci beaucoup, sénatrice, de me donner la chance de commenter. Mon commentaire a trait à la situation des femmes noires. Je ne pense pas pouvoir parler pour l’ensemble des femmes dans le système, car je sais qu’il y a des données qui démontrent que les femmes, en général, se débrouillent assez bien, mais en ce qui concerne les femmes noires, il y a encore beaucoup de chemin à faire.

C’est connu que la communauté noire, y compris les femmes, se retrouve en général au bas de l’échelle. Je sais qu’au cours des dernières années, on a fait des progrès de façon générale dans la fonction publique, mais les enjeux sont toujours présents. C’est difficile d’être Noir, d’être femme et d’être une femme noire handicapée, et lorsqu’on additionne tout cela, je suis d’accord avec Mme DeSousa lorsqu’elle parle de l’intersectionnalité. Je crois qu’il faut consulter les données qui existent et c’est pour cette raison que le Caucus des employés fédéraux noirs insiste beaucoup pour obtenir des données désagrégées. Il sera donc important de prendre connaissance de ces données et si nous ne les avons pas, il faudra les trouver là où elles sont, les analyser et prendre des mesures appropriées pour corriger la situation.

De nouveau, je suis conscient que les femmes noires ont encore du chemin à faire dans le système, alors je suis d’accord avec les intervenantes qui ont parlé avant moi.

[Traduction]

Mme Daviau : Nous avons récemment mené un sondage auprès de nos membres sur l’utilisation du code 699, parce que nous craignions qu’il soit traité différemment d’un groupe démographique à l’autre. Les résultats ont été assez renversants.

Les femmes étaient deux fois plus susceptibles de se voir refuser ce type de congé en général, mais en creusant un peu plus et en affinant la ventilation, nous avons constaté que les femmes des communautés LGBTQ2S étaient 2,2 fois plus susceptibles de se voir refuser ce genre de congé et celles des communautés racialisées l’étaient 2,8 fois plus. Les femmes autochtones étaient 3,5 fois plus susceptibles d’essuyer un refus et les femmes handicapées l’étaient cinq fois plus que leurs homologues masculins. Voilà qui illustre un problème très actuel.

La sénatrice Dasko : Merci beaucoup.

[Français]

La sénatrice Moncion : Nous étudions actuellement le projet de loi d’exécution du budget et dans l’énoncé de l’automne, 12 millions de dollars avaient été alloués pour se pencher sur les aspects liés à l’inclusivité et aux biais qui existent dans la fonction publique. Maintenant, le gouvernement fédéral est en train de faire un travail exhaustif. En fait, il effectue une révision de la Loi sur l’équité en matière d’emploi. C’est une initiative qui sera beaucoup plus large.

Je crois que le gouvernement fédéral a utilisé le projet de loi d’exécution du budget pour apporter des corrections rapides en attendant une révision plus complète de la loi qui va imbriquer tous les excellents commentaires que nous avons entendus de la part des témoins qui ont comparu aujourd’hui.

J’aimerais entendre les témoins au sujet de l’occasion qui est, je crois, prise par le gouvernement pour amener certains changements et soulever certains problèmes sur le plan de la dotation, mais en conservant l’idée d’effectuer une révision complète de la Loi sur l’équité en matière d’emploi afin d’intégrer plusieurs des commentaires entendus aujourd’hui. Merci.

[Traduction]

Mme DeSousa : Oui, je vais commencer, puis je céderai la parole à ma collègue.

Tout d’abord, je tiens à dire qu’il est merveilleux que le gouvernement du Canada s’intéresse à la fonction publique fédérale et envisage d’investir dans ce travail d’inclusion et d’élimination des préjugés. Cependant, ma question est la suivante : quand on parle de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, qui est consulté? Qui a un siège à la table pour ce groupe de travail? Comment cette consultation va-t-elle se dérouler? C’est ce qui me préoccupe.

Au bout du compte, si les personnes qui sont touchées par la loi n’ont pas un siège à la table pour faire des suggestions et faire part de leurs réactions, comment cela sera-t-il mis en œuvre en tenant compte du point de vue de tous? Actuellement, il y a des lacunes importantes. Ce qui me préoccupe, c’est que l’argent n’est qu’une étape, mais il y a d’autres aspects importants, comme le processus, la consultation et la façon dont cela se déroulera, si je peux m’exprimer ainsi.

Je vais céder la parole à mon collègue.

[Français]

M. Lapolice : Merci beaucoup, madame la présidente. J’apprécie beaucoup cette intervention. Je crois que c’est exactement comme cela que le CEFN a compris le processus actuel. On s’engage actuellement dans un processus — je ne dirais pas timide, mais plutôt limité —, et plus tard, on va essayer de l’élaborer davantage ou d’être plus ambitieux au moyen de la Loi sur l’équité en matière d’emploi.

En ce qui concerne le CEFN, c’est sur ce point que porte notre intérêt. Le CEFN aimerait — et je lance l’appel à ceux qui écoutent, comme Mme DeSousa l’a dit — être invité à participer à la consultation sur cette modernisation. On a beaucoup d’intérêts en ce qui concerne la Loi sur l’équité en matière d’emploi.

Mme Daviau : Est-ce que je peux demander à Isabelle Roy de répondre?

La présidente : Absolument.

Me Roy : Comme je l’ai mentionné plus tôt, il y a certainement un pas dans la bonne direction grâce à ces initiatives et en effet, s’il y a des modifications à la Loi sur l’équité en matière d’emploi, on voudrait être certain d’avoir une place à la table de discussion, tout comme les intervenants importants, comme l’a soulevé M. Lapolice.

Cependant, je ne voudrais pas qu’on dilue les inquiétudes soulevées envers la Loi sur l’emploi dans la fonction publique ce soir. La Loi sur l’équité en matière d’emploi ne va pas combler les lacunes en ce qui a trait à la responsabilité des gestionnaires délégués ni le manque de recours qu’on a soulevés ce soir relativement à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique.

On comprend qu’il y a plusieurs étapes et différents cheminements à prendre pour s’y rendre, mais à notre avis, cela ne sera pas suffisant de modifier uniquement la Loi sur l’équité en matière d’emploi. Je ne sais pas si Mme Lamba a des choses à ajouter?

La présidente : Avez-vous quelque chose à ajouter, madame Lamba?

[Traduction]

Mme Lamba : Oui, je voulais faire une distinction entre la LEFP — qui parle de dotation obligatoire que la CFP, le Conseil du Trésor et d’autres ministères doivent faire — et la Loi sur l’équité en matière d’emploi, où la dotation par annonce est obligatoire, mais où le gestionnaire a aussi un choix. La loi exige certaines choses, comme l’analyse des effectifs, l’examen du système d’emploi et les plans d’équité en matière d’emploi. Au fil des ans, cela ne s’est pas très bien passé, mais l’administration doit suivre les règles de dotation de la LEFP. Il y a des différences entre les deux.

Je ne veux pas vous donner l’impression que si cela ne règle pas le problème, la Loi sur l’équité en matière d’emploi le fera. Je suis tout à fait d’accord avec Me Roy sur ce point. C’est pourquoi la LEFP est importante pour éliminer les obstacles auxquels se heurtent les groupes en quête d’équité. L’équité en matière d’emploi peut être renforcée. Il est possible de l’améliorer et nous nous en occuperons au moment de l’examiner. Nous espérons être à la table pour apporter notre point de vue, mais ce projet de loi est également très important. C’est ce que je voulais souligner. Merci.

La présidente : Je vous en remercie.

La sénatrice Moncion : Cette loi d’exécution du budget veut dire que le gouvernement cherche à agir rapidement. Par conséquent, les problèmes que nous constatons se trouvent en partie traités dans une seule et même mesure législative pour en permettre une prise en compte immédiate. Ce n’est pas une solution parfaite, mais c’est un premier pas pour que le gouvernement puisse commencer à agir et à investir dans le projet.

Je pense que cela obéit à une stratégie de la part du gouvernement, à cause de la situation et du fait qu’il n’a pas beaucoup de temps pour apporter des changements. Je dis cela, simplement en complément de vos remarques, qui étaient toutes excellentes, d’ailleurs, et j’ai beaucoup apprécié vous entendre exprimer vos préoccupations. Merci beaucoup à tous nos témoins.

La présidente : Merci, sénatrice Moncion.

Je pense que nous avons tous beaucoup apprécié vos commentaires, même si ce ne sont pas des choses faciles à entendre. Cela nous en dit long sur les différents défis qui nous attendent, avec ou sans ce projet de loi.

Sur ce, je pense qu’il est temps de conclure.

[Français]

Encore une fois, je remercie nos témoins pour la qualité des informations que vous nous avez apportées ce soir. Cela va contribuer beaucoup à cette étude préalable que nous devons faire. Je remercie également mes collègues.

[Traduction]

Je vous remercie toutes et tous infiniment pour vos préparations.

Mme Daviau : Et en ce beau jour, merci de votre sacrifice. Il a fait tellement beau dehors aujourd’hui.

La présidente : Absolument. Sur ce, merci. Nous nous reverrons demain.

(La séance est levée.)

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