LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 17 avril 2024
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd’hui, à 16 h 15 (HE), avec vidéoconférence, pour examiner, pour en faire rapport, les intérêts et l’engagement du Canada en Afrique.
Le sénateur Peter M. Boehm (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, je m’appelle Peter Boehm, je suis un sénateur de l’Ontario et je suis président du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international. Avant de commencer, j’inviterais les membres du comité présents aujourd’hui à se présenter, en commençant par ma gauche.
La sénatrice Gerba : Amina Gerba, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Greene : Stephen Greene, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur McNair : John McNair, du Nouveau-Brunswick, en remplacement de la sénatrice Boniface.
La sénatrice Mary Robinson : Mary Robinson, de l’Île-du-Prince-Édouard
Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Ravalia : Mohamed Ravalia, de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Harder : Peter Harder, de l’Ontario.
Le sénateur Mohammad Al Zaibak : Mohammad Al Zaibak, de l’Ontario.
La sénatrice Coyle : Mary Coyle, de la Nouvelle-Écosse.
Le président : Bienvenue, sénatrice Deacon, pile à l’heure.
Le comité se réunit aujourd’hui afin de poursuivre son étude spéciale sur les intérêts et l’engagement du Canada en Afrique. J’aimerais souhaiter la bienvenue à tous, y compris les gens qui, partout au pays, nous regardent sur SenVu.
Dans notre premier groupe de témoins, nous accueillons, du ministère des Affaires mondiales, M. Marcel Lebleu, directeur général de la Direction de l’Afrique de l’Ouest et du Centre; Mme Susan Steffen, directrice générale de la Direction générale panafricaine; Mme Apeksha Kumar, directrice, Maghreb et Égypte. Représentant Agriculture et Agroalimentaire Canada, nous avons Mme Kathleen Donohue, sous-ministre adjointe, Direction générale des affaires internationales. Vous avez déjà comparu au comité, pour la plupart, et selon toute probabilité, vous aurez aussi l’occasion de revenir. Nous vous remercions de votre présence parmi nous aujourd’hui.
Avant de passer aux exposés et aux séries de questions, je vous demanderais à tous d’éviter de vous pencher trop près de votre microphone ou, si vous le faites, de retirer votre oreillette. Cela nuit à la qualité du son et peut créer un effet Larsen qui pourrait causer des blessures auditives au personnel du comité et aux interprètes, en particulier, qui travaillent lors de la présente séance. Je demande également à toutes les personnes présentes de mettre en sourdine les notifications sur leurs appareils électroniques. Je vous remercie.
Nous sommes maintenant prêts à entendre vos déclarations préliminaires. Ensuite, nous passerons aux questions des sénatrices et sénateurs.
[Français]
Marcel Lebleu, directeur général, Direction générale de l’Afrique de l’Ouest et du Centre, Affaires mondiales Canada : Merci, monsieur le président. Je vous remercie, vous et vos collègues, pour l’intérêt porté vers l’Afrique; mes collègues et moi serons heureux de répondre à vos questions. L’étude du comité arrive à point nommé, alors que le ministère des Affaires mondiales cherche à améliorer la façon de promouvoir les intérêts du Canada et d’augmenter notre coopération économique avec l’Afrique.
[Traduction]
L’Afrique est vaste et de plus en plus intégrée, et l’on estime que le continent connaîtra le deuxième taux de croissance économique le plus élevé au monde en 2024. Cette tendance devrait se poursuivre à mesure que les obstacles tarifaires et non tarifaires au commerce intrarégional seront réduits dans le cadre de l’ambitieuse Zone de libre-échange continentale africaine, que j’appellerai la ZLECAf.
Après sa mise en œuvre intégrale, la ZLECAf deviendra la zone de libre-échange comptant le plus grand nombre de membres au monde, avec un PIB combiné potentiel de plus de 3 400 milliards de dollars américains, devenant ainsi un nouveau joueur important dans les chaînes d’approvisionnement et de valeur mondiales. La ZLECAf contribuera non seulement à réduire les obstacles au commerce intracontinental, mais aussi à accroître la confiance des entreprises canadiennes et leur capacité de saisir de nouvelles occasions avec leurs partenaires africains. Parmi les domaines d’intérêt, soulignons les technologies propres, les énergies vertes et la coopération en matière de minéraux essentiels.
[Français]
Le commerce et l’investissement canadiens avec l’Afrique ont connu une croissance impressionnante au cours des cinq dernières années, avec un commerce bilatéral de marchandises totalisant 16,2 milliards de dollars et des investissements sur le continent atteignant 16 milliards de dollars en 2022.
Une grande partie de l’investissement direct canadien en Afrique se fait dans le secteur minier — 42,3 % pour être plus précis. En 2022, les actifs miniers canadiens détenus par environ 90 sociétés s’élevaient à 37 milliards de dollars, soit 17,2 % du total des actifs miniers canadiens à l’étranger.
Toutefois, ces chiffres restent bien en deçà de ce à quoi l’on pourrait s’attendre.
[Traduction]
Le Canada s’est engagé à accroître et à diversifier ses partenariats commerciaux et à favoriser une croissance économique inclusive en Afrique, notamment en appuyant et en stimulant les marchés émergents et pionniers en Afrique.
Le Service des délégués commerciaux, ou SDC, est en mesure d’appuyer et d’accompagner les entreprises canadiennes en Afrique grâce à son réseau de 16 missions diplomatiques canadiennes. Le SDC est actif dans plus de 50 marchés africains et est prêt à aider les entreprises canadiennes à atteindre leurs objectifs en matière de commerce et d’investissement grâce à une aide sur mesure pour favoriser leur réussite sur les marchés africains.
En outre, le Canada a huit accords sur la promotion et la protection des investissements étrangers en Afrique. Ces accords offrent aux investisseurs canadiens une plus grande protection, une prévisibilité accrue et de meilleures prévisions pour élaborer leurs plans d’investissement.
En avril 2022, le Canada a lancé la stratégie sur la conduite responsable des entreprises à l’étranger. Cette stratégie s’applique à toutes les entreprises canadiennes actives à l’étranger, et vise à les aider à intégrer des pratiques commerciales responsables de calibre mondial dans leurs activités et à atténuer les risques liés aux activités commerciales à l’étranger.
[Français]
Le Canada a jeté les bases d’un partenariat économique approfondi entre le Canada et l’Afrique en s’engageant fermement auprès de l’Union africaine, la principale organisation continentale qui parle d’une seule voix pour l’Afrique. Le premier dialogue de haut niveau entre le Canada et la Commission de l’Union africaine a eu lieu en 2022, sous l’égide du premier ministre Trudeau.
En mai 2023, la ministre Ng a accueilli son homologue de la Commission de l’Union africaine, Son Excellence Albert Muchanga, pour une conversation consacrée au commerce, lors du dialogue inaugural entre le Canada et la Commission de l’Union africaine sur la politique commerciale.
Au cours des 20 dernières années, le Canada a financé le Centre africain pour la politique commerciale, basé à la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, à Addis-Abeba, qui soutient la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine, en mettant l’accent sur l’égalité des genres et l’environnement.
Le gouvernement du Canada a engagé plus de 2,3 milliards de dollars pour aider les entreprises canadiennes de technologies propres à se développer et atteindre de nouveaux marchés. Les exportations de technologies propres du Canada vers l’Afrique ont ainsi augmenté de 56 % entre 2012 et 2022.
Raysolar, par exemple, est une société ontarienne basée à Kenora, qui propose des systèmes d’énergie renouvelable aux communautés d’Afrique de l’Ouest. EM-ONE Energy Solutions, basée à Toronto, se spécialise dans les infrastructures électriques intelligentes et a électrifié 49 centres de santé et d’éducation au Nigeria à l’aide de microréseaux solaires.
Sur le plan de l’éducation, les établissements d’enseignement canadiens peuvent contribuer à répondre aux besoins d’une population jeune et en rapide croissance, grâce à des services d’exportation comme l’octroi de licences pour les programmes d’études et de formation technique et professionnelle.
Au 31 décembre 2023, plus de 144 000 étudiants internationaux originaires d’Afrique avaient reçu un permis d’études au Canada.
Les intérêts commerciaux, qui constituaient souvent une facette modeste des relations entre le Canada et l’Afrique par le passé, sont devenus un domaine d’intérêt dans le cadre d’une stratégie d’engagement plus large avec l’Afrique, ainsi que dans la promotion de la stratégie de diversification des exportations du Canada et de l’approche inclusive du commerce canadien.
Avec un intérêt commun pour un système commercial intracontinental stable et prévisible, le Canada intensifiera sa coopération avec des pays et des institutions africaines pour améliorer l’environnement des affaires et le climat d’investissement, créant ainsi de nouvelles possibilités pour les entreprises africaines et canadiennes.
Nous nous réjouissons à l’idée de faire progresser les intérêts commerciaux du Canada en Afrique grâce à notre engagement collectif renforcé. Merci.
Le président : Merci, monsieur Lebleu.
[Traduction]
Kathleen Donohue, sous-ministre adjointe, Direction générale des affaires internationales, Agriculture et Agroalimentaire Canada : Je tiens tout d’abord à souligner que je m’adresse à vous depuis le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe, ici à Ottawa, dans la région de la capitale nationale.
[Français]
Je remercie le comité et ses membres de me donner l’occasion de parler des intérêts et de l’engagement du Canada envers l’Afrique, en particulier du point de vue du secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire.
[Traduction]
Le secteur canadien de l’agriculture et de l’agroalimentaire stimule notre croissance économique, comme le prouvent les exportations d’une valeur de 99 milliards de dollars de l’an dernier, soit une hausse de 6,6 % par rapport à l’année précédente. Nos exportations demeurent très concentrées, puisque 84 % d’entre elles sont destinées aux États-Unis, à la Chine, au Japon, à l’Europe et au Mexique. Il est important de diversifier l’accès aux marchés pour atténuer les risques liés à une telle concentration de nos exportations de produits agroalimentaires vers un petit nombre de marchés.
L’Afrique est en train de devenir une destination de plus en plus importante pour les exportations agricoles et agroalimentaires mondiales en raison de la croissance de sa population, d’une classe moyenne grandissante et d’une urbanisation accrue. Avec plus de 1,4 milliard de personnes et des préférences alimentaires variées, le continent est un marché important pour les exportateurs canadiens de divers secteurs agricoles.
[Français]
Ces cinq dernières années, le taux de croissance annuel des exportations canadiennes de produits agroalimentaires, de poisson et de fruits de mer vers l’Afrique s’est élevé à 15 %, avec un sommet sans précédent de 3 milliards de dollars l’année dernière.
[Traduction]
Pour ce qui est l’importance du marché africain, le Canada exporte principalement quatre produits : le blé dur, le blé autre que le blé dur, le soja et les lentilles. Ensemble, ces produits représentent plus de 89 % de la valeur totale des exportations canadiennes en Afrique. Entre 2019 et 2023, le Canada était le plus grand exportateur de lentilles, représentant 43 % des importations de lentilles du continent; le cinquième fournisseur de blé dur du continent; le sixième fournisseur de soja et de blé autre que le blé dur.
La croissance des exportations canadiennes dans le secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire est surtout attribuable à l’augmentation du volume des exportations de certains produits de base, notamment le soja. Nous pouvons également constater qu’une partie de cette croissance est également due à la valeur. Nous avons constaté des hausses de prix, par exemple, pour certains produits de base comme le blé dur et le blé autre que le blé dur. Nous avons également constaté les répercussions d’une grave sécheresse sur la production intérieure de la région, ce qui a accentué la dépendance à l’égard des importations en provenance de divers marchés mondiaux.
[Français]
Les importations canadiennes de produits agroalimentaires, de poisson et de fruits de mer en provenance de l’Afrique sont également importantes, puisqu’elles ont atteint 1,58 milliard de dollars l’année précédente. Nos importations les plus importantes de la région sont les fèves de cacao, les clémentines et les oranges, qui proviennent principalement de la Côte d’Ivoire, de l’Afrique du Sud et du Maroc.
[Traduction]
Bien qu’AAC n’ait pas de programme particulier lié aux activités commerciales en Afrique, son programme Agri‑marketing, financé par le gouvernement fédéral dans le cadre du Partenariat canadien pour une agriculture durable, permet d’appuyer les efforts des acteurs de l’industrie qui souhaitent explorer les débouchés et faire des affaires en Afrique.
À plus long terme, nous prévoyons que les exportations canadiennes vers l’Afrique continueront d’augmenter. L’Afrique demeure un importateur net d’aliments en raison de défis comme une infrastructure limitée, des chaînes de valeur inefficaces, la variabilité du climat, et cetera. Cependant, il importe de souligner que de nombreux gouvernements africains accordent la priorité à l’agriculture comme moteur essentiel de la croissance économique et de la sécurité alimentaire et mettent en œuvre des politiques et des initiatives à cet égard.
En appui aux efforts d’Affaires mondiales Canada en Afrique, notamment en matière de sécurité alimentaire, le ministère de l’Agriculture travaille en collaboration avec plusieurs pays africains, à l’instar de l’Agence canadienne d’inspection des aliments sur le plan de la coopération technique.
À titre d’exemple, Agriculture et Agroalimentaire Canada a appuyé le Fonds d’accélération de la recherche sur le blé, lancé l’année dernière, pour améliorer la sécurité alimentaire en renforçant la résilience des systèmes de production fondés sur le blé qui sont touchés par les changements climatiques, la sécheresse, la chaleur et d’autres perturbations en Afrique et au Moyen-Orient. Dans le cadre de cette initiative, Agriculture et Agroalimentaire Canada a investi 2 millions de dollars. Le Centre de recherches pour le développement international du Canada a également investi 1 million de dollars dans des projets au Maroc et en Tunisie. Ces projets visent à améliorer la sécurité alimentaire et la résistance au changement du climat par l’élaboration de pratiques agronomiques visant à améliorer le développement des semences et le rendement des cultures.
Dans le cadre du mandat de l’ACIA et grâce au financement du programme d’aide internationale d’Affaires mondiales Canada, l’agence a achevé avec succès un projet de coopération technique pluriannuel au Sénégal — de 2019 à 2022 — ce qui a permis de renforcer la capacité du laboratoire national d’essais de semences du Sénégal. Ce projet visait à améliorer les capacités du Sénégal en matière de production céréalière.
En conclusion, l’Afrique est une région diversifiée et en pleine croissance. Le secteur africain de l’agriculture et de l’agroalimentaire est un élément important à prendre en compte alors que nous cherchons à établir des partenariats et trouver de nouveaux débouchés pour appuyer l’ambition du Canada d’approfondir ses relations avec l’Afrique.
C’est avec plaisir que je répondrai à vos questions. Merci.
[Français]
Le président : Merci, madame Donohue. C’est maintenant la période des questions. J’aimerais préciser aux sénateurs qu’ils disposent d’un maximum de quatre minutes chacun pour la première ronde, y compris les questions et les réponses. Je demande donc aux sénateurs et aux témoins d’être concis. Nous tiendrons une deuxième ronde si le temps le permet.
[Traduction]
Je tiens aussi à souligner que nous accueillons deux sénateurs invités aujourd’hui. Sénateur Robinson et sénateur Al Zaibak, vous avez également le droit de poser des questions, si vous le souhaitez.
[Français]
La sénatrice Gerba : Merci à nos invités aujourd’hui. C’est toujours un plaisir d’accueillir des représentants d’Affaires mondiales Canada.
J’ai plusieurs questions. Je vais commencer par le sujet de l’heure, qui est le budget. Le budget d’hier, effectivement, dévoilait un octroi de 160 millions de dollars supplémentaires pour Affaires mondiales Canada. Plus particulièrement, 18 millions de dollars seront alloués sur cinq ans pour renforcer la présence du Canada à sa mission auprès des Nations unies.
Nous avons maintenant un nouveau représentant à l’Union africaine. Selon ma compréhension, le travail de celui-ci sera d’appuyer Affaires mondiales Canada et notre mission aux Nations unies, en plus de les aider auprès des 54 pays africains. Je n’ai vu aucune mention de l’Union africaine dans le budget. Pourtant, nous avons maintenant un représentant permanent.
Avez-vous été consultés par rapport au budget et aux moyens alloués à cette mission auprès des Nations unies à New York? Avez-vous fait des démarches pour qu’il y ait quelque chose à l’égard de la mission permanente à l’Union africaine?
M. Lebleu : Merci pour la question.
Pour l’élaboration des budgets, il y a un processus interne au sein du gouvernement. Les fonctionnaires formulent des recommandations. La ministre fait part de ses priorités à la ministre des Finances. Habituellement, les recommandations des fonctionnaires au ministre sont confidentielles. Je vais donc respecter cette confidentialité.
Dans le budget, deux rubriques auront un impact sur notre réseau. Premièrement, on prévoit une injection de fonds pour nos employés locaux. On parle des employés qui travaillent au sein de nos ambassades. On a fait état d’un réseau qui comprend près de 20 missions diplomatiques. Pour l’essentiel, nos employés en Afrique sont recrutés localement; ce sont des employés africains. Cette enveloppe permettra d’embaucher de nouveaux employés ou de combler des déficits structurels.
Pour ce qui est plus précisément de l’Union africaine, je me tournerai vers ma collègue. Pour l’instant, comme vous l’avez évoqué, c’est une annonce et une décision relativement récentes. Il y a un représentant permanent qui est assisté d’un collègue canadien et d’employés locaux. Ainsi, dans cette enveloppe pour les employés locaux, une contribution sera faite non seulement pour notre représentation, mais pour toute l’ambassade à Addis-Abeba, puisque nous avons des missions diplomatiques à cet endroit.
Je vais me tourner vers ma collègue Mme Steffen, qui est directrice générale à la Direction générale panafricaine.
[Traduction]
Susan Steffen, directrice générale, Direction générale panafricaine, Affaires mondiales Canada : Je vous remercie de la question, sénatrice Gerba.
Nous sommes ravis de la création de notre nouvelle mission dédiée à l’Union africaine, dirigée par M. Ben Marc Diendéré. Il est en poste depuis l’automne et a suscité un intérêt considérable pour l’approche du Canada vis-à-vis de l’Afrique et de l’Union africaine. L’effet le plus récent est la visite très réussie, selon nous, de M. Bankole Adeoye, commissaire aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité de la Commission de l’Union africaine, qui occupe un poste très élevé au sein de cette organisation. L’ambassadeur fait un excellent travail et nous l’appuyons de notre mieux avec les moyens que nous donne le gouvernement.
Le président : Merci. Nous avons été ravis d’accueillir le commissaire Bankole comme témoin la semaine dernière. Ce fut fort instructif pour tout le monde.
Le sénateur MacDonald : Je remercie les témoins.
Monsieur Lebleu, ma première question est pour vous. Étant donné les importants investissements de la Chine dans les projets d’infrastructure et l’Initiative des nouvelles routes de la soie en Afrique, comment Affaires mondiales Canada compose-t-il avec les tensions géopolitiques possibles et la concurrence avec la Chine tout en assurant la promotion des intérêts économiques et des valeurs du Canada dans la région?
M. Lebleu : C’est évidemment une chose que nous suivons de très près. L’empreinte politique et économique de la Chine en Afrique a d’importantes ramifications quant au développement du continent à l’avenir. Nous reconnaissons l’engagement important et historique de la Chine dans la région. Nous avons mentionné l’Initiative des nouvelles routes de la soie, généreusement financée par la Chine, à faible coût. La Chine est aujourd’hui le plus important partenaire commercial et la plus importante source d’investissements directs étrangers — un fait que nous ne pourrons pas changer —, mais nous sommes en concurrence dans divers sous-marchés. Il y a plusieurs façons de voir les choses. Par exemple, le G7 a répondu avec sa propre initiative, dans le cadre de l’initiative américaine, en fournissant jusqu’à 600 milliards de dollars sous l’égide du G Fund pour l’avancement du projet d’infrastructure.
Actuellement, comme vous le savez, la politique du Canada consiste à soutenir les entreprises canadiennes en leur offrant des services par l’intermédiaire du Service des délégués commerciaux. Notre mandat n’est pas de fournir des solutions de financement à faible coût. Je crois savoir que des représentantes d’Exportation et développement Canada, ou EDC, comparaîtront lors de la deuxième partie de la séance d’aujourd’hui. Vous voudrez peut-être leur poser des questions précises sur leur traitement, mais en général, le Canada fonctionne selon les taux du marché en Afrique et appuie les entreprises canadiennes en leur offrant des services.
Le sénateur MacDonald : Madame Donohue, dans le contexte de la demande croissante de produits agricoles sur les marchés africains et de l’intérêt du Canada à accroître ses exportations agricoles, comment Agriculture et Agroalimentaire Canada prévoit-il miser sur ses initiatives et ses ressources pour aider les agriculteurs canadiens et les entreprises agroalimentaires à avoir accès aux occasions en Afrique et à en tirer parti, compte tenu de la concurrence croissante d’autres acteurs mondiaux comme que la Chine et l’Union européenne?
Mme Donohue : Je vous remercie beaucoup de cette question, sénateur.
Entre autres choses, nous travaillons avec notre industrie et nos partenaires provinciaux et territoriaux pour établir les priorités, et cetera, et la diversification est certainement une priorité absolue. Selon l’industrie, il existe des débouchés en Afrique, en particulier dans le domaine de la génétique du bétail, par exemple. Certains marchés africains souhaitent accroître leurs capacités d’élevage. À cet égard, l’Agence canadienne d’inspection des aliments négocie actuellement l’accès à certains produits génétiques du bétail. Il s’agit d’une façon très concrète d’appuyer cette diversification et d’examiner les possibilités d’améliorer l’accès dans la région.
Le sénateur MacDonald : Y a-t-il à ce jour des succès notables qui vous viennent à l’esprit?
Mme Donohue : Non, pas à première vue, pour ce qui est d’entreprises précises. Dans ma déclaration, j’ai souligné qu’on observe une augmentation des échanges commerciaux. L’année dernière, il y a eu une augmentation de 15 % pour les produits agricoles canadiens dans la région.
Le président : Merci beaucoup. Je suis désolé; je dois vous interrompre.
Le sénateur Ravalia : Merci à vous tous et à votre personnel d’être ici aujourd’hui.
J’ajouterai quelque chose à la question du sénateur MacDonald. Nous avons eu la chance d’accueillir Son Excellence Bankole Adeoye la semaine dernière. Dans son témoignage, il a maintes fois évoqué l’estime envers le Canada sur le continent. Cependant, il semblerait que nous ayons pris du retard par rapport à certains de nos principaux partenaires — États-Unis, Chine et Russie — en particulier sur les plans de la visibilité et de la compétitivité sur le continent. Dans le cadre de votre travail, examinez-vous des mesures stratégiques concrètes qui nous permettraient de rattraper notre retard et d’accroître notre présence sur le continent, par rapport à des secteurs ou régions en particulier, par exemple? Ma question s’adresse à vous, madame Steffen.
Mme Steffen : Je vous remercie de la question. Je vais commencer, puis je céderai la parole à mes collègues, qui pourraient vouloir ajouter quelque chose.
Cherchons-nous à faire mieux et à améliorer notre empreinte sur le continent? La réponse est oui, de toute évidence. Quant à la façon d’y arriver, cela fait partie de nos discussions entourant un document de politique à venir. Cela fait partie de la discussion que nous avons avec vous — je parle de vos meilleures idées issues de vos rapports et de vos études — ainsi qu’avec le comité des affaires étrangères de la Chambre des communes. Les idées abondent. Nous devons être réalistes quant aux possibilités, tout en utilisant les ressources financières à bon escient.
Le Canada fait et peut faire certaines choses qui représentent un intérêt certain pour nos partenaires africains. Nos dialogues avec la Commission de l’Union africaine sont au cœur de notre approche. Nous cherchons à obtenir son avis au sujet des secteurs où notre contribution serait la plus utile, puis nous arrimons ces besoins à ce que le Canada peut offrir, tant du côté du gouvernement canadien que du secteur privé.
Le sénateur Ravalia : Le continent est loin d’être homogène. Dans ce contexte, outre avec l’Union africaine, dans quelle mesure avons-nous entrepris un dialogue bilatéral avec des groupes comme l’ICOA, la SADC et des partenaires plus régionaux pour améliorer nos activités de développement?
Mme Steffen : C’est aussi une excellente question, car la question des CER — les communautés économiques régionales — est parfois délicate. La Commission de l’Union africaine reconnaît huit communautés économiques régionales. Ce sont des piliers essentiels de l’intégration africaine sur les plans économique et politique, et dont les capacités et les intérêts varient. Nous collaborons de façon importante avec quatre d’entre elles, soit l’IGAD, la CEDEAO, la SADC et la CAE. De manière générale, on considère que ces organisations sont une longueur d’avance quant à la capacité d’exercer leur mandat.
Nous avons actuellement des programmes de développement avec certaines de ces organisations. Ces programmes visent à appuyer l’intégration de l’égalité des sexes dans leurs activités pour veiller à ce que leurs efforts d’intégration économique aient des effets positifs en matière de genre, et leur capacité d’examiner les façons de mettre en œuvre la ZLECAf, dont ma collègue a parlé. Nous entretenons un dialogue avec elles. Pour le moment, il ne s’agit pas d’un engagement important sur les plans du développement ou de l’assistance technique. Nous avons également des ambassadeurs désignés qui sont accrédités auprès de chacune de ces organisations.
Le sénateur Ravalia : Merci.
Le sénateur Harder : Je vous remercie d’être parmi nous.
Je vais poursuivre dans la même veine que le sénateur Ravalia. S’il y a un avantage à une étude comme celle que nous entreprenons, c’est d’essayer de prendre le pouls des changements qui se produisent en Afrique et de voir comment nous pouvons les anticiper. Il semble, d’après les témoignages entendus jusqu’à présent, et d’après ce qu’ont dit M. Lebleu et Mme Steffen, que les institutions régionales prennent de l’expansion, non seulement en lien avec l’accord de libre-échange, mais aussi avec l’Union africaine elle-même — qui gagne en maturité — et les communautés économiques régionales. Nous devons reconnaître que notre présence bilatérale n’est pas aussi forte que celle d’autres pays — non pas qu’elle soit insignifiante, mais 16 ou 17 missions bilatérales, ce n’est pas énorme sur un continent qui compte 57 pays.
Devrions-nous mettre un peu de vent dans nos voiles en augmentant notre instrument bilatéral d’influence internationale, afin d’avoir une meilleure compréhension et de faire des suggestions? Ou est-ce que nous nous engageons sur une voie dont le rythme, selon vous, ne sera pas très rapide? J’aimerais entendre vos commentaires, s’il vous plaît.
M. Lebleu : C’est une bonne question. Il est évident qu’il s’agit de certaines des considérations qui reviennent quotidiennement.
Nous pourrions nous demander pourquoi nous sommes dans ces pays et pas dans d’autres. De notre point de vue, il y a une histoire derrière ces décisions. Dans une large mesure, notre présence sur ce continent, à quelques exceptions près, a été motivée par notre programme d’aide internationale, qui a créé des liens particuliers. Nous nous trouvons donc dans cette position. La question de l’accroissement de notre présence pourrait faire l’objet d’une recommandation à la ministre, mais elle n’a pas encore été formulée. Mme Steffen vous dira où en est notre réflexion sur cette question précise.
Cela dit, nous avons récemment annoncé la façon dont nous envisagerons l’Afrique. Notre sous-ministre a annoncé que nous réorganisons notre fonctionnement. Mme Steffen et moi sommes tous les deux responsables de l’Afrique subsaharienne. Notre collègue Mme Kumar est responsable d’un autre secteur : l’Afrique du Nord. Nous avons décidé de réagir à l’institution régionale en, notamment, regroupant les régions de l’Afrique. Il y a quelques raisons à cela, et c’est logique du point de vue de la réorganisation.
Pour discuter du développement des relations bilatérales, je cède la parole à Mme Steffen.
Mme Steffen : Je vous remercie de la question, sénateur.
Nos relations bilatérales sont au cœur de toutes nos activités. Nos relations régionales se développent et sont également importantes, mais rien ne vaut une présence sur le terrain, les relations qu’on bâtit ainsi et la présence sur le terrain qui facilite d’autres types de relations, comme les relations avec le secteur privé, les relations interpersonnelles et les relations institutionnelles. Il vaut toujours mieux d’en nouer davantage, mais il faut les assortir de mesures financières. Il est très coûteux de travailler sur le continent, notamment en raison des problèmes de sécurité.
Nous avons récemment ouvert deux nouvelles missions. L’une est celle que la sénatrice Gerba a qualifiée de notre poste d’observation permanente à l’Union africaine; l’autre est notre haut-commissariat ou ambassade au Rwanda. On ne peut pas dire que nous n’avons pas élargi notre présence récemment. L’expansion est minime, et s’est faite où nous pensons pouvoir changer le plus la donne.
Le président : Merci beaucoup.
La sénatrice M. Deacon : Merci à tous, ainsi qu’à votre équipe de soutien, d’être parmi nous dans le cadre de cette étude.
Ma première question s’adresse à M. Lebleu. Vous trouverez peut-être que je vous mets un peu sur la sellette. J’espère que non. La semaine dernière, nous avons reçu Son Excellence Bankole Adeoye et je lui ai demandé ce qu’il ferait s’il était chargé de la politique étrangère du Canada en Afrique. C’était un peu un exercice d’imagination, mais vers la fin, il a dit :
On peut faire les choses différemment des puissances occidentales traditionnelles, si on suit son propre chemin. J’ai parlé hier et aujourd’hui aux ministres de l’exemple des Scandinaves. Créez votre propre parcours sans dévier de vos valeurs.
Alors que je réfléchis à cette question cette semaine, monsieur Lebleu, je me demande si vous pourriez m’indiquer ce que ces mots signifient pour vous et la manière dont vous pourriez les interpréter pour faire les choses différemment des puissances occidentales traditionnelles.
M. Lebleu : Merci. C’est une excellente question. Je peux répondre en deux temps.
Tout d’abord, il faut voir comment nous nous projetons en tant que nation commerçante et comment nous établissons des principes. Ce gouvernement a lancé une stratégie pour un code de conduite responsable à l’étranger pour les entreprises. À quel comportement nous attendons-nous de la part des entreprises? Comment conditionner l’offre de services à ces entreprises selon des normes d’intégrité? Comment mettons-nous en place le noyau dur, c’est-à-dire les services de l’ombudsman pour les groupes qui ont des difficultés, et comment nos entreprises à l’étranger investissent-elles dans notre travail avec les communautés? Comment créer un point de contact national pour que les communautés puissent prendre la parole et comment mettre en place ces mécanismes pour que les communautés sachent ce que nous faisons? Je pense que ce sont des réflexions reconnues par la communauté internationale et les dirigeants africains. Nous pouvons parler de notre figure de gens d’affaires éthiques que nous voulons projeter.
L’autre élément par lequel je dirais que nous avons fait connaître le Canada est la Politique d’aide internationale féministe, ou PAIF, et nos investissements dans les enjeux de santé mondiaux touchant les femmes et les filles. Aujourd’hui, il faut ajouter le dossier des changements climatiques, qui est un problème tout à fait dramatique, en particulier en Afrique subsaharienne. Dans cette région, nous investissons environ 70 % de notre budget de développement et d’aide internationale dans les questions de santé mondiale qui sont directement axées sur les populations les plus vulnérables, généralement les femmes et les filles.
Mme Steffen : J’allais aller dans le même sens et dire que la marque canadienne en Afrique subsaharienne — et aussi en Afrique du Nord, je crois — est très liée à nos valeurs, en particulier les valeurs relatives à l’égalité des sexes et à l’inclusion. Ces valeurs imprègnent tout ce que nous faisons avec le secteur privé et avec nos organisations de développement, ainsi que nos relations bilatérales. C’est ainsi que nous traçons notre propre voie sur la base de nos valeurs. Nous avons parfois un bon public, parfois non, mais aucun fonctionnaire de notre ministère ne s’écarte de ces valeurs. Nous pouvons certainement affirmer que nous sommes fiers de soutenir l’idéologie de Son Excellence Bankole Adeoye à cet égard.
La sénatrice Coyle : J’ai tant de questions. Je vais essayer de me limiter.
Tout d’abord, je m’adresserai à nos témoins d’Affaires mondiales Canada parce que je suis curieuse de connaître la prochaine étape. Vous nous avez donné une vue d’ensemble — les technologies vertes, l’énergie verte, les minéraux critiques, etc. J’aimerais savoir si la diaspora participe beaucoup, voire pas du tout, à nos relations commerciales avec l’Afrique.
Dans quelles régions géographiques se passent la plupart de nos activités commerciales en Afrique? Il serait bon de le savoir. Quelle est la répartition géographique des entreprises canadiennes?
M. Lebleu : C’est une question intéressante.
Lorsqu’il est question de commerce inclusif, nous pensons aux membres de la diaspora. C’est en quelque sorte l’un de nos avantages concurrentiels. Je peux nommer des entreprises qui ont réussi, par exemple Logistik Unicorp. Elle est dirigée par un homme originaire du Togo, qui s’est installé ici et qui investit au Togo pour fournir du matériel militaire non létal aux gouvernements régionaux. Je peux aussi nommer une autre grande entreprise qui, dans sa main-d’œuvre de marketing à l’international, emploie la diaspora.
Vous parlez du plus grand marché. Notre principal partenaire commercial est probablement le Nigéria, qui a une grande communauté à Toronto. Je ne sais pas si vous connaissez Burna Boy. C’est un chanteur d’afrobeat. Il était à Montréal il y a trois semaines et a fait salle comble au Centre Bell à deux reprises. Il a eu un public d’environ 35 000 admirateurs. Il était aussi à Toronto. Nous ne pensons pas beaucoup à l’industrie culturelle, mais il s’agit d’un... et on parle de Nollywood. Netflix offre du contenu africain. Les échanges ne se font donc pas à sens unique, mais bien dans les deux sens, et nous envisageons des accords de coproduction avec l’Afrique du Sud. Nous envisageons d’en négocier un avec le Nigéria.
Évidemment, puisque je viens du Québec, je sais à quel point les étudiants internationaux sont importants pour nos établissements universitaires régionaux. Il y a beaucoup d’universités et de collèges qui ne survivraient pas sans eux. À l’Université du Québec à Trois-Rivières ou à l’Université du Québec à Chicoutimi, par exemple, 30 ou 40 % des étudiants viennent d’Afrique. Ce sont 144 000 étudiants. C’est le chiffre de l’an dernier. C’est beaucoup, et c’est un gros avantage pour nous. Certains d’entre eux restent par la suite, évidemment, et nous sommes heureux qu’ils contribuent à la réussite de notre pays.
Les activités de la Chambre de commerce sont menées par des entreprises traditionnelles, mais aussi par des membres de la diaspora qui ont leurs propres contacts et percées sur le marché. C’est un pilier essentiel de notre engagement auprès de la diaspora locale. Je sais qu’il y a autour de la table des députés qui ont participé à certaines activités par le passé.
Le président : J’écoutais Burna Boy l’autre soir. Il se trouve que j’aime sa musique.
Je voulais poser une question qui fait suite à celles de la sénatrice Coyle et de la sénatrice Deacon, et elle porte sur notre capacité de collecte de renseignements commerciaux en Afrique. Certains d’entre nous se souviendront qu’il y avait autrefois une structure appelée Le PCI de l’ACDI. Il y a eu d’autres tentatives pour faire le pont entre l’aide au développement et le secteur commercial. La sénatrice Deacon a posé des questions sur les pratiques exemplaires d’autres pays. Mettons la Chine de côté, puisque son approche est différente. Avons-nous suffisamment de ressources? Est-ce que, traditionnellement, c’est toujours le Service des délégués commerciaux qui est responsable ou pouvons-nous compter sur d’autres sources pour élargir la portée et examiner plus de possibilités commerciales et d’investissements? Je demanderais d’abord à Mme Donohue de répondre à cette question pour ce qui est de l’agroalimentaire et de ces aspects particuliers, mais aussi au sujet de l’investissement plus traditionnel.
Mme Donohue : Je vous remercie de la question.
Pour nous, il s’agit de voir comment tirer parti de notre capacité technique de façon très ciblée pour aider à soutenir les entreprises canadiennes. Je dirais aussi qu’il faut soutenir des objectifs plus vastes en matière de sécurité alimentaire. Je pense avoir mentionné le travail que nous avons fait avec le Sénégal dans le cadre de programmes bilatéraux gérés par Affaires mondiales, qui visaient à améliorer la capacité du Sénégal en matière de diagnostic des semences. C’est un élément essentiel et important de la capacité de ce pays à améliorer sa production et sa transformation de céréales et à être en mesure d’identifier les organismes nuisibles dans sa production agricole. Pour nous, il s’agit d’une approche ciblée que nous pouvons adopter dans le cadre d’un ensemble plus vaste d’objectifs gérés par Affaires mondiales en vue du renforcement des capacités dans le domaine de la sécurité alimentaire.
Le président : Monsieur Lebleu, lorsque nous nous sommes rencontrés pour la première fois, vous étiez délégué commercial. Quel est votre point de vue sur le sujet?
M. Lebleu : J’ai commencé ma carrière au Cameroun et j’ai travaillé à l’Accord économique et commercial global, ou AECG, comme vous l’avez également mentionné.
Ce dont vous parlez, c’est d’une lacune potentielle, du manque d’outils dans notre coffre à outils. Nous avons mené des consultations, dont ma collègue pourra vous parler.
Avant cela, j’aimerais faire une courte intervention de 30 secondes sur le Service des délégués commerciaux, ou SDC, pour l’Afrique. Que signifie-t-il? Nous allons vous donner nos chiffres. Au cours du dernier exercice, 1 060 clients canadiens ont reçu des services, et 82 % d’entre eux ont dit que le SDC les avait aidés à obtenir de l’information. Ce service est donc offert.
De plus, nous avons le programme CanExport, qui a aidé 113 pays et ciblé au moins un marché africain pour 3,1 millions de dollars au cours du dernier exercice. C’est un petit programme.
Il y a encore des lacunes possibles, alors je vais me tourner vers vous, madame Steffen, pour nous en parler, parce que vous et votre équipe avez fait un travail de sensibilisation par l’entremise du secteur privé.
Mme Steffen : Oui. Merci.
Nous avons examiné les mêmes questions que vous — les façons d’accroître notre engagement envers l’Afrique —, et nous avons tenu compte de l’aspect commercial. Qu’est-ce que les Canadiens, les entreprises canadiennes et les entreprises et dirigeants africains pensent que nous devrions faire? Je vais simplement vous donner quelques faits saillants.
Il y a un réel intérêt à accroître de manière responsable le commerce et l’investissement avec les pays africains, avec le secteur extractif et d’autres; à établir des partenariats avec les pays et les institutions de l’Afrique sur les enjeux mondiaux nécessitant une action collective, notamment l’Organisation mondiale du commerce, par exemple; à miser sur la diplomatie du savoir, comme l’a fait valoir notre collègue d’Agriculture et Agroalimentaire Canada; à collaborer en matière d’éducation, de science, de recherche et de partenariats novateurs; à tisser des liens plus serrés, notamment par l’entremise d’un engagement accru avec les entrepreneurs de la diaspora africaine; à mettre à jour le discours sur le risque en Afrique, afin de faire la différence entre le risque perçu et le risque réel; à accroître la visibilité canadienne sur le terrain; à tirer parti du savoir-faire et de la capacité du Canada; à établir des liens entre le commerce et les efforts de développement; et à reconnaître certains des obstacles qui existent actuellement.
Je vois que vous essayez d’appuyer sur le bouton, alors je vais m’arrêter ici.
Le président : Oui, parce que nous avons dépassé le temps prévu. Comme il s’agit de mon intervention, je sais que l’on me le reprochera si je prends trop de temps. Je vous remercie pour votre réponse.
[Français]
La sénatrice Gerba : Merci, monsieur Lebleu, d’avoir anticipé une de mes questions sur les employés recrutés localement. J’aimerais revenir sur la question de la Zone de libre-échange continentale africaine, ou ZLECAf, dont vous avez parlé plus tôt et de la collaboration avec le Canada pour soutenir la mise en place de cette importante zone de libre-échange.
Jusqu’à maintenant, qu’est-ce qui a été mis en œuvre par le Canada pour soutenir le développement de cette zone de libre-échange, d’une part? D’autre part, qu’est-ce qui est fait pour aider les entreprises canadiennes à tirer parti de cette zone de libre-échange assez importante en Afrique?
M. Lebleu : Merci.
Je vais rapidement me tourner vers ma collègue. L’accord n’a pas encore été finalisé, donc la zone, c’est une aspiration pour l’instant. Nous espérons que cela va se concrétiser et nous travaillons avec nos partenaires afin que cela devienne une réalité. Nous avons appuyé de façon concrète, par l’entremise de notre enveloppe d’aide internationale, certains partenaires sur des projets très précis. Je vais me tourner vers Mme Steffen, qui pourra présenter ces projets et parler de la collaboration technique de ces organismes partenaires.
Mme Steffen : Merci pour la question. La ZLECAf est ce que l’on appelle entre nous un point tournant pour le continent africain. Nous nous concentrons sur le fait de trouver des moyens concrets et utiles pour appuyer l’Union africaine et les pays partenaires pour nous assurer que la mise en œuvre de cette zone de libre-échange est efficace, utile et inclusive.
Notre développement à cet effet est largement focalisé sur un appui technique, un appui à une organisation qui offre des soutiens techniques et des conseils à l’Union africaine pour la mise en œuvre de l’accord même et aussi aux gouvernements qui s’intéressent à trouver un plan de mise en œuvre.
[Traduction]
Il s’agit du Centre africain des politiques commerciales de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, ou CENUA. Nous avons été l’un des membres fondateurs du Centre il y a 20 ans, et nous l’appuyons depuis. Il fournit d’excellents services, tant pour ce qui est de la négociation relative à l’instrument que pour sa mise en œuvre. Un Canadien d’origine ghanéenne, David Luke, a été à la tête de cette organisation pendant longtemps. Il travaille maintenant dans une université de l’Angleterre.
Les entreprises canadiennes et la zone de libre-échange représentent un projet à long terme. On sait que, pour la zone de libre-échange avec les trois pays de notre région, on a consacré beaucoup de temps à la négociation, à la mise en œuvre et pour que tout le monde comprenne ses avantages. Puisqu’il s’agit ici de travailler avec 55 États membres, il faudra beaucoup de temps. À l’heure actuelle, les entreprises canadiennes qui profiteront des répercussions directes seront celles qui ont une présence sur le terrain parce que les frontières commenceront à s’ouvrir, mais ce sont, pour la plupart, des répercussions indirectes à court terme. Nous verrons ce qui se passera à moyen terme, mais je pense que nous devons avoir une vision à long terme.
La sénatrice M. Deacon : Ma question s’adresse à Mme Donohue. La semaine dernière, des témoins nous ont parlé de la grande majorité des agriculteurs africains qui possèdent de petites exploitations agricoles qui servent en grande partie à la subsistance, mais qui génèrent aussi un certain revenu dans les cas où il y a un petit excédent. Je sais que le rôle du Canada est d’aller au front pour les agriculteurs canadiens, de défendre leurs intérêts et de créer ces partenariats commerciaux, mais nous voulons aussi que le développement sur le continent se poursuive, et nous ne voulons pas exclure ces petits agriculteurs. Je me demande comment nous pouvons atteindre cet équilibre. Comment pouvons-nous établir des liens commerciaux agricoles avec l’Afrique qui complètent l’économie agricole que nous voulons également voir croître et prospérer, sans lui nuire ou l’interrompre?
Mme Donohue : Je vous remercie de la question, sénatrice.
Tout d’abord, il y a la demande mondiale de produits agricoles. Les pressions en matière de sécurité alimentaire sont telles que le défi plus vaste pour le monde est de savoir comment produire suffisamment d’aliments pour nourrir la planète. En ce qui concerne les petits propriétaires de terres en Afrique, comment atteint-on cet équilibre? Il y a plusieurs façons de faire. Il y a d’abord le soutien que le ministère de l’Agriculture et le CRDI ont apporté par l’entremise du fonds pour le blé destiné aux marchés de l’Afrique du Nord, de la Tunisie et du Maroc. Je pense qu’ils sont orientés en ce sens. Il s’agit de mettre en commun les pratiques exemplaires en matière d’agronomie pour faire face à la sécheresse et à d’autres événements dans ces régions et pour être en mesure de mieux soutenir le renforcement des capacités.
Je peux penser à d’autres exemples — qui ne sont peut-être pas pertinents pour l’Afrique en tant que telle — où nos agriculteurs participent à des projets à l’étranger, par l’entremise de la FCA ou de l’UPAA. Je me suis rendu aux Philippines avec le ministre McCauley récemment, et on nous a parlé du travail des producteurs de pommes de terre canadiens pour aider les agriculteurs philippins à améliorer leur production de pommes de terre, en leur vendant les semences et en leur transmettant des connaissances sur les meilleures pratiques de gestion à la ferme.
La sénatrice M. Deacon : Merci.
Le président : Comme nous parlons de la pomme de terre, c’est l’occasion parfaite pour une transition vers la sénatrice Robinson. Le sénateur Harder a accepté de vous céder son temps de parole, donc allez-y, sénatrice.
La sénatrice Robinson : Je ne vais pas parler des pommes de terre. Je pourrais le faire pendant longtemps, mais je ne vous imposerai pas cela.
Madame la sous-ministre adjointe, je voulais revenir sur ce que vous avez dit. Je crois que vous avez dit qu’au cours des cinq dernières années, nous avons connu une croissance de 15 %, et j’ai cru comprendre qu’elle visait le blé dur, le blé non dur, le soya et les lentilles, ce qui représente plus de 89 % de nos exportations agricoles vers l’Afrique. Ce sont des chiffres très impressionnants. Je suis heureuse d’apprendre cela. Je pense à la volatilité que nous avons observée au cours des cinq dernières années, en particulier en ce qui concerne les prix, et je me demande si ces 15 % représentent des dollars ou des volumes. Vous pourriez peut-être nous parler de notre part de marché en Afrique pour ces principaux produits et de ce que le Canada pourrait envisager. La question de la subsistance est une question valable et totalement différente. Je m’intéresse davantage au fait que les producteurs canadiens cherchent à conquérir plus de marchés internationaux. Je crois que vous avez dit que cette zone représentait 3,4 billions de dollars. Je me demande simplement ce que nous pourrions faire à cet égard. Ces chiffres des cinq dernières années sont-ils liés au volume ou au prix?
Mme Donohue : C’est une combinaison des deux dans certains domaines. Comme je l’ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, nous constatons une augmentation du volume, en particulier dans le domaine du blé. Dans d’autres secteurs, il est plutôt question de valeur, de pressions sur les prix et d’autres facteurs. Pour ce qui est de la place de l’Afrique dans le contexte plus général de nos exportations agricoles, à l’heure actuelle, le continent représente environ 3 % de nos exportations dans le monde. Pour mettre les choses en perspective, 54 % de nos exportations sont destinées aux États-Unis, 32 % à l’Asie et 7 % à l’Europe. Quand je parle de l’Europe, je tiens compte du Royaume-Uni, et pas seulement l’Union européenne. Enfin, 4 % des exportations sont destinées à l’Amérique latine et 3 % à l’Afrique. Je pense que cette augmentation de 15 % est encourageante. Comme je l’ai dit, c’est en partie en raison du volume.
Comme vous le savez, sénatrice, le marché ira là où il peut trouver le meilleur prix. C’est particulièrement le cas en ce qui concerne les produits de base. Je pense que, surtout dans le cas du blé, nous avons tendance à produire un produit qui a des attributs de très haut calibre sur le plan de la qualité, et que le prix a tendance à être plus élevé. Cela nous place dans une catégorie concurrentielle différente, et il y aura parfois une demande ailleurs pour le produit.
Pour terminer, nous constatons que la génétique du bétail suscite beaucoup d’intérêt. Ainsi, certains pays africains cherchent à améliorer le rendement de leur bétail, et l’industrie de la génétique y voit une occasion à saisir. C’est pourquoi nous consacrons des ressources à la négociation de l’accès à ces produits. Je pense qu’il s’agit là d’un autre élément de croissance.
Le président : Nous en sommes à la fin de cette partie de la réunion. Au nom du comité, je tiens à remercier les représentants d’Affaires mondiales Canada : le directeur général de la Direction générale de l’Afrique de l’Ouest et du Centre, Marcel Lebleu; la directrice générale de la Direction générale panafricaine, Susan Steffen; et la directrice, Maghreb et Égypte, Apeksha Kumar. Je remercie également la représentante d’Agriculture et Agroalimentaire Canada : la sous-ministre adjointe de la Direction générale des affaires internationales, Kathleen Donohue. Nous vous remercions de vous être joints à nous et de nous avoir présenté un aperçu exhaustif des enjeux associés au commerce et à l’investissement en Afrique. Vos témoignages nous seront utiles aux fins de notre étude.
Chers collègues, pour la deuxième partie de notre réunion, nous accueillons les représentantes d’Exportation et développement Canada: la vice-présidente, Développement des affaires et marchés internationaux, Joanne Tognarelli; et la première vice-présidente et cheffe de la gestion des risques et du développement durable, Lorraine Audsley.
[Français]
Nous accueillons aussi, par vidéoconférence, Stéphanie Émond, vice-présidente Impact et Agathe Gouot, conseillère principale au vice-président, Investissements, de FinDev Canada. Vous êtes à Montréal, je crois. Merci. Soyez les bienvenues.
[Traduction]
Nous vous souhaitons la bienvenue. Nous sommes prêts à entendre vos déclarations préliminaires. Nous passerons ensuite aux questions des sénateurs.
Joanne Tognarelli, vice-présidente, Développement des affaires, marchés internationaux, Exportation et développement Canada : Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour. Merci de nous avoir invitées ici aujourd’hui. Nous sommes heureuses de contribuer à l’étude du comité sur les intérêts et l’engagement du Canada en Afrique.
Pour ceux qui connaissent moins bien Exportation et développement Canada, nous sommes une société d’État qui a pour mandat de soutenir et d’accroître le commerce d’exportation du Canada. EDC soutient les exportateurs et les investisseurs canadiens de toutes tailles et de tous les secteurs de l’économie grâce à une série de produits de financement et d’assurance qui aident à atténuer les risques du commerce international et à assurer la capacité financière de croissance. Nous offrons également des produits du savoir, comme des webinaires et du contenu numérique. Ensemble, ces offres donnent aux entreprises canadiennes les outils dont elles ont besoin pour réduire le risque financier et avoir accès à des capitaux afin de faire leur entrée et d’investir dans de nouveaux marchés en toute confiance, et de croître à l’échelle internationale.
Notre stratégie et notre approche placent la poursuite d’un commerce durable, responsable, progressiste et inclusif au centre de nos activités commerciales. Nous partageons la conviction fondamentale que de bonnes pratiques environnementales, sociales et de gouvernance, ou ESG, sont essentielles à la durabilité de notre organisation, au succès à long terme des entreprises canadiennes de même qu’à la compétitivité internationale du Canada et à sa prospérité continue. De solides pratiques ESG atténuent les risques, ouvrent des portes à de nouvelles possibilités, stimulent l’innovation, attirent les meilleurs talents et renforcent le tissu social et économique de nos collectivités.
J’attends avec impatience la discussion d’aujourd’hui sur l’étude. Nous considérons la région comme une source de débouchés importants pour le commerce canadien. Dans son ensemble, l’Afrique représente un marché intégré de plus de 1,3 milliard de personnes et un PIB combiné de 3,4 billions de dollars américains. Le continent possède d’importants gisements de métaux et de minéraux, qui sont essentiels au développement des technologies des batteries, de l’électronique et d’autres éléments de l’économie verte. L’Afrique est également une destination d’exportation attrayante pour les services financiers et professionnels, les biens de consommation et les produits agricoles.
Cela dit, la croissance du commerce dans la région continue d’être limitée. C’est en partie attribuable à la faiblesse des réseaux d’infrastructure, à la faible intégration de certains pays aux marchés mondiaux et à l’infrastructure financière, ainsi qu’à la corruption politique et à des problèmes de sécurité opérationnelle dans certains pays. Nous espérons que le continent profitera de l’ambitieux pacte sur la zone de libre-échange continentale africaine, qui réduira les obstacles au commerce. Il convient également de souligner que bon nombre des grandes économies du monde, y compris l’Europe, la Chine et les États-Unis, redoublent d’efforts pour établir des liens économiques et politiques avec l’Afrique, et ce, à un rythme de plus en plus rapide.
Sauf quelques exceptions notables, la plupart des économies africaines sont contrôlées par l’État, ce qui rend le soutien des organismes de crédit à l’exportation comme EDC d’autant plus pertinent. EDC offre des solutions d’atténuation des risques telles que des assurances et du financement versé directement aux acheteurs souverains pour que les entreprises canadiennes soient en mesure de faire concurrence à leurs pairs internationaux et de saisir les débouchés en question. EDC peut également aider les exportateurs à comprendre les risques inhérents à certains pays et à choisir la meilleure façon de les atténuer et de favoriser la croissance de leur entreprise.
C’est parce qu’EDC est consciente de l’importance du continent africain pour les activités commerciales du Canada qu’elle a ouvert un premier bureau doté d’une représentation permanente à Johannesburg en 2015. Les délégués de ce bureau relèvent du bureau de Londres, où des ressources supplémentaires sont affectées à l’Afrique. C’est également à partir de Londres que la plupart des banques mondiales mènent leurs opérations concernant l’Afrique.
Encore une fois, nous sommes heureux d’avoir été invités à participer à cette discussion sur l’engagement du Canada et d’EDC en Afrique.
Le président : Merci beaucoup.
[Français]
Madame Émond, vous avez la parole.
Stéphanie Émond, vice-présidente Impact, FinDev Canada : Merci, monsieur le président. Bonjour et merci pour cette invitation. Nous sommes ravies d’avoir l’occasion de vous présenter le rôle que joue FinDev Canada en tant qu’institution de financement du développement. Nous soutenons le développement par l’entremise du secteur privé, offrant des solutions de financement, d’investissement, de financement mixte et de l’assistance technique afin de promouvoir une croissance durable et inclusive dans les pays émergents et en développement, contribuant ainsi aux objectifs de développement durable des Nations unies et aux engagements de l’Accord de Paris.
[Traduction]
FinDev Canada a été établie pour compléter les outils que le Canada peut utiliser pour relever les défis majeurs auxquels font face les marchés émergents en matière de développement. Notre organisme se concentre surtout sur le soutien au secteur privé et sur la stimulation des investissements privés étant donné que le secteur public — les gouvernements des pays où se trouvent les marchés en développement et les pays donateurs dans le monde — ne possède pas les ressources nécessaires pour relever à lui seul ces défis, dont l’ampleur est tout simplement trop importante.
Nous conduisons des activités en Amérique latine, dans les Caraïbes, en Afrique subsaharienne et plus récemment dans la région indo-pacifique conformément à notre double mandat consistant à exercer une incidence sur le développement et à assurer la viabilité financière. Le volet du développement se divise en trois objectifs: la protection de l’environnement et la lutte contre les changements climatiques, l’égalité des genres et l’expansion des marchés. Le volet de la viabilité financière consiste à utiliser nos capitaux pour prendre des risques commerciaux plus grands que le feraient les investisseurs du secteur privé sans pour autant perdre de vue le rendement sur le capital investi et la viabilité à long terme.
Nous nous concentrons sur trois secteurs. Il y a d’abord le secteur financier, qui se compose des banques, des coopératives financières, des fonds d’investissement et d’autres intermédiaires financiers qui alimentent l’activité économique locale et nous permettent de rejoindre les utilisateurs finaux que nous ne pourrions pas atteindre directement tels que les microentreprises et les petites entreprises. Nous nous occupons aussi des entreprises des secteurs agroalimentaire et forestier et de leurs chaînes de valeur respectives dans l’objectif de contribuer à la création d’emplois, au développement économique et à la sécurité alimentaire. Nous nous concentrons enfin sur les infrastructures durables, notamment les investissements dans les énergies renouvelables, les transports, l’eau et les technologies, qui sont essentiels pour bâtir des économies inclusives, connectées, à faibles émissions de carbone et résistantes aux changements climatiques.
[Français]
Depuis sa création en 2018, FinDev Canada a conclu pour plus de 1,3 milliard de dollars d’investissements auprès de plus de 40 clients. Le tiers de nos engagements soutient la finance climatique, et les deux tiers contribuent activement au renforcement du pouvoir économique des femmes.
L’Afrique subsaharienne a toujours été une de nos régions prioritaires. Elle représente actuellement 40 % de notre portefeuille, ce qui se traduit par plus de 500 millions de dollars de financement et d’investissements auprès de 15 clients.
[Traduction]
Nous comptons parmi nos clients la banque Ecobank, qui mène des activités dans 33 pays en Afrique. Grâce à notre financement, cette banque consent des prêts aux petites et moyennes entreprises dans la région, particulièrement aux entreprises détenues par des femmes. Un autre de nos clients est le conglomérat agricole basé en Afrique, Export Trading Group, dont la mission est d’améliorer les moyens de subsistance des agriculteurs et de combler les lacunes dans la chaîne d’approvisionnement. Le financement que nous offrons vise à soutenir l’accès aux denrées alimentaires essentielles en Afrique tout en soutenant les pratiques durables et résistantes aux changements climatiques. Nous investissons également dans le fonds d’action Alitheia IDF, le premier fonds dirigé par des femmes en Afrique, qui s’est engagé à investir dans les entreprises en phase de croissance.
Nous sommes emballés par les possibilités que présente l’Afrique du point de vue des échanges commerciaux et de son énorme potentiel de développement. Je suis heureuse d’être parmi vous aujourd’hui en compagnie de ma collègue, Mme Agathe Gouot, pour vous parler davantage de l’engagement de FinDev à réduire le déficit en matière de financement en Afrique et de la façon dont nous pouvons contribuer au développement du secteur privé afin d’aider les économies africaines à devenir plus prospères et inclusives et à s’outiller pour affronter les urgences climatiques.
Merci beaucoup.
Le président : Merci de vos observations. Nous allons passer directement à la période de questions. C’est au sénateur Harder que revient l’honneur de poser la première question.
Le sénateur Harder : Merci à vous deux de témoigner respectivement sur place et virtuellement.
J’aimerais revenir à un point que vous avez soulevé, madame Tognarelli, c’est-à-dire le profil de risque de l’Afrique. Je voudrais connaître votre orientation et les nouveaux risques que vous entrevoyez. Je me demande aussi s’il existe une stratégie d’atténuation des risques avantageuse pour l’Afrique.
Vous employez le terme « corruption ». Collaborez-vous aux activités de surveillance de la corruption menées par Transparency International? Selon vous, cette surveillance est-elle synonyme d’une présence croissante qui aurait pour effet de freiner le développement? Pensez-vous que nous devrions plutôt accueillir les mesures d’atténuation des risques et encourager leur renforcement?
Mme Tognarelli : Merci, monsieur le président.
Au sujet des risques liés au crédit, la pandémie a certainement eu pour effet de ralentir une partie de la croissance importante observée auparavant. Elle a également engendré une certaine inflation, notamment dans l’exportation des denrées alimentaires, qui a exercé une pression considérable sur bon nombre de gouvernements en raison des investissements accrus à injecter dans les programmes sociaux pour pallier entre autres le coût des denrées alimentaires importées. Environ 22 marchés sont aux prises avec un surendettement. Les risques financiers sont plus élevés aujourd’hui.
Nous sommes attentifs à la situation des pays où le Canada exporte, mais nous agissons également dans les marchés qui présentent un fort potentiel de croissance tels que la Côte d’Ivoire et le Sénégal.
Il faut savoir qu’en 2024 et en 2025, on s’attend à ce que l’Afrique occupe le deuxième rang des régions qui enregistrent la plus forte croissance du PIB. Il y a donc une amélioration sur le front économique.
Je vais céder la parole à Mme Audsley, qui pourra traiter de l’évolution de la corruption.
Lorraine Audsley, première vice-présidente et cheffe de la gestion des risques et du développement durable (Exportation et développement Canada) : Merci.
L’Afrique et sa population de 1,3 milliard présentent d’énormes possibilités, qui sont en revanche légèrement assombries par le profil de risque. Par exemple, nous attribuons une cote aux pays de ce continent selon des critères environnementaux et sociaux. Nous avons assigné une cote élevée à 20 d’entre eux. Nous examinons également le taux de criminalité financière, notamment les aspects comme les sanctions. Neuf pays font l’objet de sanctions. Un autre aspect que nous examinons très attentivement est le processus d’attribution des contrats où certaines personnes peuvent exercer une influence, particulièrement les personnes politiquement vulnérables.
EDC compte une équipe d’experts qui exerce une diligence raisonnable sur tous ces fronts. Les préoccupations les plus récurrentes suscitées par les aspects environnementaux et sociaux sont liées aux droits de la personne, particulièrement dans le domaine des minéraux critiques. Ces minéraux sont souvent extraits dans de petites mines, qui posent des risques environnementaux accrus et qui impliquent souvent du travail effectué par des enfants. Nous sommes très conscients de ces risques. Nous faisons preuve de diligence raisonnable à cet égard. Nous avons des politiques à cet effet. Comme je le disais, nous vérifions rigoureusement toutes les transactions. Je peux approfondir le sujet si vous voulez obtenir plus de détails.
Le sénateur Harder : Merci beaucoup.
Le sénateur Ravalia : Merci aux témoins.
Je vais poser ma première question à Mme Tognarelli. Dans quelle mesure, le cas échéant, avez-vous dû réévaluer votre stratégie relative à l’offre de services en Afrique après la mise en place de la Zone de libre-échange continentale africaine? Cet accord de libre-échange ouvre-t-il de nouvelles possibilités? Avez-vous dû apporter des modifications? L’accord vous permet-il d’explorer de nouveaux domaines?
Mme Tognarelli : À l’heure actuelle, l’Afrique se trouve dans ce que j’appellerais nos marchés principaux. Au lieu de chercher à les attirer, nous nous montrons vraiment à l’écoute des entreprises canadiennes qui manifestent un intérêt envers ces marchés principaux. C’est ce que nous faisons avec la Stratégie du Canada pour l’Indo-Pacifique, qui s’harmonise avec les priorités des actionnaires.
Le projet pilote que nous avons lancé avec Affaires mondiales Canada et la Corporation commerciale canadienne en Côte d’Ivoire fait exception à la règle. Si cette approche très proactive porte ses fruits, nous étudierons la possibilité de l’appliquer à plus grande échelle. Ce projet consiste à rencontrer différents ministères pour leur parler de projets d’infrastructures en leur présentant des solutions de financement et des possibilités de partenariat avec 12 entreprises canadiennes qui ont manifesté leur intérêt envers le marché en question. Nous voulons faire entrer dans le marché des entreprises canadiennes de génie, de conception et de construction. Des discussions portant sur six projets sont déjà bien avancées. Selon le cours qu’il suivra, nous pourrions étendre ce projet pilote à d’autres marchés.
Le sénateur Ravalia : Dans quelle mesure utilisez-vous les indicateurs de rendement clés ou les outils permettant d’évaluer l’efficacité du service que vous fournissez?
Mme Tognarelli : EDC se sert d’un certain nombre d’indicateurs de rendement clés à l’échelle de l’organisation. Nous essayons d’évaluer directement ou indirectement l’incidence de nos opérations sur les exportations canadiennes. L’analyse d’impact consistant essentiellement à mesurer notre rendement dans différents pays nous permet d’évaluer fréquemment l’incidence et le rendement de chacun de nos bureaux régionaux.
Par exemple, dans la région de l’Afrique, en 2023, nous avons facilité des activités, dont la valeur totale se chiffre à 1,4 milliard de dollars — valeur qui reflète en gros la demande des entreprises canadiennes —, dont 1,2 milliard de dollars étaient liés au secteur des assurances, qui est très attentif aux exportations et soucieux d’aider les exportateurs canadiens à atténuer les risques. Le reste de la somme payait en grande partie les garanties pour les projets de très petite taille, ce qui témoigne du nombre élevé de petites et moyennes entreprises dans la région et de la propension de ces dernières à utiliser nos mesures de soutien.
Le sénateur Ravalia : Merci.
Le sénateur MacDonald : De toute évidence, le Canada fait face à une concurrence accrue en Afrique. La Chine achète beaucoup et exerce une grande influence. La Russie est présente également, tout comme l’Union européenne et le Moyen-Orient. EDC a-t-elle adapté ses stratégies et ses services afin de pouvoir se mesurer à ses concurrents dans ces marchés qui n’adhèrent peut-être pas aux mêmes politiques sociales?
Mme Tognarelli : Merci.
À propos de l’évolution d’EDC ces dernières années, nous essayons de jauger notre tolérance au risque et nous évaluons constamment les organismes de crédit d’exportation ailleurs dans le monde pour nous assurer que tout le monde est sur un pied d’égalité.
En Afrique, les prêts souverains sont accordés selon des critères financiers équitables et conformément aux conditions établies par l’OCDE. Nous cherchons à uniformiser les règles du jeu le plus possible. La modernisation récemment amorcée par l’OCDE s’est soldée par l’Accord sectoriel sur le changement climatique, qui nous permettrait d’accorder aux projets qui répondent aux exigences prévues dans cet accord du financement qui pourrait s’étendre sur une période allant jusqu’à 22 ans.
Madame Audsley, vous pouvez compléter ma réponse, si vous le souhaitez. Nous sommes d’avis que les activités socialement responsables profitent à tous les Canadiens. Nous nous efforçons d’intégrer les valeurs canadiennes à notre évaluation des activités et de privilégier systématiquement les marchés où ces valeurs sont acceptées et canalisées.
Mme Audsley : J’ajouterais seulement un commentaire. Nous aidons les entreprises canadiennes qui font appel à nous et qui mènent des activités dans le continent africain à s’assurer que leur programme de conformité tient compte le mieux possible des risques liés à la conduite d’activités dans la région, notamment les chaînes d’approvisionnement ou les partenaires ainsi que — je le disais tout à l’heure — l’attribution de contrats et la compréhension des incidences environnementales et des risques dans la chaîne d’approvisionnement que présentent des choses comme le travail effectué par des enfants et le travail forcé. Les exportateurs canadiens se conduisent en règle générale de manière responsable lors de leurs échanges commerciaux un peu partout dans le monde s’ils ont en place de bons programmes de conformité. EDC peut les aider en ce sens dans une perspective de consultation et de gestion des risques.
Par ailleurs, nous refusons parfois de soutenir les entreprises mal préparées ou incapables de gérer les risques liés à la participation à une entreprise qui pourrait s’avérer à haut risque. Nos partenaires doivent être en mesure de gérer les risques.
Le sénateur MacDonald : J’ai une question pour FinDev. Pourriez-vous nous fournir un exemple de réussite totale et un exemple d’échec total dans le travail que vous avez effectué en Afrique subsaharienne? Vous souvenez-vous d’une situation qui a pris une mauvaise tangente et d’une autre qui vous a agréablement surprise?
Mme Émond : Merci de cette excellente question, sénateur MacDonald.
Je dirais d’emblée qu’il est un peu tôt pour nous prononcer. Nous pouvons parler de réussite lorsque nous regardons le portefeuille solide et diversifié que nous sommes parvenus à bâtir qui comporte plus de 15 transactions et clients en Afrique et qui s’arrime aux trois types d’incidences que nous visons. Malgré les restrictions sur les voyages pendant la pandémie, ce portefeuille est un franc succès qui témoigne de notre capacité à concrétiser des occasions d’affaires ainsi qu’à démontrer la valeur ajoutée que nous apportons au secteur privé local tout en respectant notre code de conduite responsable et en atteignant nos objectifs concernant le développement.
Quant aux échecs ou aux difficultés, là aussi, il est trop tôt pour nous prononcer. Nous n’avons aucun échec majeur à signaler pour l’instant. Nous surveillons le portefeuille de très près. Nous avons relevé des difficultés liées aux transactions dont la valeur est inférieure à ce que nous avions anticipé, mais ces transactions sont encore dans nos livres. Des changements peuvent donc encore se produire. Voilà pourquoi je pense que pour l’instant, nous n’avons aucun échec à déclarer.
J’espère avoir répondu à vos questions. Madame Gouot, je me demandais si vous aviez quelque chose à ajouter, mais je serais heureuse de fournir des détails supplémentaires.
Le sénateur MacDonald : D’accord. Merci.
La sénatrice M. Deacon : Je vais poursuivre avec nos collègues de FinDev, qui témoignent virtuellement. Ma question porte sur certains objectifs sociaux que vous vous êtes fixés. En consultant votre site Web, j’ai vu un graphique indiquant la destination des fonds dans chacun de vos investissements. Le nom d’une catégorie indique que les investissements sont conformes au défi 2X. Pourriez-vous expliquer comment s’inscrit la promotion de l’égalité des genres dans la catégorie en question, et de manière plus globale, quelles caractéristiques doivent comporter les projets pour que FinDev en fasse la promotion en tant que projets conformes aux deux défis?
Mme Émond : Merci de cette question, sénatrice.
Je pense que vous voulez parler du Défi 2X, une initiative lancée au Sommet du G7 tenu au Canada en 2018 pour inciter les institutions de financement du développement à mobiliser plus de capitaux afin de favoriser l’autonomisation économique des femmes. FinDev Canada a été lancée en 2018, et c’est une partie du groupe fondateur des institutions de financement du développement qui se trouve derrière le Défi 2X.
Les critères du Défi 2X ont été élaborés afin de trouver des moyens pour les investisseurs comme nous de canaliser et de diriger leur financement pour favoriser l’égalité des genres et l’autonomisation économique des femmes. Par exemple, il faut améliorer la représentation des femmes aux conseils d’administration et à la haute direction, valoriser la progression des femmes dans des emplois de bonne qualité et soutenir les biens et services particulièrement conçus pour améliorer les occasions économiques et les moyens de subsistance des femmes. C’est ce que définissent les critères 2X, que nous appliquons à tout ce que nous faisons. Jusqu’ici, plus des deux tiers de notre portefeuille se qualifient à titre d’investissements 2X, c’est-à-dire que ces projets visent directement à stimuler et à promouvoir l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes.
La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie.
Comme vous l’avez indiqué, vous n’en êtes qu’à vos débuts. J’essaie de comprendre comment vous travaillez en Afrique. Comme vous le savez, il y a beaucoup de conflits armés sur ce continent. Je crois qu’il n’y a pas moins de 34 ou de 35 conflits armés non internationaux. L’aide au développement est extrêmement importante pour favoriser un environnement pacifique, mais pour l’instant, je me demande comment votre organisation compose avec une situation parfois chaotique. Comment vous assurez-vous que les engagements de FinDev n’appuient pas directement des groupes de soutien ou des personnes qui participent à des conflits violents en Afrique, qui les favorisent ou les perpétuent?
Mme Émond : Merci de cette question.
Nous travaillons dans un certain nombre de pays d’Afrique subsaharienne, surtout ceux qui sont prêts à faire des affaires et qui sont propices à recevoir le soutien d’investisseurs comme nous. Bien sûr, afin de faire preuve de la diligence raisonnable voulue, même dans les pays où nous travaillons, nous nous assurons de bien connaître nos clients. Nous voulons que notre financement soit géré de façon à répondre à nos objectifs de développement.
Nous avons parlé plus tôt des risques de crimes financiers auxquels nous sommes exposés, tout comme EDC. Nous faisons preuve de diligence raisonnable dans toutes nos opérations. Ainsi notre équipe de l’intégrité des affaires déploie des processus rigoureux, qui visent notamment à bien connaître nos clients et à veiller à ce que nos fonds servent bel et bien à atteindre les objectifs visés.
La sénatrice M. Deacon : Merci.
[Français]
La sénatrice Gerba : Merci à nos témoins d’être ici.
J’aimerais revenir sur la question de l’évaluation du risque. Comme le sénateur Macdonald le mentionnait plus tôt, en Afrique, il y a beaucoup de concurrence sur le terrain, parce que l’Afrique est considérée comme un continent en chantier, où la concurrence est assez importante, notamment dans les secteurs du commerce et des infrastructures, avec un potentiel de 1,3 milliard de consommateurs et de 2,5 milliards en 2040, alors qu’un être humain sur quatre sera en Afrique.
Votre approche est-elle la même sur le plan de l’évaluation du risque par rapport à cette concurrence? On sait que la Chine et les États-Unis ont leur propre approche. Je sais qu’en France aussi il y a des institutions qui accompagnent les entreprises. Est-ce que vos critères d’évaluation sont les mêmes?
Sinon, comment évaluez-vous le risque pour les entreprises canadiennes qui commercent avec l’Afrique? Est-ce que c’est plus sévère? Quels sont les critères, en fait?
Mme Tognarelli : Merci pour la question. Du côté du crédit et en matière de structure de financement que nous offrons, vous avez mentionné les États-Unis. Tous les pays de l’OCDE ont des critères et des conditions assez uniformes qui régissent tous ses membres. En ce qui concerne cet aspect, c’est quand même assez uniforme.
Il y a des règles établies entre les pays. Évidemment, avec la Chine, c’est une tout autre question. Il faut cependant comprendre que nous agissons comme société de crédit et d’exportation. Il y a aussi des banques de développement et d’autres formes d’appui venant d’autres pays. Lorsqu’on parle des sociétés de crédit à l’exportation, en ce sens, nous sommes quand même régis par les mêmes conditions.
Pour ce qui est des responsabilités sociales et environnementales, je dirais que nous avons quand même des normes assez élevées de diligence raisonnable et de valeurs. Nous respectons vraiment les valeurs du gouvernement canadien, qui sont parfois même plus élevées que certains de nos homologues dans les pays européens. Certains sont quand même à la même hauteur, mais il y a quand même une diversité entre les pays.
La sénatrice Gerba : Y a-t-il une stratégie pour accompagner et aider nos entreprises à bénéficier beaucoup plus de ces marchés? Je ne sais pas à quel point le risque est plus élevé en Afrique du Sud comparativement au Mexique, au Brésil ou à un autre pays. Y a-t-il quelque chose qui fait en sorte que ce sera très différent? Quelle est la différence?
Mme Tognarelli : C’est un excellent point.
Lorsque nous regardons le risque, ce n’est pas vraiment par continent, mais par pays. Donc, en Afrique, on a toute la gamme de risques.
Il y a des pays où on a une stratégie proactive, comme en Côte d’Ivoire, comme je l’ai mentionné, et il y a des pays où on est fermé à l’appui. Il existe donc toute une gamme.
Il y a des pays en Afrique qui sont plus forts ou à plus bas risque que le Mexique, par exemple, et il y a des pays à plus haut risque.
En ce qui a trait au continent, lorsque nous évaluons le risque, c’est vraiment pays par pays, parce qu’il y a une grande diversité parmi les pratiques.
La sénatrice Gerba : Vous avez parlé d’un bureau qui a été ouvert, ce qui est très bien, mais dans votre stratégie, dans votre vision, envisagez-vous d’autres bureaux à moyen ou à long terme sur le continent?
Mme Tognarelli : En ce moment, en matière de capacité et de gestion de ressources, les nouvelles représentations que nous évaluons seraient en Indo-Pacifique.
En ce qui concerne mon équipe, nous avons une ressource basée à Londres qui ajoute de l’appui pour Afrique de l’Ouest, alors on a divisé le continent, mais essentiellement nous devons faire des choix. Pour ce qui est du plan immédiat, nos seules représentations qui sont en processus d’évaluation sont en Indo-Pacifique.
Nos représentations sont toujours en constante évaluation, mais c’est ce qui se passe aujourd’hui.
Le président : Merci.
[Traduction]
La sénatrice Coyle : Je remercie beaucoup tous nos témoins d’être parmi nous aujourd’hui.
Je m’intéresse à FinDev. Ma question s’adresse à Mme Émond ou à quiconque aimerait répondre. Revenons aux bases et à l’objectif de votre institution de financement du développement, qui aide à stimuler le secteur privé dans les pays en développement. Dans le cas présent, nous pensons à l’Afrique en particulier, à l’appui au développement durable, à l’aide à la création d’emplois et à la croissance du secteur privé local. Nous voulons que toutes ces bonnes choses se réalisent. Il semble que vous connaissiez de bons succès. Quand vous évaluez les occasions d’investissement dans les premiers temps, quel poids accordez-vous aux facteurs susceptibles de contribuer aux objectifs de développement du Canada, par rapport aux autres facteurs qui entrent en ligne de compte dans vos décisions? Mesurez-vous l’incidence de vos investissements au fil du temps quant aux objectifs de croissance du secteur privé, de création d’emplois, etc.? Pourriez-vous nous en parler?
Mme Émond : Je vais vous répondre avec plaisir, sénatrice Coyle. Merci de cette excellente question.
FinDev Canada est une institution de financement du développement, donc notre mandat vise à mettre nos solutions et nos outils financiers à profit pour stimuler le développement. Nous voulons voir un changement positif grâce à nos activités de financement et d’investissement. L’impact sur le développement est au cœur de nos décisions.
En pratique, cela signifie que pour toute occasion qui se présente, à l’étape de la présélection, nous avons un agent d’évaluation de l’impact qui travaille dans l’équipe des affaires. L’équipe des affaires est dirigée par le responsable des investissements, mais elle comprend aussi un agent d’évaluation de l’impact sur le développement, de même que des agents responsables du risque environnemental et social et de l’intégrité des affaires. Dès le début du processus, on intègre l’évaluation de l’impact sur le développement, il y a une personne qui fait partie de l’équipe des affaires expressément pour évaluer l’incidence positive potentielle d’une opération. Par exemple, le prêt à une institution de financement permettra-t-il d’accroître l’accès au financement de populations exclues, comme les femmes qui dirigent des PME? Grâce à ce prêt, pourrons-nous aider les banques à réduire leur financement des activités vertes, de l’infrastructure durable ou d’un projet en particulier? Ce prêt vise-t-il à améliorer l’accès à un service essentiel? Durant la présélection, l’agent compétent réalisera une évaluation initiale de l’incidence positive qui pourrait découler d’une opération.
Lorsque le prêt franchit l’étape de la présélection et qu’on enclenche les mesures de diligence raisonnable, nous l’examinons plus en détail. C’est à ce moment-là que nous discutons avec nos clients potentiels pour comprendre leur entreprise et leur plan d’affaires. Quelles sont les possibilités de croissance? Quelles sont les pratiques actuelles? Aurons-nous l’occasion de les aider à renforcer certaines pratiques, par exemple? Ont-ils l’intention de créer des emplois locaux grâce à notre financement? À quoi ressemble leur chaîne d’approvisionnement? En faisant preuve de diligence raisonnable, nous cherchons à comprendre les changements positifs que pourrait générer notre activité de financement. Quelles sont les données recueillies qui pourraient nous permettre de suivre et de mesurer leurs activités dans le temps? Ces mesures nous aident à produire une recommandation d’investissement dans le cadre d’une proposition d’impact pour bien décrire la théorie du changement et la stratégie de gestion fondée sur les résultats et optimiser l’impact sur le développement.
Voilà ce qu’il en est de la présélection et de la diligence raisonnable. Puis, bien sûr, si l’investissement est approuvé et finit par être accordé, l’équipe d’évaluation de l’impact se penchera sur les données soumises dans les examens annuels et prendra contact avec le client chaque année pour voir si le financement est en voie d’atteindre les objectifs, si des changements importants s’observent et s’il faut parer à certaines lacunes. Nos méthodes de gestion de l’impact et de mesure sont très robustes et conformes aux principes directeurs de la gestion de l’impact que nous nous sommes engagés à respecter. Tous les ans, nous publions nos résultats sur notre site Internet.
Le président : Je veux poser une question complémentaire à celle de la sénatrice Coyle, puis j’aurais une autre question à poser aux représentantes d’EDC.
Madame Émond, j’ai participé un peu à l’établissement de FinDev il y a quelques années. Beaucoup de questions se posaient, à l’époque. Je comprends qu’il a bien sûr fallu un certain temps pour se mettre en route, comme vous l’avez dit. Vous en êtes encore au tout début et ainsi de suite. Avez-vous appris des meilleures pratiques d’institutions semblables à la vôtre dans les grands pays donateurs?
Mme Émond : Merci, monsieur le président.
Oui, nous en sommes en effet à nos débuts, mais nous sommes très fiers de nos succès et de notre portefeuille de plus d’un milliard de dollars en engagements. C’est bien sûr en raison de la force de notre équipe, mais aussi de notre étroite collaboration avec d’autres institutions de financement du développement, surtout en Europe, mais aussi aux États-Unis. Nous misons également sur nos partenariats avec des banques multilatérales de développement, IDB Invest, la Banque africaine de développement. Nous collaborons avec elles pour bâtir notre portefeuille et saisir des occasions d’investissement qu’elles peuvent nous proposer, mais nous cherchons aussi à échanger sur les pratiques exemplaires en matière de gestion et de mesure de l’impact et de gestion des risques environnementaux, sociaux et pour les droits de la personne. Notre stratégie consiste à bien appuyer nos clients du secteur privé pour qu’ils connaissent du succès et adoptent des pratiques plus durables et plus inclusives.
Le président : Merci beaucoup.
Mon autre question s’adresse à Mme Tognarelli. Au début de la séance, le sénateur Harder a parlé de l’évaluation du risque. Selon mon expérience, les entrepreneurs canadiens craignent beaucoup le risque, se contentent du marché nord-américain et ne cherchent pas plus loin, quoiqu’ils s’intéressent un peu à l’Asie maintenant, dans le cadre du PTPGP, et à l’Europe, avec l’AECG. Offrez-vous ou y a-t-il des incitatifs pour que les entreprises canadiennes soient plus actives en Afrique?
Mme Tognarelli : Merci, monsieur le président.
Je suis d’accord avec votre observation. La vaste majorité des exportations canadiennes aboutissent toujours aux États-Unis, surtout celles des PME. Notre but, c’est de veiller à ce que ces entreprises connaissent le plus de succès possible dans les destinations d’exportations qu’elles choisissent. Nous cherchons notamment à voir comment elles peuvent tirer parti de leurs relations mondiales pour accéder à de nouveaux marchés. Leurs acheteurs américains et européens peuvent les aider à trouver des clients dans la région indo-pacifique et en Afrique. Ces entreprises peuvent travailler en partenariat avec de plus grandes entreprises canadiennes. Nous nous efforçons de fournir le plus d’information possible aux exportateurs canadiens pour démystifier les marchés au-delà des États-Unis. Comme vous l’avez dit avec raison, les entrepreneurs canadiens ont tendance à rester près du Canada, donc une partie importante de notre rôle, c’est de les attirer vers d’autres marchés internationaux.
Le président : Merci beaucoup.
[Français]
La sénatrice Gerba : Ma question s’adresse à Mme Émond, de FinDev Canada.
Selon une étude du cabinet Roland Berger, l’Afrique est la championne du monde des femmes entrepreneures, avec un taux d’entrepreneuriat de 27 %. Pourtant, d’après la Banque africaine de développement, leur accès au financement demeure problématique. En effet, elles ne totalisent que 0 à 5 % des portefeuilles des banques commerciales. Le déficit en financement pour les entreprises détenues par des femmes en Afrique s’élève à 42 milliards de dollars.
Au sein de FinDev Canada, quels sont les mesures et les programmes spécifiques qui s’adressent à ces femmes? Vous avez parlé du renforcement des capacités, mais y a-t-il quelque chose qui s’adresse directement à ces femmes pour leur permettre de bénéficier d’un meilleur accès à du financement?
Mme Émond : Merci pour votre question, madame la sénatrice Gerba.
En effet, le défi qu’ont les femmes entrepreneures partout dans le monde, mais en Afrique en particulier, est d’avoir accès au financement dont elles ont besoin pour gérer et faire croître leur entreprise. C’est une situation problématique qui nous tient beaucoup à cœur. C’est pourquoi, par l’entremise de nos investissements et financements, on va essayer d’appuyer et de restreindre ce déficit et ce manque à gagner.
Concrètement, comment met-on ces pratiques en place? Avec les institutions financières, des banques commerciales, par exemple. On va les inciter à diriger notre capital pour faire croître la proportion de leur portefeuille qui vise des femmes entrepreneures.
J’ai parlé plus tôt du Défi 2X. Nos transactions 2X avec les institutions financières auront toutes cet objectif : encourager les institutions financières à faire croître leurs services aux femmes entrepreneures.
Par ailleurs, on offre également de l’assistance technique pour aider les institutions financières à comprendre le marché des femmes et à faire un diagnostic pour développer des produits qui sont appropriés.
Dans le cadre de nos investissements au moyen des fonds, on va également adopter une approche pour appuyer des fonds d’investissement afin qu’ils comprennent et réalisent les possibilités que représentent les entreprises dirigées et menées par les femmes, non seulement pour leur potentiel d’impact, mais aussi pour leur performance. Il est démontré que les femmes entrepreneures sont de très bonnes clientes d’institutions financières et de bonnes gestionnaires. Les rendements sont donc intéressants pour les fonds d’investissement.
C’est un objectif qui nous tient beaucoup à cœur.
La sénatrice Gerba : Merci.
Est-ce que vous avez des pratiques à l’échelle internationale ou y a-t-il d’autres institutions comme la vôtre dont on pourrait s’inspirer ici au Canada?
Mme Émond : C’est une très bonne question. Merci, madame la sénatrice.
Intégrer une lentille « égalité des genres » dans nos analyses des possibilités d’investissement, c’est quelque chose qu’on intègre grâce au Défi 2X et que nos pairs, les institutions de financement de développement, mais également nos partenaires du secteur privé, commencent à intégrer. Avoir une optique d’égalité des genres quand on prend nos décisions d’investissement, cela veut dire étudier, avoir les bonnes données et réaliser les différents potentiels que représentent les entreprises menées par les femmes par opposition aux entreprises où la diversité est moins grande.
L’idée est d’avoir une capacité réelle d’intégrer une optique de diversité, d’équité et d’inclusion dans les décisions d’investissement.
[Traduction]
Le président : Je vous remercie beaucoup.
Sur ce, nous arrivons à la fin de la période de questions. Au nom du comité, je remercie Joanne Tognarelli, vice-présidente, Développement des affaires, marchés internationaux, et Lorraine Audsley, première vice-présidente et cheffe de la gestion des risques et du développement durable chez Exportation et développement Canada; Stéphanie Émond, vice-présidente Impact, qui se joignait bien sûr à nous depuis Montréal, et Agathe Gouot, conseillère principale au vice-président, Investissements, chez FinDev Canada. Vos témoignages nous ont beaucoup aidés dans le cadre de nos délibérations dans cette étude.
Chers collègues, demain, nous discuterons à huis clos de nos plans pour notre étude sur l’Afrique. Nous verrons comment nous pouvons la façonner. Prenez bonne note que cette réunion n’aura pas lieu dans la présente salle. Nous nous réunirons dans la salle W120 au 1, Wellington, de l’autre côté de la rue. Demain, la Présidente du Sénat tiendra une réception dans la salle où nous nous trouvons actuellement. Je vous remercie beaucoup.
(La séance est levée.)