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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 7 février 2024

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd’hui, à 16 h 14 (HE), avec vidéoconférence, afin d’examiner, pour en faire rapport, les intérêts et l’engagement du Canada en Afrique.

Le sénateur Peter M. Boehm (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je m’appelle Peter Boehm, je suis un sénateur de l’Ontario et je suis président du Comité des affaires étrangères et du commerce international.

[Traduction]

Le président : Avant de commencer, j’inviterais les membres du comité présents aujourd’hui à se présenter, en commençant par ma gauche.

[Français]

La sénatrice Gerba : Amina Gerba, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Ravalia : Mohamed Ravalia, de Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Coyle : Mary Coyle, d’Antigonish, en Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le sénateur Woo : Yuen Pau Woo, de la Colombie-Britannique.

[Traduction]

La sénatrice Boniface : Gwen Boniface, de l’Ontario.

La sénatrice M. Deacon : Marty Deacon, de l’Ontario. Bienvenue.

La sénatrice McBean : Marnie McBean, de Toronto.

Le sénateur Cardozo : Andrew Cardozo, de l’Ontario.

Le sénateur Al Zaibak : Mohammad Al Zaibak, de l’Ontario.

Le sénateur Richards : Dave Richards, du Nouveau-Brunswick.

Le président : Merci beaucoup. Je souhaite tout spécialement la bienvenue à nos deux nouveaux sénateurs — le sénateur Al Zaibak et la sénatrice McBean — qui se joignent à nous aujourd’hui. C’est leur deuxième jour. Je suis heureux qu’ils aient choisi de participer à cet excellent comité. Je vous remercie de votre présence et vous souhaite la bienvenue parmi nous.

Je souhaite également la bienvenue à tous ceux qui, partout au pays, nous regardent peut-être aujourd’hui sur SenParlVU.

Chers collègues, nous nous réunissons aujourd’hui pour poursuivre notre étude spéciale sur les intérêts et l’engagement du Canada en Afrique, et ce, dans le contexte de la Semaine du développement international, qui se déroule cette année du 4 au 10 février.

Aujourd’hui, nous avons le plaisir d’accueillir, de l’organisation ONE, Elise Legault, directrice pour le Canada. Nous sommes particulièrement ravis d’accueillir Stanley Achonu, directeur, qui a fait le voyage depuis le Nigéria, pas nécessairement pour venir nous voir aujourd’hui, mais nous avons profité de sa présence pour l’inviter à comparaître. Enfin, nous recevons Nicolas Moyer, directeur général de Cuso International. Merci beaucoup d’avoir accepté notre invitation.

Avant d’entendre vos déclarations et de passer aux questions et réponses, j’aimerais demander aux membres du comité et aux témoins présents dans la salle de s’abstenir de se pencher trop près de leur microphone ou, s’ils le font, de retirer leur oreillette au préalable quand leur micro est allumé, afin d’éviter tout retour sonore qui pourrait nuire au personnel du comité et à d’autres personnes présentes dans la salle, en particulier à nos interprètes, qui portent une oreillette pour faire leur travail.

[Français]

Nous sommes maintenant prêts à entendre vos remarques préliminaires. Cela sera suivi d’une période de questions des sénateurs, comme d’habitude.

Madame Legault, vous avez la parole.

Elise Legault, directrice, Canada, ONE : Merci.

[Traduction]

Bonjour à tous. Merci, honorables sénateurs, de nous avoir invités à témoigner devant vous aujourd’hui. Je m’appelle Elise Legault et je suis la directrice de ONE au Canada.

ONE est une organisation mondiale cofondée par Bono, du groupe U2, il y a 20 ans. Pauvreté, inégalité, changements climatiques, maladies évitables — voilà autant d’injustices que nous nous employons à combattre en collaboration avec des collègues du monde entier, y compris de nombreux collègues du continent africain. Je suis heureuse de compter M. Achonu parmi nous aujourd’hui. Il a fait tout le trajet depuis le Nigéria spécialement pour ce comité, je vous le promets. M. Achonu est mieux placé que quiconque pour parler des relations entre le Canada et l’Afrique.

Stanley Achonu, directeur, Nigéria, ONE : Bonjour à tous. Je suis profondément reconnaissant d’avoir été invité par votre comité pour m’adresser à vous aujourd’hui. Je remercie sincèrement le président et les membres du comité de me recevoir.

En tant que fier Nigérian, je suis honoré de vous faire part de mon point de vue. Étant arrivé au Canada la semaine dernière, je dois admettre que l’imprévisible hiver canadien me plaît beaucoup jusqu’ici. La météo a été plutôt clémente.

Riche de sa diversité et de son potentiel, le continent africain se trouve à un moment charnière de son histoire. Nous avons tous entendu les statistiques. L’Afrique compte l’une des mains-d’œuvre à la croissance la plus rapide, la population la plus jeune, ainsi que des taux de croissance économique qui dépassent ceux des pays du G7 et de l’Europe. Les gouvernements et les entités du secteur privé du monde entier cherchent à tirer parti du potentiel que recèle le continent et à saisir des occasions d’investissement. Soulignons toutefois un point essentiel : l’intérêt pour l’Afrique doit reposer sur un partenariat fondé sur la modernité, tourné vers l’avenir et, surtout, mutuellement bénéfique. En tant qu’Africains, nous ne demandons pas la charité, mais bien des partenariats authentiques et équitables.

Les promesses de l’Afrique s’accompagnent d’une convergence de défis : l’escalade du coût de la vie, comme vous le savez; une crise de la dette de plus en plus grave; et les effets dévastateurs des changements climatiques, l’un des plus grands défis auxquels fait face le continent en ce moment. Tout partenariat qui s’attaque à ces enjeux pressants et qui favorise le développement durable doit être ancré dans l’équité; c’est primordial.

La stratégie Canada-Afrique, dont j’ai beaucoup entendu parler ces derniers mois, offre un immense potentiel pour les parties prenantes canadiennes et africaines. Contrairement à la feuille de route d’autres États, celle du Canada en Afrique n’a pas d’antécédents coloniaux. Il en résulte une conjoncture unique en son genre propice à une collaboration véritable. Qui plus est, les valeurs intrinsèques de justice et d’équité des Canadiens pourraient nous servir à tous de principes directeurs pour l’élaboration de ce partenariat. La réputation du Canada, tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle internationale, est un gage de confiance et d’intégrité, une base sur laquelle des partenariats significatifs peuvent être construits.

Pour ce partenariat, je propose quatre grands piliers.

Le premier pilier est l’investissement dans les infrastructures, avec un accent particulier sur les énergies renouvelables. C’est la clé pour libérer le vaste potentiel de l’Afrique. Il est essentiel de combler le déficit de l’Afrique en matière d’infrastructures pour stimuler la croissance économique et favoriser le développement durable sur le continent.

Deuxièmement, il faut renforcer la résilience aux changements climatiques et améliorer la sécurité alimentaire pour assurer l’avenir de l’Afrique et prévenir les famines et les sécheresses. Victimes en première ligne de la crise climatique, les nations africaines ont besoin de mécanismes de soutien solides aptes à atténuer les effets néfastes des changements climatiques.

Le troisième pilier consiste à faciliter l’accès des entreprises et à promouvoir la création d’emplois décents sur le continent. Comme je l’ai dit, la jeunesse africaine a besoin de bons emplois, d’emplois qui pourront assurer la stabilité et la prospérité à long terme.

Enfin, nous appelons au renforcement de la sécurité sanitaire, une nécessité qui a été soulignée lors de la récente pandémie mondiale. Il est impératif de renforcer les systèmes de santé et d’intensifier les efforts de prévention des maladies pour préserver la santé publique à l’échelle mondiale, et pas seulement sur le continent.

Or, ces ambitions nécessitent des investissements substantiels et l’accès à un financement abordable reste un obstacle important sur le continent. Les taux d’intérêt exorbitants imposés aux pays africains sont injustifiables; ils perpétuent un cycle d’inégalité sur le plan financier. Les experts du secteur et les études indiquent que les taux d’intérêt offerts aux pays africains sont élevés et que les données disponibles sur les risques ne justifient pas cette pratique. Cette perception selon laquelle les investissements en Afrique sont toujours plus risqués n’est étayée par aucun fait. Tel est le problème.

Cependant, je ne suis pas ici pour parler uniquement des problèmes. Je propose cinq grandes solutions au Canada pour lui permettre d’aider l’Afrique à relever ces défis.

Premièrement, il faut aider les banques multilatérales de développement, ou BMD, à s’agrandir et à s’améliorer. Ces banques ont été créées dans le but précis de fournir un financement à faible coût aux pays en développement, et elles doivent être modernisées. Le Canada a soutenu les efforts déployés pour moderniser ces BMD, mais les choses doivent aller plus vite. J’en veux pour preuve ce que nous avons vu en Zambie.

Deuxièmement, l’Association internationale de développement, ou IDA, sera reconstituée à la fin de l’année, et c’est l’un des moyens les plus efficaces dont dispose le Canada pour appuyer l’offre de financement à faible coût destinée à Afrique. J’invite le Canada à être ambitieux dans ses engagements à l’égard de l’IDA.

Troisièmement, FinDev — l’Institution de financement du développement du Canada, ou IFDC — devrait jouer un rôle important dans la stratégie Canada-Afrique, à l’instar de ce qui a été mis en place dans le cadre de la Stratégie pour l’Indo‑Pacifique. À cette fin, nous estimons que le capital de FinDev devrait être triplé.

Quatrièmement, il faut continuer à soutenir résolument les organismes internationaux de la santé mondiale qui sont vraiment efficaces, tels que le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, et Gavi, qui sont essentiels pour aider les pays africains à lutter contre les maladies évitables.

Cinquièmement, l’aide publique au développement, ou APD, a encore un rôle majeur à jouer. Le premier ministre Trudeau s’est engagé à augmenter l’aide internationale chaque année, à respecter les objectifs de développement durable, ou ODD, et à investir au moins 50 % de l’APD du Canada sur le continent africain. Ces promesses faites au monde doivent être tenues. Elles risquent d’être compromises dans les années à venir si un soutien solide ne leur est pas apporté.

Le développement économique de l’Afrique offre un potentiel important pour la croissance mondiale, et l’absence du Canada pourrait se révéler être une occasion manquée. Soulignons que d’autres pays reconnaissent déjà ce potentiel et renforcent leur présence en Afrique par le truchement de divers partenariats. Je peux vous donner des exemples.

Le président : Excusez-moi, monsieur Achonu. Vous avez dépassé le temps qui vous était imparti. Je vous remercie de vos observations.

J’aimerais souligner que le sénateur MacDonald de la Nouvelle-Écosse s’est joint à nous.

Nous allons passer à la déclaration liminaire de M. Moyer.

[Français]

Nicolas Moyer, directeur général, Cuso International : Bonjour à tous. Je tiens tout d’abord à remercier le comité pour cette invitation à comparaître devant vous.

Cuso International a été fondé il y a 63 ans par des Canadiens et des Canadiennes qui ressentaient profondément que ce pays avait beaucoup à contribuer au progrès mondial. Pour nous, la collaboration est le modèle de notre travail. Nous travaillons étroitement avec des partenaires locaux dans le monde entier dans les secteurs public et privé et dans la société civile pour aborder les causes profondes de l’inégalité et améliorer les conditions économiques et sociales des groupes marginalisés. Nous le faisons en mettant l’accent sur trois domaines : renforcer l’égalité et l’inclusion sociale, créer des opportunités économiques et enfin, promouvoir l’action climatique.

Notre travail s’étend à travers tous ces domaines d’activité, mais Cuso est souvent mieux connu pour son histoire de coopération volontaire. Le partage de compétences reste une façon importante pour nous d’avoir un impact dans les communautés où nous travaillons. Au fil des ans, nous avons déployé plus de 14 000 bénévoles coopérants dans plus d’une centaine de pays.

Nous continuons de collaborer avec Affaires mondiales Canada pour mettre en œuvre le Programme de coopération volontaire du Canada. Aujourd’hui, nous travaillons dans 17 pays, dont 6 sont situés en Afrique, et 48 de nos 88 coopérants actuels sont également en Afrique.

[Traduction]

Comme vous l’avez entendu ou l’entendrez au cours des audiences que vous menez, il est évident que le Canada doit réitérer son engagement envers l’Afrique, et ce pour toutes sortes de raisons d’ordre stratégique. Pourtant, malgré une longue période de rapprochement, on peut considérer que le Canada s’est désengagé du continent africain au cours des deux dernières décennies, à tel point que, dans certains pays, son influence a pratiquement disparu.

Je vous rappelle que le Canada ne compte des missions diplomatiques que dans les deux cinquièmes des 54 pays africains, et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres de sa perte d’influence.

Plus nous tardons à rétablir nos relations diplomatiques avec l’Afrique, plus il sera difficile de tirer parti de ces relations à l’avenir. C’est d’autant plus vrai que d’autres acteurs mondiaux ne cessent d’augmenter leur influence sur ce continent par différents moyens.

La Politique d’aide internationale féministe du Canada exige que le Canada consacre au moins 50 % de son aide en matière de développement international aux pays d’Afrique subsaharienne. Chez Cuso International, nous sommes tout à fait conscients des défis systémiques auxquels sont confrontés de trop nombreux pays dans cette région du monde, et nous nous sommes engagés à faire partie de la solution. Nous tenons à saluer les efforts déployés par le Canada envers les populations les plus marginalisées, lesquelles sont visées par nos programmes d’aide.

Grâce à l’appui supplémentaire apporté par la Politique d’aide internationale féministe du Canada, nous constatons des gains particulièrement significatifs en matière de lutte contre la discrimination et les inégalités de genre. Il n’y a aucun doute à cet égard. Ces progrès sont particulièrement importants dans le contexte de l’essor démographique et économique du continent africain. Par exemple, le taux de mortalité infantile en Afrique est en baisse constante depuis des années, et ce résultat est directement attribuable au meilleur accès à l’éducation et aux services de santé pour les femmes. Par ailleurs, on constate une diminution des taux de grossesses chez les adolescentes, de même qu’une baisse du nombre de mariages d’enfants. Ce sont là deux phénomènes auxquels le Canada s’est attaqué avec succès grâce à ses programmes d’aide.

Néanmoins, les engagements du Canada en Afrique, quel que soit leur impact positif, ne devraient pas être menés dans un esprit de charité ni sous l’angle limité d’une politique d’aide. En effet, considérons le fait que le Canada a davantage besoin de l’Afrique que l’Afrique n’a besoin du Canada. Je rappelle que le continent africain compte plus d’un milliard d’habitants, alors que la population canadienne ne s’élève qu’à 40 millions de personnes.

Le Canada doit prendre des engagements sur plusieurs plans, et adopter une position claire et fondée sur des principes. Le Canada doit cesser de parler au nom de l’Afrique et de son développement. Pour être pris plus au sérieux par les pays africains, pour que sa parole soit digne de confiance et que ses conseils soient écoutés, le Canada doit investir dans des partenariats. Nous devons organiser des sommets et des conférences à l’échelle internationale. Nous devons nous efforcer de réunir des alliés qui partagent certains intérêts, et redéfinir notre relation avec les pays du continent africain, ce qui n’a que trop tardé. Cela implique qu’il faut changer notre manière de penser, et moderniser notre appareil administratif en conséquence. Dans le milieu de l’aide au développement international, nous proposons le concept de décolonisation. Il s’agit en fait de mettre en place des formes de collaboration plus significatives et plus efficaces.

Le Canada peut devenir un leader sur le continent africain, non pas en tenant les cordons de la bourse, mais par ses convictions, sa cohérence et son engagement sur le long terme envers ses partenaires. Je sais que tout cela peut paraître simpliste, mais ce n’est pas le cas; pour suivre cette voie, le Canada doit changer sa façon de nouer des relations internationales. Cela signifie qu’il faut choisir ses partenaires avec soin et de manière stratégique, intégrer leurs intérêts dans notre processus décisionnel, faire preuve de cohérence dans les multiples politiques que nous menons, et résister aux nombreuses distractions risquant de nous faire perdre le cap.

Je profite de ma tribune pour souligner le fait que chez Cuso, nous sommes convaincus que le Canada doit valoriser le rôle joué par les différents acteurs au sein de la société civile. Dès que le gouvernement canadien adopte une nouvelle orientation stratégique, il doit porter attention à la société civile, au même titre que les secteurs public ou privé. En effet, les intervenants de la société civile sont des vecteurs de changements positifs, de crédibilité, de responsabilité, d’efficacité et de profitabilité. Nous constatons que nos partenaires africains sont de plus en plus à même de proposer leurs propres solutions et de collaborer entre eux, les ONG canadiennes étant amenées à jouer un rôle de soutien.

[Français]

Le secteur de la coopération internationale est prêt à contribuer à cet effort, comme il l’a fait au cours des dernières décennies. Ainsi, j’encourage le Canada à exploiter l’expertise et les réseaux que nous avons cultivés au cours de ces nombreuses années d’engagement en Afrique. Ils renferment un potentiel extrêmement riche.

La conversation d’aujourd’hui avec ce comité est une excellente étape dans cette direction. Je suis honoré et reconnaissant de cette occasion de partager la perspective de Cuso International.

Merci. J’ai hâte de participer à cette conversation.

Le président : Merci pour vos commentaires, monsieur Moyer. Chers collègues, j’aimerais préciser que vous disposez de quatre minutes chacun au maximum pour la première ronde, y compris les questions et réponses.

[Traduction]

Nous allons devoir nous limiter strictement à quatre minutes. Comme toujours, plus le préambule est court et que la question est précise, plus la réponse sera longue. Il s’agit simplement d’une observation de ma part.

Le sénateur Ravalia : Je tiens d’abord à remercier infiniment nos témoins.

Ma première question s’adresse à vous, monsieur Achonu. Je vous remercie d’avoir exposé vos principales priorités. Selon vous, quels devraient être les domaines clés de l’intervention canadienne, compte tenu de notre expertise en matière de technologie et de soins de santé notamment? Comment pouvons-nous contribuer au développement du continent africain?

M. Achonu : Merci pour la question, sénateur. Je pense que, d’une part, le Canada doit continuer à soutenir des institutions mondiales comme Gavi et le Fonds mondial, car elles sauvent des vies. D’autres enjeux essentiels incluent la vaccination, l’amélioration de l’accès aux soins de santé primaires, et la gestion efficace des effectifs. Bref, le soutien continu du Canada envers ces institutions mondiales serait réellement apprécié.

D’autre part, nous devons considérer le rôle important joué par FinDev Canada. Selon moi, le soutien de FinDev Canada est en effet nécessaire pour réduire les risques liés aux investissements sur le continent africain.

Le sénateur Ravalia : Merci beaucoup.

J’aimerais maintenant poursuivre avec M. Moyer, dont je salue le travail. Monsieur Moyer, je suis né et j’ai grandi au Zimbabwe, et je suis donc familier avec l’excellent travail que mène Cuso International.

Votre organisme a-t-il mis sur pieds des initiatives spécifiques pour promouvoir l’autonomisation et le leadership chez les jeunes, dans le cadre de l’engagement du Canada en Afrique?

M. Moyer : Tout à fait. Notre organisme pilote différents types de programmes axés sur les jeunes. Par exemple, nous avons développé un programme en Éthiopie pour aider les jeunes filles à accéder à des études universitaires. Il s’agit d’un exemple parmi d’autres de la manière dont nous cherchons à renforcer le leadership chez les jeunes.

Promouvoir l’autonomisation et le leadership de la jeunesse est un objectif fondamental pour nous, car je rappelle que la grande majorité des Africains ont moins de 25 ans.

Le sénateur Ravalia : Votre organisme fait-il face à des enjeux culturels liés à la diversité qui influent sur votre capacité à travailler au sein de certains contextes?

M. Moyer : C’est effectivement le cas, bien sûr. Il est complexe pour notre organisme de mener des activités dans n’importe quel pays. Par exemple, nous cherchons à défendre les droits des personnes LGBTQ en République démocratique du Congo. Promouvoir les droits des gais et des lesbiennes en Afrique est compliqué à bien des égards, mais nous avons trouvé des moyens de le faire, en concentrant nos efforts sur l’intégration économique des groupes marginalisés. Nous y parvenons en mettant en place des programmes d’aide à l’emploi et à l’entrepreneuriat destinés à tous les groupes marginalisés, y compris la communauté LGBTQ.

Selon Cuso International, pour faciliter l’intégration de certains groupes, il est d’abord nécessaire d’apprendre à décoder la complexité des marqueurs culturels et des facteurs de marginalisation.

Le sénateur Ravalia : Votre organisme dispose-t-il d’une base de données pouvant être consultée périodiquement dans le but d’améliorer votre travail?

M. Moyer : Puis-je vous demander ce que vous entendez précisément par le terme « base de données »?

Le sénateur Ravalia : Je pense par exemple à des données statistiques sur le nombre de personnes qui ont pu tirer parti des initiatives que vous menez en matière d’éducation.

M. Moyer : Nous disposons de données statistiques pour chacun de nos programmes. Je tiens à préciser que le volet éducatif n’est pas central chez Cuso International; il s’agit plutôt d’un vecteur de changement parmi tant d’autres. Lorsque nous mettons sur pied un programme, nous sommes soucieux de bien comprendre les besoins particuliers de la communauté que nous souhaitons aider. Dans certains cas, nous concentrons nos efforts sur les opportunités économiques, et d’autres cas, sur les établissements d’enseignement et de soutien. Je peux m’informer et vous faire parvenir les données qui vous intéressent.

Le sénateur Ravalia : Cela nous serait fort utile.

Le président : Monsieur Moyer, si vous souhaitez nous faire parvenir certains documents, vous pouvez transmettre le tout à notre greffière, Chantal Cardinal, qui se trouve à mes côtés.

La sénatrice Gerba : Je tiens d’abord à vous souhaiter la bienvenue au Canada. Vous venez de loin et nous sommes très heureux de vous accueillir.

[Français]

Merci à vous tous d’être ici présents et merci pour vos commentaires et vos recommandations. Je retiens la phrase de M. Moyer, qui nous a dit ceci :

[Traduction]

« Le Canada a besoin de l’Afrique plus que l’Afrique n’a besoin du Canada. ». Je vous remercie de nous rappeler cette réalité.

[Français]

Madame Legault, vous avez publié récemment une analyse très intéressante dans laquelle vous montrez comment l’aide internationale a diminué au Canada. Vous présentez l’évolution de l’aide internationale au Canada et vous insistez sur la réduction de 15 %. Selon vous, cela nuit grandement à la crédibilité du Canada sur la scène internationale. Vous mentionnez d’autres pays comme les États-Unis, par exemple, qui font des efforts incroyables sur la scène internationale. J’aimerais vous entendre sur cette analyse et comprendre ce que le Canada pourrait faire pour quelque peu renforcer sa coopération internationale.

Mme Legault : Merci pour la question, madame la sénatrice. Effectivement, l’aide internationale du Canada est un peu complexe, parce qu’il y a eu certaines augmentations dans les dernières années, mais cela s’est produit après de longues années de compressions. Donc, dans une perspective historique, on dépense quand même une plus faible proportion de notre produit intérieur brut (PIB) en aide internationale que dans les années 1980 et 1990, et on dépense aussi moins que d’autres pays du G7, par exemple.

De plus, ce qu’on a vu depuis 2020, qui est un résultat de la COVID et de la crise de l’Ukraine... Au cours des deux ou trois dernières années, entre 2020 et 2022, il y a eu une augmentation importante, parce que des sommes ont été investies dans l’accès aux vaccins contre la COVID dans les pays en développement et le soutien à l’Ukraine, mais ce qu’on a vu dans notre budget de l’année dernière, donc en 2023, c’était effectivement une compression de 15 %. Nous sommes donc revenus à des niveaux prépandémiques. Bien sûr, c’est inquiétant, parce que les crises n’ont pas arrêté de se multiplier. Par exemple, la guerre en Ukraine a un impact important sur le prix des aliments sur le continent africain, et nous ne sommes pas au bout des conséquences de la COVID et des problèmes sur le plan de l’éducation et de la santé, notamment.

Les crises continuent et il faut donc que le Canada continue d’augmenter son aide. On parlait plus tôt de la promesse que le gouvernement a faite de dépenser 50 % de l’aide internationale en Afrique; on n’était pas très loin de cela au cours des dernières années, et en raison des crises qui sévissent ailleurs dans le monde... On comprend que le gouvernement doit répondre à ces crises. L’inquiétude, c’est que ce qui se passe sur le continent africain soit laissé de côté parce que la crise est un peu moins immédiate. On a donc constaté que l’aide à l’Afrique n’augmente pas, mais stagne au minimum.

La sénatrice Gerba : Merci. Est-ce que j’ai encore une minute?

Le président : Non, malheureusement. Deuxième ronde?

La sénatrice Gerba : Deuxième ou troisième.

Le président : Une troisième aussi? Bon, on verra. Merci beaucoup.

[Traduction]

Le sénateur Woo : Je remercie tous nos témoins, et je leur souhaite la bienvenue au Canada.

Au cours des dernières années, certains milieux de la coopération internationale ont émis l’idée qu’il fallait établir une distinction nette entre les démocraties et les autocraties, également qualifiées d’États autoritaires.

Pensez-vous que la promotion de la démocratie devrait être intégrée à l’aide internationale du Canada à l’Afrique?

M. Achonu : Oui, bien entendu, la promotion de la démocratie est importante. D’ailleurs, aucune forme de développement n’est possible en l’absence de liberté. Comme le progrès se fonde sur la liberté, notamment la liberté d’expression, il est fondamental de défendre cette valeur.

Je pense que ce débat entourant la question de la démocratie ne surgit pas de nulle part. Dans ma région d’origine, tous les pays entourant le Nigéria ont subi des coups d’État militaires et ont dérivé vers la dictature. Ce phénomène est dû entre autres aux inégalités économiques et au manque d’opportunités d’une population très jeune. Les gens s’interrogent sur les possibilités offertes par les systèmes démocratiques; si la démocratie ne tient pas ses promesses, ils se tourneront alors vers d’autres formes de gouvernement.

Promouvoir la démocratie en Afrique ne suffit pas; cette promesse doit s’accompagner concrètement d’opportunités économiques pour les populations visées. Je pense qu’on touche ici au cœur de notre défi : soutenir la démocratie par des perspectives économiques.

Le sénateur Woo : J’ai une question complémentaire.

M. Moyer : Vous vous interrogez sur les orientations du Canada en matière d’aide internationale?

Le sénateur Woo : Pensez-vous que l’aide aux pays africains devrait être arrimée à une sorte de test démocratique? Comme cela pourrait-il être mis en place? Vous avez parlé d’un phénomène de recul de la démocratie. Le Canada pourrait-il envisager de suspendre l’aide aux pays africains qui dérivent vers l’autoritarisme?

M. Moyer : Je pense qu’il faut traiter ce genre d’enjeux avec beaucoup de nuances. Je dirais qu’en effet, nous devons promouvoir les principes de la démocratie, des droits de la personne, de la liberté d’expression et des autres formes de libertés, car ces principes constituent les véritables piliers d’une société saine. Nous devons être clairs par rapport à nos intentions. Toutefois, je ne préconise pas d’exclure les pays qui ne partagent pas nécessairement toutes nos valeurs, et qui n’ont pas les mêmes institutions que les nôtres. L’important est d’apporter notre soutien à la société civile, car c’est avant tout par elle qu’adviendra des changements.

J’insiste particulièrement sur le rôle joué par la société civile, car tous les pays, y compris le Canada, s’inscrivent dans un processus d’évolution constant. Par conséquent, nous devons investir dans les institutions susceptibles de promouvoir des valeurs démocratiques à l’échelle locale. Je lance un appel très fort à la société civile, car ce sont les universités, les institutions culturelles et les coopératives qui façonnent l’avenir d’un pays, ce sont leurs membres qui finiront par occuper différents postes d’influence. Ainsi, il est essentiel de réfléchir aux principaux indicateurs de succès démocratique, qu’il s’agisse de la jeunesse ou des acteurs évoluant au sein de la société civile.

Certains observateurs décrivent le contexte mondial actuel comme un nouveau chapitre de la guerre froide. Toutefois, une telle grille d’analyse n’est pas très répandue au sein des organismes à but non lucratif. Je dirais qu’en matière de développement international sur le continent africain, nous assistons à l’influence grandissante de pays qui ne partagent pas les valeurs des démocraties occidentales. Pour promouvoir ses valeurs et assurer le maintien d’un ordre international fondé sur des règles, le Canada doit investir dans des pays qui souhaitent contribuer à cette vision du monde.

Nous ne pouvons pas imposer la démocratie et nos valeurs. Il s’agit là d’un point très important. Nous ne devons pas utiliser la coercition pour arriver à nos fins. La question que nous devrions nous poser est la suivante : comment trouver les bons partenaires, et comment les encourager à mettre en place un système démocratique adapté à leur propre contexte?

Le sénateur Woo : Je vous remercie.

La sénatrice M. Deacon : Je tiens d’abord à vous remercier de vous être tous déplacés en personne à l’édifice du Sénat. Nous sommes conscients que vous avez probablement un horaire chargé, et c’est un plaisir de vous voir ici aujourd’hui.

Ce sujet a été abordé un peu plus tôt, mais je voudrais revenir sur l’équilibre entre la promotion du développement économique en Afrique, et la défense des droits de la personne. Je reviendrai plus particulièrement sur les droits des personnes LGBTQ+ au sein de certains pays. Plus de la moitié des pays africains disposent encore de lois qui criminalisent les relations homosexuelles. Dans certains pays, la peine de mort est appliquée. Par ailleurs, nous avons observé des dirigeants africains prendre pour cible des personnes LGBTQ+ à des fins partisanes, bien que ce phénomène ne se limite pas à l’Afrique.

Le Canada devrait-il adopter une politique étrangère et une politique de développement international axée sur la promotion des droits des personnes LGBTQ+? Cela ne revient-il pas à mettre la charrue devant les bœufs, pour ainsi dire? Doit-on plutôt espérer que les progrès en matière de liberté économique et démocratique entraînent un progrès sur le plan des droits de la personne? À l’inverse, le Canada devrait-il insister fortement sur la question des droits des personnes LGBTQ+ dans le cadre de ses interventions auprès des pays africains?

Je vais maintenant céder la parole à nos témoins pour écouter leurs positions sur ce sujet.

Je vous remercie.

M. Achonu : Je pense que les droits de la personne représentent évidemment un enjeu important, comme je l’ai souligné. La liberté constitue un élément fondamental de l’autonomisation économique d’un pays. Est-ce que la question des droits de la personne devrait figurer pour autant au premier plan de l’engagement du Canada avec les pays africains? Je pense que le fait d’établir d’abord des partenariats constitue un premier jalon pour aborder éventuellement l’enjeu des droits de la personne. Les droits auxquels vous avez fait référence sont particulièrement importants, comme vous l’avez bien expliqué. J’irais même jusqu’à dire que les personnes LGBTQ+ font partie d’une communauté en voie de disparition dans certains pays africains. Néanmoins, si le Canada met de l’avant cette question, plusieurs partenaires africains risquent de lui fermer la porte au nez. Cette question peut représenter un point de discussion, mais elle ne doit surtout pas être mise au premier plan si l’on veut éviter une impasse.

Mme Legault : Merci de nous avoir fait part de votre opinion, monsieur Achonu. J’ajouterais qu’il est parfois plus facile pour un pays comme le Canada d’aborder la question des valeurs et des droits de la personne si cette discussion s’accompagne de partenariats concrets sur le plan financier et diplomatique. Le Canada doit établir une présence réelle sur le continent africain et montrer qu’il représente un véritable allié. Une fois cette relation authentique établie, des enjeux délicats liés aux valeurs et aux droits pourront être progressivement abordés.

Sur le continent africain comme ailleurs au sein des pays en voie de développement, les gens ont parfois l’impression que les pays riches comme le Canada préfèrent les grands discours aux actions concrètes. Les pays industrialisés vantent les mérites de l’égalité et de l’équité, mais on a constaté durant la pandémie qu’ils ont eu tendance à s’approvisionner en vaccins au détriment des pays les moins bien nantis. Je pense que cet épisode a créé un sentiment d’injustice toujours présent au sein des pays en voie de développement. Il en va de même pour les promesses de soutien financier en matière de lutte contre les changements climatiques, promesses qui ne sont pas toujours suivies de résultats. Bref, je pense que s’il veut renforcer sa crédibilité et promouvoir ses valeurs, le Canada aurait avantage à offrir un soutien financier à ses partenaires.

Le président : Je suis désolé, mais le temps est écoulé pour cette série de questions. Toutefois, je suis certain que nous aurons l’occasion de revenir sur ces questions.

La sénatrice Boniface : Je vous remercie tout particulièrement d’avoir fait le voyage depuis le Nigeria. Je pense que nous sommes très privilégiés de vous compter parmi nous.

Vous avez parlé d’investissement en infrastructure. J’aimerais savoir de quel type d’infrastructure vous parlez et quels sont les enjeux de sécurité. Pourriez-vous parler de ces deux enjeux?

M. Achonu : Oui. Chaque fois que je parle à des collègues de la façon dont l’Occident réagit à la présence de la Chine sur le continent, on estime que la Chine recolonise l’Afrique. Cependant, il y a une raison pour laquelle la porte est ouverte à la venue de la Chine. Si vous allez à Lagos, sachez que ce sont les Chinois qui ont construit le train et qu’il a même été financé par un prêt. Il en va de même pour le train en Éthiopie. Partout en Afrique, on peut voir des infrastructures de béton. Il ne s’agit pas de cadeaux dans tous les cas. Ce sont des entreprises chinoises qui financent ou qui construisent ces infrastructures grâce à des prêts.

On ne peut pas en dire autant des partenaires occidentaux qui voudraient que l’Afrique soit de leur côté. C’est ce qui fait que la popularité de ces pays dépasse celle du Canada. Cela ne signifie pas que le Canada ne fait pas d’investissements, mais tout dépend de la structure de ces investissements. Y a-t-il des constructions tangibles desquelles les Africains peuvent dire que c’est le Canada qui les a réalisées? Je ne le dis pas à la légère. Le Canada sauve des vies. Les investissements faits dans des secteurs essentiels comme la santé ne sont pas superflus, mais il faut que des investissements en infrastructure accompagnent ces efforts de diplomatie et de défense des droits. L’Afrique contracte déjà des prêts pour construire de l’infrastructure. Pourquoi n’est-elle pas financée par le Canada ou par des entreprises canadiennes? Pourquoi les fonds d’investissement du Canada ne pourraient-ils pas servir de garantie pour cela? C’est le genre de choses qui mettrait le Canada à l’avant-plan.

Quand on voyage dans les pays les plus pauvres de l’Afrique, on voit que toutes les grandes infrastructures — les routes, les ponts, les aqueducs, les logements — y sont réalisées par la Chine. Le citoyen moyen dans ces pays vous dirait que ces pays sont soutenus par la Chine. Les gens là-bas ne se soucient pas des détails du financement. Ils voient que la Chine réalise cette infrastructure.

Je pense qu’il faut joindre l’investissement en infrastructure, la défense des droits et les enjeux de santé qui nous tiennent à cœur. C’est pourquoi j’ai commencé par dire qu’il serait très pertinent d’investir en infrastructure pour créer des emplois et ouvrir des portes.

Le sénateur Cardozo : Monsieur Achonu, j’aimerais poursuivre dans la même veine. Je vous remercie de votre témoignage très éclairant. Merci d’être venu jusqu’ici. Sachez simplement qu’il fait très chaud ici le reste de l’année. C’est chaud et ensoleillé à Ottawa. Nous traversons simplement une période inhabituellement froide.

La Chine construit toute cette infrastructure, et tout le monde le sait. Le Canada, comme peut-être de nombreux autres pays occidentaux, participe à toutes sortes de programmes. C’est pourquoi on ne voit pas leurs noms éclairés ou inscrits sur de grandes infrastructures. Gérons-nous mal nos relations multilatérales, même si nous faisons de bonnes choses pour la population? Il faut notamment nous demander quelle est la contrepartie pour l’Occident, le Canada ou la Chine. Je sens que la Chine en obtient beaucoup pour ses investissements, mais nous ne sommes pas totalement laissés pour compte non plus.

M. Achonu : Bien sûr, il faut que quiconque bâtit cette infrastructure, que ce soit la Chine ou le Canada, en tire des avantages. C’est pourquoi je préconise l’investissement privé. Il y a un retour sur investissement. C’est pourquoi j’ai parlé d’atténuer le risque pour que les entreprises canadiennes puissent tirer profit du même genre de choses que les Chinois, même si les Chinois reçoivent l’appui du gouvernement chinois. Je comprends que les deux situations diffèrent, mais l’enjeu ne se situe pas autour des avantages à en tirer. Comme je l’ai mentionné, le Canada réalise un travail essentiel, mais il doit intensifier ses efforts et se faire remarquer.

L’autre jour, j’ai décrit l’approche canadienne comme étant un peu négligée envers le continent et d’autres régions. Je pense que le Canada doit rehausser sa présence. Quelqu’un a dit quelque chose d’intéressant aujourd’hui : la politique étrangère du Canada est presque dans la zone où on en reste à l’amitié. Si vous avez des enfants de la génération Z ou plus jeunes, ils pourront vous expliquer ce qu’est la « friend zone ». Il semble bien que l’Afrique va placer le Canada dans cette zone si l’approche actuelle demeure la même. Nos relations sont plus ou moins tièdes, sans plus, c’est ainsi que je les décrirais.

Le sénateur Cardozo : Dans quels secteurs les entreprises peuvent-elles obtenir un bon retour sur investissement? Comment pourrions-nous faire connaître les investissements au bon rendement au secteur privé du Canada?

M. Achonu : L’Afrique présente d’immenses débouchés en agriculture, en construction et en finance. On pourrait parler de terres vierges en matière d’investissement. Je répète que les gens du secteur privé, ici au Canada, craignent que ces investissements soient très risqués, même si ce n’est pas ce qu’indiquent les données. C’est pourquoi j’ai dit que pour amener les entreprises canadiennes à investir en Afrique, il faut savoir comment employer les outils du gouvernement pour atténuer la perception du risque de faire des affaires en Afrique.

Le sénateur Cardozo : Pouvez-vous nous en donner des exemples?

M. Achonu : FinDev Canada fournit des garanties, du co-financement pour des projets et de l’investissement sur le continent. Ce sont les façons dont vous pouvez garantir que l’on investisse là où l’on est censé investir. Il s’agit aussi de soutenir les PME sur le continent, d’investir dans les établissements financiers qui peuvent offrir des prêts aux entreprises, parce que l’accès au crédit constitue un frein important aux projets de développement. Si l’on rendait du financement accessible aux institutions financières comme la Banque africaine de développement partout sur le continent, qui connaissent mieux le milieu que quiconque, elles sauraient comment rentabiliser les investissements. Je ne parle pas de prêter de l’argent gratuitement. Ces investissements vont profiter d’un bon rendement. Les données montrent qu’il y a un retour sur investissement quand on s’y prend de la bonne manière sur le continent. Comme j’ai dit, il s’agit de terres vierges.

La sénatrice Coyle : Je remercie tous les témoins de leur présence. Vos témoignages sont déjà extrêmement utiles. Comme bon nombre de mes collègues, je m’intéresse vraiment à tout ce que vous dites. Il y a 44 ans, j’ai entamé ma carrière avec Cuso, grâce à un placement au Botswana. C’était il y a 44 ans le mois dernier, en fait. C’est bon de voir comment des organisations comme Cuso et ONE ont évolué au fil du temps. M. Moyer et moi nous connaissons aussi grâce à l’Institut Coady.

Vous avez parlé de mettre en priorité l’engagement avec la société civile. J’espère vraiment que nous allons nous pencher là‑dessus dans notre étude. Cela ne se réglera pas en un tournemain. La société civile est un ensemble vaste et varié. L’une des choses que j’ai toujours trouvées intéressantes à propos de la société civile, c’est qu’elle est très novatrice. Quand on dit que le Canada a des choses à apprendre, il a à apprendre de l’innovation dont font preuve les organisations de la société civile en Afrique et d’autres partenaires ailleurs dans le monde. J’aimerais beaucoup en entendre parler. Si vous voulez bien nous dire comment la société civile est un incubateur d’innovation, qu’elle soit sociale, économique ou technologique, j’aimerais en entendre un peu plus là-dessus. Pourriez-vous commencer par cet enjeu?

M. Moyer : Je pourrais difficilement rendre justice à toute l’innovation qu’on doit à la société civile. Il y a de multiples facettes à cela, comme le rôle des établissements d’enseignement pour appuyer la technologie, les échanges culturels ou le partage des connaissances. Il y a de petites organisations qui sont prêtes à faire des essais et à échouer. On le voit aussi dans les organisations à but non lucratif et d’autres organisations de la société civile. Elles sont les championnes des changements sociaux. Je me concentrerais sur elles. Nous le voyons au Canada dans les groupes qui militent contre la conduite avec les facultés affaiblies par l’alcool et pour toutes sortes de causes. On voit le même militantisme dans d’autres sociétés.

Pour revenir à la question de la communauté LGBTQ, nous travaillons avec des partenaires qui repoussent les limites, parce qu’ils trouvent des façons créatives de parler d’un sujet toxique à tant égards. Ils réussissent malgré tout à ouvrir une brèche. On n’aurait pas pu trouver de solution de ce type de l’extérieur. Ces partenaires connaissent leur milieu et savent comment parler aux gens. Ils en parlent à la radio, ouvrent les canaux de communication, bâtissent des ponts et renforcent leur message.

Vous avez raison de dire que c’est un secteur très novateur. Il est aussi très efficace sur le plan des coûts. On peut en faire beaucoup avec peu. Les gens sont très déterminés à faire avancer leurs causes, quelles qu’elles soient. Ces gens sont des meneurs en matière de changement et d’association, mais c’est un secteur très vaste et diversifié. Je ne sais pas de quel genre d’innovation vous voulez parler, mais il y a beaucoup d’innovation qui se fait là-bas.

La sénatrice Coyle : Je voulais simplement ouvrir le sujet.

Monsieur Achonu, vous et les autres témoins avez mentionné les changements climatiques, mais vous avez aussi parlé des institutions financières multilatérales et de la croissance de la modernisation. Vous avez parlé de les rendre plus grosses, meilleures et plus modernes. J’aimerais en savoir plus. Quand j’étais à la COP27, l’an dernier, on mettait l’accent sur les changements nécessaires pour que les institutions multilatérales puissent s’adapter aux changements climatiques et réunir les investissements nécessaires. Avez-vous quelque chose à ajouter à ce propos? Peut-être que Mme Legault aurait quelque chose à dire là-dessus.

Mme Legault : Oui, bien sûr. Dans le contexte des réformes discutées à l’heure actuelle, il y a de grandes banques de développement multilatérales, la plus célèbre étant la Banque mondiale, mais aussi des banques régionales comme la Banque africaine de développement. Elles sont établies depuis longtemps, et leur seul objectif est de fournir du financement local, dont on a grand besoin pour lutter contre les changements climatiques.

Comme M. Achonu l’a dit, si un pays africain veut investir dans une centrale solaire actuellement, les intérêts seront bien plus élevés que pour la même centrale en Europe. Des projets qui seraient viables financièrement ne le sont pas à cause des taux d’intérêt élevés. L’aide de banques comme la Banque mondiale vient avec des coûts. L’Association internationale de développement, qui est la filiale de la Banque mondiale pour les pays à faibles revenus, fournit des subventions et des prêts presque sans intérêts aux pays. C’est un excellent véhicule. Toutefois, il est très lent. Il faut beaucoup de temps pour réaliser un projet du début à la fin, et l’association craint beaucoup le risque. Ces banques sont extrêmement sûres. Leur cote s’élève à presque quatre ou cinq A. C’est plus que AAA, parce qu’elles sont extrêmement sûres.

Le président : Je suis désolé de vous interrompre, mais nous avons dépassé le temps imparti à ce segment. Cela me permet de poursuivre dans la foulée de la sénatrice Coyle et de vous demander à tous les trois si vous pensez que la lassitude des donateurs est un problème réel. Nous savons que dans une certaine mesure, elle est évidemment le reflet de ce que les gouvernements élus veulent faire et de ce que la population leur dit. Mais je parle de ma propre expérience dans le secteur du développement international et je me demande si le Comité d’aide au développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques, ou OCDE, qui fait partie des principaux pays donateurs — auxquels s’ajoutent les donateurs non traditionnels comme la Chine, par exemple — devrait prendre davantage en considération d’autres approches et déterminer s’il y a des cas où l’on pourrait obtenir plus pour un investissement moindre.

Par exemple, le sénateur Ravalia et moi-même avons travaillé sur les maladies tropicales négligées et nous sommes demandé comment obtenir plus de financement pour ces maladies. Dans ce genre de cas, un petit investissement peut permettre d’obtenir un gain majeur, comme l’éradication complète de certaines maladies. Ce n’est qu’un exemple.

J’aimerais beaucoup entendre vos réflexions sur la lassitude des donateurs et sur la question de savoir si le système qui a si bien fonctionné pendant si longtemps aurait besoin d’un réoutillage en profondeur.

M. Achonu : Brièvement, je dirais que oui, la lassitude des donateurs est bien réelle, nous l’avons constatée. Il suffit de regarder combien l’Allemagne, le Royaume-Uni et même le Canada ont réduit l’aide publique au développement, en grande partie pour favoriser de leurs propres politiques internes. Cela émane d’une vision extrême du nationalisme au détriment du multilatéralisme. Il est évident qu’il y a une lassitude, mais il n’en demeure pas moins que le monde reste confronté à des défis immenses actuellement.

À une époque où les crises se multiplient partout, nous devrions donner plus, pas moins, parce que nous ne réglerons rien en donnant moins. Cela ne fera qu’engendrer davantage de crises à long terme.

Je vais laisser mes collègues ajouter leur grain de sel.

M. Moyer : Je vous remercie de cette question. Je dirais qu’il y a des cas où l’on peut obtenir de meilleurs résultats, où l’aide au développement peut avoir un plus grand impact. Le Canada dispose d’atouts uniques dans certains domaines. Pensons à la santé maternelle, néonatale et infantile, un domaine dans lequel le Canada occupe un créneau unique dans ses engagements dans le monde; il obtient d’excellents résultats sur ce plan depuis longtemps.

Votre question est pertinente, parce que nous devons repenser notre politique d’aide à l’Afrique et notre façon d’interagir avec l’Afrique. C’est un vecteur, mais il faut voir la situation dans son ensemble. C’est, à mon avis, le défi fondamental que doivent relever tous les décideurs au Canada aujourd’hui : quelle est la perspective intégrée de l’engagement du Canada en Afrique? Comment l’aide s’inscrit-elle dans cette perspective? Parce qu’en effet, nous allons continuer de nous lasser si nous nous limitons à voir l’aide isolément.

En revanche, si l’on tient compte du portrait d’ensemble — et j’ai vraiment du mal à accepter l’angle partisan et politique qui prévaut dans le monde à ce chapitre —, il y a des vents de changement qui soufflent dans ces domaines. J’admets que cela me dépasse un peu, mais je me demande s’il n’y aurait pas moyen, pour nous, de concevoir des solutions en-dehors des priorités cycliques qu’on se donne. Regardons un peu ce qui se passe au sud de la frontière, aux États-Unis, où la African Growth and Opportunities Act a été adoptée. L’Afrique est-elle une source de potentiel pour le Canada, compte tenu de l’ampleur des possibilités d’engagement sur ce continent? Pourrait-on y voir autre chose qu’une stratégie axée sur l’aide uniquement, qui risque de changer avec le prochain gouvernement?

Il importe d’analyser comment tout est interrelié, parce qu’il pourrait y avoir un rapport coût-efficacité très différent de celui que laisse entrevoir le portefeuille de l’aide à lui seul.

Le président : Cela me désole de devoir interrompre mon propre segment, mais il faut pratiquer ce que l’on prêche.

[Français]

La sénatrice Gerba : Vous avez parlé plus tôt des taux d’intérêt qui sont très élevés par rapport à ceux des pays africains; ce qui est accordé aux pays africains est très élevé. Vous savez qu’il y a un lien entre le risque perçu et les taux d’intérêt.

Depuis plus de 25 ans, je travaille à essayer d’éliminer cette perception négative.

Est-ce qu’il serait possible de faire en sorte que la perception soit moins négative par rapport à l’Afrique et que les banques et les institutions financières puissent s’ajuster, en sachant que les pays concernés fonctionnent de cette manière, et prendre cela en considération dans l’élaboration de leur financement?

[Traduction]

M. Achonu : Nous avons un document sur les taux d’intérêt, et je pense que nous pourrions le faire parvenir au comité. Il porte sur l’ampleur des taux d’intérêt imposés aux pays à faible revenu, selon les données réelles que nous avons observées au fil des ans. Il serait intéressant que le comité y jette un coup d’œil.

Mais pour répondre à votre question, l’un des principaux défis — et c’est pourquoi nous réclamons une réforme de l’architecture financière mondiale —, c’est qu’elle crée bien des iniquités. Certains ont la vie plus facile que d’autres, et lorsque je vous enverrai ce rapport, vous verrez clairement à quel point c’est cher, selon le pays.

Si le comité me le permet, j’aimerais vous donner une idée de l’ampleur du défi que cela représente. Au Nigeria, d’où je viens, jusqu’à 80 % des revenus générés par le gouvernement sont consacrés au service de la dette, qu’il s’agisse d’emprunts sur les marchés financiers, d’euro-obligations ou de tout autre type d’emprunt. Le problème, c’est que chaque modification des taux d’intérêt aux États-Unis fait grimper le coût des emprunts contractés sur les marchés financiers. C’est tout le défi auquel sont confrontés les pays africains.

Quand un pays à faible revenu veut emprunter sur les marchés financiers afin de financer des infrastructures, il risque donc, avant même d’avoir accès à du financement, de payer des taux d’intérêt trop élevés, allant parfois jusqu’à 100 fois le montant emprunté. C’est un véritable défi.

C’est pourquoi nous plaidons en faveur des institutions multilatérales. Elles sont très bon marché, en dépit des difficultés qui leur sont propres, et c’est l’autre partie de la réforme que nous menons. Leurs produits sont très abordables. Ce sont des produits à long terme, contrairement aux prêts que les pays africains peuvent contracter sur les marchés financiers, qui sont d’une durée de trois ou cinq ans. Les pays africains n’ont donc absolument pas accès au financement.

Nous réclamons une réforme de l’architecture financière mondiale. Il se trouve que le Canada fait partie des pays qui ont dit oui, mais il pourrait exercer son influence pour que ce soit fait rapidement, dès maintenant, plutôt que de continuer d’en discuter ad nauseam au sein du G20. Le Canada a appuyé l’idée au sein du G20, mais il doit faire preuve de leadership et dire : « C’est maintenant qu’il faut agir, pas demain. »

Le président : Merci beaucoup.

Nous voici devant le dilemme classique, chers collègues. Il reste sept minutes, et quatre sénateurs ont des questions à poser.

Le sénateur Woo : Demandez aux nouveaux sénateurs s’ils ont des questions.

Le président : Eh bien, ils sont invités à lever la main s’ils ont des questions.

Non? D’accord.

Dans ce cas, je vais demander aux quatre sénateurs de poser leurs questions à tour de rôle. Veuillez les poser de façon très, très succincte. Nos témoins pourront y répondre ensuite.

Le sénateur MacDonald : Monsieur Moyer, je pense que c’est à vous que j’adresserai ma question. Vous avez affirmé que le Canada a besoin de l’Afrique plus que l’Afrique n’a besoin du Canada. Je n’en doute pas, mais je me demande si vous pourriez quantifier un peu ce que vous voulez dire et préciser dans quel domaine.

Nous avons donné beaucoup d’argent à l’Afrique au fil des ans, comme il se doit. Je veux voir l’Afrique se développer. Pourtant, quand la participation du Canada au Conseil de sécurité a été soumise au vote des Nations unies, nous n’avons pas obtenu beaucoup d’appuis de la part de l’Afrique. Je voulais simplement que vous réfléchissiez à cela et à l’avantage que nous avons à en tirer.

Le président : C’est une bonne question, sénateur. Pour avoir moi-même participé aux deux dernières campagnes infructueuses, je serais curieux d’entendre la réponse.

Le sénateur Woo : Ma question porte sur la coordination entre les donateurs. Certains ont dit que le Canada devrait investir davantage en infrastructure, parce que la Chine y investit beaucoup. Il y a une raison pour laquelle la Chine investit autant en infrastructure : elle est très mauvaise dans les programmes à caractère social, mais très bonne en infrastructure.

C’est peut-être irréaliste, mais comment qualifier la coordination entre les donateurs dans certains pays africains ou tous les pays africains? C’est certain que la solution passe par là. Il ne faudrait pas demander à des pays sans compétences en infrastructure de participer à des projets d’infrastructure juste pour que leur nom figure sur un pont.

La sénatrice Coyle : Nous étudions les intérêts et l’engagement du Canada en Afrique. Les deux organisations représentées ici ont parlé de l’importance cruciale des partenariats, et vous avez parlé un peu des partenariats en Afrique, mais nous n’avons pas trop entendu avec qui se feraient ces partenariats du côté canadien, du portrait plus général. Évidemment, il y a vos organisations, mais quel serait le portrait général au Canada? Nous pensons toujours à Affaires mondiales Canada, mais au-delà d’Affaires mondiales, qui d’autre, selon vous, est essentiel aux partenariats si importants qui ont été décrits en matière de financement?

La sénatrice M. Deacon : Je vais essayer d’abréger. On a parlé tout à l’heure de la pandémie et du fait que l’Afrique avait vraiment été laissée pour compte. L’Union africaine et Africa CDC ont proposé un objectif ambitieux : fabriquer 60 % des vaccins de base et des vaccins nécessaires en cas d’épidémie en Afrique d’ici 2040. Le Canada aurait-il un rôle à jouer à cet égard? Je vous remercie.

Le président : Il reste trois minutes. Je ne sais pas comment vous voulez répartir le temps. Je veux également vous dire que si vous voulez nous envoyer quelque chose par écrit, n’hésitez pas à le faire, parce que les questions posées à la fin sont très importantes. À vous de jouer, quelle que soit la façon dont vous préférez répondre.

M. Moyer : Ce sont toutes d’excellentes questions. La coordination entre les donateurs a nettement un rôle à jouer dans tout cela. Nous ne pouvons pas y échapper.

Je dirais que parmi les principaux donateurs, il y a une coordination acceptable, mais cela se traduit-il par une coordination stratégique globale? Je pense qu’on pourrait faire mieux.

L’Afrique n’a pas besoin du Canada. C’est ce que j’essaie de faire valoir. Si nous voulons nous engager sur ce continent, nous devons le faire en toute connaissance de cause. Il ne s’agit pas de nous parachuter là-bas. Il s’agit de déterminer quelle est la nature de la relation que nous voulons entretenir. Nos décisions doivent être guidées par les intérêts africains, faute de quoi les Africains ne nous soutiendront pas plus à leur tour lorsque nous aurons besoin d’eux.

Il y aurait beaucoup à analyser en ce qui a trait au potentiel économique à long terme et la construction de nos relations, mais pensons à ce que nous avons fait avec la Corée après la guerre. Aujourd’hui le commerce avec ce pays éclipse complètement l’aide que nous lui apportions il y a des dizaines d’années.

Ce sont là quelques pistes de réflexion de ma part.

Mme Legault : Une seule statistique suffit pour déterminer si le Canada a besoin de l’Afrique. Il faudrait que je retrouve le chiffre exact, mais j’ai lu que 98 % de la croissance de la main-d’œuvre dans le monde viendra de l’Afrique dans les prochaines décennies. C’est gigantesque. Le monde entier aura besoin de l’Afrique, parce que c’est là que se trouvera la main‑d’œuvre.

En ce qui concerne la pandémie et la fabrication de vaccins, le Canada peut effectivement aider l’Afrique en ce sens. Nous avons parlé de Gavi, qui a lancé un nouveau programme, la garantie de marché, par laquelle des pays comme le Canada peuvent soutenir des projets de fabrication en Afrique. Nous devrions vraiment le faire.

M. Achonu : Quant à savoir qui, au Canada devrait intervenir dans les relations avec l’Afrique, je pense qu’il faut miser sur une combinaison de commerce, de développement, de diplomatie, d’éducation et de sécurité. Cela ne touche pas seulement les affaires étrangères. Tous les organismes qui interviennent dans la dynamique commerciale et les autres organes du gouvernement canadien doivent unir leurs forces dans l’engagement du Canada en Afrique.

Le président : Merci beaucoup. Je sais qu’un autre sénateur souhaitait poser une question.

Sénateur Al Zaibak, si vous voulez revenir demain à 11 h 30, vous aurez probablement l’occasion de poser une question au cours de la réunion de demain.

J’aimerais, au nom du comité, remercier nos trois témoins — Nicolas Moyer, Elise Legault et Stanley Achonu — du temps passé avec nous aujourd’hui. Cela a été une discussion très fructueuse. Vous avez éclairé le comité et alimenté sa réflexion. Je vous remercie encore une fois et je vous souhaite bonne chance.

(La séance est levée.)

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