LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’AGRICULTURE ET DES FORÊTS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 5 décembre 2024
Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 9 h 2 (HE), avec vidéoconférence, afin d’examiner, pour en faire rapport, le problème grandissant des feux de forêt au Canada et les effets que les feux de forêt ont sur les industries de la foresterie et de l’agriculture, ainsi que sur les communautés rurales et autochtones, à l’échelle du pays.
Le sénateur Robert Black (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour à tous. C’est un plaisir de vous voir ici. Je vous souhaite à tous une bonne Journée mondiale des sols. C’est formidable de pouvoir célébrer cette journée ici au Canada et ailleurs, surtout en raison du sujet à l’étude.
Avant de commencer, je demanderais à tous les sénateurs et aux autres participants en personne de consulter les lignes directrices visant à prévenir les rétroactions sonores, qui se trouvent sur la table. Veuillez prendre note des diverses mesures préventives en place pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants dans la salle et au-delà. Merci beaucoup de votre collaboration.
Je tiens d’abord à souhaiter la bienvenue aux membres du comité, à nos témoins dans la salle et en ligne et à ceux qui suivent cette réunion sur le Web. Je m’appelle Robert Black. Je suis un sénateur de l’Ontario et je préside ce comité. Je demanderais aux sénateurs autour de la table de se présenter.
La sénatrice Simons : Je suis la sénatrice Paula Simons, de l’Alberta, territoire du traité no 6.
La sénatrice McBean : Marnie McBean, de l’Ontario
[Français]
La sénatrice Oudar : Manuelle Oudar, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Muggli : Tracy Muggli, de Saskatoon, en Saskatchewan, aussi le territoire du traité no 6.
Le sénateur K. Wells : Kristopher Wells, d’Edmonton, également le territoire du traité no 6.
Le sénateur Richards : Dave Richards, du Nouveau-Brunswick.
Le président : Aujourd’hui, le comité poursuit son étude — en fait, il s’agit de notre dernière réunion sur le sujet — sur le problème grandissant des feux de forêt au Canada et les effets que les feux de forêt ont sur les industries de la foresterie et de l’agriculture.
Nous recevons M. John Vaillant, qui se joindra à nous à titre personnel et par vidéoconférence, s’il le peut. Nous recevons également en personne Rick Doman, qui est cofondateur, président et directeur du Boreal Carbon Corporation ainsi que la directrice générale d’Arbres Canada, Nicole Hurtubise. Nous accueillons aussi par vidéoconférence Jessica Kaknevicius, qui est la directrice générale de Forêts Canada, de même que Kevin Boon, le directeur général de l’Association des éleveurs de bovins de la Colombie-Britannique.
Je souhaite la bienvenue à tous nos témoins. Nous vous remercions d’être avec nous en personne et en ligne. Vous disposez chacun de cinq minutes pour faire une déclaration préliminaire. Je vous ferai signe lorsque votre temps sera presque écoulé. Lorsque je lèverai une main, cela signifiera qu’il vous reste environ une minute. Lorsque je lèverai les deux mains, cela signifiera qu’il vous faut conclure.
Sur ce, je vais céder la parole à M. Doman. Allez-y, monsieur.
Rick Doman, cofondateur, président et directeur, Boreal Carbon Corporation : Merci beaucoup. Je suis heureux de témoigner devant vous.
En 2023, au Canada, environ 43 millions d’acres de terres ont été touchés par les feux de forêt, ce qui a eux des impacts graves sur les collectivités et a entraîné d’importantes émissions de carbone dans l’atmosphère. Les conséquences de ces feux de forêt sur l’environnement, la faune, la santé humaine, les communautés, les emplois et les investissements sont profondes.
La destruction de grandes zones forestières nuit grandement à l’environnement. Les forêts saines sont essentielles à l’absorption de grandes quantités de carbone, tandis que les arbres morts, malades ou endommagés par les feux de forêt contribuent aux émissions de carbone. Les pratiques de reboisement inadéquates peuvent altérer la composition des espèces, ce qui compromet encore davantage les habitats fauniques et perturbe l’industrie forestière.
À l’intérieur de la Colombie-Britannique, les forêts mortes et malades sont particulièrement évidentes, surtout en raison des dommages importants causés par le dendroctone du pin ponderosa, qui a affecté une grande quantité de pins. Le typographe de l’épinette représente aussi une menace importante, bien qu’il ait été contrôlé de façon plus efficace. L’Alberta n’a pas été épargnée par le dendroctone du pin ponderosa, comme le démontrent les feux de forêt de Jasper. Cet insecte, qui est une grande préoccupation dans l’Ouest canadien et dans cinq États des États-Unis, laisse derrière lui de grands pans d’arbres morts ou malades, ce qui rend les forêts plus vulnérables à la foudre.
Les changements climatiques peuvent être un facteur contributif à ces problèmes, la cause profonde remontant à trois décennies et à l’émergence de forêts malades. Habituellement, de telles maladies font leur apparition dans les parcs, et lorsqu’elles ne sont pas contrôlées, elles peuvent se transformer en une épidémie. Cela semble être le cas du dendroctone du pin ponderosa, qui est né dans un parc de la Colombie-Britannique il y a environ trois décennies et qui s’est depuis propagé de façon incontrôlable.
Les conséquences de cette infestation sont graves. Environ 47 scieries ont fermé leurs portes à l’intérieur de la Colombie-Britannique seulement, ce qui a donné lieu à une réduction de la capacité de production de 8 milliards de pieds-planches par année. Les coupes ou les récoltes ont été réduites jusqu’à 50 %, ce qui a une incidence directe et indirecte sur quelque 50 000 emplois dans la province. La capacité du dendroctone du pin ponderosa à voler sur de plus longues distances et à résister à des températures plus froides a favorisé son expansion rapide, ce qui exacerbe les défis auxquels l’industrie et l’environnement font face.
Les forêts canadiennes ont été touchées par les infestations du dendroctone du pin ponderosa, du typographe de l’épinette et de la tordeuse des bourgeons de l’épinette dans diverses régions du pays. Ces maladies font souvent leur apparition dans les parcs, où la gestion est minimale, et se répandent ensuite dans les forêts commerciales et les aires protégées. Même si le Canada est le deuxième plus grand pays au monde sur le plan de la superficie, avec près de 800 millions d’acres de forêts, nos possibilités annuelles de coupe ou de récolte sont en déclin. Ce déclin, associé à des maladies généralisées, a entraîné des feux de forêt plus importants et plus intenses qui sont de plus en plus difficiles à contrôler.
La fumée émanant de ces feux de forêt présente des risques importants pour la santé humaine, puisque les particules aériennes peuvent affecter la faune comme les humains. Toutes les villes ou les communautés peuvent être touchées, selon la direction du vent.
Par le passé, les forêts recouvraient environ 58 % de la Terre, mais on estime aujourd’hui qu’elles n’en recouvrent que 38 %. Ce déclin est attribuable à certains facteurs comme les maladies, les feux de forêt — qui résultent souvent de pratiques de récolte non durables — et la récolte excessive ou les coupes à blanc dans le but d’utiliser les terres à d’autres fins.
Le Canada doit accorder la priorité à l’amélioration de ses forêts, puisqu’elles peuvent absorber d’importantes quantités de carbone si elles sont gérées efficacement. Le Canada devrait récolter les arbres malades afin de réduire les risques de feux de forêt. Ces arbres secs, malades ou morts représentent une menace importante, puisqu’ils contribuent à l’intensité des feux de forêt et qu’ils ont habituellement une faible valeur commerciale. Il est donc essentiel que les gouvernements s’attaquent à ce problème. En récoltant ces arbres, le Canada pourrait créer des emplois dans les provinces et les territoires. Certaines matières récoltées pourraient être utilisées pour la biomasse, ce qui permettrait de fournir en chauffage et en électricité les communautés qui ont actuellement recours au diésel et à d’autres sources d’énergie coûteuses.
En plus des récoltes, le Canada pourrait élargir son programme de reboisement et ainsi favoriser la compensation des émissions de carbone par l’entremise des efforts de replantation. Une telle initiative permettrait aux promoteurs de travailler sur les terres de la Couronne, ce qui compenserait certains coûts associés à la récolte des arbres morts et au reboisement des forêts. De telles mesures permettraient de compenser les émissions des autres industries tout en favorisant la croissance de biens précieux pour la génération actuelle et les prochaines générations... De plus grandes forêts en meilleure santé qui absorbent activement le carbone.
Les forêts bien gérées agissent comme les poumons de la nature, et favorisent la durabilité et la croissance. Bien que certaines techniques comme la séquestration du carbone puissent aider à compenser les émissions, elles sont souvent trop coûteuses.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Doman. Nous devons nous arrêter là. Vous pourrez nous en dire plus dans le cadre de vos réponses aux questions des sénateurs.
Nicole Hurtubise, directrice générale, Arbres Canada : Bonjour et merci de me recevoir. Je suis très heureuse d’être ici.
J’aimerais tout d’abord vous dire quelques mots au sujet d’Arbres Canada : depuis sa fondation en 1992, Arbres Canada a travaillé sans relâche pour accroître le couvert forestier du Canada par l’entremise de programmes d’écologisation ou de la recherche et de la mobilisation du public. Nous sommes la seule organisation nationale sans but lucratif à se consacrer à la plantation et à l’entretien des arbres dans les environnements ruraux et urbains, dans les diverses collectivités du pays. En 2023 seulement, nous avons planté 2,3 millions d’arbres. Nous avons travaillé dans 132 communautés à des projets d’écologisation, et nous comptons sur l’aide de plus de 9 000 bénévoles dans l’ensemble du pays.
La plantation d’arbres est l’une des façons les plus efficaces de lutter contre les changements climatiques. Les arbres absorbent et stockent les gaz à effet de serre, régularisent les niveaux d’eau, préviennent l’érosion des rives, nettoient l’air et rafraîchissent nos villes, qui sont de plus en plus chaudes en été. De plus, la plantation de diverses espèces d’arbres et arbustes indigènes est essentielle à la préservation de la biodiversité.
Depuis le reboisement à grande échelle jusqu’aux petits projets d’écologisation urbaine, Arbres Canada travaille en étroite collaboration avec de nombreux partenaires et intervenants, y compris les gouvernements municipaux et provinciaux, et le gouvernement fédéral.
Les feux de forêt font naturellement partie de la régénération des forêts, mais au cours des dernières années, nous avons vu des feux plus intenses, plus fréquents et plus difficiles à contrôler. Ces incendies dévastent les écosystèmes, déplacent la faune et ont des répercussions profondes et dévastatrices sur les collectivités.
En tant qu’organisation nationale, Arbres Canada travaille en étroite collaboration avec les propriétaires fonciers de tout le pays, et nous constatons une augmentation de la restauration et du reboisement après les feux, alors qu’ils cherchent à régénérer leurs terres.
Les incendies et les sécheresses sont des défis importants qui ont une incidence sur la survie des arbres que nous plantons. Voici quelques points à retenir sur la façon dont nous améliorons notre prestation de programmes pour assurer la durabilité des projets de reboisement et de restauration.
Tout d’abord, il faut laisser la nature faire son travail. Dans la plupart des cas, les feux de forêt régénèrent naturellement les forêts. Cependant, il y a des situations où le reboisement et la replantation sont nécessaires, par exemple lorsque l’intensité du feu a compromis la banque de semences, retardant ainsi la régénération. C’est également très important en ce qui concerne l’habitat où vivent les espèces en péril. Si la régénération prend trop de temps, le retour des espèces en voie de disparition peut être compromis. C’est ce que nous constatons avec le retour du caribou dans les Territoires du Nord-Ouest, sur les terres des Tlichos. Le reboisement est également recommandé lorsqu’il y a un risque de glissement de terrain ou lorsque le manque de végétation pourrait entraîner des problèmes de qualité de l’eau, surtout près des zones riveraines importantes. Nous le constatons dans de nombreuses régions du Canada.
Il faut aussi assurer la garantie des produits de pépinière. Il est essentiel de veiller à ce qu’il y ait suffisamment de ces produits disponibles pour la plantation afin de s’assurer que les bons arbres sont plantés au bon endroit. Arbres Canada cherche à soutenir les pépinières en obtenant des contrats pluriannuels, souvent en collaboration avec d’autres organisations, et en leur donnant le temps de récolter les semences et d’avoir plus de stabilité et de sécurité financières.
Il est aussi très important pour nous de penser à l’avenir. Il faut considérer les risques d’incendie futurs lorsque nous songeons à la plantation près des collectivités ou dans le cadre de grands projets de reboisement. Il faut notamment mettre en œuvre des stratégies Intelli-feu, surtout près des communautés et des immeubles. Les communautés touchées par les feux nous demandent de planter des essences de bois dur et des espèces résistantes au feu dans les régions propices aux incendies, puisqu’elles sont moins susceptibles de brûler rapidement et aussi intensément que les conifères. C’est ce que nous constatons dans le cadre de nos projets urbains.
Enfin, il faut favoriser la biodiversité. Les feux de forêt n’affectent pas seulement les arbres. Les arbustes et les habitats de prairies sont aussi détruits. Dans les endroits où elle est appropriée, la plantation d’arbres feuillus permet de rétablir les paysages et de créer une plus grande biodiversité. À long terme, elle renforce la résistance des forêts aux incendies.
J’aimerais vous parler du rôle essentiel que jouent les communautés autochtones dans les efforts de reboisement. Leurs connaissances et leur expérience dans la gestion des terres et la prévention des incendies sont d’une valeur inestimable. Arbres Canada travaille en étroite collaboration avec ces communautés afin d’intégrer leur expertise dans les projets de restauration et de régénération. Il faudrait miser sur les connaissances de ces communautés et des aînés au-delà de leurs propres terres.
Pour conclure, j’aimerais souligner que les forêts et les paysages en santé et riches en biodiversité font partie des solutions pour lutter contre les changements climatiques. La façon dont nous procédons à la reforestation et à la restauration et les lieux choisis auront une incidence clé sur le comportement des feux de forêt à l’avenir. Merci.
Le président : Merci beaucoup.
Jessica Kaknevicius, directrice générale, Forêts Canada : Bonjour, et merci de m’accueillir aujourd’hui. Je m’appelle Jess Kaknevicius et je suis la directrice générale de Forêts Canada, un organisme de bienfaisance sans but lucratif qui se consacre à la conservation, à la restauration et à la croissance des forêts du Canada pour soutenir la vie et les collectivités.
Je m’adresse à vous aujourd’hui depuis les territoires traditionnels des Mississaugas de Credit, des Anishinaabeg, des Chippewas, des Haudenosaunee et des Wendats, maintenant connus sous le nom de Toronto.
Depuis plus de 75 ans, nous jouons un rôle important dans la défense de nos forêts et, au cours des 20 dernières années, nous avons soutenu la plantation de plus de 46,5 millions d’arbres, en travaillant aux côtés de 8 000 propriétaires fonciers dans le cadre d’importants partenariats partout au pays.
Même si nous nous sommes concentrés en grande partie sur le soutien aux propriétaires fonciers privés, nous avons remarqué un intérêt et un besoin accrus pour la restauration des paysages publics après un incendie et nous sommes curieux d’explorer comment, quand, pourquoi et où soutenir les efforts de régénération. En plus de notre travail de restauration des forêts, nous échangeons avec les écoles et les collectivités pour les aider à mieux comprendre pourquoi nos forêts sont si essentielles, et nous cherchons à donner aux gens les moyens d’agir et de soutenir des forêts durables.
Les incendies sont un processus naturel, comme nous en avons beaucoup entendu parler au cours des dernières semaines, mais la saison de l’année dernière a évidemment amené le public à se demander pourquoi ces incendies se produisaient avec une telle gravité. De nombreux facteurs contribuent à cette situation, dont vous avez déjà parlé, qu’il s’agisse de l’aménagement forestier ou de l’extinction des incendies, en passant par les répercussions plus vastes des changements climatiques et le manque de ressources pour une planification et une gestion efficaces des feux de forêt.
Nous appuyons plusieurs recommandations importantes qui ont été faites, notamment en ce qui a trait à la gestion des forêts pour réduire les risques d’incendie, à la façon dont nous pouvons améliorer la sécurité des communautés et au besoin de rétablir les forêts après un incendie.
Certains se demandent peut-être pourquoi nous avons besoin de forêts. Étant donné que le Canada possède 9 % des forêts du monde, nous avons la chance d’avoir une abondance d’arbres. Je dirais que nos forêts jouent un rôle essentiel en refroidissant la planète, en atténuant les changements climatiques, en séquestrant le carbone et en fournissant un important habitat de migration pour les oiseaux, des produits durables de même que des emplois et du soutien aux collectivités autochtones et rurales de tout le pays.
Alors que nous faisons face aux conséquences des changements climatiques, notamment à des feux de forêt sans précédent, il est essentiel d’agir. Il faut notamment créer de nouvelles forêts saines et gérer la diversité et la santé des forêts existantes. Notre organisation est déterminée à collaborer avec ses partenaires pour assurer la restauration appropriée des forêts après d’importantes perturbations comme les incendies.
Nous croyons que pour une remise en état efficace des forêts, il faut d’abord choisir les bons semis, et cela commence par la source des semences. Nous recueillons plus de 50 millions de semences chaque année. C’est pourquoi nous insistions sur l’importance critique de choisir les bonnes semences dans le cadre de nos efforts de reboisement. Les arbres que nous plantons aujourd’hui doivent se développer dans notre climat actuel, mais nous devons aussi songer aux conditions futures afin de veiller à ce que nos forêts soient résilientes au fil du temps. En plantant des espèces adaptées au climat, nous améliorons nos chances de succès à long terme. Toutefois, nous comprenons aussi les complexités de la chaîne d’approvisionnement et nous savons que les changements se font sur des années ou des décennies, et non en quelques mois. Nous reconnaissons également que les incendies ont une incidence sur les sources des semences, ce qui représente un risque pour notre approvisionnement dans le futur.
J’aimerais que vous songiez à trois recommandations que vous pourriez intégrer à votre rapport.
La première est de réfléchir à long terme. Les investissements dans nos forêts doivent être soutenus à long terme. Tout comme la prévention et la gestion des incendies, l’intendance de nos forêts est une entreprise à long terme. Il faut penser au-delà de l’année où un arbre est planté et mettre l’accent sur la gestion continue des lieux de plantation pour assurer leur résilience. Cette gestion à long terme nécessite des investissements à long terme, d’où l’obligation d’adopter un point de vue à long terme dans l’ensemble de notre travail. Un investissement ponctuel ne suffit pas à assurer la santé continue de nos écosystèmes forestiers, d’autant plus que le climat continue d’évoluer et que les pressions sur nos forêts s’accentuent. Les résultats des décisions que nous prenons aujourd’hui ne s’observeront pas avant des décennies. L’inaction aura des conséquences à long terme.
Ma deuxième recommandation est de mettre l’accent sur l’importance de la restauration. Les forêts sont essentielles à la stabilisation des sols, au maintien de la quantité et de la qualité de l’eau et à l’atténuation des inondations, et fournissent en outre des habitats à la faune. Elles soutiennent également la biodiversité et permettent aux communautés d’avoir accès à des espaces naturels cruciaux pour la santé mentale et physique. La replantation après un incendie est un important moteur économique en créant non seulement des emplois aujourd’hui, mais en fournissant également de futurs produits qui stockent le carbone à long terme. Nous recommandons de tirer parti des programmes et des fonds existants pour soutenir les efforts de restauration, mais aussi de le faire de manière stratégique et adéquate afin d’assurer la survie à long terme des forêts. Il faut notamment collaborer avec les bons partenaires et les provinces pour accomplir du bon travail à grande échelle.
Enfin, investissez dans la formation et le renforcement des capacités. Nous devons assurer la meilleure restauration possible, et donc utiliser des pratiques exemplaires et mettre en œuvre des pratiques dirigées par des Autochtones. La formation devrait couvrir l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, de l’investissement dans les semences aux semis en passant par les planteurs sur le terrain, en plus de l’entretien à long terme des projets.
Merci de nous avoir accordé du temps.
Le président : Je vous remercie beaucoup.
Kevin Boon, directeur général, Association des éleveurs de bovins de la Colombie-Britannique, Association canadienne des bovins : Merci de m’offrir l’occasion de vous parler aujourd’hui de la question très importante des effets passés, actuels et futurs des incendies sur nos forêts, notre agriculture et notre économie.
Je suis directeur général de l’Association des éleveurs de bovins de la Colombie-Britannique. Notre industrie est l’une des plus directement touchées par les incendies. C’est sur ces terres que nous vivons et travaillons, et l’herbe qui pousse entre les arbres produit pour nous des millions de livres de protéines chaque année.
Entre 2017 et 2023, les feux de forêt ont consumé plus de 6,3 millions d’hectares de terres en Colombie-Britannique, pour un coût évalué à près de 4 milliards de dollars rien que pour la lutte contre les incendies. Nous n’avons pas tous les chiffres pour 2024, mais 1,081 million d’hectares supplémentaires ont brûlé.
Nous savons combien il en coûte de combattre les incendies, mais nous n’avons pas d’estimation exacte des pertes réelles découlant de ces événements. Quel a été le coût sur les plans des infrastructures, des forêts et de la sécurité alimentaire à cause de la perte de production fourragère, sans parler de l’impact environnemental causé par le rejet du carbone stocké, la contamination de l’eau douce et le sol brûlé causant des conditions hydrophobes pouvant nuire à la production pendant des années?
Nous sommes prompts à attribuer ces catastrophes à la sécheresse et aux changements climatiques, mais c’est une façon facile de se déresponsabiliser et de blâmer quelque chose pour une tendance que nous ne croyons pas pouvoir infléchir. Nous savons que le climat change, mais soyons honnêtes : il change depuis des milliards d’années et il changera toujours. La question à laquelle nous devons répondre, c’est « comment pouvons-nous nous adapter? »
Pourquoi tout cela se produit-il maintenant et avec une telle régularité ? Il n’y a pas de réponse ou de solution unique à tous les problèmes, mais pour être honnête, le problème vient en bonne partie de la mauvaise gestion flagrante de territoire en Colombie-Britannique. Le climat, l’environnement et la nature fonctionnent en équilibre au pays, mais nous avons magistralement réussi à détruire cet équilibre en créant des monocultures plutôt que des écosystèmes diversifiés.
Quelque part en chemin, nous nous sommes convaincus que les arbres constituent la solution aux changements climatiques et que nous devons en produire plus à tout prix. Nous devons étudier toutes les données scientifiques, pas juste celles que nous voulons examiner. Quand on constate tous les avantages qu’un seul arbre peut nous apporter, ils semblent assez extraordinaires, mais quand on concentre trop d’arbres dans une zone trop petite, non seulement on perd beaucoup de ces avantages, mais ils peuvent souvent jouer contre nous. Les arbres consomment de grandes quantités d’eau, et s’ils sont trop nombreux, ils peuvent favoriser la sécheresse et le risque d’incendie. La majeure partie du carbone est stockée dans les branches plutôt que dans les racines, de sorte qu’en cas d’incendie, le carbone s’échappe.
Nous devons chercher un but entre les arbres. Nous avons appris, grâce aux feux que nous avons subis, que l’espace entre les arbres où on laisse pousser du fourrage et des arbustes réduit les matières combustibles, et que quand on laisse le bétail et la faune manger ces végétaux, cela réduit les petits combustibles et les risques d’incendie.
Nous devons également examiner les pratiques de récolte du bois. Par exemple, nous construisons des routes pour transporter le bois. Les routes repoussent l’eau du territoire et assèchent la terre, ce qui provoque de nouvelles sécheresses.
La gestion de nos forêts et du territoire en créant un environnement diversifié grâce aux pratiques agroforestières et sylvopastorales crée un territoire plus sain qui donnera à l’agriculture et la faune plus d’occasions de prospérer tout en nous permettant d’atteindre nos objectifs de stockage de carbone en utilisant les arbres et d’autres plantes qui ont la capacité de le stocker.
Il y a trois étapes à considérer : la situation avant l’incendie, l’événement et le rétablissement après l’incendie. Il faut tout mettre en œuvre pour rééquilibrer le territoire et réduire les risques d’incendie.
Nous devons scruter de près la manière dont nous utilisons les programmes comme les Accords d’aide financière en cas de catastrophe afin qu’ils nous apportent le maximum de bénéfices lors du rétablissement après l’incendie. Certaines restrictions et exigences prévues par les programmes favorisent en fait l’établissement d’un habitat qui ne fera que créer des risques d’incendie futurs. Les incendies nettoient le territoire, nous laissant une toile vierge et une occasion de la peindre de manière à nous prémunir des catastrophes futures dans les années à venir.
Nous devons aussi faire attention de ne pas prendre de décisions politiques irréfléchies sans en comprendre toutes les implications. Il est très négligent et préjudiciable de s’engager à planter de nombreux arbres sans plan. Les solutions à la lutte contre les changements climatiques et à la protection de nos ressources contre les futurs incendies de forêt résident au même endroit. Une planification réfléchie et pratique utilisant la science moderne, le savoir citoyen et les connaissances ancestrales contribuera à fournir les réponses.
Le président : Nous vous remercions tous de vos témoignages.
Nous allons passer aux questions. Honorables sénateurs, vous disposez de cinq minutes pour poser des questions et obtenir des réponses. Nous effectuerons un deuxième et un troisième tour au besoin. Comme nous ne recevons qu’un seul groupe de témoins, nous avons le reste de la réunion pour poser des questions. Sur ce, c’est moi qui poserai la première série de questions.
J’aimerais en savoir plus, brièvement, sur la Boreal Carbon Corporation.
M. Doman : Merci. J’ai créé la Boréal Carbon Corporation il y a quelques années. À l’époque, j’étais président-directeur général de trois des plus grandes entreprises forestières du Canada — une que j’avais fondée, une que j’avais cofondée et une que j’avais restructurée — sur la côte de la Colombie-Britannique, au Québec et en Ontario. Depuis une trentaine d’années, je me préoccupe fort de ce qui se passe dans nos forêts, m’intéressant particulièrement aux maladies qui y sévissent. J’avais toujours eu en tête de créer une entreprise comme la Boreal Carbon Corporation pour reboiser et régénérer nos terres forestières et lutter contre une maladie qui, selon nous, provoquerait davantage de feux de forêt. J’ai cofondé la compagnie avec deux associés, fort du soutien d’importants investisseurs institutionnels canadiens et américains. Nous avons pour objectif de remettre en état les forêts endommagées et malades au Canada et aux États-Unis. Pour y parvenir, nous voulons également créer des projets de crédits carbone dans de nombreuses forêts malades ou menacées.
Le président : Travaillez-vous avec des organisations, des entreprises, des provinces, des territoires et le gouvernement fédéral?
M. Doman : Nous travaillons avec les provinces et territoires et avec les États américains où des maladies qui s’attaquent aux arbres traversent les frontières, ainsi qu’avec les entreprises qui veulent acheter des crédits de carbone. Il s’agit donc essentiellement de grands émetteurs.
Le président : Merci beaucoup.
La sénatrice Simons : Je voudrais aussi commencer par M. Doman. Étant originaire de l’Alberta, je connais bien les ravages causés par le dendroctone du pin ponderosa. Lorsque vous avez parlé de la récolte des arbres infectés et morts, vous avez dit qu’il n’y avait pas beaucoup de marché commercial pour ces arbres. Peut-on les utiliser autrement que comme biocarburant? Pourrait-on en récupérer une partie, pas pour la construction de bâtiments, mais à d’autres fins commerciales?
M. Doman : Excellente question.
Quand le dendroctone du pin ponderosa et d’autres maladies forestières infectent un secteur, le bois est bon pour 10 à 12 ans. Après cela, les arbres sont trop malades et deviennent secs, cassants et inutilisables. Ils arborent également des taches bleues. Par le passé, nous en faisions du bois d’œuvre, mais si nous ne pouvions pas le faire, nous déchiquetions les arbres pour les usines de pâte. Cependant, à cause de la tache bleue, il faut utiliser tellement de produits chimiques supplémentaires que c’est très difficile pour les usines de pâte.
Il y a malheureusement dans les forêts une énorme quantité d’arbres morts qui ont essentiellement une valeur négative. Quand je dis « valeur négative », c’est parce que leur récolte et leur transport ont un coût. La meilleure utilisation qu’on puisse en faire est probablement comme biomasse. Ils pourraient aussi servir pour l’hydrogène, ce qui, je pense, ouvre des possibilités. Malheureusement, comme les arbres sont morts, la valeur comme combustible est perdue en partie, mais pas entièrement. Les arbres seraient bons pour le chauffage et l’énergie sous forme de biomasse ligneuse et peut-être d’hydrogène, notamment en les utilisant pour les centres de données dans l’avenir. Voilà qui offre, selon moi, une bonne possibilité de résoudre le problème des forêts mortes et malades en Alberta et à l’intérieur de la Colombie-Britannique, mais le problème est partout au Canada, particulièrement dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon. Ces arbres ont une utilité. C’est juste qu’il faudrait aussi coordonner le tout avec les projets de crédits carbone.
Comme je l’ai mentionné, ils ont une valeur négative. Il faut couper des arbres qui n’ont essentiellement aucune valeur, ce qui coûte environ 30 à 35 $ le mètre cube que quelqu’un doit payer. Ensuite, il faut replanter des arbres, ce que nous devrions faire, sans toujours compter sur la replantation naturelle. Je pense à l’hydrogène, à la possibilité pour les centres de données d’utiliser certains arbres et aux installations de gaz sulfureux qui se trouvent en Alberta comme exemples pour utiliser ces arbres comme biomasse ligneuse.
La sénatrice Simons : Cela semble être un travail colossal si ces arbres n’ont pas beaucoup de valeur commerciale pour les entreprises forestières. Les crédits de carbone sont une chose, mais il est très difficile de créer des marchés de crédits de carbone et de les rendre fonctionnels et vérifiables. Des subventions directes du gouvernement seraient une dépense considérable, mais elles pourraient constituer une économie à long terme si elles permettent d’éviter des incendies de forêt massifs.
J’aimerais savoir ce que nos autres témoins du secteur forestier pensent de la question. Madame Hurtubise?
Mme Hurtubise : Merci beaucoup.
Le marché des crédits de carbone est très complexe et est une entreprise de grande envergure. J’en conviens parfaitement. Pour notre part, nous cherchons toujours à voir comment nous pouvons soutenir les forêts riches en biodiversité. Nous n’avons pas cherché précisément à voir comment on peut utiliser les arbres malades et les enlever, pas plus que nous ne nous sommes intéressés aux répercussions sur l’industrie forestière et à la valeur financière. Nous n’avons pas examiné ces questions. Je laisserai donc d’autres témoins répondre. Merci.
La sénatrice Simons : Madame Kaknevicius, en 30 secondes?
Mme Kaknevicius : Oui, nous rencontrons un problème semblable à celui que nous aurons à l’avenir, à savoir qu’en l’absence d’investissements soutenus à long terme, sans approche à long terme, il est essentiel que nous réfléchissions réellement au travail que nous faisons aujourd’hui. Nous aurons des problèmes semblables dans 50, 60 ou 100 ans. Dans le cadre de la planification à long terme, que ce soit pour la restauration ou la gestion, en examinant les répercussions du secteur forestier, nous devons vraiment réfléchir à la question sur des décennies et pas nécessairement sur des années.
La sénatrice Muggli : Merci à tous d’être des nôtres aujourd’hui.
Monsieur Doman, la sénatrice Simons a peut-être posé les questions que j’allais poser, mais je suis intriguée par la récolte des forêts malades. J’essaie de comprendre les côtés pratiques. Avez-vous des suggestions sur ce que devraient être les premières étapes ou les instructions pour le gouvernement afin que nous sachions comment commencer?
M. Doman : Certainement.
Si nous regardons en arrière, la Finlande et la Suède ont des forêts semblables à celles du Canada, et elles ont rencontré des défis semblables il y a 50 ans, éprouvant des problèmes de maladie, d’incendie et de mauvaise gestion. Elles ont commencé à fonder la foresterie sur la science, augmentant ainsi leur couverture forestière de 50 %, réduisant substantiellement les maladies et les incendies de forêt et stimulant leur industrie forestière et l’absorption de carbone.
Au Canada, il y a malheureusement beaucoup d’arbres morts debout — probablement près d’un milliard de mètres cubes en Colombie-Britannique seulement, et il y en a en Alberta, dans tout le pays et dans les territoires. Il pourrait y avoir un programme gouvernemental pour récolter ces arbres, ce qui créerait beaucoup d’emplois dans les communautés autochtones et toutes les collectivités, et pour reboiser les aires dégarnies, ce qui fournirait aux étudiants de bons emplois pendant l’été pour financer leurs études ou autre chose, afin de remettre en état les forêts endommagées. Ces arbres doivent être coupés. Ils sont comme des boîtes d’allumettes parce qu’ils sont morts et très secs. La foudre provoque des incendies très intenses, et les bonnes gens qui tentent de les éteindre ont malheureusement beaucoup de mal à y parvenir, car les feux deviennent plus intenses parce que les arbres sont morts et secs à l’intérieur.
Il faut vraiment récolter ces arbres, qu’on peut utiliser comme biomasse ligneuse, potentiellement pour l’hydrogène et à d’autres fins. Ce sont toutes des occasions de les utiliser. Ils n’apporteront pas beaucoup de revenus, car la récolte d’un arbre sans valeur a un coût négatif, mais on peut les utiliser. Il faudra que les gouvernements fédéral et provinciaux travaillent ensemble pour élaborer un programme qui peut fonctionner.
La sénatrice Muggli : Vous avez évoqué la Finlande et la Suède. Qu’ont fait ces pays pour récolter leurs arbres malades?
M. Doman : Essentiellement, elles ont compris que leurs forêts n’étaient pas très bien gérées et ont commencé à les éclaircir. Dans une forêt boréale intérieure, il serait bon d’éclaircir au cours des 15 à 20 premières années.
La sénatrice Muggli : Comment ont-elles procédé?
M. Doman : Elles ont récolté les plus petits arbres.
La sénatrice Muggli : Était-ce avec le soutien du gouvernement?
M. Doman : Absolument. Cette approche permet aux autres arbres de croître davantage, et on obtient plus de mètres cubes par hectare. On fait donc essentiellement croître les forêts. La Finlande et la Suède ont augmenté la couverture forestière de 50 %. Des scieries y ont ouvert au lieu de fermer. Elles ont misé sur les biocarburants et les produits de bois d’ingénierie. Leur industrie des pâtes et papiers est florissante, tout comme celles des emballages et des carburants d’aviation durables. Il n’y a rien de tel au Canada.
J’ai travaillé dans l’ensemble du pays. Nos usines de pâtes et papiers ferment, nos scieries cessent leurs activités et nos forêts périclitent. Nous pouvons corriger la situation pour les générations futures et actuelles, mais il faut commencer maintenant. J’ai beaucoup étudié la Suède et la Finlande et j’espère que nous pourrons faire ce qu’elles ont accompli.
La sénatrice Muggli : Je vous remercie.
La sénatrice McBean : Madame Hurtubise et madame Kaknevicius, je pense à tous les arbres que vous avez plantés — je crois que vous avez dit en avoir planté 2,3 millions en un an — et je me demande qui paie ces arbres. Pouvez-vous nous donner des exemples de la manière dont les contributions d’entreprises à Arbres Canada et peut-être à Forêts Canada sont utilisées pour lutter contre les effets des feux de forêt, mais particulièrement pour soutenir les écosystèmes vulnérables?
Mme Hurtubise : Merci beaucoup. C’est une excellente question.
Nous avons des partenariats avec des entreprises depuis de très nombreuses années. Nous avons des partenariats de longue date. Pour répondre à votre question, ce programme est financé en partie par le programme 2 milliards d’arbres, et nous y apportons une contribution équivalente à l’aide d’activités de financement. Cela nous donne l’occasion de nous adresser aux grandes entreprises, mais aussi aux plus petites, qui souhaitent vraiment montrer qu’elles sont des entreprises citoyennes respectueuses de l’environnement. Certaines d’entre elles veulent participer à ces efforts pour atteindre leurs objectifs environnementaux, sociétaux et de gouvernance, ou encore pour respecter leurs engagements en faveur de la carboneutralité d’ici 2030. Parfois, des entreprises voudront soutenir le programme en Colombie‑Britannique, plus précisément, ou dans d’autres régions, et exigeront que les projets contribuent à la richesse de la biodiversité ou s’inscrivent dans le programme Intelli-feu, alors que d’autres nous diront d’utiliser les fonds là où nous en avons besoin au pays.
Nous avons constaté que les entreprises avec lesquelles nous avons collaboré ont été très reconnaissantes d’avoir l’occasion de soutenir des programmes. Nous examinons attentivement les fonds que nous recevons, car nous voulons nous assurer que les entreprises qui soutiennent le travail et les projets d’enrichissement de la biodiversité et de restauration le font pour favoriser la croissance de forêts saines. Nous ne voulons pas qu’elles ne fassent que démontrer qu’elles contribuent à ces efforts, pour ensuite adopter d’autres pratiques ailleurs. Cela est un élément important pour nous. Le soutien des entreprises a été absolument essentiel et nous continuons à entretenir ces relations.
La sénatrice McBean : Je vous remercie.
Mme Kaknevicius : Je suis également d’accord pour dire que les entreprises souhaitent certainement soutenir les efforts de restauration, en particulier après un incendie. Par contre, nous devons également envisager diverses approches partout au pays. Parfois, nous apportons notre soutien à proximité des régions urbaines après une tempête. Les incendies sont un problème, mais les tempêtes sont de plus en plus fréquentes partout au pays et contribuent à la disparition de nos forêts. Voilà pourquoi il faut aussi se concentrer sur les dommages causés par les tempêtes.
En somme, notre approche consiste à faire les choses de la bonne manière, et cela coûte cher. Nous voulons nous assurer, comme d’autres l’ont dit, que le travail que nous accomplissons aujourd’hui ne causera pas des problèmes semblables dans les années à venir. Nous voulons donc adopter de meilleures pratiques, planter les bonnes espèces, et former des partenaires. Une grande partie de notre travail consiste à renforcer les capacités pour réaliser des projets de grande qualité. Nous travaillons avec des entreprises et des donateurs privés pour nous assurer de disposer des capacités nécessaires pour recueillir les semences, planter des arbres et travailler dans les pépinières. Tout cela fait partie de la grande chaîne d’approvisionnement. Les donateurs, les entreprises et le gouvernement jouent un rôle important, tant à l’échelle fédérale qu’à l’échelle provinciale.
La sénatrice McBean : Êtes-vous d’avis que le financement fourni par le programme 2 milliards d’arbres est suffisant? Est-il suffisant pour attirer le soutien des entreprises? Pensez-vous que s’il y avait d’autres programmes, il y aurait des fonds supplémentaires, car davantage d’entreprises apporteraient leur soutien?
Mme Hurtubise : Nous avons toujours besoin de plus de soutien. Je tiens à ajouter que les deux organismes que nous représentons, Mme Kaknevicius et moi, travaillent en étroite collaboration. Notre objectif est d’avoir la plus grande incidence possible. Cependant, le plus important est ce dont on a déjà parlé : la planification à long terme. Il faut s’assurer de pouvoir compter sur la chaîne d’approvisionnement : avoir le bon arbre au bon endroit, les pépinières, les entrepreneurs. Il faut également trouver des régions où l’on pourra avoir des forêts qui seront véritablement durables et résilientes à long terme. Idéalement, nous voulons trouver ces projets, puis obtenir le financement des entreprises et celui du gouvernement fédéral.
Le financement apporté par le gouvernement a été essentiel pour Arbres Canada et d’autres organismes. Sans ce financement, nous n’aurions pas pu lancer nos programmes partout au Canada comme nous avons pu le faire. Il a aussi été important, comme nous l’avons dit, pour mobiliser des entreprises partenaires, des particuliers et des donateurs importants qui essaient réellement de trouver une façon concrète de s’attaquer aux changements climatiques. Les projets de reboisement, de restauration et de conservation font partie de ces efforts.
Le président : Merci beaucoup.
Le sénateur Richards : Je vous remercie de votre présence.
J’ai une petite question sur la manière dont vous luttez ou dont nous devrions lutter contre le dendroctone du pin. J’ai grandi dans une région où il y avait 22 scieries. Aujourd’hui, il n’y en a plus. Cette région comptait aussi trois usines de pâte à papier, mais il n’y en a plus. Quand j’étais jeune, j’ai planté quelques arbres dans le cadre d’efforts de reboisement. Or, la régénération naturelle est toujours ce qu’il y a de mieux, n’est-ce pas? Planter des pins là où il y avait des épinettes ou des feuillus n’est pas ce qu’il y a de plus efficace. Ce n’est pas le bon sol pour ces arbres et la nappe phréatique s’abaisse. Sans vouloir me montrer critique, dans quelle mesure la replantation est-elle efficace lorsque l’espèce que l’on plante ne poussait pas dans la région visée avant l’incendie? N’est-il pas toujours préférable de s’en remettre à la régénération naturelle, après un incendie?
M. Doman : Je vous remercie de votre question.
Je vais vous donner un peu de contexte. Mon grand-père a travaillé dans l’industrie forestière, et, comme mon père, je travaille dans l’industrie forestière, et la façon dont nos forêts sont gérées dans de nombreuses régions du Canada m’inquiète vivement. Je suis originaire de la côte de la Colombie-Britannique. Je dois dire que nous avons eu beaucoup de succès avec la replantation de nos forêts non seulement sur la côte de la Colombie-Britannique, mais aussi d’un bout à l’autre du pays. J’ai travaillé au Québec, en Ontario et dans d’autres régions du Canada, comme en Alberta.
Je pense que la replantation des forêts est essentielle, mais il faut planter des espèces indigènes, comme vous l’avez mentionné. Autrement dit, il ne faut pas planter de la pruche là où pousse le cèdre rouge de l’Ouest, mais nous devons replanter nos forêts. Pour ce qui est de la régénération naturelle, il faut reconnaître que l’environnement change : les niveaux d’eau, la lumière, et cetera. Comme vous le savez, les arbres cherchent tous l’eau et la lumière, de sorte que différentes espèces peuvent devenir plus robustes que les espèces qui ont toujours poussé sur le territoire. En d’autres termes, on peut se retrouver avec plus de feuillus et moins de résineux. Il est très important de replanter nos forêts en faisant appel à des étudiants universitaires, à des communautés autochtones, et cetera. Ils doivent se rendre sur place et replanter nos forêts manuellement. Il existe aussi d’autres moyens de le faire. Je pense notamment à l’ensemencement par hélicoptère et par drones. Cependant, en général, il est préférable de recourir aux gens pour replanter nos forêts. Cela crée beaucoup d’emplois.
Le sénateur Richards : Mon objectif n’est pas de critiquer. Je me demande simplement si les forêts replantées sont aussi robustes et durables que les forêts qui se régénèrent naturellement. Je n’ai pas l’impression que c’est le cas. Lorsque je participais aux efforts de reboisement, quand j’étais jeune et étudiant à l’université, cette façon de procéder ne semblait jamais aussi efficace. C’est tout. Je me demande simplement si vous pensez que c’est tout aussi efficace que la régénération naturelle. C’est la seule question que je vous pose.
M. Doman : C’est une excellente question. Je pense que oui, et, dans certains cas, c’est même mieux : d’autres espèces vont apparaître, car le changement des conditions climatiques entraîne des maladies. Les deux méthodes fonctionnent, cela ne fait aucun doute. Il n’en demeure pas moins que planter des arbres est toujours positif.
Mme Kaknevicius : Nous devons réfléchir aux objectifs de nos efforts. Dans certains cas, les espèces sont plantées ou générées naturellement en fonction des objectifs du plan. Je tiens d’ailleurs à reconnaître le rôle important que jouent les travailleurs forestiers. Lorsqu’ils élaborent des plans de régénération et des plans de récolte, ils mettent sur pied des sites destinés aux essais. Ils jouent un rôle essentiel en aidant à déterminer ce qui doit être fait. De plus, ils sont assujettis à un code d’éthique.
La situation dans laquelle nous nous trouvons n’est plus la même. Le climat change. Nous devons donc changer nos méthodes et notre approche. Ayons recours aux connaissances qui existent dans le système, y compris celles des travailleurs forestiers, et travaillons en étroite collaboration avec les communautés autochtones pour mieux comprendre les efforts menés par les Autochtones.
Mme Hurtubise : Pour faire suite à ce qui a déjà été dit, lorsque l’on examine le reboisement, on tient compte des espèces en péril. Je vous donne un exemple. En ce moment, nous travaillons en étroite collaboration avec le gouvernement tlicho dans les Territoires du Nord-Ouest. Des millions d’hectares y ont été détruits l’année dernière, en 2023. Nous avons conclu un partenariat avec ce gouvernement pour les trois prochaines années. L’objectif est de planter un million d’arbres en cinq ans. Nous avons lancé ce projet très complexe, car la régénération naturelle pourrait prendre 80 ans, et d’ici là, les caribous ne reviendront pas. Nous travaillons donc en collaboration avec ce gouvernement, et les aînés ont déterminé les espèces qu’il faut planter, des arbustes aux arbres, en fonction de leurs connaissances traditionnelles. Nous sommes allés recueillir les semences dans la forêt. En collaboration avec nos partenaires autochtones, nous les avons apportées dans le Nord de l’Alberta. Elles ont germé. Nous allons les ramener dans la région et les planter cette année.
Encore une fois, il faut se demander quel est l’objectif des efforts de régénération et évaluer après combien de temps cette forêt se régénérerait d’elle-même. Je reviens à la biodiversité, car elle est d’une importance capitale si l’on veut éviter de se retrouver avec des monocultures qui sont si vulnérables aux espèces envahissantes.
Le sénateur K. Wells : Je remercie tous les témoins.
Ma question s’adresse à M. Boon. Vous avez dit que vous aviez recours au pâturage ciblé, plus particulièrement en Colombie-Britannique. Pouvez-vous nous parler de la recherche qui porte sur les animaux qui conviennent le mieux à ce pâturage ciblé, et nous en dire plus sur les avantages de cette approche?
M. Boon : Je vous remercie de cette question.
En 2017, après les incendies, nous avons vraiment vu à quel point le bétail était utile sur ce territoire pour gérer les incendies, dévier leur trajectoire et les arrêter. Avec le service d’incendie de la Colombie-Britannique, nous avons mis en œuvre un programme de pâturage ciblé pour les zones périurbaines afin de protéger les infrastructures importantes. Nous avons eu trois ou quatre projets pilotes différents.
Nous avons principalement recours au bétail, mais cela dépend de la région. Dans certains endroits, nous utilisons des moutons ou des chèvres, et le choix des animaux dépend de la diversité des plantes disponibles. Nous apportons, dans une petite zone très ciblée, du bétail pour le faire paître à des moments précis, au début de la saison, afin qu’il mange les fines tiges qui peuvent alimenter le feu, puis nous le retirons et le renvoyons dans son environnement habituel. Parfois, nous revenons.
Cela n’est qu’une étape du pâturage ciblé. Nous devons également préparer le site avant d’y faire paître le bétail. Cela veut dire qu’il faut, d’habitude, procéder à des coupes sélectives, pour ramener le nombre de branches par hectare de 1 200 à 1 400 à 400 ou 500. Nous constatons qu’en plus de réduire le risque d’incendie, cette approche permet d’obtenir un bois de meilleure qualité. Le bétail élague naturellement la partie inférieure de ces arbres matures.
À titre d’information — et je pense que nous avons inclus cela dans notre dossier —, en 2020, nous avons produit un court documentaire sur ce projet qui s’intitule Too Close to Home.
Le sénateur K. Wells : Cette méthode est-elle seulement utilisée en Colombie-Britannique? Y a-t-on recours ailleurs au pays?
M. Boon : Cette méthode est ciblée. Il s’agit d’un programme en Colombie-Britannique, mais ce n’est rien de sorcier. Nous ne faisons qu’employer les méthodes que nous avons toujours utilisées sur ce territoire. La seule différence est que nous rassemblons les animaux dans une zone précise pendant une période clé. Dans le cadre de ce programme, nous utilisons principalement les terres de la Couronne. Il ne faut pas oublier qu’en Colombie-Britannique, environ 85 % du pâturage se fait sur les terres de la Couronne. Par contre, nous avons également un programme avec une société qui travaille sur des terres privées.
Oui, ce programme est adopté d’un bout à l’autre du pays. Nous avons rédigé un guide, qui sera publié, sur les méthodes employées et la manière de le mettre en œuvre dans les exploitations agricoles et les ranchs.
Le sénateur K. Wells : Pourriez-vous nous parler un peu de la façon dont votre association travaille avec les partenaires et les communautés autochtones?
M. Boon : Oui. Lorsque nous menons des activités comme celle-ci, ainsi que dans le cadre de n’importe quelle autre planification... j’ai probablement donné l’impression que je suis contre les arbres, mais c’est tout le contraire. Notre objectif est d’établir un équilibre. En Colombie-Britannique, ces projets nous permettent de créer des liens avec les peuples autochtones. L’agriculture et les intérêts des Premières Nations sont étroitement liés. Nous avons, en grande partie, les mêmes convictions.
Dans le cadre des efforts de pâturage ciblé, à titre d’exemple, neuf ou dix groupes différents nous aident à élaborer un plan pour le territoire. Nous déterminons où se trouvent les arbres, où il y aura des points d’eau, où nous installerons les clôtures, et quels sont les arbustes importants ou les plantes qui ont une valeur culturelle, comme les pommes de terre sauvages. Nous examinons leurs avantages et veillons à les intégrer dans le plan. Voilà ce qui est vraiment unique : nous concevons ce plan en tant que communauté. Tout ne repose pas que sur des besoins culturels et précis, comme les loisirs. On tient également compte de ce qui convient le mieux à la région.
Nous envisageons aussi l’utilisation de clôtures virtuelles, un projet qui suscite un vif intérêt. Nous sommes peut-être un peu en retard, car cette technologie existe déjà.
Le sénateur K. Wells : Merci.
[Français]
La sénatrice Oudar : Je vais m’adresser à tous les témoins. D’abord, merci pour l’expertise que vous amenez ici sur ce qui se passe après un incendie. On a beaucoup parlé de prévention. On ne veut pas nier son importance, mais vous avez parlé de ce qu’il faut faire pour les générations futures pour ce qui est de la façon d’agir dans le cas de la revitalisation après les incendies. Merci, c’est un angle important que vous amenez aujourd’hui.
Notre rôle comme comité est de soumettre des recommandations au gouvernement. On s’est doté d’un mandat sur le problème grandissant des feux de forêt au Canada et leurs effets sur la foresterie et l’agriculture. Dans notre rapport, on fera des recommandations au gouvernement, qu’il suivra ou non. Je demande à chacun d’entre vous ce que vous souhaiteriez voir dans le rapport au chapitre des recommandations importantes. On vous donne une voix auprès du gouvernement, donc que souhaiteriez-vous voir dans notre rapport?
Mme Hurtubise : Merci beaucoup. C’est aussi une question qui nous importe énormément. Si je peux me permettre de faire une recommandation à plusieurs étages, il y a la biodiversité qui est vraiment importante. Cela crée un environnement où les arbres sont plus résistants au feu. Si on continue de générer des forêts qui sont formées à 100 % de conifères, cela crée des environnements beaucoup plus portés à accentuer les feux de forêt et leur gravité. C’est un élément extrêmement important.
L’autre élément, c’est l’adoption de pratiques —
La sénatrice Oudar : En ce qui concerne les moyens, souhaiteriez-vous qu’on adopte une stratégie sur la biodiversité au Canada pour valoriser cela? Que verriez-vous comme moyen d’accomplir cet objectif de biodiversité sur lequel nous sommes tous d’accord, mais concrètement, pour le gouvernement, est-ce que ce devrait être un programme, des stratégies ou la création d’un nouvel organisme?
Mme Hurtubise : Tout à fait, il faut maintenir le programme actuel de reboisement — quoique pour le programme 2 milliards d’arbres, on a encore beaucoup à apprendre. Ce programme a eu un impact énorme. Il comprend une composante de biodiversité. C’est très important. Le gouvernement canadien a pris des engagements par rapport à la biodiversité dans le cadre d’ententes internationales et c’est très important de s’y tenir.
Je ne suis pas autochtone, donc je ne me permettrai surtout pas de parler en leur nom, mais toute la question du brûlage dirigé est extrêmement importante par rapport à la gestion des forêts. Le dernier point que je voudrais souligner, c’est une approche très concrète, tout ce qui a trait aux feux intelligents. Il y a des pratiques concrètes par rapport aux façons de protéger sa maison, comme le type d’arbre qu’il faut avoir autour de sa communauté ou de sa maison. Il y a des pratiques concrètes et des organisations travaillent sur cette question. Je crois que c’est aussi très important de voir comment ces pratiques peuvent être appliquées, mais je ne suis pas certaine de la façon législative ou légale de le faire. Toutes ces stratégies sont extrêmement importantes, je crois.
La sénatrice Oudar : C’est intéressant; merci.
[Traduction]
Le président : Très rapidement, vous avez tous l’occasion de formuler une recommandation.
M. Doman : Je vous remercie de la question.
En 2023, 43 millions d’acres ont brûlé. C’est un grave problème partout au Canada, mais la solution à ce problème est très simple. La plupart des forêts du Canada sont des forêts boréales intérieures, à l’exception de celles qui sont situées sur la côte de la Colombie-Britannique. J’ai travaillé dans la majorité de ces forêts, y compris dans les Prairies. La solution consiste à s’inspirer de la Suède et de la Finlande. Il y a 50 ans, leur récolte durable est tombée à 50 ou 60 millions de mètres cubes par année, et aujourd’hui elle s’approche des 100 millions de mètres cubes par année grâce à des pratiques forestières fondées sur la science. Elle est là, la solution, selon moi. Je serais heureux d’en discuter plus en détail, si j’en ai l’occasion.
Mme Kaknevicius : Ma recommandation porte sur les investissements à long terme. Cela fera bientôt 20 ans que nous plantons des arbres. Nous examinons maintenant les forêts que nous avons plantées et nous nous penchons sur la façon dont nous allons les entretenir et les soutenir pour qu’elles se développent de façon durable. Même si, en ce moment, l’accent est mis sur la régénération, nous devons également penser à ce qui se passera dans 20 ans sur le plan de l’entretien et de la gestion de ces forêts. Nous devons envisager des investissements à long terme pour être en mesure d’entretenir ces forêts.
M. Boon : Je vous remercie de la question.
Je dirais : la biodiversité et la planification à long terme. Nous devons investir dans une planification à l’échelle du paysage qui ne soit pas basée sur des monocultures, en examinant chaque secteur et en déterminant ce qu’il y a de mieux à y faire, sur le plan de la culture et de la production. Cela inclut les secteurs de développement urbain et de développement d’infrastructures tout le long du parcours. Nous devons mieux planifier sur le terrain. C’est la meilleure solution que je puisse vous proposer.
Le président : Merci.
Nous passons au deuxième tour. Ma question s’adresse à M. Boon. Vous avez mentionné le documentaire Too Close to Home. Je vous en remercie. J’aimerais savoir si les éleveurs, les chercheurs et les municipalités se sont réunis et continuent de le faire pour collaborer. Dans la manière dont les projets pilotes sont mis en œuvre, collabore-t-on? Deuxièmement, dans quelle mesure y a-t-il des fonds pour ces projets pilotes? Est-ce terminé? Y a-t-il encore des fonds disponibles? D’où vient le financement?
M. Boon : Merci beaucoup de la question.
Nous coopérons. Nous recevons des fonds à la fois du gouvernement fédéral et du gouvernement provincial. Une grande partie de notre financement pour la recherche provient du Wildfire Service de la Colombie-Britannique, qui relève du ministère des Forêts. Il y a également le financement du Conseil de recherche sur les bovins de boucherie, qui est la grappe scientifique à l’échelle fédérale qui applique cela en partie. Nous avons également un investissement important de la part de l’industrie elle-même, où nous nous présentons à la table et où des producteurs investissent dans divers aspects de la gestion.
Le président : Merci beaucoup.
La sénatrice Simons : Ma question s’adresse à M. Boon. Tout d’abord, dans le rapport, nous ne nous sommes pas beaucoup penchés — bien que nous l’ayons fait un peu — sur la question des feux de prairie. Nous nous sommes concentrés sur les forêts, mais les prairies sont également menacées par les incendies. Je me demande si vous pouvez nous parler du rôle que joue le bétail dans l’atténuation des risques de feux de prairie.
M. Boon : Absolument. Vous avez mis le doigt sur l’idée derrière le pâturage ciblé. En ce qui concerne les feux de prairie, c’est basé sur la tige et sur ce qui se trouve au-dessus du sol. Nous savons que la majeure partie de notre carbone est séquestrée dans les prairies sous le sol, de sorte que le pâturage permet de séquestrer davantage de carbone. C’est un avantage supplémentaire. Pour ce qui est des risques d’incendie, nous constatons que les feux d’herbe sont probablement plus dangereux et plus volatils que les feux de forêt parce qu’ils se déplacent plus rapidement, mais ils sont plus bas sur le sol et plus faciles à atteindre, à combattre et à maîtriser. Il est possible de les maintenir en ligne droite et de les déplacer.
Il s’agit d’être en mesure d’éliminer ce combustible pour lutter contre l’incendie. Si nous faisons paître les animaux, nous éliminons le combustible. Nous ne sommes pas en mesure de le faire avec certains des plus gros arbres. Là où la forêt a été exploitée, nous constatons qu’il est plus facile de maîtriser un incendie. Lorsqu’un feu se propage dans les arbres, qu’il s’agit d’un feu de cime et qu’il va d’arbre en arbre, il est presque impossible de l’éteindre et de le calmer. Pouvoir ramener le feu au sol est un élément important de la lutte contre l’incendie, et la réduction du combustible à l’aide du bétail est préférable à la récolte mécanique, car elle augmente la capacité de séquestration du carbone. C’est là une partie de la recherche que nous avons menée.
La sénatrice Simons : Vous avez parlé de la question des clôtures virtuelles à la fin. Le sénateur Black m’a souri parce que nous en avons discuté l’autre jour. Ma famille a un chalet dans le bois et j’essaie de convaincre mon frère de trouver un agriculteur dans le coin qui pourrait amener son bétail et le faire paître les choses sur le sol avant qu’elles ne se transforment en petit bois pour un feu. Où en sommes-nous dans l’adoption des clôtures virtuelles? Permettez-moi de revenir en arrière. Expliquez-nous comment fonctionnent les clôtures virtuelles et comment elles peuvent nous aider à faire paître les animaux dans des zones où nous ne pourrions pas le faire autrement.
M. Boon : La technologie des clôtures virtuelles est en fait très avancée. Elle est largement utilisée aux Pays-Bas. De nombreuses recherches sont menées en Australie et en Nouvelle‑Zélande. Elle commence tout juste à arriver en Amérique du Nord. Nous avons quatre ou cinq entreprises différentes qui l’utilisent. L’un des défis pour nous, en particulier en Colombie‑Britannique, c’est que dans la plupart des cas, cela fonctionne soit à partir de la technologie cellulaire, soit à partir d’un système de tour. Il est possible de résoudre le problème. Ici, en Colombie-Britannique, nous nous efforçons de mettre au point un système totalement dépendant des satellites afin de surmonter cette difficulté. C’est un défi plus difficile à relever. Ces systèmes fonctionnent comme un collier pour chien qui restreindrait votre chien. Ils fonctionnent par sons et par chocs. On avertit le bétail par un signal sonore trois étapes auparavant. Ensuite, il reçoit un léger choc. Une fois qu’il a franchi la ligne de la clôture, qui est virtuelle et créée par les ondes, le collier s’arrête. Les animaux se trouvent à l’extérieur de la clôture. Ils peuvent revenir à l’intérieur. Les bovins sont des animaux de troupeau, donc si un animal quitte le troupeau, il reviendra généralement parce qu’il ne veut pas s’en éloigner. Toutefois, en Amérique du Nord, nous n’en sommes qu’aux premiers stades.
La sénatrice Simons : J’aimerais vous poser des questions sur les chèvres, mais ce n’est pas vraiment votre spécialité.
M. Boon : Les chèvres ont leur utilité. Elles sont plus difficiles à contrôler, mais elles sont très efficaces pour certaines plantes, en particulier pour la gestion des plantes envahissantes.
Le président : Vous représentez donc l’association des bovins et des chèvres de l’Alberta. Merci beaucoup.
La sénatrice McBean : Monsieur Doman, vous parlez de la revitalisation de la foresterie canadienne. Cela semble passionnant. Puisque l’étude de notre comité porte davantage sur les feux de forêt que sur la revitalisation des forêts, je veux simplement confirmer qu’en reconstruisant notre foresterie, nous contrôlons également les feux de forêt, n’est-ce pas? Je ne veux tout simplement pas que nous reconstruisions des forêts, comme l’a dit M. Boon, et que nous ne fassions que planter des arbres pour créer du combustible.
M. Doman : Absolument. En réparant nos forêts, nous aurons des forêts plus saines, ce qui devrait réduire le nombre de feux de forêt et de maladies. Nos forêts ont été mal gérées, dans de nombreux cas, pendant des décennies, en raison d’intérêts conflictuels entre l’industrie, les groupes environnementaux et les gouvernements qui n’ont pas suivi les connaissances scientifiques forestières appropriées. Cette situation a entraîné l’apparition de maladies similaires à la COVID. Elles sont apparues dans les forêts et sont devenues des épidémies. Les insectes responsables peuvent voler sur de plus longues distances, résister à des températures plus froides et se développer de la sorte. Lorsque la foudre frappe et ainsi de suite, on a ces arbres morts et ils se sont enflammés, dans une énorme forêt — comme je l’ai mentionné, 43 millions d’acres ont brûlé en 2023.
Je pense que la solution réside dans ce qu’ont fait la Finlande et la Suède. Il y a une cinquantaine d’années, elles ont reconnu que leur industrie forestière était importante pour la biodiversité, la faune, l’emploi, les collectivités et la santé. Nous pouvons faire la même chose. Nos continents étaient autrefois contigus. Les forêts suédoises et finlandaises sont très semblables aux nôtres. Nous devrions avoir plus de forêts. Nous devrions les étendre et mieux les gérer. Nous aurons moins d’incendies et de maladies, et nous absorberons plus de carbone. Les arbres qui poussent sont destinés aux générations futures qui en bénéficieront, ce qui inclut la faune et la flore, l’emploi et l’investissement...
La sénatrice McBean : Je souhaite poser d’autres questions avant que le président ne lève ses deux mains devant le filet.
Le gouvernement fédéral a mis en place le programme 2 milliards d’arbres et des questions se posent à ce sujet. Est-il possible d’atteindre l’objectif de 2 milliards d’arbres sans récolter les... Avons-nous besoin de l’espace des forêts ravagées par la maladie? Est-ce possible? Ce sera ma première question. Ensuite, madame Hurtubise, je sais qu’il y a du retard par rapport aux objectifs concernant les investissements de Ressources naturelles Canada dans les 2 milliards d’arbres. Vous dites qu’il faut être sélectif et chercher les bons endroits. Allons-nous atteindre l’objectif de 2 milliards d’arbres si nous sommes difficiles? Tout d’abord, avons-nous besoin de l’espace et procédons-nous assez rapidement pour atteindre l’objectif?
M. Doman : Oui. À mon avis, le programme 2 milliards d’arbres n’a pas très bien fonctionné parce qu’il ne prévoit pas la replantation pour les entreprises forestières, etc., et d’autres propriétaires fonciers, parce qu’il précise qu’on ne peut pas l’utiliser pour des crédits de carbone à moins qu’il ne s’agisse d’une collectivité autochtone. Il n’a donc vraiment pas fonctionné complètement dans l’ensemble du Canada. À mon avis, nous devons réparer les arbres endommagés. Nous devrions élargir la portée du programme 2 milliards d’arbres, car il permettra d’absorber une grande partie des émissions du Canada. C’est un moyen naturel d’absorber les émissions pour le Canada, qui s’efforce d’améliorer les choses sur le plan de son environnement. Si nous avons des arbres sains et que nous les replantons, le programme 2 milliards d’arbres devrait être élargi et utilisé... pour permettre des projets carbone, etc.
Mme Hurtubise : Merci beaucoup de la question.
Le programme 2 milliards d’arbres met à contribution les villes, les municipalités et les provinces. Des centaines d’intervenants et de partenaires reçoivent un financement dans le cadre du programme partout au pays. Je ne sais pas comment on en est arrivé à ce chiffre de 2 milliards d’arbres. Je peux cependant vous dire qu’il a fallu un certain temps pour que le programme passe à la vitesse supérieure. Nous avons parlé du fait que, du moment où l’on recueille les semis jusqu’à la replantation, en passant par la germination, il peut s’écouler trois ans, n’est-ce pas? Nous regardons donc les choses à long terme. Nous ne faisons qu’intensifier les efforts. Les pépiniéristes avaient besoin de savoir que les choses n’allaient pas s’arrêter du jour au lendemain. Les entrepreneurs avaient besoin d’avoir une telle assurance, car une fois que l’on commence à investir dans une pépinière, on parle, encore une fois, du long terme.
À ce stade-ci, je pense que le programme 2 milliards d’arbres... On peut l’améliorer à bien des égards. Nous pourrions en parler. Or, je pense que le rythme s’accélère, et pour ce qui est d’en arriver à 2 milliards d’arbres, je ne sais pas. Le programme aura toutefois une incidence considérable à l’échelle du pays, par l’intermédiaire des différents intervenants dans le domaine du reboisement et de la restauration. Je sais que l’accent est mis sur la biodiversité et la collaboration avec les collectivités autochtones. Ainsi, le rythme s’accélère et nous devrions voir une courbe de croissance en bâton de hockey, tant que l’on a les semis et que le tout fonctionne.
Le président : Vous voyez, en parlant de filet.
Le sénateur Richards : J’ai posé une question plus tôt au sujet du dendroctone du pin ponderosa. Comment peut-on le gérer et essayer de l’éliminer?
M. Doman : Comme je l’ai mentionné, l’infestation par le dendroctone du pin ponderosa a commencé il y a environ 30 ans, essentiellement, dans le parc Tweedsmuir en Colombie‑Britannique. L’insecte existe depuis des milliards d’années, mais l’infestation a essentiellement détruit près de 60 % des pins, qui composent 40 % de la forêt intérieure de la Colombie‑Britannique. Le ravageur a étendu son aire de répartition en envahissant l’Alberta et probablement la Saskatchewan et cinq États de l’Ouest des États-Unis. Nous n’avons pas agi lorsque l’infestation a commencé, c’est-à-dire en coupant une bande d’un demi-kilomètre autour de la zone touchée, en replantant et en gérant le tout correctement, parce qu’elle a débuté dans un parc. Un plan avait été élaboré à cet effet dans les années 1990. Il a été interrompu, et cela n’a pas été fait. Le dendroctone du pin ponderosa s’est transformé en une sorte de superbactérie, un peu comme pour la COVID-19, mais dans les arbres dans ce cas.
Comment pouvons-nous y faire face aujourd’hui? Nous devons récolter ces arbres morts sur pied avant qu’ils ne provoquent d’autres feux de forêt et que la maladie ne continue à se propager. Bien sûr, lorsque le temps est froid, comme dans les Prairies l’an dernier, avec des températures d’environ moins 40 degrés, la propagation ralentit un peu. Or, dans le passé, des températures de moins 15 à moins 20 maintenues pendant deux ou trois semaines d’affilée auraient suffi à détruire le dendroctone du pin ponderosa ou à interrompre sa propagation. Malheureusement, il s’est transformé en une sorte de superbactérie. Il peut voler sur de plus longues distances et résister à des températures plus froides.
La solution consiste à exploiter les forêts, soit à récolter les arbres morts, et à faire la replantation dans le cadre de programmes comme le programme canadien de replantation, mais aussi à élargir ce programme afin que les entreprises puissent planter des arbres et s’en servir pour obtenir des crédits carbone. Il faut dire que 93 % de nos forêts au Canada sont des forêts de la Couronne. Elles sont gérées par les provinces. Seulement 7 % sont des terres privées. Nous devons abattre ces arbres. Je ne sais pas trop comment on procède quand leur valeur est négative, si ce n’est en permettant aux entreprises de prendre ces zones, d’y faire de la replantation, de travailler avec les provinces et de créer des programmes de crédits de carbone, aidant ainsi à compenser pour des industries comme le pétrole et le gaz, l’acier, le béton et d’autres émetteurs.
Le sénateur Richards : Est-ce semblable à la maladie hollandaise de l’orme, ou celle-ci est-elle bien différente de l’infestation par le dendroctone du pin ponderosa?
M. Doman : C’est différent. Il y a diverses maladies. Une infestation du typographe de l’épinette peut aussi se produire. Nous avons la tordeuse des bourgeons de l’épinette dans l’Est du Canada, où il y a malheureusement eu des feux de forêt, au Québec, en 2023. Nous sommes touchés par diverses maladies. C’est l’une d’entre elles. Or, le Canada compte moins de feuillus. Il y a plus de résineux.
Le sénateur Richards : Merci.
Le président : Madame Kaknevicius, vous aviez levé la main et je ne vous ai pas donné la parole. Je m’excuse.
Mme Kaknevicius : J’allais intervenir au sujet des prairies, lorsque M. Boon avait la parole. Nous gérons un programme, soit l’Initiative d’intendance des prairies. Nous nous occupons également de la restauration des prairies, en particulier en Ontario. Je voulais dire que les prairies indigènes sont assez résistantes aux incendies. Pour revenir à ce que disait M. Boon, une grande partie de la biomasse est sous la terre, de sorte que le feu peut passer et détruire la masse aérienne, mais elle reviendra, et en fait, le feu est nécessaire à la régénération. Les prairies constituent une excellente possibilité pour la résilience aux feux dans le paysage. Encore une fois, pour reprendre les propos de M. Boon, je pense qu’une excellente recommandation pour le rapport serait d’envisager un plan sur le paysage pour le Canada en ce qui concerne la restauration de l’ensemble des différents écosystèmes.
[Français]
La sénatrice Oudar : Je vais continuer dans la même foulée que ma question précédente, plus particulièrement au sujet des programmes. Le Canada a beaucoup de programmes, et on en a d’ailleurs parlé ce matin; il a également un plan d’action dont il vient de se doter, une stratégie nationale d’adaptation aux feux de forêt.
Certains témoins sont venus nous parler de la mise en œuvre de ces programmes. Je suis encore dans les moyens et le concret, mais la bureaucratie gouvernementale peut entraîner des délais, et bien souvent aussi une quasi-impossibilité d’agir. Ce matin, je n’ai rien entendu à ce sujet. Est-ce que vous êtes confrontés aux mêmes problèmes de bureaucratie et de délais dans l’administration des programmes? Est-ce que vous avez été témoins de cela? Est-ce qu’on devrait faire des recommandations à ce sujet, ou alors tout va bien en ce qui concerne les programmes et on n’a pas besoin de s’occuper de cet aspect?
Mme Hurtubise : Je vous remercie pour cette excellente question. Notre expérience chez Arbres Canada, c’est de travailler étroitement avec nos collègues dans le cadre du programme 2 milliards d’arbres. Selon notre expérience, ce sont des collègues très ouverts à nos commentaires et à nos suggestions.
Dans toute bureaucratie, il y a des délais, ce qui est normal, mais il y a une volonté de faire en sorte que ce programme avance, qu’il soit livré et qu’il contribue réellement à l’impact recherché.
Il y a aussi une reconnaissance du fait que le programme n’est pas parfait. Donc, il y a une ouverture sur les recommandations que l’on pourrait faire pour améliorer le programme. Ces conversations ont lieu à différents niveaux de la hiérarchie bureaucratique.
La sénatrice Oudar : Y a-t-il des améliorations à apporter? Y a-t-il des étapes à supprimer qui sont inutiles et qui augmentent les délais d’attribution des sommes, ce qui provoque une impossibilité d’agir à temps pour la revalorisation ou l’implantation, par exemple? Y a-t-il des suggestions qui pourraient être faites? On n’en discute pas aujourd’hui et je ne veux pas tomber dans la microgestion. Toutefois, des suggestions d’améliorations à tout le moins sur les programmes, afin qu’ils soient plus efficaces et efficients, seraient appréciées. Les gens aimeraient avoir des sommes additionnelles, mais parfois, on peut aussi travailler sur des moyens qui pourraient rendre les programmes plus efficaces dans les délais.
Mme Hurtubise : Tout à fait. Sans entrer dans la microgestion, plusieurs recommandations pourraient être mises de l’avant pour améliorer le programme 2 milliards d’arbres. Elles touchent l’efficacité, la durée du programme et les partenariats. On s’est penché là-dessus. On en a discuté aussi avec le programme 2 milliards d’arbres.
En raison de mon expérience de travail avec d’autres ministères, je peux dire que c’est un programme très flexible et qui a une perspective à long terme, ce qui est assez rare pour un financement issu du gouvernement. Souvent, les programmes de financement ont une durée de quatre ou cinq ans. Celui-ci nous donne une longueur d’avance de 10 ans, ce qui est tout de même assez rare.
Il y a des recommandations à faire pour une amélioration, absolument. Toutefois, selon notre expérience, cela a été positif, compte tenu des recommandations en vue de l’amélioration.
La sénatrice Oudar : Je vous remercie. Monsieur Doman?
[Traduction]
M. Doman : Merci.
Je ne pense pas que le programme 2 milliards d’arbres ait fonctionné aussi bien qu’il l’aurait pu parce que, tout d’abord, il ne permet pas aux personnes qui souhaitent créer des crédits de carbone de l’utiliser. Encore une fois, 43 millions d’acres de nos forêts ont brûlé. Il s’agit d’un problème grave pour le Canada et nous devons le résoudre. Que ce soit dans l’Est du Canada, dans les Prairies, dans le Centre du Canada, dans l’Ouest du Canada ou dans les territoires, toutes nos forêts sont touchées par des maladies. Elles se propagent et provoquent des feux de forêt plus intenses, ce qui émet d’énormes quantités de carbone dans l’atmosphère. Si nous avions des forêts saines, nous pourrions absorber d’énormes quantités de carbone. La solution consiste donc à améliorer la gestion des forêts et le programme de plantation d’arbres.
Le sénateur K. Wells : Il est question de recommandations. Dans quelle mesure les technologies, actuelles ou nouvelles, contribuent-elles à lutter contre le problème grandissant des feux de forêt? On a un peu parlé de clôtures virtuelles et de plantation par drone. Commençons par là. Monsieur Doman, pouvez-vous nous en dire plus sur la plantation par drone, notamment sur la viabilité de cette solution, sur les résultats obtenus jusqu’à maintenant et sur ses limites?
M. Doman : Certainement. La meilleure façon de planter des arbres, c’est en optimisant le rendement des êtres humains. On peut y arriver en utilisant des capsules semblables à des rondelles de hockey qu’on répand par voie aérienne, au lieu d’envoyer des gens sur le terrain pour déterrer et replanter des arbres. La technologie évolue, et je crois que cette méthode pourrait fonctionner. On pourrait l’utiliser en conjonction avec les drones et les hélicoptères dans les zones plus difficiles, mais elle pourrait également servir à optimiser le rendement des planteurs d’arbres. Les plus gros problèmes qui se posent aux planteurs d’arbres, c’est qu’une fois les semis plantés, soit il y a trop d’eau, soit il n’y en a pas assez, ou encore des animaux mangent les semis et ralentissent la croissance des arbres. Par conséquent, d’après moi, les capsules pourraient être très utiles. Je pense que cette technologie peut fonctionner. À mon avis, jusqu’à maintenant, les techniques qui consistent à faire planter les arbres directement par les drones n’ont pas donné de bons résultats. Je pense qu’il faut aussi les capsules et la participation des planteurs d’arbres. Cette méthode offrirait également d’énormes possibilités d’emplois aux communautés et aux peuples autochtones d’un océan à l’autre. Quant à moi, c’est la meilleure façon de procéder, en conjonction avec les drones et les hélicoptères. Par ailleurs, les drones ont la capacité de déterminer quels sont les meilleurs endroits où planter des arbres; ainsi, du point de vue des conditions météorologiques et de l’état des sols, ils peuvent être très utiles.
Le sénateur K. Wells : Merci.
Mme Hurtubise : Les drones sont importants dans les zones ravagées par les feux de forêt où il est trop dangereux d’envoyer des individus ou des équipes pour planter des arbres. Avec de bonnes capsules — la technologie des capsules a nettement évolué —, ils sont très utiles dans des zones pareilles.
Je veux répondre à votre question d’une perspective plus large, en parlant des satellites et des drones. Les satellites améliorent les prévisions relatives au comportement des feux de forêt. En tenant compte de facteurs comme la sécheresse; le manque de pluie; les feux de forêt précédents, le cas échéant; et la teneur en humidité, on peut évaluer à quels endroits des feux de forêt risquent de se déclarer. Ces renseignements favorisent la prise de décisions stratégiques ou plus pragmatiques.
Notre travail s’inscrit dans une démarche durable à long terme. Nous plantons un arbre. Durant la première année, nous vérifions s’il est vivant. S’il ne l’est pas, nous en plantons un autre. Nous vérifions à nouveau durant la deuxième année. L’arbre est-il vivant? Se porte-t-il bien? Si tel est le cas, nous revérifions après cinq ans. Nous replantons jusqu’à un certain pourcentage. Les images satellitaires nous permettent d’évaluer la compétition et de vérifier la croissance des arbres. Les arbres sont-ils vivants? La diversité des espèces est une autre information très utile. On peut aussi évaluer les répercussions des feux de forêt.
Je ne suis pas spécialiste, mais je peux dire que la technologie est en train de devenir extrêmement sophistiquée. Grâce à elle, nous pouvons identifier et prédire, dans une certaine mesure... En fait, peut-être pas prédire, mais identifier les plus grands risques. Elle nous aide également à examiner la durabilité et les effets des feux de forêt.
Le sénateur K. Wells : Merci.
Le président : J’ai vu que vous aviez levé la main, madame Kaknevicius. Avez-vous quelque chose à ajouter rapidement?
Mme Kaknevicius : Comme Mme Hurtubise l’a dit, beaucoup de technologies sont utilisées pour tenter de prévenir les incendies et de prédire leurs répercussions à grande échelle.
Par ailleurs, je tiens à souligner que bien que la plantation par drone soit efficace, spécialement dans les zones difficiles d’accès ou dangereuses, on a tendance à négliger son incidence sur les réserves de semences. Les drones utilisent des semences, et selon moi, il y a un risque que la plantation par drone épuise les réserves de semences. Il faut donc réfléchir à l’utilisation rationnelle des semences dans le cadre des activités de restauration.
Le président : Nous passons à la troisième série de questions. Sénatrice Simons, vous aurez le dernier mot.
La sénatrice Simons : N’est-ce pas ce que souhaitent toutes les femmes? Cela dit, je vais donner le dernier mot à M. Doman.
Durant notre dernière étude à grande échelle, qui portait sur la santé des sols au Canada, nous avons reçu les témoignages d’agriculteurs et d’éleveurs qui ne demandaient qu’à trouver un mécanisme légitime d’échange de crédits de carbone afin de recevoir une indemnisation pour l’adoption de pratiques agricoles qui contribuent à séquestrer le carbone dans les sols organiques. De nombreux témoins nous ont expliqué qu’il serait très difficile de mettre en place des marchés du carbone qui ont une véritable valeur et qui ne se résument pas à un échange de points bonis fictifs. L’un des défis, c’est que les marchés de la sorte sont sous réglementation provinciale, et non fédérale. À la lumière de votre vaste expérience du monde des affaires et des aspects financiers de cet enjeu, pouvez-vous nous parler des défis à relever pour mettre en place des marchés du carbone viables par lesquels on pourrait récompenser les entreprises forestières qui adoptent de bonnes pratiques en matière de carbone et pour créer des jetons réellement échangeables qui ont une véritable valeur?
M. Doman : C’est une très bonne question.
Partout dans le monde, les marchés du carbone posent des défis. Des projets liés au carbone ont été lancés dans différents pays. Les systèmes de réglementation sont inadéquats. Certains projets ont échoué. De grandes sociétés pétrolières et gazières ont mis sur pied des programmes relatifs au carbone à l’étranger, et elles n’ont pas obtenu les résultats escomptés.
Je crois qu’il serait possible de réglementer les marchés du carbone par l’intermédiaire des marchés à terme. À titre d’exemple, si l’on vend du soya sur un marché à terme, il faut avoir un produit particulier, et c’est réglementé. C’est ce que les gouvernements devraient faire. Le gouvernement du Canada devrait prendre l’initiative. Les possibilités sont énormes pour le Canada étant donné l’importance de ses secteurs agricole et forestier.
Une occasion en or s’offre aux agriculteurs : ils pourraient planter des forêts sur leurs terres moins propices à l’agriculture, c’est-à-dire celles qui produisent de moins belles récoltes. Ainsi, ils recevraient des crédits de carbone à la fois pour leurs forêts et pour leurs récoltes.
C’est la même chose pour le secteur forestier. Je le répète, 93 % des forêts canadiennes sont contrôlées par des sociétés d’État. C’est une source de revenus énorme pour le gouvernement. La majorité des gouvernements provinciaux au Canada ont des dettes considérables ou sont préoccupés par les dettes.
Nous avons une occasion en or de réparer les dommages qu’ont subis nos forêts. En plus, les arbres sont des actifs en croissance. Jusqu’à leur maturité, ils gagnent plusieurs mètres cubes par année, et durant leur croissance, ils absorbent d’énormes quantités de carbone. Payer un prix pour retirer le carbone et l’enterrer est une solution valable, mais ce n’est pas la seule solution. Les arbres absorbent naturellement le carbone. Les arbres poussent, et on peut les planter sur les terres agricoles moins productives pour soutenir les forêts. Toutefois, il faut d’abord remettre les forêts en état.
Le gouvernement du Canada pourrait réglementer les crédits de carbone à l’échelon fédéral, ce qui pourrait attirer des entreprises. Par exemple, les centres de données offrent de nouveaux débouchés au Canada. Notre climat est frais, et nous avons d’excellentes sources d’énergie. Nous pourrions attirer les centres de données et leur vendre des crédits de carbone pour compenser leur consommation d’énergie. Les possibilités sont immenses.
La sénatrice Simons : Merci beaucoup, et merci à nos quatre témoins, spécialement à ceux de la Colombie-Britannique, qui se sont joints à nous à 6 heures, heure du Pacifique.
Le président : Puisqu’il nous reste un peu de temps, je vais donner aux trois autres témoins la possibilité de répondre à la question sur les crédits de carbone. Monsieur Boon, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Boon : J’ajouterais simplement que c’est un véritable défi pour nous. Nous dépendons du fourrage et de l’herbe, et c’est ce qui s’est passé naturellement au fil du temps. Il est difficile de créer un protocole qui nous est réellement utile. M. Doman y a fait allusion. Les crédits de carbone pourraient nous procurer des revenus supplémentaires et nous inciter à en faire plus, mais au bout du compte, ce qui nous serait vraiment précieux, ce serait qu’on reconnaisse les contributions que nous faisons déjà. L’un des défis principaux de la production fourragère, c’est le fait qu’on ne reconnaît pas la séquestration qui se fait déjà naturellement sur les terres, ainsi que l’importance de la préserver.
Mme Kaknevicius : Ce que je dirais, c’est que dans le cadre du programme 2 milliards d’arbres, il y a eu des discussions sur la possibilité d’offrir des crédits de carbone comme équivalents ou comme sources de revenus supplémentaires. C’est vrai que c’est complexe. Le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle d’orientation. Si l’on choisit de réglementer le système, il faudra absolument travailler avec les partenaires pour en assurer la cohérence.
Le président : Chers témoins, merci beaucoup de vous être joints à nous aujourd’hui, en ligne ou en personne. Nous vous sommes très reconnaissants de vos témoignages, de vos perspectives et de la passion que vous avez communiquée aujourd’hui.
Je remercie également les membres du comité pour leur participation active et leurs questions toujours réfléchies. Je remercie aussi le personnel qui nous prête main-forte au bureau et ici : les interprètes, l’équipe qui transcrit les délibérations, le préposé à la salle de réunion, le technicien des services multimédias, l’équipe de radiodiffusion, le centre d’enregistrement, la Direction des services d’information et notre page pour la journée, M. Allan Buri. Merci, monsieur Buri.
La dernière réunion du comité avant le congé d’hiver aura lieu jeudi prochain, le 12 décembre. Ce sera une réunion à huis clos. Le greffier enverra d’autres documents aux membres du comité dans les jours à venir pour préparer cette réunion. L’objectif principal sera d’élaborer un plan pour le rapport sur l’étude en cours.
(La séance est levée.)