Aller au contenu
AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 6 octobre 2022

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd’hui, à 11 h 30 (HE), avec vidéoconférence, pour examiner, pour en faire rapport, le service extérieur canadien et d’autres éléments de l’appareil de politique étrangère au sein d’Affaires mondiales Canada.

Le sénateur Peter M. Boehm (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, je m’appelle Peter Boehm, je suis un sénateur de l’Ontario, et je suis président du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.

[Traduction]

Avant que nous ne commencions, je vais présenter les membres du comité qui participent à la séance d’aujourd’hui. La sénatrice Gwen Boniface, de l’Ontario; la sénatrice Mary Coyle, de la Nouvelle-Écosse; la sénatrice Amina Gerba, du Québec; le sénateur Peter Harder, vice-président, de l’Ontario; le sénateur Leo Housakos, du Québec. Bienvenue au comité, sénateur. Le sénateur Michael MacDonald, qui n’est pas encore arrivé; le sénateur Ravalia, qui n’est pas encore là non plus; le sénateur Richards, du Nouveau-Brunswick; le sénateur Woo, de la Colombie-Britannique.

Bienvenue à vous tous, ainsi qu’aux Canadiens qui suivent les délibérations.

Nous poursuivons notre étude du service extérieur du Canada. Comme vous le savez, l’objectif de l’étude est d’examiner le service extérieur canadien et d’autres éléments de l’appareil de politique étrangère du Canada, et de s’assurer qu’ils sont adaptés et prêts à relever les défis mondiaux d’aujourd’hui et de demain.

[Français]

Bien qu’Affaires mondiales Canada joue un rôle de premier plan quand il s’agit de définir, faire progresser et représenter les intérêts du Canada à l’étranger, le ministère s’appuie souvent sur d’autres ministères et organismes pour s’acquitter de ses responsabilités, et collabore avec eux.

[Traduction]

Au cours de la séance, le comité commencera à examiner le recoupement entre les mandats et le travail d’Affaires mondiales Canada, du service extérieur et d’autres ministères.

Pour la première partie de la séance, nous avons le plaisir d’accueillir, du Service canadien du renseignement de sécurité, le SCRS, Newton Shortliffe, sous-directeur par intérim, Opérations, et, de la Gendarmerie royale du Canada, également par vidéoconférence, Liam Price, directeur général, Services spéciaux internationaux.

Bienvenue et merci d’être parmi nous. Nous sommes prêts à entendre vos déclarations liminaires, qui devraient durer environ cinq minutes chacune. Les sénateurs qui siègent au comité poseront ensuite des questions.

Monsieur Shortliffe, je crois que c’est vous qui commencez. Vous avez la parole.

Newton Shortliffe, sous-directeur par intérim, Service canadien de renseignement de sécurité : Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Je m’appelle Newton Shortliffe. Je suis le sous-directeur par intérim des opérations du Service canadien du renseignement de sécurité. Merci de m’avoir invité à m’adresser à vous et à répondre à vos questions.

[Français]

Ce matin, j’aimerais commencer par vous parler brièvement du mandat du service afin de mettre en contexte nos activités et notre présence à l’étranger. Toutes les activités du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) s’appuient sur la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, qui énonce le mandat et les pouvoirs de l’organisme. Avant toute chose, le service enquête sur les menaces qui pèsent sur la sécurité du Canada.

La loi définit les menaces sur lesquelles le service est autorisé à faire enquête : espionnage, sabotage, ingérence étrangère, terrorisme et extrémisme, et subversion. Le service conseille le gouvernement sur ces menaces, notamment en prévision des évaluations de renseignements et des rapports. Il faut aussi prendre des mesures pour réduire les menaces qui pèsent sur la sécurité du Canada.

Enfin, le service peut, à la demande du ministre des Affaires étrangères ou du ministre de la Défense nationale, et avec l’aval du ministre de la Sécurité publique, recueillir des renseignements étrangers sur des moyens, des intentions ou des activités d’un État étranger, et ce, dans les limites du Canada.

[Traduction]

Comme, de plus en plus, les menaces à la sécurité sont liées entre elles et prennent une envergure mondiale, le SCRS ne peut s’acquitter de son mandat seul de son côté. L’échange de renseignements a été et demeure un élément fondamental des exigences du gouvernement du Canada en matière de sécurité nationale. La coopération avec des partenaires nationaux fédéraux et des organismes étrangers permet au SCRS d’avoir accès dans les meilleurs délais à des renseignements liés à un certain nombre de menaces potentielles ou précises pour le Canada, renseignements qui pourraient autrement ne pas être disponibles. Les relations avec les partenaires fédéraux sont essentielles aux enquêtes actives du SCRS et facilitent à la fois la communication légale de renseignements et la prestation de conseils, ainsi que la coordination opérationnelle.

Les agents du SCRS postés dans divers pays du monde entier recueillent et échangent des renseignements de sécurité sur les menaces à la sécurité du Canada et à ses intérêts avec ses alliés. En vertu de l’article 12 de la Loi sur le SCRS, le service peut enquêter sur des menaces à la sécurité du Canada, tant à l’intérieur du pays qu’à l’étranger. Ce travail à l’étranger dépend souvent du soutien de partenaires canadiens, comme Affaires mondiales Canada, la GRC et le ministère de la Défense nationale.

Le SCRS a plus de 300 contacts à l’étranger répartis dans 150 pays et territoires, chacun étant autorisé par le ministre de la Sécurité publique et appuyé par le ministre des Affaires étrangères conformément à la Loi sur le SCRS. Pour établir des ententes avec des entités étrangères, il faut se conformer à une démarche rigoureuse et tenir compte d’un large éventail de questions, y compris les exigences canadiennes en matière de sécurité, le respect des droits de la personne et la fiabilité de l’organisme.

Avant de demander au ministre d’approuver de nouvelles ententes, le SCRS consulte de façon proactive Affaires mondiales Canada dans les cas où il y a des considérations particulières en matière de droits de la personne ou de politique étrangère. L’engagement du SCRS auprès d’entités étrangères doit être conforme aux lois et aux obligations juridiques du Canada. Il s’agit notamment de veiller à ce que le SCRS se conforme entièrement aux exigences de la Loi visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères.

Le SCRS présente au ministre de la Sécurité publique un rapport annuel qui explique comment il a respecté ces exigences au cours de l’année civile précédente et publie de l’information publique sur les mesures prises à cet égard. De concert avec ses partenaires du gouvernement du Canada, dont Affaires mondiales Canada, il joue un rôle de soutien essentiel pour aider à faire progresser les priorités plus larges de la politique étrangère du Canada. Le service le fait principalement en tirant parti de sa présence à l’étranger et de ses partenariats en matière de renseignement. Lorsqu’elles sont harmonisées avec les autres efforts du gouvernement du Canada et renforcées par les services d’autres capacités de renseignement, ces voies de communication et de coordination supplémentaires ont un effet multiplicateur renforcé sur la protection des Canadiens et des intérêts du Canada.

Les récentes crises mondiales, y compris la chute de Kaboul aux mains des talibans et l’invasion illégale de l’Ukraine, ont renforcé l’importance de la coopération avec les partenaires mondiaux. Les tensions et les conflits mondiaux continuant de façonner la dynamique géopolitique, le SCRS demeure déterminé à travailler avec ses partenaires canadiens, y compris la GRC, Affaires mondiales Canada et ses partenaires étrangers, pour s’acquitter de son mandat, qui est de protéger les Canadiens tant au Canada qu’à l’étranger.

C’est avec plaisir que je répondrai à vos questions. Merci.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Shortliffe.

Nous passons maintenant à M. Price. Vous avez la parole.

Liam Price, directeur général, Services spéciaux internationaux, Gendarmerie royale du Canada : Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Je vous remercie de m’avoir invité à parler au nom de la GRC au sujet de sa présence à l’étranger et de sa contribution aux efforts du Canada en matière de politique étrangère.

[Français]

Je m’appelle Liam Price, je suis directeur général et responsable de la politique internationale à la Gendarmerie royale du Canada (GRC), qui fait partie du programme de la police fédérale. Je suis responsable du réseau des postes de la GRC à l’étranger, des opérations des pays dans le cadre de l’arrangement sur la police civile canadienne et de nos bureaux nationaux d’Interpol et d’Europol.

[Traduction]

Ensemble, notre réseau à l’étranger, nos opérations de paix et nos bureaux d’Interpol et d’Europol jouent un rôle clé en favorisant la collaboration internationale en matière d’application de la loi et en contribuant à rendre le Canada plus sûr. Je crois comprendre que vous vous intéressez surtout à notre réseau à l’étranger, et c’est principalement là-dessus que portera ma brève déclaration liminaire.

Conformément à ses obligations aux termes de l’article 18 de la loi qui l’encadre, la GRC maintient son réseau international afin de prévenir la criminalité, d’appliquer la loi et de protéger le Canada, ses habitants, ses alliés et la population mondiale. Elle le fait par divers moyens, notamment en échangeant des renseignements, en collaborant avec des partenaires étrangers pour couper court aux entreprises criminelles avant qu’elles n’atteignent nos frontières, en aidant les services de police du monde entier à rechercher des fugitifs, en recueillant des renseignements tant pour en apprendre davantage sur les menaces criminelles que pour favoriser une bonne coopération policière entre tous les organismes d’application de la loi.

Le réseau international de la GRC se compose d’environ 64 personnes réparties dans 29 pays qui servent d’agents de liaison et d’analystes civils du renseignement criminel. La plupart des membres du réseau travaillent dans l’une des 33 missions canadiennes à l’échelle mondiale. Certains sont aussi intégrés directement à des organismes partenaires. Le réseau constitue un lien essentiel entre les services de police au Canada et ceux de l’étranger. Il permet à la police canadienne de mener rapidement et efficacement des enquêtes de portée internationale. Il appuie en outre une approche cohérente en matière d’échange de renseignements avec des partenaires étrangers, conformément à nos obligations en vertu de la Loi visant à éviter la complicité dans les mauvais traitements infligés par des entités étrangères, la LGEPEF. Enfin, il renforce l’ordre international fondé sur des règles grâce à l’amélioration des capacités dans divers pays du monde, y compris dans les États fragiles et en proie à des conflits.

La GRC est signataire du Protocole d’entente sur les activités et le soutien des missions, dont Affaires mondiales Canada est le premier responsable. Ce protocole d’entente encadre la prestation par AMC de services communs à l’appui des programmes internationaux des ministères clients, y compris la GRC. Lorsque nous envisageons des changements au réseau de la GRC à l’étranger, comme l’ouverture, l’élargissement des fonctions ou la fermeture d’un poste, nous travaillons en étroite collaboration avec Affaires mondiales et son Comité sur la représentation à l’étranger. De plus, tout au long de l’année, nous participons à divers forums interministériels, à l’échelle locale, dans les missions à l’étranger et à l’administration centrale d’Ottawa, pour aider à assurer l’utilisation efficace de la plateforme du Canada à l’étranger et la conduite des activités de la GRC. La GRC contribue également à l’élaboration des initiatives de politique étrangère du gouvernement du Canada lorsqu’elle est consultée pour garantir la prise en considération des points de vue des organismes d’application de la loi.

Pour les questions relatives aux activités de programme de la GRC, à la police opérationnelle et aux enquêtes, ainsi qu’aux dépenses de programme de la GRC, le personnel de la GRC à l’étranger relève directement des dirigeants de la GRC à la administration centrale à Ottawa. La GRC conserve le commandement et le contrôle de ces ressources, tout en reconnaissant qu’elles ont aussi une responsabilité envers le chef de mission local à l’égard des activités dans le pays et de l’obligation de diligence en vertu de la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement.

La GRC est fière de faire partie d’Équipe Canada à l’étranger, et ses agents de liaison fournissent des renseignements sur leurs activités aux chefs de mission, à la discrétion de ceux-ci, et à d’autres personnes. Il convient de souligner que la GRC a un agent déployé à AMC pour assurer une liaison en matière de protection, mais ce déploiement est distinct de notre réseau international.

La GRC collabore régulièrement avec tous les ministères du gouvernement déployés à l’étranger, et nous tirons une force énorme de cette approche collective. Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de comparaître. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Price, de vos observations.

Chers collègues, je vous rappelle que vous disposerez chacun d’un maximum de quatre minutes pour la question et la réponse. Il est donc probablement dans votre intérêt que l’entrée en matière soit la plus brève et concise possible. Si vous souhaitez poser une question, signalez-le soit à moi, soit à la greffière du comité, Mme Lemay. Nous essaierons de donner la parole à tout le monde. Bien sûr, nous pouvons également faire un deuxième tour.

Le sénateur Ravalia : Merci aux témoins. Ma question s’adresse à vous deux. Le fondement historique de notre sécurité numérique repose sur notre relation avec les pays du Groupe des cinq, et peut-être plus récemment avec le Japon, qui souhaite se joindre à ce groupe.

Compte tenu de l’évolution mondiale des menaces à la sécurité, devons-nous améliorer nos relations en matière de sécurité numérique avec l’Indo-Pacifique, l’Amérique du Sud et l’Afrique, ou estimez-vous que le cadre actuel dans lequel vous travaillez est suffisamment solide pour maintenir la sécurité et vos relations avec d’autres pays?

M. Shortliffe : Merci de votre question, monsieur le sénateur. Si j’ai bien compris, elle portait précisément sur l’empreinte numérique. Nous examinons constamment le contexte de la menace et l’évolution de la situation. Nous sommes très conscients de la multiplication des problèmes cybernétiques et du besoin de données. Nous examinons notre propre mandat et nous nous demandons s’il nous permet d’utiliser les nouvelles technologies aussi efficacement qu’à l’heure actuelle.

Quant au contexte des menaces, il ne fait aucun doute que nous observons de près la région indopacifique et qu’il faut y prêter attention parce que des menaces à la sécurité du Canada en émanent.

Je ne peux pas parler avec précision de la dimension numérique, mais je peux dire que nous cherchons à déterminer s’il faut, du point de vue du service, investir davantage dans cette région.

M. Price : Merci de votre question, monsieur le sénateur. J’abonde dans le même sens que M. Shortliffe. Je voudrais revenir sur quelques éléments de votre question.

D’abord, l’importance du Groupe des cinq. Les relations avec les alliés sont extrêmement importantes pour la lutte mondiale contre tous les types de criminalité — les atteintes à la sécurité nationale, le crime organisé transnational et le crime financier — qui sont autant de priorités de la GRC au niveau fédéral. Cela existe non seulement dans le monde virtuel, mais aussi dans la réalité concrète. Nous tirons une grande force de notre collaboration sur le terrain, non seulement dans les pays de ce groupe, mais partout dans le monde.

En ce qui concerne l’Indo-Pacifique, nous avons fait de nouveaux investissements précoces pour lutter contre l’exploitation sexuelle des enfants, qui y existe dans l’espace numérique et en ligne, comme vous l’avez laissé entendre. Nous cherchons également à voir ce que nous pouvons faire de plus de ce côté.

Quant à la question des relations numériques, j’ajouterais que rien ne remplace la personne sur le terrain, celle qui travaille directement avec d’autres personnes à l’étranger. Je ne dirais donc pas que les relations numériques pourront un jour remplacer cette présence physique.

Le sénateur Ravalia : Merci.

[Français]

La sénatrice Gerba : Merci à nos témoins. Ma question s’adresse à M. Price.

Le Programme de police internationale de la GRC s’appuie notamment sur un réseau d’agents de liaison et d’analystes affectés partout autour du globe. Ils remplissent un rôle crucial puisqu’ils sont le lien entre les services de police au Canada et leur pays d’affectation.

Ma question est la suivante : pouvez-vous nous expliquer la manière dont ces agents sont choisis et quels sont les critères appliqués pour décider de les déployer dans un pays en particulier?

M. Price : Merci beaucoup pour votre question, madame la sénatrice. Laissez-moi répondre en anglais, s’il vous plaît, seulement pour préciser ma réponse.

[Traduction]

Vous avez tout à fait raison, la sélection de nos agents de liaison et de nos analystes à l’étranger est essentielle parce qu’ils ont des capacités uniques et que la GRC injecte des ressources importantes pour les envoyer à l’étranger. Le processus de sélection des agents de liaison dure généralement presque toute l’année qui précède le déploiement. Après leur sélection, ils suivent un programme de formation complet.

Pour les sélectionner, nous tenons compte d’un certain nombre de facteurs, par exemple l’expérience de la personne, ses compétences linguistiques, le contexte des menaces dans le pays où elle pourrait aller, les rapports qu’elle a peut-être déjà établis et les compétences générales qui sont absolument essentielles pour réussir à l’étranger, c’est-à-dire les compétences en diplomatie, la capacité de travailler de façon autonome et proactive et ainsi de suite.

C’est un processus qui prend beaucoup de temps, mais qui, à notre avis, fonctionne relativement bien.

J’ajouterais que nous gardons à l’esprit la stratégie de la GRC en matière d’équité, de diversité et d’inclusion, qui vise à s’assurer que les agents de liaison et les analystes déployés à l’étranger reflètent le visage du Canada et nos valeurs. Nous avons encore du travail à faire à cet égard, mais il est tenu compte de cette considération dans nos calculs.

[Français]

La sénatrice Gerba : J’ai une autre question pour M. Price.

Selon les plus récentes données disponibles, on dit que ces agents de liaison sont détachés dans 26 pays. Trouvez-vous que cette couverture est suffisante?

M. Price : Merci encore de cette question. C’est une question à laquelle il est assez difficile de répondre, parce que si vous me le demandez, j’aimerais toujours avoir beaucoup plus de réseaux à l’étranger.

[Traduction]

Cela dit, je crois que nous les déployons de façon efficace et stratégique, au meilleur de nos capacités, avec les ressources dont nous disposons.

Comme notre réseau est souple, nous avons été en mesure de déplacer des ressources d’une région à l’autre en réaction aux tendances changeantes de la menace, mais nous avons également trouvé des façons de maximiser l’investissement en plaçant ces personnes dans des endroits stratégiques, comme Europol en Europe, où il est possible d’avoir des contacts avec plus d’un pays à la fois.

Donnerons-nous de l’expansion au réseau? Nous continuons de chercher les moyens de le faire, mais c’est toujours difficile.

La sénatrice Gerba : Merci.

Le sénateur Woo : Merci aux témoins. Ma question fait suite à celle de la sénatrice Gerba et porte sur le recrutement de nouveaux talents dans vos organismes respectifs.

Voici la question préalable : embauchez-vous de nouveaux employés expressément pour les affecter à l’étranger? Dans l’affirmative, y a-t-il un chevauchement entre les compétences de ces personnes et celles des recrues du service extérieur qui se consacrent principalement à ce service? Voici où je veux en venir : dans quelle mesure y a-t-il un chevauchement ou un écart entre les différents types d’efforts de recrutement pour l’international? Au bout du compte, considérez-vous AMC comme un concurrent, en quelque sorte, puisque vous et le ministère puiseriez dans le même bassin de talents pour le travail du gouvernement du Canada axé sur l’international?

Le président : La question s’adresse-t-elle à M. Shortliffe, sénateur Woo?

Le sénateur Woo : Aux deux témoins.

M. Shortliffe : Sénateur Woo, nous ne recrutons pas expressément pour le service international. Nous recrutons toutes sortes d’employés pour remplir notre mandat. Lorsque vient le temps d’affecter du personnel pour assurer une présence à l’étranger, nous proposons aux candidats un processus de demande et d’évaluation qui permet de vérifier leur aptitude à être déployés à l’étranger. C’est très semblable au processus que M. Price a expliqué pour la GRC. Nous avons un processus assez rigoureux d’évaluation des qualités des candidats. Nous examinons leurs compétences linguistiques et leur aptitude à être déployés. Cela dépend aussi du rôle qu’ils vont jouer à l’étranger, car il y a un certain nombre de types de postes différents pour ceux qui vont à l’étranger.

Parmi les candidats sélectionnés, nous remarquons parfois que certains ont des affinités pour le service à l’étranger, et ils acceptent parfois de multiples affectations au cours de leur carrière. Nous acquérons ainsi de l’expertise pour le travail à l’étranger. Mais au départ, le recrutement ne se fait pas expressément pour les affectations à l’étranger.

Il reste que c’est un argument de vente. Lorsque nous recrutons du personnel, nous disons que des affectations à l’étranger peuvent être proposées au cours d’une carrière dans le service. C’est un argument de vente pour nos employés. À l’instar de la GRC, nous déployons de grands efforts pour recruter des employés des quatre coins du Canada. Nous tâchons vraiment d’améliorer la diversité de notre personnel afin de refléter le visage du Canada. C’est très important pour nous, tant pour nos opérations nationales que pour notre présence à l’étranger.

Ceux qui comprennent les collectivités que nous servons ont une grande valeur pour le service. Nous en sommes très conscients et c’est un élément que nous ne perdons pas de vue.

M. Price : Je vais dans le même sens que M. Shortliffe : la GRC ne recrute pas expressément pour le réseau de liaison. Normalement, nos agents de liaison et nos analystes sont des gens en milieu de carrière qui vont à l’étranger, s’appuyant sur leur expérience nationale pour apporter le point de vue des relations entre corps de police.

Cela dit, en ce qui concerne les opérations de paix, nous essayons de tirer parti des meilleurs services canadiens d’application de la loi. De nos jours, environ 60 % de notre personnel déployé à l’étranger pour des opérations de paix ne vient pas de la GRC, mais de l’un des 33 ou 34 autres corps policiers canadiens. Comme l’a dit M. Shortliffe, c’est un argument de vente pour cette collaboration interorganisationnelle, pour attirer du monde vers la famille fédérale de la GRC.

Le président : Merci beaucoup.

Le sénateur Harder : Merci aux témoins.

Vous avez tous les deux fait allusion au protocole d’entente qui est en place pour assurer la cohérence à l’échelle du gouvernement du Canada. Je voudrais faire un bilan de santé. Y a-t-il des améliorations au protocole d’entente que vos organisations jugeraient souhaitables?

M. Price : Ce que je peux vous dire, c’est que le protocole d’entente a récemment été mis à jour, et je félicite Affaires mondiales Canada des efforts qu’il déploie constamment pour accroître la transparence et l’échange de renseignements à cet égard. Il y a là des échanges solides. On peut toujours faire mieux, mais je ne peux indiquer aucun point précis qui exige des améliorations. Le ministère y travaille.

M. Shortliffe : Le protocole d’entente du service avec Affaires mondiales Canada date un peu plus, car il remonte à environ 2009, mais franchement, il est assez souple. Il décrit la nature de la relation que notre personnel déployé à l’étranger entretient avec la mission et des arrangements financiers qui sont pris, par exemple. Des dispositions prévoient des discussions sur la gestion entre Affaires mondiales et le service.

Il n’y a pas de vraies lacunes dans le protocole d’entente à l’heure actuelle.

Le sénateur Harder : Très heureux de l’entendre.

Un mot maintenant des aspects pratiques de cette coopération sur deux ou trois points, dont l’obligation de diligence. Il y a certainement eu des situations où nos missions à l’étranger ont eu des problèmes de sécurité, probablement dans la mesure où vous aviez du personnel dans ces missions. Des questions relatives à l’obligation de diligence doivent se poser.

Comment le gouvernement du Canada peut-il assurer une meilleure coordination des questions d’obligation de diligence qui se posent dans certaines missions?

M. Price : Pas de problème, monsieur le sénateur. Je vous remercie de votre question. Je dirais que l’obligation de diligence est une préoccupation constante pour moi et pour mon programme. Nous mettons des gens en poste, parfois dans des environnements difficiles. Cela commence dans la mission, avec son comité de sécurité, le MGC, c’est-à-dire le Manuel de la gestion des carrières, l’équipe de gestion, et la force de cette équipe dépend vraiment de la collaboration.

Ayant servi à l’étranger deux fois, j’ai eu l’avantage de faire partie d’excellentes équipes de gestion où la collaboration était excellente, par exemple pendant la pandémie. C’était une situation où nous devions absolument gérer l’obligation de diligence à l’égard de notre personnel.

Mais de retour à Ottawa, il y a des tables interministérielles, dont je sais que vous avez fait partie pendant de nombreuses années, et malheureusement, nous avons maintenant des automatismes à leur égard, après avoir vécu diverses situations à plusieurs reprises.

Je suis convaincu que ces mécanismes sont robustes. Ils sont fondés sur la confiance et sur des processus auxquels nous avons malheureusement dû recourir.

Le président : Monsieur Shortliffe, pouvez-vous répondre brièvement?

M. Shortliffe : L’obligation de diligence commence à la mission avec le chef de mission. Il y a une responsabilité positive selon notre protocole d’entente avec le chef de mission et, bien sûr, la responsabilité partagée de sa propre direction, moi y compris, au SCRS.

Nous travaillons en étroite collaboration avec Affaires mondiales. Je peux penser à un certain nombre d’incidents, malheureusement, où l’obligation de diligence a été au premier plan des préoccupations du chef de mission, de notre personnel, et où nous avons reçu un excellent soutien d’Affaires mondiales pour le personnel en difficulté. Cela s’est passé pendant la pandémie, mais aussi plus récemment dans d’autres situations. La question est à l’avant-plan des préoccupations.

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice Coyle : Merci beaucoup à MM. Shortliffe et Price d’être parmi nous pour participer à l’examen du service extérieur du Canada. Ce que nous avons entendu de votre témoignage jusqu’ici a été très utile. Un certain nombre de choses m’intriguent. Premièrement, la mobilité. Y a-t-il beaucoup de mobilité du personnel à Affaires mondiales Canada, au SCRS, à la GRC et dans les autres entités canadiennes qui travaillent sur la scène internationale? Dans l’affirmative, où se manifeste-t-elle et en quel sens va-t-elle? Y a-t-il quelque chose que nous devrions savoir à ce sujet? Dans la négative, la mobilité est-elle souhaitable? Y a-t-il des entraves à la mobilité?

M. Shortliffe : Première question, y a-t-il de la mobilité? Il y en a. Des employés quittent parfois le SCRS pour Affaires mondiales; ils changent de ministère. Parfois, des fonctionnaires d’Affaires mondiales, y compris des cadres supérieurs, changent de ministère pour venir au SCRS. C’est une bonne chose parce que cela apporte de nouvelles perspectives et de nouvelles façons de voir les choses. Cela permet de maintenir un certain niveau d’énergie dans le service.

Le SCRS est un employeur distinct. Le directeur a un pouvoir considérable en matière de dotation. Y a-t-il des obstacles réels? Pas vraiment. Notre personnel ne fait pas partie des listes de priorité, par exemple. Lorsque nous voulons que des choses se fassent, elles peuvent se faire.

De temps à autre, nous détachons du personnel auprès d’Affaires mondiales et d’autres ministères. Nous continuons à payer l’employé. Ces détachements favorisent son perfectionnement. C’est une pratique qui a cours depuis assez longtemps dans plusieurs milieux. Les employés détachés restent des employés du SCRS et reviennent. Ces mouvements de personnel ont donc cours.

M. Price : J’ajouterais qu’à la GRC, il y a de la mobilité du côté civil. Il y a des analystes et des gestionnaires de projet qui vont et viennent. C’est moins vrai pour les policiers qui retournent dans la profession policière au Canada quand ils rentrent.

Cela dit, si nous déployons des policiers à l’étranger, c’est notamment pour l’expérience extraordinaire qu’ils acquièrent et qui fait d’eux de meilleurs policiers à leur retour. Nous trouvons qu’il y a beaucoup à retirer des affectations dans des missions à l’étranger. Je ne dirais pas nécessairement qu’il s’agit d’une entrave sur le plan de la mobilité. Nous retrouvons de meilleurs policiers canadiens à leur retour de mission.

La sénatrice Coyle : Que pensez-vous de vos homologues du Groupe des cinq et des relations qu’ils entretiennent avec leurs homologues internationaux dans les divers pays? Y a-t-il quelque chose que nous pourrions apprendre de ces relations et qui pourrait éclairer notre étude sur le service extérieur canadien? Y a-t-il des pratiques exemplaires?

M. Shortliffe : J’ignore si on peut parler de pratiques exemplaires. Nous discutons avec eux assez souvent de leur façon de faire les choses. Ce que je retiens surtout, normalement, c’est qu’ils font face à des problèmes semblables aux nôtres, qu’il s’agisse des difficultés de recrutement ou de contextes compliqués. Dans certains pays, il y a peut-être des dispositions différentes qui favorisent davantage la mobilité, mais c’est particulier à ces pays, par opposition au nôtre. Comme je l’ai dit plus tôt, je ne suis pas certain qu’il y ait une leçon particulière à tirer pour le moment.

Le président : Merci.

Le sénateur Housakos : J’ai quelques questions à poser aux témoins. À plusieurs reprises, la GRC et le SCRS ont signalé que nous avons constaté une augmentation de l’ingérence étrangère au Canada, qui serait très à risque de la part de certains pays au comportement méprisable. Selon les témoins, y a-t-il des outils législatifs que nous pouvons leur donner — par exemple, une loi sur un registre des influences étrangères ou quelque autre loi — pour les aider à poursuivre le travail dont ils parlent depuis un moment?

Deuxièmement, après ce qui s’est passé en Afghanistan et à Kaboul, tous les Canadiens ont honte de la façon dont nous avons laissé tomber nos amis et nos collaborateurs dans ce pays. Il semble que nos alliés avaient de meilleurs renseignements, qu’ils aient fait preuve de plus de diligence pour faire sortir leurs collaborateurs de l’Afghanistan.

Ma question à ce sujet est la suivante : le problème tient-il à des lacunes dans le renseignement, au fait qu’Affaires mondiales ou Immigration Canada n’ont pas réagi, ou au fait qu’il n’y a pas eu assez de volonté politique, tout simplement?

Le président : Sénateur, je crois que ces questions dépassent un peu le mandat de l’étude, mais voyons si nos témoins veulent bien essayer d’y répondre. Monsieur Shortliffe?

M. Shortliffe : Pour répondre à votre première question sur l’ingérence étrangère, monsieur le sénateur, ces activités inquiètent profondément le SCRS. Elles se déroulent sous des formes diverses. Nous sommes très préoccupés par toute ingérence auprès de particuliers, dans des communautés et au sein de nos processus démocratiques. Le SCRS a-t-il besoin d’une loi supplémentaire? Disons que la Loi sur le SCRS ne date pas d’hier, même si certains de nos pouvoirs ont été mis à jour en 2017. Certains de ses éléments devraient être modernisés, notamment pour nous permettre de mieux utiliser les données et autres.

Pour ce qui est des mesures qu’il serait utile de prendre, il s’agit là d’une décision politique, et c’est une question dont nous devrons discuter avec nos partenaires, notamment avec le ministère de la Justice et avec d’autres organismes de sécurité publique.

Quant à votre deuxième question, est-ce que l’échec de Kaboul est dû à un manque de renseignements? En fait, nous avions de très bons renseignements. Le Canada s’est beaucoup activé, et il continue à le faire — je suis sûr que votre témoin d’Immigration Canada en parlera tout à l’heure — pour éloigner des gens ou pour les faire sortir de l’Afghanistan. Mais la situation évoluait très rapidement à Kaboul. Le gouvernement s’est écroulé beaucoup plus vite que prévu, ce qui a limité les mesures que le Canada pouvait prendre sur le plan pratique.

M. Price : J’appuie ce que M. Shortliffe nous dit, et j’y ajouterai une observation. Nous prenons très au sérieux les menaces d’ingérence étrangère. Nous menons des enquêtes. J’encourage les Canadiens qui nous regardent partout au pays et qui se sentent victimes de harcèlement, d’intimidation, de coercition, et cetera, à s’adresser à leur service de police local ou à appeler notre réseau d’information sur la sécurité nationale. Nous traitons ces actes en priorité, en collaboration avec nos partenaires du gouvernement du Canada.

Le président : Merci.

La sénatrice Boniface : Je remercie les deux témoins pour tout le travail qu’ils accomplissent, tant au Canada qu’à l’étranger.

Ma première question s’adresse à M. Price. Vous avez mentionné 64 agents dans 29 missions. Comment ces chiffres se comparent-ils à ceux des années passées? Je m’inquiète un peu des problèmes de dotation à la GRC et je me demande s’ils ont une incidence sur votre déploiement à l’étranger.

M. Price : La GRC n’a pas de problèmes de dotation, donc rien ne nuit à notre déploiement à l’étranger. Les gens sont toujours très attirés par notre programme. Nous comptons au moins 10 candidats pour chaque agent que nous déployons, c’est fantastique. Ces chiffres sont légèrement inférieurs à ceux de ces dernières années, mais la situation devrait changer après la pandémie. Je m’attends à ce que notre dotation reprenne bien.

Pour ce qui est de sa croissance au fil du temps, la GRC participe aux liaisons internationales depuis 100 ans. Cette participation a pris beaucoup d’ampleur et a changé au fil des ans. Ces dernières années, nous avons étendu nos activités à de nouveaux endroits. Nous avons créé des affectations en Afrique de l’Ouest et dans de nouvelles régions de l’Asie. Nous évoluons pour parer aux menaces, comme M. Shortliffe l’a dit, qui sont de plus en plus graves et interconnectées. Les activités de la GRC ne sont pas limitées par une pénurie de personnel.

La sénatrice Boniface : Merci. Monsieur Price, j’ai une autre question pour vous. Vous avez mentionné votre responsabilité — et je connais un peu votre domaine — dans les activités de déploiement. Je pense aux missions du Canada avec l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l’OSCE. Elles entrent dans différentes catégories. Pouvez-vous me dire combien de personnes y sont déployées? Je suppose qu’elles nous représentent partout dans le monde et qu’elles établissent des liens.

M. Price : Oui, tout à fait. Ces deux fonctions relèvent de ma responsabilité. À l’heure actuelle, nous avons 46 ou 47 personnes à l’étranger — le nombre change d’une journée à l’autre — pour des opérations de paix bilatérales, pour des missions, des missions de l’ONU et pour des missions multilatérales comme des missions de l’ONU ou de l’OSCE. Notre déploiement à la Cour pénale internationale face à la situation en Ukraine fait partie de ces opérations. Ce n’est pas beaucoup. Nous déployons beaucoup plus d’agents habituellement, et nous nous efforçons de ramener ce chiffre à la normale. Il est faible en ce moment en raison du conflit en Ukraine, qui a mis fin à notre plus grande mission, et à cause de la pandémie. Nous espérons rétablir ces chiffres au cours de l’année qui vient.

La sénatrice Boniface : Je vais m’adresser à l’autre témoin du SCRS. Vous n’avez pas indiqué combien de personnes sont déployées à l’étranger. Pouvez-vous nous le dire?

M. Shortliffe : Non, je ne peux pas vous le dire, pour des raisons opérationnelles. Nous admettons publiquement trois postes seulement : les États-Unis, à Washington, le Royaume-Uni et la France. Mais nous avons des postes partout dans le monde.

La sénatrice Boniface : Ce chiffre a-t-il augmenté ou diminué au cours de ces 10 dernières années?

M. Shortliffe : Je ne crois pas pouvoir révéler cela.

La sénatrice Boniface : Je comprends. Merci.

Le sénateur MacDonald : M. Shortliffe ne pourra peut-être pas répondre à mes questions, mais je vais quand même les lui poser, puisque la sénatrice Boniface vient d’effleurer ce sujet.

Le SCRS maintient un réseau de postes à l’étranger chargés de recueillir des renseignements sur les dangers qui menacent la sécurité du Canada. Apparemment, nous en avons un à Washington et deux en Europe de l’Ouest. Ces emplacements sont-ils arbitraires? Pourquoi les a-t-on placés là? Ces trois endroits ont-ils été choisis pour une raison particulière?

M. Shortliffe : Ces trois postes se trouvent chez trois de nos partenaires les plus proches. De toute évidence, les États-Unis — nos amis américains sont les partenaires les plus importants du SCRS —, le Royaume-Uni, bien sûr, qui est notre partenaire du Groupe des cinq et un très proche allié, et la France, qui est aussi un partenaire très fiable du SCRS.

Nous admettons publiquement l’existence de ces trois postes depuis longtemps. Il fut un temps — et tout le monde le savait — où nous avions aussi un poste en Afghanistan, à Kaboul. Bien entendu, il n’existe plus. Pour des raisons de sécurité opérationnelle, nous ne divulguons pas l’emplacement des autres postes que nous avons déployés.

Le sénateur MacDonald : Bien sûr. Cela limitera peut-être un peu les questions que je vais vous poser, mais je vais tenter ma chance.

En ce qui concerne les menaces à la sécurité, selon vous, quel pays pose la plus grande menace à notre sécurité? Quels pays posent les plus grandes menaces à notre sécurité?

M. Shortliffe : Le SCRS examine toutes sortes de menaces à la sécurité. Nous nous surveillons la lutte contre le terrorisme. Nous nous concentrons aujourd’hui beaucoup plus sur l’extrémisme violent à caractère idéologique et nous examinons de beaucoup plus près les questions de contre-espionnage et d’espionnage. Nous continuons toutefois à surveiller de très près l’extrémisme violent à caractère religieux. Daech et Al-Qaïda et leurs alliés représentent une grave menace pour la sécurité du Canada.

Dans le cas de l’ingérence étrangère et des menaces d’espionnage, eh bien, une grande partie de cela vient de la République populaire de Chine et de la Russie. Les services de renseignement de ces pays ciblent le Canada et les intérêts canadiens en utilisant tous les mécanismes à leur disposition, y compris les voies cybernétiques et autres.

De toute évidence, avec la guerre en Ukraine, nous examinons de très près les activités de la Russie et les menaces qu’elles posent aujourd’hui pour la sécurité du Canada. La République populaire de Chine est aussi très importante pour cela, mais elle n’est pas la seule à constituer une menace.

Le président : Je vais utiliser ma prérogative de président pour poser quelques questions. Elles feront un peu suite à la question que le sénateur Harder a posée tout à l’heure.

Vous avez établi des protocoles d’entente avec Affaires mondiales Canada. Est-ce que vos deux organismes comptent sur l’Institut canadien du service extérieur pour une partie de la formation, comme la formation linguistique avant une affectation ou la formation générale sur la façon dont la diplomatie fonctionne dans une mission à l’étranger? Dans ce contexte, vous inspirez-vous aussi des Directives sur le service extérieur? Si je me souviens bien de ma propre période de service, elles sont un peu différentes des directives de la GRC et du SCRS, alors je me demande ce qu’il en est à l’heure actuelle.

Et enfin, je me demandais si vous avez une sorte de cours sur les pratiques exemplaires sur la sélection des chefs de mission. Dans certaines missions à l’étranger — je ne les nommerai pas, mais d’après mon expérience, vos deux organismes y étaient représentés —, le choix du chef de mission est parfois politique, et d’autres fois, on désigne une personne du service extérieur ou d’un autre ministère. Discutez-vous de ces choix? À cela, j’ajouterais que j’avais une relation de collaboration très étroite avec la GRC à Berlin. Dans un cas particulier, nous avons dû extraire un délinquant canadien dangereux qui s’était retrouvé en Allemagne. Tout s’est bien déroulé. Offrez-vous une sorte de cours sur les pratiques exemplaires, ou quelque chose du genre, sur les manières de tenir le chef de mission au courant et aussi pour que vos programmes soient efficaces?

M. Price : Merci pour cette question, monsieur le sénateur. Les Directives sur le service extérieur s’inscrivent maintenant dans le cadre de notre service extérieur. Nous les livrons nous-mêmes, mais nous suivons les lignes directrices du Conseil du Trésor pour les missions du réseau à l’étranger. Dans le cadre de nos missions de paix à l’étranger, nous suivons les Directives sur le service militaire à l’étranger, dont les formules sont prescrites par le Conseil du Trésor.

Quant aux relations avec les chefs de mission, nous en discutons pendant la formation préalable au déploiement. C’est un sujet dont nous discutons régulièrement avec les agents de liaison à l’étranger. Nous le faisons au cas par cas parce que, comme vous l’avez dit, les gens possèdent différents ensembles de compétences. Nous essayons d’insister sur l’appartenance à l’Équipe Canada et sur le fait que nous relevons du chef de mission. Plus les agents de liaison et les analystes entretiennent des relations efficaces avec leurs collègues en mission à l’étranger, plus leur service est efficace.

Le président : Merci. Monsieur Shortliffe?

M. Shortliffe : Notre approche est très semblable. Nous suivons nous aussi les Directives sur le service extérieur. En ce qui concerne notre relation avec les chefs de mission, notre protocole d’entente indique très clairement que nos agents doivent informer le chef de mission de nos principales activités. On ne s’attend pas à ce qu’ils décrivent les aspects opérationnels précis de notre travail, mais les chefs de mission doivent être tenus au courant de ce que nous faisons, car cela peut avoir une incidence sur leurs relations avec le pays dans lequel ils se trouvent. Nous formons nos agents sur ces questions avant de les déployer.

Je ne sais pas si nous avons utilisé l’Institut canadien du service extérieur. Il faudra que je me renseigne à ce sujet.

Le président : Je vous remercie beaucoup tous les deux. Nous allons passer au deuxième tour.

Le sénateur MacDonald : Je me souviens de l’époque où le SCRS a été créé. Il a repris une grande partie du travail de la GRC.

Pour ce qui est de la répartition des responsabilités, y a-t-il des responsabilités que le SCRS devrait peut-être reprendre et que la GRC effectue encore, et vice versa? Pourriez-vous tous deux répondre à cette question?

M. Shortliffe : Je vais répondre à cette question sous un angle différent, sénateur. Le service civil du renseignement n’est pas un organisme d’application de la loi. Notre mandat est de recueillir des renseignements et de conseiller le gouvernement sur ce qui menace la sécurité du Canada. Nous avons également pour mandat de faire du filtrage de sécurité. Nous effectuons à la fois du filtrage d’intégration et du filtrage gouvernemental, pour lesquels nous devons aussi recueillir des renseignements. Une partie du travail que nous effectuons à l’étranger est lié à cela. Depuis 2017, notre mandat comprend également la capacité de prendre des mesures pour réduire les menaces.

Comme nous ne sommes pas un organisme d’application de la loi, nous ne recueillons habituellement pas de données en fonction d’une norme de preuve. Nous travaillons en étroite collaboration avec la GRC lorsqu’il s’agit de menaces à la sécurité du Canada, parce que la GRC est l’organisme d’application de la loi. Si nous découvrons que quelqu’un se livre à des activités criminelles ou présente une menace — par exemple, si cette personne planifie une attaque ou autre —, la GRC fera enquête et portera l’affaire devant les tribunaux.

Nous collaborons étroitement avec la GRC pour lui trouver les renseignements qu’il lui faudra pour lancer sa propre enquête, sans compromettre les preuves présentées à un procès éventuel. En effet, nous devons parfois protéger nos sources, ce qui pourrait nuire à la cause que la GRC porte au tribunal. C’est un défi majeur auquel nous faisons face jour après jour.

M. Price : Je ne saurais trop insister sur la puissance de cette collaboration, surtout à l’étranger. Le service était mon partenaire le plus proche quand je travaillais à l’étranger. Franchement, la relation que j’ai eue au cours de mes 17 années de carrière à la GRC, en partie sur le plan de la sécurité nationale et en partie sur celui du crime organisé grave, est, je crois, parmi les plus fortes et étroites que j’ai jamais vue. Je suis donc d’accord avec M. Shortliffe.

Le sénateur MacDonald : Merci.

Le sénateur Ravalia : Cela fait suite à ma question précédente.

Je me demande simplement quelles mesures vous prenez pour atténuer le risque de cyberpiratage des professionnels du service extérieur, particulièrement quant à la propagation de la désinformation et à la polarisation croissante sur les plateformes de médias sociaux, comme Facebook et Twitter. Pour mettre les choses en contexte, le directeur du SCRS aurait dit récemment que ce sujet est l’un des enjeux les plus complexes auxquels sont confrontés des organismes gouvernementaux comme le sien, ainsi que le CST et la GRC, et que vous essayez de déterminer qui devrait s’occuper des médias sociaux. Merci.

M. Shortliffe : Je vous remercie de votre question, sénateur. La question des médias sociaux est très difficile pour nous. Il y a beaucoup de choses sur les médias sociaux qui, même si elles sont vraiment horribles et peuvent propager la haine, ne relèvent pas vraiment de notre mandat en matière de sécurité nationale.

Quant à ce que nous faisons pour aider à protéger Affaires mondiales Canada et d’autres partenaires contre les cybermenaces, nous faisons partie de l’écosystème cybernétique du gouvernement du Canada, c’est-à-dire le CST, le Centre de la sécurité des télécommunications et le CCC, le Centre canadien pour la cybersécurité. Nous avons un rôle à jouer pour aider à comprendre qui sont les auteurs de menaces, surtout les auteurs de menaces parrainés par l’État, qui pourraient être à l’origine d’une grande partie de cette activité. Ensuite, nous dispensons des séances d’information aux différents ministères, ainsi qu’à d’autres ordres de gouvernement, et parfois même aux parlementaires, sur les types de menaces auxquelles ils pourraient faire face et nous leur conseillons certaines mesures de base à adopter pour se protéger.

Entre autres choses, nous leur demandons toujours en cas de soupçon de compromission, de signaler leur doute afin que des mesures puissent être prises et que nous puissions comprendre ce qui s’est passé et peut-être trouver des façons d’atténuer la menace à l’avenir.

C’est un problème qui prend beaucoup d’ampleur et qui est très difficile à résoudre.

Le président : Merci. Voulez-vous que M. Price vous donne son point de vue?

Le sénateur Ravalia : S’il a un commentaire, bien sûr.

M. Price : Absolument. Sénateur, je me fais l’écho de tout cela et je dirais que nous faisons également partie de cet écosystème numérique. Une partie de la lutte implique de plus en plus les services de police canadiens à tous les niveaux, et nous travaillons en étroite collaboration avec tous les partenaires que M. Shortliffe a décrits. Nous travaillons à l’échelle transnationale à cet égard.

Le président : Merci, sénateur. J’aimerais remercier nos témoins, M. Shortliffe et M. Price, de leurs commentaires d’aujourd’hui. Chers collègues, nous allons effectuer ce qu’on appelle une transition en douceur dans le monde cybernétique et passer à notre prochain groupe de témoins.

[Français]

Nous passons maintenant à la deuxième partie de notre réunion. Nous recevons des représentants d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : Mme Pemi Gill, directrice générale, Réseau international, et M. Karim Virani, directeur général, Planification intégrée et coordination.

Madame Gill, la parole est à vous.

[Traduction]

Pemi Gill, directrice générale, Réseau international, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : Merci beaucoup, honorables sénateurs, de nous avoir invités à prendre la parole aujourd’hui au nom d’IRCC.

[Français]

C’est avec grand plaisir que je vous rencontre aujourd’hui pour vous parler du programme du ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté (IRCC). Merci beaucoup de m’avoir invitée à m’adresser à vous sur la question du service extérieur du Canada au sein d’IRCC.

[Traduction]

Le mandat d’IRCC est de veiller à l’exécution du programme d’immigration du Canada; nous sommes présents depuis longtemps dans les missions du Canada à l’étranger. Notre mandat repose sur la Loi sur le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration. Le ministre est responsable de la Loi sur la citoyenneté de 1977 et partage avec le ministre de la Sécurité publique la responsabilité de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

IRCC et ses partenaires bâtissent un Canada plus fort en élaborant et en mettant en œuvre des politiques, des programmes et des services qui facilitent l’arrivée des personnes et leur intégration au Canada d’une manière qui maximise leur contribution au pays tout en protégeant la santé, la sûreté et la sécurité des Canadiens.

Nous maintenons également la tradition humanitaire du Canada en protégeant les réfugiés et les personnes qui ont besoin de protection. Nous renforçons les valeurs et faisons la promotion des droits et des responsabilités liés à la citoyenneté canadienne, nous tendons la main à tous les Canadiens et nous favorisons une meilleure compréhension interculturelle vers une société intégrée offrant des chances égales à tous, peu importe leur race, leur origine ethnique et leur religion.

L’effectif d’IRCC à l’étranger comprend plus de 1 500 postes répartis entre le personnel canadien et les employés recrutés sur place dans une soixantaine d’endroits dans le monde.

IRCC s’assure également que les services au public pour les demandes de visa et d’immigration sont fournis par des prestataires de services en vertu de sous-contrats avec le gouvernement du Canada. Cela comprend 166 centres de réception des demandes de visa situés dans 111 pays et 2 500 médecins et radiologistes situés dans 176 pays.

[Français]

À l’étranger, IRCC se concentre sur trois sphères d’activités pour atteindre le maximum de bénéfices sociaux, culturels et économiques de l’immigration : l’enseignement opérationnel et les risques; l’exécution des programmes et l’intendance; troisièmement, l’engagement mondial.

Le rôle d’IRCC, qui se superpose à ces piliers, est de fournir une réponse rapide et une prestation opérationnelle face aux événements mondiaux et aux questions politiques émergentes.

[Traduction]

La représentation du Canada dans les missions à l’étranger est assurée par une équipe pangouvernementale composée de représentants de divers ministères et des chefs de mission du gouvernement du Canada. IRCC fait partie de cette équipe. Les représentants ministériels à la mission travaillent ensemble de diverses façons pour favoriser cette cohérence et faire progresser les objectifs et les priorités du gouvernement du Canada, à la fois de façon holistique et comme ministères individuels.

Dans le cadre du mandat d’IRCC, nous travaillons en étroite collaboration avec nos collègues d’Affaires mondiales Canada de plusieurs façons. Sur le plan administratif, IRCC travaille avec Affaires mondiales pour gérer notre plateforme et nos gens, y compris notre personnel recruté sur place et le personnel canadien affecté à la mission, pour équiper et doter en ressources nos gens à l’étranger, pour exécuter les programmes de migration du Canada et pour assurer le devoir de diligence de notre personnel.

Les priorités gouvernementales et ministérielles se recoupent entre IRCC et Affaires mondiales dans un certain nombre de domaines liés à l’engagement international sur les questions liées à la migration.

[Français]

L’immigration demeure un élément clé de notre économie et de notre reprise. Le travail du ministère est essentiel pour soutenir la croissance économique du Canada, pour réunir les familles et bâtir les communautés, et pour respecter nos obligations humanitaires internationales.

À titre de ministères ayant la plus grande empreinte à l’étranger, Affaires mondiales Canada et IRCC ont une relation profonde et travaillent en collaboration sur une série d’enjeux. Dans l’avenir, IRCC continuera d’accroître ses services numériques et de transformer les opérations du ministère pour qu’elles soient plus efficaces, plus souples et plus sûres, et pour continuer à faire progresser les objectifs annuels en matière de niveaux d’immigration.

[Traduction]

Les récentes crises mondiales, y compris les événements en Afghanistan et en Ukraine, ont renforcé l’importance d’une approche pangouvernementale et d’une coopération avec les partenaires internationaux. C’est un travail d’équipe, et IRCC est un membre clé de l’équipe. Merci.

Le président : Merci beaucoup. Nous allons passer à la déclaration de M. Virani. Il n’en a pas? D’accord. Dans ce cas, nous avons plus de temps pour les questions. Je vois que cette perspective a fait sourire tout le monde, alors c’est bien.

[Français]

La sénatrice Gerba : Ma question s’adresse à Mme Gill.

Merci d’être ici aujourd’hui. C’est vraiment très apprécié de vous avoir. Effectivement, votre ministère et Affaires mondiales Canada ont un impact important sur l’image et sur les relations du Canada avec le monde.

Le réseau international exécute notamment le programme d’immigration du Canada à l’étranger par l’intermédiaire de plus de 50 bureaux à travers le monde. Vous l’avez dit, vous êtes présents.

En Afrique subsaharienne, le ministère ne disposait récemment que d’un seul bureau établi à Dakar, au Sénégal, pour traiter l’ensemble des demandes de visa provenant de 12 pays africains.

Il y a quelques mois, le ministère a néanmoins annoncé l’ouverture prochaine d’un bureau au Cameroun, à Yaoundé. C’est un pas important dans la bonne direction. Connaissez-vous la date de l’ouverture du bureau de Yaoundé? Y a-t-il une planification pour densifier le réseau en Afrique? Merci.

[Traduction]

Mme Gill : Merci beaucoup de la question. En effet, notre bureau de Dakar couvre plusieurs pays. En plus du Sénégal, IRCC est présent dans plusieurs autres pays d’Afrique. Au cours des dernières années, nous avons commencé à accroître notre présence en Afrique, en reconnaissant les possibilités continues de croissance. Il y a une jeune population sur tout le continent africain, et en ce qui concerne l’immigration future au Canada, nous avons accru notre présence en Afrique.

En 2021, le gouvernement du Canada a proposé et ouvert une section de l’immigration en Éthiopie pour faciliter le travail de migration dans ce pays. Ce bureau a ouvert ses portes en juillet 2021. Pour être clair, il y a toujours eu une présence d’Affaires mondiales là-bas, mais il s’agissait d’une section de l’immigration qui était ouverte au sein de ce bureau.

À l’été 2022, donc l’été dernier, nous avons ouvert une section de l’immigration au sein de notre mission au Cameroun. Ce bureau est maintenant opérationnel.

Avec une plus grande utilisation de la technologie, le passage à un nombre croissant de demandes électroniques et à du travail véritablement numérique, nous traitons de plus en plus de demandes pour tous nos clients à l’échelle mondiale, à partir du Canada et à partir d’autres endroits, et non pas en utilisant notre modèle traditionnel qui consiste à toujours investir des ressources dans un bureau pour traiter les demandes à l’échelle locale. Les ressources mises à notre disposition sont principalement axées sur la collaboration bilatérale avec le pays, sur l’appui de nos efforts de mobilisation pour la promotion des étudiants, la promotion des francophones, ainsi que les renseignements d’affaires et les cas complexes qui nécessitent une intervention.

Le sénateur Richards : Merci aux témoins. La sénatrice Gerba a posé au moins une partie de ma question. Dans quelle mesure est-il difficile de travailler dans des zones de crise réelle pour faciliter l’aide et l’immigration? Je pense à la Somalie et à d’autres pays d’Afrique.

Dans quelle mesure vos efforts aboutissent-ils dans ces régions? Essentiellement, pouvons-nous changer les choses et sauver des vies en ce moment? Je pense à la famine qui sévit actuellement en Somalie et à la crise en Éthiopie et ailleurs. J’invite n’importe quel témoin à répondre.

Le président : Nous devrions peut-être donner une chance à M. Virani. Est-ce que ce serait juste?

Mme Gill : Si le président est d’accord, je vais répondre à cette question.

Le président : Bien sûr.

Mme Gill : Je vous remercie de cette question. C’est une question très profonde aux multiples facettes.

Les événements internationaux, en particulier les crises et l’instabilité, ne cessent de s’aggraver. À IRCC, nous examinons les événements, qui sont signalés au fur et à mesure qu’ils se produisent, et nous les évaluons tout au long du processus pour déterminer les répercussions sur les opérations et les déplacements potentiels de la population.

Grâce à une surveillance continue, si un événement devait s’aggraver, le ministère a établi des protocoles pour déclencher des processus et une intervention complète. Nous le faisons en collaboration avec des partenaires. Le plus évident serait Affaires mondiales, mais il y en a d’autres.

Nous avons également tendance à recourir à nos réseaux de fournisseurs de services, comme les centres de réception des demandes de visa et les médecins désignés, parce qu’ils ont une présence plus vaste que nous là où nous agissons à titre d’agents d’immigration. Ils effectuent des travaux comme le dépistage médical et la collecte de données biométriques, qui constituent des éléments essentiels de nos opérations et de l’évaluation des demandes.

Nous travaillons également en étroite collaboration avec des organisations comme le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, ou le HCR, et l’Organisation internationale pour les migrations, ou l’OIM, qui est un partenaire de service clé pour nous. Pour la plupart des mouvements de réfugiés dans le monde, c’est l’OIM qui s’occupe des préparatifs pour les vols, qui fournit du soutien et de l’orientation avant l’arrivée. Le soutien après l’arrivée au Canada est assuré par notre réseau de fournisseurs au Canada.

Le sénateur Richards : Coordonnez-vous vos activités avec des organismes comme Médecins Sans Frontières, Aide à l’enfance et d’autres organismes qui œuvrent en Afrique? Avez-vous un dialogue avec ces organisations ou collaborez-vous avec elles?

Mme Gill : Je ne peux pas confirmer avec certitude si nous travaillons avec les organisations que vous avez mentionnées, mais IRCC collabore de façon générale, tant à l’étranger qu’au Canada, avec des organismes sans but lucratif, particulièrement en ce qui concerne la réinstallation. Nous collaborons avec une vaste gamme d’intervenants et nous sollicitons leur avis, y compris divers dialogues avec le HCR et les fournisseurs de services d’établissement, comme je l’ai mentionné.

Le sénateur Richards : Merci.

La sénatrice Coyle : Merci beaucoup à Mme Gill pour son témoignage et à M. Virani pour sa présence. Je suis certaine que nous sommes tous tentés d’entrer dans le vif du sujet, de vous interroger sur l’accueil de réfugiés afghans au Canada, sur les arriérés dans notre système d’immigration, mais je sais que ce n’est pas de cela dont nous voulons discuter. J’espère que nous pourrons accueillir votre ministre un jour pour discuter de ces questions avec nous au Sénat.

Vos gens, vos agents du service extérieur en particulier, sont vos actifs réels et ceux du Canada. Je m’interroge au sujet de l’évolution de la politique d’immigration au Canada, de ce qu’IRCC recherche actuellement chez ses agents du service extérieur. Nous voulons attirer des immigrants talentueux et qualifiés au Canada. D’après mon expérience avec IRCC, il s’agit d’un véritable système de tri pour veiller à ce que les pommes pourries n’entrent pas au Canada et, espérons-le par-dessus tout, qu’elles ne s’y établissent pas. Ce serait un cauchemar. Tout cela a changé maintenant, du moins dans une large mesure.

Je suis curieuse de savoir ce que vous recherchez actuellement chez vos agents du service extérieur, comment vous les recrutez, comment vous les maintenez en poste. Y a-t-il des choses que nous pouvons apprendre de ce que vous faites maintenant quant aux types de personnes et toutes les mesures que vous devez prendre pour recruter et retenir le genre de professionnels dont vous avez besoin aujourd’hui?

Mme Gill : Je vous remercie de la question. Pour ce qui est de la taille de notre service extérieur, sur nos 1 300 employés qui travaillent à l’étranger, environ 300 sont basés au Canada, alors ce sont des postes du service extérieur.

Nous recrutons régulièrement. Le service extérieur ne représente qu’une petite partie de notre ministère, alors que la majorité des effectifs de notre ministère est basée au Canada. Pour l’entrée dans le service extérieur nous affichons une opportunité d’emploi permanente, accessible en tout temps. Nous invitons régulièrement les Canadiens à entreprendre des évaluations, donc à entamer le processus d’embauche et d’évaluation pour devenir agent du service extérieur. Jusqu’à présent cette année, nous avons en fait envoyé des invitations dans le cadre de quatre campagnes. L’affiche est toujours accessible au public. Les Canadiens peuvent postuler, et nous choisissons ensuite parmi les candidatures.

Nos affiches soulignent l’importance d’assurer la diversité géographique et la diversité des personnes. Il y a des atouts, et l’affiche les rend accessibles au public. Cela nous permet de nous assurer que nous avons une diversité géographique parmi nos nouveaux candidats, ainsi qu’une diversité de personnes, y compris les groupes d’équité en matière d’emploi, c’est-à-dire les femmes, les personnes handicapées, les Autochtones et les minorités visibles.

Nous essayons toujours d’attirer et de recruter les meilleurs talents dans le domaine de l’immigration. Comme c’est le cas pour le programme d’Affaires mondiales, nous embauchons en fonction des compétences plutôt que de l’expérience de certains types de travail à l’étranger. Nous soumettons nos recrues à un rigoureux programme d’intégration qui s’harmonise très bien avec celui d’Affaires mondiales. Il commence par la formation linguistique, suivie d’une formation en administration des lois et des règlements sur l’immigration, parce que nous rendons des décisions en vertu de la législation. Il comprend aussi des composantes de gestion de crise, d’engagement et de gestion du personnel. Dans le cadre de ce programme de perfectionnement, ces employés sont ensuite envoyés à l’étranger pour un certain temps, où nous continuons de les exposer à des expériences très précises qui leur permettront de progresser ensuite dans le programme.

Le président : Merci beaucoup. Nous n’avons plus de temps pour ce segment.

Le sénateur Woo : Merci à nos témoins. J’aimerais reprendre la question de la sénatrice Coyle et entrer un peu plus dans les détails de la gestion des ressources humaines à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, ou IRCC.

En premier lieu, lorsque vous parlez des bureaux du service extérieur d’IRCC, je suppose que c’est différent des agents du service extérieur d’AMC. Il se peut que je me trompe. Vous pourriez peut-être m’éclairer.

Qu’il s’agisse ou non de la même chose que les agents du service extérieur d’Affaires mondiales Canada, quels sont les mécanismes institutionnels qui encadrent le transfert de talent de type service extérieur d’IRCC au service extérieur classique, qu’il s’agisse des groupes PS, EC ou EX?

Je me rappelle vaguement qu’Affaires mondiales avait une sorte de volet d’immigration dans son histoire, et je ne sais pas trop ce qui s’est passé ni comment cela a changé, et cetera. Je sais que, de temps à autre, il y a des gens qui viennent du volet de l’immigration, des gens d’IRCC, qui sont devenus ambassadeurs. Comment cela fonctionne-t-il et s’agit-il d’un arrangement institutionnel ou est-ce un cas isolé en quelque sorte?

Mme Gill : Merci. Traditionnellement, l’immigration faisait partie du grand contexte, mais ce volet de l’immigration est le service extérieur d’IRCC. Ce mandat est la responsabilité d’IRCC, et ce sont nos agents du service extérieur qui s’en occupent.

Le concept de service extérieur est harmonisé à l’échelle d’IRCC et d’Affaires mondiales Canada. Affaires mondiales n’est pas seulement notre plateforme internationale pour les infrastructures physiques, technologies de l’information, et cetera. Il assure aussi tout le soutien et la supervision nécessaires pour l’obligation de diligence envers nos employés. La gouvernance des Directives sur le service extérieur, ou les DSE, l’accès au repos et le répit pour les employés d’IRCC à l’étranger sont l’affaire d’Affaires mondiales Canada, dont nous suivons vraiment tous leurs concepts. De fait, nous avons pas mal de cadres de gouvernance interministériels pour être sûrs de travailler en étroite collaboration et de nous aligner sur leur application.

Excusez-moi, quelle est la deuxième partie de la question?

Le sénateur Woo : Le passage du service extérieur de type immigration au volet plus diplomatique, politique et économique du service extérieur, qui peut mener à un poste d’ambassadeur.

Mme Gill : La classification d’un agent du service extérieur est la même dans les deux organisations, mais les descriptions de poste sont différentes. C’est une classification FS.

Affaires mondiales ouvre la porte à des postes d’ambassadeur pour d’autres ministères également, et c’est un processus concurrentiel. Des membres du service extérieur d’IRCC se sont portés candidats, et il y a même eu des candidatures de la part de non-membres du service extérieur. Sauf erreur, nous avons aujourd’hui trois ambassadeurs à l’étranger qui sont sortis du service extérieur d’IRCC. Il y a donc un processus structuré, mais nous ne voyons pas beaucoup de mouvement de va-et-vient de ce côté-là.

Le sénateur Woo : Merci.

Le président : Nous allons passer au sénateur Harder. Nos témoins savent sans doute qu’il connaît à fond votre ministère.

Le sénateur Harder : Sénateur Woo, votre question me rappelle le rôle que j’ai joué dans le passage des agents du service extérieur du ministère des Affaires étrangères à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Mais ce n’est pas là que je veux en venir avec ma question.

J’aimerais dire un mot à propos du personnel recruté sur place. C’est un élément considérable de votre personnel. C’est très difficile, compte tenu de la répartition géographique de ces milliers d’employés. J’aimerais vous entendre parler un peu de l’équilibre entre ce qui est approprié pour le recrutement de personnel sur place et des employés basés au Canada pour la gestion du programme. C’est toujours moins cher pour le personnel recruté sur place, mais quels sont les facteurs de risque liés à l’intégrité du programme, à la supervision et à ce genre de choses?

Pourriez-vous aussi nous dire quelques mots de l’obligation de diligence, en particulier envers le personnel recruté sur place, qui ne peut pas être rescapé aussi efficacement que le personnel canadien — sans parler des autres problèmes de gestion que cela pose. Par exemple, chaque territoire où nous avons du personnel recruté sur place a son propre régime de retraite. Comment assurer l’équité du service, sans parler de l’équité de rémunération? J’aimerais me concentrer sur le cas des personnes recrutées sur place, si vous me le permettez, avec ces questions.

Mme Gill : L’obligation de diligence envers le personnel des missions diplomatiques à l’étranger relève d’Affaires mondiales Canada, et est mise en œuvre par le chef de mission. Le personnel recruté sur place, le PRP, qui appuie le mandat d’IRCC et qui se consacre à temps complet à son accomplissement, relève toujours d’Affaires mondiales Canada et est inclus dans cette catégorie de personnel recruté sur place sous la responsabilité d’Affaires mondiales. De fait, même pour le personnel canadien d’IRCC basé au Canada, l’obligation de diligence de l’ambassadeur couvre le personnel basé au Canada.

Vos questions concernant l’extraction du personnel recruté sur place et l’équité en matière de pensions et de rémunération relèvent en fait d’Affaires mondiales. À savoir si le personnel recruté sur place appuie le mandat d’IRCC ou celui d’Affaires mondiales, c’est Affaires mondiales qui décide. Je vous renverrais à Affaires mondiales pour plus d’information à ce sujet. Merci.

Le sénateur Harder : Permettez-moi quand même de revenir à la décision d’utiliser un personnel recruté sur place ou un personnel basé au Canada dans l’exercice de jugements qui sont précieux du point de vue financier, mais aussi du point de vue de la sécurité. Comment vérifiez-vous, au fil du temps, que vous avez le bon équilibre entre le personnel recruté sur place et le personnel basé au Canada dans une mission donnée?

Mme Gill : Merci. Mes excuses pour avoir oublié cette partie de votre question dans ma réponse initiale.

Pour IRCC, notre mandat à l’étranger repose en fait sur trois piliers essentiels, qui sont les services de traitement et d’immigration pour les clients, les consultations bilatérales et multilatérales sur les questions d’immigration, et la promotion et l’engagement. Cela comprend le partenariat avec Affaires mondiales pour l’investissement étranger direct. Nous aidons les délégués commerciaux par de nombreuses consultations dans ce domaine, ainsi que dans le domaine des études internationales et pour les étudiants.

Pour nous, lorsque nous examinons l’équilibre entre le personnel recruté sur place et le personnel basé au Canada, l’administration de la LIPR, c’est-à-dire la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, est principalement l’affaire des agents basés au Canada. Nous avons un personnel recruté sur place qui a des responsabilités précises dans ce domaine également, et qui fait partie de notre espace de mobilisation. Il connaît le contexte local; il maîtrise les langues locales et a la capacité de pousser plus loin les relations et les partenariats. Cependant, dans tous les cas où IRCC a une présence à l’étranger, nous avons une direction basée au Canada.

La sénatrice Boniface : Je voudrais peut-être mieux comprendre. Je ne comprends pas toute la structure dans ce processus. Vous avez indiqué 1 300 employés, dont 300 sont basés au Canada. Puis, lorsque je regarde le cahier de transition d’IRCC, par exemple, j’y vois qu’il y a 164 centres de réception des demandes de visa dans 108 pays, qui sont gérés par des entrepreneurs indépendants. Ce chiffre s’ajoute-t-il aux autres? Est-ce une sorte de contrat pour un service global, ou y a-t-il des entrepreneurs individuels? Aidez-moi à comprendre à quoi ressemble l’empreinte sur le terrain.

Mme Gill : Merci de votre question. Il y a souvent des malentendus sur ce point.

Les employés d’IRCC, qu’il s’agisse du personnel basé au Canada ou du personnel recruté sur place, se répartissent dans 61 pays. Nous partageons nos locaux avec les ambassades canadiennes et les hauts-commissariats. Les chiffres que j’ai donnés sont spécifiquement pour ce contingent.

En outre, compte tenu des volumes — et l’immigration est un pilier essentiel des priorités du gouvernement du Canada —, l’an dernier, nous avons accueilli plus de 400 000 nouveaux résidents permanents au Canada. Pour appuyer ce travail, nous comptons sur une série de réseaux de fournisseurs de services. Ces fournisseurs de services tiers, qui travaillent sous contrat, s’occupent de certaines des étapes administratives de nos processus pour nous donner un accès plus étroit pour les clients, ainsi que la capacité suffisante pour les volumes que nous voyons, particulièrement pendant la haute saison.

Ce ne sont pas des employés du gouvernement du Canada. Ils n’administrent pas non plus les demandes et ne prennent aucune décision sur les demandes. Ce sont nos centres de réception des demandes de visa qui font cela. C’est là que les clients pouvaient s’adresser — jadis, lorsque nous acceptions le papier — pour déposer leur demande papier. C’est là qu’ils vont pour leur inscription biométrique. C’est là qu’ils déposent leur passeport pour y faire apposer le visa, ce qui se fait ensuite à la mission. Il s’agit vraiment d’un soutien administratif pour les clients, ainsi que pour notre réseau de médecins. Il s’agit de médecins recrutés sur place pour les examens médicaux requis.

La sénatrice Boniface : Je comprends. Merci.

Le président : J’ai une question au sujet de l’Afghanistan. Le sénateur Housakos l’a soulevée dans le dernier groupe de témoins. Il y a environ un an, bon nombre d’entre nous — nous tous, dirais-je — avons été inondés de messages d’Afghans qui cherchaient à fuir l’Afghanistan et venir au Canada. La pression était intense. Le gouvernement a fait des annonces. Je crois savoir qu’il a mis sur pied des groupes de travail, qu’il a renforcé notre mission à Islamabad, et qu’il a mis en place divers programmes pour tenter de faire venir les 40 000 Afghans au Canada. Bien sûr, c’était tout un défi en période de pandémie.

Monsieur Virani, vous n’avez encore rien dit, mais vous et moi avons sans doute déjà discuté de cette opération très difficile. Pourriez-vous nous expliquer un peu comment cela a fonctionné, comment cela s’est déroulé, car certains d’entre nous reçoivent encore des messages? Les parlementaires ont reçu de nombreuses manifestations d’intérêt.

Karim Virani, directeur général, Planification intégrée et coordination, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : Merci, monsieur le président, pour la question. Je suis heureux d’avoir l’occasion de témoigner devant le comité également. Effectivement, vous et moi en avons parlé. Vous vous rappellerez que, dans certaines de nos conversations, et je le répète au profit d’autres personnes, juste après la chute de Kaboul, le gouvernement du Canada s’est engagé à mettre environ 20 000 Afghans en sécurité au Canada. En septembre 2021, le gouvernement avait doublé son engagement d’en accueillir au moins 40 000, comme vous l’avez mentionné.

En date du 1er octobre 2022, la moitié de ces personnes, soit 21 305, étaient arrivées au Canada.

À ce sujet, je vous dirai que j’ai commencé à collaborer avec le groupe de travail sur l’Afghanistan à l’époque, en novembre 2021. Depuis, le groupe est devenu un secteur au sein d’IRCC pour la gestion des complexités du programme en général et de l’initiative de réinstallation.

Au départ, notre engagement était de venir en aide à ceux qui avaient travaillé de près pour le Canada, et nous avons continué en étendant cet engagement à un certain nombre de personnes dans le cadre du programme humanitaire. De notre engagement global, environ 23 000 personnes ont aidé directement le Canada.

Vous songez probablement à une foule de ces personnes qui avaient fait connaître leur intérêt à Affaires mondiales ou au ministère de la Défense nationale dans l’espoir de venir au Canada. Nous avions reçu des centaines de milliers de courriels et, effectivement, le ministre a dit que nous avions reçu plus d’un million de communications de la part de particuliers.

La réalité, c’est que tout le monde ne pourra pas venir au Canada. Nous continuons de travailler et de traiter les dossiers des personnes qui nous arrivent d’Afghanistan et des pays voisins, ainsi que des endroits où elles ont abouti. Ce travail se poursuit, et beaucoup de nos agents du service extérieur sont sur la ligne de front et coordonnent leur action avec AMC.

J’ajouterai que les 20 000 prochains cas seront probablement aussi difficiles, sinon plus. Environ 10 000 de nos clients sont toujours en Afghanistan, et ils n’ont pas de voie de sortie simple. Disons également que nous ne ménageons pas nos efforts et que nous continuerons de travailler pour faciliter les voyages à l’extérieur de l’Afghanistan et des pays voisins. Cela signifie un effort continu en étroite collaboration avec nos collègues d’Affaires mondiales.

Je vais céder la parole à Mme Gill, qui a peut-être quelque chose à ajouter.

Le président : Nous n’avons plus de temps pour ce segment. Je dois me discipliner également. Merci.

[Français]

La sénatrice Gerba : Je suis reconnaissante pour l’occasion de poursuivre ma discussion avec Mme Gill.

Madame Gill, vous avez fait mention tout à l’heure de l’intensification de l’implantation de bureaux, et je me réjouis de savoir que le bureau du Cameroun est déjà opérationnel. Je me réjouis également de savoir qu’en Éthiopie, il y aurait déjà un bureau en activité.

Toutefois, vous avez parlé du système informatique ou plutôt de la numérisation, qui tiendra compte de la croissance de la population africaine. Cependant, il y a encore plusieurs cas où des dossiers doivent être transportés physiquement; par exemple, on demande à certains candidats de venir apposer leurs empreintes digitales. Ils sont donc obligés de parcourir des kilomètres pour se rendre au bureau. Pensez-vous que ce système réglerait ce problème et qu’il n’y aurait plus de déplacements à effectuer?

Deuxièmement, on a beaucoup critiqué le système informatique — je crois que c’est le logiciel Chinook — qui refuse systématiquement les étudiants francophones d’Afrique. Pensez-vous que ce système sera amélioré ou restera-t-il dans sa forme actuelle? Merci.

[Traduction]

Mme Gill : Merci de vos questions. Je vais commencer par les exigences relatives aux documents papier ou aux visites en personne pour les clients. Elles sont les mêmes partout dans le monde, que ce soit en Afrique ou sur n’importe quel autre continent, et la collecte des données biométriques des clients est maintenue même lorsque les demandes sont numériques. C’est l’une des étapes qui doit s’accomplir en personne.

Comme je l’ai mentionné plus tôt, ce sont nos centres de réception des demandes de visa qui s’occupent de cela, en partie pour être plus près de nos clients que nos missions, vu que nous ne sommes que dans 60 missions à l’échelle de la planète. En Afrique subsaharienne, nous avons 21 centres de réception des demandes de visa. C’est là que les clients vont pour la collecte des données biométriques.

Nous surveillons continuellement le volume d’utilisation par les clients, de sorte que nous en ajoutons un autre chaque fois que nous en constatons le besoin. Je crois que plus de 95 % de nos clients sont proches d’un centre de réception des demandes de visa.

Quant aux outils numériques, Chinook et les autres, la modernisation numérique des systèmes d’IRCC et des systèmes d’immigration du gouvernement du Canada vise à faire en sorte que nous demeurions une destination de choix pour les talents mondiaux. Nous apportons de multiples changements à nos systèmes afin d’instaurer les nouvelles capacités informatiques par lesquelles passe la normalisation numérique, et pas seulement une mise à niveau technique. Nous lançons plutôt une transformation opérationnelle pour amener IRCC à l’ère numérique et révolutionner notre offre de services.

La confiance du public dans les systèmes d’immigration que permet la technologie est essentielle et importante pour nous, car nous dépendons de mesures de protection pour nous protéger contre les préjugés et la discrimination involontaires et assurer l’accessibilité à une clientèle diversifiée.

Je préciserai que Chinook est un outil qui affiche de l’information à l’intention des agents pour faciliter le traitement des demandes. Il n’y a pas d’intelligence artificielle ni d’apprentissage automatique intégré dans Chinook. C’est un outil Excel qui facilite le traitement des demandes.

La sénatrice Coyle : Merci. Je voudrais revenir sur les questions que j’ai posées plus tôt au sujet du recrutement et du maintien en poste.

J’ai quelques petites questions. Le maintien en poste de vos agents du service extérieur vous pose-t-il des problèmes? Si oui, pourriez-vous nous les expliquer?

Deuxièmement, si vous avez des pratiques de recrutement proactif, vous adressez-vous à des sources particulières d’agents du service extérieur que vous aimeriez faire venir? Pourriez-vous nous décrire les diverses sources où vous faites peut-être du recrutement proactif? Ce processus a-t-il changé d’une façon ou d’une autre, tant pour ce qui est des sources que pour ce qui est des types de recrues que vous recherchez?

Mme Gill : Merci. Je vais commencer par la question du maintien en poste et du recrutement proactif.

En ce qui concerne le maintien en poste, la rotation de nos employés du service extérieur a tendance — c’est beaucoup comme aux Affaires mondiales — à être davantage un cheminement de carrière. Les employés ont tendance à rester, de sorte que le maintien en poste n’est pas un souci important.

Nous avons multiplié nos examens et veillons à ce que les employés arrivent au bon niveau et au bon moment, compte tenu notamment de l’âge de l’effectif. Nous faisons un suivi proactif de cette tendance.

Par ailleurs, pour ce qui est du recrutement proactif, notre affiche est toujours accessible pour le public sur le site Web de la Commission de la fonction publique. En fait, ces dernières années, nous avons commencé à... Par exemple, elle sortira dans LinkedIn. Nous tâchons d’utiliser davantage les médias sociaux et d’autres plateformes pour cibler des bassins de recrutement plus diversifiés, et nous avons participé à des salons de l’emploi dans différents coins du pays. Nous en sommes au tout début d’un travail plus ciblé en fonction d’une diversification toujours plus grande de notre effectif.

La sénatrice Coyle : Oui, et vous avez mentionné l’accent que vous mettez sur la diversité, ce que j’applaudis certainement.

En plus de l’effort que vous faites pour diversifier votre effectif, je m’intéresse également aux types de candidats, aux qualifications et à l’espace d’expérience. Que recherchez-vous maintenant dans le personnel du service extérieur dans votre ministère?

Mme Gill : Merci. Nous avons toujours en tête un service extérieur représentatif du Canada. Je précise que la diversité dont je parle s’étend aussi à la diversité géographique.

Quant aux compétences, étant donné que notre programme de service extérieur se veut un programme d’entrée de gamme avec structuration du perfectionnement et des approches, nous ne recherchons pas d’expériences particulières, comme le fait d’avoir travaillé à l’international, et ainsi de suite. Notre programme est davantage articulé sur la scolarité postsecondaire, et comporte aussi une évaluation davantage axée sur les compétences. Si le comité veut des détails précis, je serais heureuse de les fournir.

Le président : Si vous pouviez envoyer ces détails à Mme Lemay, la greffière du comité, cela serait très utile, madame Gill. Merci.

Le sénateur Richards : Merci beaucoup. Ce n’est pas la première fois que cette question est soulevée, et je suis sûr qu’on vous l’a déjà posée.

Nous avons reçu des milliers de courriels d’Afghans qui implorent notre aide, en disant avoir été trahis par le Canada, avoir travaillé pour le Canada à titre d’interprètes ou de guides, ou d’autres choses, pour se retrouver maintenant face aux talibans.

Le processus d’approbation est-il toujours aussi rigoureux pour eux? Dans quelle mesure est-il difficile de faire accepter leur sortie d’Afghanistan et leur venue au Canada? Bien sûr, cela doit être en partie à cause des talibans, mais la nature de notre processus d’approbation y est-elle pour quelque chose également? Quelqu’un peut-il me répondre, s’il vous plaît?

Mme Gill : Je vais commencer, puis je céderai la parole à mon collègue, M. Virani.

Nous ne ménageons aucun effort pour aider les Afghans, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Afghanistan. Peu importe où se trouve un ressortissant afghan dans le monde, s’il se destine au Canada, les conditions à réunir pour être reconnu comme réfugié ou faire partie d’une autre catégorie sont les mêmes. En fait, nous vérifions à la fois son droit de venir chez nous et son admissibilité.

Pour une foule de nos clients qui sont en Afghanistan, nous effectuons notre collecte des données biométriques une fois qu’ils sont sortis d’Afghanistan. Mais le niveau de dépistage n’est pas plus élevé pour les réfugiés d’Afghanistan que pour toute autre population dans le monde.

M. Virani : J’ajouterai que l’engagement du gouvernement du Canada est l’un des plus considérables au monde — par habitant, en fait, il est le plus important au monde : accueillir au moins 40 000 personnes pour la fin de 2023.

En même temps, nous savons qu’il y a au moins 3 millions, et peut-être même plus, d’Afghans déplacés au Pakistan seulement. Nous avons un programme très ambitieux, mais il ne pourra pas répondre à toutes les demandes que nous recevrons de personnes souhaitant se réinstaller au Canada.

Il y a d’autres programmes auxquels on peut s’inscrire, mais la triste réalité, monsieur le président, c’est que tout le monde ne pourra pas venir au Canada. Comme je l’avais dit dans une réponse précédente, nous avons reçu des centaines de milliers de demandes d’Afghans.

Nous continuons de travailler avec nos partenaires pour repérer les Afghans vulnérables. Par exemple, nous continuons de travailler avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, les défenseurs de première ligne et ProtectDefenders.eu pour notre programme d’aide humanitaire.

Nous avons également facilité un grand nombre d’évacuations que nous avons vues l’an dernier. À ma connaissance, pour l’une des premières fois de ma carrière, nous avons établi un partenariat avec le gouvernement des États-Unis pour qu’il nous renvoie des cas faisant partie de nos groupes prioritaires. Ces gens-là continuent d’être transférés au Canada après le traitement de leur dossier.

J’ai parlé de certaines des difficultés auxquelles nous sommes confrontés pour les personnes qui sont nos clients et qui sont toujours en Afghanistan, et ces difficultés persistent. Par exemple, les talibans sont une entité terroriste inscrite. Nous n’avons à peu près aucune communication directe avec les talibans. Nous devons composer avec le fait que les personnes se déplacent pour ce qui est de leurs règles en matière de documentation, mais nous continuons de travailler avec nos partenaires et collègues d’optique commune au niveau international afin de trouver une solution à certaines des difficultés auxquelles nous sommes confrontés sur le terrain.

Le sénateur MacDonald : Ma question est dans la même veine que celle du sénateur Richards.

Au Canada, on a beaucoup discuté dernièrement de la possibilité d’inscrire le Corps des Gardiens de la révolution islamique, le CGRI, sur la liste des entités terroristes. On a fait valoir que cela pourrait poser des problèmes pour Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, ou IRCC.

Sans entrer dans les détails, pourriez-vous nous donner un aperçu de ce que pourraient représenter ces problèmes?

Mme Gill : Merci de votre question. Avez-vous quelques autres détails quant aux problèmes dont vous parlez? Mes excuses; j’ai un peu de mal à comprendre la question. La question concerne-t-elle les problèmes pour IRCC?

Le sénateur MacDonald : Oui. On a allégué que l’inscription du CGRI iranien comme entité terroriste pourrait créer des problèmes pour IRCC. Sans entrer dans les détails, pourriez-vous nous donner un aperçu de ce que pourraient représenter ces problèmes?

Le président : Ne confondez pas les sigles; CGRI et IRCC, ce n’est pas du tout la même chose.

Mme Gill : Pas du tout.

Le président : J’espère que cela vous éclaire.

Mme Gill : Merci. C’est déjà très clair pour moi, je me permets de le dire.

Lorsqu’une organisation devient une entité inscrite, cela peut déclencher un signal pour un examen plus poussé par IRCC et Sécurité publique. Nous avons déjà le cadre pour les entités inscrites et la capacité de déterminer les répercussions dans le contexte d’une demande. Par ailleurs, cela s’inscrit aussi dans le cadre de l’application de la loi.

Le sénateur MacDonald : J’étais ici en 2012 lorsque le gouvernement canadien a inscrit l’Iran comme État parrainant le terrorisme. Pourriez-vous nous dire comment cela a été géré à l’époque sur le plan des répercussions sur l’immigration?

Mme Gill : Je suis désolée; je n’ai pas cette information. Si vous voulez, nous pourrions revenir. Merci.

Le sénateur MacDonald : Peut-être l’autre témoin aurait-il quelque chose à ajouter.

M. Virani : La question n’est pas de mon domaine d’expertise. Toutes mes excuses, monsieur le président.

Le sénateur MacDonald : Pas de souci. Merci.

Le président : Sénateur, j’ai moi-même quelques souvenirs de cette époque, mais je ne suis pas sûr qu’ils soient tout à fait exacts. C’est à cette époque également que nous avons fermé notre ambassade à Téhéran.

S’il n’y a pas d’autres questions, chers collègues, j’aimerais remercier nos témoins de leur témoignage d’aujourd’hui. Merci, madame Gill et monsieur Virani, d’avoir été des nôtres. Continuez votre dur combat. Nous savons qu’il se passe beaucoup de choses. Bonne chance.

Chers collègues, avant de lever la séance, je vous informe que, comme nous en avons discuté la semaine dernière, je vais donner aujourd’hui préavis d’une motion demandant d’autoriser notre comité à effectuer un examen des dispositions et du fonctionnement de la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus, aussi appelée la loi de Magnitski, et de la Loi sur les mesures économiques spéciales.

Le CIBA, c’est-à-dire le Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration, a approuvé nos deux demandes budgétaires dont nous avons parlé la semaine dernière. Je présenterai les deux rapports cet après-midi au Sénat pour étude à la prochaine séance.

S’il n’y a pas d’autres commentaires, la séance est levée.

(La séance est levée.)

Haut de page