LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES BANQUES ET DU COMMERCE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 9 février 2022
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd’hui, à 18 h 30 (HE), avec vidéoconférence et à huis clos, pour étudier toute question concernant les banques et le commerce en général, tel que précisé à l’article 12-7(8) du Règlement; et pour étudier toute question concernant les banques et le commerce en général, tel que précisé à l’article 12-7(8) du Règlement.
La sénatrice Pamela Wallin (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
(La séance se poursuit à huis clos.)
(La séance publique reprend.)
La présidente : Honorables sénateurs, entamons la partie publique de notre réunion.
Bonsoir et soyez tous les bienvenus à cette réunion du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.
Avant de commencer, je voudrais rappeler aux sénateurs et aux témoins de garder leur microphone inactif en tout temps, sauf si la présidence leur accorde la parole. En raison de toutes sortes de complications technologiques, cette mesure nous aidera tous.
Je demanderais également aux sénateurs d’utiliser la fonction « Lever la main » ou de prévenir la greffière ou moi-même de leur intention de questionner notre témoin ou de lui adresser une observation.
Je rappelle aux sénateurs et aux témoins de s’efforcer d’être brefs dans leurs interventions pour donner à chaque membre du comité la chance de poser plus d’une question et pour que nous puissions couvrir le plus de terrain possible.
Je souhaite la bienvenue à tous les sénateurs présents en ligne et au public, également en ligne. Je suis la sénatrice Pamela Wallin, de la Saskatchewan, et je préside ce comité. Je vous en présente les membres, en commençant par son vice-président, le sénateur Colin Deacon, puis les sénateurs Bellemare, Gignac, Loffreda, Marshall, Massicotte, Ringuette, Smith, Woo et Yussuff.
Nous avons le plaisir d’accueillir Mme Carolyn Wilkins, qui partagera ses connaissances sur les questions communes aux cryptomonnaies et aux secteurs traditionnels de la banque et des finances. Comme c’est l’ancienne première sous-gouverneure de la Banque du Canada, notre comité l’a accueillie à maintes reprises. Elle travaille désormais à l’étranger, en qualité de membre externe du comité de politique financière de la Banque d’Angleterre, et elle est également maître de recherche au Griswold Center for Economic Policy Studies de l’Université de Princeton. Bien sûr, elle-même a consacré de nombreuses années à l’étude des cryptomonnaies.
Soyez la bienvenue et merci d’avoir accepté notre invitation. Si vous avez une déclaration préliminaire à faire, vous pouvez commencer.
Carolyn A. Wilkins, membre externe, Comité de politique financière, Banque d’Angleterre; maître de recherche universitaire, Griswold Center for Economic Policy Studies, Université Princeton; et ancienne première sous-gouverneure, Banque du Canada : Merci beaucoup, madame la présidente, de cette gentille présentation et de votre invitation à venir parler des problèmes découlant du nouvel écosystème cryptofinancier.
Je sais que votre comité a commencé assez tôt son travail sur les monnaies numériques.
On a souvent comparé la « cryptofrontière » au Far West, qui évoque à la fois un pays de hors-la-loi et d’anarchie, mais nous ne devrions pas oublier que ce pays a également été la patrie de pionniers respectueux des lois, qui étaient animés par un esprit de réinvention, d’expansion et de poursuite des occasions à saisir.
L’expansion est évidente. Le cryptomarché a explosé, passant d’un peu moins de 16 milliards de dollars américains, il y a cinq ans, à quelque 2 000 milliards aujourd’hui. La réinvention est également visible. L’écosystème cryptofinancier remet en cause l’écosystème financier traditionnel qui, dans certains de ses aspects, est inefficace et fermé à certaines catégories de clients.
Dans le domaine des technologies financières à celui des hautes technologies, des pionniers créent marchés et produits et ils ciblent les marges des services financiers. Bien sûr, en même temps, il se commet malheureusement des crimes financiers. Ce problème occupait une grande place dans votre rapport de 2015. Alors, aujourd’hui, uniquement pour planter le décor, je voudrais effleurer les trois points que j’ai exposés à une conférence au Rendez-vous avec l’Autorité des marchés financiers, en novembre.
Le premier point est vraiment très simple. Les cryptoactifs sont le socle d’un nouvel écosystème financier. La protection des consommateurs et l’intégrité du marché ne sont pas seulement indispensables à l’expulsion des malfaiteurs, mais elles le sont également pour appuyer les entreprises respectueuses de la loi qui essaient de fonctionner dans ce marché de manière responsable.
D’abord, les actifs non adossés comme le bitcoin ne possèdent aucune valeur intrinsèque et ne s’appuient sur aucun mécanisme crédible pour en stabiliser la valeur. Leur prix est donc très volatil. Voilà pourquoi le bitcoin est un moyen d’investissement spéculatif plutôt qu’une monnaie, et les actifs individuels sont assujettis à l’impôt sur les gains en capital, qui est à la disposition de nombreux États.
Environ 95 % du cryptomarché n’est adossé à rien, de sorte qu’il faut en faire plus pour la protection des investisseurs et l’intégrité du marché, vu, particulièrement, que l’exposition à ces actifs s’étend à l’investisseur individuel, par l’entremise de cryptobourses et de nouveaux produits financiers comme les fonds sur support cryptographique négociés en bourse. Visiblement, les organismes de réglementation sont au courant, puisqu’ils ont commencé à réagir, partout dans le monde. Je dirais que les cadres réglementaires sont encore, dans une grande mesure, des chantiers.
Les autorités canadiennes en valeurs mobilières ont été parmi les premières à exiger l’enregistrement des plateformes d’activité boursière où on s’échangeait des cryptoactifs et elles ont fait de l’excellent travail dans l’énoncé des attentes concernant la protection de la clientèle.
Ce qui tarde — et, bien sûr, elles le savent —, c’est l’obtention des capacités réglementaires et celles de supervision et d’application de la loi. Au Royaume-Uni, les événements se sont précipités. Parlons-en.
Les pionniers des cryptomonnaies ont lancé des monnaies dites « cryptomonnaies stables » pour essayer d’évaluer l’instabilité des cryptoactifs non adossés à des actifs. À cette fin, ils opèrent une indexation en fonction d’une monnaie fiduciaire ou d’autres actifs, en maintenant des réserves ou ils les adossent à des actifs en arrière-plan. Ces monnaies ne sont pas très utilisées pour les paiements traditionnels, et on n’en verrait pas tous les jours, mais elles servent à faciliter l’investissement dans les cryptoactifs non adossés ou à garantir des emprunts et elles jouent un rôle déterminant dans le développement de la finance décentralisée.
D’après moi, les cryptomonnaies stables pourraient se révéler utiles aux paiements à bas coût et aux services de paiement concurrentiel, au Canada et à l’étranger, mais ces avantages sont conditionnels à des monnaies sûres. Nous avons vu — notamment un cas aux États-Unis — qu’un fournisseur de cryptomonnaies stables avait faussement prétendu que sa monnaie s’adossait entièrement au dollar américain. Les craintes sur la qualité et la transparence des modalités d’adossement sont donc légitimes.
Le comité de politique financière de la Banque d’Angleterre, dont je fais partie, a énoncé les attentes à l’égard des cryptomonnaies stables systémiques, couvrant les paiements conçus en cryptomonnaies stables et les cryptomonnaies stables qui ressemblent davantage à de la monnaie. Je suppose que le Canada, quand il envisagera de réagir aux cryptomonnaies stables, pourra s’inspirer de ces exemples et d’autres, à l’étranger, dans le domaine.
Mon deuxième point concerne les occasions et les risques qui, en l’occurrence, englobent bien davantage que les cryptoactifs mêmes, pour s’étendre à une gamme de plus en plus grande de services financiers, qui vont des services de prêt aux assurances et qui sont de plus en plus rendus possibles par la finance décentralisée.
La valeur totale des investissements immobilisés — bloqués dans la finance décentralisée — dépasse les 100 milliards de dollars. Elle croît rapidement. Je fais partie du Blockchain Stream at Creative Destruction Lab à Rotman, et je constate que les investisseurs sont très heureux, tout comme les développeurs, par les nombreux avantages que pourrait offrir la finance décentralisée. La décentralisation permet de s’affranchir des intermédiaires et de leur infrastructure inefficace.
Grâce à des contrats « intelligents » intégrés dans ce processus, on peut assurer une exécution et une création automatisées de nouveaux instruments financiers. Bien sûr, les protocoles de la finance décentralisée sont à source ouverte, ce qui permet de voir le code, de le vérifier, et chaque opération est visible dans les chaînes de blocs.
L’ancienne gouverneure d’une banque centrale qui a également participé à la réglementation trouvera toujours la petite bête. Les modalités de la finance décentralisée soulèvent des questions. Les plus immédiates concernent la fraude, le détournement, les conflits d’intérêts et les cyberattaques. Dans certains cas, en dépit des allégations des partisans de la décentralisation, les opérations et les activités chapeautées par la finance décentralisée sont dirigées ou administrées par un petit groupe de développeurs et d’investisseurs.
La décentralisation financière fait-elle craindre pour la stabilité financière? Je suis d’accord avec ceux qui disent qu’elle ne pose pas de risque systémique aujourd’hui, mais qui ajoutent que ce secteur en croissance rapide pourrait, un jour, engendrer des risques pour la stabilité. Songez à ce phénomène nouveau, celui des acteurs à effet de levier. C’est à surveiller, parce qu’une chute brusque de la valeur d’un cryptoactif peut enclencher des appels de marge et obliger les investisseurs endettés à liquider des positions. Cet effet boule de neige s’est manifesté avant, pendant la crise financière mondiale. Ce n’était pas joli.
Le troisième et dernier point est que l’avenir du système financier dépend dangereusement de la réaction des organismes de réglementation à ces nouvelles activités, c’est-à-dire de la modernisation rapide du système financier traditionnel. Tout le monde connaît le mot célèbre de Jeff Bezos : « Votre marge m’offre une occasion à saisir. »
Ça signifie que, sur ce modèle, le monde traditionnel ne peut éviter la concurrence des techniques financières et de la finance décentralisée; qu’on augmente la qualité des services et qu’on doit comprimer les coûts pour la clientèle. C’est un résultat positif en ce qui concerne la possibilité de contester les services financiers.
Les banques centrales doivent également se moderniser. On en compte plus de 50, maintenant, qui font de la recherche et de l’expérimentation sur leur propre version numérique de l’argent comptant. La Banque d’Angleterre et la Banque du Canada ont noué, dans ce domaine, une collaboration étroite, depuis un certain nombre d’années.
Il reste de nombreux problèmes à résoudre, mais je voudrais souligner le plus important maintenant : l’accès universel à un moyen sûr d’échange. Il est à la base de la confiance dans le système financier et, pour cette raison, je le considère comme un bien public.
De plus, la monnaie numérique d’une banque centrale est prometteuse de paiements transfrontaliers et d’innovations plus efficaces comme l’argent « intelligent ».
En conclusion, nous sommes à un carrefour important. Nous jouissons d’un potentiel considérable pour l’innovation sur support cryptographique, mais l’espace évolue en grande partie à l’écart de la réglementation, sans beaucoup de garde-fous pour assurer la stabilité financière, la protection des investisseurs et l’intégrité du marché. Sa croissance rapide pose des questions complexes. Nous devons agir rapidement, et aspirer à créer une politique juridique et des cadres réglementaires modernes pour l’écosystème de la cryptographie.
Si nous nous y prenons bien, nous ferons se réaliser la promesse de la réinvention et de l’expansion faite à ceux qui comptent sur des services financiers efficaces et dignes de confiance.
Sur ce, je serai heureuse de répondre à vos questions.
La présidente : Merci beaucoup. Vous avez soulevé certaines des grandes questions qui circulent sur notre état de préparation et les vulnérabilités du secteur financier.
Le premier à vous questionner sera notre vice-président.
Le sénateur C. Deacon : Merci beaucoup, madame Wilkins. Je suis tellement heureux de vous revoir. Je suis reconnaissant envers notre présidente d’avoir fait pression pour que vous reveniez nous voir.
Vous y avez rapidement fait allusion, mais je crains vraiment qu’on s’engage dans une démarche réactionnaire pour créer une monnaie numérique de banque centrale, parce que le processus sera vraisemblablement très lent, il aura besoin d’un appui politique, il faudra modifier les lois et assurer un déploiement technique. Quel contraste avec la courbe rapide d’adoption en S qui fait suite à de nombreuses innovations de rupture. Je suis convaincu qu’Apple espère que c’est ce qui se produira, lui qui vient tout juste d’annoncer son nouveau service rapide TapezPartez, qui permettra le paiement par cryptographie dans tout Coinbase et qui transformera les téléphones en appareils de point de vente.
Dans ce contexte, je m’inquiète des risques pour le Canada, si nous nous tenons sur la défensive, si nous réagissons aux risques, au lieu de prendre l’offensive en saisissant les occasions et en les faisant fructifier. À quels critères, d’après vous, faut-il satisfaire, sur le plan politique et à la Banque du Canada, pour décider d’être proactif dans la mise en œuvre d’une monnaie numérique de banque centrale au Canada? Merci.
Mme Wilkins : C’est une excellente question. C’est la question fondamentale pour savoir en quoi les critères consistent. En fait, la Banque du Canada a écrit quelque chose qui décrit les conditions nécessaires. L’une de ces conditions est liée à l’accès des citoyens — un véritable accès — à l’argent. Ils y ont encore accès; ils s’en servent encore. Mais c’est de moins en moins courant au moment de payer pour quelque chose. Ce n’est pas seulement générationnel; c’est à cause d’Internet, et ce n’est pas bon pour les paiements numériques.
Ce qui fait en sorte qu’il faut vraiment se pencher sérieusement là-dessus, c’est que cela signifie que, pour faire des paiements, les citoyens devraient passer par un établissement à but lucratif afin d’avoir un moyen de payer en toute sécurité. Il faut y réfléchir sérieusement. Est-ce ce que vous voulez pour votre société?
Mais il y a plus, car si vous donnez à la banque centrale un nouvel outil — plutôt que de l’argent comptant, de l’argent numérique —, il y aura beaucoup de répercussions sur le système financier qui nécessiteront une réflexion approfondie. Il faudrait notamment se demander ce que cela signifierait pour une très grande source de financement des banques, comme les dépôts?
Vous avez besoin d’une solution qui règle la question. Bien entendu, il en existe déjà une, mais elle pose problème.
Il faut aussi se pencher sur la protection de la vie privée. C’est un besoin réel pour les gens. Ce n’est pas toujours pour pouvoir acheter une voiture ou s’adonner à des activités illicites avec des valises remplies d’argent. C’est peut-être juste parce que nous accordons de l’importance à pouvoir choisir quand nous y renonçons ou pas.
La banque centrale doit donc avoir les bons dispositifs de sécurité au moment d’adopter une monnaie numérique — c’est ainsi pour toutes les monnaies numériques — pour pouvoir sérieusement et efficacement respecter les lois sur la protection des renseignements personnels. C’est un autre critère.
Ce ne sont que quelques éléments qui figureraient dans les critères. Je pense qu’une façon sécuritaire et prudente de procéder serait de recourir à un projet pilote pour faire un essai. C’est une option que de nombreuses banques ont essayée ou sont en train de préparer. C’est une manière pour la banque centrale d’apporter les ajustements nécessaires et de rassurer les législateurs — car il faudrait une loi, je crois — et les décideurs.
La dernière chose que je vais mentionner est le modèle de distribution, qui est très important. Il ne serait pas nécessaire que tout le monde ait un compte à la Banque du Canada; la monnaie pourrait être distribuée par l’entremise d’un large éventail d’institutions financières et procurer, peut-être, la même sécurité, mais une meilleure interface avec le client, puisque le secteur privé est habituellement plus innovateur que les banques centrales.
La présidente : Merci. Sénateur Deacon, avez-vous une petite question complémentaire? Je rappelle à tout le monde que notre temps est très limité ce soir.
Le sénateur C. Deacon : J’ai une question complémentaire très brève. Je serais ravi que vous y pensiez, et nous allons peut-être en parler au deuxième tour. Quelles seraient les conditions nécessaires pour mettre sur pied le projet pilote? Car il faudrait, encore une fois, le même genre d’éléments — le leadership politique, le cadre législatif et la technologie? Dans cette optique, je pourrais peut-être nous laisser y revenir au deuxième tour.
La présidente : J’aimerais, à un moment donné, que vous y reveniez en me répondant directement ou en discutant avec d’autres députés. Vous avez parlé de l’équité lorsqu’on demande aux gens de passer par une structure plus officielle créée par les banques ou surveillée par les gouvernements, mais les gens vont de l’avant et le font sans aucune réglementation. J’ai entendu dire cette semaine qu’il y a eu un plus grand nombre de transactions au moyen de cryptomonnaies qu’avec Visa. Si la situation évolue aussi rapidement, tout le monde ferait mieux de se dépêcher.
Il faut en tenir compte dans le contexte. Mais nous allons passer aux questions d’autres sénateurs.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Bienvenue chez nous, madame Wilkins. C’est un plaisir de vous recevoir.
Le Sénat a mené une étude en 2015 sur les cryptomonnaies et, en tant que sénateurs, nous avons été très surpris et emballés par la technologie de la chaîne de blocs. Cette technologie, qui semblait très prometteuse, nous a montré des choses terrifiantes sur le plan de la criminalité. Toutefois, nous avons vu des choses merveilleuses avec les cryptomonnaies, en particulier pour les gens des pays d’Afrique et des pays en développement, car celles-ci leur permettent de faire, à partir de leur téléphone cellulaire, des paiements et des transferts à des coûts relativement bas, sans nécessairement posséder un compte en banque.
Ces belles choses que nous avons vues nous ont menés à recommander au gouvernement de ne pas trop instaurer de réglementation. Nous avons conclu qu’il fallait appliquer une réglementation seulement si c’était nécessaire. C’était notre première approche. Aujourd’hui, par contre, avec le développement de la technologie, nous aurions peut-être besoin d’une réglementation.
Que pensez-vous de la recommandation que nous avons faite, et comment devrions-nous la transformer? En d’autres mots, avez-vous des réglementations spécifiques à nous recommander sur la cryptomonnaie?
Mme Wilkins : J’ai lu le rapport récemment pour me rappeler les détails. À ce moment-là, en 2015, c’était probablement normal, car ce marché était pas mal plus petit et n’en était qu’à ses débuts. Toutefois, cette technologie a explosé au cours des dernières années. Donc, quand on regarde la recommandation en ce moment, cela me fait un peu sourciller quand j’entends dire : « Avoir su, nous aurions dû commencer plus tôt. »
Cela dit, je crois qu’en ce moment il y a une impulsion sur le plan des régulateurs. Ce que je vois progresser rapidement selon les variables, ce sont les enjeux, qui sont très complexes. Il y a tout le domaine légal, il y a les contrats et les modèles d’affaires à comprendre et les problèmes techniques issus des technologies de l’information.
Les mandats que nous avons avec le régulateur des banques et des marchés sont séparés. Nous avons une banque centrale séparée, alors que les enjeux sont regroupés et mélangés. Par exemple, qu’est-ce qu’un jeton non fongible? Est-ce une sécurité? Est-ce une obligation? Est-ce un produit dérivé? Cela dépend. Est-ce un objet d’art?
À mon avis, d’une part, il faut vraiment commencer par concentrer nos énergies. D’autre part, il faut former un groupe, une sorte d’équipe composée de gens qui ont les compétences nécessaires pour bien comprendre les enjeux dans leur ensemble et qui peuvent ensuite décider quel cadre il faut adopter.
Si on le fait séparément et qu’on reprend les mandats que nous avons en ce moment, on va traiter des produits dérivés et des sécurités, mais on ne touchera pas à autre chose. Avec une telle approche, il y aura des choses non réglementées qui devraient l’être, alors que nos mandats ont peut-être besoin d’être modifiés.
[Traduction]
Le sénateur Loffreda : Merci de votre présence parmi nous, madame Wilkins. Dans votre discours, la dernière fois que nous nous sommes rencontrés à Montréal — et ce soir, vous avez donné votre point de vue sur l’avenir de l’écosystème des cryptomonnaies et dit comment ce nouveau domaine dépend essentiellement de la réponse réglementaire face à ces nouvelles activités et de la vitesse à laquelle le système traditionnel se modernise —, vous avez affirmé qu’il fallait des investissements majeurs dans les paiements nationaux et transfrontaliers ainsi qu’une gouvernance numérique. Au-delà de ces investissements majeurs et compte tenu des nombreux risques dont vous avez parlé et qui sont liés à l’utilisation de cryptomonnaies et à l’écosystème — y compris des changements dans les évaluations, les volumes, l’incidence sur la stratégie des entreprises, la décentralisation, l’audit, l’évasion fiscale, sans oublier la lutte contre le blanchiment d’argent; la liste est longue —, à votre avis, à quelle vitesse le système financier traditionnel se modernisera-t-il? Une modernisation pour évoluer au même rythme que d’autres pays serait-elle avantageuse ou constituerait-elle une occasion pour le Canada? Dans quelle mesure et à quelle vitesse le Canada devrait-il se moderniser compte tenu de tous ces risques?
Mme Wilkins : Je vais aborder la question autrement et dire que nous avons l’occasion d’avoir un système financier plus concurrentiel, plus efficace et plus sécuritaire grâce à la technologie, peut-être pas exactement comme elle est utilisée en ce moment pour le bitcoin et la finance décentralisée, mais à l’aide de ce genre de raisonnement comme fondement de la modernisation dans certains domaines. Pourquoi pas?
Si vous pouvez orienter ce développement responsable en toute sécurité, vous allez tirer parti des occasions qui se présentent. Nous ne sommes pas seuls. Nous pouvons donc, peut-être en ce qui a trait à la réglementation, diriger le développement avec les principaux intervenants. C’est déjà ce que nous voyons grâce à une partie des investissements faits au Canada.
Rappelez-vous que le théorème a été cofondé par un Canadien. Mais les entreprises sérieuses et responsables, qui veulent le faire ici, ont besoin d’une certitude réglementaire pour avoir un modèle d’affaires sensé. Elles ont aussi besoin de certains changements; je me suis notamment penchée sur les données. C’est important, car certains petits intervenants ont différentes entrées, et ils doivent donc avoir accès au monde numérique. Le système bancaire ouvert, par exemple, serait utile en ce qui concerne les données. Donner aux petits intervenants un accès aux systèmes de paiement, comme les systèmes de paiements de détail, serait utile. Tout cela nécessite une réflexion par rapport à l’architecture que nous voulons pour le système financier canadien.
C’est pour cette raison que je disais à la sénatrice Bellemare que nous avons besoin d’une équipe spéciale interfonctionnelle qui a les compétences nécessaires pour réfléchir sérieusement à la façon de procéder et pour faire le travail.
Le sénateur Loffreda : Certains pays ont adopté le bitcoin en tant que monnaie de cours légal. Pensez-vous que beaucoup d’autres pays en feront autant? Qu’en est-il des difficultés rencontrées par rapport à l’acceptation de plus en plus commune des monnaies virtuelles utilisées comme monnaies de cours légal?
Si vous croyez que d’autres pays s’engageront dans cette voie, de quels pays s’agit-il selon ce que vous avez entendu?
Mme Wilkins : Je pense que vous parlez de l’El Salvador, n’est-ce pas?
Le sénateur Loffreda : Oui.
Mme Wilkins : C’est avec incrédulité qu’on regarderait une banque centrale ayant une certaine crédibilité, dans un système juridique qui procure une certitude sur le plan législatif et de l’application de la loi, s’engager dans cette voie. Je ne crois pas que ce sera une stratégie grandement répandue. L’un des principaux problèmes, c’est la perte de contrôle sur la politique monétaire nationale, qui est hautement problématique, comme vous le savez, de petits pays majoritairement sous-développés qui sont dollarisés. C’est un peu le même problème.
À part cela, lorsqu’on adopte le dollar américain, on peut tirer parti, ou non, de ce qui se passe dans la politique monétaire américaine. À mon avis, le bitcoin n’a pas de mécanisme de stabilisation crédible. Étant donné que l’offre est fixe, je pense que c’est un problème plutôt qu’une solution. Nous savons tous depuis les années 1970 et 1980 que l’utilisation de règles de croissance monétaire ne fonctionne pas, car la demande pour l’argent est trop instable, ce qui explique les hauts et les bas de la valeur. Le parcours des entreprises qui l’ont adopté ou qui pensent l’adopter pourrait être difficile. Je pense que le FMI a écrit quelque chose à ce sujet.
Le sénateur Smith : Merci, madame Wilkins, d’être parmi nous ce soir. À propos des cryptomonnaies, il y a un risque d’activités illicites, car le crime organisé et les gangs peuvent transférer illégalement et presque instantanément des fonds partout dans le monde au moyen de bitcoins sans être obligés de franchir des frontières avec de larges sommes d’argent. Il y a aussi l’argument concernant l’aspect quasi anonyme des bitcoins, pour lesquels il faut un portefeuille, des adresses, une série de lettres et de chiffres, mais pas de noms. Pouvez-vous nous parler du système Bitcoin? Est-ce plus facile pour les criminels et les gangs de mener ainsi leurs activités illicites par rapport à une monnaie fiduciaire comme le dollar américain? Dans l’affirmative, comment pouvons-nous lutter contre cette pratique?
Vous avez fait une observation à ce sujet au début de votre exposé. Je me demande si vous pouvez en dire plus sur la façon de gérer ou de combattre le crime dans les activités que les criminels pourraient mener.
Mme Wilkins : Il y a effectivement des activités illicites qui se font avec des bitcoins. On estime que c’est très répandu — même plus que ce qui est estimé pour les activités illicites réalisées avec de l’argent. Il est possible de transférer des sommes plus importantes. Je pense qu’on exagère — et c’est un problème — le fait que des pseudonymes sont utilisés. Je vois les choses autrement, dans la mesure où des experts peuvent retrouver la personne qui possède le compte. Ce n’est pas impossible. À vrai dire, dans une affaire rapportée récemment dans les médias, le gouvernement américain a réussi à récupérer des fonds et à arrêter deux personnes à l’origine d’un braquage ayant eu lieu en 2016. Les criminels pourront toujours faire ce qu’ils font. En même temps, on adapte les règles; le Groupe d’action financière, le GAFI, un organisme international de lutte contre le blanchiment d’argent, a établi des normes. Elles ont été adoptées partout dans le monde. Les experts d’entreprises comme Chainalysis ainsi que de nouveaux acteurs comme Oracle trouvent des moyens d’analyser les chaînes de blocs. Tout est là. Il faut juste être en mesure de faire un tri pour tenter d’éliminer certains problèmes.
Des crimes sont actuellement commis dans le système financier, le système traditionnel. Il y en aura dans le nouveau, et il faut trouver les outils qui nous aideront à les cerner.
Le sénateur Smith : Nous avons le CANAFE et d’autres outils, mais à quel point ont-ils été utiles dans le passé et le seront-ils à l’avenir — dans un nouvel environnement, un nouveau monde — pour pourchasser les criminels qui se servent de bitcoins?
Mme Wilkins : En théorie, ils pourraient être plus utiles qu’ils le sont aujourd’hui. Et je ne critique pas le CANAFE. C’est une tâche difficile. Il faut de nouvelles technologies et de nouvelles personnes. Il faut se tenir à jour. On le sait. À mon avis, il est impossible d’éradiquer complètement les activités criminelles. Mais pouvons-nous faire mieux que ce qui est actuellement fait, et devrions-nous faire mieux? Sans aucun doute. Et le fait que ces crimes sont commis dans les chaînes de blocs devrait aider plutôt que nuire.
Le sénateur Smith : Merci.
La présidente : Que faut-il pour y parvenir? Pour donner plus de moyens au CANAFE, que lui faut-il qu’il n’a pas actuellement?
Mme Wilkins : Je serais ravie de vous donner une réponse complète, mais je n’ai pas fait le tour de la question pour ce qui est plus précisément du CANAFE. Ce que je peux toutefois voir, qu’il s’agisse du CANAFE ou de tout autre organisme de réglementation, c’est que la première chose nécessaire, c’est un cadre juridique adapté aux besoins, et ce n’est pas toujours le cas. Il faut aussi les bonnes personnes et les bonnes technologies pour faire le travail. Je sais que, avant de partir de la Banque du Canada, on nous a confié de nouvelles responsabilités relativement aux paiements de détail. Nous avons dû embaucher des personnes complètement différentes et élaborer un tout nouveau modèle d’affaires à cette fin. C’est un vaste chantier, et ils ont donc besoin de soutien.
La présidente : C’est un point intéressant.
Le sénateur Woo : Merci, madame Wilkins. J’aimerais parler un peu plus des cryptomonnaies stables, plus particulièrement des Corporations au bénéfice du développement communautaire, les CBDC, et essayer de comprendre un peu plus pourquoi notre banque centrale ne procède pas plus rapidement pour créer une monnaie numérique. Vous avez dit que l’argent ne manque pas du tout. J’essaie de comprendre pourquoi ce serait un obstacle : probablement parce qu’il ne serait alors plus nécessaire d’utiliser des produits de technologie financière, et qu’il n’y aurait plus de pression pour entamer une migration. Mais ne peut-on pas avancer l’inverse? Vous êtes bonne pour présenter des positions contraires. Ne pourrait-on pas dire que la banque centrale pourrait, dans les faits, stimuler l’innovation dans notre secteur de la technologie financière en procédant un peu plus rapidement en vue de créer une monnaie numérique, surtout lorsque, je crois qu’on le reconnaît déjà, le système de paiement est un peu cher compte tenu du manque de concurrence? En faisant entrave à la concurrence parce qu’il y a de l’argent, on ne fait qu’accroître davantage les coûts élevés de paiement de notre système financier.
Mme Wilkins : Je ne peux pas parler de ce que la Banque du Canada fait maintenant ni de ce qu’elle a fait au cours de la dernière année à défaut d’avoir été là. Ce que je peux dire, comme j’ai participé de près à l’élaboration des plans de travail et à l’exécution, c’est qu’elle ne ménage aucun effort dans ce dossier et qu’elle fait preuve de diligence. Je ne peux pas exagérer la complexité du dossier.
Quelles sont les conditions, pour revenir à la question, dont une banque centrale a besoin pour pouvoir passer à l’action? Les enjeux sont très importants, car il faut préserver la réputation des banques. Il faut donc penser à toutes sortes de questions de sécurité concernant la gestion du bilan financier et ainsi de suite. Il y a donc lieu de parler du bon rythme à adopter, et il n’est pas toujours préférable de procéder rapidement.
Cela dit, je suis d’accord avec vous pour ce qui est de l’innovation. Je crois qu’il y a beaucoup d’arguments favorables pour les CBDC. Le secteur privé, pas les banques centrales, y compris l’économiste en chef du projet Diem, un projet de Facebook issu de l’essaimage, a préparé des documents qui portent là-dessus. C’est donc une occasion, mais on pourra la saisir seulement si les banques centrales sont soutenues dans leurs démarches et passent à l’action, ce qu’elles font selon moi.
[Français]
Le sénateur Gignac : Bonsoir, madame Wilkins. C’est un plaisir de vous retrouver à nouveau dans des rôles différents. Félicitations pour votre nomination au Comité de politique financière de la Banque d’Angleterre. Comme Canadien, c’est une fierté de voir que la Banque d’Angleterre, pour une deuxième fois, est allée chercher les meilleurs cerveaux pour la conseiller.
Ma question concerne toute l’exubérance que l’on voit autour des cryptomonnaies. Elles ne sont pas pareilles, et vous avez fait référence aux bitcoins. Lorsque je donnais des conférences, on me questionnait davantage sur les bitcoins que sur la bourse. Trouvez-vous que les organismes de réglementation au Canada font le travail nécessaire pour informer les Canadiens sur les risques associés aux investissements en cryptomonnaies? Devraient-ils notamment faire des comparaisons internationales, si l’on peut s’inspirer d’autres pays, pour protéger les Canadiens et les jeunes investisseurs?
Mme Wilkins : Je crois qu’ils font un effort pour les informer, mais c’est difficile de savoir s’ils sont écoutés. Rappelez-vous qu’il y a 10 ans, avec la titrisation, comme dans le cas du papier commercial adossé à des actifs, on a essayé de dire aux gens que ce n’était peut-être pas une bonne idée, que ça allait mal se terminer. Pour être suffisamment informés, les gens devaient lire 10 pieds de documentation pour bien comprendre. Je me dis qu’on peut les informer, mais en même temps, si les gens ont envie d’acheter un billet de loterie ou des bitcoins, ils vont le faire. Ce qui est important, c’est que les plateformes d’échange et les endroits où les transactions s’effectuent soient couverts par les règlements de protection des consommateurs et des investisseurs. Il faut s’assurer que le marché dans lequel se font les transactions est juste et qu’il n’y a pas de manipulation; il s’agit donc des mêmes préoccupations que pour les marchés traditionnels.
Le sénateur Gignac : Merci. J’aurai peut-être d’autres questions à la deuxième ronde, madame la présidente, si je peux me permettre.
Le sénateur Massicotte : Je tenais à saluer Mme Wilkins, même si on a répondu à ma question. Je n’ai donc pas besoin de temps de parole.
[Traduction]
Le sénateur Yussuff : Merci, madame Wilkins, d’être parmi nous ce soir. Puisqu’il s’agit d’un phénomène mondial, pas seulement canadien, et que nous savons, de toute évidence, que nous aurons besoin à un moment donné d’une approche multilatérale pour gérer le dossier, pouvez-vous parler de perspectives sur le plan multilatéral qui sont élaborées pour aider à régler la question?
Je pense que nous sommes deux à parler en même temps; j’espère que vous avez entendu ma question.
Mme Wilkins : Je l’ai entendue. C’est une chose à laquelle beaucoup de personnes pensent. Vous avez parfaitement raison de dire qu’il faut une approche internationale, parce que ce sont des marchés internationaux. De plus, dans la mesure où cela se fait dans différents pays, une interopérabilité est nécessaire pour que ce soit avantageux. Par conséquent, les règles, comme les banques, doivent être plutôt compatibles et ne pas créer de frictions qui augmentent les coûts. Des organismes internationaux se penchent là-dessus. J’ai siégé au Conseil de stabilité financière, qui consacre beaucoup d’énergie à ces questions. Il y a le groupe du CPIM et de l’OICV. Ces entités examinent les paiements, les systèmes de compensation et l’infrastructure des marchés financiers, ce qui ne manque pas dans le monde des cryptomonnaies, et ensuite, bien entendu, les organismes de réglementation des valeurs mobilières. Elles créent des normes internationales et ont écrit sur les cryptomonnaies stables, entre autres choses, pour tenter de guider les pays et de leur faire faire la bonne chose. Le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire s’est manifesté et a donné son point de vue sur les besoins en capitaux pour détenir ce genre d’actifs.
Les nombreuses questions transversales dans l’écosystème de la cryptographie — qui nous empêchent de savoir qui est responsable et comment agir de façon concertée — entraîneront des problèmes différents, car c’est une question de cohérence. La situation est la même à l’échelle nationale et à l’échelle internationale : il faut une équipe interfonctionnelle à laquelle tous participent, comme je l’ai indiqué. Reste à savoir qui en sera chargé. Je pense que cela sera nécessaire.
L’autre défi, selon moi, c’est que les acteurs ne font pas tous partie de l’infrastructure financière internationale. Ainsi, à l’instar du secteur bancaire parallèle, s’il existe des paradis fiscaux ou réglementaires dans certaines régions, il sera impossible de cerner tous les problèmes. Ce sera toutefois possible là où il y a des ponts entre l’écosystème de la cryptographie et le système financier traditionnel, mais on ne pourra y arriver sans la participation de tous.
La sénatrice Marshall : Madame Wilkins, je vous remercie de vos commentaires. Je suis très cynique à l’égard des cryptomonnaies. Je constate en vous écoutant que beaucoup de facteurs entrent en jeu dans l’établissement du cadre réglementaire. Vous parlez des répercussions internationales et du soutien dont la banque a besoin. À cela s’ajoutent des aspects plus fondamentaux. À titre d’exemple, le Canada a très mauvaise réputation quant aux résultats en matière de lutte au blanchiment d’argent.
Concernant l’avenir, un cadre décent sera-t-il en place d’ici 5 ou 10 ans, selon vous? Je ne suis pas prête à investir dans les cryptomonnaies maintenant, mais vous affirmez qu’il y aura des progrès. Donc, pour l’avenir, quand aurons-nous un système décent dans lequel les gens auront confiance, à votre avis? Dans un horizon de 5 ans, de 10 ans, ou lorsque nous ne serons plus là?
Mme Wilkins : Si c’est d’ici 5 ou 10 ans, j’espère que ce sera de mon vivant. C’est une bonne question, car nous ne connaissons pas la forme que prendra ce système.
Je dirais deux choses. Premièrement, cela dépend de nous. En fait, cela dépend en partie de vous. C’est vous qui faites bouger les choses, avec les députés. Donc, c’est vous qui êtes les mieux placés pour répondre à la question. Il sera possible d’y arriver dans 5 à 10 ans, certes, avec les efforts nécessaires.
Deuxièmement, je pense que nous devrions nous concentrer sur la technologie et sur ce qu’elle permet de faire, ainsi que sur l’utilisation de cryptomonnaies stables ou de cryptomonnaies non adossées en tant que mécanisme fournissant un service dans ce système, plutôt qu’un monde dans lequel tout le monde investit dans les cryptoactifs à des fins spéculatives.
Le potentiel n’est pas là, à mon avis. Je pense simplement que c’est là où nous en sommes rendus, comme avec Internet il y a je ne sais pas combien d’années. Les gens ne font que spéculer sur sa forme définitive. Rendu là, cependant, l’important sera d’établir les éléments fondamentaux du système financier. Ces actifs serviront à des fins précises dans un système qui le permet. Il nous faut un cadre réglementaire pour favoriser cela.
La sénatrice Marshall : Le plus effrayant, dans votre réponse, c’est que vous ayez dit que cela dépend de nous et que nous faisons partie du gouvernement, car le gouvernement n’est pas reconnu pour agir vite : il sera le dernier à bouger.
J’examine cette cryptomonnaie. Chaque fois que j’entends parler de gens qui achètent de la cryptomonnaie, je ne peux m’empêcher de penser que le cadre n’est pas assez complet pour avoir confiance.
Si nous dépendons de l’aide du gouvernement, je pense que nous allons attendre longtemps. Nous n’arrivons même pas à régler les problèmes de l’évasion fiscale et du blanchiment d’argent, et les cryptomonnaies sont vraiment complexes. Je pense qu’il reste encore beaucoup à faire.
Mme Wilkins : En effet, et c’est nécessaire. Je suis une éternelle optimiste. La nécessité est mère d'invention, peut-être, mais durant la crise de la COVID, j’ai vu beaucoup de choses évoluer plus rapidement que je ne l’aurais jamais imaginé. Après la crise de 2008-2009, la communauté internationale a apporté à la réglementation financière de multiples changements qui nous ont été très utiles.
Donc, c’est possible, mais il faut habiliter les organismes de réglementation et leur permettre de prendre des mesures, hors du cadre législatif et hors du gouvernement. Lorsqu’il sera nécessaire de modifier la loi, nous devrons avoir la volonté nécessaire. Je sais qu’il y a beaucoup à faire, alors c’est difficile.
La sénatrice Marshall : Nous gardons espoir.
Mme Wilkins : En effet. Merci.
La présidente : Plus tôt, vous avez indiqué que nous ne savons pas qui est responsable.
Mme Wilkins : Oui.
La présidente : Pouvez-vous nous dire qui, selon vous, devrait être responsable?
Mme Wilkins : Je parlais de l’international. Cela ferait une belle manchette. Je ne voulais pas laisser entendre que rien n’est fait ou qu’il n’y a aucun progrès. Je pense simplement qu’une coordination accrue sera nécessaire pour mettre cela en place d’ici 5 ou 10 ans, et il faut un responsable pour y arriver.
Le Conseil de stabilité financière a servi de mécanisme de coordination pour les réformes de Bâle et les produits dérivés de gré à gré. Cela pourrait fonctionner. La Banque des règlements internationaux a fait un excellent travail à cet égard. Il y a un certain nombre d’occasions. Je ne peux donner un exemple pour l’instant, car je n’ai pas...
La présidente : Toutefois, au niveau national, lorsque vous parlez du gouvernement ou des organismes de réglementation, il faudra faire un choix un moment donné.
Mme Wilkins : D’accord. Prenons l’exemple du Royaume-Uni, qui a un cadre intéressant. Cela n’a pas à être identique.
Le Comité de la politique financière et les autres comités de politique de la Banque d’Angleterre ont un mandat clair prescrit par la loi et assorti de priorités claires et transparentes, et ils sont tenus de faire rapport au gouvernement. En outre, beaucoup participent à la prise de décisions et disposent d’outils bien définis. Donc, cela facilite énormément les discussions et les progrès. Je ne dis pas que c’est parfait, mais c’est utile.
Au Canada, il y a un groupe appelé les Responsables des organismes de réglementation, présidé par le gouverneur de la Banque du Canada. Il s’agit d’un organe non officiel regroupant les bons acteurs autour de la table. Tirer parti de cette tribune pour faire avancer les choses serait une excellente idée.
La sénatrice Ringuette : Tout d’abord, il est très agréable de vous revoir. Je suis ravie de vous voir autant investie dans votre passion, pour ainsi dire.
Lorsque vous employez des termes comme « architecture » et « pont », cela m’amène à penser que la Banque du Canada devrait avoir pour rôle de développer sa propre cryptomonnaie stable — le pendant numérique de la devise canadienne —, à l’instar de toutes les autres banques centrales. Ou estimez-vous qu’on décidera d’adopter, dans ce contexte mondial, disons quatre ou cinq cryptomonnaies stables de banques centrales auxquelles on attribuera une certaine valeur, et qui constitueront le pont que vous évoquez? Dans ce contexte, je pense que la Banque du Canada attribuerait une certaine valeur à cette cryptomonnaie stable.
En outre, servirait-elle d’intermédiaire? Au-delà des six institutions financières canadiennes, il y a les entreprises de technologies financières. Quelle est l’intention, par rapport à l’architecture et aux ponts?
Mme Wilkins : Si j’ai bien compris votre question — qui semble profonde —, certains y voient une occasion de renouveler l’architecture financière internationale afin que chaque pays n’ait pas sa propre monnaie. Il s’agirait de regrouper nos monnaies dans un panier, une cryptomonnaie stable, de façon à créer ensuite un mécanisme de coordination entre les taux de change. En fait, c’est en partie ce qui était proposé dans le projet Libra — qui a fini par s’appeler Diem, à la fin — de Facebook. Je ne suis pas certaine que cela fonctionnerait, et je ne suis pas sûre que ce soit nécessaire, étant donné le degré de coordination requis, ni que ce soit réellement la meilleure solution pour les politiques monétaires d’États souverains.
Cela dit, même au sein d’un pays, la question du rôle de la banque centrale est importante. La Banque des règlements internationaux, ou BRI, a un excellent document à ce sujet, et c’est avec plaisir que je vous le transmettrai. On y aborde divers modèles de distribution d’une monnaie numérique d’une banque centrale, allant d’un modèle intégré, dans lequel la banque centrale fournit un compte bancaire pour chaque Canadien et assure les services connexes de dépôt et de retrait, à un modèle décentralisé, presque comme une monnaie numérique synthétique d’une banque centrale, dans lequel son rôle se limite à garantir la monnaie émise par les grandes institutions financières ou toute autre entité autorisée.
Puis, entre les deux, il y a les modèles hybrides, uniquement fondés sur le bilan, et dans lesquels tous les aspects amusants visibles à l’avant-plan pour les consommateurs relèveraient des institutions privées. On fait l’évaluation la plus logique pour arriver à un modèle de type hybride. Cela a fait l’objet de nombreuses discussions.
L’important, à mon avis, c’est que le produit qu’utiliseront les consommateurs, quel qu’il soit, devra relever de la compétence de la Banque du Canada, comme la devise canadienne. Il convient, par rapport à la distribution et au rôle de la banque centrale, d’essayer de tirer parti de la relation privé-public où l’innovation du secteur privé est guidée adéquatement et utilisée à bon escient.
La présidente : Excellent. Veuillez prendre cela en note et nous envoyer ce document, si vous le pouvez. Nous vous en sommes reconnaissants.
Rapidement, sénatrice Ringuette, car nous manquons de temps.
La sénatrice Ringuette : Je voulais demander à Mme Wilkins de nous envoyer ce document.
La présidente : Parfait.
La sénatrice Ringuette : C’est important. Merci.
La présidente : Il nous reste environ 15 minutes — pas tout à fait. Comme plusieurs personnes sont sur la liste, nous allons essayer de faire un deuxième tour rapide.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Ma question concerne un élément clé de la production de cette cryptomonnaie, soit l’énergie. On a besoin d’énergie pour produire des cryptomonnaies avec la technologie de la chaîne de blocs. Est-ce que vous voyez cet aspect environnemental de la production d’énergie comme une limite importante sur le plan de la monnaie numérique? N’y a-t-il pas là une contradiction par rapport aux besoins de l’avenir?
Mme Wilkins : Absolument. On estime que la consommation d’énergie liée au système Bitcoin est aussi élevée que toute l’énergie utilisée aux Pays-Bas. C’est quand même époustouflant. En même temps, c’est un résultat du fonctionnement de la chaîne de blocs. On a besoin de beaucoup de mesures de sécurité, donc les problèmes cryptographiques à résoudre doivent être difficiles. Cela prend du temps et de l’énergie. Il y a d’autres méthodes pour trouver un consensus, comme le proof of stake, qui provoque peut-être d’autres problèmes, mais celui de l’utilisation de l’énergie n’en fait pas partie. Il y a des options pour éviter cela. Il faut savoir que, pour une cryptomonnaie d’une banque centrale [Difficultés techniques] banque centrale n’est pas du tout obligée de se fonder sur une chaîne de blocs et ne se fonderait d’ailleurs absolument pas sur une chaîne de blocs, où il n’y a pas de permission requise. On parle plutôt de chaînes de blocs sans permission, qui consomment autant d’énergie et sont basées sur le proof of work.
La sénatrice Bellemare : Merci beaucoup, c’est très intéressant de savoir cela.
[Traduction]
Le sénateur Woo : Le développement des monnaies numériques et la course pour être un précurseur dans le domaine ne sont pas neutres sur le plan des valeurs. Cela ne se déroule pas dans l’esprit de coopération multilatérale comme celle dont nous avons parlé il y a quelques minutes.
Projetons-nous dans l’avenir quelque peu. Selon vous, quelle incidence le développement rapide des monnaies numériques a-t-il sur le statut de monnaie de réserve du dollar américain, la portée du dollar américain et l’utilisation du dollar américain dans les paiements internationaux? Ce sont des questions cruciales qui se posent aujourd’hui, et elles sont au cœur de bon nombre des tensions qu’on observe dans les relations internationales.
Mme Wilkins : L’histoire nous apprend qu’une monnaie de réserve n’a rien d’éternel. Jamais personne ne dirait qu’elle est infaillible. Si vous sous-entendez que le projet pilote de la Chine — un projet de monnaie numérique plutôt avancé — pourrait menacer le statut de monnaie de réserve du dollar américain, personne ne le sait avec certitude. Toutefois, il n’y a pas que la technologie et le mécanisme de distribution des fonds qui comptent; il y a aussi tout le régime sous-jacent.
Les mesures de contrôles des capitaux et la certitude qu’elles sont en place et peuvent être modifiées sont aussi des questions importantes. Il faudrait des changements dans le développement des marchés financiers en Chine et dans l’ensemble des facteurs liés au statut de monnaie de réserve importante. Cela prend du temps, et il semble y avoir un ralentissement.
Un autre problème par rapport aux monnaies numériques soutenues par l’État est le risque, dans le contexte d’un prêt avec un autre pays, qu’elles soient utilisées pour effectuer la transaction et servir de mécanisme permettant d’éviter de passer par SWIFT, qui est le mécanisme...
Le sénateur Woo : New York.
Mme Wilkins : Oui. Il existe un mécanisme pour maintenir ces sanctions et faire un suivi des paiements, mais si le paiement est fait bilatéralement entre les pays au lieu d’être fait par l’intermédiaire du système appelé SWIFT, cela complique les choses. Il y a d’autres enjeux, outre le statut de monnaie de réserve.
Il serait préférable que les pays instaurent des caractéristiques semblables pour les monnaies numériques des banques centrales, ne serait-ce que pour tirer le meilleur parti possible des paiements transfrontaliers. C’est une raison, mais il y a d’autres raisons importantes sur le plan des politiques et des retombées.
Je souligne que beaucoup de pays collaborent avec la BRI, y compris le Canada, et qu’ils travaillent bien ensemble. On ne peut pas dire qu’il n’y a pas un bon groupe de pays qui tente de ramer dans la même direction.
[Français]
Le sénateur Gignac : Dans cette économie numérique, pour beaucoup d’entreprises, c’est l’accès aux données qui est important. Cela permet d’adapter et d’élargir le produit et d’attirer plus de personnes sur leur plateforme. On le voit bien à la bourse. La valeur de la capitalisation boursière des compagnies est liée aux données. Or, si on avait le monopole d’une banque centrale avec sa monnaie numérique, ce serait un modèle complètement différent. La banque centrale n’a pas cette motivation commerciale, contrairement aux entreprises privées. Comment peut-on réconcilier cela en tant que parlementaires? Oui, on croit au secteur privé; oui, on croit à l’innovation et à la création de richesse. Comment peut-on, tout en encourageant l’innovation, protéger les Canadiens face aux risques que tout cela peut comporter?
Mme Wilkins : Dans mon esprit, je crois toujours que les consommateurs ont besoin d’avoir un choix sur la façon dont ils partagent leurs données, qu’ils décident de les partager ou non. Une monnaie numérique de la banque centrale permettrait d’offrir ce choix. Il ne faut pas oublier que ce n’est pas juste une question de créer de la richesse; est-ce qu’on alimente une richesse qui est mal distribuée? Ce genre d’utilisation des données, dans le contexte actuel, produit beaucoup de concentration au sein des compagnies technologiques, entre autres. Dans la littérature, comme vous le savez très bien, sénateur Gignac, c’est un des facteurs parmi d’autres qui provoquent des changements néfastes dans la distribution de la richesse.
Comme sénateurs et législateurs, vous devez examiner cette situation de façon complète. De plus, je ne crois pas qu’une monnaie numérique d’une banque centrale écarterait tous les autres moyens de paiement. Nous avons plusieurs moyens de paiement différents dans nos portefeuilles, et nous pouvons décider d’utiliser l’un ou l’autre. Il faut avant tout que ce soit une option.
Le sénateur Gignac : Merci.
[Traduction]
Le sénateur Yussuff : L’emploi et la technologie étant parmi les facteurs de motivation incitant les régimes politiques à bouger, y a-t-il moyen de contextualiser les répercussions générales sur la technologie et, de la même manière, sur les emplois, si le Canada devenait un chef de file à cet égard?
Mme Wilkins : Il y a la question plus large des investissements dans la technologie et de son application à des fins commerciales. Cela crée un environnement très productif et favorable à la création de bons emplois bien rémunérés pour les Canadiens. Nous l’avons constaté au fil du temps avec de nombreux changements technologiques.
Ce projet ainsi que l’approche adoptée créent le cadre adéquat. Ce n’est qu’une étape de la création d’un cadre pour l’innovation dans le reste de l’économie. Alors que nous sortons de la pandémie, nous investissons dans la croissance à long terme en mettant un accent continu sur l’innovation et les investissements à long terme qui donneront des résultats pour les Canadiens, et c’est vraiment important.
Certains pensent que la création de ce genre d’innovation, de cet espace, semble être un nivellement par le bas. Si nous ne faisons rien, il y aura de l’innovation. C’est probablement vrai, mais il me semble qu’on n’obtiendrait peut-être pas alors le type d’innovation qu’on souhaite.
Beaucoup d’entrepreneurs me disent que ce qui compte vraiment pour eux, c’est la certitude en matière de réglementation — que ce soit pour les cryptomonnaies, les autres types de technologies financières ou d’autres secteurs de l’économie —, et le fait de savoir qu’ils sont du bon côté. Ils n’aiment pas toujours cela, mais cela les aide à déterminer si leur modèle d’affaires est viable ou non et à calculer le rendement. Pour moi, c’est synonyme d’innovation assortie d’un cadre et de mécanismes de protection adéquats.
La présidente : Merci.
Le sénateur C. Deacon : Merci beaucoup, madame Wilkins, d’être ici ce soir en tant que simple citoyenne. Votre expérience nous est très utile. Vous avez soulevé de nombreux points qui ont été pris en compte par la banque, et vous avez souligné la mise en place d’une monnaie numérique de banque centrale sécuritaire et bien gérée, qui permettrait de préserver la vie privée et qui serait réglementée.
Vous avez aussi observé que les actions non réglementées peuvent donner lieu à des innovations qui ne sont pas souhaitées.
Ensuite, vous avez abordé un sujet qui me tient à cœur : la monnaie numérique de banque centrale et d’autres innovations peuvent favoriser les gains en efficacité dans notre économie, et une augmentation de la productivité.
J’aimerais vous poser une question semblable à la première, mais d’une façon différente. Y a-t-il, quelque part dans le monde, des signes d’une volonté politique pour mettre en œuvre les lois et les technologies dans le cadre d’un projet pilote responsable qui pourrait être mis à l’échelle au besoin pour prendre des mesures défensives ou agir de manière plus agressive afin de tirer profit d’une occasion importante? Y a-t-il un pays dont nous pourrions nous inspirer à l’échelle internationale? Avez-vous des exemples de réussite, ou de début de réussite? Merci.
Mme Wilkins : La Suède a entrepris rapidement le travail. La Riksbank travaille à ce dossier depuis plusieurs années. C’est un modèle intéressant, puisqu’il est très ouvert, qu’il va de l’avant et qu’il y a des consultations. Il semble y avoir un dialogue productif avec le gouvernement législatif.
Le Royaume-Uni a mis sur pied un comité — et je pourrai vous envoyer le lien vers son site Web —, et il peut compter sur la Banque d’Angleterre. Il a les bons joueurs en place, notamment le gouvernement. Ils sont là pour donner des conseils.
Je ne crois pas que les banques centrales souhaitent appuyer sur la détente, mais elles veulent être prêtes, le cas échéant, parce qu’il est important d’agir au bon moment. Elles déploient donc tous les efforts possibles pour ce faire. Je crois que les modèles et les conseils — un groupe de personnes qui peut conseiller la banque centrale, qui fait avancer les choses avec les divers intervenants importants, les consultations publiques — et tout ce qu’ont en tête les gens de la Banque du Canada sont essentiels pour aller de l’avant.
La présidente : Vous avez dit qu’il était important que la banque centrale établisse une devise pour fixer la norme, pour prendre part au marché et voir ce qui doit être réglementé. Croyez-vous que c’est la chose à faire?
Mme Wilkins : Je ne crois pas que ce soit la seule façon, pour la banque centrale, d’exécuter une politique monétaire ou d’assurer la stabilité financière, ou encore d’avoir le pouls du système financier. Ce que je dis, c’est que sans l’argent, le service qu’offre aujourd’hui la banque centrale aux Canadiens serait perdu. Nous le tenons pour acquis par ce qu’il se trouve dans notre tiroir; il n’est plus dans notre porte-monnaie. Cela signifie qu’il n’est plus nécessaire d’avoir un compte en banque pour faire un paiement. Nous ne sommes pas obligés de passer par une institution à but lucratif. C’est une décision assez importante en matière de politiques publiques, à mon avis.
C’est une chose naturelle à faire pour une banque. Il n’y a rien de tel que le passif d’une banque. Il n’y a pas meilleure sécurité, alors il est bon d’y penser.
Si les autres pays ont quelque chose que nous n’avons pas, et que cela fait partie d’une nouvelle infrastructure financière, alors le Canada ne sera pas dans une bonne position. Nous devons prendre une décision. Nous devons étudier la question rapidement.
La présidente : Merci beaucoup. Vous avez abordé un large éventail de sujets ce soir. C’était excellent. Nous vous remercions d’avoir pris le temps de nous parler. Nous allons nous revoir, j’en suis certaine.
Mme Wilkins : C’était un plaisir. Je vous remercie pour l’invitation. Portez-vous bien.
La présidente : Merci beaucoup.
Chers collègues, nous avons un dernier point à aborder. Je dois proposer une motion voulant que le document intitulé Under the western sky: the crypto frontier, un discours de Carolyn Wilkins, soit déposé comme pièce.
J’aimerais aussi que le document de la Banque des règlements internationaux auquel elle a fait référence soit déposé comme pièce.
Êtes-vous d’accord?
Des voix : D’accord.
La présidente : Très bien. Je déclare donc la motion adoptée; nous allons en prendre note.
La sénatrice Ringuette : Madame la présidente, allez-vous distribuer ces deux documents?
La présidente : Oui, bien sûr. Ils devront être traduits, mais nous devons d’abord les déposer comme pièces pour ce faire. Je vous remercie pour votre aide et votre collaboration à cet égard.
Nous allons nous réunir à nouveau pour une réunion complète le 23 février. Le sous-comité tiendra une autre séance, bien sûr, pour préciser la liste des invités de cette réunion. Nous vous tiendrons au courant et nous vous transmettrons l’information, de sorte que vous puissiez y réfléchir, peut-être même avant que vous ne receviez les documents de la part de notre équipe de soutien.
Merci beaucoup. Nous nous reverrons dans deux semaines.
(La séance est levée.)