LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 29 mai 2024
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd’hui, à 16 h 15 (HE), pour étudier les relations étrangères et le commerce international en général.
Le sénateur Peter M. Boehm (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, je m’appelle Peter Boehm. Je suis un sénateur de l’Ontario et je suis président du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.
Avant de commencer, je voudrais demander à tous les sénateurs et aux autres participants qui sont ici en personne de consulter les cartes sur la table pour connaître les lignes directrices visant à prévenir les incidents liés au retour de son.
[Traduction]
Veuillez prendre note des mesures préventives suivantes qui ont été mises en place pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants et plus particulièrement des interprètes, qui ont besoin de leurs oreillettes pour faire leur travail. Dans la mesure du possible, veuillez vous asseoir de manière à ce qu’il y ait une plus grande distance entre les microphones. Veuillez n’utiliser qu’une oreillette noire approuvée. Les anciennes oreillettes grises ne doivent plus être utilisées. Tenez votre oreillette loin de tous les microphones en tout temps, et, lorsque vous n’utilisez pas votre oreillette, veuillez la placer, face vers le bas, à l’intérieur du cercle sur l’autocollant qui se trouve sur la table. Je vous remercie de votre collaboration.
[Français]
J’inviterais maintenant les membres du comité présents aujourd’hui à se présenter.
[Traduction]
Le sénateur Downe : Sénateur Percy Downe, de Charlottetown.
Le sénateur Kutcher : Sénateur Stan Kutcher, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Ravalia : Mohamed Ravalia, de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, du Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse.
[Français]
La sénatrice Gerba : Amina Gerba, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice M. Deacon : Bienvenue. Marty Deacon, de l’Ontario.
La sénatrice Coyle : Je suis heureuse de vous revoir. Mary Coyle, de Antigonish, en Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Patterson : Bienvenue. Rebecca Patterson, de l’Ontario.
Le sénateur Al Zaibak : Mohammad Al Zaibak, de l’Ontario.
La sénatrice Boniface : Gwen Boniface, de l’Ontario.
Le président : Je tiens également à souligner que — ils se sont présentés, mais ils sont des invités au comité — la sénatrice Patterson de l’Ontario, le sénateur Kutcher de la Nouvelle-Écosse et le sénateur Al Zaibak de l’Ontario se joignent à nous aujourd’hui.
Bienvenue à tous, chers collègues, et bienvenue à ceux qui nous regardent d’un bout à l’autre du pays sur ParlVU.
Chers collègues, nous nous réunissons aujourd’hui conformément à notre ordre de renvoi général, pour recevoir une mise à jour sur la situation en Ukraine. Pendant la première heure, nous avons l’honneur d’accueillir Son Excellence Yuliya Kovaliv, ambassadrice de l’Ukraine au Canada.
Madame l’ambassadrice, nous vous souhaitons la bienvenue. Vous connaissez bien notre comité. Nous sommes heureux de vous accueillir parmi nous aujourd’hui. Avant d’entendre votre déclaration liminaire et de passer aux questions et aux réponses, je demanderais à toutes les personnes ici présentes de bien vouloir désactiver les notifications sur leurs appareils électroniques.
Madame l’ambassadrice, la parole est à vous.
Son Excellence Yuliya Kovaliv, ambassadrice, Ambassade de l’Ukraine au Canada, à titre personnel : Cher sénateur Boehm, honorables membres du comité, je vous remercie de m’avoir invitée et de me donner l’occasion de vous fournir des renseignements sur la situation en Ukraine.
J’aimerais d’abord vous transmettre l’invitation que vous lancent les membres du Parlement ukrainien à visiter l’Ukraine. Cette visite vous permettra aussi de constater de vos propres yeux les conséquences de la guerre barbare que mène la Russie contre l’Ukraine.
Avant de venir en Ukraine — nous avons certainement hâte de vous accueillir à Kiev et dans d’autres villes du pays —, permettez-moi de vous résumer ce qui s’y passe en ce moment.
Récemment, la petite ville de Vovchansk, située à cinq kilomètres de la frontière russe, est devenue une cible importante de la nouvelle offensive de la Russie, qui, le 10 mai, a entrepris ses tentatives de percée dans la région de Kharkiv. Or, l’ennemi est complètement paralysé dans les rues de la petite collectivité et a subi de lourdes pertes. De fait, la Russie, une fois de plus, n’a pas réussi à atteindre son objectif de repousser nos forces et d’affaiblir ainsi l’Ukraine sur la longue ligne de front qui s’étend sur plus de 1 500 kilomètres.
Parallèlement, la Russie continue de rassembler de nouvelles troupes près de la frontière ukrainienne, à 90 kilomètres au nord-ouest de Kharkiv.
La Russie a un avantage dans les airs et sur le plan des effectifs, mais les pertes de la Russie sont beaucoup plus importantes. Selon l’état-major général des forces armées de l’Ukraine, en date d’hier, la Russie a perdu plus de 502 000 soldats. L’Ukraine doit avoir le même accès aux armes et aux munitions que la Russie. C’est ce que demandent les Ukrainiens depuis des mois, et nous remercions vivement le gouvernement du Canada de s’être joint à l’initiative tchèque pour aider à approvisionner l’Ukraine en munitions.
Les Russes larguent près de 130 bombes aériennes téléguidées par jour — c’est un autre problème pour nos soldats au front —, et chacune d’entre elles pèse jusqu’à 1,5 tonne et est capable de détruire tout ce qu’elle touche. C’est là que Kharkiv est confrontée à d’importants défis. Depuis le début de l’année, la Russie a utilisé plus de 1 200 missiles de différents types, y compris des missiles aérobalistiques, plus de 1 500 drones Shahed et plus de 10 000 bombes aériennes téléguidées. La puissance explosive totale des frappes aériennes combinées sur l’Ukraine pour cette période dépasse les neuf kilotonnes. Seuls 3 % des missiles, drones et bombes aériennes téléguidées russes ont touché des cibles militaires; 97 % ont touché des infrastructures civiles.
Notre pays est voisin de la Russie, et il faut comprendre que la Russie augmente sa production militaire. En 2024, les dépenses militaires de la Russie devraient atteindre plus de 154 milliards de dollars américains, soit 60 % de plus que l’année dernière et plus de trois fois plus qu’en 2021. Cela représente environ 7 % de son PIB et plus de 40 % de toutes les dépenses du gouvernement russe.
Moscou compte également sur le soutien de ses alliés. La Russie a pris tous les véhicules blindés du Bélarus et utilise des obus d’artillerie et des missiles balistiques de la Corée du Nord, ainsi que des drones iraniens. La Corée du Nord a déjà fourni à la Russie plus de 1,5 million d’obus d’artillerie et jusqu’à 50 missiles balistiques de fabrication nord-coréenne.
La Russie continue de bombarder les infrastructures civiles. Les 23 et 25 mai — il y a moins d’une semaine —, la Russie a largué des bombes et des missiles sur des infrastructures civiles, dont l’imprimerie de Kharkiv, tuant sept personnes et en blessant 21. Tout juste après, un magasin de rénovation domiciliaire, où les citoyens faisaient leurs achats en famille, a été frappé par des bombes aériennes téléguidées. Dix-neuf personnes sont mortes et 44 personnes ont été blessées. Il s’agit d’une attaque délibérée contre des civils. Les terroristes russes profitent du fait que l’Ukraine ne dispose toujours pas d’une défense aérienne suffisante pour protéger ses villes et ses infrastructures essentielles. Nous sommes donc très reconnaissants envers le Canada et le ministre Blair d’avoir décidé de se joindre à l’initiative allemande pour fournir à l’Ukraine une défense aérienne. Nous remercions aussi le Canada de s’être engagé, aux côtés de l’Allemagne, à fournir à l’Ukraine des missiles pour la défense aérienne. C’est d’une importance cruciale pour que nous puissions protéger les villes et les civils.
Kharkiv se trouve à environ 70 kilomètres de la frontière russe, et dans le cadre de la bataille près de cette ville, la Russie continue d’accumuler des troupes autour de cette région. Il est extrêmement important que nous puissions nous défendre, notamment en détruisant les chaînes d’approvisionnement. L’utilisation des armes fournies à l’Ukraine ne devrait faire l’objet d’aucune restriction, et nous saluons le point de vue du Canada à cet égard. Nous avons besoin d’un approvisionnement stable et rapide en armes et en munitions de tout type pour vaincre la Russie et veiller à ce que la guerre en Europe ne s’étende pas aux autres pays.
Aujourd’hui, l’Ukraine est une puissance européenne en pleine croissance dans le domaine de l’industrie de la défense, et les nouvelles technologies sont en plein essor. L’industrie ukrainienne de la défense est ouverte à la coopération dans différents domaines tels que les coentreprises, les investissements et la localisation de la production. Si les équipements militaires endommagés peuvent être réparés plus rapidement en Ukraine qu’à l’étranger, il importe de créer les capacités appropriées. Pas plus tard qu’hier, plus de 200 représentants des industries de la défense canadienne et ukrainienne ont participé, ici à Ottawa, à la première table ronde entre le Canada et l’Ukraine sur la collaboration dans le secteur. Compte tenu de l’accord de coopération en matière de sécurité que l’Ukraine et le Canada ont récemment signé, nous sommes sur le point de bâtir une coopération industrielle solide qui profitera à la fois à la sécurité et à l’économie du Canada et de l’Ukraine.
L’Ukraine, l’Europe et le monde entier ont besoin de paix. Cependant, nous avons tous besoin d’une paix juste. Depuis 2014, plus de 200 séries de différents types de négociations ont eu lieu avec la Russie, y compris dans le cadre du format Normandie. Des accords de cessez-le-feu ont été conclus plus de dix fois, mais il faut regarder la vérité en face. Les pourparlers ont été perçus par le Kremlin comme une faiblesse, et la Russie a utilisé le temps des négociations pour préparer la prochaine agression, plus brutale, à laquelle nous avons tous été confrontés à partir du 24 février 2022.
Le plan de paix présenté par le président Zelensky lors de la réunion du G20 en Indonésie reste le seul plan réaliste et global pour restaurer l’intégrité territoriale de l’Ukraine et garantir la sécurité et la justice pour l’ensemble de la communauté internationale. Les dix points de ce plan de paix reposent sur le droit et les principes internationaux, et presque tous, d’une manière ou d’une autre, ont déjà été soutenus par des résolutions pertinentes des Nations unies, dont une qui a été adoptée en février 2023 par 141 voix.
Les 15 et 16 juin, des chefs d’État participeront au premier Sommet mondial de la paix en Suisse. Ce sommet réunira des dirigeants de tous les continents qui respectent le droit international et les principes de la Charte des Nations unies. Plus de 90 pays ont déjà confirmé leur participation, et nous sommes heureux que le Canada et le premier ministre aient confirmé la participation du Canada au sommet de la paix.
Je vous remercie. Je suis prête à répondre à vos questions.
Le président : Merci beaucoup, madame l’ambassadrice.
Chers collègues, permettez-moi d’apporter une précision : la sénatrice Patterson n’est pas ici à titre d’observatrice, mais bien à titre de participante à part entière. Elle remplace le sénateur Greene qui est absent aujourd’hui.
[Français]
Chers collègues, je voudrais préciser que vous disposez de quatre minutes maximum chacun pour la première ronde, y compris les questions et les réponses.
[Traduction]
Je vous encourage donc à poser des questions aussi concises que possible et à formuler de brefs préambules pour que nous puissions obtenir le plus de renseignements possible de la part de notre éminente invitée.
Le sénateur MacDonald : Votre Excellence. Je suis heureux de vous revoir.
La Russie a de plus en plus recours à des tactiques complexes, telles que le sabotage et les cyberattaques. Pouvez-vous nous dire quelles mesures précises prend l’Ukraine pour se défendre contre ces menaces?
Ensuite, comment le Canada ou les alliés européens peuvent-ils aider l’Ukraine à renforcer ses capacités de défense, et ce, de façon coordonnée, pour contrer efficacement ces cyberattaques qui comportent plusieurs volets?
Mme Kovaliv : Je vous remercie.
En effet, l’Ukraine est le premier pays à faire face à une cyberguerre à grande échelle déclenchée par la Russie, et l’ampleur des cyberopérations russes contre l’Ukraine ne cesse de croître. Le service de sécurité ukrainien a neutralisé près de 10 000 cyberattaques visant les institutions et les services de l’État ainsi que le réseau énergétique.
Nous ne sommes pas touchés que par des cybermenaces directes. Nous sommes également confrontés à des opérations d’information, tant à l’intérieur de l’Ukraine que dans les pays alliés occidentaux. Ces opérations visent à déstabiliser la situation en Ukraine, à attaquer tous les systèmes de télécommunication et à priver les citoyens de l’accès aux communications mobiles et à Internet. En outre, la guerre hybride se propage au-delà des frontières à l’aide de campagnes de désinformation. Nous remercions le Canada de nous soutenir dans la lutte contre la désinformation.
Une partie de l’accord de sécurité qui a été signé porte sur la cybersécurité et les réseaux. L’accord couvre de nombreux domaines et, maintenant que nous l’avons conclu, nous nous intéressons vivement à la création de partenariats plus solides entre nos agences qui travaillent dans le domaine de la cybersécurité.
Cela nous sera non seulement utile en Ukraine, mais nous permettra aussi de partager nos connaissances sur ce à quoi nous sommes confrontés et sur les instruments que la Russie utilise pour mener ses cyberattaques. Ces partenariats aideront nos partenaires à renforcer leurs systèmes de cybersécurité afin de pouvoir faire face aux attaques des adversaires.
Parmi ces besoins, il y a la coopération technologique. Nos services ont encore besoin de matériel pour accroître leurs capacités, et les agences concernées doivent travailler ensemble dans ce domaine.
Le sénateur MacDonald : La Russie a déployé des efforts pour saboter vos chaînes d’approvisionnement militaires de l’Europe vers l’Ukraine. Quelles perturbations avez-vous observées qui ont eu une incidence sur les capacités de défense de l’Ukraine?
Mme Kovaliv : Je peux parler de ce que la Russie essaie de faire plus précisément sur le territoire de l’Ukraine : elle cible les infrastructures essentielles. Le secteur de l’énergie, par exemple, est fondamental, tant pour les civils que pour les militaires. Nous avons besoin d’électricité pour tout, y compris pour nos forces de défense et notre production de défense.
Au début du mois de mars de cette année, une attaque délibérée a été déclenchée contre les centrales électriques et les centrales hydroélectriques. La Russie a détruit 80 % de l’ensemble des installations qui produisent de l’électricité en Ukraine. Au cours des deux dernières semaines, l’électricité a été coupée dans tout le pays, et tant la population que les industries ont été touchées. Il va sans dire que cela diminue notre capacité d’intervention dans les domaines de l’aide humanitaire, de l’industrie de la défense au pays, de la logistique et bien d’autres.
Nous aurons un énorme défi à relever l’hiver prochain, car nous n’avons pas beaucoup de temps pour effectuer des réparations. Nous avons besoin d’aide pour réparer les infrastructures énergétiques. C’est extrêmement important, car il ne reste que quelques mois avant l’hiver. Nous remercions sincèrement le ministre Wilkinson et le ministre ukrainien de l’Énergie, M. Galushchenko, de s’être adressés conjointement à toutes les provinces et à l’industrie canadienne pour leur demander d’intervenir et d’apporter leur aide.
Nous sommes reconnaissants envers les entreprises canadiennes qui, l’année dernière, ont aidé les entreprises ukrainiennes en leur fournissant de l’équipement. Bien entendu, nous serions heureux de recevoir de l’aide pour la reconstruction rapide des infrastructures énergétiques. C’est essentiel. De plus, la Russie détruit les chemins de fer, qui constituent l’un des principaux liens pour la livraison de différentes marchandises.
La sénatrice Boniface : Je vous remercie, Votre Excellence, de votre présence et de votre travail inlassable au Canada. Nous vous en sommes reconnaissants. Votre message est très clair, et je pense qu’il aide les Canadiens à mieux comprendre pourquoi nous devons soutenir l’Ukraine. Nous vous en remercions.
Pourriez-vous nous parler quelque peu de l’incidence du programme d’aide américain qui a finalement été approuvé? J’imagine que, comme beaucoup, vous avez probablement retenu votre souffle en attendant ce vote. Que signifie ce programme pour l’Ukraine et quel effet aura-t-il à l’avenir?
Mme Kovaliv : Je vous remercie. En effet, il s’agit d’un programme très important, car il est d’une grande envergure et permettra au secteur de la défense américain de nous fournir les armes dont nous avons besoin. D’autre part, nous avons constaté l’incidence de l’aide qui a tardé à être acheminée. Plus précisément, pendant les mois où nous avons dû attendre, nous avons malheureusement dû prendre la difficile décision de retirer les troupes ukrainiennes d’Avdiivka pour sauver la vie de nos soldats. Contrairement à ce que l’on voit en Russie, la vie de nos soldats est ce que nous avons de plus précieux.
Il y a eu une période au cours de laquelle, sur certaines parties du front, l’artillerie de la Russie était 11 fois supérieure à la nôtre. Pour vous aider à comprendre, nous avons besoin d’au moins 6 000 obus d’artillerie par jour. De nombreuses entreprises, y compris au Canada, peuvent en produire 5 000, 6 000, voire 20 000 par mois. Cela peut nous approvisionner pendant environ quatre jours.
Le plus grand défi que nous devons relever concerne la montée en puissance du secteur de la défense. Aujourd’hui même, j’étais au salon CANSEC, la grande conférence de l’industrie de la défense, ici à Ottawa, dont le slogan est très approprié : Move at the speed of life. Le slogan est accompagné d’une photo de femmes ukrainiennes en uniforme au front. Cette vitesse est absolument nécessaire. Les gouvernements doivent, sans tarder, prendre des décisions et travailler en étroite collaboration avec les industries pour les aider à augmenter leur production. Autrement, nous voyons ce que fait la Russie. Elle augmente considérablement sa production de missiles, d’artillerie et de véhicules blindés et, malheureusement, elle le fait beaucoup plus rapidement que tous les alliés occidentaux.
Voilà le défi.
La sénatrice Boniface : J’ai une question complémentaire au sujet de la Russie. Vous avez mentionné que la Corée du Nord lui fournit des armes. Savez-vous si d’autres pays lui en fournissent aussi?
Mme Kovaliv : Nous avons des preuves claires qu’elle en reçoit de l’Iran et de la Corée du Nord. Malheureusement, nous avons aussi des preuves claires que la Russie utilise encore une grande quantité de pièces de rechange dans son armement qui sont produites dans des pays occidentaux. Nous devons donc tous travailler sans relâche pour priver la Russie de ces pièces.
Le fait est que la machine de guerre de la Russie et son secteur de la défense ne peuvent pas se passer des pièces occidentales. C’est leur point faible, mais aussi, le problème que nous devons tous régler.
Le rapport que je reçois — épais comme cela — porte uniquement sur ce que nous avons intercepté. Je dois souligner que dans le dernier rapport pour le premier trimestre de 2024, il n’y avait pas de pièces canadiennes, et je vous en remercie.
La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie pour tout ce que vous faites et aussi d’être de retour au comité aujourd’hui. Votre témoignage est tellement important, et nous vous en savons gré.
J’aimerais revenir au mois de novembre. Avant vous, le même jour, le procureur général de l’Urkraine, Andriy Kostin, est aussi venu témoigner. Lors de la réunion, il a insisté sur l’importance de voir la Cour pénale internationale, la CPI, poursuivre Poutine et ses ministres pour crimes de guerre.
Je sais que certains disent que les dirigeants criminels qui commettent des agressions devraient être poursuivis devant un tribunal international à l’extérieur du cadre de la CPI. Je me demande quel est le meilleur moyen pour nous de poursuivre en justice ces agresseurs pour ce qu’ils ont fait en Ukraine.
Mme Kovaliv : Je vous remercie. En effet, la justice est un élément important pour aider les Ukrainiens, mais aussi toutes les victimes de la guerre, et pour empêcher d’autres dictateurs de faire la guerre et de commettre des crimes de guerre.
Nous continuons de travailler en étroite collaboration avec nos partenaires pour mettre en place le groupe central qui se penchera sur le mécanisme juridique du tribunal international pour le crime d’agression.
Cela présente deux défis, l’un de leadership et l’autre juridique. Nous devons créer l’instrument pour pouvoir agir contre la fameuse « troika » — les hauts dirigeants de l’État —, parce que nous savons tous, tout d’abord, que c’est Poutine qui a pris la décision d’envahir l’Ukraine, et nous devons trouver le mécanisme qui permettra de le traduire en justice, et de traduire en justice les hauts dirigeants russes.
Nous sommes en outre le premier pays à faire enquête sur les crimes de guerre contre l’environnement. C’est une première dans l’histoire. Nous enquêtons sur les situations où la Russie détruit l’environnement et cause des milliards de dollars de dommages, bien souvent irrémédiables.
Nous nous souvenons tous que la Russie a fait exploser le barrage de Nova Kakhovka en 2023. La Russie utilise des explosifs et contamine des pans entiers du territoire ukrainien, y compris en minant des terres agricoles. Nous voyons les conséquences de toutes ces munitions qui sont utilisées et qui polluent les terres et l’air. Cela fait aussi partie des crimes de guerre sur lesquelles nous enquêtons, et je pense que l’Ukraine tracera ainsi la voie pour pouvoir poursuivre devant une instance pénale internationale les responsables de crimes d’écocide.
La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie.
J’aimerais ajouter que nous avons entendu, vu et lu au cours des dernières semaines que des puissances occidentales et même des gens ici au Canada et en Amérique du Nord ont remis en cause la CPI. Craignez-vous que, parce que l’intégrité de la CPI est remise en cause et contestée, cela puisse nuire à sa capacité de poursuivre les dirigeants russes pour les crimes de guerre qu’ils ont commis au cours de ce conflit? Voyez-vous cela actuellement comme un grave problème ou comme une distraction?
Le président : Je vous demanderais de répondre brièvement, madame l’ambassadrice.
Mme Kovaliv : Nous travaillons à la création de l’instrument pour le tribunal spécial, et c’est l’élément fondamental dont nous et les pays membres du groupe central avons besoin pour aller de l’avant.
La sénatrice Coyle : Je vous remercie sincèrement de revenir témoigner et d’être aussi déterminée. Ce doit être très difficile. Vous avez notre appui, et je pense que vous le sentez.
Nous avons tous lu des articles au sujet du sommet pour la paix qui se tiendra en juin. C’est une excellente nouvelle et cela nous donne de l’espoir. Vous avez dit, je pense, que 90 pays se sont déjà engagés à y participer. Cette preuve de solidarité compte pour beaucoup, et c’est déjà, en soi, une grande réalisation avant même que le sommet ne commence.
Je me demande quelles sont vos attentes à l’égard de ce sommet et quels en sont les principaux objectifs? Est-ce que les participants viennent de toutes les régions géographiques? Y a-t-il, par exemple, des représentants de l’Afrique? Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?
Mme Kovaliv : Je vous remercie.
En effet, plus de 90 pays ont déjà confirmé leur participation. Il faut aussi comprendre que la Russie s’emploie à nuire le plus possible à ce sommet parce qu’un grand nombre des pays de tous les continents, y compris de l’hémisphère Sud, y seront présents, et que cela, naturellement, présente une menace pour le régime russe. Nous savons que le régime déploie beaucoup d’efforts pour essayer de persuader et de pousser de nombreux pays, en ayant même parfois recours au chantage, pour qu’ils ne participent pas au sommet. Les discussions porteront sur le plan de paix global et sur les fondements de la paix.
Je veux insister sur ce qui est important pour nous, soit que la paix doit être juste et durable, sans quoi nous reviendrons à ce qui s’est passé depuis 2014, et dont j’ai parlé. Nous avons eu des négociations à différentes reprises. Nous avons eu des cessez-le-feu. Malheureusement, l’agression n’en a été que plus forte.
Nous allons discuter notamment des enjeux humanitaires, y compris la déportation illégale d’enfants ukrainiens, de prisonniers de guerre, et de nombreux civils qui ont été déportés de force en Russie.
J’aimerais souligner le rôle de premier plan que joue le Canada — et l’en remercier — en coordonnant avec l’Ukraine le retour des enfants ukrainiens, et le rôle très important aussi que joue le Qatar pour nous aider à rapatrier au pays les enfants ukrainiens. Nous en avons déjà rapatrié environ 600, mais il en reste environ 19 000, alors nous avons encore beaucoup de travail qui nous attend.
La sénatrice Coyle : Qu’en est-il de la Chine et du sommet? Pouvez-vous nous dire si la Chine essaie d’influencer directement ou indirectement d’autres pays?
Mme Kovaliv : Nous avons invité environ 160 délégations à participer au sommet. Bien sûr, nous serions heureux que la Chine y participe.
Je ne peux pas vous le dire actuellement, car je n’ai pas avec moi la liste des 90 pays qui ont confirmé leur participation, alors je ne sais pas si la Chine en fait partie.
Le président : Je vous remercie.
La sénatrice Patterson : Madame l’ambassadrice, je reviens de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN en Bulgarie. J’aimerais beaucoup que vous étayiez quelques points qui m’ont vraiment ouvert les yeux.
Le président Zelensky a fait un discours par vidéo et nous a parlé des munitions qui leur sont données et des conditions qui y sont rattachées, sur leur utilisation, etc.
Vous avez mentionné dans votre déclaration que les Russes sont stationnés à cinq kilomètres de petits villages, près de Kharkiv, et ailleurs. C’est comme se battre avec une main attachée dans le dos, mais je dirais plutôt avec les deux mains attachées dans le dos. Les Canadiens ne comprennent probablement pas ce que c’est que d’essuyer des tirs sans pouvoir se défendre. J’aimerais que vous étayiez, s’il vous plaît, ce point.
Avant que vous le fassiez, j’aimerais remercier les Ukrainiens de l’incroyable retenue dont ils font preuve quand ils voient des missiles arrivés, détruire leur vie, tuer des gens, sans pouvoir frapper en retour parce qu’ils doivent obéir aux règles d’entente. C’est mon premier point.
Ensuite, voici ma question : pourriez-vous nous aider à vraiment comprendre ce que cela signifie pour l’Ukraine d’être assujettie à ces conditions? Que peut faire le Canada pour encourager les alliés qui leur donnent des munitions à permettre aux Ukrainiens de les utiliser pour frapper des cibles militaires légitimes à l’extérieur de leur pays?
Je vous remercie.
Mme Kovaliv : Je vous remercie.
C’est le cas en particulier depuis que la Russie a lancé son offensive dans le Nord, dans la région de Kharkiv, et pour que vous compreniez bien, Kharkiv est une ville de 1,5 million d’habitants, soit environ la population de la ville de Calgary, par exemple. Cette ville était auparavant un très grand centre de formation. Il y avait beaucoup d’universités et un centre de technologie. C’est une très belle ville historique, qui est attaquée et détruite un peu plus chaque jour.
La Russie veut briser le moral de ses habitants et les voir quitter la ville en grand nombre pour vider la région de sa population et ensuite y lancer plus d’offensives.
J’ai parlé de Vovchansk, la petite ville qui a fait les manchettes quand les troupes russes en approchaient. Cette petite ville, avant la guerre, abritait un poste frontalier, à sept kilomètres de la frontière physique avec la Russie. Pour non seulement protéger la ville, mais aussi pour pouvoir légitimement détruire les chaînes logistiques russes et l’approvisionnement en armes des soldats russes sur les lignes de front, nous devons pouvoir cibler ces éléments; autrement, ils peuvent y déployer de plus en plus de soldats. Ils peuvent y expédier des armes, du carburant et tout ce dont ils ont besoin, et nous serons forcés de rester sur place, d’attendre et de ne protéger que notre territoire, ce qu’il est de plus en plus difficile pour nous de faire.
Il faut que les restrictions sur l’utilisation des armes pour protéger la souveraineté de nos frontières, y compris, si nécessaire, pour détruire les chaînes d’approvisionnement russes, soient levées. Nos partenaires n’ont pas tous les mêmes positions. Bon nombre nous disent qu’il s’agit d’objectifs légitimes, que l’Ukraine peut utiliser les armes qu’ils fournissent, mais pas tous. Je pense que nous devons tous faire un effort, tant diplomatique que militaire, pour expliquer que cela ne fera qu’accroître le nombre de morts du côté ukrainien. Nous aurons besoin de plus d’armes pour nous protéger si nous ne pouvons pas détruire les chaînes logistiques que la Russie peut mettre en place sur son territoire.
L’objectif principal de l’Ukraine est seulement de protéger la souveraineté de ses frontières.
Le président : Je vous remercie beaucoup.
Le sénateur Ravalia : Je vous remercie encore une fois, Votre Excellence, d’être avec nous.
Le retrait par la Russie de 20 bornes frontière sur la rivière Narva le long de la frontière entre l’Estonie et la Russie a beaucoup inquiété les pays baltes et les pays de l’OTAN. Ce geste a été considéré comme faisant partie des actions hybrides et des provocations de la Russie dans la région.
L’Union européenne a condamné ces actions, et exigé des explications et le retour immédiat des bornes à leur place.
Étant donné les provocations récentes de la Russie dans la région, à quel point craignez-vous que cela menace la stabilité dans la région? Quelles mesures recommanderiez-vous au Canada et aux autres pays de l’OTAN de prendre dans ce genre de situation? Il semble que cela crée un sentiment de vulnérabilité au sein des pays voisins.
Mme Kovaliv : Premièrement, pour diminuer le sentiment de vulnérabilité au sein des pays voisins, fournissez-nous plus d’armes. Nous allons nous battre contre la Russie; nous allons continuer de les tenir occupés. C’est très simple.
Toutefois, vous devez comprendre que, de façon générale, la Russie va continuer d’agir ainsi. La Russie mène une guerre hybride pour semer la peur, la frustration et l’inquiétude chez nos partenaires, car il y aura toujours des gens qui ont peur, qui sont prêts à abandonner parce qu’ils ont peur. Nous l’avons vu dès le début de l’invasion à grande échelle.
J’ai participé aux audiences du comité ici au Sénat. J’ai participé aux audiences du comité de la Chambre. Il était question des armes nucléaires. Il était question de l’augmentation des troupes russes sur la ligne de front, etc. Ce sont des tactiques que nous avons tous vu la Russie utiliser au cours de ces deux années. C’était même le cas en 2014. Nous devons garder la tête froide et comprendre qu’il s’agit d’une guerre hybride.
Qu’est-ce que la Russie veut faire? La Russie tente d’imposer à nos partenaires des lignes rouges. Quand on regarde ce qui s’est passé au cours de ces deux années et demie, ces lignes rouges ont toujours bougé. À un certain moment, en mai 2022 sans doute, la ligne rouge pour bon nombre de nos partenaires était l’envoi d’armes de l’OTAN à l’Ukraine, puis l’envoi d’avions de chasse, puis de chars Leopard, puis de missiles à longue portée. Tout cela était des lignes rouges.
Je tiens à mentionner clairement que nous nous sommes, que vous vous êtes — pas vous personnellement, mais les partenaires — imposés ces lignes rouges. L’Ukraine attend maintenant des avions de chasse, et elle utilise efficacement les chars Leopard, les missiles à longue portée. La Russie essaie de nous diviser, de faire du chantage, et il s’agit d’une nouvelle tentative de le faire, mais nous devons comprendre ce qui se passe et demeurer résolus dans nos actions. Autrement, la Russie ne s’arrêtera pas.
Le sénateur Ravalia : Je vous remercie.
[Français]
La sénatrice Gerba : Bienvenue de nouveau, Votre Excellence. C’est toujours apprécié de vous avoir ici. J’aimerais revenir sur la question posée par ma collègue la sénatrice Coyle, mais en abordant la question d’une autre perspective sur le plan de la représentation au sommet dont vous avez parlé.
Il semblerait que le Brésil et la Chine n’aient pas encore confirmé leur présence parce qu’ils souhaiteraient que tous les pays soient présents, y compris les autres parties.
Dans le communiqué qu’ils ont publié la semaine dernière, ils appellent à la nécessité d’inclure à la fois l’Ukraine et la Russie dans toutes les conférences de paix.
Tout d’abord, pouvez-vous nous expliquer ce que vous pensez d’une telle demande? Ensuite, pensez-vous qu’il soit raisonnable — et même souhaitable — qu’on inclue toutes les parties prenantes à ce stade-ci?
[Traduction]
Mme Kovaliv : Je vous remercie. Comme je l’ai dit, nous avons lancé des invitations à 160 pays, y compris la Chine et le Brésil. Je n’ai pas actuellement la liste des pays qui ont confirmé leur participation, mais nous avons déjà des pays sur tous les continents qui ont confirmé leur présence, y compris en Amérique latine, en Afrique et au Moyen-Orient.
Pour ce qui est du rapport, je ne peux pas en parler parce que je ne l’ai pas vraiment vu, mais pour ce qui est de la présence de la Russie, c’est non. La Russie n’a pas sa place à ce sommet, et ne ferait sans doute que le perturber. Si vous avez vu ce qui se passe aux réunions du Conseil de sécurité de l’ONU, vous avez pu constater à quel point la Russie ment désespérément à propos de ce qu’elle fait. Les médias russes affirment même qu’il n’y a pas de guerre. Ceux d’entre vous qui ont vu le documentaire 20 jours à Marioupol, qui a valu à l’Ukraine cette année son premier Oscar, on citait les propos du représentant de la Russie à l’ONU et des médias russes disant qu’il s’agissait d’acteurs, que ce qui se passait dans une maternité, où des femmes se trouvaient avec leurs nouveau-nés, dont certaines ont été tuées, qu’il s’agissait d’un film.
Je ne pense pas que vous souhaitiez entendre ces mensonges. Je vous remercie.
[Français]
La sénatrice Gerba : Merci de votre réponse. Au début du conflit, plusieurs pays ont tenté de jouer ce rôle de médiateur. On peut, par exemple, parler des efforts de la Turquie, mais aussi des initiatives chinoises ou africaines. Selon vous, une médiation réalisée par l’intermédiaire de la Suisse pourrait-elle être fructueuse?
[Traduction]
Mme Kovaliv : Je vous remercie. Tout d’abord, j’aimerais mentionner qu’il s’agit d’une guerre, et non d’un conflit. Nous n’avons rien fait. Tout a commencé tôt le matin du 24 février 2022, quand des missiles russes ont frappé des villes en Ukraine. Nous ne voulions pas de cette guerre, alors ce n’est pas un conflit. Il n’y a pas deux parties. Il y a la Russie, qui a envahi de façon barbare un pays souverain, premièrement en 2014 lorsque les « petits hommes verts » de la Russie, comme on les appelle, ont occupé la Crimée, puis un matin, ils ont lancé des missiles dans tout le pays. Un grand nombre de gens sont morts et d’autres meurent encore aujourd’hui chaque jour, et nous n’avons rien fait pour cela. C’est une guerre.
Au sujet des médiateurs, nous ne voulons pas précisément de médiation. L’élément clé était le plan de paix. Tout est dans la Charte des Nations unies. Si nous voulons tous vivre dans un monde où l’ordre est fondé sur des règles, comme l’ont prévu les Nations unies après la Deuxième Guerre mondiale, c’est l’élément crucial du plan de paix. C’est pourquoi nous avons invité 160 pays à s’asseoir ensemble, non pas en agissant par des moyens détournés, mais en se regardant droit dans les yeux, pour se demander — honnêtement — si nous voulons, oui ou non, continuer à vivre dans un monde où l’ordre est basé sur des règles pour être en sécurité?
C’est l’élément fondamental. Personne ne devrait menacer la souveraineté des frontières d’un pays, faire en sorte qu’elles soient redessinées par celui qui a la force militaire pour le faire. Personne ne devrait pouvoir prendre en otage des installations nucléaires civiles — y compris celles de Zaporijjia, six gigawatts, les plus importantes en Europe —, comme la Russie le fait depuis deux ans. C’est une situation très risquée. Personne ne sait ce qui pourrait se passer. L’Agence internationale de l’énergie atomique, l’AIEA, s’en inquiète de plus en plus. La sécurité alimentaire, la nourriture, ne peut être utilisée comme une arme. L’énergie ne peut pas être utilisée comme une arme. Les enfants ne peuvent pas être les victimes de la guerre. Dix-neuf mille enfants ont été déportés de force. Ce sont les conséquences des actes de barbarie de Poutine.
Le président : Je vous remercie, madame l’ambassadrice. Nous allons passer au prochain intervenant.
Le sénateur Downe : Madame l’ambassadrice, lorsque je parle aux députés ukrainiens, ils me disent que beaucoup de pays, dont le Canada, sont réticents à donner du matériel militaire sur le point d’être mis hors service. Par exemple, le Canada a des véhicules blindés légers de type VBL-II et VBL-III en entreposage dans l’attente de nouveaux véhicules fabriqués au Canada. Y a-t-il du matériel militaire supplémentaire que vous avez demandé au Canada, mais que vous n’avez pas reçu?
Mme Kovaliv : Merci. Oui. Nous disons constamment que nous ferions bon usage de tout matériel destiné à être mis hors service, maintenant ou dans deux ou trois ans.
On nous dit qu’une partie de ce matériel est en mauvais état, mais notre industrie de la défense a déjà trouvé des solutions à cet égard. Nos partenaires sont même agréablement surpris de voir la vitesse à laquelle nous parvenons à réparer les armes qui nous sont données.
Aujourd’hui, l’Ukraine a un vaste éventail d’armes. Selon moi, aucun autre pays de l’OTAN n’a autant d’armes différentes, de chars d’assaut et de véhicules blindés différents. Je peux les énumérer, si vous le souhaitez.
Nous apprenons à réparer le matériel rapidement. Nos ressources sont limitées. Voilà pourquoi nous demandons au ministère de la Défense nationale, ou MDN, de l’équipement destiné à être mis hors service. Même si vous pensez que ce matériel est en trop mauvais état pour vos soldats canadiens, nous sommes prêts à le réparer. Le choix est le suivant : soit nos soldats qui sont au front n’ont rien et risquent d’être tués, soit nous réparons cet équipement et nous l’utilisons à bon escient. Merci.
Le sénateur Downe : Outre le matériel militaire mis hors service, nous avons des capacités de déminage peu susceptibles d’être utilisées au Canada à l’avenir, à moins d’une incursion russe dans l’Arctique. Avez-vous demandé ce matériel de déminage? Vous a-t-il été livré ou refusé?
Mme Kovaliv : Il y a deux volets distincts. Le premier est le déminage humanitaire. Nous sommes très reconnaissants de l’aide du Canada, qui a fourni du matériel de déminage qui sert déjà en Ukraine pour le déminage des champs, en particulier les grands champs agricoles.
Quant au déminage militaire, oui, nous avons demandé l’équipement de déminage pour les militaires. Nous espérons avoir une réponse positive.
Le sénateur Kutcher : [Le sénateur s’exprime en ukrainien.]
Je tiens à vous remercier d’avoir souligné le problème de la désinformation russe. Elle s’immisce partout, y compris chez les parlementaires, qui ne semblent pas comprendre la nature des problèmes en Ukraine. Cela me rappelle un commentaire de mon ami Bob Rae, qui disait : « On sait toujours quand Lavrov ment; s’il ouvre la bouche, c’est pour mentir. » Je pense qu’il faut garder cela à l’esprit.
Je remarque que M. Macron a encore déclaré, cette semaine, qu’il appuierait la neutralisation de sites militaires russes à l’origine de tirs sur l’Ukraine. Olaf Scholz n’a pas été aussi catégorique. Selon ce qu’on vous a dit, à quoi le Canada serait-il favorable? Le Canada appuierait-il cela?
Mme Kovaliv : Pouvez-vous répéter cela, s’il vous plaît?
Le sénateur Kutcher : Le Canada appuierait-il publiquement l’utilisation d’armes qui ont été données à l’Ukraine pour la neutralisation de sites militaires russes qui tirent sur l’Ukraine?
Mme Kovaliv : Nous n’avons pas entendu parler de restrictions. Le Canada nous a principalement donné des véhicules blindés et des munitions qui sont utilisés par nos soldats sur notre territoire.
Le sénateur Kutcher : Concernant les centrales nucléaires, cinq centrales nucléaires ukrainiennes sont contrôlées par la Russie. À Tchernobyl, le contrôle du combustible nucléaire épuisé est toujours nécessaire, ce qui exige une surveillance constante. Il y a donc trois autres centrales nucléaires en Ukraine, et aucune d’entre elles n’a encore été prise pour cible.
Quels plans l’Ukraine a-t-elle mis en place pour protéger ces centrales? Existe-t-il des plans d’urgence en cas de catastrophe à Zaporijjia?
Mme Kovaliv : Je vous remercie de ces questions. Les problèmes sont nombreux à Zaporijjia, notamment les bombardements incessants du réseau électrique lié à la centrale de Zaporijjia. Il n’y a pas que la production d’électricité de la centrale qui est importante; il faut aussi faire fonctionner les équipements de la centrale, soit le système de refroidissement de l’eau et tous les autres éléments technologiques de la centrale.
Il est déjà arrivé à plusieurs reprises que la centrale nucléaire de Zaporijjia ne soit pas alimentée en électricité à la suite de bombardements russes. Elle était alors alimentée à l’aide de génératrices, ce qui représente une menace considérable sur le plan de la sécurité.
Que font l’Ukraine et l’exploitant du réseau? Dans les heures qui suivent un bombardement, nous déployons tous les efforts nécessaires pour effectuer les réparations et rétablir ces branchements, car nous comprenons ce qu’il en est. Notre pays a vécu l’horreur de Tchernobyl. Nous comprenons l’importance de la sécurité nucléaire et de la réglementation.
Aujourd’hui, l’Ukraine est aussi membre du conseil de l’Agence internationale de l’énergie, ou AIE, où nous contribuons également en partageant notre expérience sur ce qui se passe là-bas. Nous sommes reconnaissants de l’aide du Canada, qui nous a fourni certains équipements nécessaires pour assurer la stabilité de l’installation de Tchernobyl après que nous ayons chassé les troupes russes de Tchernobyl.
Pour ce qui est de la sécurité des autres installations nucléaires — et l’Ukraine dépend fortement de l’énergie nucléaire, tout comme le Canada —, la moitié de notre électricité provient du nucléaire. C’est encore plus maintenant, puisque les centrales de Tchernobyl ont été détruites. La défense aérienne est la seule solution. Selon toute vraisemblance, rien d’autre ne peut protéger ces énormes installations nucléaires.
Vous savez tous à quoi ressemble une installation nucléaire. C’est énorme. C’est pour cette raison que l’Ukraine a demandé à ses partenaires de lui fournir au moins sept missiles Patriot : ce sont les seuls systèmes capables d’intercepter les missiles balistiques. Il s’agit du minimum dont nous avons besoin pour protéger le ciel. Il y a urgence. Nous sommes reconnaissants envers l’Allemagne, qui a pris un engagement à cet égard, envers d’autres pays qui travaillent sur ce dossier, mais n’ont rien annoncé, et envers le Canada, qui a offert un soutien financier en achetant et en fournissant des systèmes de défense antimissile.
Le président : Merci beaucoup.
Le sénateur Al Zaibak : Merci, monsieur le président. Votre Excellence, je vous remercie de votre présentation et de répondre à ces importantes questions.
Pouvez-vous nommer une arme précise dont l’Ukraine a besoin et que le Canada pourrait fournir pour aider à mettre fin à cette guerre?
Mme Kovaliv : Merci. Combien de temps me donnez-vous, sénateur?
Le sénateur Al Zaibak : Seulement une minute.
Le président : Pas beaucoup.
Le sénateur Al Zaibak : Nommez une seule arme essentielle que le Canada possède et que l’Ukraine n’a pas ou qu’elle a demandée.
Mme Kovaliv : Il n’y a pas d’armes précises, mais les trois principales priorités sont les munitions, les missiles pour la défense aérienne et les véhicules blindés. Nous sommes aussi conscients que c’est ce que le Canada peut produire. Le Canada a une extraordinaire industrie de la défense, dont un volet spécialisé en technologie. J’ai récemment visité quelques installations qui produisent de l’équipement qui sera envoyé en Ukraine. J’ai été très impressionnée par les gens qui ont partagé... Cela n’a rien de joyeux, mais ils m’ont dit qu’ils travaillent avec détermination, sachant que ce qu’ils font sert un objectif important. Merci.
Le sénateur Al Zaibak : Je vous remercie. Selon vous, quelle aide le Canada peut-il fournir pour amener les deux parties à la table des négociations?
Mme Kovaliv : Des armes.
Le sénateur Al Zaibak : Des armes. Très bien.
Mme Kovaliv : Oui, car vous devez comprendre que la Russie mène une guerre permanente et renforce considérablement son industrie de la défense. En 2014, l’objectif principal de Poutine était d’occuper l’Ukraine. Son objectif demeure le même, et s’il réussit en Ukraine — cela n’arrivera jamais, car l’Ukraine ne le permettra pas —, il ne s’arrêtera pas là.
Nous avons parlé des pays baltes. La Pologne est le suivant. C’est la frontière de l’OTAN.
Le président : Merci beaucoup. Nous pensions faire un deuxième tour, mais le président souhaite également poser une question. Je vais donc me prévaloir de mon privilège. Il n’y aura pas un deuxième tour, car nous arrivons à la fin du temps pour cette partie.
Madame l’ambassadrice, vos commentaires sont tous fort intéressants. Bien sûr, le sommet de la paix à venir suivra le sommet du G7 en Italie. Ces dernières années, les pays du G7 ont travaillé en étroite collaboration pour assurer la coordination. Il y a eu des rencontres des ministres des Affaires étrangères et des ministres de la Défense, et divers mécanismes ont été mis en place. Les dirigeants auront sans doute d’importantes discussions sur l’Ukraine lors du sommet en Italie. Ils se retrouveront alors dans un contexte élargi, avec un plus grand nombre de participants, ce qui créera une dynamique légèrement différente, car les pays du G7 pourraient avoir pris des décisions ensemble.
Selon vous, cela comporte-t-il des défis importants? Vous invitez aussi des pays du Sud qui pourraient craindre que les pays du G7 établissent des buts ou mettent de l’avant leurs points de vue. La diplomatie sera mise à l’épreuve sur tous les fronts, mais je me demande si, comme dernier commentaire, vous pouvez nous donner une idée de ce qui constituerait des perspectives bonnes et réalistes pour l’Ukraine.
Mme Kovaliv : Merci. À l’instar de beaucoup d’autres pays, l’Ukraine travaille sur le plan de paix et le sommet de la paix avec divers pays , à la fois avec les pays du G7 et les pays du Sud, qui ont tous un siège à la table. Nous avons tenu plusieurs séries de réunions des conseillers à la sécurité nationale, avec la participation de pays du Sud. Il y a eu une importante réunion à Davos, en Suisse, au début du mois de janvier. Il y a eu une importante réunion des conseillers à la sécurité nationale à Malte, à laquelle plus de 70 pays ont participé à l’époque.
Nous travaillons avec beaucoup de pays du Moyen-Orient, du Sud, du continent africain, d’Amérique latine. Nous expliquons comment divers pays — petits et grands, puissances militaires et pays à faible capacité militaire, pays développés et pays en développement — peuvent avoir un impact. La seule chose qui permet à tous ces pays de cohabiter pacifiquement et de servir leur population, c’est l’existence de règles.
S’il y a un tyran dans la salle — la Russie — il essaiera de remettre cet ordre en question. Le problème n’est pas seulement celui de l’Ukraine et des Ukrainiens : la situation peut se répéter dans bien d’autres endroits si on ne l’arrête pas.
Le président : Merci beaucoup, madame l’ambassadrice. Permettez-moi de vous dire, au nom du comité, que nous sommes évidemment toujours ravis que vous veniez nous parler. Il s’agit, malheureusement, d’un thème récurrent au sein de notre comité, mais les renseignements que vous nous avez fournis sont très utiles, tant pour le comité que pour ceux qui ont regardé cette réunion en particulier. Merci beaucoup. Nous voudrons sans doute vous inviter au comité de nouveau, et nous vous sommes reconnaissants du temps que vous nous avez consacré.
Nous passons maintenant à notre deuxième groupe de témoins. Je tiens à souligner que le sénateur Woo, de la Colombie-Britannique, s’est également joint à nous.
Nous avons le plaisir d’accueillir, d’Affaires mondiales Canada, Mme Kati Csaba, directrice exécutive de la Direction générale de l’Ukraine, et Mme Alison Grant, directrice générale de la Direction générale de la politique de sécurité internationale. Elles n’en sont pas à leur première visite au comité. Bienvenue à nouveau. Nous sommes impatients d’entendre vos déclarations préliminaires et, bien sûr, d’entreprendre nos séries de questions. Madame Csaba, vous avez la parole.
Kati Csaba, directrice exécutive, Direction générale de l’Ukraine, Affaires mondiales Canada : Monsieur le président, honorables membres du comité, bonjour. Merci de l’invitation à discuter du soutien du Canada à l’Ukraine. Ma collègue Alison Grant, directrice générale de la Direction générale de la politique de sécurité internationale, et moi sommes reconnaissantes de l’occasion de faire le point sur la situation sur le terrain et présenter des perspectives sur les mois à venir.
[Français]
Il y a plus de 27 mois que la Russie a déclenché sa guerre d’agression contre l’Ukraine. Chaque jour qui passe, le nombre de civils tués ou blessés, y compris des enfants, continue d’augmenter. Ces derniers mois, les forces russes ont augmenté la fréquence de leurs frappes aériennes massives sur les infrastructures énergétiques essentielles en Ukraine et ont récemment concentré leurs assauts sur le nord de Kharkiv. Samedi dernier, l’attaque sur un supermarché à Kharkiv a tué au moins 18 personnes et en a blessé plus de 40 autres. Il s’agit d’une nouvelle attaque contre une zone civile et d’une poursuite des tactiques de guerre brutales de la Russie bien au-delà de la ligne de front.
Le peuple ukrainien, courageux et résistant, continue de se battre avec un courage extraordinaire pour son pays, ses communautés, ses familles et sa liberté. La Russie espère que cette dernière offensive forcera l’Ukraine à céder des territoires et que toute avancée russe sapera le soutien à l’Ukraine. La résistance de l’Ukraine a ralenti les avancées de la Russie, mais elle a besoin de notre soutien immédiat.
[Traduction]
Depuis le début de l’invasion massive par la Russie, le Canada s’est tenu fermement aux côtés de l’Ukraine et a condamné cette injustifiable et illégale agression qui menace le droit international et la sécurité mondiale. Notre soutien, qui comprend notamment de l’aide militaire et financière, est inébranlable. À ce jour, depuis février 2022, le Canada s’est engagé à verser plus de 14 milliards de dollars à l’Ukraine d’aide à multiples volets, notamment 4 milliards de dollars en aide militaire; 7,4 milliards de dollars en soutien financier; plus de 403 millions de dollars en aide au développement; 352,5 millions de dollars en aide humanitaire; plus de 198 millions de dollars pour la sécurité et à la stabilisation.
Nous travaillons aussi en étroite collaboration avec nos partenaires et alliés au sein des divers forums multilatéraux, notamment le G7, le G20, l’ONU, l’OTAN et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, ou OSCE, afin de renforcer le soutien à l’Ukraine dans son parcours vers la paix et le rétablissement. J’aimerais en particulier attirer l’attention du comité sur l’engagement du Canada pour ce qui est du prochain Sommet sur la paix en Ukraine.
[Français]
Le Canada soutient activement la formule de paix en 10 points de l’Ukraine depuis son lancement par le président Zelensky en 2022. Nous avons activement défendu les principes de la formule, qui comprennent le respect de la Charte des Nations unies, le respect du droit international et la préservation de l’intégrité territoriale, étant donné qu’il est clair que le point de départ de tout plan de paix est la préservation de la souveraineté de l’Ukraine et le retrait de toutes les forces russes.
Notre ambassade à Kyiv continue de participer à tous les groupes de travail créés pour chacun des 10 piliers et a assumé un rôle de leader pour coprésider le Groupe de travail no 4 sur le retour des prisonniers de guerre, des civils détenus et des enfants illégalement transférés et déportés. Ce travail est renforcé par la Coalition internationale pour le retour des enfants ukrainiens, qui a été lancée à Kyiv en février par la ministre Joly et le chef de cabinet du président Zelensky. La guerre en Ukraine, comme toutes les guerres, est une crise pour les enfants, et le retour en toute sécurité des enfants ukrainiens est une priorité pour le Canada et les membres de la coalition.
[Traduction]
Alors que les groupes de travail sur le plan de paix ont entrepris leurs travaux, l’Ukraine et la Suisse ont annoncé la tenue d’un Sommet sur la paix en Ukraine, qui aura lieu en Suisse les 15 et 16 juin. Le premier ministre Trudeau a déjà annoncé qu’il y participera et a communiqué avec d’autres dirigeants mondiaux pour confirmer leur participation. Nous prévoyons que de nombreux pays y participeront et contribueront de manière importante aux discussions. L’objectif du sommet est d’acquérir une compréhension commune d’une voie vers une paix juste et durable en Ukraine, qui servira de fondement à un éventuel processus de paix avec la Russie.
En conclusion, nous sommes à un nouveau moment charnière dans la guerre de la Russie contre l’Ukraine. L’Ukraine continue de se défendre vaillamment, mais elle a besoin du soutien de la communauté internationale alors qu’elle cherche une voie vers la paix. Le Canada demeure inébranlable dans son soutien à l’Ukraine et dans sa détermination à coopérer et à agir de concert avec d’autres États et organismes internationaux.
Il est impératif que nous demeurions unis dans nos efforts pendant que nous continuons à suivre la situation de près. La voie vers la paix est toujours parsemée d’embûches, mais avec une intervention internationale soutenue, l’Ukraine pourra se rétablir et devenir plus forte et plus résistante. Merci.
Le président : Madame Csaba, je vous remercie beaucoup de votre déclaration.
Chers collègues, pour ce tour, les interventions seront encore de quatre minutes. Je serai un peu plus strict cette fois-ci, en espérant pouvoir faire un deuxième tour.
La sénatrice Boniface : Je vous remercie beaucoup de votre présence.
Je me demande si vous pouvez me donner des détails sur le dialogue du Canada avec la France dans le contexte des plus récents commentaires du président Macron, qui a dit que l’Ukraine devrait être autorisée à utiliser des armes occidentales pour frapper des cibles en sol russe et qu’il envisagerait, à certaines conditions, d’envoyer des troupes françaises en Ukraine. C’est ce qui a été rapporté.
Pouvez-vous me dire quelle est la position du Canada à cet égard?
Alison Grant, directrice générale, Direction générale de la politique de sécurité internationale, Affaires mondiales Canada : Merci beaucoup. Je vais répondre à cette question.
Nous avons des discussions et des consultations avec la France, comme avec de nombreux autres alliés et partenaires de l’OTAN; bien entendu, bon nombre de ces enjeux sont soulevés. Les deux que vous avez mentionnés sont les frappes en Russie et la formation, si j’ai bien compris.
Au sujet de l’envoi de militaires en Ukraine pour de la formation, l’accord que le Canada et l’Ukraine ont récemment signé sur la coopération en matière de sécurité stipule que nous envisagerons de reprendre et de mener des activités de formation et de renforcement des capacités pour les forces de sécurité et de défense ukrainiennes en Ukraine, une fois que les conditions le permettront. Nous n’excluons donc pas cette possibilité. Ce plan doit faire l’objet d’un examen très clair et très attentif. Je sais que le ministre Blair s’est également exprimé sur cette question.
En ce qui concerne l’équipement qui pourrait être utilisé pour des frappes contre la Russie, je dirais que le Canada soutient d’abord et avant tout le droit à l’autodéfense de l’Ukraine. Ce droit est inscrit dans la Charte des Nations unies. Nous continuons de fournir une aide militaire très importante à l’Ukraine pour qu’elle puisse exercer ce droit et, dans l’exercice de ce droit, nous attendons de l’Ukraine qu’elle respecte le droit international.
Comme l’a mentionné l’ambassadrice ukrainienne lors de la première heure, la question ne s’est pas posée autant, étant donné le type d’équipement que nous fournissons. Nous demandons cependant à tous nos alliés de fournir une aide et un soutien militaires solides et nous les encourageons à le faire.
J’ai deux commentaires concernant l’équipement que nous fournissons. Nous disposons de moyens commerciaux pour fournir de l’équipement militaire, et cet équipement doit être conforme aux obligations prévues dans la Loi sur les licences d’exportation et d’importation. Ensuite, bien sûr, le ministère de la Défense, ou MDN, fournit les dons, qui doivent être conformes au Traité sur le commerce des armes. Il n’y a donc pas d’exigences ou de restrictions propres à l’Ukraine dans ce cadre, mais le MDN pourrait fournir de plus amples renseignements.
Le président : Merci, madame Grant. Sénatrice, il vous reste une autre minute, si vous voulez vous en servir.
La sénatrice Boniface : Je vais m’en servir.
J’aimerais savoir en quoi consiste exactement le rôle du Canada pour le retour des enfants. Comme beaucoup de personnes autour de la table, les nombres qu’a mentionnés l’ambassadrice m’ont décontenancée. Quel est le rôle du Canada? Avec quel degré d’intensité fournissons-nous de l’aide pour assurer le retour des enfants?
Mme Grant : Merci. C’est avec plaisir que je répondrai à la question, sénatrice.
C’est un enjeu pour lequel le Canada joue vraiment un rôle de leadership. Lorsque la formule de paix en 10 points a été lancée, nous avons accepté de coprésider le groupe de travail 4, qui se penche, entre autres, sur le retour des enfants ukrainiens. Puis, après ce lancement, nous avons voulu en faire davantage. En fait, le Canada a convenu avec l’Ukraine de créer cette coalition internationale pour le retour des enfants ukrainiens, qui a été lancée par la ministre Joly en février lorsqu’elle était à Kiev.
Par l’intermédiaire de cette coalition, nous cherchons différents moyens de permettre le retour des enfants ukrainiens, notamment en jouant un rôle de promotion. La ministre elle-même s’est adressée à d’autres pays pour leur demander de s’engager dans le retour des enfants. Nous étudions également des moyens plus concrets de soutenir les enfants une fois qu’ils sont de retour en Ukraine. Nous prenons également des mesures telles que le lancement d’un réseau de communication, car, comme vous l’avez entendu lors de la discussion précédente, les Russes diffusent beaucoup de désinformation sur les raisons pour lesquelles ils prennent les enfants et sur les « bonnes choses » qu’ils font pour ces enfants. Nous voulons donc jouer un rôle plus actif dans le démenti de ce type d’informations.
La sénatrice M. Deacon : Merci énormément d’être de retour parmi nous.
Je vais revenir sur l’équipement. Il y a quelque temps, j’ai participé à une réunion bilatérale ici avec les responsables allemands de la défense. Nous essayions de déterminer qui possède quoi et ce que nous devons faire parvenir à qui rapidement.
Pendant la visite du président Zelensky au Canada l’année dernière, je sais qu’une promesse a été faite à l’Ukraine pour 50 nouveaux véhicules blindés de combat Bison. Je ne sais pas si vous pouvez répondre à cette question, mais ces véhicules n’ont pas été livrés; au début du mois de mai, ils n’avaient pas encore été reçus.
Pouvez-vous nous parler de l’avancement du dossier et de cette promesse de livrer ces 50 véhicules, ou est-ce que ce dossier ne relève pas de vous, mais plutôt du MDN?
Mme Grant : Toutes mes excuses, mais je ne suis pas en mesure de donner une mise à jour. J’en suis désolée.
La sénatrice M. Deacon : Je vais peut-être poser une autre question à ce sujet. Que fait le Canada auprès d’autres alliés pour les encourager à poursuivre l’acheminement d’équipement vers l’Ukraine?
Mme Grant : Je peux répondre à cette question. Merci beaucoup. Nous avons été très actifs au cours de la dernière année pour encourager les pays à signer leurs propres engagements bilatéraux en matière de sécurité avec l’Ukraine. C’est une initiative dans laquelle le Canada s’est fortement impliqué au sein du G7. Elle a été lancée lors du sommet de l’OTAN à Vilnius l’année dernière.
Depuis, plusieurs pays ont signé leurs propres accords, dont le Canada le 24 février. Un élément clé de ces accords est le soutien militaire à long terme à l’Ukraine. Notre propre accord a une durée de 10 ans. C’est devenu la norme. Beaucoup d’autres pays ont également prévu une période de 10 ans. Les accords ne portent pas seulement sur le soutien militaire, mais aussi sur le soutien économique et d’autres formes d’aide, allant de l’aide humanitaire à la lutte contre la désinformation, en passant par le soutien à l’industrie de la défense. C’est l’un des principaux moyens par lesquels nous essayons d’encourager les États à s’engager dans un soutien durable à l’Ukraine sur le plan militaire.
La sénatrice M. Deacon : Pour faire suite à la première heure de la réunion et à ce que le dernier témoignage nous a appris, en mars 2022, le Canada a décidé de déférer la situation en Ukraine à la Cour internationale de justice, ou CIJ. L’ambassadrice vient de nous dire que l’Ukraine cherche à établir un tribunal international, en dehors du cadre de la CIJ, pour les crimes de guerre. La politique officielle du gouvernement du Canada consiste-t-elle toujours à reconnaître la CIJ comme la principale instance pour juger les dirigeants russes pour les crimes commis en Ukraine?
Mme Csaba : Je suis heureuse de répondre à cette question. La CIJ constitue un mécanisme très important, et nous continuons à la soutenir par le biais de financement et d’un soutien moral, ainsi qu’en fournissant des spécialistes de la GRC pour les recherches sur diverses affaires. La possibilité d’un tribunal spécial fait l’objet d’une discussion distincte. Un groupe central a été créé, auquel participent une multitude de pays. Il se réunit régulièrement. Il s’agit d’une question complexe, et les membres ne sont pas encore parvenus à un accord unanime sur la création d’un tribunal spécial. Plusieurs options font l’objet de discussions, et nous continuerons à y participer jusqu’à ce que nous trouvions la meilleure solution.
La sénatrice Coyle : Cette conversation est toujours pénible. La situation dure bien trop longtemps. Je pense que nous le ressentons tous, et lorsque nous entendons parler d’accords décennaux, nous espérons qu’ils ne sont pas tous axés sur le conflit militaire.
Je suis curieuse de connaître l’objectif ultime. Comme nous le savons, nous devons — j’en conviens tout à fait — soutenir l’Ukraine en insistant sur l’intégrité territoriale du pays et en exigeant le retour, comme vous l’avez mentionné, des prisonniers de guerre et des enfants. Je suis sûre que vous en parlez constamment. Que constatez-vous? Sur quoi portent vos discussions lorsque vous parlez de ce qui permettrait à la Russie de sauver la face? Quelles sont les options possibles pour mettre fin à cette guerre une fois pour toutes? Je suis simplement curieuse de savoir de quoi les intervenants parlent.
Mme Csaba : C’est, si je puis dire, une excellente question, car elle couvre de très nombreux sujets. Dans l’état actuel des choses, les positions de l’Ukraine et de la Russie sont essentiellement diamétralement opposées. Il n’y a pas de terrain d’entente. La position de l’Ukraine, qui consiste à ne pas entamer de négociations tant que les troupes russes n’auront pas quitté l’ensemble du territoire ukrainien devenu indépendant en 1991, est en totale contradiction avec la position de la Russie, qui insiste pour conserver la Crimée et les territoires déjà occupés et qui, selon la Russie, ont été intégrés à la Fédération de Russie. Il n’est donc pas facile de voir comment on parviendra à une solution.
L’objectif du prochain sommet pour la paix en juin est de fournir une sorte de cadre qui permettra à la Russie et à l’Ukraine de s’asseoir autour d’une table et de dialoguer. L’idée est de renforcer autant que possible la position de l’Ukraine avant qu’elle dialogue avec la Russie, mais il n’est pas facile d’entrevoir les étapes concrètes pour y parvenir parce que les positions sont extrêmement opposées.
Nous savons — et ce que les Ukrainiens nous disent, comme nous l’avons entendu plus tôt aujourd’hui — que l’Ukraine a un besoin immédiat de soutien militaire, de soutien économique, de soutien humanitaire, et qu’elle a besoin que nous maintenions notre unité pour la soutenir.
La sénatrice Coyle : Oui. En d’autres mots, il faut continuer à faire la même chose. La situation s’éternise, et je compatis avec les Ukrainiens parce que le conflit est interminable.
Vous avez mentionné que le Canada encourage les alliés à élaborer des accords bilatéraux similaires au nôtre. Prenons-nous d’autres mesures dans les forums multilatéraux pour aider à orienter positivement la situation vers une issue pacifique?
Mme Csaba : Nous prenons beaucoup de mesures. Au cours des deux dernières années, nous avons soutenu l’Ukraine dans les diverses résolutions des Nations unies qui ont été soumises à l’Assemblée générale. Nous travaillons par d’autres moyens pour obliger la Russie à rendre des comptes, et certains de ces forums multilatéraux sont très importants. Le mécanisme de Moscou de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, par exemple, a permis de se rendre sur le terrain, de rechercher et de relever des crimes de guerre qui seront ensuite utilisés comme preuves. Il existe donc de nombreux moyens d’agir, mais la priorité est vraiment de demander des comptes à la Russie par le biais de tous les mécanismes à notre disposition.
Le sénateur Ravalia : Merci à toutes les deux d’être parmi nous. Compte tenu des liens de plus en plus étroits de la Russie avec la Chine, du soutien continu qu’elle reçoit de la Corée du Nord et du fait qu’elle est une membre à part entière du bloc BRICS, sommes-nous dans une époque où se divise un nouvel ordre mondial et où s’érige un nouveau rideau? Dans quelle mesure le Canada et l’Occident peuvent-ils continuer à fabriquer des munitions et à soutenir l’Ukraine alors que la Russie, malgré les sanctions, renforce sa machine de guerre et continue d’attaquer sans relâche des villes comme Kharkiv?
Mme Csaba : Je répondrai volontiers à la première partie de votre question, puis je céderai la parole à ma collègue, Mme Grant, pour la dernière partie. Il est certain que certains pays désirent créer un nouvel ordre mondial, en passant par le bloc BRICS. Je dirais que la Russie a clairement indiqué qu’elle considère le bloc BRICS comme le pendant du G7. La Russie cherche à le renforcer, mais il faut savoir que ce bloc ne collabore pas de la même manière que les pays du G7, où on trouve vraiment une politique unifiée, la plupart du temps, autour de nos objectifs globaux, y compris pour l’Ukraine, par exemple. Cette volonté existe.
La rhétorique russe des derniers temps est très axée sur la création d’un système multipolaire s’éloignant de l’hégémonie de l’Occident. Or, il n’est pas certain que la Russie y parviendra par le biais du bloc BRICS.
Mme Grant : J’ajouterais, sur la question des munitions et de l’industrie de la défense, que c’est un défi, sans contredit. Nous connaissons la hauteur de l’approvisionnement et de l’utilisation de munitions qui diffère entre l’Ukraine et la Russie. Comme la Russie est un système autoritaire, elle peut bien entendu augmenter sa production d’une manière qui est plus difficile pour les nations démocratiques. Mais des efforts sont déployés. Vous avez peut-être remarqué que l’Union européenne a annoncé un financement très important dans le cadre de sa loi sur le soutien à la production de munitions. Certains pays ont également pris des initiatives, comme la Tchéquie, que le Canada soutient pour les munitions. Nous avons également soutenu récemment la production locale de drones en Ukraine. Ce sont là quelques-uns des moyens par lesquels les pays occidentaux et les pays aux vues similaires tentent de se réorienter pour résoudre les problèmes de production et de munitions.
Ce sera un défi, mais je pense que le système et le processus russes sont de toute évidence fragiles et que la Russie est en péril et paie le prix des gains minimes qu’elle enregistre aujourd’hui.
Le sénateur Ravalia : Si l’on tient compte du fait que la migration est devenue un problème majeur en Europe, qu’un grand nombre d’élections ont basculé à droite, que de nombreux partis de droite ne sont pas aussi favorables à l’Ukraine que par le passé et que l’on ne sait pas comment se dérouleront les élections américaines cette année, pensez-vous que tous ces facteurs ajoutent une grande vulnérabilité à nos efforts de longue haleine pour continuer à soutenir l’Ukraine?
Mme Csaba : Je conviens, sans l’ombre d’un doute, que ces facteurs augmentent le risque. Nous avons assisté à des élections récentes — je ne nommerai pas de pays — où la politique du pays, en raison d’un glissement vers la droite, est devenue moins favorable à l’Ukraine à certains égards, mais pas à tous les égards. Ce contexte demeure un risque pour l’avenir.
Il nous est difficile de prédire comment cela influencera le soutien global à l’Ukraine, mais nous sommes certainement conscients qu’il pourrait changer. Nous voulons, dans la mesure du possible, mettre en place des mécanismes et un soutien à long terme pour que, au moins de notre côté, nous sachions que nous continuerons à soutenir l’Ukraine comme elle en a besoin.
Le sénateur Ravalia : Merci.
Le président : Merci beaucoup. Je remarque que nos questions deviennent philosophiques. Nous ne voulons pas trop vous mettre sur la sellette, mais ce sont des questions urgentes qui nous préoccupent et qui, je pense, vous préoccupent aussi.
Le sénateur Downe : Des députés ukrainiens et l’ambassadrice, plus tôt aujourd’hui, nous ont fait part de leur besoin constant d’équipement. Le Canada est intervenu dans un certain nombre de domaines, mais nous n’avons pas livré une grande partie de ce que l’Ukraine nous a demandé. Par exemple, nous lui avons donné 39 véhicules blindés, ce qui représente moins de 10 % de notre stock. Nous avons des chars. L’Ukraine demande également des véhicules déclassés, du matériel militaire, du matériel de déminage, etc. J’aimerais savoir en quoi consiste la procédure. Pourquoi le Canada met-il tant de temps à faire approuver l’envoi de matériel à l’Ukraine?
Mme Grant : En ce qui concerne la fourniture d’équipement militaire, je dirais que le principe général est que nous essayons de faire correspondre les capacités canadiennes à ce dont l’Ukraine a besoin et souvent à ce que le Canada peut fournir plus rapidement. Une grande coordination est assurée entre le Canada et ses partenaires et alliés au sein du Groupe de contact sur la défense de l’Ukraine, également appelé groupe Ramstein. C’est dans ce groupe qu’on détermine qui peut combler quels besoins, ainsi que ce que le Canada peut fournir ou non.
Certains des éléments mentionnés aujourd’hui, comme les véhicules blindés, feront partie d’une approche pluriannuelle à plus long terme. Je pense qu’elle a été annoncée il y a plusieurs mois. Il est probable que nous assisterons à un déploiement plus important au cours des deux prochaines années.
Le sénateur Downe : L’Ukraine a besoin de cet équipement. Les députés ukrainiens me disent — ainsi que l’ambassadrice — qu’ils ont besoin de cet équipement dès maintenant. Le Canada semble être plein de bonne humeur et de bonnes paroles. Pourquoi avons-nous besoin de chars au Canada? À moins que les Américains ne nous envahissent, pourquoi n’envoyons-nous pas dès que possible en Ukraine nos chars et les autres équipements qu’elle nous a demandés? Où est le goulot d’étranglement au sein du gouvernement? Expliquez-moi comment fonctionne le processus et pourquoi l’équipement n’est pas livré plus rapidement.
Mme Grant : Malheureusement, je ne peux pas répondre en détail. Il serait préférable de poser la question sur l’acheminement de l’équipement militaire au ministère de la Défense nationale. Je peux dire que, sur le plan diplomatique, dans le cadre de nos négociations sur un accord de sécurité, nous avons prôné d’offrir une grande partie de notre assistance en amont, dans la mesure du possible. Nous nous sommes concentrés sur 2024 et sur ce que nous pouvions fournir pendant l’année. Même s’il s’agit d’un accord politique pour 10 ans, nous avons concentré nos ressources sur le début de la période.
Le sénateur Downe : Mis à part Affaires mondiales Canada et le MDN, qui d’autre est impliqué?
Mme Grant : Le MDN se charge des dons de matériel militaire. Affaires mondiales Canada supervise bien sûr le régime d’exportation et les licences d’exportation pour les biens contrôlés, c’est-à-dire l’équipement militaire. Mais c’est le MDN qui s’occupe du processus de dons d’équipement militaire.
[Français]
La sénatrice Gerba : Bienvenue encore une fois. C’est toujours un plaisir de vous accueillir au comité.
Madame Csaba, dans votre présentation, vous avez évoqué le plan de paix en 10 points proposé par le président Zelensky. Vous avez aussi indiqué que le Canada soutenait ce plan et engageait des efforts importants pour le concrétiser.
Pourriez-vous nous donner quelques détails sur ces efforts que fait le Canada pour soutenir ce plan? De quelle manière le Canada cherche-t-il à mobiliser d’autres pays, notamment les pays du Sud?
Mme Csaba : Merci beaucoup, madame la sénatrice.
[Traduction]
Nous appuyons vivement la formule de paix en 10 points depuis qu’elle a été annoncée. Ainsi, nous avons participé aux 10 groupes de travail créés sur le terrain, à Kiev. Notre ambassadrice y participe. On y discute de la façon de faire avancer les divers éléments du plan de paix.
Le fait que nous ayons coprésidé le groupe de travail no 4 sur le retour des prisonniers de guerre, des civils et des enfants nous a permis de faire avancer la Coalition internationale pour le retour des enfants ukrainiens, que j’ai décrite plus tôt. Cela nous offre l’occasion d’inciter à une plus grande participation et à un plus grand soutien. La ministre Joly, par exemple, a déployé des efforts très concrets et ciblés pour communiquer avec ses homologues de nombreux pays, y compris des pays du Sud, afin de leur expliquer l’importance de participer à ce processus et de les encourager à adhérer à la coalition. Même s’ils choisissent de ne pas devenir membres de la coalition, ils peuvent soutenir le travail qui doit être fait pour ramener les enfants ukrainiens au pays. Il s’agit là d’un volet de nos efforts.
Dans les 10 groupes de travail, nous pouvons aider de différentes manières. Par exemple, l’un des autres groupes porte sur la sécurité nucléaire, et nous avons beaucoup appuyé l’AIEA dans ce contexte. Nous avons fourni du financement, nous veillons à ce qu’il y ait des inspecteurs sur le terrain pour vérifier ce qui se passe dans la centrale nucléaire de Zaporijjia, etc. Nous essayons d’être aussi proactifs que possible et de fournir autant de soutien tangible que possible grâce à la formule de paix en 10 points, tout en mettant le plus grand nombre de pays possible à contribution.
Le sénateur Woo : Merci, madame Grant et madame Csaba. Je vais vous poser la question sensationnelle de la sénatrice Coyle d’une manière légèrement différente et vous demander s’il y a eu une évolution dans la position, la mentalité ou le contexte de la position de l’Ukraine pour ce qui est d’atteindre une paix durable depuis le lancement du plan en 10 points jusqu’à la veille du sommet de la paix en Suisse. S’il y a eu une évolution, pouvez-vous nous dire quelle forme elle prend?
Mme Csaba : On peut dire qu’il n’y a pas eu beaucoup d’évolution. Comme je le décrivais précédemment, les positions de l’Ukraine et de la Russie sont toujours diamétralement opposées. L’Ukraine a maintenant intégré dans la formule de paix en 10 points les principes fondamentaux de la Charte des Nations unies, du soutien au droit international et du soutien à — j’ai oublié le troisième, je suis désolée. Mais l’idée est que ces principes fondamentaux doivent être à la base de tout dans cette formule.
Le sénateur Woo : Permettez-moi de vous poser la question inverse, non pas au sujet de la Russie, mais au sujet des principaux alliés de l’Ukraine en Occident. Je ne vous demande pas de parler du Canada parce que ce serait gênant pour vous de parler de l’évolution de la position du Canada. Y a-t-il eu une évolution dans les positions des États-Unis, de l’Union européenne, de la Grande-Bretagne et des grandes puissances, la France et l’Allemagne en particulier?
Mme Grant : Merci pour cette question. Je parlerai du point de vue de la sécurité. Je pense, bien sûr, que nous avons observé des changements de positions au cours des deux dernières années. Ils sont bien connus. Je pense qu’ils concernent surtout le type de matériel fourni. Nous avons vu un changement.
Le gouvernement français a adopté une nouvelle stratégie plus musclée. Il y a des changements de position en Allemagne aussi.
La guerre est souvent comme ça. La guerre n’est pas linéaire et, à mesure que la situation évolue sur le terrain, nos attentes changent, et nous nous adaptons. Je pense qu’on a pu voir un grand nombre d’exemples d’adaptation dans certains pays occidentaux.
Mme Csaba : Si je peux me permettre d’ajouter une chose, de manière plus générale, le soutien de la communauté internationale à la formule de paix en 10 points a également évolué, exactement pour les mêmes raisons. Comme le disait l’ambassadrice Kovaliv elle-même, au début de la guerre, personne n’aurait imaginé que nous fournirions des F-16 ou certains types de chars ou d’armes à l’Ukraine, mais la réflexion a évolué au fur et à mesure que la guerre progressait, et nous comprenons maintenant qu’elle ne va pas se terminer de sitôt et que nous devons renforcer notre soutien.
Le sénateur Woo : J’essaie de comprendre à quel point l’évolution de la réflexion est liée à l’idée de parvenir à une paix juste et durable. Je comprends que l’appui à l’Ukraine s’intensifie pour renforcer sa capacité de lutter contre l’agression de la Russie, mais comment le processus de paix et la paix éventuelle s’intègre-t-il à la réflexion? Ou bien n’y a-t-il pas de réponse à cette question? C’est peut-être trop compliqué.
Mme Csaba : Je ne pense pas qu’il y ait de réponse évidente à cette question. Certes, nous voyons que l’Ukraine veut se positionner dans ce processus de paix pour pouvoir éventuellement négocier avec la Russie, mais comment? C’est la grande question à laquelle nous n’avons pas de solution.
Le sénateur Woo : J’ai un commentaire à faire, ce n’est pas une question. J’espère qu’il y a une équipe au sein d’Affaires mondiales Canada qui discute avec des équipes du secrétariat d’État des États-Unis et du Bureau des affaires étrangères, du Commonwealth et du développement du Royaume-Uni, entre autres, où il n’est peut-être pas question de cela à ce stade, mais où on y réfléchit.
Le président : Merci. Je vais poursuivre sur la lancée du sénateur Woo et poser deux questions. Elles sont très différentes, mais s’inscrivent dans le thème de l’évolution du positionnement politique dans divers pays. Vous avez entendu mon échange avec l’ambassadrice, au cours de la dernière heure.
Le sommet du G7 sera l’occasion d’avoir toutes sortes de discussions sur l’Ukraine, puis les dirigeants se rendront en Suisse pour le sommet de la paix. On peut supposer que les représentants des divers pays participants auront reçu des instructions de leur gouvernement national, mais ce n’est pas toujours le cas, certains ne seront là que pour écouter. Je parle d’après ma propre expérience des grands rassemblements.
Madame Csaba, vous avez laissé entendre que le premier ministre passait des coups de fil et que des ministres pourraient en faire autant. Y a-t-il un effort concerté de la part du Canada, qui est un très bon ami de l’Ukraine, pour militer en faveur de ce genre d’approche et tenter de convaincre certains des participants les plus incertains, disons, de la façon dont ils devraient agir?
Mme Csaba : Absolument, il y a un effort concerté de la part du premier ministre et de notre ministre des Affaires étrangères. Aux échelons inférieurs, par des initiatives bureaucratiques, nous avons tout notre réseau de missions à travers le monde qui se mobilise dans les pays d’accueil sur les questions qui seront abordées au sommet de la paix.
Nous avons vraiment le sentiment qu’il est nécessaire d’amener les pays qui sont sur la défensive, mais qui ne sont pas nécessairement prêts à défier la Russie et à lui dire « ce que vous faites est mal », à être là et à écouter, au moins, les arguments de l’Ukraine et à mieux comprendre la situation, afin de ne pas se fier uniquement à la désinformation que la Russie propage si efficacement.
Il y a effectivement tout un effort concerté pour faire entendre autant de voix que possible, même si on sait très bien que de nombreux pays ne seront pas nécessairement convaincus, mais on espère qu’ils en sortiront au moins avec de nouvelles perspectives.
Le président : Merci beaucoup. Mon autre question s’adresse à Mme Grant.
J’ai été assez saisi par l’échange sur la sécurité nucléaire, selon lequel Zaporijjia était assurément sous contrôle russe, ainsi que les trois autres réacteurs ou installations. Dans une vie antérieure, j’ai été le sherpa en matière de sécurité nucléaire du premier ministre Harper et du premier ministre Trudeau. Nous avons eu deux très bons sommets — du moins était-ce ce que je pensais à l’époque où j’étais là —, l’un à La Haye et l’autre à Washington, D.C. Avec l’élection du président Trump, cette initiative a pris fin.
L’une des choses sur lesquelles nous nous concentrions était précisément le rôle de l’AIEA en matière de surveillance. La surveillance à Zaporijjia est épisodique, parce que les Russes doivent en autoriser l’accès. C’était l’un des grands thèmes de ces sommets. C’était presque comme si l’on prévoyait qu’une telle chose puisse se produire, qu’une centrale nucléaire tombe sous l’emprise d’une puissance hostile, puis qu’elle soit utilisée comme monnaie d’échange dans le meilleur des cas, ou qu’il y ait toujours le risque d’une sorte de désastre.
Y a-t-il beaucoup de discussions et de réflexions à ce sujet dans le contexte de l’AIEA parmi nos alliés les plus proches? Comment voyez-vous les choses?
Mme Grant : Merci pour la question. Ce n’est pas toujours au centre des discussions, et le Canada consacre beaucoup de ressources diplomatiques et de temps à cet enjeu à l’Agence internationale de l’énergie atomique, ou l’AIEA, à Vienne.
Je vais dire quelques mots sur la situation là-bas. Vous en avez entendu parler un peu dans la première partie de la réunion, mais le directeur général de l’AIEA a dit que la situation était extrêmement précaire et difficile. Bien entendu, la présence de la Russie est une menace constante. Comme vous venez tout juste de le mentionner, l’AIEA doit pouvoir accéder à toutes les parties de la centrale en temps opportun, et cet accès n’est pas toujours accordé. Depuis avril, il y a eu sept pannes de courant sur place, et on a eu recours à des génératrices d’urgence. Même le mois dernier, on a déclaré trois attaques de drone. Il ne fait donc aucun doute que la situation est critique et précaire.
Le Canada fait partie des chefs de file à l’AIEA qui tentent de remédier à la situation, tant sur le plan diplomatique qu’avec des ressources, comme je l’ai dit. Par exemple, nous avons appuyé les missions de l’AIEA à Zaporijjia, grâce à un financement canadien volontaire. Nous avons également réparé, comme l’ambassadrice l’a indiqué, de l’équipement de radioprotection, c’est-à-dire de l’équipement de surveillance, que les Russes ont détruit et volé à Tchernobyl lorsqu’ils sont passés dans la région pendant la guerre. Nous avons également dépensé de l’argent pour contrecarrer des efforts de contrebande et pour donner d’autres équipements de protection chimique, biologique, radiologique et nucléaire aux Ukrainiens.
Je dirais également que, sur le plan politique, nous avons joué un rôle de premier plan dans l’adoption de résolutions à l’AIEA pour tenir compte des dangers nucléaires en Ukraine. En tant qu’ardente défenseure de l’AIEA, je m’attends à ce que nous continuions à nous concentrer grandement sur cette question.
Le président : Merci beaucoup.
La sénatrice Boniface : Merci. Brièvement, tout d’abord, merci du travail que vous faites. Je sais qu’il est difficile de trouver des solutions à ces problèmes.
L’une de mes préoccupations lorsque je regarde ce qui s’est produit aux États-Unis et le temps qu’il a fallu pour que les fonds soient mis à la disposition de l’Ukraine, c’est la fatigue par rapport à cette question. Je me demande aussi combien d’efforts vous déployez pour continuer de convaincre les Canadiens de l’importance de l’enjeu. Est-ce que cela fait partie d’un mandat pour nous, c’est-à-dire faire en sorte que les Canadiens ne perdent pas de vue l’importance de cette guerre dans une perspective mondiale?
Mme Csaba : Je serai heureuse d’en parler. La fatigue par rapport à la situation en Ukraine constitue sans aucun doute un risque, surtout compte tenu des crises plus récentes. Nous devons être conscients du fait que nous ne pouvons pas seulement nous dire que le soutien canadien pour l’Ukraine sera éternel et que nous devons poursuivre activement nos efforts.
Il faut notamment informer les gens du travail que nous faisons et de l’engagement de notre gouvernement, de nos ministres et ainsi de suite en parlant ouvertement des efforts que nous déployons pour soutenir l’Ukraine et de la raison pour laquelle c’est aussi important. Je pense que c’est l’élément clé, à savoir la raison pour laquelle il est aussi important pour nous de continuer d’appuyer l’Ukraine.
Si l’ordre international qui est le fruit d’efforts déployés pendant de nombreuses années depuis la Deuxième Guerre mondiale est détruit et que nous ne pouvons plus travailler de cette façon, il y aura de graves conséquences en matière de sécurité et d’autres répercussions pour le Canada.
C’est un message que nous essayons de transmettre. Pouvons-nous en faire plus? Bien sûr. On peut toujours en faire plus à cet égard, mais nous allons essayer de garder cette question au centre des discussions.
La sénatrice Boniface : Merci.
[Français]
La sénatrice Gerba : Dans un article publié au mois de février, Justin Massie, professeur titulaire de science politique à l’Université du Québec à Montréal et codirecteur du Réseau d’analyse stratégique, questionnait l’ampleur du soutien du Canada à l’Ukraine. En effet, selon les chiffres du Kiel Institute, en Allemagne, le Canada se situe au 20e rang en matière d’aide militaire à l’Ukraine en fonction du PIB national. Pour ce qui est de l’aide financière, humanitaire et militaire à l’Ukraine, le Canada serait le 31e pays sur 39 en fonction de son PIB.
Quel regard portez-vous sur ces chiffres? Selon vous, le Canada pourrait-il faire davantage pour soutenir l’Ukraine?
Mme Csaba : Je vous remercie de cette question, madame la sénatrice. C’est probablement la deuxième partie de votre question à laquelle il est le plus difficile de répondre.
Il y a certainement plusieurs méthodologies pour calculer le montant de financement provenant de chaque pays. Nous avons vu, ces deux dernières années, de quelle façon le rang du Canada a changé, en partie parce que chaque institution n’utilise pas les mêmes dénominateurs pour calculer ce rang.
Je crois que nous pouvons être fiers du fait que 14 milliards de dollars ont été dépensés pour l’Ukraine, car c’est un chiffre qui représente beaucoup pour la population. Nous allons continuer de faire tout en notre pouvoir pour que cet appui continue.
Le président : Vous avez encore deux minutes; je suis très généreux.
La sénatrice Gerba : Oui, mais elle a dit que c’était difficile de répondre à la deuxième partie de ma question, donc je ne m’attendais pas à ce qu’elle y réponde. C’est ce que j’ai compris.
Mme Csaba : Nous allons continuer de promouvoir l’appui du Canada à l’Ukraine et nous allons voir ce qu’il est possible de faire pour les années à venir.
La sénatrice Gerba : Merci.
Le président : Merci beaucoup.
[Traduction]
Le sénateur Downe : Puisque les Forces canadiennes manquent de ressources et de personnel — il y a évidemment la mission en Lettonie à laquelle nous participons et la formation de troupes ukrainiennes au Royaume-Uni avec d’autres membres de l’OTAN —, à quelle fréquence vous retrouvez-vous dans des situations où le Canada ne peut tout simplement pas participer parce qu’il n’a plus la capacité nécessaire?
Mme Grant : Merci de la question. Je peux seulement y répondre de manière anecdotique. Je communique régulièrement avec le ministère de la Défense nationale et je suis responsable de la sécurité à Affaires mondiales Canada.
Je n’ai pas observé ce genre de situation dans un contexte euroatlantique, et c’est de cela que nous parlons ici, et en Ukraine. Bien entendu, le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes doivent calibrer leurs interventions. Nous devons examiner la valeur ajoutée de certaines activités. Par exemple, l’une des choses que nous faisons pour contribuer à l’aide militaire à l’Ukraine, qui ne fait pas souvent les manchettes, c’est assurer le transport de l’aide militaire des alliés d’une base au Royaume-Uni jusqu’à la région. Nous utilisons nos appareils CC-130, et c’est considéré comme une aide vitale par d’autres alliés, même si cela ne fait pas toujours les manchettes.
Je ne peux pas parler au nom des Forces armées canadiennes, mais elles choisissent de calibrer l’aide. Notre soutien à l’Ukraine est bien connu, et nos alliés et nos partenaires en sont reconnaissants. Je n’ai pas vu de situation où on nous a demandé d’intervenir dans ce contexte et où nous ne l’avons pas fait.
Le sénateur Downe : Merci.
La sénatrice Patterson : Je vais parler un peu plus des efforts déployés par la Russie en matière de mésinformation et de désinformation, en particulier dans les pays du Sud, pour briser les liens avec des pays occidentaux, mais aussi l’ordre international. Que fait le Canada dans des endroits comme l’Afrique, le Moyen-Orient et même certains pays baltes pour essayer de lutter contre la désinformation sur la position du Canada et de diffuser le bon dialogue. Je n’en dirai pas plus. Je vais demander à l’équipe de répondre. Merci.
Mme Csaba : Merci. C’est vraiment une question importante, car, comme nous en avons discuté aujourd’hui, les Russes utilisent extrêmement bien leurs outils de désinformation. Ils sont très efficaces dans les pays du Sud en partie parce qu’il y a de nombreux États, par exemple en Afrique, qui entretiennent une relation de longue date avec la Russie, qui ont maintenant dans des postes de direction beaucoup de personnes qui ont étudié en Russie, qui parlent le russe et qui maintiennent ce genre de relations amicales. Il est vraiment question de calibrer notre lutte à la désinformation.
On a élaboré un mécanisme à Affaires mondiales Canada pour soutenir la lutte contre la désinformation. Nous travaillons très étroitement avec nos collègues du G7 et d’autres partenaires pour préparer les messages que nous voulons transmettre. Nous essayons de collaborer pour diffuser des messages cohérents et répondre à une partie de la désinformation russe.
Nous faisons de notre mieux pour utiliser également nos missions à l’étranger en tant qu’outil important pour nouer le dialogue avec les populations locales, en organisant des activités, par exemple, auxquelles participe l’ambassade ukrainienne pour pouvoir raconter son histoire. De plus, les ambassadeurs sont certainement outillés et possèdent de nombreux points à aborder dans leurs entrevues avec les médias dans leurs pays, par exemple à propos de ce que nous faisons et des raisons pour lesquelles la désinformation russe induit des gens en erreur. C’est un effort coordonné. Nous n’avons pas gagné à ce jeu parce que la Russie est très efficace, mais nous continuons de nous pencher là-dessus étant donné que c’est essentiel.
Mme Grant : J’aimerais juste ajouter qu’Affaires mondiales Canada a le site Web « Contrer la désinformation par des faits — L’invasion russe de l’Ukraine » qui offre beaucoup d’excellents renseignements sur la désinformation du Kremlin à l’aide de faits provenant du ministère de la Défense nationale, du Centre de la sécurité des télécommunications et d’Affaires mondiales Canada.
La sénatrice Patterson : Dans le même ordre d’idées, l’une des choses que nous savons, même sur le plan diplomatique, c’est qu’il est utile d’assurer une présence, et très souvent, surtout lorsque nous traversons une crise financière, nous réduisons le financement dans certaines régions, y compris pour les missions. Je viens tout juste d’assister à une réunion de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, et parmi les renforts prévus, il y a ce que l’OTAN fait pour appuyer le Moyen-Orient et l’Afrique. Une chose qui m’est venue en tête, c’est que le Canada contribue déjà à des missions des Nations unies pour offrir un soutien, tant du côté civil, c’est-à-dire à Affaires mondiales Canada, que du côté militaire.
Comment procédons-nous pour essayer d’avoir une meilleure présence dans ces pays? La désinformation russe crée de l’insécurité pour nous tous, surtout dans des endroits comme l’Afrique. Pouvez-vous en parler?
Mme Csaba : Je vais commencer par dire que, en fait, au cours des deux ou trois dernières années, nous avons élargi légèrement notre plateforme de missions à l’étranger en ouvrant des missions dans quelques pays — pas beaucoup en Afrique, même si nous en avons ouvert une au Rwanda.
Quoi qu’il en soit, nos missions — même dans des pays voisins qui sont accrédités dans des pays où nous n’avons pas de mission sur place — sont encore chargées de transmettre ces mêmes messages et de s’assurer que leurs homologues gouvernementaux et les populations locales les entendent.
J’ajouterais seulement que nous travaillons étroitement avec l’Ukraine, qui a ouvert une série de nouvelles ambassades partout en Afrique, et nous faisons ce que nous pouvons pour les appuyer et leur faciliter ainsi la tâche. Elles peuvent compter sur une ambassade amicale qui les aidera avec certains des aspects de la mise sur pied puisque nous savons à quel point il est important pour elles de transmettre leurs messages.
Le président : Merci beaucoup.
Nous arrivons à la fin de la réunion. Au nom du comité, j’aimerais remercier Kati Csaba et Alison Grant de s’être jointes à nous aujourd’hui. J’aimerais également vous remercier du travail formidable que vous faites en tant que fonctionnaires talentueuses et, bien entendu, remercier aussi vos équipes tout aussi talentueuses.
C’est un conflit international interminable, et nous vous sommes reconnaissants de votre travail. Merci des commentaires que vous avez faits aujourd’hui. C’était très utile pour le comité.
Chers collègues, nous allons nous revoir demain matin à 11 h 30 dans cette salle pour tenir notre réunion sur la relation du Canada avec l’Europe et l’Union européenne.
(La séance est levée.)