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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’AGRICULTURE ET DES FORÊTS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le lundi 9 mai 2022

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), avec vidéoconférence, pour examiner, afin d’en faire rapport, des questions concernant l’agriculture et les forêts en général; pour examiner, afin d’en faire rapport, l’état de la santé des sols au Canada et la teneur de ces éléments des parties 4, 5 et 6 du projet de loi S-6, Loi concernant la modernisation de la réglementation.

Le sénateur Robert Black (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Chers collègues, avant de commencer, j’invite les sénateurs et les témoins à désactiver leur microphone en tout temps, sauf lorsque la présidence leur donne la parole.

En cas de difficultés techniques, notamment au sujet de l’interprétation, veuillez m’en informer ou en informer la greffière, et nous nous efforcerons de régler le problème. Si vous éprouvez d’autres difficultés, veuillez communiquer avec le bureau de service ISD au numéro d’assistance technique qui vous a été fourni.

L’utilisation de plateformes en ligne ne garantit pas la confidentialité de ce qui y est dit et ne garantit pas non plus qu’il ne puisse y avoir d’écoute illicite. Durant les réunions du comité, tous les participants doivent donc être conscients de ces limites et prendre garde à restreindre la divulgation éventuelle de renseignements de nature confidentielle, privée et privilégiée.

Les sénateurs devraient participer depuis un lieu privé et être attentifs à leur entourage pour éviter de communiquer par inadvertance des renseignements personnels susceptibles d’être utilisés pour identifier leur emplacement.

Sur ce, bonjour à tous. J’aimerais commencer par souhaiter la bienvenue aux membres du comité, ainsi qu’à nos témoins et à tous ceux qui nous regardent sur le Web.

Je m’appelle Robert Black. Je suis sénateur de l’Ontario et président de ce comité. J’ai le plaisir de vous présenter les membres du Comité de l’agriculture et des forêts, en commençant par notre vice-présidente, la sénatrice Simons, de l’Alberta. Nous avons également le sénateur Cotter, de la Saskatchewan; le sénateur Klyne, de la Saskatchewan; le sénateur Deacon, de la Nouvelle-Écosse; le sénateur Marwah, de l’Ontario; le sénateur Oh, de l’Ontario; la sénatrice Petitclerc, du Québec; et le sénateur Wetston, de l’Ontario.

Aujourd’hui, le comité poursuit son étude sur les inondations et sur les mesures de rétablissement en Colombie-Britannique. Le comité entendra les représentants d’entreprises et de secteurs d’activité touchés.

Nous accueillons aujourd’hui Paul Pryce, directeur de la politique au BC Agriculture Council, Dale Krahn, président de la BC Chicken Growers’ Association, Angela Groothof, présidente de la BC Broiler Hatching Egg Producers’ Association, Anju Gill, directrice générale du BC Blueberry Council, Jack Dewit et Johnny Guliker, qui témoigneront au nom de BC Pork, et Jeremy Dunn, qui s’exprimera pour le compte de BC Dairy.

Vous aurez chacun cinq minutes pour faire votre exposé préliminaire. Je lèverai la main pour vous signaler qu’il vous reste une minute.

Vous avez la parole, monsieur Pryce.

Paul Pryce, directeur de la politique, BC Agriculture Council : Nous apprécions l’intérêt manifesté par ce comité pour les inondations qu’a connues la Colombie-Britannique en novembre 2021 et pour les efforts de rétablissement qui ont suivi.

Le BC Agriculture Council, BCAC, est un organisme non gouvernemental à but non lucratif et il est le principal défenseur de l’industrie pour les principales priorités du secteur dans la province. Le BCAC représente fièrement les membres de 28 associations agricoles qui, à leur tour, représentent environ 96 % des ventes à la ferme en Colombie-Britannique.

En raison d’événements extraordinaires de sécheresse grave, de feux de forêt et d’inondations, 2021 a été l’une des années les plus difficiles pour les agriculteurs et les éleveurs de la Colombie-Britannique. La mise en place rapide, en novembre, du Programme de rétablissement Canada-Colombie-Britannique pour assurer la sécurité alimentaire à la suite des inondations a été importante, et elle a apporté un soulagement à de nombreuses personnes dont les exploitations avaient été dévastées par les inondations. En combinant le programme Agri-relance et le programme d’aide financière aux agriculteurs en cas de catastrophe, les gouvernements provincial et fédéral ont réduit les limitations à l’admissibilité et atténué une grande partie du fardeau administratif.

Le rétablissement a également été favorisé, pour les agriculteurs et les éleveurs de la Colombie-Britannique, par la bienveillance de leurs voisins et de leurs collectivités. En novembre, le BCAC a créé le « Fund for Farmers », Fonds pour les agriculteurs, qui a permis d’amasser près de 800 000 $ en dons. Nous sommes également reconnaissants envers ceux qui nous ont contactés pour témoigner leur empathie ou qui nous ont envoyé des lettres, des dessins ou des messages de soutien. Tous les dons au Fonds sont redistribués dans les efforts de rétablissement par l’intermédiaire des associations agricoles membres, lesquelles ont collaboré avec les producteurs pour déterminer les lacunes de financement qui subsistaient malgré les indemnisations versées par les assureurs, les programmes gouvernementaux et les autres efforts humanitaires.

Comme vous le savez, les inondations de novembre 2021 ont été la catastrophe agricole la plus dévastatrice de l’histoire de la Colombie-Britannique. S’il est vrai que les dommages ont été sans précédent, il reste qu’une collaboration étroite entre tous les ordres de gouvernement et les autres intervenants est nécessaire pour faciliter l’adaptation et l’atténuation. Cela permettra d’éviter des coûts économiques et sociaux aussi faramineux en cas de futurs phénomènes météorologiques extrêmes dans la région de la prairie Sumas et ailleurs dans la province.

Des investissements dans le stockage d’eau à grande échelle et dans d’autres infrastructures d’atténuation des risques météorologiques seraient particulièrement utiles. Le gouvernement de la Colombie-Britannique travaille actuellement à l’élaboration d’une stratégie et d’un fonds pour la sécurité des bassins hydrographiques, ce qui pourrait représenter une possibilité unique de collaboration fédérale-provinciale, si ce fonds est finalement consacré aux types d’infrastructures permettant de prévenir les inondations et de faire face aux périodes de pénurie d’eau — ce qui constitue une autre préoccupation croissante pour le secteur agricole de la Colombie-Britannique. Les infrastructures en question pourraient inclure des barrages, des digues et des réservoirs, qui détourneraient les précipitations excessives des terres utilisées pour la production agricole.

Le Plan agroenvironnemental et les pratiques de gestion bénéfiques peuvent également jouer un rôle, en aidant les agriculteurs à circonscrire les risques environnementaux pour leurs exploitations et à s’y adapter. J’ai le plaisir de vous annoncer que le BCAC met actuellement sur pied divers comités, composés principalement de producteurs, afin de fournir de la rétroaction sur la conception et la mise en œuvre de ces programmes aux ordres de gouvernement concernés. Cela permettra de s’assurer que les programmes sont adaptés de façon à répondre au mieux aux besoins réels, sur le terrain, des agriculteurs et des éleveurs. Alors que les discussions se poursuivent au sujet du prochain Cadre stratégique pour l’agriculture, nous espérons que l’accord comprendra des engagements fermes à continuer de financer de tels programmes, afin que ceux qui désirent un plan agroenvironnemental puissent en obtenir un rapidement et facilement.

Malgré une meilleure préparation et des investissements accrus dans les mesures d’atténuation, les agriculteurs et les éleveurs de la Colombie-Britannique risquent de subir d’autres phénomènes météorologiques extrêmes comme les inondations de novembre. Ainsi, il pourrait être nécessaire de réévaluer le plafond des paiements pour les agriculteurs participant au programme Agri-stabilité. Le paiement maximal qu’un participant peut recevoir — 3 millions de dollars — a été établi il y a presque 20 ans, à l’époque où Agri-stabilité était connu sous le nom de Programme canadien de stabilisation du revenu agricole ou PCSRA. Certains de nos membres ont indiqué que certains de leurs producteurs ont subi, en 2021, des pertes qui dépassent ce plafond.

Je vous remercie une fois de plus de m’avoir donné l’occasion de partager avec vous ces réflexions sur les inondations de l’année dernière et sur le rétablissement qui se poursuit. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions, et de vous fournir les renseignements ou de vous communiquer les ressources qui pourraient être utiles au comité dans son étude.

Le président : Merci, monsieur Pryce.

Nous allons maintenant entendre M. Krahn, de la BC Chicken Growers’ Association.

Dale Krahn, président, BC Chicken Growers’ Association : Bonjour, honorables sénateurs et bonjour à tous les membres du personnel. Notre association a son siège à Abbotsford, en Colombie-Britannique. Nos entreprises élèvent également des poules et des dindons de consommation. Dans le secteur avicole, nous représentons plus de 650 éleveurs de volaille et leurs familles. Les fermes de nos familles ne se trouvent pas dans la plaine de Sumas, mais, comme j’habite à cinq kilomètres de là, je connais beaucoup de producteurs de volailles, de produits laitiers, de baies et de diverses autres cultures qui ont été touchés par les inondations. Certains ont été déplacés, parce que leurs maisons ne sont plus habitables et que leurs fermes ne sont plus aptes à la production.

Les agriculteurs sont reconnaissants de l’aide qu’ils ont reçue pour le rétablissement du secteur agricole dans la vallée du Fraser. Nous avons fait les démarches fédérales et provinciales nécessaires pour obtenir des céréales. Nous avons reçu les conseils de responsables du programme d’Agri-relance et nous avons travaillé aux côtés des Forces armées canadiennes dans les fermes et sur les digues. Nous avons vu nos voisins, nos collègues agriculteurs et d’autres Canadiens, dont des députés provinciaux et fédéraux, unir leurs efforts pour répondre aux besoins immédiats des résidents et des agriculteurs de la région de Sumas.

Si j’ai bien compris, nous allons discuter aujourd’hui de nombreux aspects de cette inondation. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions. Je serai heureux de vous parler de certaines améliorations qui pourraient être apportées aux infrastructures de gestion des inondations et de transport. Je discuterai aussi volontiers de tout ce qui concerne les assurances, ou l’absence d’assurances, et de l’aide financière destinée au rétablissement du secteur agricole au cours des prochaines années, ainsi que des améliorations à l’infrastructure qui pourraient être recommandées pour garantir la sécurité alimentaire et la sécurité des transports.

Je vous remercie de m’avoir invité. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions et à vos commentaires.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Krahn. C’est au tour de Mme Angela Groothof.

Angela Groothof, présidente, BC Broiler Hatching Egg Producers’ Association : Bonjour, honorables sénateurs. Je vous remercie de m’avoir invitée à témoigner au sujet de l’inondation qui a dévasté la plaine de Sumas en novembre 2021.

J’ai un point de vue unique à ce sujet, puisque je vis dans la zone d’inondation. Ma ferme a été épargnée, et nous n’avons pas perdu de volailles, parce que nous sommes situés sur un terrain légèrement plus élevé, mais j’ai vu de mes propres yeux les dommages et la dévastation causés aux cultures et au bétail dans la plaine. Des amis et des voisins ont perdu leurs maisons, leurs récoltes, leurs troupeaux, leurs cheptels et leurs infrastructures.

Comme nos volailles sont des oiseaux à longue espérance de vie, elles ne pondent leur premier œuf d’incubation qu’à l’âge de six mois. Pour revenir à la pleine production, il faudrait entre un an et un an et demi par troupeau. Pour les producteurs d’œufs d’incubation, cette inondation a entraîné d’importantes pertes de revenus.

Nous avons perdu neuf troupeaux de volailles, soit environ 71 000 poules. Cela représente une perte de 8 165 000 poussins. Cette perte de production touchera également les fermes de poulets à griller. Ces fermes ont besoin de nos poussins pour produire les poulets qui nourriront les familles canadiennes. Je crois que nous sommes tous d’accord pour dire que la sécurité alimentaire est extrêmement importante pour tous les Canadiens. Comme les fermes de poulets à griller et les éleveurs de poulets à griller sont des secteurs liés, nous faisons tout notre possible pour répondre aux besoins des consommateurs en cette période difficile.

Les prix des céréales ont grimpé vertigineusement durant cette période, parce que toutes les routes de la vallée du Fraser étaient bloquées à l’est en raison de l’inondation de la route transcanadienne et de la rupture de lignes de chemin de fer. Le gouvernement a assumé une partie des coûts, mais ce n’était pas suffisant pour couvrir les coûts supplémentaires pour les agriculteurs. Six mois plus tard, des gens souffrent encore physiquement et psychologiquement. L’argent du gouvernement met un temps fou à arriver, alors que les gens en ont besoin rapidement pour régler leurs problèmes et se mettre à produire des aliments pour les gens de la Colombie-Britannique et du reste du Canada. J’ai consulté de nombreux agriculteurs, qui m’ont appris que l’argent des programmes gouvernementaux est loin d’être suffisant pour rénover les granges, les maisons et les infrastructures.

On sait depuis de nombreuses années que la digue et la station de pompage avaient besoin d’améliorations majeures, mais rien n’avait été fait. Aujourd’hui, les agriculteurs et les résidents en paient le prix, et beaucoup d’entre eux n’en ont pas les moyens. C’est un terrible fardeau pour les agriculteurs et les résidents, et cela a des répercussions négatives sur leur santé mentale.

À mon avis, il faudrait que le gouvernement aide davantage les gens de la zone inondable de la plaine de Sumas, tant sur le plan économique que sur le plan des infrastructures, pour que ce genre de catastrophe ne se reproduise plus.

Merci.

Le président : Merci beaucoup. Nous entendrons maintenant Mme Anju Gill, du BC Blueberry Council.

Anju Gill, directrice générale, BC Blueberry Council : Bonjour. Je suis heureuse d’être ici pour vous parler de ce qu’ont vécu les producteurs de bleuets au moment des inondations de novembre 2021 et par la suite dans le cadre de la reprise des activités.

Le BC Blueberry Council représente environ 600 producteurs de bleuets, et ses activités sont principalement axées sur la recherche, sur la promotion des produits et sur l’éducation des producteurs. Notre production moyenne est d’environ 170 millions de livres de bleuets, dont environ 70 % sont exportés, essentiellement vers les États-Unis.

Selon les producteurs de la plaine de Sumas, la journée du 14 novembre avait commencé normalement. Ils étaient partis de chez eux pour faire des courses et s’occuper de leur ferme, mais, à midi, ils se sont rendu compte de la gravité de la situation et n’ont pas pu rentrer chez eux. L’inondation a touché une soixantaine de producteurs de bleuets, ce qui représente 2 500 acres, majoritairement dans les plaines de Sumas et de Matsqui. Un certain nombre de ces producteurs ont également perdu leur maison et de nombreux souvenirs familiaux irremplaçables.

Pour les personnes les plus durement touchées, la reprise prendra beaucoup de temps. Nous avons engagé une tierce partie pour évaluer les dommages. Selon le rapport, ces dommages sont estimés à plus de 34 000 $ l’acre en pertes de plantes et d’intrants, soit 120 000 $ l’acre sur 10 ans quand on y ajoute les pertes de revenus. Ces coûts ne comprennent pas les maisons. L’état des habitations a été évalué à titre privé par une entreprise d’ingénierie, et les résultats m’ont été communiqués. Les dommages vont de 400 000 $ à 800 000 $. Ces évaluations sont disponibles si vous en voulez un exemplaire.

Jusqu’à maintenant, l’impact des programmes de rétablissement après inondations reste à évaluer. L’échéance des demandes d’aide est le 1er juin. Une fois la poussière retombée, nous pourrons mieux évaluer l’ampleur de l’aide gouvernementale et du rétablissement en général.

Je vais m’arrêter ici. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup. Nos prochains témoins sont Jack Dewit, de la BC Pork Producers Association, et Johnny Guliker, de Trilean Pork.

Jack Dewit, président, BC Pork Producers Association, BC Pork : Bonjour, honorables sénateurs. En plus d’être président de la BC Pork Producers Association, je siège au Conseil canadien du porc à Ottawa.

Comme beaucoup d’autres témoins vous l’ont dit, les inondations ont été dévastatrices. Personne ne s’y attendait, et nous n’avions jamais rien vu de cette ampleur. L’impact financier pour les producteurs a été énorme.

Je représente un très petit secteur d’activité de la province. Nous étions beaucoup plus importants il y a 30 ans, mais notre secteur a rétréci et n’a plus la même importance. Il n’en reste pas moins que nos pertes ont été importantes. M. Johnny Guliker, qui est producteur, nous fera part de ses réflexions et nous parlera de l’impact de la catastrophe sur son exploitation. Nous entendrons donc un témoin direct.

L’impact psychologique a été énorme pour beaucoup de producteurs. Ce n’est même pas imaginable, parce que les choses sont arrivées si vite que personne n’a eu le temps de s’y préparer. Tout le monde était en mode panique et tout le monde a fait de son mieux, y compris le gouvernement. Les militaires et tous les producteurs de la région se sont mobilisés pour s’entraider.

L’impact sur les producteurs a été énorme — qu’il s’agisse de l’interruption de leurs activités et des dommages causés à leurs bâtiments ou du travail supplémentaire exigé par le rétablissement. La main-d’œuvre est extrêmement difficile à trouver. Il est difficile de trouver des travailleurs qualifiés pour réparer les dégâts et permettre aux producteurs de reprendre leurs activités.

Il y a lieu d’examiner l’infrastructure de très près. Il faut y apporter des améliorations à hauteur des phénomènes météorologiques plus radicaux dont nous faisons l’expérience. Il y a beaucoup de travail à faire. Je sais qu’une partie en est commencée. C’est en cours et cela va coûter très cher : tous les paliers de gouvernement devront contribuer et essayer de faire en sorte que ce genre de situation ne se reproduira plus.

M. Guliker va nous faire part de certaines de ses réflexions. Il était en plein dedans quand c’est arrivé.

Johnny Guliker, propriétaire, Trilean Pork, BC Pork : Bonjour. Je suis éleveur de porcs dans la plaine de Sumas. Mon entreprise a été pratiquement anéantie par cette inondation.

Comme la plupart des gens qui ont vécu une catastrophe naturelle et comme M. Dewit et d’autres en ont témoigné, je dirais que c’est toujours une surprise. Il y a toujours une limite qui nous semble indépassable, mais l’eau monte toujours plus haut que prévu. Quand on essaie de sauver trop de choses, des animaux et des gens, on a toujours l’impression de faire les choses à tort et à travers. Si on pouvait recommencer, je pense que ce serait très différent. On essaie de sauver certaines choses alors qu’on aurait dû simplement les abandonner et économiser notre énergie pour les différents jours des inondations.

Ce qui m’a vraiment frappé, c’est que tant de gens se soient rassemblés pour aider. C’est vraiment le phénomène le plus remarquable parmi les répercussions des inondations. Nous étions dans une situation si dramatique que des tas de gens sont venus donner de leur temps pour aider. La solidarité de la communauté a été vraiment incroyable. Parfois, on ne croit pas que ce genre de choses puisse encore se produire ou bien on pense qu’on est à l’abri et qu’on n’aura plus jamais besoin de l’aide de quelqu’un parce qu’on a réussi dans la vie. Et on constate à quel point on est vulnérable. Que des gens et ses amis viennent vous soutenir et vous téléphonent — même des gens qui ne peuvent pas vous aider —, c’est ce qui m’a le plus surpris.

Beaucoup de producteurs, même aujourd’hui, vous diront que, en effet, nous n’obtenons pas le financement que nous sommes censés obtenir. On peut se plaindre de beaucoup de choses. Mais ce qui m’a fait du bien, c’est de voir que l’humanité est plus forte que je ne le pensais. C’est ce que je tiens à souligner aujourd’hui pour tout le monde. Merci.

Le président : Merci d’avoir partagé votre temps, messieurs Dewit et Guliker.

C’est au tour de M. Dunn, au nom de BC Dairy.

Jeremy Dunn, directeur général, BC Dairy : Je vous remercie de m’avoir invité aujourd’hui, en même temps que mes collègues du secteur agricole de la Colombie-Britannique.

BC Dairy est une association non partisane qui représente les intérêts des producteurs laitiers à l’échelle locale, provinciale et nationale. Il y a 469 fermes laitières en Colombie-Britannique, dont la plupart sont des fermes familiales. Cela représente environ 82 000 vaches laitières, et il faut savoir que 77 % des vaches laitières de la province sont élevées dans la vallée du Fraser, qui a été la région la plus touchée par les inondations.

Les inondations en Colombie-Britannique font partie des événements d’une année extrêmement difficile. Elles ont fait suite au dôme de chaleur, à la sécheresse et aux feux de forêt à l’intérieur des terres. Les phénomènes météorologiques extrêmes, comme les inondations et les vagues de chaleur, illustrent les changements liés à des enjeux comme la disponibilité et la qualité de l’eau, la santé des sols et la biodiversité, qui devraient devenir plus graves et plus coûteux pour notre secteur dans les prochaines décennies.

Une évaluation par une tierce partie des dommages causés par cette inondation révèle des coûts de 22 à 100 millions de dollars pour les fermes laitières familiales. Cela comprend les maisons, dont la plupart sont encore en réparation. Nous pouvons fournir le rapport d’évaluation au comité s’il le désire.

Concernant plus précisément les inondations, nous sommes reconnaissants du soutien accordé par le gouvernement fédéral, en partenariat avec la province de la Colombie-Britannique, dans le cadre du programme Agri-relance et des Accords d’aide financière en cas de catastrophe, ou AAFCC. Comme l’a expliqué M. Pryce, la combinaison des deux programmes était d’une importance cruciale pour nos agriculteurs.

Je n’aborderai pas tous les problèmes d’admissibilité, mais de nombreuses raisons ont fait en sorte que beaucoup de producteurs, ici et là, n’ont pas été admissibles à certaines parties du financement. Cela a évidemment entraîné des répercussions budgétaires et psychologiques pour nos producteurs. La Colombie-Britannique a facilité l’admissibilité en cours de route. Il aurait évidemment été préférable que certains de ces problèmes aient été réglés avant. Certains obstacles ont progressivement été levés.

Il est important de veiller au financement suffisant des programmes offerts par le gouvernement et d’alléger le plus possible le fardeau administratif imposé aux agriculteurs en cas d’urgence. Les programmes qui favorisent la résilience et la préparation des producteurs et qui améliorent également le bien-être des animaux en cas d’urgence sont également importants.

Comme d’autres l’ont souligné aujourd’hui, les inondations de novembre 2021 sont la catastrophe agricole la plus importante qui se soit produite en Colombie-Britannique à ce jour. BC Dairy et la communauté agricole ont collaboré étroitement avec l’administration provinciale dans la mise en œuvre des mesures d’urgence et continuent de collaborer avec les agents provinciaux dans le cadre des mesures de rétablissement aujourd’hui.

Je tiens à saluer Lana Popham, notre ministre provinciale de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Pêches, qui a été un soutien extraordinaire pour les agriculteurs tout au long de cette épreuve et qui a ardemment défendu leurs intérêts. Je salue également les employés des municipalités d’Abbotsford et de Chilliwack et du gouvernement provincial qui ont travaillé jour et nuit pendant la crise. Nous leur en sommes très reconnaissants.

Pour l’avenir, BC Dairy estime que le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer dans la protection de nos régions essentielles, qui assurent notre sécurité alimentaire, contre des catastrophes naturelles liées aux changements climatiques de plus en plus fréquentes.

Concernant les inondations de novembre 2021, cela comprendrait un financement fédéral plus généreux et des partenariats consolidés avec les gouvernements provinciaux et locaux pour améliorer et moderniser nos digues, nos barrages, nos réservoirs et d’autres infrastructures de gestion de l’eau entourant les zones agricoles. Cela comprendrait un soutien pour la modernisation des stations de pompage actuelles et le financement de nouvelles stations de pompage éventuelles dans la région à risque de la plaine de Sumas, ainsi que le financement par le gouvernement fédéral de la modernisation des infrastructures indispensables à la chaîne d’approvisionnement des produits agricoles, comme nos autoroutes, nos ponts et nos routes. En cas de défaillance de ces infrastructures, il faudrait disposer de fonds fédéraux pour procéder rapidement aux réparations nécessaires.

Les relations internationales jouent un rôle très important concernant la rivière Nooksack, et le gouvernement fédéral doit s’entendre avec les États-Unis pour veiller à l’atténuation des effets problématiques dans cette région. Je vous remercie de m’avoir invité à témoigner aujourd’hui. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Dunn, et merci aux témoins de leurs exposés. Ils étaient succincts et directs.

Comme c’est l’habitude, nous allons maintenant passer aux questions. Je rappelle que chaque sénateur dispose de cinq minutes en tout pour sa ou ses questions et les réponses.

Si vous voulez poser une question, faites signe à la greffière ou, si vous êtes sur Zoom, utilisez la fonction « lever la main ». Quant à moi, je vous ferai signe de la main quand il ne vous restera plus qu’une minute. Cela vous permettra de conclure.

Sur ce, écoutons la sénatrice Simons, notre vice-présidente.

La sénatrice Simons : Merci beaucoup à tous les témoins. Vos témoignages extraordinaires nous ont vraiment donné une idée de l’ampleur des répercussions. Je sais qu’il est 6 heures du matin chez vous, dans l’Ouest, et je vous remercie chaleureusement de vous être levés tôt pour témoigner.

En écoutant vos témoignages, je me rends compte du fait que, même s’il s’agissait d’un événement très circonscrit et dévastateur, les changements climatiques et l’instabilité progressive du climat entraîneront de plus en plus de phénomènes extraordinaires partout au pays. Compte tenu de ce que vous avez observé au sujet des problèmes d’accès aux ressources d’Agri-relance et d’Agri-stabilité, quelles leçons le gouvernement fédéral devrait-il tirer, selon vous, pour se préparer aux événements à venir partout au pays afin qu’il soit plus simple pour les agriculteurs en situation de crise d’obtenir le soutien dont ils ont besoin en temps opportun?

Le président : Qui aimerait répondre? Nous pouvons aussi accepter diverses réponses.

La sénatrice Simons : M. Pryce et M. Dunn voudraient peut-être prendre la parole.

M. Pryce : Certainement. Merci beaucoup de votre question, madame la sénatrice. Et merci de me permettre de répondre, monsieur le président. Comme je l’ai souligné dans mon exposé préliminaire, la possibilité de relever le plafond du programme Agri-stabilité pourrait donner un peu d’assurance aux agriculteurs et aux éleveurs que les dommages seront couverts. Je sais qu’on a déjà essayé de le faire, mais cela n’a rien donné, peut-être à cause d’un échec des négociations fédérales-provinciales dont notre organisme sans but lucratif ne serait pas nécessairement au courant. Par exemple, en 2008, on a tenté de faire passer la limite supérieure à 6 millions de dollars.

D’après ce que j’ai compris des discussions que nous avons eues avec le gouvernement de la Colombie-Britannique, celui-ci traitera une par une les demandes dépassant les 3 millions de dollars et il les accueillera pour des motifs exceptionnels. Il est toujours bon de codifier ces mesures, surtout en période de stress extrême et de traumatisme, et de savoir que le gouvernement sera là pour vous aider et qu’il n’y aura pas d’opposition.

Je vais céder la parole à M. Dunn, qui a peut-être des réponses plus précises à donner à votre question, madame la sénatrice. Merci.

M. Dunn : Merci, monsieur Pryce. Pour faire suite à vos propos, les règlements et les règles des programmes actuels ne tiennent pas vraiment compte des répercussions des programmes du gouvernement fédéral et de ceux de l’administration provinciale sur l’agriculture. Nos entreprises sont beaucoup plus importantes aujourd’hui qu’elles ne l’étaient auparavant. Les valeurs et les coûts associés à une entreprise agricole sont beaucoup plus élevés. Une exploitation de 3 millions de dollars n’est pas une grande exploitation agricole. C’est en fait une exploitation très modeste. Certaines des répercussions de cette catastrophe, comme nous l’avons vu et comme nous l’avons dit ici aujourd’hui, sont extrêmement graves, et ces chiffres sont loin d’être suffisants pour garantir... et, à mesure que s’accentue la consolidation de certains secteurs agricoles, ces chiffres et la taille des entreprises continueront d’augmenter. Il faut en tenir compte, parce que ces entreprises deviennent très vulnérables. Elles emploient aussi beaucoup de gens. Compte tenu des problèmes actuels de ces entreprises, les travailleurs de ces fermes ont perdu leur emploi, et cela entraîne d’autres difficultés sociétales. Nous vous invitons instamment à examiner ce plafond d’indemnisation.

La sénatrice Simons : Mme Groothof pourrait peut-être répondre également à cette question.

Mme Groothof : Je suis tout à fait d’accord avec ces messieurs. Les plafonds sont beaucoup trop bas. L’agriculture a connu une grande expansion dans les dernières années. Toutes nos dépenses augmentent, comme l’inflation. Ces plafonds doivent être relevés, parce qu’ils sont loin d’être à la hauteur des besoins pour reconstruire et reprendre les activités.

Le président : Merci. Il reste environ 50 secondes. Quelqu’un d’autre veut-il répondre à cette question?

M. Dunn : J’aimerais ajouter quelque chose au sujet des coûts immédiats pendant l’inondation et tout de suite après. La question des aliments pour bétail a été soulevée. En raison de notre infrastructure, beaucoup de coûts augmentent, parce que nous acheminons nos produits dans nos fermes. Il est très difficile de transférer rapidement ces coûts aux consommateurs. La dernière chose dont nos consommateurs et nos voisins ont besoin, c’est d’une hausse massive du prix des aliments, mais le coût des intrants augmente rapidement, et cette augmentation dure un certain temps.

Des mesures ont été prises pour fournir une aide financière. Ces programmes ont été créés à la volée. Il faudrait les maintenir en prévision des problèmes à venir partout au Canada.

La sénatrice Petitclerc : Tout d’abord, je tiens à vous remercier tous de nous avoir rejoints si tôt ce matin. Nous vous en sommes très reconnaissants.

Aujourd’hui et auparavant, nous avons entendu parler de différents programmes. Je comprends qu’il y a un niveau de complexité du fait qu’il existe des programmes fédéraux, provinciaux et municipaux. J’essaie de comprendre. Selon votre expérience, est-ce que les choses se sont déroulées de telle sorte que chaque organisation et entreprise ayant besoin d’aide ait pu l’obtenir en temps et lieu? Est-ce qu’il y a eu des lacunes ou des défaillances pour les petites entreprises? Est-ce qu’il a manqué quelque chose, soit dans le processus de financement, soit dans le niveau de financement?

Si quelqu’un pouvait nous le dire, ce serait utile.

Le président : Qui aimerait répondre à cette question? Monsieur Dewit, vous pouvez commencer, et les autres témoins pourront évidemment intervenir.

M. Dewit : Personne n’est préparé au genre d’événement météorologique que nous avons vécu en novembre. Cela s’est produit en un rien de temps. En quelques jours ou presque, tout était sous l’eau. Les pertes ont été énormes. Les gens se démenaient pour sauver des animaux, de l’équipement — tout ce qu’ils pouvaient pour atténuer les pertes.

Ensuite, le rythme auquel l’argent est acheminé aux gens qui en ont vraiment besoin est une source de grande frustration. Je comprends. C’est le gouvernement. Il faut que ce soit équitable et éviter les risques de fraude. Il y a beaucoup de choses à faire. Cependant, cinq ou six mois plus tard, beaucoup de gens n’ont toujours pas obtenu les ressources financières promises par le gouvernement fédéral et l’administration provinciale.

S’il y a une chose à retenir, c’est que l’argent doit être versé plus rapidement. Des exploitants ont dû faire appel à des travailleurs spécialisés pour réparer les dégâts, mais ils n’ont pas les moyens de payer les factures, et cela ralentit les choses.

Je n’ai pas de réponse. Je comprends que tout doit être fait en bonne et due forme, mais il serait bon qu’une partie de l’argent arrive un peu plus rapidement là où on en a besoin.

Le président : Merci. Quelqu’un d’autre veut-il répondre?

Mme Gill : Je pourrais ajouter deux ou trois choses que nos producteurs nous ont fait savoir. Il y a eu beaucoup d’incertitude dès le tout début. Les inondations ont eu lieu en novembre. Je crois que les programmes ont été annoncés beaucoup plus tard, et les agriculteurs ne savaient pas ce qu’ils pouvaient espérer obtenir. Ceux qui avaient une assurance privée avaient une garantie; d’autres n’en avaient pas. Certaines choses pouvaient être assurées, d’autres pas. Beaucoup de questions ont été posées à ce sujet.

Même après l’annonce des programmes — et je suis sûre que les autres témoins seraient d’accord —, deux éléments n’étaient pas nécessairement couverts. Il y a d’abord les pertes de revenus, qui, semble-t-il, seront examinées dans le cadre du programme Agri-stabilité. Mais là encore, rien n’est sûr. Qu’est-ce que les agriculteurs vont pouvoir récupérer? Dans le cas de la production de bleuets, il faudra 10 ans pour atteindre le même volume, et les producteurs n’ont tout simplement pas de revenus. Ce sont les principaux problèmes, à mon avis.

Le président : Merci beaucoup.

C’est au tour du sénateur Klyne.

Le sénateur Klyne : Bienvenue aux témoins et merci de vos exposés. Ma question s’adresse à M. Pryce, du BC Agriculture Council. Et merci, monsieur Guliker, de votre point de vue. Vous avez capté mon attention. On comprend beaucoup mieux.

Cet événement a été une catastrophe naturelle importante qui a suscité l’inquiétude et attiré l’attention dans le pays. Je suis certain que tous les Canadiens forment des vœux sincères de rétablissement rapide et complet pour vous.

On nous parle de l’impact dévastateur des pertes de bétail et de volaille, de l’évacuation d’un certain nombre de fermes, des dommages considérables causés aux infrastructures essentielles et de ce que coûte le rétablissement, qu’il s’agisse de renouvellement, de reconstruction ou de restauration. Monsieur Pryce, pourriez-vous donner au comité une idée plus générale des répercussions, directes et indirectes, de la perte de production et de la perturbation des chaînes d’approvisionnement pour la Colombie-Britannique et pour le reste du pays? Il est peut-être trop tôt pour l’évaluer, mais pourriez-vous nous dire dans quelle mesure nous sommes encore loin d’un soutien financier dédié qui permette un rétablissement complet et un avenir meilleur?

M. Pryce : Merci beaucoup de votre question, monsieur le sénateur. Je regrette de ne pas pouvoir vous fournir de chiffre précis concernant les répercussions économiques de ces inondations pour la Colombie-Britannique. Je peux cependant vous dire que 1 100 exploitations agricoles ont été touchées et qu’elles représentent environ 6 % de l’ensemble des exploitations agricoles de la province.

Ces inondations ont eu des répercussions sur environ 15 000 hectares de terres agricoles. Cela ne semble peut-être pas beaucoup, surtout pour certains membres du comité qui viennent des Prairies, où les fermes sont très grandes. Mais, en Colombie-Britannique, compte tenu de la rareté des terres cultivables, de l’étendue des forêts et des zones montagneuses, etc., c’est une superficie assez importante. On y trouve beaucoup de petites fermes qui dépendent de la vente directe. Cela n’a pas nécessairement eu d’incidence sur la position de la Colombie-Britannique en matière d’exportation, mais cela a effectivement eu une incidence sur la sécurité alimentaire de certaines collectivités et sur le gagne-pain d’un très grand nombre d’agriculteurs, tout simplement parce que ce sont de très petites fermes, très décentralisées et très diversifiées comparativement à d’autres provinces.

J’espère que cela répond à votre question, monsieur le sénateur, mais je pourrai toujours vous faire parvenir des chiffres précis. Merci.

Le sénateur Klyne : Si quelqu’un d’autre a un point de vue à ce sujet, j’aimerais le connaître, notamment en ce qui concerne la mesure dans laquelle nous sommes loin du compte en matière d’aide financière dédiée aux divers paliers de gouvernement et ailleurs. S’il y a un manque, de quel ordre est-il et à quoi est-il attribuable?

Le président : Quelqu’un d’autre? D’accord. C’est au tour du sénateur Marwah.

Le sénateur Marwah : Merci aux témoins de leur présence, surtout compte tenu des fuseaux horaires. J’avais oublié qu’il est 6 heures chez vous.

J’aimerais connaître votre point de vue sur les problèmes de transport et de chaîne d’approvisionnement auxquels vous avez fait face à la suite des inondations, sur les marchés nationaux aussi bien qu’internationaux. Je sais qu’il y a eu des problèmes, mais sont-ils réglés pour l’avenir? Y a-t-il encore beaucoup à faire? Dans quelle mesure devez-vous encore affronter ces difficultés? Je voudrais envisager l’avenir et connaître les mesures que l’on devrait prendre pour essayer de trouver une solution pour la prochaine fois.

M. Dewit : C’est une question difficile, monsieur le sénateur. Souvenez-vous, toutes nos routes étaient bloquées, nos chemins de fer étaient bloqués, et le port de Vancouver était bloqué. Je ne vois pas comment on pourrait se préparer à un événement météorologique de l’ampleur de ce qui s’est produit en novembre dernier et nous en sortir sans dégâts importants pour les infrastructures.

C’était énorme. Je ne crois pas que beaucoup de gens comprennent l’ampleur de cet événement et l’impact des dégâts causés sur la route qui va de Coquihalla au port de Vancouver. Les agriculteurs sont terriblement résilients, ils ont la couenne dure et ils font ce qu’ils ont à faire. C’était étonnant de voir à quelle vitesse les choses se sont remises en marche, même dans la vallée du Fraser.

Nous devons absolument travailler sur les infrastructures pour que cela ne se reproduise plus. Je ne pense pas qu’il y ait de plan unique qui permette d’éviter que cela se reproduise. C’était la plus grosse inondation que j’aie jamais vue de ma vie, et j’habite là-bas depuis un certain temps. Le port de Vancouver a été fermé, les chemins de fer ont été emportés, et les routes ont été fermées. Pour se rendre de Chilliwack à Abbotsford, qui n’est pas très loin, des gens prenaient de petits avions pour essayer d’atteindre un aéroport d’où ils pourraient quitter la région. Je vais m’arrêter ici. Merci.

M. Dunn : Pour faire suite aux commentaires de M. Dewit, nous nous sommes rendu compte de l’importance cruciale de la route 1 et de la vallée du Fraser pour l’ensemble de nos infrastructures, pour nos moyens de subsistance et pour la vie dans le Lower Mainland. Dans le cadre de l’examen des mesures d’atténuation par des experts, nous proposerions de prendre des mesures pour que la route 1 résiste mieux aux inondations étant donné son emplacement dans une plaine inondable.

C’est d’une importance cruciale, parce que les collectivités ont été complètement coupées du reste du pays et que cela a retardé la relance et évidemment nui à l’acheminement de nos produits laitiers vers les marchés. Un voyage de deux heures depuis les fermes laitières qui produisaient encore du lait jusqu’à l’usine de transformation est devenu un voyage de 12 à 16 heures. C’était incroyable. Il y a un coup de chapeau à donner à nos chauffeurs et à nos transporteurs, qui ont affronté des difficultés incroyables pour acheminer notre lait vers les marchés afin que les consommateurs en aient encore. Cela nous a fait comprendre à quel point la route 1 et nos chemins de fer sont indispensables à toute l’économie de la Colombie-Britannique.

M. Pryce : J’ajouterais que la Colombie-Britannique a une géographie unique qui présente des obstacles sur le plan de la chaîne d’approvisionnement. La Loi sur la modernisation des transports autorise l’interconnexion en cas de problèmes, par exemple, dans le transport de produits agricoles le long de telle ou telle ligne de chemin de fer.

Le moment de vérité arrive aux abords des Rocheuses. Il faut alors décider si le transport sera assuré par le Canadien Pacifique ou par le Canadien National et si le port de destination sera celui de Vancouver ou celui de Prince Rupert. Les producteurs de céréales du Nord de la Colombie-Britannique sont dans une situation unique puisqu’ils n’ont qu’une seule voie ferrée pour se rendre à un port. Il n’y a pas d’alternative comme il pourrait y en avoir dans d’autres provinces, en raison de l’énorme distance qui sépare ces deux ports et ces infrastructures de transport. Des liaisons supplémentaires entre le Nord et le Sud de la Colombie-Britannique pourraient régler certains de ces problèmes ou, du moins, atténuer les graves répercussions d’une perturbation de la chaîne d’approvisionnement. Merci.

Le sénateur Oh : Merci aux témoins. Je remercie tous ceux qui se sont levés tôt ce matin en Colombie-Britannique pour nous rencontrer.

Ma question est la suivante : les terres agricoles font partie de l’écosystème plus vaste dont le renforcement de la résilience pourrait être une mesure d’adaptation aux changements climatiques. Comme intendants des terres, les agriculteurs sont bien placés pour développer cette résilience, par exemple en favorisant des zones tampons naturelles comme des terres humides dans les zones inondables.

Quelles mesures les agriculteurs prennent-ils pour renforcer la résilience de l’écosystème dans la région de la vallée du Fraser? Quelles leçons faut-il tirer des mesures de rétablissement prises à la suite des inondations en Colombie-Britannique sur le plan de la gestion des terres?

M. Pryce : Merci beaucoup de votre question, monsieur le sénateur.

Pour répondre au premier point, les agriculteurs et les éleveurs se soucient beaucoup de leurs terres. Leur gagne-pain est lié à la terre et à la santé des écosystèmes. Ce rôle de premier plan est appuyé par certains programmes de la Colombie-Britannique, comme le programme des pratiques de gestion bénéfiques ou le plan agro-environnemental, dont j’ai parlé dans mon exposé préliminaire. Il s’agirait par exemple de réserver des zones de fourrage pour les pollinisateurs ou des zones tampons naturelles pour les terres, etc.

C’est un peu difficile, et c’est peut-être davantage un enjeu provincial, puisque c’est le ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Pêches qui, dans le cadre de son plan de services en Colombie-Britannique, a mis en œuvre 225 de ces programmes de pratiques de gestion bénéfiques au cours de l’exercice 2019-2020. Il en prévoit 270 au cours de l’exercice 2023-2024 et 270 de plus l’année suivante, mais avec peut-être seulement une augmentation des dépenses de 4 ou 5 %, pour suivre le rythme de l’inflation. Si l’on augmentait de près du tiers le nombre de ces plans agricoles, il y faudrait une augmentation correspondante des dépenses.

Nous espérons qu’il y aura plus de ressources pour que les agriculteurs qui veulent assumer ce rôle et qui ont simplement besoin des conseils d’un agronome ou d’un expert en conservation de l’environnement puissent recevoir ce soutien plutôt que d’être coincés dans une file d’attente sans fin.

J’espère que cela répond à votre première question. Nous voulons jouer un rôle de premier plan. Il y a effectivement des mesures de soutien, mais nous espérons qu’elles seront un peu augmentées à l’échelle provinciale. Merci beaucoup.

Le sénateur Oh : Jusqu’à présent, est-ce que les agriculteurs sont satisfaits de la situation? Cette catastrophe peut se reproduire à tout moment. Cela peut arriver. Avons-nous tiré une leçon de la catastrophe de l’an dernier?

M. Dunn : Je vous remercie de la question. Les agriculteurs aimeraient évidemment que l’on mette davantage l’accent sur les mesures d’atténuation, comme les digues, les stations de pompage et les infrastructures qui sont, depuis de nombreuses années, jugées inférieures aux normes et ne sont pas adaptées aux besoins actuels. Les agriculteurs aimeraient aussi voir plus de mesures concrètes et plus de plans pour les améliorer.

Mme Gill : Pour ajouter aux propos de M. Dunn, on s’inquiète pour l’avenir en ce moment, et je crois que beaucoup de producteurs de la région aimeraient voir plus d’investissements et plus de garanties du côté des mesures prises pour que les répercussions ne soient pas aussi graves si une autre inondation se produisait.

M. Krahn : Parmi les leçons tirées de cette expérience, il y a que la rivière Nooksack, au sud de la frontière, juste de l’autre côté de Sumas, est une préoccupation majeure. La solution n’est pas simple : ou bien on construit une digue en plein sur la frontière, ou bien les États-Unis contribuent à atténuer les crues de la Nooksack, qui se trouve sur leur territoire.

J’ai parlé de cette rivière avec un géologue et un ingénieur civil. Il semblerait qu’on puisse la détourner pour qu’elle se jette directement dans le fleuve Fraser si une pression suffisante y est exercée ou si l’un de ses affluents peut être détourné directement vers la vallée du Fraser et notre plaine de Sumas. C’est donc une préoccupation, et il y a là quelque chose à apprendre et à approfondir.

Le président : Merci beaucoup.

Le sénateur C. Deacon : Merci beaucoup, monsieur Krahn. Je veux continuer sur cette lancée avec vous et d’autres témoins.

D’après ce que nous avons appris, il semble que les 30 millions de dollars consacrés à l’amélioration de la digue pour pallier les crues de la Nooksack se sont transformés en un coût de plus de 1 milliard de dollars. Comme nous l’a dit Mme Gill, des milliers de vies ont été perturbées pendant 10 ans à la suite de cet événement. Il y aura de plus en plus de phénomènes climatiques majeurs, et les mesures d’atténuation et d’adaptation seront donc de plus en plus importantes. Visiblement, nous ne sommes pas encore à la hauteur, du moins d’après ce que nous ont dit les dirigeants municipaux à ce sujet.

Quels conseils avez-vous pour nous aider à privilégier ce genre d’investissements? Le retour sur investissement sera énorme, mais il s’agit d’un coût que nous n’avons pas encore engagé, et c’est là le problème. J’ai vécu un ouragan pour la première fois lorsque j’ai déménagé en Nouvelle-Écosse, et les gens nous disaient de nous préparer. C’était comme dire à quelqu’un à Miami de se préparer à un blizzard : personne n’avait jamais fait l’expérience de ce genre de phénomène, et, tant qu’on ne l’a pas vécu, on ne sait pas comment s’y prendre.

Nous avons donc besoin de vos conseils pour que les Canadiens et les dirigeants du gouvernement fédéral sachent mieux privilégier les mesures d’atténuation et d’adaptation. J’attends vos conseils avec grand intérêt. Merci.

M. Krahn : Merci. Oui, il y a évidemment beaucoup de formalités administratives pour les communications entre les instances municipales, provinciales et fédérales et pour comprendre ce problème. Les documents démontrent que des discussions sont en cours depuis plus de 20 ans pour trouver des mesures d’atténuation et des solutions aux problèmes d’entretien du système de digues.

Au-delà de cela, nous n’avons pas encore compris l’impact de la Nooksack, comme je l’ai mentionné tout à l’heure. Je peux imaginer qu’il y aurait énormément de formalités administratives pour traiter avec les Américains, établir des relations avec eux et savoir s’ils sont intéressés à venir en aide à la vallée. Je sais qu’ils ont beaucoup de terres agricoles juste au sud de la frontière, au sud de la prairie Sumas. J’imagine qu’ils voudront que des mesures d’atténuation soient mises en place là aussi.

La communication est un facteur très important.

M. Dewit : M. Krahn a fait allusion à la rivière Nooksack, mais il s’agissait d’un événement vraiment exceptionnel, parce que c’est la digue de la rivière Sumas qui a cédé dans la prairie Sumas. L’eau est arrivée chez nous en provenance des États-Unis et aussi de la digue qui a cédé au Canada.

Pour vous aider à comprendre, ce n’était pas la première fois que la prairie Sumas était inondée, mais cette fois, l’étendue de l’inondation a été beaucoup plus vaste que jamais auparavant. Ces 50 dernières années, nous avons souvent subi les crues de la Nooksack, mais c’est la rupture de la digue de la Sumas qui déversé la majeure partie de l’eau. C’est ce qui a causé une inondation de cette ampleur. Ensemble, ces deux rivières ont inondé toute la région en quelques heures. L’eau a monté très rapidement.

M. Dunn : Pour avoir une réponse à cette question, je vous supplie d’écouter les gens qui vivent le long des rivières et les communautés autochtones des régions rurales. Ces riverains savent que des mesures d’atténuation doivent être mises en place. Ils savent où ils sont vulnérables. Je sais que nos producteurs des régions rurales ne se sentent parfois pas entendus lorsqu’ils parlent des problèmes qui leur font peur et ensuite, leurs pires craintes deviennent réalité.

Mme Groothof : Étant résidante de la prairie ici, je peux vous dire qu’il y a eu deux brèches dans la digue. Nous savons depuis des années qu’il faut renforcer cette digue et en relever la hauteur. Pour des raisons environnementales, je sais que beaucoup de gens n’aiment pas draguer les rivières. Je suis désolée, mais les poissons se sont retrouvés sur la route à cause de la rupture des digues. Je ne sais pas si c’est une bonne idée de ne pas draguer.

Nous devons absolument avoir des discussions avec les Américains parce que l’eau vient de chez eux et elle inonde leurs terres également. Des membres de ma famille qui vivent de l’autre côté de la frontière m’ont demandé si leurs balles de foin avaient été entraînées au-delà de la frontière jusqu’à notre maison.

Nous devons également obtenir de l’aide pour nos stations de pompage. Elles ne sont pas aux normes. Je crains que cette catastrophe se reproduise si nous ne modernisons pas les infrastructures. L’autoroute doit être relevée ou reconstruite plus en hauteur dans la région exposée aux inondations parce que c’est la principale route dans notre région. De plus, le chemin de fer passe tout près de la frontière avec les États-Unis; s’il y a une brèche, l’eau l’endommagera et nous ne pourrons plus acheminer le grain jusqu’ici.

Il y a tellement de problèmes. Le gouvernement doit examiner la situation et réparer les infrastructures. Je vous remercie.

Le président : Merci beaucoup.

Le sénateur Wetston : Nous avons couvert beaucoup de sujets. Je vous remercie beaucoup pour toute l’information que vous nous avez fournie.

Je vais maintenant aller un peu plus dans les détails, si vous le permettez. La Colombie-Britannique a connu son lot de défis ces dernières années avec la canicule, la sécheresse, les incendies et les inondations qui ont causé des dommages dans la prairie Sumas. Je reconnais que vous avez traversé une période très difficile.

Pouvez-vous nous donner plus de précisions sur l’ampleur de la planification d’urgence qui a lieu entre les producteurs et les instances fédérales, provinciales et municipales? Nous entendons beaucoup parler des critères d’admissibilité, des plafonds, des formalités administratives et tout le reste, mais la prévention est vraiment importante. Vous avez beaucoup parlé des infrastructures, ce qui est évident.

Pouvez-vous nous donner une idée plus précise à cet égard? C’est en quelque sorte pour donner suite à certaines des questions posées par mes collègues. Je vous remercie. Je ne m’adresse à personne en particulier, mais si l’un de vous veut bien répondre, je l’apprécierais.

Le président : Qui veut commencer?

Le sénateur Wetston : Monsieur le président, si personne ne veut répondre à la question, j’en ai une autre à poser.

M. Krahn : Je peux vous donner quelques détails.

Certains des points dont nous avons discuté au sein de notre secteur ont été soulevés ici. L’endiguement est évidemment important — relever les digues, augmenter les secteurs endigués, entretenir les pompes, augmenter le nombre de pompes et, en ce qui concerne l’infrastructure de transport, surélever les chemins de fer et modifier les tracés ferroviaires. Le chemin de fer nord-sud serait parmi les plus urgents. M. Pryce en a parlé tout à l’heure. La modernisation du chemin de fer qui va vers la région de Peace, en Colombie-Britannique, nous donnerait la possibilité de transporter du grain lorsque les autres secteurs sont fermés. Cela serait peut-être une solution.

De plus, nous avons besoin de plus d’autoroutes. Actuellement, la route transcanadienne no 1 est à peu près notre seule route. Vous pourriez recommander non seulement d’en rehausser la hauteur, mais de construire d’autres autoroutes, au lieu d’en avoir une seule avec quelques routes secondaires. Cela serait bénéfique pour la sécurité alimentaire, l’accès, la main-d’œuvre, le déplacement des équipes de secours et ainsi de suite.

Le sénateur Wetston : Merci. Sans vouloir entrer dans votre vie privée, monsieur Guliker, vous avez dit — et je vais essayer de répéter vos propos — que vous n’avez pas pu consacrer votre temps à ce à quoi vous auriez dû. Est-ce trop personnel de vous demander à quoi vous auriez dû consacrer votre temps? Je n’ai malheureusement pas suivi les services de diffusion en continu, ni Netflix, ni aucun réseau du genre. Pouvez-vous nous parler de votre expérience personnelle afin que nous puissions mieux comprendre?

M. Guliker : Oui. Évidemment, nous avons commencé par essayer de faire des digues. Nous avons une excavatrice et des camions à benne, et j’avais du gravier à ma ferme. J’ai donc essayé de construire une structure d’endiguement sur ma propre ferme. Là où se trouvent les systèmes de distribution des aliments, j’ai essayé de construire des murs pour empêcher l’eau d’arriver aux aliments secs afin que je puisse nourrir les porcs.

Comme j’espérais que l’eau ne monte pas trop haut, je n’ai pas dit à mes employés et aux gens autour de quitter les lieux ou de stationner leur véhicule plus haut. Au lieu de sortir l’équipement de la ferme, nous avons fait tout ce que nous avons pu pour sauver le bétail dans la ferme.

Lorsque nos premières digues ont cédé, comme nous avons des granges de hauteurs différentes, nous avons envoyé les petits animaux dans la partie supérieure de notre exploitation, avec l’aide de 14 employés. Nous pensions que tout était correct pour les gros animaux, les truies dans notre cas, mais l’eau a continué à monter et elles se sont toutes noyées. Nos efforts ont été totalement vains. Je pensais que j’aurais pu sauver plus d’animaux et de matériel. Notre exploitation agricole s’étend sur deux secteurs, sur les plateaux. Nous avons été touchés le lundi, il nous restait très peu de ressources pour le lendemain quand la digue a cédé de l’autre côté des plateaux.

Le président : Je vous remercie.

Le sénateur Cotter : Merci à tous de vous être levés si tôt pour nous faire part de votre expérience, notamment des problèmes que vous avez vécus, monsieur Guliker. Je suis ému d’entendre cela. C’est tout à votre honneur et à celui des gens de votre collectivité. Vous avez fait un travail exceptionnel. En tant que Canadien, cela me remonte le moral, pour être franc avec vous.

J’ai une brève question qui fait suite à celles du sénateur Marwah et du sénateur Deacon. Il me paraît important que nous comprenions bien l’ampleur des dommages que vous, vos collègues et vos voisins avez subis sur le plan financier. Nous devrions en avoir un aperçu global afin de pouvoir comprendre les pertes que vous a causées cette catastrophe, à vous et à l’économie canadienne. Comme l’a expliqué le sénateur Deacon, il est impératif de faire les investissements dont nous parlons. Nous constatons malheureusement de manière concrète les conséquences de ne pas avoir pris des mesures plus efficaces. Je pense que cela est une motivation pour faire mieux.

Monsieur Pryce, pouvez-vous nous dire si cette idée fait son chemin afin que les investissements nécessaires de la part des divers ordres de gouvernement se concrétisent? Je vous remercie.

M. Pryce : Merci beaucoup, sénateur, pour cette question. Je pense que les divers ordres de gouvernement ont compris la gravité des répercussions des inondations. Par exemple, le Bureau d’assurance du Canada a dit que les dommages assurés totalisaient, je pense, 450 millions de dollars, et probablement 285 millions de dollars juste pour le secteur agricole, sans parler des dommages non couverts par l’assurance. Cela ne comprend pas les effets d’entraînement dont nous avons parlé en réponse aux questions précédentes.

Les divers ordres de gouvernement reconnaissent la nécessité de faire mieux et l’urgence de la situation, mais dans cette urgence, ils n’ont pas compris qu’une meilleure coordination pourrait décupler leurs efforts.

Par exemple, le gouvernement de la Colombie-Britannique met de l’avant la stratégie et le fonds pour la sécurité des bassins hydrographiques, avec d’autres programmes. Le gouvernement fédéral collabore avec certaines municipalités, mais il semble y avoir un manque évident de coordination. Il faut décloisonner ces efforts. S’il y avait une meilleure coordination entre ces programmes complémentaires, cela éviterait un chevauchement inutile des efforts. Nous aurions ainsi l’assurance que nous ne souffrirons pas autant la prochaine fois qu’un événement du genre se produira.

Le sénateur Cotter : Merci beaucoup.

La sénatrice Simons : J’avais l’intention de poser des questions au sujet des digues et d’autres mesures, mais le sujet a été bien couvert. Je vais donc aborder un sujet dont nous n’avons pas beaucoup parlé, c’est-à-dire les conséquences que tout cela aura sur les consommateurs au cours des prochains mois. Immédiatement après l’inondation, il y a eu de gros problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement et l’acheminement des biens vers les marchés. Croyez-vous que ces effets perdureront? Quelles sont les conséquences à moyen terme, pour ce printemps et cet été? Comme je passe l’été dans la région des bleuets de la vallée du Fraser, combien me coûteront mes bleuets? Quelles seront les répercussions sur les prix du porc et du poulet que les consommateurs achèteront au supermarché?

Mme Gill : Merci de votre question. Nous n’anticipons pas un impact majeur sur les consommateurs. Les problèmes étaient concentrés sur une petite région. Environ 2 500 acres sur une totalité de près de 30 000 acres ont été touchés, et un millier d’acres plus gravement. Dans notre secteur, je dirais qu’il n’y aura pas nécessairement d’incidence sur les prix à la consommation.

La sénatrice Simons : C’est une bonne nouvelle. Et qu’en est-il des produits laitiers et du porc?

M. Krahn : Pour la volaille, notre système de gestion de l’offre nous permet d’être plus résilients en matière de sécurité alimentaire que nous le serions autrement. L’approvisionnement en poulets de la Colombie-Britannique et du Canada ne sera vraisemblablement pas touché par cela, mais en général, les prix des aliments pour le bétail et les coûts du carburant et des céréales augmentent considérablement de semaine en semaine. Ces hausses ne sont pas simplement attribuables au manque d’accès au marché de novembre et décembre, elles sont générales. Comme l’inflation fait grimper tous les coûts, nous devons nous attendre à une augmentation des prix de détail pour tous les produits agricoles, si ce n’est déjà fait.

M. Dewit : Pour ajouter à ce que M. Krahn vient de dire, comme je l’ai dit en introduction, l’industrie porcine de la Colombie-Britannique est petite. Au Canada, le secteur du porc est différent de ceux de la volaille et des produits laitiers. Nous ne sommes pas soumis à la gestion de l’offre. C’est un marché nord-américain. Le Canada exporte 70 % de son porc à l’étranger. La Chine et le Japon sont nos principaux clients. Il n’y a pas de pénurie de porc pour les consommateurs canadiens, parce que ce produit circule librement ici au pays et au-delà des frontières.

Lorsqu’un événement météorologique comme celui-ci survient et que nos chemins de fer et nos routes sont bloqués, les principaux ports vers l’Asie le sont également. C’est pour cela que cet événement s’est répercuté sur les prairies également, parce que les grands transformateurs ne peuvent plus acheminer leurs produits à l’étranger tant que les trains et les camions ne recommencent pas à circuler.

Le président : Monsieur Dunn, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Dunn : Je veux rapidement faire écho aux propos de M. Krahn. Notre système de gestion de l’offre dans le secteur laitier s’est démarqué ici, en donnant aux consommateurs l’assurance qu’ils auront facilement accès au lait, au même prix qu’avant. Il est certain que les prix de nos intrants augmentent. Tous nos agriculteurs s’en inquiètent.

Je vais vous décrire la mentalité de nos producteurs laitiers. Au bout de deux ou trois jours, notre production est revenue à environ 90 % des niveaux habituels. Dès le retrait de l’eau, les agriculteurs se sont dépêchés d’aller dans leurs étables pour faire la traite des vaches et ensuite, ils sont allés retrouver leurs familles dans leurs maisons inondées et leurs sous-sols détruits. Leur premier réflexe a été de traire les vaches, de mettre le mécanisme de traite en marche et de s’assurer que les vaches allaient bien et qu’il y aurait du lait pour les consommateurs. C’est une attitude qui me rend fier de travailler avec les producteurs laitiers de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Klyne : Ma question fait suite à celles du sénateur Marwah et d’autres collègues à cet égard. La sénatrice Simons a dit que nous avions beaucoup discuté de l’atténuation du risque, mais pour revenir à ce qu’elle a dit précédemment, ces événements météorologiques vont se poursuivre et probablement devenir plus fréquents. D’après ce que je comprends, les terres agricoles de la vallée du Fraser, entre Abbotsford et Chilliwack, en Colombie-Britannique, ont été créées par les colons européens qui ont drainé le lac Sumas dans les zones aujourd’hui appelées la prairie Sumas, qui a été la plus durement frappée par ces inondations catastrophiques.

Quelqu’un a mentionné que, depuis des décennies, de vastes structures de défense contre les inondations sont mises en place dans cette région, sans engagement ni conviction. Ma question s’adresse à quiconque voudra bien y répondre. Y a-t-il aujourd’hui un engagement et une conviction à reconstruire en se tournant vers l’avenir et à tirer des leçons de ces événements douloureux? Et quelles mesures de protection et d’atténuation du risque ont été prises avec conviction, qu’il s’agisse de vannes, de digues, de canaux de dérivation et d’aires de stockage de l’eau, d’un nombre accru de stations de pompage, de nouveaux codes du bâtiment, de mesures de protection naturelle contre les inondations et d’une moins grande dépendance à l’égard des digues et des murs de protection contre les crues? Qu’en est-il de la conviction et de l’engagement à reconstruire pour l’avenir?

Le président : Qui veut commencer à répondre à cette question?

Le sénateur Klyne : Je pense que la Ville d’Abbotsford a présenté plusieurs propositions dont le coût varie entre 209 millions et près de 2 milliards de dollars.

M. Guliker : Nous avons la chance d’avoir un maire très actif, le maire Braun, et il nous a beaucoup aidés en organisant des séances d’information publique afin que les résidants puissent donner leur avis sur les nouvelles infrastructures qui seront construites. Bien entendu, la municipalité a une capacité limitée de dialoguer avec les villes outre-frontière parce que ces projets impliquent l’aménagement d’infrastructures aux États-Unis. C’est ce que le maire a dit. Il est très déterminé à faire en sorte que ces échanges aient lieu. Il a joué un rôle important durant les inondations, en faisant le point tous les jours et en travaillant avec les gens sur le terrain. Je pense que ce que vous devez savoir aujourd’hui, c’est qu’il n’a pas le pouvoir de réunir des représentants du gouvernement fédéral et leurs homologues américains dans un bureau pour qu’ils discutent de la mise en place de ces infrastructures.

Le président : Merci. Mes collègues se souviennent sans doute que nous avons accueilli son honneur le maire ici il y a quelques semaines.

Le sénateur Klyne : J’espérais que vous me diriez que d’autres paliers de gouvernement avaient manifesté leur engagement et leur conviction. En résumé, je dirais qu’il est temps que nous consultions l’Agence canadienne de l’eau, que nous rédigions une nouvelle version de la Loi sur les ressources en eau du Canada et que nous commencions à remplir nos obligations, parce que ces événements seront récurrents. Ce que j’entends, c’est que les instances municipales n’ont pas le soutien des instances provinciales ou fédérales.

Mme Gill : Monsieur le sénateur, je ne sais pas si je pourrai répondre à cette question de manière exhaustive. Mon silence était en partie dû au fait que nous n’avons pas beaucoup d’information sur le prochain plan d’action. Il y a eu beaucoup de discussions et de leçons apprises. Il se peut que nous allions dans cette direction, mais nous ne savons pas, du moins je ne sais pas, quels seront les résultats.

M. Pryce : Je m’excuse d’être resté silencieux tout à l’heure. Je sais que les vannes de Barrowtown ont été réparées assez rapidement après la première brèche, mais à part cela, je ne suis pas au courant des engagements financiers pris par le gouvernement, fédéral ou provincial, concernant les infrastructures supplémentaires d’atténuation des inondations. Je ne suis au courant de rien. Je vous remercie.

Le sénateur C. Deacon : Je remercie les témoins de leurs édifiants témoignages sur cet événement vraiment déchirant. L’automne prochain, probablement, nous allons entamer une étude sur la santé des sols, en particulier sur le rôle des sols pour atténuer les impacts des changements climatiques ou pour nous aider à les gérer. J’aimerais avoir des conseils ou des renseignements tirés de votre expérience concernant les effets des inondations sur vos sols et sur les végétaux, comme nous en a parlé Mme Gill.

Connaissez-vous des méthodes de gestion des sols susceptibles de favoriser un rétablissement plus robuste des sols après de futures inondations majeures ou vous intéressez-vous à ces méthodes? Il peut s’agir de la capacité des sols à absorber l’eau plus rapidement. Je sais que cela aurait été utile dans cette situation. Avez-vous fait des travaux à cet égard? Avez-vous réfléchi à des solutions susceptibles de nous éclairer quand nous entreprendrons notre étude sur cette question?

Le président : Qui souhaite amorcer la discussion?

M. Pryce : Je vais me porter volontaire à nouveau. Merci beaucoup, monsieur le président et merci, sénateur, pour cette question. J’avoue que je ne suis pas un spécialiste des sols, je ne suis donc pas forcément au courant des avancées scientifiques dans ce domaine, mais je comprends qu’une culture à labour minimal ou sans labour contribue à la rétention du carbone et qu’une inondation ou une érosion majeure de la couche arable empêcherait le stockage du carbone dans le sol.

Concernant les problèmes liés à la pénurie d’eau en Colombie-Britannique, le Conseil de l’agriculture de la province a cherché à obtenir plus de soutien de la part des autres paliers de gouvernement. Le stockage à long terme de l’eau sur le terrain, dans les exploitations agricoles ou dans les réservoirs, par exemple, permet d’éviter la saturation des sols durant des périodes de pluie excessive. Nous ne pouvons pas faire grand chose pour améliorer la capacité d’absorption. Nous pouvons évidemment essayer de contrôler cette quantité d’eau afin d’avoir une plus grande réserve d’eau durant les périodes de sécheresse et pour éviter les dommages durant les périodes de pluie excessive. Cela permet de répartir l’eau plus également au lieu de la recevoir tout d’un coup.

J’espère que cela répond à votre question. Si jamais vous nous demandez notre avis sur cette étude des sols à l’avenir, je vais m’assurer d’être mieux informé. Je vous remercie.

Le président : D’autres commentaires? Comme je ne vois personne, je vais poser une dernière question à M. Guliker.

Je vous remercie pour votre témoignage. Il va sans dire que les inondations ont été plus nombreuses ce printemps. Vous avez parlé d’humanité et de bonté dans votre façon d’affronter la situation. Comment les collectivités doivent-elles se préparer à ce genre de catastrophes à l’échelle locale et sur le plan personnel? Avez-vous des idées?

M. Guliker : Bien entendu, chaque situation d’urgence est unique. Cependant, il est très déconcertant de se retrouver devant des routes bloquées et des gens armés en uniformes qui nous interdisent de nous rendre sur nos fermes, qui nous disent que la route est bloquée, qu’elle n’est pas sécuritaire et que nous ne pouvons pas aller sauver notre bétail. Il serait utile d’avoir un groupe de liaison entre les forces de police et les citoyens. Ces groupes de liaisons pourraient apporter leur aide en laissant les gens revenir dans la zone d’urgence. Ces résidants connaissent la région et savent ce qu’il faut faire. Comme le secteur de l’élevage et de l’agriculture est en décroissance, il y a de moins en moins de gens qui comprennent ce qu’il faut faire à l’intérieur de cette zone. Ne pas pouvoir retourner dans cette zone ou se faire dire que nous n’avons rien à faire là alors qu’il se passe plein de choses à l’intérieur de la zone, c’est probablement quelque chose que nous devrions corriger. J’ai été très en colère de me faire interdire de revenir dans ma ferme. Le plus important, ce serait de désigner un groupe de personnes qui interviendrait dans une situation d’urgence.

Le président : Merci beaucoup. Monsieur Dewit, avez-vous un commentaire à faire?

M. Dewit : Je vais poursuivre dans la même veine que M. Guliker. Deux de mes gendres habitent près de la ferme de M. Guliker. Un samedi soir, la station de pompage de Barrowtown — une importante station de pompage de la prairie Sumas — était menacée et 200 jeunes hommes s’y sont rendus à leurs risques et périls. Ils ont mis des sacs de sable tout autour de la station et l’ont sauvée. Les agents de sécurité leur criaient : « Vous ne pouvez pas aller là ». Je comprends que la vie humaine est plus importante. Mais ces gars étaient en mission et ils ont fait leur travail. C’est une zone où il doit y avoir plus de coordination. Certains des signaleurs n’étaient même pas des agents de police. Ils faisaient simplement leur travail. On leur avait dit de ne laisser passer personne. Les agriculteurs qui habitent là-bas savaient mieux que quiconque ce qu’il fallait faire. Il doit y avoir une meilleure coordination dans ces zones où les intervenants doivent savoir ce qu’il y a à faire et qui doit le faire.

Le président : Merci. Sur ce, nous allons conclure cette partie de la réunion.

Je tiens à rassurer mes collègues que lorsque nous avons invité nos témoins à comparaître, nous savions que ce serait très tôt le matin. Ils nous ont tous répondu : « Nous sommes des agriculteurs. Nous serons là ». Merci à nos témoins.

Des voix : Bravo.

Le président : Monsieur Pryce, monsieur Krahn, madame Groothof, madame Gill, monsieur Guliker et monsieur Dunn, je tiens à vous remercier sincèrement de votre participation aujourd’hui. Nous vous sommes très reconnaissants de votre contribution à notre étude sur ce sujet. Merci encore.

Je remercie également les membres du comité de leur participation active et de leurs questions réfléchies.

Nous allons maintenant aborder le deuxième point à l’ordre du jour, l’examen d’une ébauche de budget, conformément à l’ordre de renvoi relatif à notre étude sur la santé des sols.

Vous avez reçu une copie de l’ébauche de budget pour la participation d’un groupe de quatre membres du comité AGFO et d’un analyste au Congrès mondial des sciences du sol qui se tiendra cet été à Glasgow, en Écosse. Les coûts prévus dans le budget que vous avez sous les yeux comprennent le transport aérien, l’hébergement, les frais d’inscription et les frais connexes liés à la protection contre la COVID.

Sur ce, les sénateurs ont-ils des questions ou des commentaires concernant le budget proposé pour ce voyage?

Êtes-vous d’accord pour que cette demande de budget, conformément à l’ordre de renvoi du comité visant l’examen et la production d’un rapport sur l’état de la santé des sols au Canada, soit approuvée aux fins de présentation au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration pour l’exercice se terminant le 31 mars 2023?

Pour votre information, le coût total de la participation à la conférence est de 50 977 $. Êtes-vous d’accord, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Le président : Comme il n’y a pas de dissidence, je déclare la motion adoptée.

Avant de poursuivre à huis clos, je tiens à remercier à nouveau les membres de notre équipe d’interprétation et de logistique qui assurent toujours le bon déroulement de nos réunions. Un grand merci à nos collègues qui sont dans les cabines. Votre travail est très apprécié.

Chers collègues, êtes-vous d’accord pour que nous suspendions la séance pendant quelques minutes pour clore la partie publique avant que nous poursuivions à huis clos?

Le sénateur Oh : D’accord.

Le président : Adopté.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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