LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’AGRICULTURE ET DES FORÊTS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 13 février 2024
Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 18 h 30 (HE), avec vidéoconférence, afin d’examiner pour en faire rapport l’état de la santé des sols au Canada.
Le sénateur Robert Black (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonsoir à tous et bon Jour de l’Agriculture canadienne. C’est bien de nous rencontrer pour le Comité de l’agriculture et des forêts à l’occasion du Jour de l’agriculture canadienne. C’était une grande journée aujourd’hui de l’autre côté de la rue, un certain nombre d’intervenants ayant parlé de la nourriture pour notre avenir, c’était donc le sujet de la discussion d’aujourd’hui.
J’aimerais commencer par souhaiter la bienvenue aux membres du comité, à nos témoins et aux personnes qui regardent la réunion en ligne. Je m’appelle Rob Black, je suis sénateur de l’Ontario et président du comité. Avant de commencer, j’aimerais demander à nos sénateurs de se présenter.
La sénatrice Simons : Sénatrice Paula Simons, de l’Alberta; je viens du territoire visé par le Traité no 6.
La sénatrice Burey : Sharon Burey, sénatrice pour l’Ontario.
Le sénateur Cotter : Brent Cotter, sénateur de la Saskatchewan; je viens du territoire visé par le Traité no 6.
Le sénateur Oh : Victor Oh, de l’Ontario.
Le président : Nous allons poursuivre notre étude sur la santé des sols au Canada. Pour notre premier groupe de témoins concernant l’aménagement paysager des sols urbains, je suis heureux d’accueillir M. Alan White, vice-président de la chaire sur l’adaptation au changement climatique; et M. Phil Paxton, ancien président de l’Alliance canadienne de l’horticulture ornementale, qui se joindra à nous par vidéoconférence. M. Paxton vient de Calgary.
Je suis ravi de vous revoir, messieurs. Cela fait quelques semaines. C’est un plaisir de vous voir. Je vous inviterais à présenter vos exposés. M. Paxton prendra la parole en premier, suivi de M. White. La parole est à vous, monsieur Paxton.
Phil Paxton, ancien président, Alliance canadienne de l’horticulture ornementale : Bonsoir. Merci beaucoup de me permettre de comparaître ce soir et de discuter de la santé des sols au Canada.
Je suis Phil Paxton, ancien président de l’Alliance canadienne de l’horticulture ornementale, ou ACHO. Je suis agriculteur et entrepreneur en aménagement paysager de l’Alberta.
L’ACHO est une alliance de trois organisations à but non lucratif qui représente la chaîne de valeur de l’horticulture ornementale au Canada.
C’est la première fois que nous comparaissons devant le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, alors permettez-moi de décrire notre secteur.
Nous sommes des agriculteurs, nous cultivons des plantes, comme les fleurs en pot et les fleurs coupées, le gazon, les arbustes et les arbres. Nous les cultivons à l’extérieur et en serres. Nous cultivons aussi des aliments, comme des semences potagères, des plants de légumes et des arbres fruitiers. Au total, le secteur cultive des milliers de types de plantes différents dans tous les types de sols et de conditions météorologiques partout au Canada. Bon nombre des plantes vivent de 10 à 100 ans.
Le secteur canadien de l’horticulture ornementale est la sixième culture en importance au Canada et le dixième produit agricole.
Nous sommes un contributeur principal de l’économie canadienne, avec des ventes à la ferme s’élevant à 2,58 milliards de dollars en 2022. De plus, nous avons exporté plus de 906 millions de dollars de produits d’horticulture ornementale principalement aux États-Unis, et ce chiffre date de 2022.
Nous employons également 220 000 personnes, dont 110 000 occupent des postes à temps plein dans l’ensemble de la chaîne de valeur.
Je pense que nous nous entendons pour dire que le sol est le fondement de notre capacité de cultiver des plantes, et c’est un outil essentiel à l’adaptation au changement climatique et à l’atténuation de celui-ci. Des sols sains sont synonymes de plantes saines. Des plantes saines sont synonymes d’une planète en santé, et une planète en santé est synonyme de sols sains.
Nous sommes des agriculteurs qui nous efforçons constamment d’améliorer nos pratiques de gestion des sols afin que nos plantes poussent plus rapidement et plus fort, avec moins de pesticides et d’irrigation. Nos activités en dépendent.
Nous les menons grâce à des investissements importants dans la recherche et à une adoption à l’échelon des agriculteurs. Le gouvernement fédéral n’a pas d’expertise de recherche en horticulture ornementale, alors il nous incombe de trouver des chercheurs pour nous aider à élaborer des pratiques qui sont plus durables sur le plan environnemental.
Lorsque vous pensez aux plantes d’horticulture ornementale, vous avez peut-être en tête les célébrations, les fêtes, les cadeaux, un élément qui contribue à une bonne santé mentale, à la condition physique, à l’amélioration de la qualité de l’air à l’intérieur et à l’extérieur, à l’embellissement des cours et à la création d’habitats sauvages pour les pollinisateurs. Mais nos plantes contribuent également à l’amélioration du sol, à la prévention de l’érosion des sols, à la stabilité des terres, à la filtration de l’eau, à la réduction des crues, à des espaces verts urbains et à la réduction des températures urbaines.
En raison de la longévité des produits d’horticulture ornementale, comme les arbres qui vivent plus de 100 ans, leur contribution à la santé des sols ruraux et urbains est continue. Encore une fois, des sols sains sont synonymes de plantes saines.
Nous adoptons des pratiques agricoles, comme la plantation de cultures de couverture et l’introduction d’amendements du sol. Ces pratiques visent à améliorer la santé des sols.
En outre, les plantes d’horticulture ornementale et les meilleures pratiques de gestion peuvent contribuer à un environnement rural et urbain résilient et aux objectifs nationaux et internationaux en matière de changement climatique.
Nos plantes aident d’autres secteurs agricoles à améliorer la santé de leurs sols agricoles grâce aux plantations qui stabilisent le sol et le protègent contre l’érosion hydrique et éolienne. Par exemple, les plantations le long de cours d’eau, comme les rivières et les lacs, créent des zones riveraines qui procurent des habitats fauniques, préviennent le ruissellement des nutriments et protègent contre la perte de sols de grande valeur.
En rétablissant l’équilibre des écosystèmes, le secteur soutient les efforts agricoles pour mettre en état les terres improductives.
Nos pratiques et nos plantes peuvent aussi aider les zones urbaines à améliorer la santé de leurs sols et contribuer à l’atténuation du changement climatique. Après tout, 80 % de la population canadienne vit en région urbaine. Par exemple, les jardins résidentiels, les espaces verts et les rues bordées d’arbres peuvent contribuer à l’amélioration de la santé des sols urbains.
Enfin, les plantes et les services sont utilisés pour assainir ou améliorer les sols dégradés dans les régions rurales et urbaines. À titre d’exemple, les résidus miniers et les émissions des centrales au charbon dégradent la santé des sols des zones avoisinantes. Les plantations d’horticulture ornementale peuvent promouvoir l’assainissement en éliminant les toxines, les produits chimiques et les métaux lourds, ce qui améliore la qualité des sols.
Mon collègue, M. White, fournira des exemples précis de la façon dont le secteur de l’horticulture ornementale peut influencer de manière positive la santé des sols.
En conclusion, l’ACHO recommande ce qui suit : premièrement, le gouvernement canadien devrait prendre en considération le rôle des plantes et des pratiques de gestion bénéfiques, car elles établissent des politiques et règlements pour améliorer la santé des sols et réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Deuxièmement, les politiques doivent améliorer un équilibre approprié entre les programmes d’adaptation et d’atténuation, et encourager les synergies entre les secteurs agricoles ainsi qu’entre les environnements ruraux et urbains, tout en fournissant les mesures de soutien techniques et les fonds appropriés.
Enfin, des recherches sont nécessaires pour promouvoir des technologies et des pratiques novatrices et soutenir leur adoption.
Merci beaucoup au Sénat de m’avoir permis de prendre la parole ce soir, et je répondrai volontiers à vos questions.
Le président : Merci, monsieur Paxton. Nous allons maintenant entendre M. White.
Alan White, vice-président de la chaire sur l’adaptation au changement climatique, Association canadienne des pépiniéristes et des paysagistes : Merci beaucoup. Je m’appelle Alan White et je représente l’Association canadienne des pépiniéristes et des paysagistes, ou ACPP, en tant que président du Comité de l’adaptation au changement climatique. Merci de me permettre de comparaître devant vous aujourd’hui pour parler de l’importance cruciale de la santé des sols dans les aménagements paysagers urbains.
L’ACPP est une fédération nationale à but non lucratif regroupant neuf associations provinciales de paysagistes et d’horticulteurs qui représentent plus de 4 600 entreprises membres de l’ensemble du Canada. L’horticulture ornementale est la sixième culture en importance de tout le secteur agricole, et notre industrie représente actuellement plus de 14 milliards de dollars d’impact économique, créant et maintenant plus de 220 000 emplois équivalents temps plein pour les Canadiens.
Notre chaîne de valeur, comme M. Paxton y a fait allusion, commence par nos producteurs primaires : nos agriculteurs, les gens qui cultivent nos arbres, nos plantes, nos gazons et nos produits d’horticulture ornementale, tant à la ferme qu’en serres. Leurs produits finissent par garnir nos centres de jardinage de détail et les entreprises de conception, de construction et d’aménagement paysagers d’un bout à l’autre du Canada.
Le sol est le fondement de notre capacité de cultiver des plantes, et il joue un rôle crucial dans l’adaptation et l’atténuation climatiques. Comme M. Paxton l’a dit, le sol est une substance vivante, et des sols sains sont synonymes de plantes saines, ce qui équivaut à une planète et à une population en santé. En bref, le sol, c’est la vie.
Nos agriculteurs garantissent les cultures les plus saines en investissant d’abord dans le sol. Pour veiller à la croissance de spécimens solides et sains, ils effectuent des recherches, des tests, des amendements ou des augmentations constants du sol. Ce n’est qu’alors que des produits d’horticulture ornementale peuvent être utilisés d’un éventail de façons dans nos contextes urbains.
Comme M. Paxton l’a mentionné, il est bien connu au Canada et dans le monde que plus de Canadiens que jamais vivent et travaillent dans nos villes, mais les villes ne sont pas propices à la croissance naturelle, où les solutions naturelles sont le plus nécessaires. En incorporant des espaces verts, comme des parcs, des jardins et des couloirs verts, les villes peuvent fournir des habitats à un éventail d’espèces végétales et animales. Nos plantes fournissent divers services écosystémiques qui sont essentiels au bien-être des humains. Les arbres, les pelouses et la végétation dans les zones urbaines aident à atténuer la pollution de l’air, à réguler les températures, à réduire les îlots de chaleur et contribuent à la gestion des eaux pluviales et à la séquestration du carbone, ce qui permet d’atténuer les répercussions du changement climatique. C’est beaucoup plus difficile à faire sans des sols sains.
En prenant en considération les efforts dévoués de nos agriculteurs — qui investissent temps, ressources et recherche dans la culture des sols pour favoriser des plantes robustes, les pollinisateurs et les gazons —, nous reconnaissons les nombreux avantages que ces produits fournissent à nos régions urbaines, comme je les ai énumérés plus tôt. Cependant, il est impératif de reconnaître qu’il est irréaliste de s’attendre à voir s’épanouir une vie végétale dynamique dans des sols morts épuisés.
Les sols urbains — que l’on trouve dans les villes et les régions urbaines — sont principalement associés aux utilisations terrestres résidentielles, commerciales et industrielles. Ils soutiennent généralement les structures bâties et les routes, et sont souvent modifiés et compactés à cause de la construction et des exigences liées au développement urbain. De plus, ils contiennent régulièrement des niveaux plus élevés de matériaux du sous-sol d’origine et de possibles contaminants, comme les métaux lourds et les polluants, par rapport aux sols agricoles et aux sols forestiers. Les mêmes sols secs, compactés et morts qui sont utilisés pour soutenir les bâtiments et les routes ne peuvent soutenir et préserver la vie.
Une sensibilisation accrue au sujet de l’importance de la santé des sols et de son rôle dans la durabilité urbaine est essentielle pour réagir à cette question. Bien qu’il y ait des régions où des efforts pour lutter contre la dégradation des sols urbains sont déployés, le mauvais traitement et la mauvaise gestion de cette ressource précieuse continuent. Les efforts pour lutter contre la dégradation des sols dans les environnements urbains comprennent des mesures de planification urbaine durable et de conservation des sols, ce qui comprend la façon dont nous gérons, entreposons et réintroduisons les sols dans ces environnements, en plus du développement d’infrastructures vertes. Il ne faut pas oublier la mise en œuvre de pratiques de gestion optimales pour la construction et l’aménagement paysager, l’utilisation de la Norme canadienne du paysage.
La Norme canadienne du paysage a été élaborée et gérée par le comité conjoint de l’Association des architectes paysagistes du Canada et de l’Association canadienne des pépiniéristes et des paysagistes. La révision la plus récente comprend la « section 5 — milieu de culture ». Cette section définit les conditions de base des milieux de culture qui garantissent la survie des plantes et l’établissement dans ces environnements.
Nous demandons au comité d’examiner la législation actuelle sur la protection des sols en vigueur au Canada et de passer en revue et de déterminer les lacunes, les obstacles et les occasions qui s’appliquent aux sols urbains.
Les villes ont besoin que l’on accorde une attention spéciale aux sols, ce qui soutiendra la croissance d’infrastructures vertes. Cela permettra de réduire la teneur en charbon et d’atténuer les préoccupations très réelles associées aux inondations, à l’érosion et aux îlots de chaleur en milieu urbain. Nous demandons au gouvernement de fournir des fonds pour l’élaboration de solutions naturelles en veillant à ce que les aménagements paysagers urbains aient un sol capable de préserver la vie.
Merci encore une fois de m’avoir permis de vous parler des besoins spéciaux et des répercussions des sols urbains. L’ACPP s’engage à travailler avec le comité pour assurer une meilleure compréhension des sols urbains, de leurs répercussions et de leurs conséquences sur la santé humaine et le bien-être des humains, ainsi que de leurs effets sur l’adaptation climatique. Nous sommes à la disposition du comité et, franchement, nous serions heureux d’avoir l’occasion de mener d’autres consultations.
Merci. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
Le président : Merci beaucoup, monsieur White.
Nous allons passer aux questions. Avant de le faire, je vous rappelle que vous avez cinq minutes — nous ferons plusieurs séries au besoin — pour votre question, ou vos questions, et les réponses. Encore une fois, lorsqu’il restera une minute, vous verrez la main levée, et les deux mains signifieront qu’il est temps de passer à quelqu’un d’autre.
Sur ce, je vais céder la parole à notre vice-présidente pour sa question.
La sénatrice Simons : Merci beaucoup à nos deux témoins. Je trouve ça tout à fait fascinant parce que, bien sûr, nous nous sommes concentrés principalement sur les sols agricoles, mais les sols urbains sont, bien évidemment, importants pour la santé, ils nous aident avec la gestion de l’eau et la gestion de la chaleur. Pourtant, là où je vis à Edmonton, je vois un grand nombre de gens qui arrachent leur pelouse et installent des surfaces dures, qu’il s’agisse d’AstroTurf ou d’un certain type de dalles de béton, parce que je pense qu’ils se disent que le gazon gaspille de l’eau et que c’est mauvais pour l’environnement.
Quelles pratiques les citadins pourraient-ils employer dans leur aménagement paysager domiciliaire qui nous permettraient de créer un meilleur sol urbain qui soit sain?
Monsieur Paxton, je vis à Edmonton, dans la zone 4. Puis-je avoir une pelouse de thym? Est-ce que ça fonctionnerait pour moi?
M. Paxton : C’est une excellente question. Je présume que vous aimeriez que je commence parce que je viens de Calgary. Je me trouve dans la zone 2.
La sénatrice Simons : C’est exact, oui.
M. Paxton : Je suis dans la zone 2, et vous, dans la zone 4.
L’environnement urbain représente un défi, et il est difficile d’éduquer les gens, mais l’effet d’îlots de chaleur en milieu urbain est réel, et les gens qui vivent dans les villes le savent. L’un de mes dictons favoris est le suivant : « S’il y a un banc sans arbre au-dessus de lui, vous ne verrez pas une foule de gens s’asseoir sur ce banc. Cependant, s’il y a un arbre au-dessus, cette ombre est utilisée par tout le monde, et on fait même la queue pour s’assoir sur ce banc ».
Pour revenir à votre question concernant la façon dont les citadins peuvent en fait vivre dans la ville et aider à réduire l’effet d’îlots de chaleur en milieu urbain, l’une des pires choses qu’ils pourraient probablement faire, c’est de remplacer le vert par du gris. Les infrastructures grises, ou les infrastructures de béton ou d’asphalte, augmentent l’effet des îlots de chaleur en milieu urbain. Notre message, c’est ne faites pas cela. Faites tout ce que vous pouvez pour continuer de vivre avec des infrastructures vertes ou des solutions naturelles là où vous vivez.
Un des moyens que nous utilisons pour encourager les gens à le faire, c’est de stocker l’eau qu’ils recueillent sur leur propre pelouse privée. Vous pouvez utiliser des choses comme des barils récupérateurs d’eau de pluie, puis utiliser ces barils pour arroser votre gazon. Nous savons que l’industrie verte a réglé de nombreux problèmes d’inondations et d’effets de chaleur.
Je comprends bien votre question : c’est un défi pour nous tous de reconnaître que d’éliminer les infrastructures vertes et d’adopter les infrastructures grises est un peu une tendance. Nous espérons que, avec une meilleure éducation et un accès à plus de renseignements au sujet des dangers que cela comporte, nous pouvons introduire certaines des vieilles solutions naturelles qui peuvent aider à renverser cette tendance.
Je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose, monsieur White.
La sénatrice Simons : Puis-je avoir une pelouse de thym? C’est ma question.
M. White : Certainement, vous pouvez avoir une pelouse de thym, tant que vous n’invitez pas tout le voisinage à jouer au soccer dessus. Elle n’aime pas trop être piétinée.
Je viens du Sud de l’Ontario, et, franchement, je suis gestionnaire de pelouse de formation. Les gazons et les pelouses sont mon expertise, alors que celle de M. Paxton est certainement liée aux arbres. Toute couverture végétale — thym, gazon et jusqu’au couvert forestier — contribue à soutenir cette structure du sol.
Les plantes vivantes font deux ou trois choses lorsqu’elles interagissent avec les sols, et la plupart des gens ne se rendent pas compte que le gazon est l’une de ces plantes. Le gazon a un système de racines incroyable et emmagasine 80 % de son carbone dans le sol. Il introduit également une énorme quantité de racines et de matière organique à ce titre, que ce soit des pâturages naturels ou, à mesure que nous nous déplaçons dans les villes... cela est amplifié.
C’est l’autre élément de ce que font toutes les plantes, ce dont la plupart des gens ne se rendent pas compte : c’est le moyen et le mécanisme qui injecte en réalité les nutriments, l’eau et l’oxygène dans la surface du sol, qui lui permet d’être vivant.
C’est une relation de symbiose dans laquelle il y a des échanges. Lorsque les sols sont morts, celle-ci est grandement réduite. Toute présence de matière végétale, comme M. Paxton y a fait allusion — mais particulièrement les gazons ou des éléments qui utiliseront les petits espaces verts importants où les arbres ne vivent pas — est beaucoup mieux que les infrastructures grises, assurément.
La sénatrice Simons : Personne ne va me donner de pelouse de thym.
M. White : Non.
Le sénateur Oh : Merci, messieurs, de vous joindre à nous aujourd’hui. Quels sont les avantages économiques, environnementaux et sociaux des produits d’horticulture ornementale? Quel est l’avantage pour notre société? Ma question s’adresse à tout le monde.
M. White : Je peux commencer, et M. Paxton pourra ajouter quelque chose.
L’ensemble de la chaîne de valeur est la vie. Le sénateur Black est allé à la COP 28 à Dubaï, et il y a une nouvelle conversation depuis Glasgow, où les plantes et les solutions naturelles sont au cœur du problème. Lorsque des produits horticoles sont mis dans les mains des gens, cela leur permet de participer à l’interception du carbone, en soutenant la vie et en fournissant de l’air pur aux résidents ou à ceux qui y participent, et aussi, comme nous ne cessons de le dire, à l’atténuation de la chaleur.
C’est l’évapotranspiration de l’eau et la gestion de l’eau : au lieu de recourir à nos infrastructures planifiées traditionnelles qui éloignent l’eau le plus rapidement possible de l’habitat humain, il s’agit de ramener l’eau dans l’habitat humain au moyen de l’aménagement paysager et de l’inclusion de plantes ayant une application précise; il faut passer des infrastructures grises aux infrastructures vertes. Beaucoup des mêmes aspects techniques sont étudiés lorsque vous mettez en œuvre des infrastructures vertes, mais vous examinez vraiment la question d’une solution naturelle pour voir dans quelle mesure vous pouvez vous inspirer de la nature et l’apporter dans une ville, et cela permettra à ces avantages de se transplanter, essentiellement, dans celle-ci.
Le problème, c’est lorsque nous entendons parler de « solutions naturelles », une expression couramment utilisée, et les villes sont très artificielles de nature. Lorsque vous introduisez une plante dans cet environnement, il est essentiel que la conception puisse soutenir cette vie, et on en revient au pouvoir du sol.
M. Paxton peut parler du point de vue agricole — et de celui de l’entrepreneur en aménagement paysager dans la région du Grand Calgary — et de sa participation au projet Bow River après la grande inondation à Calgary. Les plantes dans les fermes se portent très bien, et c’est ce que nous avons appris en cultivant ces plantes en pépinière pour les mettre sur le marché : elles ont une grande capacité de survie. Nous les introduisons dans des villes où les taux de pollution, de compaction et de chaleur sont élevés et où le sous-sol est mauvais, et ces êtres vivants naturels font face à de grandes difficultés; le taux de mortalité des plantes dans les villes est important. Le défi consiste à savoir comment changer cette variable plutôt que de se contenter de planter encore et toujours plus. Du point de vue de la ferme, c’est excellent, parce que nous déplaçons plus de plantes. Du point de vue de la durabilité et des répercussions sur la santé humaine concernant l’adaptation climatique, ce n’est pas un bon calcul.
Voilà comment l’ensemble de la chaîne de valeur — parce qu’elle représente tout ce qui va de la ferme jusqu’à ces environnements très artificiels — est la principale voie permettant d’amener des solutions naturelles aux Canadiens.
Le sénateur Oh : Je suis allé à Singapour, et j’ai vu des immeubles dont les murs extérieurs étaient couverts de plantes.
M. White : J’aimerais que cela puisse se faire ici.
Le sénateur Oh : À quel point sont-ils efficaces?
M. White : C’est efficace dans ces climats, assurément, mais ils n’ont pas à composer avec des hivers canadiens et les extrêmes de nos zones de culture. Lorsque vous déplacez une plante à côté d’un immeuble où elle est très exposée, cela devient beaucoup plus difficile dans des climats comme le nôtre.
Beaucoup de recherches et d’innovations s’appliquent à notre climat. Une partie de celles-ci peut être inspirée d’environnements comme Singapour, mais nous avons une très grande capacité d’adaptation. Encore une fois, celles-ci viennent de nos fermes, de notre capacité de survie et des entreprises œuvrant dans l’horticulture, et des transferts très rapides... grâce à ces partenariats non seulement au sein de l’Alliance canadienne de l’horticulture ornementale, que M. Paxton représente, mais aussi par l’entremise de l’Association canadienne des pépiniéristes et des paysagistes et de la Norme du paysage canadien, nous sommes en mesure de combler certaines de ces lacunes.
Le sénateur Oh : Merci.
Le sénateur Cotter : Messieurs, je veux vous présenter deux scénarios différents et savoir si nous avons fait la bonne chose. Lorsque mon épouse de l’époque et moi sommes déménagés à Regina il y a quelques années, elle a arraché tout le gazon du quartier — c’était un quartier rempli de juges et d’avocats —
Une voix : Êtes-vous en train de demander des services de consultation?
La sénatrice Simons : Faites la queue derrière moi.
Le sénateur Cotter : ... et l’a remplacé par un genre de xéropaysage. Le voisin d’à côté était juge; il est venu, et lorsqu’il l’a regardé, il a dit : « Vous pourriez poursuivre la ville pour la manière dont elle a saccagé votre jardin ». Mais c’était un plan. Elle en a fait un xéropaysage. Nous n’avons pas de thym, mais nous avions de l’orge et de l’avoine qui poussaient dans notre jardin. Est-ce que nous faisions la bonne chose à Regina?
M. White : Je vais laisser à M. Paxton le soin de répondre en premier, et je terminerai.
M. Paxton : Hum, c’est une question à laquelle il est difficile de répondre, n’est-ce pas, car je pourrais devenir une cible pour votre femme, alors je vais essayer d’être prudent. L’aménagement d’un xéropaysage est une très bonne solution dans les zones où l’eau est limitée. La réponse courte à votre question est la suivante : à première vue, oui, c’est une chose très intelligente à faire, surtout dans les zones où vous n’avez pas de précipitations constantes, et où, lorsqu’il pleut, les pluies sont abondantes, comme c’est le cas à Regina ou à Calgary. Vous avez une grosse inondation, puis il n’y a rien pendant 30 jours. Donc la réponse courte à votre question est que l’aménagement en xéropaysage fonctionne très bien dans cet environnement.
Si je peux me permettre, au lieu de répondre à votre question concernant votre propre pelouse, j’aimerais l’élargir : mettre la bonne plante au bon endroit pour la bonne raison est essentiel dans la ville. Comme M. White l’a mentionné, c’est un environnement artificiel, et pour que nos villes puissent réellement fonctionner — et pour répondre à la question précédente concernant les enjeux économiques et sociaux — je ne peux pas imaginer les villes que vous avez vues dans des vidéos et des films, avec des villes de l’avenir où il n’y a pas de verdure. Vous voyez seulement des gratte-ciels, des voitures volantes, et il n’y a jamais vraiment de vert en toile de fond. Ces environnements ne sont pas naturels, ce ne sont pas des endroits où les humains vont s’épanouir.
Nous devons faire en sorte que les villes de l’avenir comprennent des infrastructures vertes, et on l’a dit plus tôt : si ce n’était de la matière végétale dans la ville, nous n’aurions pas l’air pur que nous respirons. Dans de nombreux cas, les végétaux qui poussent dans nos villes sont les poumons de la ville. Du point de vue économique...
Le sénateur Cotter : Monsieur Paxton, puis-je vous interrompre et passer à autre chose? Vous m’avez invité à aborder mon deuxième scénario au sujet de l’écologisation dans la ville. La question suivante concerne le fait de savoir si nous avons fait la bonne chose dans ce prochain scénario et s’il peut être répliqué de manière concrète.
J’ai amassé de l’argent pour donner de l’expansion à la faculté de droit de l’Université de la Saskatchewan à Saskatoon. Pour obtenir l’étalon-or du Conseil du bâtiment durable du Canada, nous avons construit un toit vert sur l’ajout. Faisions-nous la bonne chose? Sommes-nous en mesure de le reproduire de manière concrète dans des villes de l’ensemble du pays?
M. White : En ce qui concerne les toits verts, comme M. Paxton l’a dit, il s’agit de mettre la bonne plante au bon endroit. C’est toujours un couteau à deux tranchants dans une ville, parce que c’est un grand problème, vu la capacité de la plante de se reproduire et de séquestrer le carbone, et d’atténuer l’environnement qui l’entoure. Il y a un dicton qui dit : « Les forêts pluviales existent en raison de la forêt, pas à cause de la pluie »... là où vous avez des forêts, l’évapotranspiration et des environnements plus frais. L’aménagement en xéropaysage dans un environnement chaud est logique, mais il y a aussi un équilibre à atteindre lorsque nous nous déplaçons dans les villes. S’il ne pleut pas dans la ville, c’est à cause de la chaleur. La façon de rafraîchir une ville est d’introduire des plantes et d’y mettre de l’eau à disposition — de manière équilibrée — pour commencer à obtenir les précipitations.
C’est une adaptation, mais, en même temps, pouvons-nous — avec les infrastructures vertes et l’aménagement urbain — avoir réellement une influence positive plutôt que réagir, ce pour quoi nous voyons de nombreuses municipalités arracher les aménagements paysagers, faute d’eau. Selon nous, cela aggrave le problème, parce que vous retirez la chose même qui pourrait atténuer votre environnement.
La sénatrice Burey : Merci d’être ici. Merci d’avoir montré la complexité de ce problème. Sur votre site Web — cette question s’adresse à nos deux témoins —, vous avez déclaré que vos produits peuvent contribuer à atténuer les changements climatiques. Je lis un extrait du Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques visant à réduire les émissions au Canada, en particulier dans le secteur agricole. L’un des piliers du Cadre est la plantation d’arbres. Vous inscrivez-vous dans ce cadre? Vous avez entendu parler du programme Deux milliards d’arbres et où nous en sommes à ce sujet. Participez-vous à cette initiative?
M. White : Je peux commencer par la réponse courte et la réponse longue, puis laisser M. Paxton la compléter. Nous avons tous les deux participé à des discussions avec le gouvernement au sujet du programme Deux milliards d’arbres. Nous avons réussi à obtenir environ 10 % des ressources allouées aux zones urbaines, et ces ressources ont été consommées en une nanoseconde.
Encore une fois, les environnements urbains constituent un véritable défi, car la plupart des gens voient qu’il en coûte beaucoup plus cher d’introduire une plante à une taille qui lui permet de survivre — et ce qui est également plus important dans une ville, c’est l’ensemble du projet, pas seulement la plantation des arbres. Autour de notre table, on entend constamment dire que nous préférons planter un million d’arbres qui survivent plutôt que cent millions d’arbres qui meurent. Nous aurons un impact bien plus important sur leur avenir.
En ce qui concerne de nombreuses innovations technologiques, nous tentons de corriger bien des choses, mais en même temps, tout dépend du sol. Comme je l’ai dit dans ma déclaration liminaire, les sols de la ville sont la dernière chose à laquelle on pense en matière d’infrastructure, si ce n’est pour s’assurer qu’ils peuvent soutenir les villes que nous bâtissons. Cela nous ramène à la façon dont nous gérons les eaux pluviales et au fait que nous les détournons du paysage plutôt que de les garder dans la ville. Nous essayons de les renvoyer le plus rapidement possible dans nos lacs et rivières, ce qui assèche complètement les aquifères, qui sont les mécanismes de soutien non seulement des plantes qui s’y trouvent, mais de toute la microfaune et la biodiversité qui existe dans la ville pour qu’elle puisse subvenir à ses propres besoins.
Je céderai la parole à M. Paxton, qui est également président des relations avec les gouvernements et qui a été un participant important aux discussions au sujet du programme Deux milliards d’arbres.
M. Paxton : Ce qui est regrettable à propos du programme Deux milliards d’arbres, c’est qu’il n’a pas été confié au ministère sous la direction duquel nous travaillons, soit le ministère de l’Agriculture. Le programme a été confié à Ressources naturelles Canada, ou RNCan, et 90 % des fonds réservés à ces deux milliards d’arbres sont allés aux forêts et non à l’environnement urbain. Le montant attribué, comme l’a dit M. White, a été en fait utilisé en quelques secondes.
Nous participons activement à la prestation de conseils. Nous avons rencontré des représentants de RNCan et leur avons donné quelques idées sur la façon dont ils pourraient réussir dans ce domaine. Notre industrie a eu des échanges intéressants avec RNCan.
Ce serait formidable si le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire du Canada participait davantage au programme afin que l’on puisse, peut-être, planter plus d’arbres là où les gens vivent.
Quelqu’un m’a dit un jour : « La forêt plante à elle seule deux milliards d’arbres chaque année, mais nous avons besoin d’arbres là où les gens vivent, et c’est le grand défi. »
Vous soulevez d’excellents points concernant les objectifs de durabilité. Selon moi, les villes ne peuvent pas continuer à être durables à moins que des zones soient réservées pour recueillir les eaux pluviales.
Comme vous pouvez le constater avec le manteau neigeux que nous avons cette année et les menaces de sécheresse, nous devons nous occuper de nos eaux pluviales et prévoir des zones de transition entre la gestion des eaux pluviales et les plantations. Je vois que vous avez levé la main, sénateur Black, merci.
Nous devons encourager une meilleure gestion des eaux pluviales dans les villes et davantage de plantations entre les zones d’eaux pluviales et les lieux de vie des gens. Ce sera formidable pour l’endroit où les gens vivent et marchent, et ce sera bon pour notre climat.
Merci de la question. C’est une bonne question.
Le président : Merci beaucoup. J’ai quelques questions maintenant. Nous prévoyons déposer un rapport sur cette étude au milieu de l’année. Les rapports du Sénat s’adressent au gouvernement fédéral — c’est une évidence —, mais nous espérons qu’ils trouveront un écho chez les provinces et les municipalités.
Quels éléments souhaitez-vous voir, entre autres, dans nos recommandations aux municipalités, si nous devions les inclure dans notre rapport? Nous pourrions commencer par le gouvernement fédéral, mais puisque les gens avec qui vous travaillez en étroite collaboration représentent des municipalités — et ce sont vos membres qui le font — que devrions-nous mentionner au sujet de la santé des sols, des villes et des zones urbaines dans notre rapport?
M. White : Je commencerais tout de suite par la Norme canadienne du paysage et le travail qui a été consacré à la partie sur les sols de ce document, qui vise à soutenir toutes les exigences relatives aux plantes qui figurent dans le reste du document.
Merci de nous permettre de comparaître devant vous aujourd’hui en raison de l’importance des paysages urbains pour notre population.
Le meilleur exemple s’inspire également un peu de la question précédente. C’est le meilleur exemple que je puisse donner de ce qui se passe dans les villes : nous savons bien ce qu’est l’effet de serre. L’effet de serre dans une ville est aussi réel qu’une serre en pleine croissance. Il s’agit d’une enveloppe de verre qui emprisonne dans la serre tout ce qui se trouve à l’intérieur de celle-ci et maintient à l’extérieur tout ce qui se trouve à l’extérieur de la serre.
Imaginez 1 000 Canadiens qui vivent dans une serre, qui mesurent la qualité de l’air à l’intérieur de cette serre et qui la voient se détériorer en raison de la chaleur, de la pollution et des niveaux de CO2. Ils ont ensuite l’idée d’aller planter 1 000 arbres à l’extérieur de la serre avant d’y retourner pour voir s’il y a eu un changement. Cela n’a pas marché. La situation ne fait qu’empirer et s’amplifier. Qui souffre? Ce sont les gens qui vivent dans la serre. Il faut que les arbres soient plantés dans la serre, et non dans les forêts et les zones périphériques — qui ne sont pas soumises à toutes ces pressions —, où nous pouvons les faire pousser.
Comme M. Paxton y a fait allusion, nous examinons le programme Deux milliards d’arbres, ainsi que ce que nous allons présenter à RNCan, le nombre d’arbres que les Canadiens ont réellement plantés et qui ne sont pas comptabilisés. Le chiffre est important, mais ce qui est plus important encore, c’est le pouvoir de ce que font les Canadiens. Si nous devions formuler une recommandation devant faire partie de l’étude, ce serait celle de revenir là où commence la santé des sols. Que pouvons-nous transposer de ce que nous savons en agriculture et qui permet aux plantes de vivre? Que manque-t-il? Quelles sont les lacunes dans les villes?
Comment pouvons-nous améliorer la Norme canadienne du paysage et intégrer le tout dans l’approvisionnement et l’éducation? J’ai entendu dire plus tôt : « Comment pouvons-nous sensibiliser les gens à installer une pelouse de thym dans leur cour et faire en sorte qu’elle survive? » Tout revient au sol. Monsieur Paxton, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Paxton : C’est une excellente question, sénateur Black. Si j’avais une baguette magique et que je pouvais influer sur le contenu de votre rapport, j’aurais probablement deux ou trois recommandations à vous faire.
Premièrement, j’aimerais vraiment intégrer dans la politique canadienne — aux règles d’urbanisme — une norme de base autorisant un pourcentage de la masse des terres qui serait utilisé pour des infrastructures vertes vivantes. Et cette infrastructure verte vivante, en définitive, inclut absolument la santé des sols. Votre comité étudie la santé des sols. Sans la santé des sols, nous ne pouvons pas avoir en ville les choses dont parle M. White pour lutter contre l’effet d’îlot de chaleur en milieu urbain. La première chose que je vous demanderais d’inclure, ce serait des politiques intégrées dans les règles d’urbanisme.
Deuxièmement, à mesure que nous faisons face à des défis climatiques de plus en plus nombreux, nous devons nous adapter. Nous allons devoir atténuer les effets. Par exemple, l’un des sénateurs a posé une question sur les toits verts et a demandé s’ils étaient une solution valable. C’est une technique d’adaptation qui a été mise au point, et qui donne d’ailleurs de la crédibilité à la première question : « Puis-je avoir une pelouse de thym? » Du thym pousserait sur le toit de ce bâtiment.
Si nous pouvions obtenir un certain financement public pour étudier la manière de mettre en œuvre des politiques d’atténuation et d’adaptation — pour nous aider tous à être plus écologiques — sous la forme de crédits d’impôt, ce serait un moyen fantastique d’obtenir, pour les propriétaires de maison et les propriétaires d’immeuble, des changements qui nous permettraient réellement d’atténuer les effets des changements climatiques et de nous adapter au climat futur.
Mon temps de parole tire à sa fin. Troisièmement, je vous demanderais d’inclure du financement pour la recherche. Il manque cruellement de recherche sur ce qui crée réellement des sols de qualité et des conditions de vie idéales pour les arbres. Comme l’a dit M. White, il est nettement préférable de faire pousser un million d’arbres qui vivent que de planter 100 millions d’arbres qui meurent, et c’est fondamentalement une question de sol. Je demanderais des recherches supplémentaires, sénateur Black. Merci de la question.
Le président : Merci beaucoup.
Le sénateur Klyne : Bienvenue aux invités. Je suis désolé d’avoir manqué votre déclaration liminaire, mais ce que j’ai entendu jusqu’à présent est très passionnant et captivant.
Monsieur Paxton, on peut dire que la production et la vente d’arbres sains commencent par un sol sain. Les arbres sont les champions du captage du carbone en raison de leur taille et de leur longévité. Cependant, à mesure que le sol est exposé au carbone, sa qualité peut se dégrader. Quelles techniques utilisez-vous pour réparer le sol entre les récoltes d’arbres?
M. Paxton : Il est intéressant de vous entendre dire que les arbres sont les champions du captage du carbone. En fait, le champion du captage du carbone est le sol. Il est le champion à cent pour cent. Si bons que soient les arbres, le sol est un bien meilleur outil de captage du carbone que les arbres, même si les arbres sont formidables et que nous devons encourager la plantation de beaucoup plus d’arbres pour bon nombre des raisons que j’ai évoquées plus tôt.
Il existe de nombreuses techniques que nous pouvons et devons utiliser afin que le sol reste sain. Par exemple, ma ferme se trouve à environ 40 miles de Calgary. Nous cultivons des arbres sur cette ferme. Nous utilisons énormément de techniques, comme les cultures de couverture. Nous mettons du radis oléagineux, du navet et du trèfle entre les arbres. Les animaux qui piétinent et broutent sont un excellent moyen d’améliorer les sols dans les zones urbaines ou périurbaines où l’on cultive les arbres pour les villes.
Dans les villes, vous avez probablement entendu le terme « semis naturel ». Une partie du semis naturel qui est autorisé améliore les sols. Le fait de permettre aux plantes de pousser dans cette zone de semis naturel en milieu urbain fonctionne également très bien.
Les sols qui se détériorent se trouvent souvent dans des zones où la circulation est intense. Permettre aux espaces verts de rester verts — cela ne veut pas dire que nous ne devrions pas y avoir accès; nous devrions absolument y avoir accès — et permettre aux zones riveraines de faire ce qu’elles font de mieux, selon la nature, comptent parmi les meilleurs moyens de garantir que le sol de l’environnement urbain continue de s’améliorer. Il continuera de s’améliorer.
J’espère avoir répondu à votre question.
Le sénateur Klyne : Merci, monsieur Paxton.
Je reconnais mon erreur. Je voulais dire : « Un des champions. » Merci.
M. Paxton : D’accord.
Le sénateur Klyne : Monsieur White, j’essayais d’écouter tout en faisant autre chose. Avez-vous parlé de M. Gilles Lapointe à un moment donné, de la façon dont le Québec fait avancer les choses? Est-ce que cela m’a échappé? Je voulais vous poser une question à ce sujet.
Brièvement, dans le numéro de décembre 2023 de Landscape Trades, M. Gilles Lapointe a écrit un article sur le rôle des pépinières dans le captage du carbone et sur leur rôle pour atteindre la carboneutralité. Il a donné comme exemple la façon dont le Québec est plus avancé que d’autres régions du Canada en raison de son système intégré de dirigeants du secteur privé et du secteur public.
Seriez-vous en mesure de nous fournir d’autres exemples où les connaissances sur la santé des sols acquises par l’industrie des pépinières sont utilisées pour promouvoir la santé des sols en général?
M. White : Merci de votre question. J’ai vu passer cet article. Je ne l’ai pas encore lu. Il y a toujours beaucoup trop de documentation à lire.
L’un de nos principaux établissements de recherche se trouve à l’Université Laval, au Québec. En Ontario, nous avons le Guelph Turfgrass Institute, l’arborétum avec Agriculture et Agroalimentaire Canada et tous les autres établissements à Guelph. Grâce à la recherche et à l’innovation qui est publiée, la base de connaissance est importante. Je le répète, nous avons inclus une grande partie de ces éléments dans notre norme.
Pour revenir à la question du sénateur Black, il faut savoir où nous pouvons obtenir une législation qui permet d’apporter les connaissances aux municipalités. Nous ne cessons de constater que ce que nous savons à la ferme sur la façon de gérer le sol agricole n’est pas transposé dans nos environnements urbains, qu’il s’agisse de la façon dont nous cultivons et entreposons les sols à la façon dont nous réintroduisons ces sols. Lorsque ceux-ci reviennent, ils ont été mal gérés, mélangés, très compactés ou stockés dans une pile trop grande de sorte qu’il n’y a plus aucune vie dans le sol car ils sont appauvris en oxygène. Ce sol a la bonne structure, mais il lui manque cette composante vivante qui permet aux nutriments, à la microfaune et à tout ce qui permet à un système de racinaire sain de survivre. Il s’agit là de domaines clés du point de vue de la recherche — c’est ce à quoi M. Paxton faisait allusion. Comment pouvons-nous nous améliorer et comment pouvons-nous réellement jouer un rôle? Une grande partie de l’adaptation est fondée sur la réalité. Comment pouvons-nous nous adapter à cette réalité?
Je suppose qu’il existe des normes en génie bien conçues pour les sols afin que nos routes et bâtiments ne s’écroulent pas. Cependant, je suis presque certain qu’elles ne tiennent pas compte de la structure vivante qui est réintégrée après les travaux.
Le sénateur Klyne : Merci.
La sénatrice Simons : Je voudrais vous parler de la question de la terre végétale. Avant de me joindre au comité, lorsque je pensais aux gens qui s’occupaient de leur pelouse dans mon quartier, je les voyais acheter un camion de terre végétale et répandre cette terre, et je me disais : « Ah oui, la terre végétale ». Je ne sais pas de quel endroit je pensais qu’elle venait; du magasin de terre végétale, je suppose. On peut penser que, chaque fois qu’un citadin reçoit un chargement de terre végétale, celle-ci a été retirée de son habitat naturel.
Pouvez-vous nous parler un peu de la façon dont nous gérons nos ressources en terre végétale? D’où vient ce sol? Si nous retirons le sol de terre agricole pour le déplacer vers les villes, quelles sont les conséquences? Comment pouvons-nous nous assurer que, comme vous le dites, lorsque le sol arrive dans un jardin, il s’agit bien d’un sol vivant et non d’une terre desséchée, et qu’il peut réellement effectuer la fonction à laquelle vous vous attendez?
M. White : Je peux commencer par une perspective générale sur les sols — ce qui se passe avec les sols urbains. Ensuite, je suis sûr que M. Paxton, en tant qu’entrepreneur et cultivateur, pourra en parler de façon beaucoup plus détaillée.
Encore une fois, la principale réalité au sujet du sol est qu’il est vivant. Le sol, comme la roche, est constitué de matériel parental qui remonte à la surface. Ce matériel date de centaines de milliers d’années. La terre végétale vivante est un mélange de matières organiques, de carbone et de microfaune. Pourquoi se trouve-t-il à la surface? C’est à cause de son exposition à l’environnement ainsi que de la capacité d’une plante de plonger ses racines et de renvoyer le carbone dans le sol. Ensuite, pendant la phase vivante et la phase de décomposition, la plante introduit de l’oxygène et des matières organiques qui ne vivent que dans la couche supérieure du sol, qui a une épaisseur de deux pieds. Dès que l’on descend en dessous de cette couche, le sol n’est plus riche en oxygène. Les organismes ne peuvent plus vivre à cette profondeur. C’est là que la plante s’ancre et trouve les aquifères. Les racines plongent dans le sol. Presque toutes les racines qui nourrissent les arbres se trouvent dans la couche supérieure. Toutes les plantes, les gazons et les arbustes fonctionnent de la même façon. Ils se trouvent dans la partie supérieure. Lorsque, auparavant, nous les enlevions, nous creusions un trou et nous y installions la maison. Dans les vieux quartiers, toutes les rues sont ondulées. Aujourd’hui, nous prenons l’ensemble d’une ancienne surface agricole, nous modifions la topographie afin qu’elle soit uniforme et nous introduisons toute la terre végétale en surface. Puis, maintenant, lorsqu’on passe en voiture, on voit les sols empilés et, on l’espère, séparés. Cependant, lorsque vous commencez à les empiler, et selon la durée de l’entreposage, ils ne reçoivent pas d’oxygène.
Maintenant, il s’agit de savoir comment les réintroduire. Lorsque vous achetez la terre végétale, le producteur essaie de la structurer de manière à ce qu’il contienne la bonne quantité d’argile, de sable et de limon. Ensuite, il essaie d’y introduire des éléments qui y amèneront la vie — dans de nombreux cas, il s’agit de fumier — afin qu’il y ait un peu de vie et de matières organiques pour commencer. Cependant, bienvenue dans mon monde, celui du milieu urbain, où nous introduisons ce fumier et autres choses dans le sol modifié et amendé, et — devinez quoi — nous obtenons les mauvaises herbes du marécage ou de la ferme qui y ont été intégrées. Ce n’est pas non plus une science exacte.
Encore une fois, on revient à la recherche et à la façon dont on peut s’améliorer. En fait, une grande partie du travail débute au stade de l’aménagement. Pouvons-nous mieux travailler avec les villes et les gouvernements sur la façon de mettre en place et de gérer les sols dès le départ? Je pense sans aucun doute que nous pouvons faire mieux pour éviter d’acheter des sols riches et modifiés parce que la qualité du sol d’origine était très mauvaise.
La sénatrice Simons : Êtes-vous en train de me dire que si j’achète de la terre végétale, il se peut qu’il ne s’agisse pas du tout de terre végétale? Elle est fabriquée artificiellement.
M. White : Cela dépend beaucoup de la source et des spécifications. Il n’y a pas beaucoup de spécifications. Chaque ferme est un peu différente, et la teneur en limon peut faire la différence entre ce qui est beau et léger à la sortie du camion et ce qui, trois ans plus tard, ne favorise pas la vie. C’est ce que j’enseigne très souvent à mes étudiants et à mes employés. Le sol est constitué de ces trois structures : le sable, l’argile et le limon. L’argile est comme une boîte de papier. Le sable est comme une boîte de balles de tennis. Le limon se trouve entre les deux. S’il y a trop de papier dans une boîte, et qu’il est mouillé et que vous le tassez, il n’y a pas d’air. Une boîte de balles de tennis est radicalement différente. Elle est beaucoup trop poreuse, mais laisse passer beaucoup d’oxygène. Le limon remplit tout ce qui se trouve entre les deux. Si les ratios sont erronés, le sol peut réussir ou échouer à jouer son rôle. C’est à cela que nous sommes exposés lorsque nous travaillons avec des sols urbains. À la ferme, nous n’apportons généralement pas les sols par camion.
J’aimerais laisser la parole à M. Paxton parce qu’il travaille sur la phase de construction de la réintroduction des sols et qu’il a l’avantage de travailler à la ferme.
M. Paxton : Ma réponse courte serait que la terre n’est pas toujours de la terre, et que tous les sols ne sont pas égaux. Pour répondre à votre question au niveau microbiologique, lorsque vous commandez votre terre végétale, vous devez demander au fournisseur l’analyse. Celle-ci contient quatre ou cinq données que vous pouvez comparer pour vous assurer que le produit répond aux exigences nécessaires, selon qu’il est destiné à une pelouse, à un arbre ou à un potager, sur le plan microbiologique.
À un niveau général, dans les lotissements modernes le sol est toujours empilé. En ce qui concerne les piles que l’on voit lorsqu’un nouveau lotissement est construit, c’est comme si on prenait environ 100 acres de terrain et que l’on enlevait la couche de terre végétale, et que l’on empilait 6 à 12 pouces de terre végétale. Ces piles varient de 30 000 à 50 000 mètres cubes, et elles restent parfois là pendant cinq ans. Après cinq ans, le sol au fond de la pile est pratiquement mort. L’argile est placée dans une pile distincte. Pensez à ces gros racleurs — on déplace l’équivalent de cinq ou six camions à benne à la fois dans ces racleurs. Les opérateurs font parfois des erreurs lorsqu’ils empilent. Ils prennent de l’argile et ajoutent de la terre végétale. Par conséquent, lorsque nous réutilisons cette terre végétale dans les lotissements, il est important que le sol soit également analysé pour que l’on puisse s’assurer qu’il possède l’électro-conductivité, les matières organiques et le pH adéquats; tous ces éléments sont des paramètres communs lorsque nous prévoyons planter des organismes vivants dans le sol.
Souvent, la moitié de cette pile ou davantage est répandue dans des zones qui ne doivent pas nécessairement favoriser la vie. Mais la terre végétale réutilisée est vraiment importante. C’est pourquoi, lorsque le sénateur Black a posé la question de savoir ce que le comité devrait inclure dans le rapport... il faut s’assurer que la politique précise expressément que la terre végétale doit répondre à certaines normes afin qu’elle puisse soutenir la vie. Je vous remercie de cette question. C’est une excellente question.
Le président : Excellent. Merci. Ma question est pointue.
En mars 2022, Agriculture et Agroalimentaire Canada a annoncé un investissement de près de 1,5 million de dollars dans deux projets exécutés avec l’Association canadienne des pépiniéristes et des paysagistes afin de profiter de nouvelles possibilités de croissance du marché et d’augmentation des exportations. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ces projets et sur leur lien avec l’amélioration de la santé des sols? Cela vous rappelle-t-il quelque chose?
M. White : Je vais laisser la parole à M. Paxton, car c’est moi qui réponds le plus souvent.
M. Paxton : Oui. Eh bien, monsieur White, cela a probablement plus à voir avec l’Association canadienne des pépiniéristes et des paysagistes qu’avec l’Alliance canadienne de l’horticulture ornementale, mais en réalité, en ce qui concerne cet argent, vous parlez du programme Agri-marketing. N’est-ce pas, sénateur Black?
Le président : On m’a dit qu’il s’agissait de 1,5 million de dollars pour deux projets, et j’aimerais en savoir plus sur ces projets et sur la manière dont ils pourraient être liés à la santé des sols.
M. White : Là encore, c’est vague.
L’Association... l’Alliance canadienne de l’horticulture ornementale et l’Association canadienne des pépiniéristes et des paysagistes comptent quelques sources de financement. L’une d’elles est Agri-marketing, et l’autre est le financement de notre groupe de recherche, ce qui est important en ce qui concerne, encore une fois, les résultats spécifiques.
Une partie de ce financement est consacré à la santé des sols et des plantes, et certaines études sur la santé des sols, le lessivage des nutriments et le rendement des plantes ont été financées au Québec.
L’autre volet concerne Agri-marketing, c’est-à-dire l’exportation, le placement et la diffusion de produits nationaux ainsi que l’expansion de la communication et de l’éducation, tant au pays qu’à l’étranger.
Le président : Avez-vous obtenu un financement supplémentaire dans le cadre du nouveau Partenariat canadien pour une agriculture durable au Canada de 2023-2028?
M. White : Cette question dépasse la portée des travaux du comité sur le climat dont je fais partie, mais je peux certainement obtenir la réponse pour vous.
Le président : J’étais simplement curieux. Ce n’est pas grave.
M. Paxton : En ce qui concerne le montant, je suppose qu’il est lié aux travaux du groupe de recherche. Certains des projets de recherche étaient des projets d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, y compris des projets sur les moyens de réduire la quantité de tourbe utilisée dans le terreau d’empotage, et le groupe étudie des solutions de rechange à la tourbe. L’idée est d’essayer de maintenir une qualité du sol élevée tout en réduisant la dépendance de notre secteur envers la tourbe. En fin de compte, cela devrait améliorer le rendement environnemental du secteur. C’était l’un des projets de recherche, sénateur Black. D’autres projets sur le gazon ont été associés à ce groupe. En fin de compte, il travaillait sur sept projets de recherche.
Le président : Merci.
La sénatrice Burey : Merci. Je me demande quelles sont les données démographiques de votre secteur au chapitre de la participation : les femmes, les jeunes, les Canadiens racialisés et les communautés autochtones. En avez-vous une idée?
M. White : Oui, bien sûr. Nous essayons de recueillir plus de données à ce sujet. À l’échelle nationale et à l’échelle provinciale, nous avons des comités qui s’intéressent tout spécialement à l’inclusivité et qui s’assurent que nous sommes représentatifs du profil démographique du Canada. Notre secteur a toujours ouvert ses portes à tout le monde; et certains de nos meilleurs maçons de pierre de taille viennent de communautés autochtones.
Aussi, il y a beaucoup de femmes — pas seulement au Canada, mais partout dans le monde — et beaucoup d’immigrants qui travaillent dans le secteur du paysagement, tant dans l’exploitation des pépinières que dans le paysagement urbain.
Est-ce que cela pourrait être mieux? Un facteur très important est le profil démographique des immigrants au Canada, et aussi ce qui se passe actuellement dans les communautés vulnérables. En travaillant avec des fondations, nous essayons de faire découvrir le paysagement et de souligner son importance aux jeunes de certains quartiers défavorisés, où nous voyons des possibilités. Nous proposons des projets de bénévolat en engageant la communauté à venir nous donner un coup de main. Nous avons des professionnels et de l’équipement, et c’est une excellente façon d’inspirer les gens, parfois, puisqu’ils peuvent utiliser tout de suite l’équipement et apprendre comment faire. Aussi, il y a quelque chose de grand dans tout cela, car une fois que le paysagement est terminé, vous sentez réellement que vous avez un lien avec ce qui a été fait, par rapport à quelque chose de plus solide, comme une construction grise ou un mur de briques.
La sénatrice Burey : Oui.
M. White : Pourrait-on faire mieux? Oui, toujours. La démographie du Canada change, également. Le paysagement est depuis très longtemps une passion pour les Canadiens, mais ce n’était pas nécessairement un passe-temps pour beaucoup de nouveaux arrivants au Canada. Je pense que c’est un volet dynamique de ce que nous essayons de faire, entre autres choses. Nous avons d’importants comités — je siège à deux ou trois comités moi-même — qui étudient précisément cette question.
La sénatrice Burey : Y a-t-il d’autres commentaires?
M. Paxton : La seule chose que j’ajouterais, c’est que notre profession est faite pour les jeunes. Nous sommes prêts à accueillir tous ceux et toutes celles qui veulent embrasser notre profession. Je pense que nous sommes assez représentatifs. Dans mon entreprise, par exemple, nous avons une excellente représentation pour tous les groupes dont vous avez parlé, et nous en sommes fiers. Nous sommes surtout fiers de nos liens avec les jeunes, et tout particulièrement de nos liens avec les jeunes en réorientation. J’entends par là les gens qui avaient entamé une carrière, mais qui ont réalisé que cette carrière n’était pas nécessairement faite pour eux et qui ont alors trouvé un foyer chez nous. Dans cette carrière, vous embauchez des gens et leur demandez d’échanger leur temps contre de l’argent, et, dans cet échange, ils apprennent des compétences de vie qui englobent beaucoup de choses, par exemple comment manipuler des matériaux, et ils peuvent aller jusqu’à devenir des experts en botanique qui savent comment poussent les plantes. J’ai trouvé très stimulant de travailler pendant 45 ans dans ce secteur avec des jeunes de partout au Canada et de tous les horizons. J’ai trouvé cela extrêmement gratifiant. Mais je comprends que c’est une réponse anecdotique.
Pour parler au nom de l’association, tous mes collègues sont de cet avis et disent la même chose. Il y a d’excellentes possibilités pour les jeunes qui entrent dans cette profession.
Le président : Merci, messieurs White et Paxton, de votre participation. Votre passion est manifeste, ce soir, comme elle l’était il y a quelques mois, quand nous nous sommes rencontrés. Merci d’avoir été des nôtres. Nous vous sommes très reconnaissants de votre aide dans le cadre de notre étude.
Chers collègues, nous accueillons notre deuxième groupe de témoins sur le thème des pratiques durables en matière d’agriculture régénératrice et d’amélioration de la santé des sols. Nous avons le grand plaisir d’accueillir, de la Caroline du Nord, Mme Christine Morgan, directrice scientifique, de l’Institut pour la santé des sols. Nous sommes heureux de vous revoir, madame Morgan. Nous accueillons aussi Mme Melanie Bos, gestionnaire de la politique agricole, de Conservation de la nature Canada. Mme Bos nous parle depuis Pollett River, au Nouveau-Brunswick, par vidéoconférence. Enfin, nous accueillons M. David Hiltz, directeur, Affaires réglementaires mondiales, de Acadian Plant Health. M. Hiltz s’adresse à nous depuis Halifax, en Nouvelle-Écosse.
Nous sommes très contents de vous accueillir tous ici aujourd’hui. Merci beaucoup.
Je vous invite à présenter vos déclarations. Comme je l’ai dit plus tôt, une main veut dire qu’il ne vous reste plus qu’une minute sur les cinq que vous aviez, et, quand vous voyez les deux mains, cela veut dire que vous devez conclure.
Je vais inviter Mme Morgan à commencer, puis ce sera à Mme Bos et à M. Hiltz.
Cristine Morgan, directrice scientifique, Institut pour la santé des sols : Bonsoir tout le monde. C’est un plaisir pour moi d’être ici aujourd’hui et d’écouter les gens parler du sol.
J’aimerais aujourd’hui vous parler de ce que nous avons appris au sujet de la mesure et de l’évaluation de la santé des sols grâce à la collecte et à l’analyse des données faites par le Canada.
Je suis une scientifique du sol, et j’ai passé ma jeunesse sur une exploitation de naissage au Texas. J’ai regardé mes parents travailler avec des agents de protection de la nature et des biologistes locaux, et j’ai appris que l’agriculture et la régénération des écosystèmes sont compatibles.
Pendant 15 ans, j’ai été professeure en sciences des sols à l’Université Texas A&M. Après avoir participé à l’initiative mondiale Soil Security, j’ai rejoint l’Institut pour la santé des sols à titre de directrice scientifique.
L’Institut pour la santé des sols est un organisme international à but non lucratif, voué à la protection et à l’amélioration de la vitalité et de la productivité des sols et s’appuyant sur des recherches et des percées scientifiques. L’institut mène des recherches et des activités de sensibilisation afin de donner aux agriculteurs les connaissances dont ils ont besoin pour adopter efficacement des systèmes de régénération de la santé des sols.
Nous désirons un monde où les agriculteurs et les éleveurs produisent des aliments et des fibres au moyen de systèmes de santé des sols qui préservent les paysages agricoles et ruraux; favorisent la stabilité climatique et la propreté environnementale; et améliorent la santé et le bien-être des humains.
Pour réaliser ce rêve, notre équipe de scientifiques travaille à mettre des chiffres concrets sur l’analyse de rentabilité concernant l’adoption de pratiques pour la santé des sols : c’est-à-dire définir les mesures abordables, offrir des évaluations locales pertinentes de la santé des sols et intégrer toutes ces avancées dans des programmes locaux et adaptés à la région à l’intention des agriculteurs et de leurs conseillers.
L’Institut pour la santé des sols peut compter pour ses travaux au Canada sur des partenariats solides avec des agriculteurs, des scientifiques, des entreprises et des organismes à but non lucratif canadiens. Par exemple, en partenariat avec General Mills, nous avons réalisé des analyses partielles des budgets de petits producteurs céréaliers au Manitoba, en Saskatchewan et en Ontario. Nous avons effectué des entrevues auprès des agriculteurs et avons conclu que, lorsque ceux-ci utilisent un système de gestion de la santé des sols, ils économisent en moyenne 27 $ américains par acre, et le revenu net de l’exploitation augmente en moyenne de 31 $ américains par acre.
Je donne le montant en dollars américains. Je voulais faire la conversion, mais beaucoup de Canadiens m’ont dit de laisser les montants en dollars américains.
Les agriculteurs nous ont aussi parlé des avantages de leurs systèmes de gestion de la santé des sols, par exemple une résilience accrue face aux événements météorologiques extrêmes, un accès plus rapide à leurs champs et une meilleure qualité de l’eau. Dans le but de cerner un ensemble minimum de mesures efficientes de la santé des sols, l’Institut pour la santé des sols a évalué plus de 30 indicateurs de la santé, dans 124 sites de recherche agricole, en comparant les systèmes conventionnels aux systèmes régénérateurs. Ces sites étaient situés un peu partout en Amérique du Nord, et il y en avait 17 en tout en Alberta, au Manitoba, en Saskatchewan et en Ontario.
La sélection des sites nous a permis de réaliser des évaluations statistiques pour établir si les mesures traduisaient bien les pratiques de promotion de la santé des sols. Nous avons aussi évalué les mesures permettant de savoir si les pratiques étaient à la portée des laboratoires commerciaux et si elles pouvaient être interprétées. À la lumière des résultats, l’institut a recommandé quatre indicateurs en matière de santé du sol : la concentration de carbone organique dans le sol, le potentiel de minéralisation du carbone, la stabilité des agrégats à l’état humide et la capacité existante de rétention d’eau.
Avec la Greenbelt Foundation, nous menons un projet pilote dans la région du Golden Horseshoe, en Ontario, afin d’établir quelle est la valeur de base de la santé du sol selon ces mesures. Dans le cadre de ce projet pilote, nous réalisons une évaluation régionale de la santé du sol, y compris sa santé actuelle, les améliorations en cours liées aux pratiques de santé du sol et le potentiel d’amélioration future.
En mesurant les sols et la gestion, nous donnons aux producteurs une idée de la santé de leur sol et leur permettrons d’établir un objectif quant à la santé désirée de leur sol.
Après un an d’échantillonnages effectués dans 124 exploitations agricoles, nous pouvons conclure que, en adoptant tout de suite des pratiques de travail réduit du sol et des cultures de couverture, on pouvait accroître de 20 % la concentration de carbone organique dans le sol, le potentiel de minéralisation du carbone et la stabilité de l’agrégat. Ce sont d’excellentes améliorations, mais, selon ce que montrent les données, nous pourrions obtenir encore plus de résultats en changeant les pratiques de gestion.
En résumé, à l’Institut pour la santé des sols, nos données montrent que l’adoption de systèmes de santé du sol améliore la rentabilité des exploitations. Pour mettre en œuvre efficacement des systèmes de gestion de la santé du sol, il faut de la pratique et il faut apprendre des autres agriculteurs qui ont réussi la transition.
Enfin, nous avons démontré qu’il est possible de mesurer les changements quantitatifs de la santé du sol à l’échelle de l’exploitation, à l’échelle de la région et à l’échelle du continent.
Au nom de mes collègues, partenaires et confrères scientifiques, je vous remercie de l’invitation à témoigner ici aujourd’hui.
Le président : Merci beaucoup.
Melanie Bos, gestionnaire de la politique agricole, Conservation de la nature Canada : Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité de m’avoir invitée ici aujourd’hui à contribuer à votre étude. J’aimerais vous remercier de votre décision de mieux nous renseigner sur l’état des sols aujourd’hui et du rôle vital des sols pour les Canadiens.
J’ai grandi sur une ferme porcine, qui est aujourd’hui une ferme laitière, dans le sud-est du Nouveau-Brunswick. C’est un plaisir pour moi d’être ici aujourd’hui pour vous présenter le point de vue de la conservation, mais je suis aussi fière de mon passé agricole.
Conservation de la nature Canada, ou CNC, est le plus important organisme sans but lucratif de conservation du pays. Depuis près de 60 ans, nous travaillons avec nos partenaires pour aider à protéger plus de 15 millions d’hectares d’un bout à l’autre du pays.
Nous sommes un fier partenaire du gouvernement du Canada, par l’intermédiaire du Programme de conservation du patrimoine naturel et du Fonds des solutions climatiques axées sur la nature, entre autres programmes fédéraux. Les programmes de ce genre nous permettent de tirer le maximum de chaque dollar, car ils versent un financement équivalent à tous les dons de nos incroyables donateurs, qui sont par exemple des entreprises, des groupes de philanthropie et des donateurs privés.
La protection et la conservation de la nature veut dire protéger les zones naturelles et les espèces qu’elles abritent, mais aussi s’assurer que les écosystèmes et les paysages sont connectés entre eux et sont résilients. Des paysages fonctionnels et productifs sont un élément important dans ce grand tableau, puisque chaque endroit contribue de façon importante à la conservation de la biodiversité; il ne s’agit pas seulement d’avoir de grandes bandes d’habitats intacts.
L’importance des sols dans tout ce contexte ne doit pas être sous-estimée; malheureusement, c’est souvent le cas. Les sols abritent plus de la moitié de la biodiversité terrestre. La biodiversité générée par le sol et les services écosystémiques fournis par le sol jouent un rôle disproportionné dans l’équilibre de notre planète et les écosystèmes dont nous dépendons tous.
CNC travaille avec ses partenaires de tout le Canada pour créer des écosystèmes plus sains et plus résilients. Nous reconnaissons tout particulièrement que l’agriculture durable est une solution pour accroître la biodiversité et faire en sorte que les paysages d’un bout à l’autre du pays sont résilients et interconnectés. Après tout, nous avons un point commun : la répartition de la biodiversité canadienne marque aussi l’emplacement de nos terres agricoles, et nous travaillons donc avec l’industrie pour montrer que l’agriculture et la biodiversité peuvent cohabiter pour leur bénéfice réciproque, ainsi que pour rendre plus solides les économies, les communautés et les écosystèmes.
L’écosystème des Prairies canadiennes est un exemple parfait d’endroit où l’agriculture et la biodiversité travaillent en harmonie. C’est l’un des écosystèmes les plus menacés de la planète : plus de 80 % des prairies indigènes naturelles ont été converties, et nous continuons toujours d’en perdre. Ce sont des propriétaires fonciers privés, surtout de grands éleveurs de bovins, qui possèdent et exploitent la majeure partie de ce qui reste des prairies.
Ce que beaucoup de gens ne réalisent pas, c’est que le pâturage est un processus important pour le bon fonctionnement des écosystèmes des prairies. À dire vrai, le bétail peut jouer un rôle important et positif dans l’intendance de l’environnement des prairies.
Quand les prairies sont en santé, non seulement elles donnent aux oiseaux migrateurs, à la sauvagine et à bon nombre d’espèces en péril du Canada, un habitat essentiel, mais elles fournissent en même temps un certain nombre d’importants services écosystémiques. Les prairies sont un habitat essentiel pour les pollinisateurs, dont dépend notre sécurité alimentaire; elles captent, stockent et filtrent l’eau; et elles protègent les terres saines et fertiles contre l’érosion et la compaction.
Il est important de mentionner que le carbone est séquestré et stocké de manière sécuritaire dans le sol et les systèmes racinaires des prairies. Selon une étude de 2021, réalisée par plusieurs collaborateurs, dont des organismes de conservation, des établissements universitaires, Agriculture et Agroalimentaire Canada et Ressources naturelles Canada, la manière la plus naturelle et la plus efficace pour le Canada d’atténuer les effets des changements climatiques au cours des 20 prochaines années est de protéger nos prairies indigènes.
CNC collabore activement à l’élaboration de mécanismes qui récompensent la conservation des services écosystémiques et les solutions axées sur la nature. Même si mon exemple met en relief les paysages agricoles des prairies, ces principes peuvent être transférés à d’autres paysages fonctionnels du Canada.
Lorsque nous créons et maintenons des sols sains et pleins de biodiversité, nous augmentons la production alimentaire de manière durable et réduisons donc la pression de convertir des zones à faible rendement ou des zones naturelles. Pourtant, nous voyons aussi que, partout au pays, le développement urbain gagne sur les terres agricoles. Quand nous perdons des terres agricoles, nous perdons la possibilité de protéger la biodiversité, d’atténuer les changements climatiques, d’assurer la sécurité alimentaire et de développer notre économie.
Compte tenu des défis actuels et des engagements que nous avons pris à l’égard du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming à Montréal, conformément à l’Accord de Paris, nous devons collaborer pour trouver les solutions.
Pour conclure, j’espère avoir clairement fait comprendre qu’il faut renforcer la relation entre la conservation et la santé des sols. Une communauté saine tire parti de la mosaïque des paysages, où l’on trouve des terres utilisées pour la production agricole, des terres utilisées pour l’élevage et des terres en friche. Tous ces paysages atteignent leur plein potentiel quand ils bénéficient de sols en santé — ils en dépendent —, et nous devons prendre des mesures collectives et concertées pour veiller à ce que le paysage des sols canadiens, riches et productifs, soit conservé et entretenu pour nous et pour les générations futures.
Merci. Je suis impatient d’entamer la discussion.
Le président : Merci beaucoup.
Monsieur Hiltz, vous avez la parole.
David Hiltz, directeur, Affaires réglementaires mondiales, Acadian Plant Health : Merci, sénateurs et sénatrices. Bonsoir, et merci de ce que vous avez dit plus tôt.
Acadian Plant Health, c’est une histoire de réussite. Notre entreprise est la plus grande organisation indépendante de recherche et développement sur les végétaux aquatiques. Notre siège social se trouve à Halifax, en Nouvelle-Écosse, mais nous avons une grande empreinte mondiale. Nous menons nos activités dans cinq pays et comptons plus de 400 employés, la majorité se trouvant dans l’Est du Canada. Pour dire les choses simplement, nous récoltons des algues et créons des extraits végétaux novateurs dont les composantes sont bénéfiques pour l’agriculture.
Nos extraits d’algue contribuent à la santé des sols et, au bout du compte, à l’agriculture régénératrice, de deux façons. Premièrement, selon des études scientifiques évaluées par les pairs, nos extraits, lorsqu’ils sont appliqués aux cultures, favorisent la multiplication des champignons mycorhiziens dans le sol. L’augmentation de la couverture fongique est un indicateur clé de l’amélioration de la santé des sols. Deuxièmement, nos études montrent que l’utilisation de nos extraits d’algue permet d’accroître la biomasse des racines et des pousses. Celle-ci, en retour, est convertie en matières organiques du sol, et comme nous l’avons entendu plus tôt, il s’agit d’un autre indicateur important de la santé des sols. Nos extraits contribuent également à atténuer l’effet des changements climatiques, car, en repoussant, les algues séquestrent le carbone, et ils aident aussi les cultures à se développer dans des conditions météorologiques plus difficiles. Nous sommes très enthousiasmés par la relation symbiotique que nous créons ainsi entre l’économie bleue de l’océan et l’économie verte de la terre.
Les scientifiques ont établi, à l’aide de données probantes bien documentées, que les extraits d’algue pourraient jouer un grand rôle en agriculture. Nos produits sont utilisés pour plus de 100 sortes de cultures dans 80 pays, mais l’adoption de biostimulants végétaux, comme nos extraits d’algue, demeure rare. Nous n’utilisons qu’une fraction de leur potentiel, et c’est pourquoi nous considérons que nous en sommes encore aux premières étapes de leur commercialisation. Acadian n’a toujours pas atteint ce que l’on pourrait appeler la reconnaissance du milieu agricole conventionnel, mais, plus nous réussissons à changer cela, mieux ce sera pour l’agriculture durable, la santé des sols et la capacité de notre entreprise de se développer et de créer des emplois dans le Canada atlantique.
Mais qu’est-ce que les algues ont de spécial? Nous savons depuis des millénaires que les algues aident les végétaux à pousser. Au fil de leur évolution, les algues ont acquis un ensemble de propriétés biologiques uniques et très inhabituelles, qui leur permettent de survivre dans certaines des conditions les plus stressantes du monde. Ainsi, elles prospèrent dans des eaux à salinité variable et tolèrent des températures sous le point de congélation jusqu’aux chaleurs extrêmes des mois d’été. Elles peuvent aussi survivre à l’exposition à l’air, au gré des marées qui montent et descendent, et elles absorbent les nutriments même si elles ne bénéficient pas d’un système racinaire comme les plantes terrestres. De nos jours, les avancées de la science et la technologie nous ont permis de comprendre et d’isoler les molécules spécifiques responsables, et, si nous pouvons les extraire correctement et uniformément, ces extraits aident les cultures à développer des racines plus solides, à utiliser les nutriments plus efficacement, à résister aux sécheresses et à rester en santé malgré les stresseurs abiotiques comme la salinité ou la chaleur excessive.
Comme je l’ai dit, les extraits d’algue appartiennent à la catégorie des biostimulants végétaux, qui stimulent les processus naturels des végétaux. Notre entreprise récolte, en employant des méthodes durables, une algue tout particulièrement robuste appelée Ascophyllum nodosum, que l’on trouve surtout dans les eaux de l’Atlantique Nord. Nous fabriquons et vendons un extrait particulièrement stable, qui est le fruit de plus de 40 ans de collaboration avec des scientifiques, depuis les premiers efforts de notre fondateur dans les années 1980.
Nous croyons que la reconnaissance des bienfaits des biostimulants végétaux pour la production végétale et la santé des sols sera un point tournant. Tandis que certaines des plus grandes entreprises d’intrants agricoles au monde commencent à incorporer des biostimulants végétaux dans leur portefeuille, la plupart des producteurs ne comprennent pas les avantages de nos extraits ni comment ils contribuent aux pratiques durables en agriculture.
Que peut faire le gouvernement pour aider à soutenir cette histoire de réussite? Nous croyons qu’il faut une plus grande reconnaissance, dans les programmes gouvernementaux, du marché émergent des biostimulants et de leur immense potentiel inexploré pour l’agriculture durable. Même si le cadre réglementaire canadien est un des plus favorables au monde pour ce qui est des biostimulants végétaux, les délais d’examen et d’approbation sont trop longs, ce qui retarde leur adoption et leur utilisation. Un soutien financier pourrait être fourni aux adopteurs précoces du secteur agricole, qui nous aident à explorer le plein potentiel des biostimulants pour les sols et pour l’environnement en général, et il nous faudrait aussi une assistance pour communiquer l’information aux producteurs, pour qu’ils soient au courant du meilleur apport en nutriments et des autres bénéfices agronomiques.
Merci de votre temps. Je répondrai volontiers à toutes vos questions.
Le président : Merci, monsieur Hiltz. Nous allons poursuivre avec les questions. Commençons par notre vice-présidente.
La sénatrice Simons : Merci beaucoup à tous les témoins. Tout cela est vraiment fascinant, mais je veux d’abord m’adresser à Mme Morgan, qui a fait tout le chemin depuis la Caroline du Nord.
Nous avons commencé l’étude il y a un certain temps déjà, et nous avons rencontré une foule d’agriculteurs qui ont une véritable passion pour l’agriculture régénératrice, qui en sont devenus les apôtres, mais ils nous ont aussi fait part de leur frustration, parce qu’ils sont incapables de convaincre davantage leurs voisins d’adopter ces techniques. On nous dit sans cesse à quel point il est difficile d’adopter ces stratégies à grande échelle, surtout quand les gens n’ont pas accès à un outil de cartographie du carbone abordable ou à des sols abordables. Il existe beaucoup de technologies excellentes, mais les gens ont toujours de la difficulté à savoir ce dont ils ont besoin pour mettre en œuvre des pratiques agricoles intelligentes.
Il y a une chose que je serais très curieuse de savoir, puisque vous travaillez des deux côtés de la frontière : Avez-vous des exemples de stratégies américaines qui ont réussi à convaincre les gens qu’il ne s’agit pas seulement d’une mode granola, mais bien de quelque chose qui serait concrètement avantageux et qui serait rentable pour les agriculteurs?
Mme Morgan : Merci de la question, même si elle est des plus complexes. L’agriculture, c’est une culture, et souvent, ce n’est pas une question d’accès à la technologie, mais bien de changement de culture.
Nous savons qu’il y a beaucoup d’obstacles. Quand vous parlez avec ceux qui n’ont pas ou qui ne veulent pas adopter cette technologie, la première chose qu’ils disent, c’est que ce n’est pas rentable, mais ils n’ont pas les moyens de s’en passer. Cependant, dans toutes les discussions que j’ai eues avec les agriculteurs jusqu’ici, de façon générale, les agriculteurs disent qu’ils adoptent ces pratiques de gestion de la santé du sol parce que le statu quo n’est pas possible. C’est la raison que l’on entend fréquemment, et c’est pour cela que nous faisons des budgets partiels. Nous en avons fait plus de 150 aux États-Unis, et nous venons tout juste de finir ceux pour le Canada.
Au Texas, quand nous avons discuté avec les agriculteurs, je travaillais avec un sociologue et un économiste, et nous avons pris un groupe d’agriculteurs comme échantillon et mené des entrevues. À la fin, j’étais vraiment frustrée, parce que nous avons interrogé des agriculteurs qui avaient adopté ces pratiques et d’autres qui ne l’avaient pas fait, et nous avons tous entendu les mêmes choses. Ils ont parlé de « la responsabilité morale de prendre soin du sol ». Ils ont parlé de « rentabilité ». Nous avons entendu toutes ces choses, mais il y avait deux groupes de gens qui faisaient les choses de façon complètement différente. Au bout du compte, quand nous avons discuté avec les adopteurs, j’ai posé une question, et un d’eux m’a dit : « Oh, posez la question à Untel. Je vous donne son numéro de téléphone. » J’ai regardé autour de moi, et j’ai demandé : « Est-ce que vous vous connaissez tous? » Même si nous étions dans une région du Texas où les gens venaient de cinq comtés, donc une zone très vaste, tout le monde se connaissait, et tout le monde avait le numéro de téléphone des autres. Il y avait un réseau solide de mentorat.
Avec les sociologues, nous sommes retournés pour étudier les agriculteurs qui n’avaient pas adopté les nouvelles pratiques. Nous avons compris, à leur façon de s’exprimer, qu’ils considèrent que nous vivons dans un monde où les loups se mangent entre eux : « Je connais le secret pour faire de l’argent, mais je ne veux pas le dire à personne. » Leur point de vue était beaucoup plus compétitif, et j’ai trouvé cela intéressant quand le sociologue avec qui je travaillais m’a dit : « Oui, il y a 15 ans, j’ai publié un article sur l’adoption des pratiques de conservation, et nous avons constaté que les deux indicateurs les plus importants, pour savoir si l’agriculteur avait adopté ou non ces pratiques, et c’est triste à dire, étaient : est-ce que son père est en vie et est-ce qu’il fait confiance à son voisin. »
C’est vraiment une question de culture, et je pense que l’un des principaux investissements dont nous avons besoin aujourd’hui aurait pour but de comprendre l’aspect sociologique. La technologie existe. Nous savons quoi faire. Nous savons que l’application de ce que nous faisons varie beaucoup selon le site, que c’est très local. Nous essayons de mettre en place des réseaux de mentorat, afin que les gens puissent se demander les uns aux autres en toute sécurité ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.
La sénatrice Simons : Je veux juste m’assurer de comprendre. Si leur père est mort, ils sont plus susceptibles d’adopter les nouvelles pratiques que si leur père est en vie, en train de les regarder et de dire : « Pourquoi ne pas faire comme je l’ai toujours fait? »
Mme Morgan : Oui, madame.
La sénatrice Simons : Eh bien.
Le sénateur Klyne : Madame Morgan, bienvenue au Canada : le pays où coulent le lait et le miel.
Mme Morgan : Merci. Je trouve Ottawa magnifique.
Le sénateur Klyne : Il y a un onglet « Stratégie » dans le menu déroulant de votre site Web qui dit : « [...] améliorer la santé du sol accroît la séquestration du carbone[...] »
Mme Morgan : Le stockage.
Le sénateur Klyne : Merci. Vous comprenez de quoi je parle. Cela fonctionne au Texas aussi. On lit aussi ceci sur votre site Web :
[...] cela permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre, d’accroître la résilience aux sécheresses, d’améliorer la qualité de l’eau, de stimuler le rendement des cultures, d’augmenter la disponibilité des nutriments, d’offrir un habitat aux pollinisateurs et de réprimer un grand nombre de maladies des végétaux. Malgré tout, moins de 5 % des terres cultivées aujourd’hui aux États-Unis sont gérées à l’aide de cultures de couverture, pourtant une pratique de base en matière de santé des sols [...]
Vous menez là une initiative très intéressante. Est-ce que l’Institut pour la santé des sols offre d’autres programmes comme celui que vous avez lancé l’année dernière avec les agriculteurs de la région de la ceinture de verdure de l’Ontario, pour tester leur sol? Y a-t-il d’autres programmes de ce genre dont vous pourriez nous parler, et est-ce qu’il serait possible pour nous de mettre en œuvre une stratégie nationale... que l’on pourrait appeler le « Réseau d’amélioration continue de la santé des sols »?
Mme Morgan : Oui, nous avons beaucoup d’exemples. Celui en Ontario est notre exemple canadien, mais nous en sommes actuellement à la troisième année de collecte des valeurs de base de la santé des sols des cultures de coton, d’un bout à l’autre de la Cotton Belt des États-Unis. Nous publions des rapports régionaux et des rapports spécifiques par agriculteur.
Ce qui est intéressant, c’est que nous observons des choses similaires : Les agriculteurs qui ont adopté des systèmes de gestion de la santé du sol, dans la Cotton Belt, voient généralement leur stockage de carbone augmenter d’environ 20 %, mais nous voyons aussi que les résultats sont encore meilleurs lorsque l’adoption et l’intégration des pratiques sont encore mieux réussies, et cela vaut aussi pour la stabilité structurale. La stabilité structurale est une bonne mesure du risque d’érosion et de la résistance du sol à l’eau et à la sécheresse.
Nous avons effectivement des exemples dans la Cotton Belt. Nous venons tout juste de terminer un projet, dans l’État de l’Iowa, la région qu’on appelle Des Moines Lobe. Nous faisons aussi les grandes régions laitières des États-Unis, et nous sommes aussi en train de mettre en œuvre une campagne de mesure et d’étalonnage dans le centre des États-Unis. Nos idées peuvent très facilement être mises à l’échelle, mais elles sont aussi extrêmement pertinentes à l’échelle locale. Pour chaque échantillon que nous recueillons dans une exploitation agricole, l’agriculteur reçoit un rapport sur la santé du sol, et son sol est comparé à d’autres sols similaires gérés de manière similaire, et on lui fournit aussi des références, comme l’état idéal — le sol optimal —, et aussi la valeur de base, ou la pratique la plus répandue dans sa région, peu importe de quoi il s’agit.
Le sénateur Klyne : Il n’y a pas de solution unique? Il faut une solution adaptée?
Mme Morgan : Les sols varient en fonction du climat, donc oui. Il s’agit d’un des aspects uniques de notre projet. Beaucoup de gens, surtout des scientifiques, diront que c’est vraiment difficile de quantifier la santé des sols, mais ce qu’ils disent, c’est que les sols de différentes régions, de différents climats et de différentes propriétés ont des capacités différentes. Si vous et moi nous entraînions et que nous étions en très bonne santé, il y aurait sans doute tout de même une limite à la vitesse à laquelle nous pourrions courir un marathon, et n’importe quel homme de mon âge sera plus rapide que moi dans un marathon; c’est la même chose pour les sols. Ils ont une génétique de base, et notre programme en tient compte. Cela réjouit les agriculteurs parce qu’ils savent que leur paysage est composé de différents sols. Ils aiment que nous leur fournissions un rapport pour chacun de leurs sols, et ils y croient. Il y a une certaine crédibilité qui vient avec cela.
Le sénateur Oh : J’ai une question pour Mme Bos. En quoi la conservation de la santé des sols appuie-t-elle les buts plus généraux en matière de conservation de l’environnement? Quelles sont les conséquences possibles pour les écosystèmes naturels si nous négligeons la santé des sols?
Mme Bos : Merci. Il me fera plaisir de répondre à votre question.
On pourrait aborder la question à différents niveaux. J’aimerais revenir sur ce qu’a dit Mme Morgan : utiliser des méthodes d’agriculture régénératrice, ou des pratiques qui favorisent la santé du sol, c’est une forme de conservation de la biodiversité. Lorsque les sols sont en santé, ils offrent toutes sortes de services écologiques qui vont au-delà des terres agricoles. Il y a de nombreuses interactions écologiques entre le système agricole et l’environnement en général.
Lorsque nous favorisons la santé des sols et que nous réduisons l’apport chimique ou l’apport d’engrais ou de pesticides, ce qui réduit donc le risque qu’ils se perdent dans l’environnement avoisinant, tout ça atténue le stress auquel est soumis l’environnement et le paysage avoisinants ainsi que la biodiversité qu’ils soutiennent. Voici ma réponse à votre première question.
Un paysage résilient qui abrite une grande biodiversité a aussi des conséquences et beaucoup d’influence sur les terres agricoles. Le fait d’avoir des zones de pollinisation sur votre terre agricole contribue directement à la pollinisation de cultures importantes, et ce n’est pas parce que ce qui se passe sur la ferme est étroitement lié aux terres protégées. L’agriculture qui se fait près d’autres terres protégées est importante pour les services de pollinisation.
Chez Conservation de la nature Canada, ou CNC, nous avons fait des recherches pour comprendre l’importance de l’habitat des pollinisateurs sauvages pour les gens lorsqu’il est question, par exemple, de la valeur nutritive et du revenu des agriculteurs. Nos recherches ont montré que les pollinisateurs sauvages subviennent aux besoins de 24,2 millions de personnes au Canada et génèrent un revenu annuel de près de 2,8 milliards de dollars pour les agriculteurs. Voilà un aspect important, et, même si certaines de ces pratiques peuvent sembler sans grande importance ou être des pratiques agricoles individuelles, prises ensemble, elles peuvent créer une boucle de rétroaction positive dans la mesure où, comme je l’ai dit, ces pratiques atténuent les divers stress que subit l’environnement avoisinant et la biodiversité qu’il soutient. Cela a donc une incidence positive sur les terres agricoles puisque cela diminue le coût des intrants ou les pertes de rendement agricole. Par exemple, elles augmentent la capacité de production sur la même superficie de terre. J’espère que j’ai répondu à votre question.
Le président : Merci.
La sénatrice Burey : Merci beaucoup d’être présents. Ma question s’adresse à Mme Morgan. Pour célébrer la Journée mondiale des sols, vous avez annoncé le lancement de Slakes, une application pour téléphones intelligents, qui donne aux citoyens du monde entier la capacité de mesurer la stabilité des mélanges des sols et les encourage à le faire, puisque c’est l’un des indicateurs les plus communs; vous en avez déjà parlé. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce projet — en quoi consiste-t-il et quel est son niveau d’adoption?
Mme Morgan : Nous avons mis en œuvre ce projet nord-américain pour évaluer la santé des sols et choisir ce que nous voulions mesurer. J’ai présenté ce projet en tant que scientifique, le but étant de cerner les meilleures mesures scientifiques. Nous les avons identifiées, puis nous avons commencé à parler avec des laboratoires commerciaux pour savoir ce qu’ils mesuraient et ce qu’ils ne mesuraient pas, et aucun des laboratoires commerciaux ne mesurait notre meilleur indicateur de rendement de la stabilité des agrégats. Ils nous ont dit que c’était trop difficile à faire. C’était trop de travail.
Dans ce projet, nous avons essayé une application de reconnaissance d’images qu’un de mes collègues à l’Université de Sydney avait créée, et cela fonctionnait tout aussi bien. Nous avons donc convenu entre autres que cela devait être une application et que nous devions la mettre sur le marché. Nous l’avons lancée lors de la Journée mondiale des sols. Ce qui est génial avec cette application, c’est que n’importe qui peut l’utiliser, mais en outre il est aussi rapporté dans des articles scientifiques évalués par les pairs que cela fonctionne tout aussi bien que des mesures traditionnelles. Donc c’est vraiment bien.
En ce qui concerne l’adoption, je n’ai pas vérifié dernièrement, mais je pense que, début janvier, il y avait eu 600 téléchargements. Beaucoup de laboratoires ont commencé à l’utiliser. Nous avons aussi écrit un script — un code —, et, s’ils ne pouvaient pas utiliser l’application, ils pouvaient le faire en bloc. Nous échangeons avec un ou deux laboratoires aux États-Unis sur la possibilité qu’ils utilisent l’application pour mesurer la santé du sol pour le compte des agriculteurs, et nous avons commencé à échanger avec quelques laboratoires au Canada qui sont intéressés à l’utiliser.
Voici comment l’application fonctionne : vous pouvez la télécharger sur votre téléphone. Vous prélevez en surface de petites boules de terre de la grosseur d’un pois et vous les mettez dans l’eau. Vous ouvrez l’application, suivez les instructions et prenez une photo de la petite boule de terre que vous venez de mettre dans l’eau, puis une autre photo 10 minutes plus tard. L’application numérise la zone et compte le nombre de pixels pour calculer la dispersion de la terre dans l’eau. Plus la dispersion est importante, moins l’agrégat est stable à l’eau.
C’est exactement comme ce monsieur a dit plus tôt au sujet des particules de limon qui bouchent les pores. Lorsque le sol n’est pas stable à l’eau, il se disperse et forme de la boue, et la boue bouche les pores et scelle la surface.
C’est l’une des choses intéressantes qui se passent : peu importe que le sol soit en santé, parce que si la surface même n’est pas en santé, après la pluie, la surface peut se sceller et court-circuiter le cycle hydrologique. L’eau ne pénètre pas sous la surface; elle ne fait que ruisseler et créer des rigoles.
La sénatrice Burey : Nous avons vu quelques cas lorsque nous sommes allés à Guelph, mais aussi à Calgary, je pense.
Puisque nous parlons de mesures et que vous êtes une scientifique... de nombreux experts nous ont dit que c’est toujours une question de détails et de normes...
Mme Morgan : Oui.
La sénatrice Burey : ... et on utilise ensuite ces mesures pour dire que c’est un paramètre mesurable de la santé du sol ou de la capture du carbone et on récompense ou on rembourse les agriculteurs qui adoptent ce genre de pratique de gestion exemplaire.
Où en sommes-nous au chapitre du rendement financier dans le processus de récompense des agriculteurs qui adoptent les bonnes pratiques?
Mme Morgan : Les États-Unis versent beaucoup d’argent en lien avec ces pratiques. Ce que nous tentons vraiment de faire, c’est d’encourager un paiement en fonction du résultat et en fonction de l’amélioration réelle des sols.
J’aimerais vraiment parler de cela. Nous n’avons pas beaucoup de temps. Nous avons vu beaucoup d’exemples : dans notre projet dans le secteur laitier, où il y a un paiement en lien avec les pratiques, la pratique empire en fait la situation, en ce qui concerne la stabilité de l’agrégat, par rapport au statu quo. Il est tellement important de mesurer les résultats. C’est ce que nous voulons faire. Nous voulons rendre ces mesures accessibles. Elles sont toutes sur notre site Web. Les procédures opérationnelles normalisées ont été élaborées de concert avec les laboratoires commerciaux, et nous avons un cadre pour effectuer ces mesures. Je suis d’accord : si vous y tenez, vous le mesurez.
La sénatrice Burey : Merci.
Le sénateur Dalphond : Merci aux témoins. C’est très intéressant.
Ma question s’adresse à Conservation de la nature Canada et concerne le Plan d’action pour la conservation des prairies.
Si je comprends bien, environ 80 % des terres des Prairies sont utilisées pour la culture, l’urbanisation et le développement industriel, et il en reste 20 %. En quoi consiste le plan? Est-ce de protéger ce 20 % ou d’augmenter ce pourcentage, ou pensez-vous qu’il est possible de le diminuer tout en maintenant un certain équilibre?
Mme Bos : Merci. Je dirais que notre priorité, dans l’immédiat, c’est d’essayer de protéger ce qui reste. L’objectif de notre Plan d’action pour la conservation des prairies est de conserver 500 000 hectares d’ici les huit prochaines années, et il est fondé essentiellement sur le taux de conservation que nous voyons présentement, qui est de 140 000 à 160 000 hectares par année environ.
Nous travaillerons aussi à la restauration des terres qui sont redevenues des prairies. C’est tout aussi important. Oui, je dirais que la priorité, présentement, c’est de conserver ce qui reste, puis de travailler pour rétablir ce qui a été perdu.
Le sénateur Dalphond : Comment travaillez-vous avec les collectivités locales qui voudraient faire du développement et générer plus de taxes, industrialiser davantage ou percevoir plus d’impôt foncier, tout en préservant une bonne partie des prairies?
Mme Bos : Oui, je peux parler du travail de Conservation de la nature Canada et de nos partenariats avec le secteur agricole.
Tout d’abord, une bonne partie des terres que possède Conservation de la nature Canada dans les prairies sont louées à des éleveurs qui y font brouter leur bétail. C’est un aspect important de notre présence dans ces collectivités.
Nous soutenons aussi le travail de plusieurs pâturages communautaires au Manitoba et en Saskatchewan pour favoriser les résultats en matière de biodiversité pour ces paysages importants. Les pâturages sont essentiellement ce qui reste de l’habitat intact des Prairies. Les pâturages communautaires sont très importants, de même que les membres qui les maintiennent.
Outre cela, nous sommes partenaires d’exécution du programme d’investissement en intendance de la Fondation de la famille Weston. Ce programme aide à absorber les frais initiaux des travaux d’intendance dans les prairies. Il soutient donc un éventail de pratiques ou de projets allant des infrastructures pour l’eau aux clôtures en passant par les évaluations de la santé des pâturages et l’élaboration de plans pour améliorer les résultats en matière de biodiversité sur une terre donnée.
Nous travaillons aussi de différentes façons avec le secteur. Nous appuyons l’Association canadienne des bovins et collaborons avec elle pour trouver des solutions afin de rendre la conservation et l’intendance des prairies plus rentables pour les agriculteurs et en faire un bon modèle d’entreprise. Nous explorons différentes stratégies pour y arriver.
Nous participons activement à la Table ronde canadienne sur le bœuf durable. Nous faisons partie du comité qui a défini le cadre de leur durabilité.
Nous avons beaucoup de secteurs...
Le sénateur Dalphond : Je vois que vous travaillez pour créer des partenariats. Merci.
En résumé, si je comprends bien, vous essayez de créer des partenariats avec les collectivités locales, les industries et les agriculteurs, c’est bien cela?
Mme Bos : Oui, exactement. Nous réitérons qu’il est possible de collaborer davantage et de créer des partenariats entre le secteur de la conservation et celui de l’agriculture, et que nous pouvons travailler ensemble pour trouver des solutions communes.
Le sénateur Dalphond : Merci.
Le président : J’ai une question pour M. Hiltz. Les agriculteurs ont-ils adopté les produits de Acadian Plant Health? Est-ce principalement en Atlantique? Est-ce que vos produits sont disponibles partout au Canada? Donnez-nous un aperçu.
M. Hiltz : Merci, sénateur Black. Non, l’Atlantique est un petit marché pour nous. Même si c’est là que nous récoltons toutes nos algues et que nous fabriquons nos produits, je dirais qu’ils sont principalement utilisés à l’extérieur du Canada. Nos plus gros marchés seraient l’Europe, les États-Unis et le Brésil.
Comme je l’ai dit plus tôt, nos produits sont vendus dans environ 80 pays partout dans le monde. Les agriculteurs qui utilisent le plus nos produits font partie des marchés qui ont été le plus à l’avant-garde, disons, au chapitre de l’adoption des biostimulants pour les plantes.
Comme l’a dit Mme Morgan plus tôt, c’est surprenant de voir que les jeunes agriculteurs sont ceux qui sont le plus intéressés à utiliser ces produits. Ils veulent explorer de nouvelles façons de faire de l’agriculture commerciale plutôt que de faire tout simplement ce que nous avons fait par le passé.
Nous avons certainement optimisé l’utilisation des engrais et la génétique végétale. Les agriculteurs ont effectivement accès à toute une gamme de produits pour la protection de leurs cultures. Mais beaucoup de ces produits sont néfastes pour la santé des sols. Beaucoup d’agriculteurs se tournent maintenant vers les produits innovants, comme les biostimulants pour les plantes, dont nous pouvons montrer les bienfaits au regard de certains des facteurs énumérés par Mme Morgan plus tôt.
Pouvons-nous améliorer la diversité microbiologique des sols? Pouvons-nous augmenter la teneur en carbone organique des sols? C’est là-dessus que des entreprises comme Acadian concentrent maintenant leurs recherches, et elles essaient de faire comprendre aux agriculteurs qu’ils peuvent utiliser ces produits, tout en ayant des systèmes de culture très productifs, et qu’ils peuvent le faire de manière à améliorer également la pratique agricole régénératrice.
Le président : J’ai une question qui s’adresse à chacun de vous. Vous avez un stylo en main. Notre analyste vous a offert la possibilité de présenter deux recommandations pour notre rapport final. Que seraient-elles?
Je vais commencer par Mme Bos.
Mme Bos : Merci. Je recommanderais tout d’abord quelque chose que j’ai déjà mentionné. Dans votre rapport, il serait utile de recommander de trouver des manières d’améliorer la collaboration et le partenariat entre les milieux de la conservation et de l’agriculture pour obtenir des résultats en matière de santé des sols.
Ensuite, dans la même veine, je recommanderais d’examiner les sols d’un point de vue plus général ou d’adopter une approche systémique à cet égard, si vous voulez. C’est formidable de voir le travail que font maintenant ensemble tous les acteurs de la chaîne de valeur pour trouver des solutions de financement, des solutions axées sur le marché, et tirer profit de l’intendance et des services écosystémiques — des pratiques axées sur les résultats encourageantes —, mais je me demande comment nous pouvons bonifier ces modèles et, à partir de l’ensemble des paysages, obtenir des résultats du côté des additifs et des agrégats. Dans votre rapport sur la santé des sols, il serait utile de recommander d’examiner l’incidence des services écosystémiques sur l’ensemble des terres agricoles pour trouver le moyen de réunir les partenaires improbables; il faudrait aussi envisager l’intégration de l’aménagement du territoire dans les travaux actuels et dans les programmes fédéraux.
Je suis tout à fait d’accord avec ce que Mme Morgan disait plus tôt; c’est une culture. Réunir les partenaires dans les collectivités locales et réunir les agriculteurs en vue de déterminer les objectifs et les résultats en matière d’intendance pour l’ensemble des terres pourrait diminuer la pression et réduire les risques associés à la transition vers certaines de ces pratiques agricoles, et permettre aussi à tout le monde de comprendre l’incidence particulière des pratiques liées à la santé des sols agricoles sur l’écosystème et leur importante valeur écologique. Ce serait ma deuxième recommandation.
Le président : Merci. Monsieur Hiltz, veuillez nous faire part de deux recommandations pour notre rapport.
M. Hiltz : L’un des points importants que j’ai soulevés à la fin de mon exposé, c’est que le gouvernement devrait participer plus activement aux discussions sur le marché émergent des biostimulants appliqués aux plantes et sur la manière dont on peut utiliser ce type de technologies innovantes dans l’agriculture commerciale pour assurer la viabilité de l’agriculture ainsi que la santé et la régénération des sols. Nous avons constaté que, dans d’autres régions du monde, on fait mention de ce type de produits dans des politiques progressistes présentées en vue d’améliorer l’agriculture régénératrice et assurer la santé des sols.
Il serait utile de mentionner cette catégorie de produits dans les politiques gouvernementales.
Ensuite, il devrait y avoir un genre d’incitatif financier. J’aime le commentaire de Mme Morgan qui a dit qu’il faut miser sur des pratiques axées sur les résultats et, une fois de plus, récompenser les premiers à adopter ces pratiques ou les agriculteurs qui adoptent véritablement certaines pratiques requises pour la régénération des sols, la santé des sols et l’agriculture régénératrice; il faut les encourager à le faire.
Le président : Merci. Madame Morgan, veuillez nous faire part de deux recommandations.
Mme Morgan : Premièrement, il faut se concentrer sur la culture. Il faut envisager des façons dynamiques et créatives de changer la culture de l’agriculture, y compris au moyen de réseaux de mentorat, et se concentrer sur le revenu agricole net plutôt que sur le rendement.
Deuxièmement, ce qui vous tient à cœur, il faut l’évaluer. Il faut évaluer les changements qui se produisent dans tous les paysages. J’aime l’idée, mentionnée plus tôt, d’une stratégie nationale visant à mesurer les changements de la santé des sols par rapport aux changements de pratiques.
Le président : Merci.
La sénatrice Simons : L’un des problèmes dont les gens nous parlent sans cesse, surtout les premiers à adopter ces pratiques, est le suivant : « Lorsque le gouvernement élabore un programme incitatif, il récompense ceux qui ont tardé à adopter les nouvelles pratiques. » Où est la récompense pour ceux qui ont pris un risque et ont été les premiers à adopter une technique donnée?
On pourrait leur dire qu’ils sont récompensés parce que leur exploitation est plus rentable, mais je crois qu’ils se sentiront quand même vexés. J’ai surnommé ce phénomène « l’énigme du fils prodigue ». Ils ont adopté ces pratiques en premier, et, au bout du compte, ce sont les derniers qui les ont adoptées pour corriger la situation que le gouvernement récompense, et non les premiers.
Pouvez-vous nous donner des exemples de stratégies proposées du côté américain de la frontière qui ont encouragé les gens à être les premiers à adopter certaines pratiques et qui ne semblent pas les pénaliser?
Mme Morgan : Je crois que la stratégie serait probablement différente en ce qui concerne les nouveaux et les premiers à adopter ces pratiques. Par exemple, les États-Unis ont créé des partenariats pour les produits écoresponsables. Ils lancent également des appels d’offres pour les récompenser.
Pour ce qui est des programmes que nous leur proposons, nous les payons afin qu’ils servent de mentors et nous mettons sur pied avec eux des réseaux de mentorat. Nous les payons également pour qu’ils évaluent leurs sols, parce que ce sont d’excellents exemples de ce que peuvent être les sols aujourd’hui.
La sénatrice Simons : Ce qui est difficile, c’est de « changer la culture », comme vous dites. Ceux parmi nous qui ont eu la possibilité de rencontrer les agriculteurs sur le terrain ont rencontré des personnes. Je ne veux pas minimiser le rôle de la religion dans la vie des gens, mais c’est tout comme s’ils avaient trouvé leur « chemin de Damas », et ils disent : « J’ai fait les choses de la façon dont elles ont toujours été faites, et un jour, cela ne fonctionnait plus. Mon sol était trop compacté, et les rendements de mes récoltes avaient diminué. Du jour au lendemain, je suis passé à la culture intercalaire. Du jour au lendemain, je suis passé à la culture de couverture. »
Je viens de l’Alberta, où tous les agriculteurs pratiquent la culture sans labour, mais ils ont adopté d’autres pratiques. Je sens leur frustration. Certains d’entre eux me disent : « J’utilise des techniques plus innovantes loin de la route, pour éviter que mes voisins me voient et se moquent de moi. »
Dieu sait qu’un groupe de sénateurs venus d’Ottawa qui demandent aux gens de changer leur façon de faire a très peu de chances de les convaincre. Je viens de l’Alberta; vous venez du Texas. Comment arrivez-vous à convaincre les gens?
Mme Morgan : Il faut faire appel à un sociologue créatif et à des stratégies de marketing créatives. Quand je me promène sur les routes de campagne du Texas et que j’écoute la radio, toutes les publicités disent des choses comme : « Ajoutez tel ou tel produit pour augmenter votre rendement. Soyez durs. Plus de rendement, plus de rendement. »
La sénatrice Simons : Roundup.
Mme Morgan : Personne ne dit : « Avez-vous calculé votre revenu agricole net récemment? Mettez-vous trop d’intrants dans votre sol? À quoi ressemble votre revenu? »
Je crois honnêtement que c’est une stratégie de marketing ingénieuse. Je suis une scientifique, mais j’ai vu des stratégies de marketing ingénieuses fonctionner.
La sénatrice Simons : Si vous voulez que les gens mettent de l’extrait d’algues dans leurs sols au lieu d’un engrais potassique, il faut leur dire qu’il existe un extrait d’algues qu’ils peuvent mettre dans leurs sols au lieu d’un engrais potassique.
Mme Morgan : Oui, lorsque je parle de « marketing », je ne parle pas de leur vendre quelque chose, mais de leur vendre une culture différente.
La sénatrice Simons : Oui.
Mme Morgan : Vous avez raison. Aux États-Unis — je ne sais pas comment les choses se passent ici —, nous avons vraiment beaucoup de propriétaires fonciers non exploitants. Ils possèdent des terres et ils les louent. Nous avons parlé aux agriculteurs qui ont adopté cette pratique. Sur certaines des terres qu’ils louent, la culture sans labour et la culture de couverture sont interdites parce que cela évoque la culture sur résidus ou que les terres n’ont pas la même apparence que lorsque les ancêtres du propriétaire les labouraient au printemps. Labourer les terres leur donne une agréable odeur et une apparence de propreté. C’est la culture. C’est difficile. Ce n’est pas facile.
La sénatrice Simons : Mais vous avez raison. Vous pourriez dire aux gens : « Vous dépensez beaucoup pour les engrais. Vous dépensez beaucoup pour les herbicides. Vous pourriez vous servir de la cartographie des sols pour mettre de l’engrais seulement là où c’est nécessaire. Si vous utilisez des techniques de capture de carbone, vous n’aurez pas besoin d’autant de produits biologiques importés. »
Mme Morgan : Je vais vous donner un petit exemple. À l’époque, lorsque l’on a introduit le chaulage, les agriculteurs ont été très réticents face à cette pratique parce que les bénéfices ne se voyaient qu’à long terme. Puis, les mesures et les recherches ont démontré que le chaulage fonctionnait. C’est aussi un excellent exemple de pratique de gestion de la santé des sols.
La sénatrice Simons : Merci beaucoup, et merci de vous être déplacés pour venir nous voir.
Le sénateur Klyne : J’ai une question pour M. Hiltz, mais je voudrais faire un commentaire à Mme Bos.
J’aimerais vous souhaiter à tous la meilleure des chances dans la conservation de plus de 5 000 milles carrés de pâturages dans les Prairies canadiennes. Je vous souhaite surtout de poursuivre l’amélioration de la santé de nos sols dans les Prairies. Je vous en remercie.
Monsieur Hiltz, je vois que votre entreprise, Acadian Plant Health, s’est jointe à l’Initiative « 4 pour 1 000 ». Pourriez-vous expliquer au comité ce qu’est l’Initiative « 4 pour 1 000 »? Est‑elle largement adoptée? Fait-elle son chemin?
M. Hiltz : L’Initiative « 4 pour 1 000 » est relativement nouvelle. J’admets volontiers que je ne la connais pas très bien. D’après ce que je comprends, il est question de remettre une certaine quantité de carbone dans les sols. C’est une idée relativement nouvelle pour notre entreprise. Je crois que c’est l’objectif. L’initiative vise à améliorer la séquestration du carbone dans les sols et à contribuer à l’agriculture régénératrice.
Le sénateur Klyne : Il est mentionné que votre entreprise vient tout juste de se joindre à l’Initiative « 4 pour 1 000 ». Parle-t-on de cinq entreprises nouvellement membres de l’initiative ou de 5 000 membres à l’échelle du pays?
M. Hiltz : Une fois de plus, je suis désolé. Un autre membre de l’entreprise s’occupait de ce dossier. Je pourrais vous obtenir la réponse, mais je ne vais même pas tenter de répondre à votre question maintenant parce que je ne m’y connais pas très bien.
Le sénateur Klyne : Bon. Eh bien, au moins vous vous engagez.
Madame Morgan, avez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet?
Mme Morgan : Nous sommes membres de l’Initiative « 4 pour 1 000 ». On estime que, à l’échelle du globe, nous pouvons augmenter la concentration de carbone dans le sol de « 4 pour 1 000 » en moyenne. C’est une moyenne importante et c’est un slogan accrocheur. Le groupe de l’Initiative « 4 pour 1 000 » est mondial. Je crois qu’il est mené par l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture, la FAO. Les membres se rencontrent assez régulièrement pour discuter des pratiques adoptées dans différents pays. Il s’agit d’une campagne de sensibilisation menée par des scientifiques.
Le sénateur Klyne : D’accord. Madame Bos, y participez-vous ?
Mme Bos : J’en ai entendu parler tout récemment, mais je ne sais pas si Conservation de la nature Canada y participe déjà. Je vais vous revenir à ce sujet.
Le sénateur Klyne : Vous devriez aller voir le travail que vous pourriez faire auprès de la FAO. Merci à tous.
Le président : Merci beaucoup. Nos sénateurs n’ont plus de questions.
Je remercie nos témoins — Mme Morgan, Mme Bos et M. Hiltz — de leur participation aujourd’hui. Vous avez grandement contribué à l’étude du Sénat. Nous avons hâte de vous communiquer notre rapport lorsqu’il sera terminé.
J’aimerais également remercier, comme je le fais toujours, les membres du comité. Vos questions m’impressionnent toujours. Elles sont bien réfléchies, elles sont intenses, et ce sont de bonnes questions.
Je remercie le personnel qui nous soutient : le personnel de notre bureau, nos interprètes, l’équipe des débats chargée de la transcription de la séance, les préposés de la salle du comité, le personnel des services multimédias, l’équipe de diffusion, le centre d’enregistrement, la DSI et nos pages.
Notre prochaine réunion aura lieu le jeudi 15 février à 9 heures, et nous entendrons d’autres témoins à propos de l’étude sur la santé des sols de notre comité. La vice-présidente dirigera la séance, jeudi.
(La séance est levée.)