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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’AGRICULTURE ET DES FORÊTS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 9 avril 2024

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 18 h 29, avec vidéoconférence, pour étudier la réponse du gouvernement au sixième rapport (provisoire) du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts intitulé Remettre à flot : L’impact et la réponse aux inondations de 2021 en Colombie-Britannique, déposé au Sénat le 27 octobre 2022.

Le sénateur Robert Black(président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir à tous. Je vous remercie de votre présence. Je souhaite la bienvenue aux membres du comité, aux témoins, que je remercie de se joindre à nous, et à ceux qui suivent cette réunion sur le Web. Je m’appelle Rob Black, je suis un sénateur de l’Ontario et je préside ce comité.

La réunion d’aujourd’hui porte sur la réponse du gouvernement au sixième rapport (provisoire) du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, intitulé Remettre à flot : L’impact et la réponse aux inondations de 2021 en Colombie-Britannique, déposé au Sénat le 27 octobre 2022.

Avant d’entendre les témoins, je demanderais d’abord aux sénateurs de se présenter.

Le sénateur Cotter : Je m’appelle Brent Cotter. Je suis un sénateur de la Saskatchewan.

Le sénateur Oh : Je suis Victor Oh, sénateur de l’Ontario.

La sénatrice Robinson : Je suis Mary Robinson, sénatrice de l’Île-du-Prince-Édouard.

La sénatrice McBean : Je suis Marnie McBean, sénatrice de l’Ontario.

[Français]

Le sénateur Dalphond : Pierre Dalphond, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Klyne : Bonsoir et bienvenue. Je m’appelle Marty Klyne. Je suis un sénateur de la Saskatchewan, territoire visé par le Traité no 4.

Le sénateur McNair : Bonsoir. Je m’appelle John McNair, sénateur du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Burey : Bienvenue. Je suis Sharon Burey, sénatrice de l’Ontario.

Le président : Merci beaucoup, chers collègues.

La discussion d’aujourd’hui porte sur la troisième recommandation du rapport du comité :

Que le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis, et d’autres gouvernements et administrations des deux pays si la situation le dicte, lancent un dialogue permanent sur la gestion des eaux transfrontalières, dont le fleuve Nooksack.

Nous entendrons le témoignage de fonctionnaires des ministères concernés. Ce soir, nos témoins sont : Cecile Siewe, sous-ministre adjointe, Service météorologique du Canada, et Wayne Jenkinson, directeur général, Services hydrologiques nationaux, d’Environnement et Changement climatique Canada; ainsi que Niall Cronin, directeur général, Affaires transfrontalières — États-Unis, d’Affaires mondiales Canada.

Je vous souhaite la bienvenue. Je vous invite à faire vos exposés. Nous allons commencer par les témoins d’Environnement et Changement climatique Canada, puis nous passerons à celui d’Affaires mondiales Canada. Chaque ministère dispose de cinq minutes. Je lèverai une main lorsqu’il restera une minute, et quand je lèverai les deux mains, cela voudra dire que vous devez conclure rapidement. Cela dit, la parole est à vous, madame.

[Français]

Cecile Siewe, sous-ministre adjointe, Service météorologique du Canada, Environnement et Changement climatique Canada : Merci beaucoup. C’est un honneur de m’adresser à vous aujourd’hui en tant que sous-ministre adjointe du Service météorologique du Canada, ou SMC, à Environnement et Changement climatique Canada, ou ECCC.

Au cours des dernières années, les Canadiens ont fait l’expérience directe des ravages que les conditions météorologiques extrêmes ont provoqués dans les collectivités de tout le pays. La fréquence croissante de ces événements souligne le rôle essentiel d’ECCC. Mon ministère, sous les auspices du Service météorologique du Canada, fournit des renseignements faisant autorité sur les conditions météorologiques et d’autres conditions environnementales 24 heures sur 24, 365 jours par année.

Les services que nous offrons permettent aux Canadiens d’agir et de prendre des décisions éclairées au quotidien, surtout à la suite d’événements météorologiques extrêmes.

[Traduction]

Comme nous le savons tous, en novembre 2021, le sud-ouest de la Colombie-Britannique a connu des précipitations record en raison d’une rivière atmosphérique qui a provoqué des inondations destructrices jusqu’au nord-ouest de l’État de Washington. Les inondations ont eu des répercussions sur les moyens de subsistance et les infrastructures essentielles. Les répercussions sur les zones agricoles telles que la prairie Sumas ont été particulièrement graves. Plus d’un millier d’exploitations agricoles ont été touchées et les agriculteurs ont perdu des millions de têtes de bétail et des milliers d’hectares de terres.

Je suis avec vous aujourd’hui pour discuter de la réponse du gouvernement à la recommandation 3 du sixième rapport de ce comité, qui prévoit ceci :

Que le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis, et d’autres gouvernements et administrations des deux pays si la situation le dicte, lancent un dialogue permanent sur la gestion des eaux transfrontalières, dont le fleuve Nooksack.

[Français]

Le gouvernement du Canada approuve ces recommandations. La gestion des ressources hydriques intérieures au Canada est partagée conjointement entre les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux et, dans certains cas, les gouvernements territoriaux et autochtones. La gestion des eaux transfrontalières avec les États-Unis est facilitée par un certain nombre de mécanismes, notamment le Traité des eaux limitrophes et la Commission mixte internationale, ou CMI, qui permettent d’assurer une coordination et une coopération dans la gestion des voies navigables partagées.

Certains hauts fonctionnaires d’ECCC collaborent directement avec ces conseils internationaux de gestion de l’eau en fournissant un soutien technique à la CMI. Environnement et Changement climatique Canada conseille également Affaires mondiales Canada sur les questions techniques liées aux eaux transfrontalières.

[Traduction]

En ce qui concerne le fleuve Nooksack mentionné dans la recommandation 3, le fleuve ne traverse pas le Canada, mais les inondations du fleuve Nooksack affectent périodiquement les niveaux et les débits de la rivière Sumas, qui coule au Canada, ce qui peut exacerber les conditions d’inondation au Canada. À ce titre, le Canada reste déterminé à maintenir sa participation continue à la gestion du fleuve Nooksack.

Après les inondations de 2021, les gouvernements de la Colombie-Britannique et de l’État de Washington mènent une nouvelle Initiative contre les inondations transfrontalières, qui comprend également les Premières Nations, les tribus américaines et les administrations locales de la vallée du Fraser, dans le but de mettre en place et de maintenir des initiatives de prévention et d’intervention en cas d’inondation du fleuve Nooksack. Des fonctionnaires fédéraux collaborent avec la table technique de l’initiative pour échanger des renseignements dans le cadre du Programme de détermination et de cartographie des risques d’inondation.

Le Canada continuera de participer aux discussions sur la gestion des eaux transfrontalières et du fleuve Nooksack. Nous sommes prêts à faire avancer les choses et à collaborer pour protéger les vies et les moyens de subsistance de part et d’autre de la frontière.

À l’instar de mon collègue Wayne Jenkinson, je me ferai un plaisir de répondre à vos questions. Je vous remercie.

Le président : Merci, madame Siewe.

[Français]

Niall Cronin, directeur général, Affaires transfrontalières — États-Unis, Affaires mondiales Canada : Bonsoir. Je m’appelle Niall Cronin et, depuis septembre 2022, je suis directeur exécutif de la Division des affaires transfrontalières des États-Unis au sein d’Affaires mondiales Canada.

Avant de poursuivre, j’aimerais commencer par reconnaître que la terre sur laquelle nous sommes réunis est le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.

[Traduction]

La Direction des relations transfrontalières avec les États-Unis à Affaires mondiales Canada fournit un vaste éventail d’analyses et de conseils aux hauts fonctionnaires et aux ministres d’Affaires mondiales Canada, ainsi qu’à d’autres ministères fédéraux, sur les questions relatives aux frontières, à l’énergie, à l’eau et à l’environnement qui ont une incidence sur les relations bilatérales du Canada avec les États-Unis. Ces questions concernent notamment les changements climatiques, les combustibles fossiles, la qualité de l’eau et la quantité d’eau, la pêche et l’engagement du Canada auprès de la Commission mixte internationale, ou CMI. La division fournit également un soutien au réseau diplomatique du Canada aux États-Unis en matière d’énergie et d’environnement.

[Français]

Je suis heureux de me retrouver parmi vous ce soir pour discuter de la gestion des eaux transfrontalières avec les États‑Unis, et notamment de notre engagement auprès de la Commission mixte internationale et de son rôle dans ce domaine.

[Traduction]

Le Canada et les États-Unis partagent la plus longue frontière internationale entre deux pays au monde, soit plus de 8 800 kilomètres, dont plus de 40 % sont constitués d’eau. Nos pays ont signé le Traité des eaux limitrophes en 1909 afin de gérer conjointement les eaux transfrontalières et d’aider à prévenir et à résoudre les conflits liés à l’eau le long de la frontière entre nos deux pays. Le traité énonce des principes généraux plutôt que des prescriptions détaillées pour guider les deux pays dans des domaines tels que l’approbation de projets susceptibles d’avoir une incidence sur les niveaux ou les débits naturels des eaux le long de la frontière. C’est la CMI, une commission composée de trois commissaires nommés par chaque pays, qui met en œuvre l’intention du traité. Affaires mondiales Canada est responsable de la gestion des relations du Canada avec la Commission et de veiller à ce que le Canada respecte ses obligations en vertu du Traité des eaux limitrophes. Nous travaillons en étroite collaboration avec les experts techniques d’Environnement et Changement climatique Canada pour nous aider à déterminer les répercussions potentielles sur les niveaux et les débits d’eaux.

À la suite des inondations de 1990 dans le bassin du fleuve Nooksack, les organismes canadiens et américains impliqués dans le contrôle des inondations ont créé le Nooksack River International Task Force, qui est devenu depuis l’Initiative contre les inondations transfrontalières. La province de la Colombie-Britannique et l’État de Washington, de même que les villes touchées par les inondations de 2021, se sont engagés, par l’entremise de cette initiative, dans un accord multigouvernemental qui propose un cadre pour soutenir la collaboration et relever les actions de réduction des risques d’inondation et de restauration de l’habitat dans les bassins versants du fleuve Nooksack et de la rivière Sumas. Comme mon collègue d’Environnement et Changement climatique Canada l’a dit, le gouvernement fédéral soutient cet effort et est représenté au comité technique de l’initiative.

Affaires mondiales Canada travaille également sur les enjeux relatifs aux eaux transfrontalières par l’entremise du Consulat général du Canada à Seattle.

[Français]

Nos collègues à Seattle ont effectué deux visites sur place en 2022, à Everson City, dans l’État de Washington, et à Abbotsford, en Colombie-Britannique.

Ils ont rencontré des intervenants des deux côtés de la frontière, y compris des représentants des Premières Nations, des représentants des gouvernements locaux, du gouvernement de Washington et de la Colombie-Britannique, ainsi que leurs homologues du Consulat général des États-Unis d’Amérique à Vancouver. Affaires mondiales Canada continuera de suivre la situation et de soulever la question avec le département d’État au besoin.

Sur ce, je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

[Traduction]

Le président : Je vous remercie, monsieur Cronin.

Je vais me prévaloir de la prérogative de poser la première question, si vous n’y voyez pas d’inconvénient, sénatrice Simons. Je veux être clair : l’Initiative contre les inondations transfrontalières dont vous avez parlé est-elle la même que celle que vous avez mentionnée dans votre déclaration? Est-ce la même initiative?

Mme Siewe : Je pense qu’elle a commencé avec un autre nom et est devenue l’Initiative contre les inondations transfrontalières. C’est la même initiative que celle dont nous avons parlé.

Le président : Je vous remercie. C’était ma question, par souci de clarté.

La sénatrice Simons : Je vous prie de m’excuser pour mon retard. J’étais en train de penser à certains de nos invités de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture pour plus tard cette semaine. Je suis la sénatrice Paula Simons. Je suis de l’Alberta, du territoire visé par le traité no 6.

Je dois dire que c’est une très agréable surprise d’entendre à quel point vous êtes avancés dans ce processus. Je ne peux m’empêcher de me demander si le fait qu’il s’agisse d’une question transfrontalière n’a pas donné plus d’urgence à l’attention que vous lui avez accordée.

L’une de nos frustrations, je pense, est du côté canadien de la frontière, car une grande partie de la responsabilité a été transférée aux municipalités et aux Premières Nations, et ni la province ni le gouvernement fédéral n’ont vraiment pris de mesures pour combler les lacunes en matière d’infrastructure qui ont été relevées dans notre rapport.

Je me demande si vous pouvez me parler du côté américain de la frontière. La responsabilité est-elle aussi fragmentée, ou le corps de génie de l’armée américaine ou le gouvernement de l’État de Washington assument-ils une plus grande part de responsabilité? Pouvons-nous apprendre quelque chose du modèle américain?

Le président : Qui veut répondre à cette question?

M. Cronin : Notre consulat à Seattle, qui communique régulièrement avec ses homologues américains, y compris les sénateurs de l’État de Washington qui s’intéressent vraiment à cette question, nous a dit que le problème n’est pas plus homogène, mais qu’il est plus complexe. Tous les ordres de gouvernement doivent s’asseoir à la table, et c’est ce qui s’est révélé efficace pour résoudre le problème. C’est pourquoi il est encourageant de voir que l’Initiative contre les inondations transfrontalières prévoit un certain nombre de tables où les gouvernements des Premières Nations des deux côtés de la frontière, des représentants provinciaux et des États peuvent participer, et où les fonctionnaires fédéraux participent aux tables techniques. C’est également le cas pour d’autres questions relatives aux eaux transfrontalières. Lorsque tous les ordres de gouvernement rament dans la même direction, c’est tout simplement beaucoup plus efficace.

La sénatrice Simons : Je me demande si M. Jenkinson ou Mme Siewe souhaite ajouter quelque chose à ce sujet.

Wayne Jenkinson, directeur exécutif, Services hydrologiques nationaux, Environnement et Changement climatique Canada : Je serais heureux de répondre, sénatrice, à votre question visant à savoir si la fragmentation est plus importante ici ou aux États-Unis.

Nous avons beaucoup travaillé au fil des ans avec nos amis et collègues américains sur les enjeux transfrontaliers, et je ne pense pas que l’on puisse dire que la fragmentation est plus ou moins grande. Les structures sont certainement différentes. Le corps de génie de l’armée américaine est unique, et je ne sais pas si nous avons un équivalent complet ici au Canada. Par ailleurs, je pense que le rôle d’Environnement Canada est unique, et je ne crois pas qu’il y ait une entité analogue qui correspondrait parfaitement à cela. La Commission géologique des États-Unis joue en partie le même rôle que nous. Je n’irais pas jusqu’à dire que la responsabilité est plus ou moins fragmentée, mais les structures ne sont pas tout à fait harmonisées.

Si l’on regarde le groupe de travail sur le fleuve Nooksack, qui est maintenant l’Initiative contre les inondations transfrontalières, vous verrez qu’il y a une grande participation à tous les ordres de gouvernement des deux côtés de la frontière — communautés autochtones, organismes fédéraux et contributeurs des États et des provinces. Certains de ces problèmes liés aux inondations relèvent, de par leur nature, de différents gouvernements quant à la manière de les résoudre.

J’espère avoir répondu à votre question.

La sénatrice Simons : Ce qui s’est passé dans la vallée du Fraser était « la tempête parfaite » — même si je déteste utiliser un tel cliché. Il y a eu la rivière atmosphérique, le fait que la prairie Sumas est un ancien fond lacustre, puis le problème du fleuve Nooksack et de son débordement. Dans quelle mesure pouvons-nous prévenir ou atténuer une future inondation en réglant le problème du fleuve Nooksack? C’est un facteur parmi tant d’autres, mais dans quelle mesure importe-t-il si nous voulons prévenir une future inondation?

M. Jenkinson : À quel point est-il important de comprendre le fleuve Nooksack pour prévenir de futures inondations? Je pense que c’est extrêmement important. Si vous examinez certaines des études qui ont été entreprises dans le cadre du mandat du groupe de travail sur le fleuve Nooksack... vous savez, la première inondation a eu lieu en 1990, et depuis, de nombreuses enquêtes ont été menées pour comprendre pleinement la nature des inondations dans cette région. Ce n’est que lorsqu’une inondation a été causée par la rivière atmosphérique que nous avons revu une inondation de cette ampleur. L’expression « tempête parfaite » est un peu un cliché, mais le niveau du fleuve Fraser avait atteint son point culminant, et le fleuve Nooksack provoquait des inondations. Il est difficile de caractériser ces phénomènes, et pour ce faire, il est nécessaire de mener des travaux. On m’indique qu’il est de passer à une autre intervention, mais je pense qu’il est important de comprendre le phénomène physiquement et de savoir comment l’éviter à l’avenir. Je m’excuse d’avoir dépassé le temps qui nous était imparti.

Le président : Si vous souhaitez ajouter quelque chose, il y aura une deuxième série de questions.

Le sénateur Oh : Chers témoins, je vous remercie de vous être joints à nous ce soir.

La question que j’adresse à tous les témoins est la suivante : compte tenu de la fréquence et de la gravité croissantes des phénomènes météorologiques extrêmes, quelle stratégie le gouvernement met-il en œuvre pour renforcer la résilience du secteur agricole canadien face aux inondations à venir et aux autres défis liés au climat? Aujourd’hui, nous avons des satellites météorologiques qui font le tour de la planète. Je suppose qu’il y en a un certain nombre là-haut. Quelle est la précision de leurs prédictions et nous permettent-ils de savoir si un changement relatif aux tendances météorologiques entraînera des tempêtes parfaites comme celle de Vancouver?

M. Jenkinson : Cette question est peut-être destinée à moi aussi. Je suppose que la question est de savoir quelles sont nos capacités de prévision de ces tempêtes parfaites.

Comme je ne suis ni météorologue ni annonceur de la météo, je ne peux pas vous en parler avec beaucoup d’autorité, mais nous pouvons vous fournir de plus amples renseignements à ce sujet, si vous le souhaitez. Je sais que les compétences en matière de prévision s’amenuisent rapidement quand on tente de prévoir la météo plusieurs semaines à l’avance. Nous n’avons pas nécessairement la capacité d’estimer avec exactitude et précision le volume des précipitations, les lieux où les pluies vont tomber ou les quantités d’eau qui s’accumuleront à la suite de ces événements. En résumé, il est difficile d’établir des prévisions précises à long terme.

Le sénateur Oh : Quel est notre degré de coopération avec le département américain responsable, et dans quelle mesure les satellites météorologiques qui parcourent le ciel nous renseignent-ils? Il est important de le savoir. De nos jours, la technologie devrait être en mesure de nous donner des indications ou des avertissements.

Mme Siewe : Tout à fait. Ce que je peux dire à ce sujet, c’est que nous continuons de mener des recherches pour améliorer nos capacités de modélisation et de prévision, et que nous travaillons en étroite collaboration avec d’autres services météorologiques du monde entier. Nous faisons partie de l’Organisation météorologique mondiale. Nous transmettons nos données, et nous avons accès à leurs données. Je dirais la même chose à propos des États-Unis. Nous travaillons en étroite collaboration avec la National Oceanic and Atmospheric Administration, ou NOAA. Là encore, comme Wayne l’a mentionné plus tôt, leur structure est un peu différente de la nôtre. Le Service météorologique du Canada est doté de différentes entités qu’ils n’ont peut-être pas, et ils sont dotés de certaines entités que nous n’avons pas. Cependant, nous avons tendance à collaborer et à travailler très étroitement avec eux, à partager nos ressources autant que possible et à tirer parti de leur capacité en matière de données et d’informatique dans la mesure du possible.

Le sénateur Oh : Le Canada dispose-t-il de ses propres satellites météorologiques et d’une surveillance des conditions météorologiques?

M. Jenkinson : Nous avons certainement des satellites que nous pouvons utiliser. Je ne sais pas si je peux répondre précisément à cette question.

Mme Siewe : Je vais vous donner une réponse générale, et nous pourrons peut-être vous fournir une réponse plus précise par écrit plus tard. Notre capacité de surveillance comprend des radars, le récepteur Radiométéo, des satellites, et nous avons aussi des technologies d’hydrométrie qui mesurent les niveaux d’eau. Nous disposons de toute cette infrastructure de surveillance dans l’ensemble du pays.

Le sénateur Oh : Je vous remercie de votre réponse.

Le sénateur Klyne : Je vous souhaite la bienvenue encore une fois.

Au cours de votre déclaration préliminaire, vous avez parlé des phénomènes météorologiques extrêmes et indiqué que leur fréquence ne ferait que s’accroître. Ma première question est la suivante : en ce qui concerne les eaux transfrontalières, y compris le fleuve Nooksack, s’agit-il d’une zone inondable naturelle dans sa forme actuelle et dans sa forme antérieure?

M. Jenkinson : Il s’agit d’une zone inondable naturelle.

Le sénateur Klyne : Dans le cadre de votre travail et, en particulier, dans le cadre du programme de cartographie, la durabilité et la résilience sont-elles des objectifs à atteindre en fin de compte? Par « durabilité », j’entends la capacité à maintenir l’intégrité conçue dans le cadre d’une reconstruction ainsi que la résilience, c’est-à-dire la capacité à s’adapter à des conditions changeantes. Nous n’avons pas de boule de cristal, mais nous savons que nous allons devoir faire face à des événements de plus en plus fréquents. La durabilité et la résilience sont-elles des objectifs à atteindre?

Collaborez-vous à l’élaboration de cette reconstruction? Êtes‑vous en mesure de recommander le recul des digues et d’avoir une influence sur cette décision, afin que ces digues puissent contenir plus d’eau et gérer une plus grande masse d’eau en mouvement, au lieu d’être plus proches de la ligne du fleuve et de déborder plus tôt qu’elles ne le devraient?

Par ailleurs, compte tenu des tendances que nous connaissons grâce aux connaissances limitées que nous avons acquises à propos de l’avenir, faites-vous des modélisations qui vous portent à croire qu’il faut modifier substantiellement l’emplacement de certains éléments et qu’il ne faut peut-être pas reconstruire à certains endroits, étant donné qu’il s’agit d’une zone inondable naturelle?

M. Jenkinson : Certainement. Il existe un certain nombre d’initiatives à cet égard, et je pense que la Stratégie nationale d’adaptation, qui a été discutée au cours de certaines des audiences précédentes, coïnciderait avec certains des objectifs que vous avez énumérés. Le Programme de détermination et de cartographie des risques d’inondation est lié à cette stratégie. Il s’agit d’une approche plus préventive en matière de détermination des zones qui présentent des risques élevés et d’un travail de délimitation de ces zones inondables. C’est un programme fédéral dont les coûts sont partagés avec les provinces et les territoires. Deux études sont en cours dans cette région, et un certain nombre de collectivités sont examinées afin de déterminer si elles devraient faire partie de projets pilotes. On travaille activement en ce sens, et on dépense de l’argent pour essayer de caractériser les risques d’inondation dans cette région et dans l’ensemble du pays. C’est un aspect de la question.

Pour ce qui est de savoir si nous effectuons de la modélisation ou si de la modélisation est en cours, si nous examinons le travail réalisé par le groupe de travail sur le fleuve Nooksack et par d’autres groupes à l’échelle provinciale et fédérale, ou provinciale et étatique, nous constatons que des études sont menées pour produire ces cartes et étudier les scénarios liés au changement climatique. On comprend mieux ce qui se passe dans ces différentes zones, ce qui permet de disposer d’outils pour planifier des mesures d’atténuation. Le groupe de travail, c’est-à-dire la Transboundary Flood Initiative, ou TFI, a certainement prévu cela dans son plan de travail, si vous voulez.

Le sénateur Klyne : Étant donné qu’il est probable que ces événements se reproduisent, ces coûts sont élevés. Il y a deux coûts, n’est-ce pas? Il y a des éléments de risque. La probabilité d’une nouvelle inondation n’est pas élevée, mais elle est probablement moyenne, et le coût en sera substantiel. Il s’agit d’un risque élevé, quelle que soit la façon dont on l’évalue sous ces deux angles. Faisons-nous ce que nous pouvons? Nous n’avons pas beaucoup de contrôle sur la probabilité d’une nouvelle inondation, mais nous pourrions probablement réduire certains coûts en repositionnant les éléments. Je suis persuadé que les gens examinent ces questions, et déterminent que l’exploitation agricole ne peut peut-être pas être située à cet endroit, mais qu’elle doit être établie là-bas, et que tout le monde y gagne. J’espère que ce genre de conversation a lieu.

M. Jenkinson : Sénateur, je pense que, dans notre réponse, nous avons mentionné l’une des études les plus récentes que le groupe de travail sur le fleuve Nooksack a réalisées à Abbotsford, je crois, une étude financée en partie par des fonds fédéraux et des fonds provenant du gouvernement de la Colombie-Britannique. Cette étude a examiné différentes mesures d’atténuation, notamment ce que vous avez décrit, c’est-à-dire des digues entourant certaines collectivités, l’examen de différents emplacements pour des digues, tant au Canada qu’aux États-Unis, et la recherche de mesures accrues d’acheminement des eaux pluviales en aval, à mesure que l’on s’approche de la vallée du Fraser. Ces solutions sont à l’étude. Elles doivent être pleinement prises en considération, car dans certains cas, comme celui du fleuve Nooksack, certaines communautés autochtones en aval pourraient subir des conséquences négatives si on ne permettait pas à ces eaux de suivre leur cours naturel, si l’on veut. Il y a beaucoup de facteurs à prendre en compte, mais ce travail est en cours.

Le sénateur Klyne : Je vous remercie. Je dormirai bien cette nuit.

La sénatrice McBean : Je vous remercie tous de participer à ce que je considère toujours comme une conversation gênante pour vous, mais très amusante pour nous.

Je pense que ma question va un peu dans le sens de ce à quoi le sénateur Klyne voulait en venir. Je suis parfois un peu nerveuse lorsque je me trouve dans une salle où tout le monde hoche la tête pour dire que quelque chose sera fait. Le gouvernement approuve nos trois recommandations, mais je me demande ce qu’il fera réellement par la suite. Si nous devions à nouveau subir des inondations cette année, les gens diraient : « Vous avez dépensé tout cet argent pour examiner la situation, mais qu’avez-vous fait? ».

Je vais poser cette question à chacun d’entre vous. Qu’est-ce que le fait d’étudier cette question signifie réellement, outre les recherches et l’observation effectuées, et qui fait ce travail? Je formulai ma question complémentaire dès maintenant. Pouvez‑vous nous donner un exemple de certains des projets qui rendront les inondations moins tragiques à l’avenir?

Mme Siewe : Pour répondre à cette question, je m’en remettrai à M. Jenkinson, car lui et son équipe s’occupent directement de ce travail. M. Jenkinson est le directeur de nos Services hydrologiques nationaux au sein du Service météorologique du Canada, et lui et les membres de son équipe travaillent directement avec les membres de la TFI. Je crois qu’ils ont rencontré le groupe de travail sur le fleuve Nooksack pas plus tard que jeudi dernier. M. Jenkinson a donc une bonne idée des projets qui sont en cours.

Pour répondre de manière plus générale à la question de savoir ce qui est fait, je précise que nous sommes doués pour tirer des enseignements des événements qui sont survenus dans le passé. Quelles leçons avons-nous tirées de l’expérience précédente? Pendant que d’autres initiatives sont lancées et que nous nous penchons sur la résilience et les interventions possibles, il est également important d’examiner les leçons que nous avons tirées du dernier événement et les mesures qui peuvent être prises immédiatement, même si d’autres mesures devront être prises à moyen et à long terme.

M. Jenkinson : Je vous remercie, madame Siewe.

Pour développer cette affirmation, je dirais qu’il y a de nombreuses façons d’essayer de comprendre le défi que nous affrontons dans le contexte des inondations. Mon groupe au sein des SHN, c’est-à-dire les Services hydrologiques nationaux, joue un rôle très important dans ce domaine, à savoir la collecte régulière de données afin que, pendant ces événements, nous ayons une bonne compréhension des endroits où se produiront des inondations et que nous puissions évacuer les collectivités au besoin. Je pense qu’il est fondamental de disposer rapidement de données de bonne qualité pendant les événements, afin que nous puissions y répondre de manière appropriée.

D’autres travaux sont en cours, comme le Programme de détermination et de cartographie des risques d’inondation. Il s’agit d’un véritable travail en partenariat avec les provinces et les territoires, qui nous permet de déterminer les zones à risque à l’aide de méthodes normalisées dans l’ensemble du pays, afin que chaque province ou territoire puisse comprendre où se trouvent ces zones, dans quelle mesure elles présentent des risques élevés d’inondation, et quelles sont les collectivités que les autorités doivent protéger, en cas d’événements censés survenir une fois tous les 100 ans ou d’autres événements exceptionnels.

En outre, lorsque l’on examine le travail effectué dans le cadre de la TFI, on constate qu’il est possible de prendre des mesures précises pour atténuer les effets des inondations. Comme je l’ai mentionné précédemment, il s’agit de travaux visant à améliorer l’acheminement des eaux de manière à ce que, lorsque des inondations surviennent, les eaux puissent être évacuées plus rapidement de ces régions.

Le fait de faire en sorte que la production de données soit résiliente, le fait de comprendre les zones qui présentent des risques élevés d’inondation et le fait de prendre des mesures concrètes liées à l’infrastructure pour réduire ces risques, voilà trois mesures qui ont été prises ou qui continuent d’être prises dans cette région. Je vais peut-être en rester là.

M. Cronin : En tant que membre d’Affaires mondiales Canada, je suis toujours très honoré de participer à ces réunions avec des collègues d’Environnement et Changement climatique Canada. Il est clair que ce ministère possède les compétences techniques requises.

Je pense que les responsables d’Affaires mondiales peuvent continuer de s’assurer que les États-Unis prêtent attention à cette question en la soulevant auprès de leurs homologues, en expliquant la position du Canada à cet égard et l’effet que ces inondations ont sur les Canadiens, en dialoguant avec des collectivités locales et des décideurs du côté américain, par l’intermédiaire de notre consul général à Seattle et de l’équipe sur place, pour rechercher encore une fois des domaines de collaboration et de coopération, et en examinant les conseils que nous recevons des scientifiques et des experts techniques qui font partie de cette initiative et la façon dont nous pouvons faire avancer cette initiative. En cas de blocage, il faut déterminer ce qui peut être fait sur le plan diplomatique pour contribuer à résoudre le problème.

Jusqu’à maintenant, nous sommes encouragés par ce que nous observons dans le cadre de l’initiative. Il ne semble pas nécessaire pour le moment d’intervenir à un échelon plus élevé, mais c’est un dossier que nous suivons de très près, précisément en raison de ce que vous avez soulevé. Nous devons être prêts pour la prochaine fois.

La sénatrice Burey : Je vous remercie beaucoup de votre présence. Il est toujours très intéressant d’avoir de nombreux intellos assis à la table.

Je voulais approfondir les propos de la sénatrice McBean au sujet du Programme de détermination et de cartographie des risques d’inondation dont vous avez parlé. Pourriez-vous nous en dire plus à cet égard? Apparemment, le gouvernement a investi 164,2 millions de dollars dans ce programme, répartis de 2024 à 2028. Parlez-moi un peu plus en détail de ce programme, de ce que cet argent permettra d’accomplir et de la mesure dans laquelle les Canadiens ordinaires pourront avoir accès à ces informations.

M. Jenkinson : Je serai heureux de répondre à cela, madame la sénatrice.

Il s’agit d’un programme de grande envergure dirigé par le ministère de la Sécurité publique. Ressources naturelles Canada et Environnement et Changement climatique Canada y participent. Les chiffres que vous citez sont exacts. Le programme a commencé en 2021 et a été renouvelé récemment, en 2024, pour cinq années supplémentaires. C’est un programme à frais partagés, ce qui signifie que les frais de tous les produits lancés sont partagés à parts égales avec les provinces et dans un ratio de 75/25 avec les territoires, le gouvernement fédéral assumant dans ce cas 75 % des frais.

Le problème que nous avions en tant que pays, c’est que la cartographie des inondations n’était pas uniforme pour l’ensemble du territoire. Il arrivait qu’elle soit inexistante dans certaines régions où il était important qu’il y en ait une. Les approches adoptées pour élaborer ces cartes n’étaient pas uniformes et, bien souvent, les fonds n’étaient pas disponibles pour permettre aux administrations plus modestes d’effectuer les études nécessaires à l’élaboration de ces cartes. Cette étude a été conçue dans l’optique d’une initiative fédérale visant à assurer que les collectivités, les municipalités, les provinces et les territoires de tout le pays aient la possibilité de contribuer à l’avancement de cette cartographie des inondations.

C’est très important, car faute de savoir où sont ces risques et d’avoir une idée de la tournure que ces inondations peuvent prendre, il est difficile d’y répondre le moment venu. C’est un outil important pour préparer les collectivités du Canada à réagir à ce que nous savons être un risque accru d’inondation.

Le programme comporte de nombreuses facettes. Mon équipe est impliquée de près dans l’établissement des normes techniques qui seront utilisées pour veiller à ce que les approches adoptées soient rigoureuses sur le plan scientifique et uniformes à la grandeur du pays. Nous formons des partenariats avec différentes provinces et différents territoires pour encadrer l’octroi des contrats nécessaires à la préparation de ces cartes sur les risques d’inondation.

Nous intervenons également du côté de la science et de la technologie. Nous menons des recherches pour faire progresser les technologies et les approches que nous utilisons pour créer ces cartes. Nous veillons en cela à ce que les changements climatiques soient correctement intégrés. La science ne cesse d’évoluer. Il est important que la science que nous contribuons à financer fasse progresser ces technologies. C’est en grande partie ce à quoi nous nous employons.

Sécurité publique Canada et Ressources naturelles Canada participent également à des analyses à plus grande échelle avec des outils de modélisation plus régionaux et des résultats qui seront communiqués de façon plus large par l’intermédiaire de sites Web publics. Je ne peux pas vous donner plus de précisions à ce sujet, mais il y a assurément une volonté de faire en sorte que ces données soient dorénavant mises à la disposition des collectivités.

Il s’agit d’un projet très important et qui a de multiples facettes, et il porte sur quelque chose qui nous faisait défaut depuis un certain temps.

La sénatrice Burey : J’essaie toujours de comprendre où vous en êtes. Avez-vous des objectifs, comme celui de faire en sorte que 10 % des collectivités adoptent ce programme dans tel délai?

M. Jenkinson : Je m’excuse, madame la sénatrice. Je n’ai pas de chiffres à vous donner aujourd’hui à cet égard, mais ces chiffres existent et nous pouvons assurément vous les faire parvenir.

En Colombie-Britannique, par exemple, nous avons actuellement 13 projets dans 19 localités de la province. À l’échelle du pays, nous avons 245 projets de cartographie des inondations répartis dans 310 endroits. En ce qui concerne la protection des collectivités canadiennes, je ne sais pas ce que cela représente du point de vue de la couverture globale, mais ces détails sont disponibles auprès des équipes chargées d’identifier et de cartographier les risques d’inondation.

La sénatrice Burey : Merci.

Le président : Comme il n’y a personne d’autre pour le premier tour, nous allons passer au deuxième tour.

La sénatrice Simons : J’aimerais revenir sur un point que j’ai soulevé lors de ma première série de questions. Lors de notre étude initiale, nous avons entendu des témoignages assez choquants sur l’état des digues et sur le fait que l’entretien de ces digues avait été confié à des municipalités qui n’avaient tout simplement pas les ressources nécessaires pour les réparer et les entretenir.

Lorsque vous discutez avec toutes les parties concernées, que vous disent les municipalités, la province, l’État et le gouvernement fédéral au sujet des responsabilités de chacun et de l’objet de ces responsabilités? Pour reprendre les propos de la sénatrice McBean, vous pouvez organiser toutes les réunions et tous les pourparlers que vous voulez, mais si, en fin de compte, la personne dont le travail consiste à réparer les barrages et les digues n’a pas l’argent pour le faire, nous ne serons pas en mesure de respecter le moindre de nos engagements internationaux.

Mme Siewe : Je ne sais pas si M. Jenkinson a une réponse plus précise à donner à cette question, mais je l’ai prise en note. Je vais chercher à savoir exactement à qui appartiennent ces responsabilités et dans quelle mesure elles font partie des discussions à la table de l’Initiative contre les inondations transfrontalières, et nous vous fournirons une réponse écrite, si cela vous convient.

La sénatrice Simons : Ce serait parfait.

Mon autre question de suivi porte sur ce que j’ai dit à M. Jenkinson au sujet de la rivière Nooksack. Vous avez soulevé un point très intéressant. On ne peut pas simplement couper l’eau parce que, en aval, cette eau a des conséquences environnementales et sociales pour d’autres personnes.

Nous nous fions aux digues depuis 200 ans. Je siège aussi au Comité des transports et des communications, et nous menons une vaste étude sur les infrastructures de transport et sur leur résistance aux changements climatiques. Lors de plusieurs de nos réunions, nous avons entendu parler de la nécessité de trouver des moyens plus naturels de gérer les eaux — qu’il s’agisse de restaurer les zones humides ou de créer des puits naturels pour l’eau — et du fait que, parfois, trop de digues, trop de poteaux de protection, ne font qu’aggraver le problème. Pouvez-vous nous dire si ces choses font partie des discussions?

M. Jenkinson : Absolument. Le concept de restauration des cours d’eau est très présent aujourd’hui. L’époque où nous aménagions des canaux entièrement faits de béton est assurément révolue. Maintenant, nous préconisons des canaux plus naturels, pour toutes sortes de raisons. Vous avez mentionné les zones humides. Les zones humides peuvent effectivement constituer des dispositifs naturels d’atténuation des crues et, dans cette optique, il est important que nous misions là-dessus.

Il est intéressant de noter que la nouvelle Initiative contre les inondations transfrontalières — ce « comité Nooksack » — a donné la priorité à la restauration de l’habitat. Elle cherche à comprendre où en sont les inondations, mais la restauration de l’habitat est l’un de ses principaux objectifs; elle est intégrée dans le travail que fait le comité. Lorsque l’on met en place des infrastructures sur le terrain, il faut être prudent, car si l’on ne fait pas attention, cela peut avoir des effets délétères sur l’habitat.

La sénatrice Simons : Merci beaucoup. Merci encore de tout le travail que vous avez fait dans ce dossier. Cela a été très inspirant pour nous ce soir.

Le sénateur Klyne : Il s’agit d’une entreprise de grande envergure, mais c’est un projet qui a un début et une fin. À un moment donné, nous ne pouvons pas être en retard d’un mois. Je ne sais pas quand vous vous attendez à terminer quelque chose d’aussi colossal, d’arriver au point où vous pourrez dire : « Voilà, c’est ce qu’il faut faire! ». Quand je pense à la complexité de ce projet, je me dis qu’il doit mobiliser beaucoup d’ingénieurs, de scientifiques, d’ingénieurs civils et environnementaux, d’hydrologues ou d’ingénieurs en hydrologie et d’experts en météorologie. Avec tous ces brillants esprits, avez-vous trouvé des solutions révolutionnaires ou êtes-vous arrivés à des remises en question où vous vous êtes dit que notre approche avait tout faux et qu’il fallait envisager les choses autrement?

M. Jenkinson : C’est une bonne question, sénateur. À vrai dire, je ne sais pas trop comment y répondre. Des révélations? Probablement pas. Ce sont des problèmes compliqués qui nécessitent souvent des compromis ou des réponses à des décisions en matière d’infrastructure ou à d’autres décisions datant de nombreuses années. Le lac Sumas a été asséché dans les années 1920, n’est-ce pas? Il s’agit donc d’un choix qui a été fait et dont nous devons maintenant nous accommoder. Je ne sais pas si j’ai eu une sorte de révélation quant à la façon de résoudre certains de ces problèmes de type « nœud gordien ».

Le sénateur Klyne : Quand on pense à tous les effets d’entraînement en amont et en aval qui mettent à l’épreuve tous les ingénieurs — civils, environnementaux, hydrologues, experts en météorologie —, on ne peut que souhaiter le meilleur pour tout le monde. Quoi qu’il en soit, j’espère que vous prenez de bonnes notes parce qu’il y a probablement des leçons à tirer de cet exercice.

M. Cronin : Je pourrais ajouter, sénateur, que l’une des choses que nous avons vues dans ce dossier, c’est assurément l’annonce qui a été faite il n’y a pas si longtemps concernant la nouvelle initiative qui doit se pencher sur la prise de mesures qui permettront de solliciter de façon beaucoup plus dynamique l’engagement et la collaboration des Premières Nations. C’est quelque chose qui semblait manquer dans ce qui avait été mis en place dans les années 1990. Je pense que les deux pays, l’État et la province cherchent à remédier à cela.

Le sénateur Klyne : Je suis heureux que vous en parliez, car j’allais vous demander s’il y avait des enseignements traditionnels. Les anciens transmettent les histoires ancestrales et ils savent où va l’eau. Cette collaboration a-t-elle été bénéfique?

M. Cronin : Absolument. Oui. Cela fait maintenant partie des travaux de la table technique et de la table qui se penche sur les politiques.

La sénatrice McBean : J’ai l’impression que nous sommes comme l’éclipse et que nous sommes tous sur la même longueur d’onde, la sénatrice Burey, la sénatrice Simons et le sénateur Klyne. J’ai l’impression que les propos se rejoignent un peu.

Monsieur Cronin, j’ai été ravie de vous entendre parler des collectivités locales la première fois que vous l’avez fait, puis, maintenant, des Premières Nations.

Monsieur Jenkinson, vous avez parlé de la manière de faire avancer les choses. Je me souviens d’avoir regardé les inondations. Les agriculteurs étaient sur le terrain avec de gros équipements, essayant de reconstruire les digues. Les agriculteurs participent-ils à ces discussions? C’est de cette implication de la communauté dont nous avons besoin, car tout le travail accompli — ou du moins une grande partie de ce travail — revient à la communauté. Je pense que vous me dites que la communauté est impliquée.

Madame Siewe, j’aime quand vous dites que vous examinez les leçons apprises et que vous y trouvez une forme de résilience. Je me suis dit : « Oui, ce sont les victoires dont nous devons nous réjouir en ce moment. »

J’ai deux questions à vous poser. Qu’omet-on de faire? Quelles sont les choses qui ne sont pas faites en ce moment et auxquelles nous devons nous attaquer? Si la presse nationale posait la question — parce qu’il y a encore eu une autre inondation —: « Qu’avons-nous raté? » Qu’omet-on de faire? Qu’est-ce qui nous échappe en tant que groupe? Je ne sais pas si vous avez entendu le sénateur Klyne, mais il a dit que vous étiez des gens brillants. Qu’est-ce que nous ne saisissons pas et que vous voulez nous faire comprendre?

Mme Siewe : Je vais aborder vos questions de deux manières.

Tout à l’heure, M. Cronin a dit qu’il trouvait que ces auditions étaient une leçon d’humilité en raison de ce qu’elles nous apprennent sur nous-mêmes. Ce que je retiens vraiment de ces auditions — même si je n’y ai pas pris part très souvent —, c’est que les questions posées par les membres du comité nous amènent à voir les choses autrement. Le fait de rester longtemps à l’intérieur d’un espace peut faire en sorte que l’on développe une vision étroite de la question. Vous avez posé des questions et maintenant, je me suis fait une note : « Comment mobilisons-nous les collectivités? Consultons-nous les agriculteurs qui ont été touchés, et qu’ont-ils à nous dire? » Je tenais simplement à vous faire part de cela.

Qu’omet-on de faire? C’est une bonne question, une question que nous allons retenir. Nous demanderons également à M. Jenkinson de la poser lors de la prochaine réunion de l’Initiative contre les inondations transfrontalières. « D’accord, qu’avons-nous omis de faire? » Nous allons demander à tout le monde de réfléchir à cette question pendant un moment.

Ma première observation concernait ce que vous ne comprenez pas. Je ne pense pas qu’il y ait quoi que ce soit que vous « ne saisissez pas ». J’apprécie simplement la nature des questions que vous posez collectivement. Elles nous amènent à réfléchir autrement et à appliquer une lentille différente à des choses sur lesquelles nous travaillons depuis longtemps et que nous pensons bien connaître.

M. Jenkinson : Je dirai simplement, madame la sénatrice, que c’est une excellente question. Qu’omettons-nous de prendre en considération?

L’un des problèmes qui se posent à nous lors d’événements comme celui-là — et, en fait, cela se produit très souvent. Je pense aux inondations de Calgary, à celles de Souris et du lac des Bois, il y a un an à peine, et à celles du lac Champlain, où la rivière a débordé. Il semble que tous les deux ans, nous ayons des inondations très graves à l’échelle du pays. Mon conseil à nous tous est de nous assurer que nous nous engageons à résoudre ces problèmes, non pas de manière réactive, mais en prenant un engagement sur une base permanente en faveur de l’eau et de la résilience. Nous ne devons pas nous contenter de prêter attention aux événements lorsqu’ils se produisent, mais plutôt reconnaître en permanence qu’il s’agit d’un risque à l’échelle du pays. Nous devons accorder à cet enjeu les ressources, le soutien et l’importance qu’il mérite afin d’éviter des réunions comme celle-ci, où nous essayons de répondre à ce qui était une crise très grave. Si nous reconnaissons de façon continue qu’il s’agit d’une priorité pour le Canada, nous serons mieux préparés pour faire face à ces désastres lorsqu’ils se produiront. C’est probablement ce que je retiens en priorité. J’ai participé à de nombreuses études avec la Commission mixte internationale et avec d’autres organismes, études au cours desquelles nous avons examiné de très près les événements qui se sont produits. Nous nous sommes demandé pourquoi des villes comme Minot, Calgary ou Burlington, dans le Vermont, ont été inondées, alors qu’une gestion un peu mieux adaptée ou une prise en compte proactive en continu de ces préoccupations aurait pu nous permettre de mieux nous préparer et de mieux préparer les Canadiens.

M. Cronin : Je voudrais juste prendre un peu de recul et dire quelque chose sur les questions transfrontalières en général. Nous veillons à rester attentifs à tous les aspects de nos relations avec les États-Unis et nous cultivons ces relations en permanence. Ainsi, en cas d’urgence, nous savons qui appeler, nous avons de bonnes relations et nous sommes ouverts à l’aide des deux côtés. Pour moi, c’est une leçon à tirer de mon travail sur les dossiers liés aux États-Unis. Il faut prendre le temps qu’il faut et veillez constamment à ce que ces relations soient bonnes.

Le président : Merci.

Sénatrice Robinson, on dirait que la dernière question vous échoit. Il ne semble pas y en avoir d’autres.

La sénatrice Robinson : La barre a été placée très haut. Il se peut que j’abaisse un peu le « niveau de brillance ».

La sénatrice McBean : Ils sont brillants.

La sénatrice Robinson : J’espère que ma question vous permettra de briller encore plus.

En ce qui concerne le Programme d’identification et de cartographie des aléas d’inondation — et vous l’avez peut-être déjà expliqué —, quel est le mécanisme de financement? Nous avons parlé des villes. Je pense aux petites municipalités rurales et à la manière dont elles accèdent au financement. Comment cela se passe-t-il? Existe-t-il des obstacles qui empêchent les petites entités d’accéder aux fonds dont elles pourraient avoir besoin pour évaluer et adopter ce programme?

M. Jenkinson : C’est une bonne question.

La plupart des accords de financement sont conclus dans le cadre d’accords bilatéraux entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. C’est Ressources naturelles Canada qui gère la plupart de ces accords. On a récemment annoncé que le ministère avait conclu des accords avec toutes les provinces et tous les territoires et qu’il procédait actuellement à la mise en place d’études de ce type. Il s’agit là de la plomberie ou de l’instrument, si vous voulez, qui préside à la distribution de ces fonds. Je ne peux pas vous donner de détails sur la manière dont certaines collectivités sont ciblées. Je peux trouver cette information pour vous, mais disons que c’est le portrait général des dispositions qui s’appliquent.

Ce programme a été extrêmement populaire. Nous travaillons beaucoup avec les provinces et les territoires à différents égards — prévision des inondations, hydrométrie, mesure de l’eau par mon groupe, et cartographie des risques d’inondation dans les provinces. Les collègues avec lesquels nous travaillons dans notre communauté de pratique ont été on ne peut plus satisfaits du travail que nous avons fait avec eux. Disons que pour une fédération qui essaie de s’attaquer à un problème, c’est toute une réussite.

C’est une réponse longue à votre question, mais il y a des accords bilatéraux en place pour s’assurer que ces fonds sont distribués de manière appropriée.

La sénatrice Robinson : Je suis au courant des inondations antérieures — il y a 10 ou 20 ans — qui se sont produites au Manitoba et de la grande réticence qu’a eue la province à se prévaloir des fonds fédéraux parce qu’elle n’en avait pas les moyens. Y a-t-il une façon pour vous de sonder les municipalités rurales — elles en particulier — afin de voir si elles sont conscientes que l’argent est disponible? Je me demande simplement quelle est l’attitude de la province. Nous regardons ce chiffre important de 164,2 millions de dollars qui a été ajouté aux 63 millions de dollars précédents. J’aimerais simplement m’assurer qu’il n’y a pas d’obstacle entre la province ou le territoire et les municipalités qui sont plus petites et qui n’ont pas une voix aussi forte.

M. Jenkinson : Je ne peux pas vous donner de détails à ce sujet. Je ne sais pas de quoi il retourne, madame la sénatrice. Je sais que nos équipes participent activement à ces exercices. Je sais qu’en ce moment même, la Colombie-Britannique et le gouvernement fédéral mènent un exercice de cadrage dans cette même région afin d’identifier les collectivités de la région sur lesquelles il faut mettre l’accent. Ils ne savent pas exactement où ils vont affecter les fonds, mais une partie de l’exercice consiste à délimiter et à déterminer les collectivités qui en ont besoin. Des travaux sont en cours pour tenter de déterminer et de cibler les risques les plus élevés, les régions qui ont le plus besoin de cette aide de toute urgence. Pour ce qui est de la manière dont les municipalités interagissent avec la province dans ce contexte, je ne crois pas être en mesure en ce moment de répondre à cela de façon précise.

La sénatrice Robinson : Je n’ai pas besoin que vous répondiez sur-le-champ. Ajoutez simplement cela à votre réflexion lorsque vous examinerez la situation après coup, lorsque nous nous demanderons ce que nous aurions pu faire mieux. L’objectif est de nous assurer qu’il n’y a pas de localités ou de régions qui n’auront pas accès à ce financement qui leur permettra de mieux se préparer à l’inévitable prochaine inondation. Je vous remercie.

Le président : Merci, chers collègues. Y a-t-il d’autres questions? Je n’en vois pas.

Madame et messieurs les témoins, merci beaucoup d’avoir été là ce soir et d’avoir contribué à notre étude. Vos témoignages et vos points de vue sont très appréciés. Je tiens à vous remercier pour les paroles aimables que vous avez prononcées à l’égard de ce groupe et des questions que nous vous avons posées. Nous vous en sommes reconnaissants. Je pense que nous posons des questions approfondies et peut-être un peu plus — elles sont meilleures que les questions partisanes. N’en disons pas plus. Oui, je vais m’arrêter là.

Mesdames et messieurs les sénateurs, sommes-nous d’accord pour suspendre brièvement la séance afin de passer à huis clos?

Des voix : Oui.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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