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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES BANQUES, DU COMMERCE ET DE L’ÉCONOMIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 1er novembre 2022

Le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie se réunit aujourd’hui, à 18 h 30 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier toute question concernant les banques et le commerce en général.

La sénatrice Pamela Wallin (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour à tous, et bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie. Je m’appelle Pamela Wallin, et je suis présidente du comité. J’aimerais maintenant présenter les membres du comité, en commençant par le vice-président, le sénateur C. Deacon, la sénatrice Bellemare, le sénateur Gignac, le sénateur Loffreda, la sénatrice Marshall, le sénateur Massicotte, la sénatrice Ringuette, le sénateur Smith, le sénateur Woo et le sénateur Yussuff.

Aujourd’hui, bien sûr, nous avons le plaisir d’accueillir de nouveau Tiff Macklem, gouverneur de la Banque du Canada, ainsi que Carolyn Rogers, première sous-gouverneure.

Nous sommes très heureux que vous soyez ici en personne et d’afficher complet ici au comité. C’est merveilleux. Nous avons hâte de vous entendre faire le point au sujet du Rapport sur la politique monétaire d’octobre 2022. Nous allons vous donner la parole, gouverneur Macklem, et vous aurez les 10 prochaines minutes. Merci beaucoup.

Tiff Macklem, gouverneur, Banque du Canada : Permettez-moi de vous dire à quel point nous sommes heureux d’être de retour ici en personne. Nous sommes impatients de discuter avec vous et de répondre à vos questions.

Nous sommes ici pour discuter de notre annonce de politique de la semaine dernière et de nos perspectives énoncées dans le Rapport sur la politique monétaire. La semaine dernière, nous avons augmenté le taux directeur de 50 points de base pour le porter à 3,75 %. Il s’agit de la sixième augmentation consécutive depuis mars. Le resserrement quantitatif se poursuit et s’ajoute aux augmentations du taux directeur. Nous nous attendons également à hausser encore notre taux directeur. L’importance de cette hausse dépendra de l’effet de ralentissement de la politique monétaire sur la demande, de la mesure dans laquelle les problèmes d’offre auront été résolus et de l’effet sur les attentes d’inflation de ce cycle de resserrement.

[Français]

Notre décision de la semaine dernière est le reflet de plusieurs considérations.

Premièrement, l’inflation au Canada reste élevée et généralisée et résulte en une forte augmentation des prix des biens et des services. Elle a diminué ces derniers mois, mais on attend encore une baisse globale des pressions sur les prix. Environ les deux tiers des composantes de l’IPC ont augmenté de plus de 5 % durant la dernière année. Les ménages à faible revenu en particulier sont durement frappés par les hausses des dépenses essentielles, comme l’épicerie et le loyer.

Deuxièmement, la demande est encore excédentaire. L’économie surchauffe. Le nombre de postes vacants a reculé par rapport à son sommet, mais il reste élevé. Les entreprises signalent encore des pénuries de main-d’œuvre généralisées. Depuis la réouverture complète de l’économie, les ménages veulent profiter des services de forte proximité qui leur ont manqué, mais les entreprises ne peuvent pas répondre à la demande. Les prix des services ont donc augmenté rapidement.

Troisièmement, les taux d’intérêt élevés commencent à peser sur la croissance. C’est de plus en plus évident dans le cas des dépenses sensibles aux taux d’intérêt, comme le logement et les gros achats, mais il faudra du temps pour que les effets des hausses de taux se transmettent à toute l’économie.

Quatrièmement, il n’y a pas de solution facile pour restaurer la stabilité des prix. L’économie doit ralentir pour rééquilibrer l’offre et la demande et réduire les pressions sur les prix. Au cours des prochains trimestres, la croissance devrait être à près de zéro. Toutefois, une fois passé ce ralentissement, la croissance se redressera. L’économie progressera fortement et le Canada bénéficiera de nouveau d’une inflation basse et prévisible.

En chiffres, cela signifie que la croissance du PIB devrait diminuer. Elle passera d’environ 3,25 % cette année à juste en dessous de 1 % l’année prochaine et à environ 2 % en 2024. On s’attend à ce que l’inflation se situe autour de 7 % au dernier trimestre de cette année, descende à environ 3 % à la fin de l’année prochaine et revienne à la cible de 2 % à la fin de 2024.

Enfin, la banque essaie d’équilibrer les risques liés à un resserrement trop faible ou trop fort.

[Traduction]

Si nous n’en faisons pas assez, les Canadiens continueront de subir les contrecoups d’une inflation élevée, et ils finiront par s’attendre à une inflation constamment élevée, ce qui entraînera des taux d’intérêt beaucoup plus élevés et peut-être une grave récession pour contrôler l’inflation. Personne ne souhaite ce scénario. Si nous en faisons trop, nous pourrions ralentir l’économie plus que nécessaire, et nous savons que cela aurait des conséquences néfastes sur la capacité des gens de rembourser leurs dettes, sur leur emploi et sur leur entreprise.

Cette phase de resserrement se terminera un jour. Nous nous en approchons, mais nous n’y sommes pas encore.

Le travail de la Banque du Canada consiste à veiller à ce que l’inflation soit faible, stable et prévisible. Nous sommes encore loin de cet objectif. Nous considérons que les risques liés à nos prévisions d’inflation sont raisonnablement équilibrés, mais comme l’inflation est bien au-dessus de notre cible, nous sommes particulièrement préoccupés par les risques de hausse. Nous sommes conscients qu’il est difficile pour de nombreux Canadiens de s’adapter à des taux d’intérêt plus élevés. De nombreux ménages sont lourdement endettés, et des taux d’intérêt plus élevés alourdissent encore leur fardeau. Nous ne voulons pas que cette transition soit plus difficile qu’elle ne devrait l’être, mais des taux d’intérêt plus élevés à court terme feront baisser l’inflation à long terme.

Les Canadiens cherchent des moyens de se protéger contre la hausse des prix, et nous nous efforçons de les protéger contre l’inflation. Il faudra du temps pour revenir à une croissance solide avec un faible taux d’inflation, mais nous y arriverons. En passant à travers cette phase difficile, nous reviendrons à la stabilité des prix avec une croissance économique soutenue, qui profite à tous. Sur ce, la première sous-gouverneure Rogers et moi-même serons heureux de répondre à vos questions.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur le gouverneur. J’aimerais commencer par... Je vais vous lire une citation dans un instant, car vous dites que la demande est encore élevée dans l’économie et que la masse monétaire continue de circuler.

Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il avait prévu que l’inflation poserait problème, Larry Summers a répondu :

Le secret qui se cache derrière la sauce de l’économie est l’arithmétique. Après avoir fait les calculs, il m’a semblé que le volume d’eau que nous mettions dans la baignoire était beaucoup plus grand que la capacité de la baignoire, mais je ne savais pas exactement quelle serait la capacité de la baignoire. Je pensais qu’il pourrait y avoir divers types de goulots d’étranglement.

Où en sommes-nous dans cette analogie? S’agit-il de trouver un niveau?

M. Macklem : Je vous remercie de la question. Ce qui est difficile à comprendre, c’est que, d’une part, nous parlons d’un ralentissement de l’économie, et d’autre part, nous disons que la demande est excédentaire. Comment ces deux éléments s’imbriquent-ils? Je vais utiliser mes mains parce que je trouve que cela permet de mieux comprendre. L’économie est ici, et elle représente la demande. L’offre est ici. La demande est donc supérieure à l’offre. C’est pourquoi nous parlons d’une demande excédentaire. L’économie est en surchauffe et c’est cette distance entre mes mains qui exerce une pression à la hausse sur les prix. Maintenant, puisque l’économie ralentit, la demande diminue. L’écart commence à se rétrécir, mais il est encore assez élevé et, essentiellement, tous nos indicateurs indiquent que l’économie est toujours en situation de demande excédentaire. Comme nous avons commencé à relever les taux en mars, nous commençons à voir les effets de la hausse des taux d’intérêt. Nous les constatons particulièrement dans le secteur de l’habitation et dans les achats importants, mais il faudra du temps pour que les effets de la hausse des taux d’intérêt se propagent à l’ensemble de l’économie et pour que ces deux éléments s’adaptent afin d’atténuer les pressions inflationnistes. J’espère que mes mains vous ont aidé à mieux comprendre.

La présidente : Cela signifie une hausse de l’inflation. Nous allons commencer la période de questions avec le sénateur Deacon.

Le sénateur C. Deacon : Merci d’être ici. Au cours des dernières semaines, nous avons entendu beaucoup de points de vue différents sur la cause de cette période de forte inflation. De façon générale, on s’entend pour dire que la réponse à la COVID — la réponse à cette incertitude massive et la réaction lente qui en a découlé — a eu un effet sur l’inflation, mais cela représente une fraction de pourcentage que l’on estime en général minime. A posteriori, on ne se trompe jamais.

À l’autre extrémité du spectre, certains ont aussi laissé entendre que l’augmentation de la masse monétaire était considérée comme le problème qui causait l’inflation. Vous avez justifié votre décision et nous la comprenons. Vous avez été clair et vous en avez parlé dans votre récent rapport. Pourriez-vous simplement nous aider — ou m’aider moi, en tout cas, qui n’est pas aussi fort en mathématiques que Larry Summers — à comprendre les différents points de vue qui sont offerts pour expliquer la situation?

M. Macklem : Je commencerai par dire que la situation est complexe. Vous n’arrivez pas à un taux de 7 % sous l’effet de surprise. C’est une combinaison de facteurs qui vous y mène.

Les différents points de vue s’expliquent aussi par le moment où ils sont exprimés.

Si vous remontez à la dernière année, lorsque l’inflation a commencé à augmenter au Canada, elle reflétait en grande partie l’augmentation de l’inflation à l’échelle internationale. Le prix mondial du pétrole a beaucoup augmenté. Les prix de nombreux produits de base ont augmenté à l’échelle mondiale, et parce que les ménages du monde entier — cette pandémie a touché tout le monde en même temps — ne pouvaient pas consommer les services qu’ils voulaient, ils les ont remplacés par des biens. Vous ne pouvez pas aller vous entraîner au gymnase, alors vous achetez de l’équipement d’exercice à la maison. Vous êtes assis à la maison, alors vous achetez un nouveau téléviseur, peut-être un nouvel ordinateur.

Le problème avec les biens, c’est qu’ils doivent tous être produits et expédiés. La chaîne d’approvisionnement mondiale a été entravée par la COVID et par d’autres problèmes qui lui étaient propres. Donc, la demande est forte et l’offre est affaiblie, ce qui entraîne une augmentation des prix partout dans le monde. C’est ce qui a initialement fait grimper l’inflation au Canada.

J’hésite même à utiliser ce mot, mais vous vous souviendrez qu’à ce moment-là, on disait que c’était une situation « transitoire », mais pourquoi avons-nous cru cela? Historiquement, les problèmes d’approvisionnement ont tendance à se régler sans que l’on ait à intervenir. Ainsi, les prix mondiaux du pétrole fluctuent. Si vous relevez les taux d’intérêt dès que les prix mondiaux du pétrole augmentent, au moment où la hausse des taux d’intérêt exerce son effet sur l’économie, les prix ont déjà baissé, et vous en avez donc trop fait.

Nous avons fait ce que nous faisons habituellement, et nous avons examiné tout cela. Malheureusement, ces problèmes d’approvisionnement se sont avérés beaucoup plus persistants que nous le pensions. Ce n’est pas tant que chacun d’eux était plus persistant, mais il y a eu toute une série de facteurs et, bien sûr, une guerre en Ukraine. Avec le recul, si nous avions prévu tout cela, nous aurions probablement agi plus tôt.

Mais là où je veux en venir, c’est que ces pressions inflationnistes mondiales commencent à diminuer. Si vous examinez les diverses mesures des coûts d’expédition et des délais de livraison, elles s’améliorent. Il faudra un certain temps pour que l’économie canadienne en profite, mais les choses s’améliorent. Le prix du pétrole a légèrement baissé. Les prix que nous payons tous à la pompe sont à la baisse.

Mais l’autre chose qui s’est produite, une fois que nous avons traversé le variant Omicron, c’est que l’économie a rouvert et que les ménages sont revenus au sein de l’économie. Ils voulaient consommer. Ils voulaient se prévaloir de tous ces services qui leur ont manqué, et les entreprises ont été incapables de répondre à la demande. Elles n’ont pas été en mesure d’embaucher suffisamment de personnel assez rapidement pour suivre le rythme, et nous avons donc constaté une forte augmentation des prix des services. Les prix des services au Canada augmentent maintenant d’environ 5,5 %. Cela reflète les pressions inflationnistes intérieures. Il ne s’agit plus simplement d’une inflation causée par des facteurs mondiaux. Cela montre que la demande dans notre économie est supérieure à l’offre, et c’est ce sur quoi nous nous concentrons particulièrement. Nous ne pouvons pas contrôler les événements mondiaux, mais nous pouvons contrôler l’équilibre. Nous pouvons influer sur l’équilibre entre l’offre et la demande dans notre économie.

C’était une longue réponse, mais c’était aussi une très bonne question.

La présidente : Merci.

[Français]

Le sénateur Gignac : Bienvenue, madame Rogers et monsieur le gouverneur. Lors de vos comparutions au printemps dernier, je vous avais demandé ce qui se passerait si votre optimisme par rapport à l’inflation ne se matérialisait pas. Votre réponse avait été que ce serait difficile. Depuis, les taux ont monté de 350 points de base, et vous prédisez d’autres hausses de taux. En tant qu’économiste, j’approuve et je partage votre objectif de diminuer l’inflation; je pense que c’est très important, et j’appuie surtout votre indépendance à l’égard du pouvoir politique. Comment savoir si ce n’est pas trop et si vous n’allez pas en faire trop, finalement? En d’autres mots, on sait que l’emploi est un indicateur retardé. Quels indicateurs avancés suivez-vous pour décider de rester sur la ligne de côté et faire une pause?

M. Macklem : Vous avez raison : nous avons déjà beaucoup haussé les taux d’intérêt. On voit déjà les effets de cela dans le secteur du logement et sur les grands achats. On sait qu’il y aura plus d’effets à cause de ce que nous avons déjà fait. Comment essayer de savoir si c’est suffisant ou non? Je vais répondre en deux parties, soit en parlant des choses que l’on regarde de près et de la façon de les examiner.

Premièrement, si l’on regarde de près les effets de nos hausses du taux d’intérêt sur l’économie, on sait que cela commencera par les secteurs sensibles aux taux d’intérêt — on le voit déjà —, mais il faudra plus de temps pour que ces hausses affectent les services, parce qu’on n’achète pas des services avec un emprunt. Comment le fait-on? On utilise des modèles. Nous avons beaucoup d’expérience avec les hausses des taux d’intérêt. Les modèles donnent des indications et on peut voir si chaque étape donne ce que l’on prévoyait. On devait contrôler les facteurs qui changeaient dans le temps. Par exemple, les Canadiens sont plus endettés maintenant qu’ils ne l’ont jamais été. Il est possible que les effets soient plus forts que ce que prédisaient nos modèles. D’autre part, les ménages ont épargné davantage durant la crise. Ils ont plus de liquidités dans leurs comptes en banque ou un plus gros coussin pour absorber les hausses des taux d’intérêt. C’est un aspect important, et on va voir ce qu’il en résulte.

Le deuxième aspect important est ce qui se passe avec les perturbations dans les chaînes d’approvisionnement, qui sont des facteurs internationaux. J’étais à l’Institut de la gestion financière du Canada il y a deux semaines. Je rencontre souvent les autres gouverneurs. On essaie de comprendre ce qui se passe à l’échelle internationale et comment cela affectera l’inflation ici au Canada. Enfin, on regarde de près l’inflation et les anticipations d’inflation. Maintenant, en ce qui concerne l’inflation, on met davantage l’accent sur nos mesures d’inflation fondamentale. La bonne nouvelle, c’est que nos mesures d’inflation fondamentale ont arrêté d’augmenter; elles sont à environ 5 %, mais elles n’ont pas commencé à diminuer. Voilà une chose que nous surveillons de près.

Les anticipations d’inflation à court terme sont élevées; à long terme, elles sont assez bien ancrées à nos cibles, mais il y a plus d’incertitude dans nos sondages par rapport aux ménages et aux entreprises. Cela signifie qu’il y a un peu de danger et que cela peut changer. Pour l’inflation, on utilise des modèles, mais aussi des sondages. Nous menons un sondage trimestriel auprès des entreprises et l’une des choses qu’on leur demande, c’est ce qu’elles pensent faire avec leurs prix pour les biens qu’elles vendent sur le marché et les services qu’elles fournissent. Elles nous ont dit que les entreprises, en moyenne, pensent que les taux d’augmentation des prix seront moins élevés à l’avenir que ceux de l’an dernier. Voilà les signes précurseurs. Cela ne s’est pas encore reflété dans les données, mais nous avons bon espoir de voir une diminution de l’inflation.

Le sénateur Gignac : Je n’ai pas entendu le mot « masse monétaire » dans les indicateurs que vous suivez. Or, nous avons reçu un professeur émérite de l’Université Johns Hopkins récemment. Il a dit qu’il y avait un lien entre la croissance de la masse monétaire et l’inflation dans tous les pays du monde, et il a mentionné également... Cela n’est pas sur votre site Web. Quand j’ai commencé ma carrière il y a 40 ans, chaque semaine, le jeudi après-midi, il fallait calculer la croissance de la masse monétaire. Pourquoi la masse monétaire, à votre avis, n’est-elle plus pertinente?

M. Macklem : Premièrement, nous nous penchons sur beaucoup de choses. J’ai souligné les choses les plus importantes. Nous nous penchons sur les masses monétaires et les masses de crédit. Si l’on constate que les gens ont plus d’argent, ils seront probablement prêts à dépenser. On regarde la croissance hypothécaire. Cela donne un indicateur de ce qui se passera dans les marchés des ménages. Quand j’ai commencé ma carrière, on regardait les masses monétaires chaque semaine. Nous avons appris pendant cette période que la relation entre la masse monétaire, l’inflation et l’économie n’est pas stable. Il y a eu une période pour cibler les masses monétaires; la sénatrice Bellemare et vous vous souvenez sûrement que c’était un désastre.

La Banque du Canada a réussi à réduire la croissance de la masse monétaire avec toutes les cibles, et l’inflation a monté. C’était dans les années 1970, avec l’inflation et la hausse des variables. Donc, à la fin, cela crée des conditions pour cibler l’inflation. On cible les choses qui sont les plus importantes; c’est l’inflation. On utilise toutes sortes d’informations pour savoir ce qui se passera avec l’inflation, mais on cible les choses importantes.

Le sénateur Gignac : Merci.

[Traduction]

La présidente : Nous y reviendrons tout au long de la soirée.

La sénatrice Ringuette : Merci d’être ici.

Sachant que votre mandat est axé sur l’inflation, que votre cible est de 2 % et que vous avez haussé le taux du financement à un jour six fois au cours des six derniers mois, je vous pose la question suivante : avez-vous un modèle qui vous indiquera le taux d’intérêt maximal à un jour qu’il est possible d’atteindre avant que ce taux ne déclenche une récession? Dans l’affirmative, que vous dit votre modèle à l’heure actuelle?

M. Macklem : Nous utilisons effectivement des modèles. Pour revenir à la question du sénateur Gignac, nous devons nous tourner vers l’avenir. Il faudra attendre un certain temps avant que ce que nous faisons maintenant affecte l’économie et l’inflation. Nous avons donc besoin de modèles.

Les modèles sont théoriques et ne correspondent pas toujours à la réalité. Il faut les utiliser avec beaucoup de prudence. Il faut les compléter par d’autres types de renseignements dont je viens de parler.

Nous avons publié nos prévisions la semaine dernière et nous prévoyons un ralentissement important de la croissance. La croissance pour les trois prochains trimestres est à peu près nulle, ce qui signifie que nous sommes à peu près aussi susceptibles d’avoir deux ou trois trimestres de croissance négative que de croissance positive. Ce n’est donc pas une récession grave, ce n’est pas une contraction majeure, mais nous pourrions certainement observer quelques trimestres de croissance négative.

Nous avons été très clairs au sujet de nos prévisions.

Notre modèle ou notre projection prévoit des taux d’intérêt qui ramèneront l’inflation. Nous avons précisé très clairement, comme je l’ai dit dans ma déclaration préliminaire, que nous pensons que nous approchons de la fin de cette phase de resserrement, mais nous n’en sommes pas encore là. Nous pensons que les taux d’intérêt devront encore augmenter.

La sénatrice Ringuette : Mais ma question est pourtant très précise.

M. Macklem : Je ne vais pas vous donner de chiffre, parce que je ne sais pas ce que ça...

La sénatrice Ringuette : C’est ce que je vous demande.

M. Macklem : Je ne vais pas vous donner de chiffre. Nous prenons ces décisions chaque fois, à mesure que nous avançons, avec les meilleurs renseignements disponibles. Je ne vais pas vous donner de chiffre maintenant, parce que nous devons obtenir plus d’information avant de prendre notre prochaine décision. Ce sera une décision plus éclairée.

Nous avons une bonne idée de l’orientation. Je pense que c’est assez clair : nous pensons que le taux doit encore augmenter, mais nous estimons que nous approchons de la fin. Cela vous donne une idée générale de notre orientation.

Oui, il y a un peu de jeu à cet égard, et à mesure que nous nous rapprocherons et que nous obtiendrons plus d’information, nous prendrons ces décisions en temps réel.

La présidente : Madame Rogers, avez-vous un commentaire?

Carolyn Rogers, première sous-gouverneure, Banque du Canada : En fin de compte, madame la sénatrice Ringuette, le chiffre que nous visons est le taux d’inflation, et le taux d’intérêt est le chiffre qui nous permet d’y arriver. Nous n’avons donc pas de cible en tête qui serait incluse dans notre modèle.

La présidente : À titre de rappel, lorsque vous avez posé votre question, veuillez fermer votre microphone pendant que l’invité répond. Merci beaucoup. Je vous remercie d’être intervenue, madame Rogers.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Merci d’être avec nous. Ma question — vous vous en doutez bien — ne porte pas sur le marché durable, mais sur le marché du travail. J’ai regardé les indicateurs que vous identifiez pour dire que l’inflation est maintenant domestique, qu’elle est ici. Vous parlez notamment d’une demande excessive sur le marché des produits et services, mais vos indicateurs sont surtout liés au marché du travail. On parle de postes vacants, de taux de chômage non accélérationniste, de l’inflation, du prix des services, mais les services sont étroitement liés aux salaires et à la pression des postes vacants. Quand on regarde les données sur les postes vacants, ces derniers ne sont pas liés à l’inflation; il y en avait même avant les pressions inflationnistes. Au Québec, en 2018, on avait déjà deux chômeurs pour un poste vacant et il n’y avait pas d’inflation. Là, il y a de l’inflation, et la stratégie est d’augmenter les taux d’intérêt.

Dans le contexte où il y a vraiment un problème de pénurie de main-d’œuvre lié au vieillissement de la population, si on ne s’occupe pas de cette question, la production va diminuer. Ne pensez-vous pas que la politique monétaire agressive sur le plan des taux d’intérêt peut nuire à une politique qui serait beaucoup plus ciblée — par exemple, une politique qui viserait à augmenter les taux de participation, une politique liée à l’immigration, une politique de formation, une politique axée sur la productivité? À cet effet, le gouverneur de la banque devrait travailler avec le gouvernement tout en restant indépendant dans sa gestion quotidienne. La collaboration et l’indépendance, ce sont deux choses différentes. Ne pensez-vous pas que vous devriez aller dans cette direction?

M. Macklem : Vous avez tout à fait raison de dire qu’il y a deux côtés : il y a la demande et l’offre. Sur le premier aspect de votre question, soit les postes vacants, oui, on a vu des pénuries de main-d’œuvre dans certains secteurs avant la pandémie, bien sûr, mais ce qui arrive maintenant est beaucoup plus généralisé. Les postes vacants ont atteint un niveau record. La bonne nouvelle, c’est que ce chiffre commence à diminuer, mais il est encore très élevé. Nos sondages auprès des entreprises indiquent que les pénuries de main-d’œuvre sont partout. Vous avez raison de dire que cela a commencé au Québec. C’est un des marchés les plus serrés sur le plan de la main-d’œuvre, mais la pénurie est partout maintenant, pas seulement au Québec. Je pense qu’il est assez clair qu’il y a une demande excédentaire.

Quant à la deuxième partie de votre question, je suis tout à fait d’accord. On devrait, comme pays, travailler sur la demande et sur l’offre. Les taux d’intérêt affectent la demande. Nous avons un mandat clair et nos outils vont ralentir la demande. Dans nos prévisions, nous voyons une assez bonne augmentation de l’offre.

Cela vient vraiment de deux endroits. Premièrement, l’immigration était très faible durant la pandémie, pour des raisons assez évidentes. Le gouvernement a maintenant fortement augmenté l’immigration. Il a annoncé encore aujourd’hui une autre augmentation, donc cela fera augmenter l’offre de main-d’œuvre. L’autre élément, c’est que la productivité était faible durant la pandémie, puisqu’il y avait toutes sortes de restrictions et de perturbations dans la chaîne d’approvisionnement. Avec le retour à la normale, les entreprises peuvent mieux planifier et la productivité devrait rebondir.

Nous avons déjà une augmentation de l’offre dans nos prévisions, mais ce n’est pas assez pour régler le problème. L’offre prend du temps. On a besoin des deux : on a besoin du ralentissement de l’inflation et de la demande. Si les politiques des gouvernements provinciaux et fédéral augmentent davantage l’offre, oui, il y aura moins à faire pour ce qui est de la demande, mais je pense qu’on a toujours besoin de la demande. Avec l’inflation qui est déjà à 7 %, on ne peut pas tout régler avec l’offre.

La sénatrice Bellemare : Si on a une politique monétaire et une hausse des taux d’intérêt agressives, est-ce que cela ne va pas empêcher les entreprises d’intégrer de nouveaux immigrants et nuire à la construction de maisons pour régler le problème du logement? En d’autres mots, une politique agressive peut également jouer sur l’offre, mais en l’abaissant davantage au lieu de l’augmenter.

M. Macklem : L’autre élément, c’est qu’on devrait contrôler l’anticipation de l’inflation. Si tout le monde pense que l’inflation va rester élevée, rien ne va bien fonctionner. Quand les gens commencent à croire que l’inflation va rester élevée, ils acceptent l’augmentation des prix; quant aux entreprises, elles peuvent tout simplement hausser les prix sans compétition. On a vu cela dans les années 1970.

Ce que l’on voit, si on étudie plusieurs pays pendant différentes périodes, c’est que si les cycles de resserrement sont rapides, l’augmentation totale des taux d’intérêt est moindre, tout comme le ralentissement de l’économie.

Nous avons rapidement haussé nos taux d’intérêt, et nous pensons que c’était la meilleure façon d’éviter des hausses encore plus importantes à l’avenir et un ralentissement plus sévère du marché.

[Traduction]

Le sénateur Loffreda : Bienvenue, gouverneur Macklem et première sous-gouverneure Rogers. C’est un plaisir de vous revoir.

Vous prévoyez que la croissance annuelle moyenne du PIB diminuera cette année, passant de 3,25 % à un peu moins de 1 % l’an prochain et à environ 2 % en 2024 et que l’économie produira un excédent en 2023. Je voudrais vous poser une question aussi sur la main-d’œuvre.

Premièrement, selon vous, comment corrigerons-nous à nouveau les perturbations de l’offre de main-d’œuvre? Je parle à de nombreux entrepreneurs du secteur des services, et ils me disent qu’ils traversent une période très difficile. Ils ne trouvent pas d’employés. Les salaires augmentent. Malgré la hausse des salaires — et je ne veux pas me lancer dans les chiffres —, ils ne trouvent toujours pas d’employés, même dans le secteur des services.

Selon vous, comment ces pénuries de main-d’œuvre se corrigeront-elles? Il est évident que l’augmentation des taux d’intérêt fera baisser la demande, mais vous avez dit — et nous le savons tous — que les niveaux d’endettement sont très élevés, alors que l’augmentation des taux d’intérêt ne sera pas viable à long terme.

Pourquoi ces prévisions sont-elles meilleures que les précédentes, compte tenu de l’incertitude qui règne dans le monde entier, autant face à la situation géopolitique qu’aux perturbations de l’approvisionnement et aux crises énergétiques? Avez-vous les outils nécessaires pour maîtriser l’inflation, ou les facteurs indépendants de votre volonté sont-ils trop puissants à l’heure actuelle?

Mme Rogers : Bon nombre des points que vous soulevez sont ceux dont le gouverneur vient de discuter avec la sénatrice Bellemare. Il y a deux côtés à cette équation.

Dans l’économie actuelle du Canada, la demande dépasse notre capacité de produire des biens et des services. Le resserrement de la politique monétaire et la hausse des taux d’intérêt contribueront à réduire la demande, mais certains facteurs de l’offre y contribueront aussi. Ces outils ne serviront pas à la banque centrale, mais à d’autres décideurs. Ils s’avéreront utiles.

Quant à votre question sur la main-d’œuvre, vous mentionnez particulièrement les postes de premier échelon. Les représentants d’entreprises le disent aussi. L’immigration a été restreinte tout au long de la pandémie, mais elle va reprendre, et elle sera utile. Certaines mesures que les entreprises ont dû appliquer tout au long de la pandémie pour respecter les restrictions sanitaires ont été levées. Je pense que les entreprises fonctionnent à nouveau à plein rendement. De nombreux employés quittent le marché du travail. Les contraintes de la main-d’œuvre sont dues à un certain nombre de facteurs, mais vous avez raison, l’un de ces facteurs est la demande excédentaire.

Comme le gouverneur l’a dit, et je vais imiter les gestes qu’il a faits en expliquant cela, notre travail et notre trousse d’outils nous permettent d’influer sur l’offre. Nous nous concentrons sur cela. D’autres politiques peuvent influer sur la demande, et d’autres encore peuvent influer sur l’offre, mais nous sommes convaincus qu’elles ne se substituent pas, elles se complètent. Si nous nous concentrons sur notre travail et les autres décideurs sur le leur, ensemble, nous réussirons à réduire l’inflation.

Le sénateur Loffreda : Des témoins experts nous ont dit que les 75 % de l’inflation sont attribuables à l’offre. Pensez-vous que les banques centrales du monde y aient contribué en prenant des mesures d’assouplissement quantitatif et peut-être en haussant les taux d’intérêt un peu trop tard, ajoutant peut-être un flou entre la politique monétaire et la politique budgétaire? L’assouplissement quantitatif servait-il à financer le déficit du gouvernement, ou y avait-il une distinction claire entre les politiques monétaires et budgétaires?

M. Macklem : Pour moi, cette distinction était très claire. Votre question est extrêmement complexe.

Tout d’abord, expliquons bien en quoi consiste l’assouplissement quantitatif. De nombreuses banques centrales dans le monde l’utilisent, et nous l’utilisons tous pour la même raison. Nous abaissons le taux directeur autant que possible. Si nous avions pu l’abaisser davantage pour que les taux soient encore plus bas à la courbe de rendement, nous l’aurions fait, mais nous l’avons abaissé autant que possible.

Essentiellement, l’assouplissement quantitatif permet de réduire davantage les taux d’intérêt à la courbe de rendement. Si vous achetez des obligations de cinq ans, par exemple, leur prix monte et leur rendement baisse. Habituellement, c’est à ce moment-là que les gens obtiennent un prêt hypothécaire et que les entreprises empruntent. Nous contrôlons le taux de financement à un jour, mais les gens empruntent de l’argent pour cinq ans. L’assouplissement quantitatif n’est qu’une façon parmi tant d’autres de réduire les taux d’intérêt.

Nous avons également utilisé les consignes exceptionnelles. Il faut considérer ces choses comme un tout. Nous avons abaissé les taux d’intérêt, utilisé des consignes exceptionnelles et appliqué des mesures d’assouplissement quantitatif. Nous avons pris toutes ces mesures pour réduire les taux d’intérêt pendant tout le trimestre afin de soutenir l’économie et de la relancer.

L’assouplissement quantitatif n’a rien de particulier. Il fait partie de cet ensemble. Il fait partie des méthodes que nous avons appliquées pour abaisser les taux d’intérêt.

Vous voulez savoir si nous avons attendu trop longtemps pour abaisser les taux d’intérêt. Comme je l’ai dit, je suis convaincu que si nous avions su il y a un an tout ce que nous savons aujourd’hui, nous aurions probablement commencé à hausser les taux d’intérêt.

Au Canada, nous avons mis fin assez rapidement à l’assouplissement quantitatif. Nous y avons mis fin il y a un an. Lors de notre réunion sur le Rapport sur la politique monétaire, il y a un an, nous avons mis fin à l’assouplissement quantitatif et, en avril, nous avons amorcé un resserrement quantitatif, de sorte que notre bilan a diminué depuis. Les choses vont maintenant dans le sens contraire. Notre principal instrument est le taux d’intérêt d’un jour que nous contrôlons, mais nous le complétons par l’assouplissement quantitatif, ce qui fait grimper les taux d’intérêt à long terme.

Est-ce que cela répond à toutes vos questions?

Le sénateur Loffreda : C’est bien. Merci.

La présidente : J’aimerais y revenir un instant, si vous me le permettez, parce que quelques membres de notre comité ont mentionné cela. Nous avons entendu le témoignage de Steve Hanke, qui a essentiellement dit que les banques centrales ne veulent pas parler de la masse monétaire, parce qu’elles en sont responsables et qu’elles ne veulent pas devenir des boucs émissaires. Il l’a dit ouvertement.

En même temps, je lis The Lords of Easy Money, dont l’auteur critique les banques centrales. Vous connaissez sans doute cet ouvrage. L’auteur cite des chiffres renversants, comme le fait que la Federal Reserve des États-Unis a imprimé ou créé environ trois fois plus d’argent depuis 2008 qu’elle en a créé pendant toute son existence. Au Canada, un dollar canadien sur cinq qui circule dans notre économie n’existait pas avant la pandémie. C’est un problème de masse monétaire.

M. Macklem : Pourriez-vous me poser une question?

La présidente : Vous dites que tout le monde procédait à un assouplissement quantitatif, que c’était la façon habituelle de procéder et que vous avez mis fin à cette pratique, mais notre économie fait toujours face à une demande excédentaire, le gouvernement continue à dépenser.

M. Macklem : Une seconde. Oui, nous avons une demande excédentaire et nous nous efforçons d’équilibrer la demande et l’offre et d’atténuer les pressions inflationnistes.

Écoutez, n’oublions pas le contexte. Nous avons subi une série de chocs sans précédent, avec la pandémie et la récession la plus profonde que nous ayons connue au Canada. Le PIB a diminué de 15 %, 3 millions de Canadiens étaient au chômage et près de 3 millions travaillaient moins de la moitié de leur temps normal. Nous avons dû prendre des mesures monétaires et financières exceptionnelles. Heureusement, elles ont réussi. Nous avons vu la reprise la plus rapide jamais enregistrée.

Lorsque j’ai accédé à mon poste de gouverneur, nous étions au bas de l’échelle, et nous étions très préoccupés par ce que nous appelons les cicatrices. Essentiellement, il a été prouvé que lorsque les gens se retrouvent au chômage pendant une période considérable, ils perdent leurs compétences. C’est particulièrement grave pour les nouveaux venus sur le marché du travail. Ils ne décrochent pas leur premier emploi, ils n’acquièrent pas leur première expérience de travail et ne reçoivent pas leur formation en cours d’emploi. Cette situation ne se dissipe pas à la fin de la récession et elle se répercute sur les gains de ces personnes tout au long de leur vie. Nous étions très inquiets. Il s’agissait de la récession la plus profonde que nous ayons jamais connue, et il nous faut généralement plus de temps pour nous remettre des récessions profondes.

Oui, nous avons beaucoup stimulé l’économie. Eh bien, notre intervention a réussi. La reprise a été plus rapide que jamais. Évidemment, nous n’avons pas tout fait à la perfection. Nous n’avions pas prévu la gravité des perturbations de la chaîne d’approvisionnement mondiale. L’inflation a certainement augmenté plus vite que nous le pensions, et nous avons pris des mesures énergiques pour la ramener à la baisse.

Il faudra un certain temps pour y parvenir, mais je crois que nous y arriverons.

La présidente : Merci.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Merci d’être parmi nous, monsieur le gouverneur et madame Rogers. Je suis convaincu que vous êtes très engagés dans la réduction des taux d’intérêt et des taux d’inflation. Jusqu’à ce jour, vous connaissez un bon succès et je vous en félicite. Les États-Unis ont annoncé que leur taux d’inflation continue d’augmenter, car il est influencé par les élections qui approchent.

Est-ce que ce qui se passe dans les marchés internationaux peut influencer négativement nos résultats et notre engagement à réduire les taux d’intérêt?

M. Macklem : Pouvez-vous répéter la dernière partie de votre question?

Le sénateur Massicotte : Est-ce que le fait que les taux d’intérêt continuent d’augmenter dans d’autres pays peut influencer nos propres taux d’intérêt et causer de mauvaises surprises?

M. Macklem : On verra demain ce que fera la Réserve fédérale américaine. Nous sommes conscients que presque toutes les banques centrales haussent leurs taux d’intérêt. L’Amérique du Nord est un peu en avance sur l’Europe, où les taux d’intérêt montent vite, mais sont encore plus bas.

Si tous les pays resserrent leurs taux d’intérêt en même temps, il y a un risque d’entraînement plus fort que si c’est seulement le Canada ou les États-Unis qui le font. C’est quelque chose que nous considérons lorsque nous faisons notre analyse. Les gouverneurs se rencontrent environ tous les deux mois dans différents forums, lors des réunions du FMI, du G7 et du G20, et il y a beaucoup de discussions au sujet de la récession et d’une reprise synchronisée. C’est très utile de comparer ce qui se passe dans les autres pays.

L’autre élément, c’est le fait que si tous les pays resserrent leur politique monétaire, le Canada aura moins à faire que s’il était seul à la réduire. Ce qui aiderait le Canada, c’est que les autres pays, surtout les États-Unis, contrôlent l’inflation, ce qui amènerait une diminution de l’inflation au Canada. Oui, il y a des risques. Nous avons déjà pu observer certains problèmes dans des marchés très spécifiques, surtout au Royaume-Uni, au cours des dernières semaines. Donc, s’il y a des erreurs, les marchés peuvent en ressentir les effets plus rapidement. À ce point-ci, les effets du resserrement monétaire international sur les conditions financières sont assez normaux. On ne constate pas de graves problèmes.

Le sénateur Massicotte : La dernière fois que nous nous sommes rencontrés, nous avons discuté du modèle existant et du fait qu’il existe toutes sortes de modèles. Nous avons parlé des taux d’intérêt et de la valeur des propriétés. Il y a quand même eu une diminution importante de la valeur des propriétés que l’on prévoyait déjà il y a deux ans. Je présume que la valeur des propriétés va continuer à diminuer. Que dit le modèle à cet égard?

M. Macklem : Nous avons surtout des modèles macroéconomiques. Donc, nous n’avons pas de prévisions précises pour tous les secteurs d’activité. Pour ce qui est du logement, depuis le début de la pandémie, le prix des maisons a augmenté de 50 %, et aujourd’hui, il a diminué d’environ 10 %. Même si de nouvelles hausses des taux d’intérêt sont prévues, cela n’a pas affecté le marché. Il y aura encore probablement une diminution des prix, mais nous n’avons pas de prévisions précises à ce sujet.

[Traduction]

Le sénateur Yussuff : Je remercie le gouverneur d’être venu. Je ne crois pas que ma question vous surprendra. Monsieur le gouverneur, vous avez beaucoup parlé des dangers de la spirale prix-salaires sur le plan de l’inflation; cependant, la croissance des salaires jusqu’à maintenant n’a pas suivi le rythme de l’inflation pendant cette dernière année. Vous ne nous avez pas parlé des profits record des sociétés, qui constituent environ 20 % du PIB. Pourquoi n’avez-vous pas averti le public que les prix allaient augmenter? Les Canadiens en souffrent. Tous les gens auxquels nous parlons dans la rue savent ce qui se passe. Ils vont à l’épicerie et se posent des questions vraiment fondamentales. Dans le contexte de l’équité, je n’ai rien contre le fait que vous critiquiez les travailleurs — c’est tout à fait équitable —, mais je pense que les critiques devraient circuler dans les deux sens.

M. Macklem : Je peux répondre à la première partie de votre question, et je vais demander à la première sous-gouverneure de répondre à la deuxième partie.

Je tiens à souligner que je ne critique pas les travailleurs. Nous avons besoin d’eux. Ils constituent l’épine dorsale de l’économie. Je ne critique pas les travailleurs.

Ce que j’ai dit, et qui a suscité beaucoup d’attention, c’est que les Canadiens, les travailleurs canadiens et les entreprises canadiennes ne devraient pas s’attendre à ce que l’inflation se maintienne à 7 %. Nous sommes déterminés à rétablir la stabilité des prix et nous utilisons nos outils pour abaisser ce taux d’inflation.

La spirale prix-salaires nous inquiète beaucoup, et vous comprenez probablement pourquoi. L’inflation est à 6,9 ou 7 %. Elle est élevée depuis un certain temps, et plus elle se maintient à ce niveau, plus les gens prévoiront une hausse de l’inflation. Comme je l’ai dit tout à l’heure, la concurrence ne fonctionne plus. Il est plus facile pour les entreprises de refiler les pertes en élevant leurs prix.

Une spirale prix-salaires fait grimper le taux d’inflation. Dans une conjoncture économique de demande excédentaire, les entreprises ont de la difficulté à attirer des travailleurs. Ils augmentent les salaires, ce qui augmente leurs coûts qui, à leur tour, se répercutent et font grimper le taux d’inflation. Si l’économie se maintient en demande, les salaires augmentent davantage, et l’on se retrouve dans cette situation — et c’est une façon de la désarrimer. C’est essentiellement ce qui s’est produit dans les années 1970, et j’ai déjà souligné que les choses ont vraiment mal tourné à cette époque.

Je dirais que jusqu’à maintenant, l’inflation a augmenté et que les salaires ont augmenté. Je n’appellerais pas encore cela une spirale. L’inflation mesurée par l’indice de référence n’a pas encore diminué, mais elle s’est au moins stabilisée, et la croissance des salaires a augmenté en s’élargissant, mais elle a cessé de réellement augmenter. Pour le moment, ce n’est pas une spirale.

Je crois cependant que nous avons perçu des signes de danger pour l’économie — et c’est là que je vais céder la parole à la première sous-gouverneure Rogers. Les signes de danger que nous avons observés sont les suivants : les entreprises ont très rapidement refilé leurs coûts plus élevés aux consommateurs, et en s’habituant à un taux d’inflation élevé, les consommateurs les acceptent. Par conséquent, en augmentant leurs prix, les entreprises ne se soucient plus de ce que feront leurs concurrents. Nous devons rétablir une situation où les entreprises craignent de perdre leurs clients si elles augmentent leurs prix. Dans une économie à demande excédentaire, les entreprises qui sont en mesure de livrer le produit trouvent plus facile de répercuter les prix. Nous avons examiné les marges de profits, et je vais maintenant demander à la première sous-gouverneure de dire quelques mots à ce sujet.

Mme Rogers : Votre question est très importante. De notre côté, nous pouvons vous répondre que nous avons constaté que les marges de profit des entreprises sont restées assez stables. Il y a des exceptions, bien sûr, mais, dans l’ensemble, elles sont demeurées stables. Cela nous indique que les entreprises refilent l’augmentation des coûts de leurs intrants à leurs clients. Les clients font les frais de toutes les augmentations de coûts que subissent les entreprises.

Comme le gouverneur l’a dit, cela se produit dans une économie de demande excédentaire où il n’y a plus de force concurrentielle. Les entreprises peuvent simplement refiler leurs coûts.

Heureusement, nous avons aussi constaté que certains facteurs de l’augmentation du coût des intrants — comme les frais de transport, et pour l’épicerie, le coût des marchandises — ont diminué récemment. Il faut donc que nous veillions à ce qu’ils soient retransmis de façon égale. Ces coûts devraient diminuer. Cela améliorera la situation.

Je tiens aussi à parler du sentiment d’injustice que les gens ressentent. Ils pensent que la hausse de l’inflation signifie que quelqu’un gagne et que quelqu’un perd. Ils ont l’impression d’être traités injustement. Ce sentiment est l’un des effets néfastes de l’inflation et l’une des raisons pour lesquelles il est urgent de revenir à notre taux d’inflation cible.

Le sénateur Yussuff : Même si l’économie s’est portée relativement bien, beaucoup de gens qui se trouvent au bas de l’échelle éprouvent des difficultés depuis très longtemps. Pour la première fois, nous constatons une certaine concurrence qui pousse les salaires à la hausse. Je crois que dans le cadre de ses politiques, la banque doit aider ces gens à trouver une place égale dans l’économie. La banque doit agir judicieusement afin de ne pas forcer ces gens à retourner aux taux salariaux stagnants qu’ils endurent depuis des décennies. Ils n’ont même pas la capacité d’accéder à d’autres emplois qui leur donneraient une meilleure base pour améliorer leurs normes de revenu.

Je ne voudrais surtout pas que les gens qui ont enfin fait des gains dans l’économie ne soient pénalisés et relégués en marge de la société. Reconnaissez que si vous n’agissez pas judicieusement, vous reproduirez ces circonstances. Pour certains segments de la société, l’inflation ne cause pas de problème. Les gens qui gagnent 200 000 $ par année n’y voient aucun problème. Les gens qui vivent d’un chèque de paie à l’autre, qui doivent composer avec des augmentations de loyer et de tant d’autres nécessités, vivent la réalité la plus dure à l’heure actuelle. Comment peuvent-ils survivre? Ces gens souffrent beaucoup à l’heure actuelle.

La banque doit mitiger ces critiques. Certaines gens s’en tirent très bien, et certaines des entreprises — je n’invente rien, je pense que les marges de profit sont beaucoup trop élevées. Nous vivons dans une société de libre marché, mais les circonstances actuelles sont absolument injustes pour les gens qui en font les frais.

M. Macklem : Je vous dirai que nous partageons vos préoccupations. Nous reconnaissons que, malheureusement, les effets de l’inflation sont très inégaux. Les Canadiens à faible revenu sont touchés de façon disproportionnée par ce taux d’inflation élevé. Les nécessités de la vie des personnes à faible revenu représentent une part beaucoup plus importante de leur budget, et il est impossible de réduire les nécessités de la vie. Même les Canadiens à faible revenu qui ont la possibilité de faire des achats à moindre coût sont déjà des acheteurs très prudents, ils recherchent déjà les produits les moins chers. Il leur est plus difficile de faire d’autres achats. Nous reconnaissons tout à fait que l’inflation touche de façon disproportionnée les Canadiens à faible revenu.

Malheureusement, il n’est pas facile de rétablir la stabilité des prix. La demande sur le marché du travail est en surchauffe, et pour revenir à votre question, sénateur Loffreda, il nous faudra une période de faible croissance. Nous prévoyons une croissance nulle au cours de ces trois prochains trimestres. Il faut que l’offre reprenne la place qui lui revient. Nous devons rétablir l’équilibre sur le marché du travail. Nous sommes conscients que, malheureusement, cela pourra nuire aux travailleurs les plus vulnérables. La transition sera difficile pour certains, mais il n’y a vraiment pas d’autre solution. Nous devons traverser cette période pour réduire la pression sur les prix et faire baisser l’inflation afin de revenir à une croissance durable avec un faible taux d’inflation.

La présidente : Merci, monsieur le gouverneur.

La sénatrice Marshall : Merci d’être venus ce soir. Je m’intéresse en fait aux états financiers de la banque et à leur incidence sur les résultats financiers du gouvernement.

Je regardais vos états financiers trimestriels de la fin de juin, et j’ai lu quelque part dans les médias que vous vous attendiez à constater des pertes au cours de ces prochaines années. En examinant les états financiers trimestriels, j’ai remarqué une différence frappante entre ces charges d’intérêts et celles de l’an dernier.

J’ai vu que vous prévoyez qu’elles s’élèveront à 4 ou 5 milliards de dollars au cours de ces deux prochaines années. Est-ce encore le bon chiffre? À mesure que vous augmenterez les taux, vos dépenses augmenteront. Ce montant de 4 ou 5 milliards de dollars est-il encore valide? Comment évoluera-t-il? Je voudrais le savoir. Le gouvernement va-t-il vous donner cet argent? Ces frais sont-ils prévus dans l’entente d’indemnisation? Je pense que nous finirons par le voir dans le bilan du gouvernement de toute façon, mais j’aimerais savoir comment la banque va traiter ces charges.

M. Macklem : Vos questions sont excellentes, et je vais demander à l’experte-comptable d’y répondre.

Mme Rogers : Sénatrice Marshall, vous vous intéressez toujours à notre bilan. Entre nous, qui sommes comptables, je vous dirai que ce n’est pas un bilan classique et qu’il n’est pas facile à comprendre.

Au cours de ces deux dernières années, notre bilan a augmenté considérablement. Nous avons plus d’actifs que d’habitude. Comme ces actifs portent intérêt, ils produisent un certain revenu. Notre bilan contient également des passifs qui sont variables, de sorte que les pertes que nous subissons actuellement sont ce que nous appelons des « risques de taux d’intérêt ». Alors, oui, il y a un manque de concordance.

La loi qui régit la banque ne lui permet pas de conserver une partie de ses revenus. Nous ne pouvons donc pas accumuler une réserve pour gérer les pertes, comme cela devrait être le cas en situation normale. En temps normal, le gouvernement récupérerait environ un milliard de dollars chaque année. Ces deux ou trois dernières années, notre bilan a augmenté, car il contenait plus d’actifs. Nous avons versé un excédent de 2,5 milliards de dollars au cours de ces deux ou trois dernières années, soit près de 10 milliards de dollars au cours de ces dernières années.

Ces trois prochaines années, pendant une période très brève, nous subirons des pertes d’exploitation en raison de ce manque de concordance. Vous avez posé une question précise au sujet de l’indemnisation...

La sénatrice Marshall : Les ententes d’indemnisation couvrent-elles ces 4, 5 ou 6 milliards de dollars?

Mme Rogers : Non. L’indemnisation que nous avons maintenant et que vous voyez sur notre solde couvre les pertes à la valeur du marché. Les pertes d’exploitation découlant de ce manque de concordance ne sont pas couvertes par cette indemnisation. La Banque du Canada n’est pas la seule à faire face à ce problème. D’autres banques centrales — comme le gouverneur a indiqué en parlant de la plupart des pays développés — ont pris des mesures d’assouplissement quantitatif face à la pandémie. La plupart des banques centrales traitent ces pertes. Elles les règlent de différentes façons. Dans certains cas, leur gouvernement leur accorde une indemnisation qui couvre les pertes d’exploitation. C’est une façon de faire.

La sénatrice Marshall : J’ai vu cela.

Mme Rogers : Aux États-Unis, la Réserve fédérale utilise les principes comptables généralement reconnus dans ce pays. Elle transforme les pertes d’exploitation en actifs reportés, puis elle les réduit au fil du temps avec les recettes. D’autres banques centrales conservent leurs bénéfices, ce qui leur permet de compenser les pertes. Il y a différentes façons de résoudre ce problème. En fin de compte, la décision relève du gouvernement.

La sénatrice Marshall : S’est-il engagé à vous envoyer un chèque? Ou allez-vous simplement assumer ces pertes en sachant qu’elles se compenseront au fil du temps? J’essaie de comprendre comment cela influera sur les résultats financiers du gouvernement. S’il ne vous donne pas l’argent pour ces pertes, il les consolidera.

Mme Rogers : Oui. À l’heure actuelle, il évalue ses différentes options. Il examine ce qu’ont fait les autres banques centrales.

La sénatrice Marshall : La somme de 33 ou 35 milliards de dollars qui figure dans le bilan et qui est couverte par l’entente d’indemnisation va aussi augmenter à mesure que les taux augmenteront — vous avez dit que les taux vont encore augmenter —, n’est-ce pas?

Mme Rogers : Oui. C’est une valeur marchande.

M. Macklem : Le bilan est à la baisse, alors cette somme diminuera. Si les taux augmentent, elle augmentera. C’est un effet compensatoire. À mesure que les taux ont augmenté, cette somme a augmenté.

La sénatrice Marshall : Vous les laisserez décroître. Vous n’allez pas les vendre.

M. Macklem : C’est notre intention.

Le sénateur Smith : Bienvenue une fois de plus, monsieur le gouverneur et madame la sous-gouverneure. J’aimerais revenir aux défauts de paiement hypothécaire dont parlait le sénateur Massicotte. Le Bureau du surintendant des institutions financières a sonné l’alarme au sujet des défauts de paiement hypothécaire et a conseillé aux banques et aux prêteurs d’être prêts à faire face aux conséquences.

Quel type de système envisagez-vous d’établir pour faire face à cette augmentation des défauts de paiement hypothécaire? Surveillez-vous cela? Avez-vous constaté des cas très particuliers? À votre avis, où cela va-t-il nous mener et quelles répercussions cela aura-t-il? En fin de compte, si la situation devient trop grave, la Société canadienne d’hypothèques et de logement, la SCHL, est le filet de sécurité de la banque centrale. Que pensez-vous de cela? Dans quelle mesure êtes-vous inquiet, et avez-vous des commentaires sur la façon de gérer cette crise?

M. Macklem : Je vais demander à la sous-gouverneure de répondre à cela.

Le sénateur Smith : Oui, je vous ai vu lui lancer un coup d’œil.

Mme Rogers : Une petite précision : la SCHL protège les prêts hypothécaires détenus par les banques commerciales.

C’est une bonne question. Nous sommes tout à fait conscients du fait que les augmentations des taux d’intérêt se répercutent en particulier, dès le départ, sur le marché de l’habitation et sur les paiements hypothécaires des gens.

Jusqu’à tout récemment, la plupart des prêts hypothécaires au Canada étaient des prêts à taux fixe. Pendant une période, l’année dernière, nous avons vu plus de prêts hypothécaires à taux variable. La plupart des banques commerciales nous ont dit que bon nombre de ces prêts ont depuis été convertis en prêts à taux fixe. À l’heure actuelle, les prêts hypothécaires de nombreux Canadiens sont immobilisés.

D’après les banques et les données que nous recueillons, nous ne constatons pas de hausse des défauts de paiement, mais nous sommes conscients qu’il y a des retards. Le défaut de paiement est un indicateur tardif, tout bon organisme de réglementation bancaire vous le dira.

Les banques communiquent activement avec leurs emprunteurs — c’est l’autre chose qu’elles nous disent — pour collaborer avec eux. Il n’est pas dans l’intérêt d’une banque que les emprunteurs se retrouvent en défaut de paiement, alors je pense qu’elles suivent activement les emprunteurs qui ressentent du stress à cause de l’augmentation des taux.

Le Bureau du surintendant s’en charge activement, c’est sa responsabilité. Il avertit les banques de faire attention. Il vous dirait comme nous que nous soumettons régulièrement nos banques à des tests de tension pendant les graves ralentissements économiques, et elles réussissent à les traverser. Nos banques sont très bien capitalisées, même en cas d’événements stressants.

Si vous ne parlez que des banques, je pense que tout ira bien.

Nous nous concentrons, tout comme les banques, à veiller à ce que leurs emprunteurs résistent à la hausse des taux d’intérêt.

La présidente : À ce sujet, un témoin de la Banque de Montréal, M. Kavcic, nous a dit — en répondant à une question de la sénatrice Marshall, si je me souviens bien — que, comparativement aux années 1980 où les taux d’intérêt gravitaient entre 18 et 20 %, la situation semble beaucoup plus facile à gérer. Il a ajouté qu’elle n’est pas plus facile à gérer, parce que ce qui compte est le niveau et le changement de la croissance économique. Nous ne pouvons pas nous contenter de traverser cette crise à court terme. Selon lui, la situation est tout aussi grave qu’elle l’était à l’époque.

Êtes-vous d’accord avec lui?

Mme Rogers : Il y a deux façons de voir les choses. Je crois que votre question, sénateur Smith, portait sur la capacité des banques de résister à cette situation.

Par rapport aux ralentissements antérieurs, les banques sont maintenant mieux capitalisées. Elles sont plus prudentes.

Votre question, sénatrice Wallin, portait davantage sur l’effet global que cela aura sur l’économie.

Un de mes collègues qui a témoigné ici, ou peut-être à la Chambre, a soulevé un point très valable. Il a souligné que les Canadiens paient leurs prêts hypothécaires. Au niveau macroéconomique, nous nous inquiétons du fait qu’ils ne paient plus rien d’autre, ce qui ralentit l’économie. Il est certain que leur prêt hypothécaire draine une plus grande partie du revenu des gens, ce qui pèse sur l’économie, mais nous en avons tenu compte dans nos prévisions. C’est le ralentissement de la demande qui a causé cette hausse des taux d’intérêt dont nous avons besoin pour rétablir l’équilibre économique.

La plupart d’entre nous empruntent pour acheter une maison, alors elles sont toujours les premières touchées par les hausses des taux d’intérêt. C’est un résultat prévu. Cela cause du stress à certains emprunteurs, nous le comprenons tout à fait.

La présidente : Oui. Il disait lui aussi que les banques ne s’inquiètent pas, parce que les Canadiens font preuve d’une grande diligence en payant le prêt hypothécaire de leur maison.

Le sénateur Woo : Merci d’être venus, monsieur le gouverneur et madame la sous-gouverneure. Le Canada est une économie ouverte et fortement tributaire du commerce qui se tourne vers les marchés mondiaux pour obtenir des intrants de toutes sortes, essentiellement en fonction de critères d’efficacité. Mais notre gouvernement semble nous entraîner dans une direction différente en préparant l’avenir de nos relations commerciales. Nous avons entendu des ministres de premier plan parler de relocalisation, de relations limitées aux pays amis et même de découplage.

Quel effet cette approche beaucoup plus limitée du commerce international aura-t-elle sur l’inflation? Il faut s’attendre à ce que les coûts augmentent. Si vous convenez qu’elle aura des répercussions sur l’inflation, pouvez-vous nous donner une idée de l’ampleur et de la durée de cette façon différente d’interagir sur les marchés internationaux?

M. Macklem : Je pense qu’il s’agit plutôt de spéculation que de prévision.

Je vous dirai deux choses. Nous en avons tenu compte dans notre récent Rapport sur la politique monétaire. Au début de la pandémie, les chaînes d’approvisionnement étaient très perturbées. Nous ne nous attendions pas à ce que cela dure deux ans; nous pensions qu’elles reviendraient à la normale. Cependant, plus les perturbations durent longtemps, plus ces problèmes d’approvisionnement deviennent omniprésents pour les entreprises. Quoi que fassent les gouvernements, les entreprises changent de comportement. Elles cherchent à simplifier leurs chaînes d’approvisionnement, à les diversifier et à les normaliser. Elles accumulent du stock « au cas où » au lieu de « juste-à-temps ».

Cela aura des répercussions. Le système sera plus résilient, mais moins efficace, donc plus coûteux. Cela produira une structure permanente de coûts plus élevés. Il est certain que, pendant un certain temps, cela pourrait avoir des conséquences inflationnistes. Essentiellement, l’offre ne sera pas aussi élastique qu’elle l’était, de sorte que si nous nous adaptons à cette structure de coûts plus élevés pendant une certaine période, cela créera des pressions inflationnistes.

N’oubliez pas que l’inflation est une augmentation constante des prix. Une fois que l’on effectue l’ajustement, il n’y a plus d’inflation, mais les prix restent plus élevés.

Nous avons quelque peu changé d’avis. Nous pensions que la situation allait revenir à la normale, mais plus elle durait, plus nous en sommes venus à penser que ses effets allaient être permanents.

Pour en revenir aux gouvernements, la situation géopolitique mondiale s’est considérablement compliquée. Nous entendons dire que quoi que fassent les gouvernements, les entreprises qui font des affaires dans des pays dont l’avenir géopolitique est hasardeux cessent d’investir dans ces relations commerciales et qu’elles préfèrent s’en retirer.

Vous avez tout à fait raison, le Canada est un pays commerçant. Notre principal partenaire commercial est, bien sûr, les États-Unis. Nous devons tenir compte du fait que nous avons un accès commercial très privilégié dans le monde; nous avons l’un des meilleurs accès commerciaux au monde, et vous le savez bien, c’est un énorme avantage. Cependant, notre commerce est très concentré. J’ai déjà comparu devant votre comité à d’autres occasions pour souligner que nous devons diversifier nos échanges commerciaux. Cela semble plus difficile maintenant. Par conséquent, si nous ne pouvons plus le faire, nous pourrons peut-être approfondir nos relations commerciales avec nos plus grands partenaires commerciaux et profiter le plus possible de la mondialisation.

Le monde change. Les entreprises réagissent, et les gouvernements doivent trouver la meilleure façon de procéder.

Le sénateur Woo : C’est exact. Vos modèles auraient raison de prédire un certain retour aux modèles antérieurs de la chaîne d’approvisionnement, quoique légèrement modifiés, parce que les entreprises modifient leur comportement en fonction des circonstances.

Cependant, il ne semble pas que le gouvernement suive le secteur privé. Il s’efforce en fait d’amener le secteur privé à choisir consciemment ses marchés en se fondant sur certains critères — je ne sais pas quels termes le gouvernement utilise pour cela — comme le niveau démocratique, autocratique, amical, des différentes nations.

À mon avis, cela réduit considérablement les options des entreprises, même de celles qui cherchent déjà à optimiser leurs chaînes d’approvisionnement. Elles se tournent vers une deuxième source, et c’est tout à fait logique. Mais si cette deuxième source se trouve dans un pays qui ne figure pas dans la liste des amis, leurs coûts augmenteront encore plus que si elles n’avaient agi que de manière prudente.

M. Macklem : Ces décisions relèvent des gouvernements et des parlementaires. Je vais les laisser décider.

Il est évident que cela aura des conséquences. Cela haussera les coûts, alors il faudra choisir la meilleure façon de procéder. À mon avis, il est possible, même à l’intérieur de notre pays, de réduire les coûts du commerce. Nous pourrions réduire les obstacles au commerce interprovincial. Nous pourrions accroître et réduire les coûts du commerce même à l’intérieur du Canada. C’est tout à fait de notre ressort. Nous pourrions peut-être le faire avec certains de nos plus importants partenaires commerciaux, qui sont de grandes démocraties amies.

Le sénateur C. Deacon : Merci encore, monsieur le gouverneur et madame la sous-gouverneure.

Notre économie est oligopolistique. De plus, votre rapport d’octobre souligne que, selon l’indice de référence, l’inflation persiste. Toutefois, dans certaines régions, une grande partie des coûts des intrants de base ont commencé à diminuer. Même les coûts des denrées agricoles ont baissé. Le Bureau de la concurrence vient de lancer une étude sur les prix des produits d’épicerie, et pendant la pandémie, les profits des banques ont augmenté à un taux six fois plus élevé que le taux de l’inflation.

Les taux d’intérêt sont des instruments mal affûtés dont les répercussions se font sentir 12 à 18 mois plus tard. Ils ont un effet négatif sur la vie des gens lorsqu’ils sont à la hausse et un effet positif quand ils baissent.

Ne pensez-vous pas qu’une stimulation de la concurrence nous faciliterait le travail en abaissant les prix plus rapidement pendant ces périodes d’inflation?

Mme Rogers : Tout à fait. Cela nous ramène aux observations précédentes. Dans un contexte de forte inflation et de demande excédentaire, les forces de la concurrence ne fonctionnent pas bien, car les entreprises refilent à leurs clients la hausse des prix des intrants.

Le Bureau de la concurrence est très bien placé pour étudier cela. Pour aider à régler cette situation, la Banque du Canada peut faire baisser la demande, rééquilibrer l’économie et ramener l’inflation à la cible. Alors seulement les entreprises sentiront à nouveau la pression de la concurrence et devront baisser leurs prix pour les consommateurs.

Le sénateur C. Deacon : Avez-vous remarqué des domaines sectoriels où les forces concurrentielles réagiront plus rapidement à une stimulation de la concurrence? Avez-vous analysé cette situation à l’échelle mondiale? Cela faciliterait votre travail si vous pouviez compter sur cela pour accélérer votre intervention.

M. Macklem : Je dirais que nous avons fait des recherches sur la façon dont les prix se comportent dans différents régimes. Lorsque l’inflation est élevée, surtout avec une demande excédentaire, comme nous l’avons dit, le comportement des entreprises change. Elles haussent leurs prix plus rapidement. Elles refilent tout de suite l’augmentation des coûts aux consommateurs.

C’est en fait le problème fondamental de l’inflation. Dans notre économie de marché, les prix sont des indices, mais l’inflation brouille ces signaux. Normalement, en voyant que le prix d’un produit a augmenté dans un magasin, les gens vont voir si un autre magasin offre un meilleur prix. Mais si tous les prix augmentent, ils les acceptent. Cela rend la tâche des entreprises encore plus facile.

Nous avons constaté ce phénomène dans différents pays et à différentes périodes. Le Bureau de la concurrence a posé de bonnes questions. Nous avons hâte de voir les résultats.

À mon avis, la Banque du Canada peut y contribuer en s’efforçant d’équilibrer la demande et l’offre, de faire baisser le taux d’inflation et de rétablir le rôle de la concurrence dans l’économie. Nous voulons que les entreprises remarquent que si elles augmentent leurs prix, elles perdront des clients. Nous devons rétablir cette façon de penser.

Le sénateur C. Deacon : À long terme, la stimulation de la concurrence vous aidera considérablement. Merci beaucoup.

La présidente : Nous avons plusieurs personnes à la liste du deuxième tour, et le temps file. Je vais donc accorder environ une minute pour les questions et les réponses. Sénateur Gignac, à vous la parole.

Le sénateur Gignac : Je vais poursuivre la discussion intéressante que vous avez entamée avec notre collègue, le sénateur Yussuff. Les entreprises se taillent des marges de profit plus élevées que jamais et refilent leurs coûts, notamment l’augmentation des salaires, aux consommateurs. Je me souviens de la fin des années 1970. Le taux d’intérêt devait dépasser celui de l’inflation. Ce fut en fin de compte la seule façon de lutter contre l’inflation.

Donc quand les gouvernements provinciaux vont envoyer plus d’argent aux contribuables — ce qui sera le cas au Québec et même au fédéral —, ils contribueront à stimuler la demande. Dans le contexte que vous avez vous-même mentionné, jusqu’à maintenant, l’indice des prix à la consommation est lié à l’énergie, alors ce n’est pas...

La présidente : Veuillez poser votre question.

Le sénateur Gignac : Pourquoi avez-vous surpris le marché en augmentant seulement de 50 points de base et non de 70 points? Nous ne savons pas ce que fera la Réserve fédérale américaine, mais vous avez parié que la majeure partie de ce travail était terminée. Toutefois, nous en sommes encore très loin. À l’heure actuelle, les taux d’intérêt réels négatifs sont encore extrêmement élevés.

M. Macklem : Nous avons encore des taux d’intérêt réels négatifs, mais à court terme. Au fil du temps, les anticipations inflationnistes diminueront. Nous avons donc des taux d’intérêt réels positifs à l’horizon des emprunts que font la plupart des gens. En fonction des attentes, oui, mais c’est ainsi qu’on les mesure.

Pourquoi en avons-nous choisi d’augmenter de 50 points? Eh bien, tout d’abord, je dirais qu’une augmentation de 50 points de base est plus élevée que ce que l’on fait habituellement. C’est un pas de géant. D’habitude, nous augmentons les taux de 25 points de base. Nous estimions que nous devions faire ce pas de géant pour les raisons dont nous venons de discuter. L’inflation est trop élevée, elle est généralisée, nous faisons face à un excès de la demande. En réalité, la demande ralentit, mais elle est encore excédentaire. Elle dépasse encore l’offre, ce qui fait hausser les prix. À l’heure actuelle, les anticipations inflationnistes à court terme sont élevées, et plus cela durera, plus cela se répercutera sur les anticipations inflationnistes à long terme. Donc pour toutes ces raisons, nous avons jugé approprié de prendre une mesure plus stricte que la normale.

Mais pour répondre à votre question, nous avons choisi d’augmenter le taux de 50 points et non de 75 parce que l’économie commence à ralentir. En juillet, nous avons augmenté de 100 points; en septembre, nous avons augmenté de 50 points. Au moment de prendre cette décision, les taux d’intérêt étaient déjà beaucoup plus élevés, et nous commencions à en voir les effets.

Le sénateur Gignac : Je suppose que vous ne pensez pas que nous risquons de nous retrouver dans la situation des années 1970.

M. Macklem : Oui, nous courons ce risque, et c’est l’une des raisons importantes pour lesquelles nous avons augmenté les taux très rapidement. Nous commençons à voir des résultats. Nous avons maintenant augmenté rapidement les taux, car nous pensions qu’il serait judicieux de les augmenter de 100, 50 et 50 points. Quant à ce que nous ferons à l’avenir, eh bien, nous avons dit qu’il serait nécessaire de hausser les taux d’intérêt. Nous avons peut-être pris des mesures plus strictes que d’habitude, mais nous avons encore beaucoup à faire.

La présidente : Si vous avez une question, posez-la très brièvement afin de laisser plus de temps au gouverneur pour y répondre.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Ma question a trait à un petit paragraphe que vous avez ajouté dans l’entente et qui m’a plu, mais j’ai l’impression qu’il manque quelque chose; c’est à la toute fin :

[...] étant conscients des limites de la politique monétaire, le gouvernement et la Banque reconnaissent aussi leur responsabilité commune dans l’atteinte de la cible d’inflation et la promotion du niveau d’emploi durable maximum.

C’est le dernier paragraphe à la dernière page, la page 3. Je trouvais cela intéressant, mais il me semblait qu’il manquait un petit quelque chose du genre : « et c’est ainsi que la Banque et le gouvernement vont décider de collaborer d’une manière durable dans l’atteinte de ces cibles ».

M. Macklem : Un des aspects importants de notre régime, ici au Canada, c’est qu’il s’agit d’une déclaration commune du gouvernement du Canada et de la Banque du Canada. Ce n’est pas le cas dans tous les pays. Dans certains pays, c’est la banque centrale qui fait ce genre de déclaration. Ici au Canada, c’est une déclaration commune. À mon avis, cela ajoute de la crédibilité au mandat, parce que cela donne une légitimité aux élus. Cette dernière phrase reflète le fait qu’il s’agit d’une responsabilité partagée.

En ce qui a trait au degré de collaboration entre le gouvernement et la Banque du Canada, dans nos lois, c’est très clair que le ministère des Finances et le gouverneur de la Banque du Canada doivent se parler régulièrement. Je peux vous dire que c’est le cas. On partage les perspectives. De plus, les employés de la banque et ceux du ministère des Finances partagent leurs recherches sur les prévisions et les enjeux domestiques; je pense que c’est une bonne chose. Nous travaillons tous pour les Canadiens. Comme l’indépendance de la banque présuppose que l’on doit faire cette déclaration commune tous les cinq ans, entre ces périodes de cinq ans, la banque a une indépendance opérationnelle qui lui permet de prendre des décisions conformément à son mandat.

Donc, ils ne nous disent pas ce que nous devrions faire et nous ne leur disons pas quoi faire.

[Traduction]

Le sénateur Loffreda : Nous avons parlé du marché immobilier. Pour continuer sur ce sujet, ce secteur préoccupe le Canada depuis près de 20 ans, depuis les années qui ont précédé la crise financière de 2008. Je suis d’accord avec vous, les banques canadiennes sont solides. La dernière chose que les Canadiens cessent de payer, c’est leur prêt hypothécaire. L’avant-dernière chose qu’ils cessent de payer, c’est leur prêt automobile. Alors quand nous voyons des paiements de prêts automobiles en souffrance, nous commençons à nous inquiéter. Nous surveillons les deux depuis des années.

J’aimerais savoir ce que vous pensez de l’immobilier commercial. Je vous pose cette question, parce que j’ai lu un article publié dans Forbes en septembre 2022 sur l’apocalypse de l’immobilier commercial et sur l’effet qu’il a sur l’économie après la pandémie et la hausse des taux d’intérêt.

Pensez-vous que la hausse des taux d’intérêt devrait nous inquiéter? Je lisais qu’aux États-Unis, elle a créé près de 10 millions d’emplois ou, plus exactement, 9,2 millions. Au Canada, nous n’avons vu qu’un dixième de cela. Nous avons un million de postes vacants et un million de chômeurs. L’augmentation des taux d’intérêt crée des emplois. J’aimerais savoir ce que vous pensez de cela et de l’effet qu’a l’augmentation des taux d’intérêt. Êtes-vous préoccupé par ce que vous voyez dans l’immobilier commercial?

Et rapidement, si je regarde votre rapport sur la politique monétaire d’octobre 2022 et que j’examine les taux d’inflation des économies du G20, nous sommes au milieu du peloton. Pouvons-nous tirer des leçons des pays qui ont un meilleur rendement? S’agit-il uniquement de facteurs mondiaux? Je regarde certains des pays où l’inflation est beaucoup plus élevée, comme l’Union européenne et l’Allemagne, et où l’énergie est un facteur très important. Je ne veux pas mentionner tous ceux qui ont un bon rendement, mais la France et l’Australie ont un meilleur rendement que nous. Pouvons-nous tirer des leçons de ces expériences? Pensez-vous au contraire que l’inflation est plus mondiale que nationale, qu’il n’y a rien à faire de ce côté-là et que nous n’avons aucune leçon à en tirer?

M. Macklem : Je vais peut-être répondre à la deuxième partie de votre question et demander à la première sous-gouverneure Rogers de parler de l’immobilier commercial.

Vous dites que nous nous situons au milieu du peloton. À mon avis, nous sommes dans la meilleure moitié du peloton.

Le sénateur Loffreda : Nous sommes au 9e rang sur 20, mais en effet, vous avez raison.

M. Macklem : Si vous regardez les chiffres publiés aujourd’hui, la plupart des taux d’inflation européens viennent d’augmenter. En fait, celui des Pays-Bas est à 17,1, celui de l’Italie à 12,8, celui de l’Allemagne à 10,9 et celui de la France à 7,1.

Les prix du gaz naturel ont beaucoup augmenté. Les marchés du gaz naturel ne sont pas aussi étroitement reliés que les marchés mondiaux du pétrole, parce que le gaz naturel est difficile à transporter. On peut le liquéfier pour le transporter, mais il n’y a pas assez de capacité pour égaliser les prix. Les pays d’Europe souffrent de la hausse des prix de l’énergie, alors leurs taux d’inflation sont plus élevés.

Ce que nous pouvons retenir de cette expérience est le fait que nous avons tous traversé cette période de pandémie, que nous avons tous fait face à une très grave récession et que nous avons tous subi de fortes pressions à la baisse sur l’inflation. La plupart des pays ont eu une reprise très rapide, et maintenant, nous faisons face à l’autre aspect de la situation.

Certaines régions souffrent plus que d’autres. Dans le cas de la politique monétaire, nous avons été parmi les premiers à mettre fin à l’assouplissement quantitatif. Nous avons été parmi les premiers à réduire notre bilan. Nous avons subi l’une des augmentations les plus rapides des taux d’intérêt, et je pense que nous sommes au moins dans la moitié supérieure de cette répartition. Je pense que ces choses sont reliées.

Je pense également que le Canada jouit de certains avantages qui, à mon avis, rendront le ralentissement moins grave chez nous que dans d’autres pays. Nous prévoyons que l’Europe subira une récession à cause des effets catastrophiques de la guerre sur les prix de l’énergie et à cause de l’incertitude qu’elle crée. La perturbation de la chaîne d’approvisionnement est beaucoup plus profonde en Europe qu’en Amérique du Nord. Nous avons la chance d’être plus éloignés de cette guerre.

Nous avons aussi l’avantage de produire de nombreuses denrées qui sont en pénurie. Nous exportons du pétrole, du gaz naturel, du blé et de la potasse. Les prix de ces produits sont élevés. De nombreux pays, surtout en Europe, sont de gros importateurs de ces produits. Ils subissent ce que nous appelons un bouleversement négatif des termes de l’échange. Autrement dit, les produits qu’ils achètent sont maintenant plus chers. Pour nous, c’est le contraire. Les produits que nous vendons dans le monde valent maintenant plus cher, ce qui augmente les revenus de notre économie.

Nous prévoyons donc un ralentissement très important au Canada avec une croissance proche de zéro pour les trois prochains trimestres, mais grâce à ces avantages, ce ralentissement ne nous touchera pas aussi gravement.

Mme Rogers : Comme le gouverneur l’a déjà dit, nous modélisons beaucoup de choses, mais pas les prix de l’immobilier.

J’aimerais situer cela dans deux perspectives. L’immobilier en général, c’est-à-dire tout ce qu’on achète en empruntant, est l’un des premiers secteurs touchés par une hausse des taux d’intérêt. Il n’y a pas que l’immobilier résidentiel qui est touché par la hausse des taux d’intérêt; l’immobilier commercial l’est également.

L’autre chose que j’aimerais dire, c’est que les tests de tension auxquels nous avons soumis la banque ne révèlent pas que notre problème d’immobilier commercial est plus grave que notre problème d’immobilier résidentiel.

Le sénateur Loffreda : Nous ne parlons pas des banques, mais de l’économie. C’est strictement une question d’économie.

Mme Rogers : En début de pandémie, dirais-je, lorsque plus personne n’allait travailler, c’était un gros souci. Selon certaines prévisions, nous n’allions plus jamais remplir les tours de bureaux.

Je pense qu’il reste une certaine stabilisation à faire. Nous voyons des travailleurs rentrer au travail. Je dirais que nous avons encore du chemin à faire avant que cela finisse. Ce sont là des choses que nous surveillons.

Le sénateur Loffreda : L’article de Forbes annonçait un impact plutôt négatif sur l’économie.

M. Macklem : Ce que vous voyez, c’est du désinvestissement. Mais pour revenir à votre propos, mettons que cela est allé un peu moins vite que certains l’auraient craint. Si vous parlez aux entreprises, vous verrez que la plupart ont une sorte de modèle de travail hybride, et qu’elles essaient de voir de combien d’espace elles ont besoin et comment le reconfigurer. Elles ont réduit leur espace, mais leur calcul n’est pas terminé et elles n’ont encore rien fait de spectaculaire.

Je ne veux pas nier qu’il y a des risques. Jusqu’ici, les choses n’ont pas bougé tellement vite. De façon plus générale, dirais-je, partout dans le monde, typiquement lorsqu’il y a un problème grave, c’est une combinaison de... L’effet de levier est habituellement un point important. Il peut être très important dans ce secteur.

Il y a beaucoup de travail en cours pour localiser l’effet de levier dans le système. Les trois flambées que vous avez vues — le marché des métaux, les marchés de l’énergie européens et le marché de l’or britannique — étaient toutes étroitement liées. Les fluctuations soudaines du marché ont exclu les appels de marge élevée qui n’ont pas trouvé preneur. Cela a provoqué une pénurie de liquidités, et la Banque d’Angleterre, les marchés de l’énergie en Europe, voire les gouvernements ont dû venir à la rescousse.

Tout cela a été causé par des comportements idiosyncrasiques. Le Royaume-Uni a commis une grave bourde. En Europe, il y a les effets de la guerre, avec l’évolution rapide des prix de l’énergie. Par conséquent, nous sommes certainement — et lorsque je dis « nous », je veux dire le Conseil de stabilité financière, les banques centrales et les organismes de réglementation du monde entier —, à la recherche, dis-je, de ces poches d’influence, parce qu’il s’agit de vulnérabilités.

L’autre chose à faire, c’est reconnaître qu’on n’arrivera probablement jamais à prédire avec exactitude ce qui va mal aller, si bien que l’on veut s’assurer d’intégrer suffisamment de résilience dans le système. On a beaucoup fait pour la résilience du système, et je pense bien que ces cas précis illustrent l’importance de certains problèmes de plomberie.

Le sénateur Loffreda : Merci.

Le sénateur Massicotte : Je voudrais simplement vous ramener à l’exposé que vous avez fait plus tôt. Vous avez dit que nous allons réduire l’inflation en 2022, et que tout ira pour le mieux en 2023. En fait, vous avez exprimé l’avis, comme vous le faites encore maintenant, que nous allons avoir une longueur d’avance sur le marché pour le contrôle de l’inflation. Vous semblez dire que nous connaîtrons des jours très positifs parce que nous avons probablement une longueur d’avance sur le reste du monde en ce qui concerne le contrôle de l’inflation, et il est évident que la conjoncture sera très favorable. Parlons de 2023-2024. Que voyez-vous par rapport à cette prédiction?

M. Macklem : Pour ce qui est de la croissance, nous prévoyons une croissance voisine de zéro. Le quatrième trimestre est déjà bien parti, et nous sommes proches de zéro pour ce trimestre et la première moitié de l’an prochain. Au deuxième semestre, la croissance reprend, et elle sera d’environ 2 % en 2024. Nous arriverons à cette croissance de 2 %, et l’inflation retombera à notre cible de 2 %.

Alors oui, il faudra un certain temps pour y arriver, et nous ne vous cacherons pas que la transition sera difficile. Mais, comme vous l’avez souligné, cela nous ramène à une solide croissance, à un marché du travail en santé, à une augmentation de l’emploi et au retour à la stabilité des prix, de sorte que les Canadiens n’auront pas à s’inquiéter constamment de savoir comment ils vont payer leurs factures lorsque les prix ne cessent d’augmenter.

Le sénateur Massicotte : Merci.

Le sénateur Yussuff : Monsieur le gouverneur, je reviens à la question qu’a soulevée le sénateur Deacon. Le Bureau de la concurrence a ouvert une enquête concernant — peu importe comment on veut appeler cela —, concernant, dis-je, un oligopole ou un monopole des magasins d’alimentation et les prix qu’ils pratiquent.

Compte tenu de la réalité à laquelle nous sommes confrontés — parce que je ne pense pas qu’il agisse cavalièrement, le Bureau de la concurrence envoie un signal selon lequel, dans sa perspective, quelque chose ne semble pas correct dans le contexte de ce qui se passe dans les magasins d’alimentation. Et ce n’est pas comme si les Canadiens avaient le choix; ils n’ont pas qu’à traverser la rue pour trouver un concurrent. Compte tenu de cette réalité, et compte tenu des résultats financiers de ces entreprises, il est bien évident que leurs marges commerciales ont été importantes. Leurs bénéfices ont été considérables.

Comment peut-on s’attendre que les Canadiens aient confiance quand le fardeau et la douleur qu’ils supportent ne sont pas égaux — et malheureusement, vous avez l’instrument contondant qu’on voudrait utiliser pour mater l’inflation —, alors qu’en même temps, il y a eu des préjudices causés par des gens qui ne sont pas des plus conscients de leur comportement? Nous aurons peut-être une enquête, et peut-être un rapport, mais le tort est déjà fait pour les gens qui sont vraiment au bas de l’échelle et qui doivent subir les effets de ce qui se passe sur le marché.

M. Macklem : Monsieur le sénateur, la solution n’est pas simple. Comme nous le disions, nous sommes heureux que le Bureau de la concurrence ouvre cette enquête, mais la meilleure façon de protéger les Canadiens contre l’inflation débridée, c’est d’éliminer l’inflation.

Comme l’a souligné la première sous-gouverneure, un des problèmes avec l’inflation, comme nous l’avons très bien vu dans les années 1970, c’est qu’elle inspire un sentiment d’injustice. Certaines entreprises en profitent et d’autres sont écrasées. Leurs coûts de production augmentent, et elles ne peuvent pas les répercuter puisqu’elles ont un prix fixe. Elles sont acculées. Il y a donc des perdants et des gagnants, et les ménages sont certainement pris dans l’étau. Un jour, les travailleurs obtiennent une augmentation de salaire et sont bien contents, jusqu’à ce qu’ils réalisent que leur augmentation de salaire ne les mène pas aussi loin qu’ils croyaient. Vous vous rappellerez les années 1970. Que s’est-il passé? L’inflation était élevée; le chômage aussi; les grèves étaient nombreuses; il y avait beaucoup de conflits de travail; c’était une période de grande anxiété.

Les problèmes de concurrence sont l’affaire des autorités de la concurrence, ce qui ne nous empêche pas d’être très conscients de notre responsabilité. Notre mandat est la stabilité des prix. Ce n’est pas demain la veille que nous l’aurons atteinte. Nous devons revenir à des prix stables. Il y a longtemps que l’inflation n’a pas été élevée, et nous sommes en train de redécouvrir qu’elle corrode le tissu social. Elle met la population en colère. La population se sent flouée. C’est l’un des gros problèmes que pose l’inflation, et c’est une raison importante pour laquelle nous devons en venir à bout.

Le sénateur Woo : Monsieur le gouverneur, vous avez participé récemment à des réunions du Fonds monétaire international, le FMI, avec vos homologues du monde entier. Quelle est l’humeur inspirée par la stabilité financière internationale, et particulièrement par le risque de crise de la dette dans le Sud partout dans le monde pour les pays qui ont une énorme dette en dollars américains, lorsqu’on sait que la valeur du dollar augmente et que les taux d’intérêt élevés augmentent également? Ce risque augmente-t-il? Qu’en pensez-vous?

M. Macklem : Oui, il y a eu pas mal de discussions, comme on peut s’y attendre, à de la table du FMI. C’est ce que fait le FMI. Je dirais que la discussion a porté sur deux thèmes. Le premier était sur une note positive, en ce sens que de nombreux pays au marché émergent, comme le Brésil et le Mexique, ont fait du bon travail pour développer leur propre marché de la dette intérieure, si bien qu’ils s’affranchissent graduellement des marchés de la dette en dollars des États-Unis. Ils ont aussi été plus proactifs que de nombreux pays avancés pour relever les taux d’intérêt. Certes, lorsqu’on leur en parle, ils disent qu’ils n’ont pas le même long historique d’inflation faible et stable que nous avons. Leurs économies sont plus volatiles. Leur indépendance par rapport à leurs banques centrales est beaucoup plus récente. Ils n’ont pas le même historique de crédibilité, de sorte que, lorsque l’inflation a augmenté, ils n’ont pas tardé à relever les taux d’intérêt. En fait, ils ont augmenté leurs taux d’intérêt avant la plupart des pays avancés; leurs taux sont pas mal plus élevés. Si les États-Unis les avaient devancés, ils auraient pu exercer plus de pression sur eux, mais leur avance les a mis dans une position relativement meilleure. Voilà pour la bonne nouvelle.

Mais revenons aux aspects pointus de votre question. Les risques augmentent-ils? Oui, les risques augmentent. Il y a deux choses. Les conditions financières dans le monde se sont rapidement resserrées, et c’est ce dont bon nombre de nos économies ont besoin. Mais pour les pays au marché émergent qui sont particulièrement plus vulnérables, dans un contexte d’aversion au risque, les conditions financières se resserrent encore plus. Ils ont une certaine préférence pour la qualité, en particulier dans l’économie américaine, de sorte qu’on observe des sorties de capitaux et un certain retrait.

L’autre réalité pour ceux qui ont financé leur dette en dollars américains est qu’il y a eu une forte appréciation du dollar américain, si bien qu’ils ont beaucoup plus de capital à rembourser qu’ils n’en ont reçu. C’est certainement une cause de stress pour certains pays. Certains petits pays tombent en défaut de remboursement, et le FMI conseille aux pays qui pourraient se trouver en situation stressante de recourir aux mesures de précaution; il ne faut pas attendre d’avoir épuisé toutes ses options; il faut agir tout de suite. Il faut utiliser le crédit offert pendant qu’on a une certaine marge de manœuvre, sans attendre d’avoir épuisé toutes ses options. Tel était le message du FMI, et je pense que le conseil était judicieux.

Le sénateur Woo : Intervenons-nous pour faciliter certaines mesures de précaution, des accords de swap et d’autres formes de mesures de précaution?

M. Macklem : Le FMI a des capitaux. Pour l’instant, il estime en avoir suffisamment. Par le passé, le Canada — et j’ai joué un rôle important là-dedans dans un rôle antérieur — a répondu à l’appel lorsque le FMI a demandé à ses membres de faire des contributions de capital, de sorte qu’il a la capacité de le faire. Le Canada a répondu à l’appel.

De façon plus générale, je dirais que le Canada est l’un des plus ardents partisans d’un système commercial multilatéral, ouvert et à base de règles, dont le FMI est l’un des piliers, avec l’Organisation mondiale du commerce et la Banque mondiale. Donc, oui, je pense que nous sommes tout en faveur. Le Canada vient tout juste de se prêter à sa consultation selon l’article IV il y a environ un mois. Lorsque le FMI est venu nous voir pour nous offrir ses conseils, je l’ai accueilli avec satisfaction. Nous n’aimons pas toujours ses conseils, mais il est très important qu’il les donne dans le respect des normes élevées pour tout le monde. C’est bon pour tout le système.

La présidente : Merci beaucoup.

Le sénateur C. Deacon : L’inflation aux États-Unis reste plus élevée qu’au Canada, et on s’attend à un nouveau resserrement de la Fed relativement à ce que nous faisons au Canada. Votre rapport sur la situation monétaire suppose un dollar à 74 cents pour l’avenir parce que, par convention, vous n’aimez pas les prévisions de taux de change. Je suppose que votre modélisation tient compte — nous avons bien su gérer notre taux de change jusqu’ici — d’une nouvelle dévaluation du dollar canadien et d’une hausse du coût des intrants. Oui, c’est avantageux pour les exportations, mais quels sont donc les effets sur l’inflation et le produit intérieur brut? Auriez-vous quelque chose à nous dire sur la façon dont vous vous préparez à cette éventualité?

M. Macklem : Vous avez bien lu le rapport, comme vous l’avez dit, c’est évident. Auparavant, notre hypothèse était de 78 cents; avec la dépréciation, nous l’avons ramenée à 74 cents. Donc, 4 cents sont déjà dans nos prévisions. Comme vous l’avez souligné, le dollar canadien est en fait assez fort. La seule devise qui a été plus forte est le dollar américain. En fait, notre dollar s’est apprécié par rapport à la plupart des autres devises, mais il accuse un recul par rapport au dollar américain depuis quelques mois.

Qu’arrive-t-il si le dollar canadien est plus faible que ce que nous avons mis dans notre projection? Cela signifie, vous l’avez signalé, que les biens achetés aux États-Unis ou les vacances prises dans ce pays coûteront plus cher. Toutes choses étant égales par ailleurs, comme disent les économistes, cela créera plus de pression à la hausse et rendra plus difficile la réduction de l’inflation.

Comme je l’ai dit, notre projection suppose déjà un dollar plus faible, mais, bien sûr, les autres choses ne sont jamais égales. L’autre chose que nous avons faite dans notre projection a été d’abaisser notre prévision de croissance. La demande a diminué, d’où le ralentissement de l’inflation. Dans notre prévision, la courbe de l’inflation est un peu plus basse que la dernière fois dans l’ensemble. Si le dollar canadien reste plus faible, nous aurons un peu plus d’exportations et un peu plus d’inflation. Toutes choses étant égales par ailleurs, cela signifie que nous aurions plus de travail à faire côté taux d’intérêt.

[Français]

Le sénateur Gignac : Je vous remercie de votre disponibilité. Je vous remercie également pour le vocabulaire que vous utilisez dans les médias et ici ce soir. On comprend bien ce que vous faites en ce qui a trait à la politique monétaire.

J’aimerais revenir sur un sujet dont vous avez parlé, soit que vous avez conclu une espèce d’entente avec le ministre des Finances. Il respecte votre indépendance, mais vous ne dites pas au gouvernement quoi faire. Cela ressemble un peu à cela. Or, votre collègue de la Banque d’Angleterre semble avoir un peu moins de réserve pour ce qui est de faire des commentaires sur la gestion du gouvernement britannique.

Ma question est relative à un contexte de gouvernement de coalition; je ne prétends pas que c’est ce qui se passe, car actuellement, je pense que le gouvernement fait preuve de responsabilité dans la gestion des finances publiques, malgré une coalition avec le NPD. Cependant, si au cours des deux prochaines années le gouvernement se laissait davantage tenter par des dépenses tous azimuts qui pourraient menacer la stabilité financière du Canada, seriez-vous à l’aise d’émettre votre opinion devant le comité et de répondre à des questions?

M. Macklem : J’espère que c’est une question tout à fait hypothétique.

Le sénateur Gignac : En votre âme et conscience, seriez-vous prêt à le faire?

M. Macklem : La situation au Royaume-Uni était assez extrême. Je vais laisser parler le gouverneur de la Banque d’Angleterre lui-même, mais il avait besoin de prendre des mesures exceptionnelles pour rétablir la stabilité des prix. La cause de cette instabilité était assez claire; je pense donc qu’il n’avait pas tellement le choix.

Pour ce qui est du Canada, il est très important que notre politique demeure stable et soutenable. Le gouvernement va bientôt présenter ses prévisions; nous verrons à ce moment-là. Jusqu’à maintenant, il est vrai que la dette a beaucoup augmenté durant la pandémie, mais les prévisions du dernier budget tendaient vers une stabilisation, et même une légère diminution vers la fin.

[Traduction]

Au regard des autres pays du G7, nous sommes en bonne position. Notre situation financière est certainement parmi les meilleures.

[Français]

C’est un avantage pour le Canada et c’est une bonne idée de le conserver.

Le sénateur Gignac : Je comprends.

Toutefois, en tant que gouverneur de la Banque du Canada, étant donné votre professionnalisme légendaire et vos années de service au ministère des Finances, et à titre de représentant du Canada au G20, eu égard à l’intérêt supérieur du Canada pour la stabilité financière, s’il survenait au cours des deux prochaines années une situation semblable à celle qui prévaut au Royaume-Uni, auriez-vous ce devoir de réserve ou iriez-vous sur la place publique pour dénoncer les faits et avertir le gouvernement des risques qu’il court?

M. Macklem : La plupart du temps, je pense que la politique fiscale, c’est pour les élus. S’il existe une forte contradiction entre la politique monétaire et la politique fiscale, oui, je crois que le gouverneur de la Banque du Canada a la responsabilité de parler.

Le sénateur Gignac : Merci, monsieur le gouverneur.

[Traduction]

La présidente : Merci beaucoup. Vous avez rendu un service inestimable ce soir par vos réponses à nos innombrables questions. Nous vous sommes reconnaissants d’être ici et avons hâte de vous revoir. Peut-être que, d’ici notre prochaine rencontre, les taux repartiront dans l’autre sens. Nous ne le savons pas.

Merci beaucoup au gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem et à la première sous-gouverneure, Carolyn Rogers. Merci à tous nos membres. Je pense que nous finirons par régler tous les petits détails.

(La séance est levée.)

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