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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES BANQUES, DU COMMERCE ET DE L’ÉCONOMIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 30 mars 2023

Le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie se réunit aujourd’hui, à 11 h 30 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier toute question concernant les banques et le commerce en général.

La sénatrice Pamela Wallin (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour à tous et bienvenue à la séance du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie. Je m’appelle Pamela Wallin et je suis présidente du comité, dont je voudrais présenter les membres que voici : le vice-président, le sénateur Colin Deacon; la sénatrice Bellemare; le sénateur Gignac; le sénateur Loffreda; le sénateur Massicotte; la sénatrice Galvez, qui n’est pas membre, mais qui est avec nous aujourd’hui; le sénateur Smith; le sénateur Woo; et le sénateur Yussuff.

Nous poursuivons aujourd’hui notre étude sur l’investissement des entreprises au Canada. Le premier groupe de témoins sera composé de Robert Gagné, directeur du Centre sur la productivité et la prospérité de HEC Montréal, qui témoigne en personne; et de Norma Kozhaya, vice-présidente à la recherche et économiste en chef au Conseil du patronat du Québec, qui témoigne par vidéoconférence. Mme Kozhaya restera avec nous jusqu’à 12 h 15, après quoi elle se déconnectera. Nous vous souhaitons la bienvenue à tous les deux et nous vous remercions de témoigner aujourd’hui.

Nous commencerons par une allocution d’ouverture de M. Gagné, puis nous entendrons Mme Kozhaya. Vous pouvez commencer.

[Français]

Robert Gagné, directeur, Centre sur la productivité et la prospérité, HEC Montréal : Merci pour l’invitation. Je crois avoir été invité pour un document qui s’intitule Productivité et prospérité au Québec — Bilan 2022. C’est un document qu’on produit une fois par année depuis 2009. Il fait état de la situation structurelle de l’économie du Québec et du Canada. Cela dit, j’aimerais attirer votre attention et discuter d’une autre étude que j’ai réalisée en novembre dernier, qui porte sur l’état de la concurrence au Canada. Je pense que la situation structurelle des économies québécoise et canadienne est étroitement liée à notre gestion de la concurrence au Canada, ou je dirais plutôt à l’absence de la gestion de la concurrence au Canada. Vous verrez que je peux être assez sévère.

Le sujet de vos travaux est l’investissement par les entreprises, mais l’investissement et l’innovation sont des moyens, et non des fins en soi. Nous visons, par le biais de ceux-ci, la pérennité des entreprises, leur bonne performance économique et la production des biens et services à des prix raisonnables, avec une variété importante et une grande qualité pour les consommateurs canadiens.

Je termine rapidement en disant que je ne pense pas avoir inventé de nouvelles choses dans ces rapports. Je vous reporte au milieu des années 1980, où la Commission Macdonald a étudié toutes ces questions et a fait beaucoup de recommandations pour assurer le développement de l’économie canadienne. Malheureusement, très peu de ces recommandations ont été mises en place. La principale recommandation qui a été suivie visait à signer des accords de libre-échange avec à peu près tout le monde sur la planète. Par contre, ce faisant, nous ne nous sommes pas assurés de la force de notre marché intérieur ni de la pérennité, de la productivité ou de la prospérité de nos entreprises, afin d’être en mesure d’affronter la concurrence internationale.

Certains succès des entreprises canadiennes qui ont fait suite aux accords de libre-échange sont plus attribuables à un taux de change relativement favorable qu’à une compétitivité qui s’est développée dans les entreprises. Je termine ici ma présentation.

[Traduction]

La présidente : Je vous remercie beaucoup. Vous pouvez être aussi franc que vous le souhaitez. Cela nous aidera dans notre étude, en fait. Nous sommes prêts à vous entendre.

Nous écouterons maintenant Norma Kozhaya. Vous pouvez faire votre allocution d’ouverture.

[Français]

Norma Kozhaya, vice-présidente à la recherche et économiste en chef, Conseil du patronat du Québec : Merci beaucoup. Bonjour à tous.

Les enjeux liés à l’investissement des entreprises et à la productivité sont de première importance pour la compétitivité des entreprises, la création de la richesse et l’amélioration du niveau de vie des Canadiens. Le Canada accuse effectivement un retard en matière d’investissement privé et de productivité comparativement aux pays de l’OCDE, en particulier aux États-Unis. Par exemple, selon l’Institut C. D. Howe, pour chaque dollar de nouveaux investissements en machines et en équipements par travailleur aux États-Unis, le taux relatif s’établit à près de 37 cents au Canada.

Cet écart entre le Canada et les États-Unis a eu tendance à augmenter au cours des cinq ou six dernières années.

La croissance de la productivité, pour sa part, a été également plus faible au Canada, soit de 1,1 % par an en moyenne de 2000 à 2019 — donc avant la COVID —, comparativement à 1,5 % aux États-Unis.

Pourquoi est-ce le cas et quelles seraient les pistes de solution? C’est ce dont nous allons discuter ce midi. La réponse peut être simple et complexe en même temps. J’aimerais citer un économiste bien connu au Québec, Pierre Fortin, qui a produit un rapport sur la question il y a plusieurs années au Québec :

Si on veut plus d’investissement, il faut donc — on doit pardonner le simplisme de l’affirmation — augmenter le rendement anticipé et réduire les coûts prévus.

Du point de vue d’une entreprise qui décide d’investir au Canada ou ailleurs, un ensemble de facteurs entrent en jeu, notamment la fiscalité; la lourdeur, la complexité et la prévisibilité de la réglementation; les coûts de la main-d’œuvre; les compétences et les qualifications de la main-d’œuvre; la culture des milieux de travail; la qualité des infrastructures de transport, des infrastructures numériques et des services publics. Si l’investissement s’avère rentable, l’entreprise investira.

Dans l’économie en général, ces mêmes facteurs entrent en jeu. De plus, on peut penser à la structure industrielle de l’économie, puisqu’il y a des secteurs plus intensifs en capital. On peut aussi considérer la présence de grandes entreprises, puisque celles-ci sont plus susceptibles d’investir, sont en concurrence mondiale et sont des moteurs de croissance des PME. Enfin, l’investissement et la productivité dépendent des capacités d’innover et de commercialiser l’innovation, d’effectuer de la recherche et du développement industriels et de développer et de conserver la propriété intellectuelle. Les marchés publics peuvent aussi jouer un rôle stratégique dans l’équation.

Je vous remercie.

[Traduction]

La présidente : Nous vous remercions beaucoup. Ce sont tous des points que nous examinons quotidiennement au sein du comité. Je suis donc certaine que des questions suivront.

Le sénateur C. Deacon : Je remercie nos témoins. Vos exposés ont porté exactement sur le sujet qui nous intéresse.

Monsieur Gagné, j’espère que vous avez participé à l’examen en cours de la politique de la concurrence d’Innovation, Sciences et Développement économique, ou ISDE. Vos observations seraient très importantes à cet égard, et je pense que vous vous entendrez parfaitement avec le commissaire à la concurrence sur le fait qu’un changement dramatique s’impose.

Ma question s’adresse tant à Mme Kozhaya qu’à M. Gagné et concerne le besoin de développer et de conserver la propriété intellectuelle, ou PI. J’ai lu que vous considérez qu’il faut augmenter le financement des conseils subventionnaires, mais nous avons entendu dire que la PI nous file entre les doigts. J’observe ce phénomène depuis longtemps. Nous excellons au chapitre de la découverte, mais nous peinons à mobiliser la PI dans les régions rurales du pays pour créer des ouvertures, des emplois et de la richesse grâce à ces idées.

Pensez-vous faire quelque chose de différent au Québec afin de mieux conserver la PI et de vous en servir pour créer de la richesse? Quelles sont les principales leçons que vous tirez dans ce domaine? Je vous remercie.

[Français]

M. Gagné : Je ne suis pas un expert en propriété intellectuelle, mais j’ai fait pas mal de choses autour de la question. Il n’y a pas si longtemps, j’ai été directeur de la recherche aux HEC. J’ai monté un vaste projet que vous connaissez sans doute, qui s’appelle IVADO, qui a pour but de développer et de propulser l’intelligence artificielle au Canada.

Je comprends votre question, mais je ne suis pas sûr que la réponse que je vais vous donner sera satisfaisante pour vous et vos collègues, parce que je ne suis pas sûr que c’est un gros problème.

De plus en plus, les développements technologiques pertinents ne sont pas protégés ni protégeables des brevets, notamment. C’est vrai que lorsqu’on regarde les données sur les brevets au Canada et que l’on se compare à d’autres pays, notamment les États-Unis... C’est plus faible. D’un autre côté, disons que s’il y avait une usine d’assemblage de semi-conducteurs à Bromont appartenant à IBM, je suis certain que la technologie serait protégée, mais cela n’apparaîtrait pas dans nos données au Canada. Cela figurerait dans les données d’IBM aux États-Unis.

Je vais remonter un peu dans le temps. Depuis 40 ans, j’étudie l’évolution de la situation économique structurelle du Canada et les prévisions pour les 40 prochaines années, et je pense que la question des brevets et de la propriété intellectuelle est marginale dans ce dossier. Il y a des problèmes pas mal plus importants.

[Traduction]

Le sénateur C. Deacon : J’aimerais savoir quels seraient ces problèmes, car les usines secondaires créent des emplois et de l’impôt sur le revenu des particuliers, mais elles ne créent pas une richesse qui est réinvestie dans la croissance et la concurrence au pays.

N’en convenez-vous pas?

[Français]

M. Gagné : Je connais beaucoup le domaine de l’intelligence artificielle, où l’on fait des développements majeurs. Ce n’est pas de la technologie qui se protège; ce n’est tout simplement pas protégeable. C’est de la technologie fluide qui se promène partout sur la planète. C’est de la technologie libre à grand déploiement.

La propriété intellectuelle est sûrement un enjeu, mais dans la masse des enjeux importants pour le Canada... Vous n’êtes pas obligés d’être d’accord, mais certains enjeux que je considère comme marginaux, mais sur lesquels on met beaucoup l’accent, comme celui de la propriété intellectuelle et d’autres, servent un peu de paratonnerre pour oublier de parler des vrais problèmes et des enjeux structurels qui minent la croissance à long terme et le développement économique du Canada. C’est mon opinion.

[Traduction]

La présidente : Je vais vous interrompre pour accorder la parole à Mme Kozhaya. Nous avons beaucoup de monde; je demanderai donc à tous d’être le plus concis possible dans leurs interventions.

Madame Kozhaya, vous avez la parole.

[Français]

Mme Kozhaya : Je serai brève. Effectivement, ce n’est pas le principal enjeu, mais c’en est un. Pour répondre à votre question en particulier, au Québec, des mesures sont en place depuis quelques années pour rentabiliser davantage les revenus issus de la recherche. Il y a une mesure appelée DICI, ou déduction incitative pour la commercialisation des innovations au Québec. On attend de voir le résultat de cette mesure.

La sénatrice Bellemare : Merci aux deux témoins d’être des nôtres. Vos propos sont très intéressants. J’aimerais avoir vos commentaires sur la question suivante.

Monsieur Gagné, vous avez affirmé que la concurrence était un élément fondamental et qu’il faut essayer de stimuler la concurrence pour accroître l’investissement. Je ne vois pas comment cela pourrait être le cas dans tous les secteurs avec tous les problèmes auxquels nous faisons face, dont celui de la main‑d’œuvre et du développement des compétences. La productivité, c’est aussi une question de compétence, mais pas exclusivement. La question du capital physique est importante, mais celle du capital humain l’est tout autant.

Selon vous, comment la concurrence pourrait-elle aider à remédier à la pénurie de main-d’œuvre et augmenter les compétences de la main-d’œuvre? Il faut s’adapter.

M. Gagné : Ce n’est pas la concurrence qu’il faut augmenter, c’est le taux de natalité.

La pénurie de main-d’œuvre est un phénomène démographique qui est lié à l’évolution de la démographie. Depuis quelques décennies, cela fluctue.

Cela dit, je n’ai pas besoin de vous expliquer que le Canada est un très grand pays avec beaucoup de marchés régionaux, qui sont plus ou moins en concurrence les uns avec les autres parce qu’ils sont éloignés. De plus, il y a une réglementation et des barrières à la mobilité du capital, de la main-d’œuvre, des biens et des services au Canada. Je crois qu’un des rôles importants du gouvernement fédéral est de s’assurer de la force du marché intérieur au Canada. Il faut s’assurer d’avoir une concurrence très vive dans les marchés au pays. Pourquoi? Parce que c’est cela qui va assurer la pérennité, la performance et la productivité des entreprises. Certaines sont actives sur les marchés internationaux et elles seront d’autant mieux outillées pour affronter la concurrence internationale. Actuellement, le Canada n’a pas un marché intérieur fort.

La sénatrice Bellemare : Ne pensez-vous pas que la concurrence va amener les entreprises à adopter une stratégie de réduction des coûts de la main-d’œuvre? Au contraire, cela va empêcher de faire de l’investissement dans le capital humain.

M. Gagné : Je pense que les entrepreneurs, au Canada et au Québec, ne sont pas plus bêtes qu’en Europe, aux États-Unis ou ailleurs dans le monde. Ils sont conditionnés et ils prennent des décisions optimales à leur point de vue en fonction de leur environnement. Au Canada, il y a un environnement où le niveau de concurrence n’est pas très élevé.

Je ne dis pas qu’on peut étendre ou favoriser la concurrence dans tous les secteurs de l’économie. On a examiné les indicateurs de concurrence de l’OCDE et même s’ils ne sont pas parfaits, ils sont quand même utiles. Le Canada, par exemple, se classe très mal dans beaucoup de secteurs.

Il y a des pans entiers de l’économie canadienne qui échappent complètement à la concurrence. On peut dire que ce sont des choix de société, mais il y a quand même des pans importants de l’économie qui échappent à la concurrence, alors qu’il n’y a aucun fondement économique à cela. Je vous donne un exemple. C’est un peu anecdotique, mais dans de nombreuses provinces canadiennes, la distribution de l’alcool, qui est un commerce de détail assez banal, se fait par des sociétés d’État qui échappent complètement aux règles de la concurrence.

On pourrait parler des marchés publics, par exemple, où le Canada a une évaluation très faible parmi les pays membres de l’OCDE. Le Canada est parmi les pires pays de l’OCDE à cet égard. Je ne doute pas que le pays a des enjeux de main-d’œuvre importants, ce qui est une raison de plus pour que les entreprises soient efficaces. Si le marché du travail est tendu et que les entreprises œuvrent dans un environnement hautement concurrentiel avec un marché du travail tendu, elles prendront des décisions en conséquence. Que vont-elles faire? Elles vont investir et innover davantage pour être moins dépendantes de la main-d’œuvre et pour être plus efficaces.

Actuellement, au Canada, on a des entreprises qui sont maintenues en vie artificiellement par des centaines, voire des milliers de crédits d’impôt à l’échelle fédérale et provinciale. Beaucoup de ces crédits d’impôt sont versés en fonction de la masse salariale. Vous engagez des gens et l’on vous verse des crédits d’impôt. Vous n’engagez pas de gens et l’on ne vous verse pas de crédits d’impôt. C’est une aberration.

[Traduction]

La présidente : Monsieur Gagné, je suis désolée, mais je vais devoir vous interrompre, car il y a beaucoup de monde qui attend. Je vous demanderais de répondre beaucoup plus succinctement. Nous entendrons maintenant une brève observation de Mme Kozhaya.

[Français]

Mme Kozhaya : Merci. Effectivement, la question du capital humain est fondamentale. On parle même d’investir davantage en technologie, en robotisation, en automatisation, et cela aide, mais en parallèle, il faut investir dans les compétences. Au Canada, sur le plan de la performance, il y a comme un paradoxe. Même si on a une population scolarisée, c’est-à-dire qu’un grand pourcentage de personnes ont des diplômes d’études secondaires ou postsecondaires, il y a des lacunes dans les compétences de base en numératie, en littératie et dans la formation en entreprise. Effectivement, cela va de pair avec les investissements en capital. Le régime d’assurance-emploi, sans être le seul, est probablement l’outil fédéral qui est le mieux utilisé à cet égard.

[Traduction]

La présidente : Je vous remercie.

[Français]

Le sénateur Gignac : Bienvenue à mes collègues économistes du Québec. Ma première question s’adresse à M. Gagné — et veuillez respecter les directives de la présidente pour votre réponse.

Le budget fédéral a été déposé il y a deux jours; il prévoit de nouveaux crédits d’impôt remboursables et bon nombre de nouvelles initiatives. Or, dans l’une des études que vous avez mentionnées, vous disiez qu’au lieu d’offrir sans cesse de nouveaux crédits d’impôt, remboursables de surcroît, le gouvernement obtiendrait de meilleurs résultats en réduisant le fardeau fiscal des entreprises et en laissant une plus grande marge de manœuvre pour assurer une saine concurrence. Je comprends que cela figurait dans le rapport traitant du Québec, mais je me demandais si cela s’appliquait aussi au Canada. Est‑ce que le Québec utilise les crédits d’impôt remboursables à l’investissement ou les crédits d’impôt remboursables sur la masse salariale? Êtes-vous mal à l’aise avec toute forme de crédit d’impôt remboursable?

M. Gagné : On parle de 80 % des crédits d’impôt au Québec. On n’a pas encore fait l’analyse détaillée des crédits d’impôts fédéraux — on la fera au cours des prochains mois —, mais au Québec, 80 % des crédits d’impôt sont, encore aujourd’hui, calculés sur la base de la masse salariale, ce qui est un non-sens.

Le sénateur Gignac : En ce qui a trait aux crédits d’impôt remboursables à l’investissement, vous êtes à l’aise avec cela?

M. Gagné : Pas du tout.

Le sénateur Gignac : Pouvez-vous nous en dire plus en une minute?

M. Gagné : Au Québec et au Canada, on subventionne trop les entreprises et on les taxe trop. Or, il y aurait lieu de réfléchir à accorder moins de subventions et à exiger moins de taxes.

Le sénateur Gignac : Cela a le mérite d’être clair, madame la présidente, et je sais que vous aimez cela.

Mme Kozhaya : En complément, le fait de réduire l’impôt des sociétés en général est souhaitable et probablement préférable. Toutefois, il faut penser que, dans certains secteurs que l’on pourrait vouloir cibler, des crédits d’impôt, à l’investissement en particulier, sont souhaitables. Lors du dernier budget qui a été déposé il y a deux jours, c’était une réponse. Géographiquement, le Canada est une grande économie, mais en même temps, c’est une petite économie ouverte à cause de la population. Donc, dans certains cas, il faut aussi des crédits d’impôt à l’investissement et peut-être aussi, par exemple dans le cas de la R-D, des crédits d’impôt pour les salaires. Il faut doser les deux, mais les deux ont leurs mérites.

[Traduction]

La présidente : Je veux continuer dans la même veine, car je sais que vous ne disposez pas de beaucoup de temps, madame Kozhaya. M. Gagné a affirmé que les entreprises sont trop subventionnées et trop taxées, et que cela ne fonctionne pas, mais dans votre exposé, vous avez parlé de l’importance des marchés publics et des mesures incitatives destinées aux entreprises. Voilà qui nécessite des activités très ciblées de la part du gouvernement. Pourriez-vous nous indiquer comment le gouvernement pourrait mieux faire à cet égard? C’est en quelque sorte l’objet de notre rapport.

[Français]

Mme Kozhaya : Effectivement, si l’on revient sur les marchés publics et l’approvisionnement... On voit qu’au Canada, on n’utilise pas suffisamment les marchés publics pour mieux aider les entreprises à croître et à développer un secteur industriel fort dans certains domaines. Dans le respect des accords de libre-échange, ils permettent d’avoir une certaine marge de manœuvre, car les marchés publics peuvent favoriser l’innovation et certains secteurs dans le domaine des technologies vertes. Les marchés publics peuvent être le premier acheteur de l’innovation. Encore une fois, il ne faut pas en abuser, mais je crois qu’on n’en fait pas assez, surtout comparativement à nos voisins américains. C’est un domaine où l’on pourrait en faire plus. Il y a des risques importants et des secteurs que l’on veut aider, mais il faut aussi les aider avec des incitatifs fiscaux.

[Traduction]

La présidente : Je vous remercie beaucoup de ces précisions.

La sénatrice Galvez : Je vous remercie beaucoup. Je poserai les questions suivantes, car j’ai eu récemment une conversation avec un professeur d’Oxford sur les finances durables. Nous avons parlé du fait que nous effectuons la transition vers un autre genre d’énergie — une énergie propre à faibles émissions de carbone; la main-d’œuvre doit donc faire la transition vers l’économie à faibles émissions de carbone, mais nous devons mobiliser les finances pour favoriser ces efforts.

On m’a indiqué que des secteurs sont inflationnistes, alors que d’autres sont déflationnistes. À cet égard, par exemple, l’énergie propre est déflationniste, car elle est peu coûteuse et nous rend moins dépendants de la géopolitique, des sources de pétrole et de gaz, de la chaîne d’approvisionnement et d’autres facteurs.

Ma question est la suivante : monsieur, vous avez affirmé que nous subventionnons et taxons trop les entreprises. Nous accordons peut-être beaucoup de subventions aux sociétés pétrolières et gazières si on établit une comparaison avec la loi sur la réduction de l’inflation des États-Unis, en vertu de laquelle le gouvernement américain verse beaucoup de subventions au secteur de l’énergie propre. Considérez-vous que cette loi repose sur une approche différente de celle du Canada?

[Français]

M. Gagné : Oui et non. Il y a deux choses; tout d’abord, sur les technologies vertes et ce genre choses, si c’est pertinent, si c’est utile, si c’est socialement désirable, soyez sûrs que cela fera son chemin dans le marché. On a plein de choses qui ne sont ni pertinentes ni socialement désirables, mais qui sont poussées par l’État, parce qu’il y a quelqu’un, quelque part, dans la machine gouvernementale qui pense que c’est une bonne idée et on pousse...

La sénatrice Galvez : Par exemple?

M. Gagné : J’en ai plusieurs.

La sénatrice Galvez : Vous pouvez m’en donner seulement un.

M. Gagné : Je songe au crédit d’impôt pour le développement des affaires électroniques. C’est inutile. L’autre chose que je trouve dangereuse, comme professeur et analyste, c’est de regarder ce que fait un autre pays et de créer une mesure en disant que c’est très bon et qu’on va l’importer chez nous. Cependant, les États-Unis, ce n’est pas le Canada; c’est un autre pays qui a un système fiscal différent du nôtre, une approche du marché différente de la nôtre et une approche du soutien aux entreprises différente de la nôtre.

Il est très dangereux d’aller chercher en Europe ou aux États‑Unis des mesures partielles en disant qu’elles sont bonnes et qu’on les intégrera chez nous. Il faut regarder la situation dans son ensemble. Par exemple, l’Europe a un système fiscal très différent du nôtre. Pas plus tard qu’il y a deux semaines, une ministre québécoise est allée à Paris et a dit que la taxe unetelle était une bonne idée. Oui, mais madame, ce n’est pas comme cela que cela fonctionne au Québec ou au Canada. À moins de vouloir changer tout le système fiscal, cette mesure n’est pas appropriée ou il faudrait l’utiliser d’une autre façon. Il faut faire attention. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas s’inspirer des bonnes pratiques d’ailleurs, mais il ne faut pas importer des mesures à la pièce sans avoir une vision globale.

Mme Kozhaya : Au sujet de l’énergie propre ou verte, il faut regarder le court terme et le plus long terme. À court terme, au début, ces énergies étaient plus coûteuses — qu’on pense à la batterie, à l’électrique ou à l’éolien —, mais on voit qu’avec la recherche et le développement des technologies, cela devient plus abordable. Il faut continuer dans cette veine et aider tous les secteurs à se décarboner. Comme vous l’avez mentionné, c’est une transition. Il faut aider les entreprises et les travailleurs à faire cette transition de façon ordonnée et sans nuire de façon démesurée à certains secteurs.

On sait qu’avec la recherche et le développement — qu’on parle de la batterie ou de l’autonomie... Il y a quelques années à peine, ce n’était pas quelque chose de très réaliste. On voit que les prix et les coûts diminuent. Il faut continuer sur cette avancée. Il faut avoir le soutien du gouvernement pour le faire, parce que comme je l’ai dit, parfois, les rendements à court terme pour les entreprises sont inexistants. Elles sont obligées de se décarboner, mais elles n’ont pas de retour. Il faut aussi les appuyer dans cette transition.

Le sénateur Loffreda : Merci aux témoins d’être ici aujourd’hui. Merci d’être avec nous, Robert.

Votre rapport, Productivité et prospérité au Québec — Bilan 2022, est exceptionnel. Il y a des graphiques qui m’intéressent beaucoup à la page 9, où l’on compare le Canada et le Québec avec des pays de l’OCDE. Vous l’avez dit, la situation s’est dégradée au fil des décennies. Quand on fait la comparaison du PIB en dollars canadiens par habitant en 2021, sur le plan de la parité de pouvoir d’achat, on compare les années 1981 à 2021.

[Traduction]

En 1981, le Canada était au sixième rang, alors qu’il était treizième en 2021. Pourtant, les cinq premiers pays demeurent les mêmes.

[Français]

En 1981, c’était la Suisse, la Norvège, les États-Unis, le Danemark et les Pays-Bas.

[Traduction]

En 2021, ce sont encore ces cinq pays qui étaient en tête. Pourquoi nous ne nous sommes pas inspirés des pays qui réussissent le mieux dans le monde? Que font-ils que nous devrions faire dans l’avenir?

[Français]

M. Gagné : Il faut faire attention, parce que dans les cinq premiers, il y a des pays qui sont plus ou moins pertinents à examiner, à mon avis, comme la Suisse, avec tout ce que l’on sait sur son système bancaire et tout cela, et la Norvège, où il y a beaucoup de pétrole — mais il y a du pétrole ici aussi. Cependant, il y a d’autres pays qui font bien en Europe de l’Ouest et qui ne sont pas si riches en ressources naturelles ou qui n’ont pas de centre financier mondial qui permet de stimuler les données. Ce sont des pays comme le Danemark, les Pays-Bas et d’autres pays d’Europe du Nord.

On va revenir sur la concurrence, même si je sais que certains n’aiment pas trop en parler. J’ai constaté, au cours de mes études, que les pays d’Europe de l’Ouest, peut-être depuis la Seconde Guerre mondiale et grâce à l’Union européenne, ont su bâtir un marché intérieur fort qui s’appuie sur la concurrence. Il y a une obsession de la concurrence en Europe qu’il n’y a pas ici. Pourtant, ce ne sont pas des pays gouvernés par des dirigeants d’extrême droite qui ne jurent que par le marché et qui laissent mourir les gens dans la rue; loin de là. Dans la plupart des cas, ce sont des pays sociaux-démocrates, mais où il y a, autant pour l’offre de services publics que pour les entreprises privées, une forme d’obsession pour la concurrence. On livre des services publics en s’appuyant sur des mécanismes de concurrence.

Ici, on livre des services publics en centralisant et en créant des monstres bureaucratiques. Merci.

Mme Kozhaya : Je crois qu’à un moment donné, on avait moins besoin d’être productif. On avait une population en croissance, avec le baby-boom, et beaucoup de travailleurs; on a toujours les ressources — et peut-être qu’on n’en faisait pas une priorité —, l’investissement privé et la productivité. C’est important de réaliser, comme vous le faites aujourd’hui et comme le gouvernement commence à le faire, que la productivité doit être une priorité. Peut-être que la pénurie de main-d’œuvre aura aussi un effet positif, soit de mettre davantage l’accent sur l’importance d’améliorer la productivité. C’est peut-être ce genre de choses dont on peut s’inspirer.

Il faut aussi se tourner davantage vers l’international. Il y a beaucoup de petits pays d’Europe dont les entreprises se développent dans une perspective d’ouverture internationale, justement parce que ce sont de petites économies, et où les marchés intérieurs ne sont pas tellement importants. Le Canada et le Québec sont aussi des économies ouvertes, mais il faut faire cette réflexion et accorder en même temps la priorité à la productivité, l’investissement et l’internationalisation, qui amènera davantage de concurrence et de compétitivité.

[Traduction]

Le sénateur Woo : Ma question s’adresse à M. Gagné. Quelle est l’importance relative des politiques en matière de concurrence et d’investissement dans la promotion d’un environnement propice à la concurrence? En ce qui concerne précisément la politique de la concurrence, avez-vous une opinion ou une philosophie à ce sujet? Par exemple, êtes-vous favorable au test d’efficacité en ce qui concerne la concentration et la taille des sociétés?

M. Gagné : C’est une bonne question.

Le sénateur Woo : Je suis certain que vous avez une bonne réponse.

[Français]

M. Gagné : Le problème avec la gestion de la concurrence au Canada... Dans notre rapport de novembre sur la concurrence, on trouve un exemple que vous connaissez tous, qui est la tentative d’achat d’Air Transat par Air Canada. Les autorités canadiennes ont analysé cette proposition et l’ont acceptée en disant que cela concentrerait le marché et que l’on risquait donc de voir des conséquences négatives sur la qualité des services et sur les prix. Cependant, comme on dit en français, on traversera la rivière quand on sera arrivé au pont; on verra et on réglera le problème par la suite. Pour l’instant, l’important est d’avoir un gros transporteur. Je ne dis pas qu’il doit être efficace; je dis que ce doit être un gros transporteur.

Les autorités européennes ont analysé la même entente et ils ont dit non, parce que l’entente risquait de nuire aux intérêts des consommateurs sur le marché de l’Atlantique Nord entre le Canada et l’Europe. Voilà. Je pense que la réponse à votre question est là. C’est une philosophie et une approche différentes. Ici, on a l’impression que les autorités qui sont responsables de la gestion de la concurrence favorisent la taille des entreprises et les effets sur les marchés et sur les consommateurs canadiens...

[Traduction]

Le sénateur Woo : Ce n’est pas votre philosophie. Quelle est-elle?

M. Gagné : Ma philosophie? Il faudrait favoriser la concurrence le plus possible. Il faudrait en faire une obsession.

[Français]

Le sénateur Woo : D’accord, voilà. Merci.

Mme Kozhaya : Évidemment, on est pour la concurrence; c’est indéniable. Toutefois, il faut aussi de la prévisibilité pour les entreprises. Il faut de grandes entreprises, et on n’en a pas suffisamment au Canada pour compétitionner et pour aider les PME qui gravitent dans leur entourage. Il y a des moyens de favoriser la concurrence qui ne passent pas nécessairement par la Loi sur la concurrence. Il y a beaucoup d’autres réglementations qui existent au Canada sur lesquelles on pourrait travailler. On va participer à la consultation qui a lieu en ce moment pour présenter ces deux volets. Il faut appuyer l’objectif, mais il faut également s’assurer que cela n’apporte pas d’autres inconvénients, par exemple, sur les plans de la prévisibilité et de la compétitivité de nos entreprises.

[Traduction]

La présidente : Je vous remercie. Sachant que vous devez nous quitter à 12 h 15, je me demande si vous pourriez nous faire part de vos trois préoccupations sur l’environnement de l’investissement des entreprises au Canada, madame Kozhaya. Il y a manifestement un rôle pour le secteur privé, et les investisseurs doivent décider d’investir, mais que pourrait faire le gouvernement? Notre rapport visant à lui prodiguer des conseils, nous aimerions donc entendre les vôtres.

[Français]

Mme Kozhaya : Merci beaucoup, c’est très apprécié. Je suis désolée de devoir partir à 12 h 15.

Si on veut encourager les investissements, il faut que ceux-ci soient rentables et il faut travailler à réduire les coûts. En résumé, il y a trois éléments sur lesquels on peut travailler davantage. Tout d’abord, il faut en parler de plus en plus, comme vous le faites aujourd’hui, afin qu’on réalise qu’on n’a pas d’autre choix que d’améliorer l’investissement privé et la productivité pour assurer le bien-être de tous les Canadiens.

Deuxièmement, il faut offrir un environnement réglementaire efficace. Évidemment, l’objectif de la réglementation est souvent louable, mais dans la pratique, il faut se demander si cela répond à l’objectif poursuivi et si cela apporte davantage de prévisibilité et de certitude que d’incertitude.

Donc, la question de la réglementation est centrale. Cela n’est pas aussi coûteux pour le gouvernement; ce n’est pas comme des crédits d’impôt. Évidemment, la fiscalité compétitive demeure un ingrédient fondamental. On ne peut pas compétitionner si notre fiscalité n’est pas compétitive et, encore une fois, c’est un mélange de taux d’imposition et d’incitatifs ciblés lorsqu’il y a des risques importants pour les entreprises pour qu’elles soient en compétition avec les autres pays.

Enfin, il y a les marchés publics, que nous n’avons pas nécessairement utilisés jusqu’à présent. Dans le budget fédéral qui a été déposé avant-hier, il était encourageant de voir une mention sur la notion d’approvisionnement réciproque. Le Québec a commencé à faire cela, avec une loi qui a été adoptée dans le respect des accords de libre-échange et qui fait une saine utilisation des fonds publics. C’est une loi plus ouverte à l’innovation, à la durabilité et à l’étude du cycle de vie d’un produit ou d’un ouvrage, donc elle est vraiment plus développée.

En résumé, je dirais que ce sont les principaux éléments sur lesquels il faut continuer de travailler.

[Traduction]

La présidente : Excellent. C’était très clair. Je vous remercie beaucoup. Sénateur Yussuff, il nous reste quelques minutes avec Mme Kozhaya si vous avez une question.

Le sénateur Yussuff : Oui. Je remercie les deux témoins de comparaître. Le débat sur la productivité n’a rien de nouveau et dure depuis assez longtemps. Si on regarde le graphique, on constate que très peu de progrès a été réalisé. Pour tenter de renforcer la productivité, il faut deux éléments fondamentaux : la technologie — et donc l’investissement dans la machinerie et l’équipement — et la formation.

Malgré les nombreux arguments que le gouvernement a présentés et de généreux allégements fiscaux consentis pour la machinerie et l’équipement, nous n’avons pas atteint notre objectif. Je demanderais aux deux témoins ce qu’il nous manque, selon eux, pour réussir à l’atteindre. Je pense que c’est une question fondamentale à laquelle nous devons répondre.

[Français]

Mme Kozhaya : Effectivement, c’est un ensemble de facteurs. On ne peut pas s’attendre à ce qu’une mesure en particulier règle le problème. Il faut travailler sur différents fronts, parce que même si on a l’amortissement accéléré et que, par ailleurs, les délais d’approbation des projets se prolongent ou que tout le processus devient plus complexe, l’un ne compense pas nécessairement l’autre.

C’est pour cela qu’il faut travailler sur tous les volets en même temps et évaluer ce qui fonctionne. Quand on dit « s’inspirer des autres pays », cela signifie s’inspirer en évaluant chaque fois ce qui fonctionne bien. C’est une très bonne question. Pourquoi, en dépit des mesures d’amortissement accéléré ou d’autres mesures, ne voit-on pas encore nécessairement les résultats à court terme? C’est parce qu’il y a d’autres choses en parallèle qui n’ont pas nécessairement contribué.

Bien sûr, le contexte était particulier, tant sur le plan sanitaire avec la COVID que sur le plan des éléments géopolitiques. Cependant, il y a tout de même des chiffres qui démontrent que cela semble remonter, et il faut espérer que cela continue.

[Traduction]

La présidente : Je vous remercie de cette réponse et d’avoir participé à la séance d’aujourd’hui. Nous comprenons que vous deviez partir. Nous poursuivrons maintenant la séance avec M. Gagné.

[Français]

M. Gagné : C’est vrai que, depuis 40 ans, on essaie avec toutes sortes de choses et de mesures qui ne fonctionnent pas.

[Traduction]

Les chiffres ne sont tout simplement pas là.

[Français]

Le sénateur Loffreda parlait du graphique à la page 8 ou 9. Allez voir, à la page 18, la perspective pour les 40 prochaines années. Cela ne vient pas de moi, mais du ministère des Finances, ici à Ottawa, et ce n’est pas joli.

Oui, globalement, on s’améliore un peu chaque année; le Canada fait des progrès. Cependant, il y a des économies autour de nous qui progressent plus rapidement et donc, relativement parlant, le Canada est en retard. Je reviens avec ma mathématique du jour, en disant qu’il y a une chose que l’on n’a pas essayée, et c’est de favoriser la concurrence.

À mon avis, si le gouvernement fédéral a une responsabilité par rapport à cela, c’est celle de s’assurer qu’on soit en mesure de développer un marché intérieur fort, de lutter bec et ongles contre les freins à la mobilité et d’essayer de rapprocher les marchés virtuellement pour mousser la concurrence.

Les entrepreneurs suivront, et ceux qui ne pourront pas le faire disparaîtront. C’est triste à dire, mais c’est la réalité. Ce n’est pas l’approche que nous avons au Canada depuis 40 ans. C’est dommage, parce qu’à l’époque, on a dépensé des millions et mobilisé tout ce qui existait comme analystes et comme chercheurs au Canada. Le rapport Macdonald de l’époque contenait des recommandations qui sont encore très pertinentes aujourd’hui. Allez le lire. Changez les dates pour 2023 et c’est la même chose. Nous n’avons pas avancé. Puisque nous n’avons pas avancé, ressortons le rapport des boîtes et étudions son contenu. À part le libre-échange, on n’a pas fait grand-chose. On a essayé plein de petits trucs à gauche et à droite, une politique, puis une autre, et cela ne fonctionne pas. Reconnaissons-le et inspirons-nous de ce qui se fait ailleurs.

En Europe, ils ont une obsession de la concurrence; c’est un Québécois qui vous dit cela.

En matière de politiques vis-à-vis des entreprises, les pays de l’Union européenne ont moins de souveraineté que les provinces canadiennes. Il y a une concurrence fiscale malsaine au Canada. Il y a 25 ans, le Québec a créé des crédits d’impôt pour soi-disant propulser des industries. Cela a mis le feu au Canada et, plus tard, Toronto et Vancouver sont arrivés avec leurs crédits d’impôt.

Aujourd’hui, les entreprises qui ne sont pas visées par ces crédits d’impôt se plaignent d’une concurrence déloyale. Pourquoi? Parce que l’expertise se transporte d’un secteur à l’autre. Par exemple, un développeur informatique qui travaille chez Ubisoft peut travailler aussi dans une compagnie qui ne profite pas des grâces de l’État. C’est la même expertise, mais quand il travaille chez Ubisoft, l’État rembourse 35 % à 40 % de son salaire. Des exemples comme celui-là, il y en a des centaines.

Le sénateur Massicotte : Monsieur Gagné, merci d’être avec nous. Ma question porte sur le même sujet. Plusieurs témoins ont comparu devant le comité et j’ai été surpris du fait que plusieurs nous recommandent de choisir le gagnant. Autrement dit, parce que nous sommes plus intelligents que la moyenne, nous allons choisir. On l’a fait à l’époque, il y a 30 ans, et ce fut un désastre.

Incidemment, je remarque qu’il y a une tendance à retourner dans cette direction aujourd’hui. Le Québec le fait souvent avec les ministres. Selon vous, est-ce une grave erreur, comme cela l’a été par le passé? Ou encore, est-ce quelque chose qu’on devrait répéter parce que rien d’autre ne fonctionne?

M. Gagné : Cela a été une immense erreur. Qui sont-ils, ces gens? Quel avantage ont-ils sur le plan de l’information par rapport au marché et à la société en général pour identifier les gagnants de la course? Ils n’ont aucune information de plus; aucune.

Je vais vous donner un exemple de ce que j’ai vécu. Je suis sur le campus de l’Université de Montréal, à HEC Montréal et à Polytechnique Montréal. Depuis 50 ans, le campus investit dans le domaine de la recherche opérationnelle d’une technologie vraiment précise : l’intelligence artificielle. Nous avons des centres de recherche qui n’intéressent personne.

Tout d’un coup, depuis environ huit ans, c’est devenu la technologie à la mode. Tous les projecteurs se sont tournés vers nous. Le gouvernement fédéral investit des centaines de millions de dollars. Personne ne l’avait prédit, personne ne l’avait vu venir. Ce n’est pas le rôle du gouvernement de jouer avec une boule de cristal pour deviner quel secteur va fonctionner ou non. Il faut laisser les choses aller et voir ce qui va émerger de tout cela. Les entreprises veulent survivre et être profitables. De nouvelles entreprises seront créées pour profiter de ces occasions. Arrêtons d’essayer d’ajuster les marchés, comme on le fait ici, au Canada.

Pour faire un lien avec ce qu’a dit votre collègue, on le fait depuis 40 ans et cela ne fonctionne pas. Il faudrait peut-être arrêter de le faire, à un moment donné.

[Traduction]

Le sénateur C. Deacon : Je remercie notre témoin. Je pense que vous constaterez que de nombreux membres du comité sont absolument d’accord avec vous quant au besoin de renforcer la loi sur la concurrence. Il n’y a pas de débat sur ce point.

Vos réflexions me laissent toutefois perplexe, car j’ai l’impression que vous avez dit qu’il est inutile de se préoccuper des autres domaines de la stratégie structurelle, comme la loi sur la protection des renseignements personnels et la manière de protéger la propriété intellectuelle au pays. Je me préoccupe de la liberté de fonctionner de nos innovateurs. Si nous ne protégeons pas notre propriété intellectuelle, et que nous pouvons faire croître des entreprises comme CAE ou d’autres grandes organisations dotées d’énormes portefeuilles de PI et que nous pouvons les protéger et leur accorder la liberté de fonctionner, le fait est que nos données quittent le pays à un rythme alarmant parce que les Canadiens ne sont pas capables de donner leur consentement éclairé. Nos données sont donc utilisées sur de grandes plateformes technologiques au profit de ces dernières et non à celui de l’économie canadienne ou des Canadiens. Je m’étonne que vous ne considériez pas que ce sont là des priorités. C’est du moins ce que j’ai compris de la conversation.

[Français]

M. Gagné : Vous m’avez peut-être mal compris. Je ne dis pas que ce n’est pas important ou utile. Toutefois, j’ai peur que, dans le débat public, on mette l’accent seulement sur ces enjeux, qui sont importants, mais qui deviennent inutiles si les fondations ne sont pas solides.

C’est important d’avoir un toit qui ne coule pas dans une maison, mais s’il n’y a pas de fondation à la maison, cela ne donne rien de discuter du toit et de ne pas discuter de la fondation. Je propose qu’on commence par construire la maison en bonne et due forme, c’est-à-dire avec des fondations, des murs et un toit. En ce moment, on en est déjà au toit; on parle de la toiture à gauche et à droite, mais il n’y a pas de fondation dessous. Les conditions initiales sont mauvaises, mais on parle de...

[Traduction]

Le sénateur C. Deacon : Je me demande donc ce que vous considérez que les fondations devraient inclure, outre la réforme de la loi sur la concurrence, à laquelle nous sommes favorables. Nous avons beaucoup entendu parler de cette réforme. Mais qu’est-ce que les fondations devraient comprendre d’autre? Dans une économie axée sur les données, je m’étonne que...

[Français]

M. Gagné : Je pense qu’on a déjà des éléments très positifs dans l’équation. On a un système d’éducation supérieure de très grande qualité avec d’excellentes universités partout au pays. On a des infrastructures d’assez bonne qualité. Certains se plaignent des nids-de-poule, mais, en général, on a des infrastructures de bonne qualité. On a un capital physique et un capital humain de qualité. Tout ce qu’il manque, c’est la sauce pour que tout cela devienne... On a de l’énergie, de l’eau et de grands espaces. Je suis persuadé que certains vous ont demandé : « Quels sont les problèmes au Canada? Vous avez du talent, de l’espace, de l’énergie, des infrastructures. Qu’est-ce que vous faites? Pourquoi est-ce que cela ne fonctionne pas? »

Il y a la concurrence. Il y a des secteurs qu’on ne souhaite pas exposer à la concurrence, mais il y a des secteurs qu’on souhaiterait exposer davantage à la concurrence. Évidemment, les entreprises qui travaillent individuellement n’y sont pas favorables. Si vous entendiez des groupes de pression d’entreprises... Durant ma carrière, j’ai assisté à beaucoup de conférences, notamment dans les chambres de commerce, et les entrepreneurs veulent tous avoir moins de fiscalité et plus de compétition. Selon eux, les subventions sont du gaspillage, sauf dans leur propre secteur. Ils disent que ce n’est pas pareil dans leur secteur. Ils se comportent tous comme cela.

[Traduction]

La présidente : De nombreux témoins entendus au cours des dernières séances ont déploré un problème de mentalité et fait remarquer que nous manquons en quelque sorte d’ambition.

M. Gagné : En effet.

La présidente : Est-ce là où vous voulez en venir?

M. Gagné : Oui.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Il y a beaucoup de concurrence fiscale. Je suis d’accord avec vous pour dire que la concurrence fiscale est peut-être un facteur qui peut brouiller les cartes lorsque vient le moment d’investir davantage.

Quand je regarde vos tableaux et vos prévisions, à la page 9 et à la page 18, on constate que des pays vont nous surpasser. Vous mettez l’accent sur l’absence de concurrence et vous affirmez qu’il faudrait l’augmenter, mais je pense qu’il y a une chose sur laquelle on ne met pas assez l’accent : la formation.

Le sénateur Yussuff a parlé de la formation tout au long de la vie. Qu’est-ce que qui ne fonctionne pas de ce côté-là au Canada? Il nous manque des institutions. On a une main-d’œuvre hautement éduquée, mais la formation tout au long de la vie est un élément majeur, si on veut investir dans des technologies numériques. Selon des sondages, plus de la moitié des travailleurs trouvent qu’ils manquent de compétences numériques et disent qu’ils sont prêts à être formés.

Je voudrais entendre vos commentaires à ce sujet. Il ne faut pas oublier que le capital humain et le capital physique vont ensemble. Quand je regarde d’autres pays, il manque...

M. Gagné : Vous avez raison, mais c’est un élément parmi tant d’autres. C’est un élément qui est sur le toit, mais peut-être pas sur les fondations. Les fondations ne sont pas saines. Pour protéger la propriété intellectuelle, il faut s’assurer d’avoir un continuum de formation, de la maternelle jusqu’au marché du travail, puis jusqu’à la retraite.

Cependant, si on ne fait que cela ou si on le fait avec des programmes un peu disparates, on n’y arrivera pas, parce que les conditions de base ne sont pas saines.

Le sénateur Smith : J’essaie de suivre la discussion. Vous avez mentionné qu’il fallait une bonne fondation pour développer nos affaires. On a un bon système d’éducation, de bonnes infrastructures, un bon capital humain et de bonnes ressources, que ce soit l’énergie ou l’eau. Ensuite, vous avez parlé d’un changement de culture.

Comment allons-nous faire pour développer et faire évoluer un changement de culture? Vous avez dit que ce n’était pas avec les gouvernements, mais y a-t-il d’autres groupes de gens d’affaires qui pourraient s’asseoir ensemble, une fois par année, pour en discuter? Y a-t-il des groupes qui pourraient commencer le travail, en brossant un portrait avec des étapes à suivre, pour que nous puissions accroître notre compétitivité? Cela nous permettrait de chercher un but qu’on ne s’est pas nécessairement fixé. Nous avons parlé de manière spécifique, mais pas de manière générale. Y a-t-il une espèce de cheminement qui pourrait être développé pour atteindre au moins un certain succès?

M. Gagné : Je pense que c’est organique. C’est le discours officiel des regroupements d’entreprises. Il nous faut un crédit pour cela, mais dans les faits, les entreprises vont trouver leur chemin.

Le rôle de l’État à cet égard, c’est de mettre en place un environnement qui favorisera leur évolution. Cela ne veut pas dire de nuire à l’environnement et de polluer l’eau et l’air. Cela ne veut pas dire de laisser les gens mourir dans la rue. C’est le rôle de l’État de s’occuper de ces missions. Il faut laisser les entreprises, de manière organique si l’on veut, s’ajuster à l’environnement et se développer. Actuellement, on est très paternaliste envers les entreprises. On a une approche paternaliste et on leur dit quoi faire.

Le sénateur Smith : Est-ce que cela veut dire que le gouvernement devrait créer un plan économique à long terme au lieu de passer à une autre élection? Tout ce que l’on fait, c’est à court terme, et on se lance à gauche et à droite.

M. Gagné : Oui, il y a des élections aux quatre ans, et je pense que le système démocratique fonctionne bien. La sénatrice Wallin parlait de culture et de perspective; c’est exactement cela.

[Traduction]

La présidente : Je vous remercie beaucoup, monsieur Gagné. Nous remercions également Mme Norma Kozhaya, qui a dû nous quitter un peu plus tôt.

Alors que nous poursuivons notre étude sur l’investissement des entreprises au Canada, nous avons le plaisir de recevoir Frédéric Bouchard, doyen de la Faculté des arts et des sciences de l’Université de Montréal, et Stéphane Paquet, président-directeur général de Montréal International.

Nous commencerons par une allocution d’ouverture de la part de M. Bouchard, puis nous entendrons M. Paquet.

[Français]

Frédéric Bouchard, doyen, Faculté des arts et des sciences et professeur titulaire, Département de philosophie, Université de Montréal, à titre personnel : Merci, madame la présidente. Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité.

[Traduction]

Je présenterai mon mot d’ouverture, après quoi je répondrai avec plaisir aux questions en anglais ou en français.

[Français]

J’ai eu le privilège de présider le Comité consultatif sur le système fédéral de soutien à la recherche. Notre comité a été créé par le gouvernement pour fournir des conseils sur les façons de mieux soutenir la recherche partout au pays, en particulier dans nos universités et nos collèges.

[Traduction]

Dans le cadre de nos délibérations, nous avons entendu près de 1 000 citoyens et organisations canadiens, et nous avons eu l’occasion de discuter avec des représentants des États-Unis, du Royaume-Uni, de la France, de l’Allemagne et de la Norvège. C’est un plaisir de vous faire part aujourd’hui de certaines de nos observations et de nos recommandations.

[Français]

Tous les pays ont besoin d’une capacité de recherche nationale vigoureuse et compétitive. Dans cette perspective, la recherche et l’innovation ne sont pas des passe-temps de luxe pour les sociétés avancées. Elles sont, en fait, les conditions nécessaires de notre bien-être et de notre prospérité. La vitalité de la recherche est donc un enjeu dont l’importance dépasse largement les frontières de nos campus universitaires.

[Traduction]

Dans le cadre de notre travail, nous avons été frappés par le potentiel extraordinaire du Canada, mais aussi par sa grande vulnérabilité. Voici deux exemples.

Faisons-nous réellement tout ce que nous pouvons pour attirer, conserver et habiliter les jeunes les plus brillants que nous puissions trouver? La réponse est non. La valeur des bourses canadiennes d’études supérieures n’a pas augmenté depuis 20 ans. Nos jeunes les plus brillants quitteront le Canada — pas par choix, mais par nécessité — et poursuivront leurs recherches, leurs carrières, leurs projets d’entreprise et leurs vies ailleurs.

[Français]

Est-ce que les entreprises investissent suffisamment en recherche et en innovation? La réponse est non. Leurs investissements en R-D comme pourcentage du produit intérieur brut ont diminué depuis 20 ans. Cela rend nos entreprises de moins en moins innovantes et donc de moins en moins compétitives à l’échelle mondiale. Le Canada, tous les secteurs de la société confondus, investit moins en recherche et développement qu’il y a 20 ans et moins que la moyenne des pays de l’OCDE.

[Traduction]

La vulnérabilité actuelle du Canada augmentera à moins qu’une action coordonnée ne soit entreprise immédiatement. Les États-Unis, le Japon, le Royaume-Uni, l’Allemagne et de nombreux autres pays adoptent des stratégies audacieuses et effectuent des investissements massifs pour s’assurer de rester des puissances scientifiques. Ces pays comprennent que les sociétés qui investissent dans leurs entreprises de recherche prospèrent, alors que celles qui ne le font pas périclitent.

[Français]

Le Canada a des atouts, mais il doit mieux les utiliser. Nous avons des universités formidables, des étudiants et des chercheurs inspirants. Par ailleurs, les conseils subventionnaires font un travail remarquable pour soutenir les recherches, mais pour passer de la fragilité à la vigueur, nous devons accroître nos investissements en recherche et en innovation et surtout, nous devons repenser notre approche à la collaboration.

[Traduction]

Comment conserverons-nous nos esprits les plus talentueux? Comment inciterons-nous les entreprises et les industries avant‑gardistes à rester au Canada? Oui, c’est une question d’investissements, mais surtout, nous devons avoir de l’ambition, un objectif et un plan. Notre comité a recommandé d’élaborer une stratégie nationale d’innovation et de recherches scientifiques afin d’établir des objectifs communs pour l’écosystème de recherche et d’innovation du Canada.

Ce n’est pas tout. Les recherches révolutionnaires sont souvent pluridisciplinaires. L’innovation lucrative est souvent élaborée en partenariat. Les plus gros problèmes scientifiques sont souvent d’envergure mondiale. Pour appuyer ces nouvelles manières d’effectuer des recherches, nous avons besoin de nouvelles façons de faire les choses.

Avec ces faits à l’esprit, nous avons recommandé la création de la fondation du savoir et des sciences du Canada, un nouvel organisme subventionnaire qui appuierait la recherche axée sur une mission et destinée à changer le monde. Cette approche permettait aux conseils subventionnaires existants de soutenir exclusivement les recherches révolutionnaires menées par des innovateurs si essentielles à la découverte.

[Français]

Si nous nous préoccupons vraiment du bien-être et de la prospérité de nos communautés, nous avons la responsabilité collective d’être plus ambitieux pour la recherche et l’innovation. Nous espérons vivement que nos recommandations nous aideront tous à rêver plus grand. Merci beaucoup.

[Traduction]

La présidente : Je vous remercie beaucoup. Nous entendrons maintenant M. Paquet.

[Français]

Stéphane Paquet, président-directeur général, Montréal International : Madame la présidente, monsieur le vice‑président, mesdames et messieurs les membres du comité, merci de m’avoir invité à venir parler avec vous d’investissement étranger. On m’a demandé de me présenter, donc je vais le faire. J’ai commencé ma carrière comme journaliste à Radio-Canada, pour ensuite faire le saut au Soleil et à La Presse, avant de devenir éditeur adjoint et rédacteur en chef au Groupe Les Affaires ici, à Montréal. En 2012, j’ai été nommé délégué général du Québec à Londres. C’est à mon retour au Québec, deux ans plus tard, que j’ai rejoint les rangs de Montréal International à titre de vice-président responsable des investissements étrangers.

Je suis à la tête de l’organisation depuis janvier 2020. Depuis, Montréal International a été désignée deux fois plutôt qu’une comme la meilleure agence de développement économique au monde, tant par une organisation américaine que par une organisation européenne. Vous comprendrez par mon parcours professionnel que l’économie du Canada, l’économie du Québec et l’économie du Grand Montréal m’intéressent grandement. Ce qui m’intéresse plus précisément, c’est l’importance de l’international pour ces économies-là.

Mon expérience m’a permis de constater à quel point notre ouverture sur le monde est cruciale — et j’insiste sur ce mot — pour le développement d’une économie moderne et économie prospère.

J’ai quelques chiffres à vous donner pour commencer, et on pourra partir de là. On compte environ 2 000 filiales étrangères dans le Grand Montréal. Elles représentent environ 1 % de tous les établissements du Grand Montréal, mais elles génèrent 10 % de l’emploi dans la région métropolitaine — donc 1 % des établissements, 10 % de l’emploi et 20 % du PIB. Ces 2 000 filiales contribuent au développement de nos PME locales. Comment? Selon une étude de l’AppEco de 2019, lorsqu’on a examiné les chiffres pour l’ensemble du Québec, on a réalisé que les filiales étrangères achetaient pour environ 17 milliards de dollars par année auprès de fournisseurs québécois. Pour donner un ordre de grandeur, c’est l’équivalent des ventes totales d’Hydro-Québec, tant au Québec qu’aux États-Unis ou dans d’autres provinces.

Donc, dans l’optique où nous souhaitons aussi rééquilibrer notre balance commerciale, les filiales étrangères constituent un allié incontournable. Selon Statistique Canada, environ 55 % de toutes les exportations de marchandises du Québec sont attribuables aux filiales étrangères présentes en sol québécois.

Bref, l’investissement étranger dans le Grand Montréal, au Québec et au Canada contribue au développement économique, notamment en amenant de nouveaux clients dans la région et en ouvrant leur réseau sur la scène internationale à des PME locales. Autrement dit, la PME n’exportera peut-être pas, mais elle vendra à la filiale étrangère qui est de l’autre côté de la rue. Ces investissements de filiales étrangères sont essentiels pour que les entreprises canadiennes puissent affronter la concurrence au sein de l’économie mondiale.

Au-delà des chiffres, les filiales étrangères contribuent au bien commun d’une économie moderne dont tous les Canadiens ont besoin. À titre d’exemple, l’année dernière, 20 % des investissements directs étrangers que Montréal International a accompagnés ont été faits dans le secteur des sciences de la vie. Ces entreprises vont nous aider à développer des médicaments de prochaines générations pour des maladies rares et pour de nouveaux virus. On voit ce phénomène dans le secteur des technologies propres ou dans la lutte aux changements climatiques. Oui, il y a des solutions canadiennes; oui, il y a des solutions québécoises et montréalaises, mais il y a aussi des solutions ailleurs et on serait fou de s’en passer. La présence de ces filiales peut assurément nous aider à aller plus vite.

J’aimerais profiter de cette tribune pour vous faire part de deux orientations importantes qui, selon moi, devraient guider nos prochaines actions relativement aux investissements directs étrangers au Canada.

Tout d’abord, je veux préciser qu’il faut garder une ouverture sur l’international. Je le précise, parce que vous sentez assurément, comme moi, un certain vent de protectionnisme partout sur la planète. Notre message est qu’il faut garder les économies ouvertes. Deuxièmement — c’est nouveau pour nous, mais c’est nouveau pour tout le monde —, les normes de responsabilité sociale et environnementale des entreprises varient grandement d’une juridiction à l’autre. Il faut uniformiser le tout. En effet, des normes globales vont nous permettre de livrer des résultats tangibles en ce qui a trait à l’attraction de projets structurants, des projets que tous les Canadiens voudront voir se réaliser.

Merci de m’avoir écouté. Je serai heureux de répondre à vos questions.

[Traduction]

Le sénateur C. Deacon : Je remercie nos témoins. Je poserai des questions légèrement différentes à M. Paquet et à M. Bouchard.

Monsieur Bouchard, je m’intéresse précisément aux mécanismes qui, à votre avis, peuvent permettre au Canada d’enfin commencer à tirer parti de la valeur de nos investissements dans la recherche effectués par l’entremise des conseils subventionnaires et d’autres organes, car la majorité de nos recherches est mobilisée à l’étranger. Cela crée des occasions et des débouchés à l’extérieur du Canada, et nous rachetons à prix fort des produits et services qui sont le fruit de nos recherches. Quels mécanismes pourraient nous permettre d’agir différemment?

Monsieur Paquet, quand vous examinez le rôle de l’investissement direct étranger, ou IDE, dans ce monde nouveau qui est beaucoup plus axé sur les données et la PI, où les données canadiennes quittent le pays à un taux très élevé et sont utilisées au profit d’entités étrangères et non à celui des Canadiens, et où notre PI n’est pas adéquatement protégée pour que la valeur qu’elle crée soit mobilisée au profit des Canadiens, comment devrions-nous gérer ces questions dans ce monde d’investissement direct étranger plutôt que dans le monde physique du passé?

M. Bouchard : Je vous remercie de votre question. Je traiterai peut-être de trois composantes relativement vite.

Tout d’abord, l’écosystème actuel est, selon la conclusion de notre rapport, très fragmenté. Il est constitué d’un amalgame d’excellentes organisations qui ont réussi à travailler ensemble, mais qui n’ont pas été conçues à cette fin dans le cadre d’une stratégie commune. Ce n’est pas qu’un concept abstrait. Tout le monde est d’accord pour que les gens travaillent ensemble. Cela a des conséquences réelles, car de nombreux projets au fort potentiel d’innovation ne sont pas uniquement technologiques ou biomédicaux, puisqu’ils nécessitent une certaine expertise en sciences sociales et humaines, par exemple. À l’heure actuelle, dans le présent écosystème, c’est difficile malgré la bonne volonté de tous — et ce ne sont pas la bonne volonté et les compétences qui manquent —, car les programmes et les organismes n’ont pas harmonisé leurs règles pour pouvoir aisément travailler ensemble.

Deuxièmement — et je parlerai ici précisément de technologie —, le système actuel n’est pas conçu pour favoriser l’évolution d’une technologie de sa découverte à sa commercialisation. Diverses organisations s’occupent de diverses facettes du processus, mais si on voit ce parcours comme une course à relais, la transition entre le laboratoire et le marché s’effectue plus difficilement au Canada qu’ailleurs parce qu’il n’existe pas de liens entre les organismes.

Nous proposons d’établir une fondation canadienne des sciences et du savoir, dont un des rôles consisterait à laisser les conseils subventionnaires faire leur travail, ce qu’ils font d’ailleurs avec brio en soutenant les recherches menées par des innovateurs. En ce qui concerne les niveaux de maturité technologique, ou NMT, qui jouent un rôle important dans la politique d’innovation, je caricaturerais le mécanisme en indiquant qu’il faut dire aux conseils subventionnaires de s’occuper des technologies au NMT inférieur et que lorsqu’ils arrivent au NMT moyen, ils passent le flambeau à la fondation canadienne de sciences et de savoir pour amener les technologies au stade de précommercialisation. Si les technologies fonctionnent toujours, alors la fondation laisse les choses entre les mains de l’Agence canadienne d’innovation et d’investissement. Si les liens sont fluides entre ces organismes, alors on peut limiter la dérive de la mission des organisations dont le mandat ne cesse de s’élargir au fil du temps. On peut leur demander de mettre l’accent sur la recherche fondamentale, la recherche axée sur une mission ou la commercialisation, mais les divers acteurs jouent des rôles différents et il faut faire en sorte qu’ils puissent travailler ensemble.

Enfin, certains programmes fonctionnent bien, mais dans les faits, il est difficile d’avoir des programmes stables à long terme afin de soutenir les partenariats entre les universités et l’industrie. Je dis « industrie », mais il pourrait s’agir d’organismes sans but lucratif. Il n’est pas nécessaire que cela concerne la technologie.

L’approche de notre écosystème sur le plan de la recherche et de l’innovation fait en sorte qu’un organisme de financement a le mandat de soutenir divers partenariats entre des universités, des collèges, des organismes sans but lucratif et un ministère, et veille à ce que les programmes tiennent adéquatement compte de leurs réalités. Je pense que je m’arrêterai là. J’ai déjà trop parlé.

[Français]

M. Paquet : Merci de la question. En fait, je ne citerai pas M. Gagné, qui nous disait tout à l’heure qu’il n’était pas certain que c’était un problème. Si on n’est pas certain, assurons-nous d’avoir le plus possible de propriété intellectuelle enregistrée au Québec et au Canada.

Cela dit, un élément me chicote un peu, et c’est quand on met en opposition les sociétés étrangères présentes au Québec ou au Canada et le peu de propriété intellectuelle qui se crée au Canada.

Premièrement, on pense que s’il n’y avait pas de sociétés étrangères, le talent local seul créerait de nouvelles propriétés intellectuelles, qui seraient sans contredit entre les mains de sociétés canadiennes. Il n’y a rien de plus incertain que cela. Les propriétés intellectuelles développées par des Québécois, des Canadiens ou des Montréalais le sont pour des sociétés étrangères. Ce n’est pas seulement leurs cerveaux qui les développent, car ils sont en relation avec d’autres individus d’un peu partout, en Corée, aux États-Unis et en Europe, ce qui fait en sorte qu’ils sont capables de développer des choses extraordinaires.

Deuxièmement, on est vraiment loin de la théorie. On le voit à Montréal : il y a des joueurs, des travailleurs qui ont fait partie de grands groupes pendant plusieurs années et qui, du jour au lendemain, ont une idée et pensent qu’ils sont en mesure de lancer leur entreprise et d’amener leur idée plus loin.

On le voit dans le secteur des jeux vidéo, où des gens ont lancé leur propre studio, mais on le voit aussi dans le développement d’idées. Je pense à une entreprise comme Legion Labs : lorsqu’on regarde le parcours des fondateurs, on voit des gens de renom. Ce n’est pas un jeu à somme nulle; tout le monde peut y trouver son compte quand les réseaux sont ouverts et quand on peut profiter des meilleurs.

Le sénateur Gignac : Bienvenue à nos témoins. J’ai deux questions. Ma première s’adresse à M. Paquet. Je connais bien votre organisation, car j’ai collaboré avec elle dans une vie antérieure. Je vous félicite d’être la meilleure agence de développement au monde. Je constate que vous avez entendu les propos de M. Gagné, alors j’aimerais que vous y réagissiez.

Vous attirez des investissements au pays : les crédits d’impôt sont-ils un élément important? Selon M. Gagné, il y a trop de crédits d’impôt et on devrait plutôt réduire les impôts et les crédits d’impôt. En quoi les crédits d’impôt sont-ils si importants pour Montréal International pour attirer les investissements? Est‑ce que les gens viennent pour cela ou bien pour le talent dans la région de Montréal?

M. Paquet : En fait, je ne répondrai pas à votre question; ils viennent pour les deux. On pourrait avoir les meilleurs crédits d’impôt au monde, mais si c’était seulement une question de coûts, il y a des pays où cela coûte moins cher que le Grand Montréal, donc ces gens iraient là. Il faut un mélange de crédits d’impôt et de talent.

La raison pour laquelle il faut aussi des crédits d’impôt, c’est que nous ne sommes pas les seuls. Je veux bien désarmer, je veux bien recommander au gouvernement de baisser les crédits d’impôt, mais il faudra que les autres le fassent aussi. Lorsqu’on regarde l’industrie des jeux vidéo, par exemple, il y a 7 provinces sur 10 au Canada qui offrent des crédits d’impôt; il y a des provinces qui sont même plus généreuses que le Québec. C’est le Québec qui a gagné parce qu’on a plus de talent; il est maintenant cinquième au monde en matière de production de jeux vidéo. Donc, il faut assurément du talent assurément et des crédits d’impôt, mais il faudra que tout le monde désarme en même temps, et vous savez à quel point c’est compliqué.

Le sénateur Gignac : Ma prochaine question s’adresse à M. Bouchard. Je vous remercie d’être avec nous. On vient de parler de propriété intellectuelle. Quelle est la priorité des universités en ce qui concerne la commercialisation de la propriété intellectuelle? Est-ce que les grandes universités canadiennes de classe mondiale travaillent ensemble ou plutôt en silo?

M. Bouchard : Ce sont deux excellentes questions. En ce qui concerne la propriété intellectuelle, je pense qu’il faut renverser la chaîne d’événements. La recherche coûte de plus en plus cher et les chercheurs essaient de la financer comme ils le peuvent. Par exemple, un cylindre d’hélium, qui est essentiel, que ce soit en recherche biomédicale ou en sciences naturelles, coûtait 200 $ l’unité il y a environ cinq ans, et il coûte maintenant 700 $. Donc, quand ils choisissent soit le financement, soit le partenariat, industriel ou autre, ce choix est déterminé par la nécessité de trouver qui peut payer, dans ce cas-ci, l’hélium.

Lorsque vient le temps de parler de propriété intellectuelle, nos chercheurs, parce que le financement des agences subventionnaires n’est pas suffisant, concluent parfois des contrats de recherche avec des compagnies, mais ils ne gardent pas toujours la propriété intellectuelle. La compagnie — et je parle vraiment des brevets — garde une certaine partie de la propriété intellectuelle, mais pas vraiment le potentiel économique complet. C’est plus par nécessité que par désir de simplement donner de la propriété intellectuelle. Voilà un volet.

En ce qui concerne la coopération, il y a un peu de tout ici. Les chercheurs individuels sont des créatures qui collaborent naturellement; c’est vrai pour les universités depuis le Moyen Âge. Est-ce que les universités travaillent ensemble? Le Canada a été assez intelligent dans sa manière de développer certains grands programmes, en particulier pour l’infrastructure, pour encourager les universités à travailler ensemble, parce qu’on n’a peut-être pas besoin de huit microscopes électroniques dans un rayon de trois kilomètres carrés. La collaboration est facilitée par le gouvernement du Canada.

D’ailleurs, je tiens à souligner que le Québec le fait également au moyen des Fonds de recherche du Québec. Cela varie énormément selon les différents pays, parce que le financement des universités est traité de manière si différente que, parfois, les universités n’ont pas d’incitatif à collaborer, mais dans d’autres pays, elles en ont beaucoup. Les chercheurs eux-mêmes — cela revient à la question sur les jeux vidéo — cherchent le talent et ils veulent jouer avec les meilleurs. Si le meilleur joueur est à Tokyo, ils voudront jouer avec le joueur de Tokyo; si le meilleur joueur est à Trois-Rivières, ils voudront jouer avec le joueur de Trois-Rivières. C’est comme cela en sciences : c’est l’excellence qui pousse, et le talent cherche le talent.

[Traduction]

Le sénateur Woo : Je remercie les témoins.

Ma question s’adresse à M. Bouchard et porte sur l’évolution du financement offert par les organismes subventionnaires pour les travaux de recherche comportant une collaboration internationale. La tendance veut que, de plus en plus, les demandes de financement soient soumises à un examen de sécurité nationale, ce qui signifie que le Service canadien du renseignement de sécurité a, en fait, un droit de veto sur les propositions de financement. Nous avons déjà vu cela au Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, ou CRSNG, et on semble vouloir s’engager dans la même voie au Conseil de recherches en sciences humaines, ou CRSH, et aux Instituts de recherche en santé du Canada, ou IRSC.

J’aimerais entendre vos observations sur cette tendance à l’intervention politique dans les travaux de recherche comportant une collaborative internationale, qui a, bien sûr, des répercussions concrètes sur la collaboration en matière de recherche et un effet dissuasif sur les chercheurs susceptibles d’être dans la ligne de mire des organismes de sécurité nationale?

M. Bouchard : Votre question se concentre sur la sécurité nationale. Je présenterais les choses différemment. Depuis 10 ans au moins, les pays du monde entier donnent plus de poids à l’intérêt national, qui peut inclure la sécurité, mais aussi l’économie, le bien-être ou d’autres questions. Les pays du monde entier accordent plus de poids à l’intérêt national — ce n’est qu’un constat; je ne dis pas que c’est bon ou mauvais, mais que c’est une tendance — lorsqu’ils envisagent des investissements nationaux dans la recherche et l’innovation.

La sécurité nationale occupe une place plus importante dans certains domaines de recherche; dans d’autres, c’est moins le cas. Mais je dirais qu’en général, l’intérêt national prend de plus en plus de place la manière dont nous soutenons l’innovation et la recherche, et ce, au-delà des événements actuels ou des changements politiques récents.

Je souligne que cela se reflète dans les investissements importants que font les pays dans leurs propres travaux scientifiques. On se rend compte, pour des raisons liées à la pandémie ou à l’économie, qu’on ne peut pas se fier aux autres pays pour répondre à nos besoins en matière d’expertise. On ne peut pas dire : « Laissons les universités américaines mettre au point de grandes inventions et nous les achèterons plus tard. » Tout d’abord, elles coûteront cher si on ne fait pas partie de la relation. En outre, il faut qu’il y ait au pays des experts qui sont en mesure de donner des conseils avisés dans des domaines comme la préparation à une pandémie ou l’adaptation aux changements climatiques, etc.

En général, je constate davantage le fait que les pays ont tendance à considérer le milieu de la recherche comme un actif d’intérêt national.

Le sénateur Woo : Je vous remercie de votre réponse, mais le problème précis que j’observe est l’optique de sécurité nationale adoptée par le SCRS. S’il s’agissait uniquement d’une optique d’intérêt national, la participation du SCRS ne serait pas nécessaire. En fait, si l’intérêt national était le critère pour approuver le financement de collaboration internationale versé par l’intermédiaire du CRSNG, du CRSH ou des IRSC, un certain nombre de propositions qui ont été rejetées récemment ne l’auraient pas été. C’est précisément pour des raisons liées à la sécurité nationale que certaines de ces propositions ont été écartées.

N’avez-vous pas observé cela? N’est-ce pas quelque chose qui vous a effleuré? Cela vous préoccupe-t-il?

M. Bouchard : J’essaie de penser à divers intervenants qui ont présenté leur vision des défis ou des possibilités. En ce qui concerne la sécurité nationale, ils demandent essentiellement de la clarté et de la prévisibilité. Ils veulent assurer le maintien des collaborations internationales au moyen de divers instruments. Mais le rôle que les organismes de sécurité jouent ou ne jouent pas — je parle de mémoire — n’a pas été discuté en détail par les participants à notre panel.

[Français]

Le sénateur Loffreda : Bienvenue, Frédéric et Stéphane. Merci d’être avec nous aujourd’hui. Je félicite Stéphane pour toute la reconnaissance qu’obtient Montréal International.

[Traduction]

Comme vous l’avez mentionné, Montréal International a été désignée la meilleure agence de développement économique au monde.

[Français]

C’est bien mérité. Félicitations.

[Traduction]

À l’époque où je travaillais dans le secteur bancaire, j’ai été 13 ans trésorier honoraire du conseil d’administration de Montréal International. Je me souviens de nombreuses années où nous avons attiré un nombre record de nouveaux investissements à Montréal. À quelles politiques attribuez-vous ces années couronnées de succès?

[Français]

Pouvez-vous préciser ce que nous avons fait de différent? Quelles sont les politiques qui ont permis de faire cela?

[Traduction]

Quelle devrait être l’orientation des futures politiques? Monsieur Bouchard, n’hésitez pas à ajouter vos observations à celles de M. Paquet. Encore une fois, bienvenue. Je me réjouis de vous voir ici. Cela me rappelle de bons souvenirs.

[Français]

M. Paquet : Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur. Merci aussi de souligner les prix. Je précise que cette reconnaissance est attribuable au fait que nous avons d’excellents administrateurs — et vous en avez fait partie.

Pour répondre à votre question, je dirais que le premier élément — ce que j’ai vu changer au cours des sept dernières années et ce qui est de plus en plus frappant —, c’est le fait que les investissements suivent le talent. M. Bouchard en a parlé : si on n’a pas de talent ou si on n’est pas capable de dire à une entreprise quels sont les bassins de talents qui sont disponibles, l’entreprise viendra peut-être ici, mais cela nous coûtera extrêmement cher en subventions.

Dans notre discours, il y a toujours trois bassins de talents. Il y a le bassin actuel. Il y a le bassin que les universités forment, qui est absolument extraordinaire, parce qu’on a la chance d’avoir — et c’est très rare — deux universités de classe mondiale à Montréal qui figurent parmi les plus reconnues. Donc, il y a le talent que l’on forme et il y a aussi un système d’immigration, malgré tous les problèmes qu’il peut éprouver. Dieu sait que, lorsqu’il est temps de dire que nous avons des problèmes et que nous devons être plus efficaces, je le dis, mais nous avons un système d’immigration qui reste, somme toute, assez prévisible.

Les investisseurs n’ont pas l’impression que le système d’immigration est une loterie, comme dans certains autres pays. On dispose ainsi de trois bassins de talents qu’on peut mettre de l’avant, et l’économie du savoir est de plus en plus la raison pour laquelle les gens viennent ici.

Il y a un élément spécifique à Montréal International, et c’est le fait qu’on a investi des ressources pour raconter l’histoire de Montréal. C’est une histoire qui n’était pas ou qui reste peu connue, et elle est, à tout le moins, pas assez connue dans plusieurs marchés. On s’est rendu compte que lorsque des démarcheurs se rendaient aux États-Unis, en France, en Allemagne ou au Royaume-Uni, s’ils étaient capables de raconter l’histoire de Montréal, le fait d’être face à face avec des dirigeants d’entreprises pour expliquer ce qui se passait ici faisait en sorte qu’on réussissait bien souvent à obtenir l’investissement, même si Montréal ne se trouvait pas en haut de la liste.

J’ose espérer que, grâce à cela, nous serons davantage en haut de la liste maintenant qu’on l’était il y a 5, 10 ou 25 ans.

M. Bouchard : Je vais renchérir sur la question du talent. On voit vraiment une analogie avec l’histoire des crédits d’impôt pour les jeux vidéo, que M. Paquet a décrite plus tôt. Le talent va où il peut. Quand je parle de s’amuser, je veux dire inventer, créer, découvrir et faire des choses qui seraient impossibles ailleurs.

En intelligence artificielle, je suis très heureux et chanceux, car Yoshua Bengio est l’un des professeurs de ma faculté, mais il y a plein d’autres collègues qui ont le même niveau de brillance en intelligence artificielle. Dans la région de Montréal, nous sommes vraiment gâtés. En gros, si vous détenez un doctorat de Carnegie Mellon ou de Stanford et que vous pensez faire un postdoctorat, Montréal sera sur votre liste très, très courte. Vous voudrez venir à Montréal pour faire vos recherches et vos innovations.

Quelles possibilités cela ouvre-t-il? Quand les grandes compagnies américaines ont voulu démarrer des laboratoires de recherche industrielle, elles les ont ouverts à Montréal, parce qu’il y avait un bassin de talents. Le talent n’est pas comme un billet de loterie. Il est le résultat d’années d’investissements et de confiance de la part des différents gouvernements et des agences subventionnaires qui, en soutenant la recherche, ont créé ce vivier de talents. On en récolte les fruits aujourd’hui.

Sincèrement, en ce qui a trait au talent, les investissements du Canada ont été conséquents. Le Canada croit en la science. Ce n’est pas un enjeu partisan. On l’a vu d’un gouvernement à l’autre. Toutefois, la compétition mondiale pour le talent en recherche et en innovation nous place dans une course. Or, le Canada ne court pas assez vite. C’est un problème auquel il faudra remédier, sinon notre attractivité de talents en souffrira.

[Traduction]

La présidente : J’aimerais signaler que, dans quelques minutes, je vous demanderai quelles recommandations précises vous feriez au gouvernement fédéral, et quelles sont les leçons que vous avez tirées de votre expérience montréalaise et qui pourraient s’appliquer à l’ensemble du pays. Notre tâche consiste à conseiller le gouvernement fédéral sur la manière de créer des conditions favorables. Nous allons poursuivre avec les questions, mais je vous prie de garder cela à l’esprit.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Merci à nos deux témoins, MM. Bouchard et Paquet. Ce que vous apportez est très intéressant. Monsieur Bouchard, je comprends que vous proposez de créer un conseil national canadien pour promouvoir la commercialisation de nos inventions.

J’aimerais que vous nous parliez un peu plus de la façon dont cette institution pourrait régler certains retards que nous avons au Canada pour ce qui est de notre investissement.

Monsieur Bouchard, je comprends que l’information qui circule à travers les frontières peut nous permettre de réconcilier le fait qui a déjà été mentionné, soit que les jeunes sont obligés de quitter le pays. Vous dites que les entreprises suivent le talent. Pensez-vous que des agences comme la vôtre suffiront pour renverser la tendance dont nous ont parlé nos premiers témoins, soit la chute du niveau de vie que l’on prévoit pour le Canada au cours des prochaines années?

M. Bouchard : Je vais commencer en disant qu’il faut se poser la question suivante : en 2050 ou en 2070, d’où et de quoi viendra la prospérité du Canada? Je crois que c’est une question fondamentale. Comment établissons-nous les fondations d’une prospérité, pas pour demain matin, mais pour des décennies?

D’une manière ou d’une autre, il faut que les plus brillants qui ont eu la chance de naître ici veuillent rester et développer des choses ici, et il faut que les meilleurs talents d’ailleurs, quand ils se disent : « Je veux construire quelque chose, alors il faut que je vienne au Canada », viennent au pays également. Cela passe beaucoup par les universités, les programmes de maîtrise et de doctorat, parce que c’est là que les programmes de recherche commencent. En fait, beaucoup d’étudiants étrangers découvrent le Canada par l’entremise de ces universités et des programmes de recherche et d’innovation qu’ils peuvent y entreprendre.

En ce moment, le financement pour les étudiants n’est pas suffisant; il n’est pas compétitif à l’échelle mondiale. On a fait plusieurs autres recommandations du point de vue de la gouvernance et des écosystèmes, mais il y a une urgence réelle — et je ne parle de 2050, mais d’aujourd’hui —, car les montants des bourses pour les doctorats n’ont pas augmenté depuis 20 ans, alors que les autres pays les ont augmentés. Cela veut dire que les jeunes qui sont brillants, qu’ils viennent d’ici ou d’ailleurs, iront faire leur recherche transformatrice ailleurs, pour être en mesure de gagner leur vie, tout simplement.

Par rapport à la commercialisation, en français, l’organisme que nous proposons de créer est une fondation canadienne pour le savoir et la science. En fait, le chaînon manquant, c’est la précommercialisation. Il y a différents acteurs dans l’écosystème de la recherche et de l’innovation, et on n’a pas envie de créer un nouvel acteur par plaisir. On demande à des organismes qui sont strictement tournés vers la commercialisation, donc qui ont de la difficulté à parler aux universités, ou à des organismes qui financent la recherche universitaire, ce qu’on appelle la recherche fondamentale... C’est plus compliqué que cela, mais je vais le dire comme cela.

En gros, quand on s’intéresse à la précommercialisation, qui devrait le faire? Si on met l’accent sur la recherche fondamentale, cela s’ajoute à une programmation qui, elle, est conçue sur la découverte pure, mais n’est pas axée sur la génération de propriété intellectuelle. Si on met l’accent sur le côté « affaires », on parle plutôt de retombées à court terme, et non pas du développement de la richesse à moyen et long terme.

Il faut donc un pivot entre les deux, et c’est ce que serait la nouvelle fondation que l’on propose de créer. C’est l’une des fonctions qu’elle jouerait. Ce ne serait pas son seul rôle, mais elle permettrait de dire que cela est bon et qu’on va accompagner l’effort de précommercialisation et de maturation technologique. Quand on voit que cela peut se rapprocher du marché, ce n’est plus nous qui nous en occupons, car nous n’avons pas cette expertise, donc c’est l’agence qui hériterait du dossier. En fait, cette agence a été annoncée dans le budget de 2022; elle sera lancée cette année et s’appelle l’agence canadienne d’innovation et d’investissement.

[Traduction]

La sénatrice Galvez : Très rapidement, j’aimerais féliciter Montréal International. Je suis très au courant de tous vos succès. Vous faites un travail vraiment formidable. Il y a quatre universités à Montréal. J’ai fait ma maîtrise et mon doctorat à l’Université McGill, je connais donc votre organisation et je connais très bien la ville. Félicitations.

Ma question s’adresse à M. Bouchard. Il y a une vingtaine d’années, j’ai assisté à un panel du CRSNG où les questions étaient les mêmes. Je me souviens qu’à l’époque, quand une bourse de doctorat s’élevait à 24 000 $ par an — ce que je gagnais —, on disait que c’était très bas, que c’était presque en dessous du seuil de pauvreté.

L’autre problème était que près de la moitié des personnes qui faisaient leur maîtrise et leur doctorat étaient des femmes qui voulaient être mères, et que les services de garde d’enfants n’existaient pas du tout. C’était un autre problème.

Ensuite, il y avait la question du matériel et des laboratoires. Vous avez parlé des prix, certes, mais aussi des instruments. Bien sûr, on ne s’attend pas à ce que toutes les universités disposent de microscopes électroniques, mais il y a de l’équipement de base dont toutes les universités ont besoin.

Ensuite, il y avait la fameuse question du soutien à la propriété intellectuelle et de l’entrepreneuriat. Je développe un procédé et mon université me demande 50 000 $ pour contribuer à l’obtention d’un brevet. Où en sommes-nous? Et, bien sûr, plus tard, il y a eu la question du placement professionnel.

Pouvez-vous nous dire où nous en sommes par rapport à chacune de ces questions? Qu’est-ce qui manque? Merci.

M. Bouchard : Je commencerai par l’histoire des brevets, car la réponse est très brève. La situation varie d’une province à une autre. Le Québec a créé un organisme pour les questions relatives à la valorisation de la propriété intellectuelle et les brevets. Ce n’est pas le cas de toutes les provinces. Pour ce qui est de la valorisation de la propriété intellectuelle, je dirais qu’il ne s’agit pas d’une histoire nationale, mais de plusieurs histoires provinciales.

En ce qui concerne l’autre question, comme j’ai été professeur de philosophie avant d’être doyen, je vais me permettre de philosopher quelques instants.

Je pense que, collectivement, nous sommes un peu complaisants et satisfaits de nous-mêmes. Parce que nos chercheurs sont très bons, parce que nous sommes très bons et parce que la vie est confortable, nous sommes relativement satisfaits de la place qu’occupent nos travaux scientifiques dans le monde. En réalité, nos scientifiques pourraient faire beaucoup plus si nous leur donnions plus d’outils et d’instruments pour travailler à la poursuite de plus grandes découvertes.

Paradoxalement, je pense que ce qui nous a fait du tort — enfin, pas du tort, car notre qualité de vie est bonne et nous apprécions notre université, etc. — c’est que nous sommes assez bons, ou que nous l’avons été, et que nous n’avons donc pas ressenti le besoin d’être plus ambitieux quant au rôle que jouent la science et l’innovation dans la société canadienne. Le problème ne se limite pas aux universités.

Pour ne donner qu’un exemple, pensons au nombre de chercheurs par tranche de 1 000 personnes dans divers pays — je ne parle pas seulement des chercheurs universitaires, car il y a aussi les chercheurs de l’industrie, du gouvernement, mais des gens qui font des travaux de recherche. Il y a 20 ans, il y avait 7,5 chercheurs par tranche de 1 000 personnes au Canada. De nos jours, on en compte environ 9,4 et nous nous disons que les choses vont bien.

Il y a 20 ans, la Corée du Sud se trouvait en deçà de la moyenne des pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques, ou OCDE. La Corée du Sud avait 5 chercheurs par tranche de 1 000 habitants — nous en avions 7,5 à l’époque — et, de nos jours, elle compte 16 chercheurs par tranche de 1 000 habitants. Il s’agit donc d’un problème de politiques.

En 20 ans, la Corée du Sud, dont le nombre de chercheurs était inférieur à la moyenne de l’OCDE, est devenue l’un des meilleurs pays du monde parce que les Coréens du Sud se sont donné collectivement l’ambition d’accorder la priorité à la science, à la recherche et à l’innovation.

Le Canada compte environ 38 millions d’habitants; la Corée du Sud en compte environ 52 millions, ce qui signifie que nous sommes à peu près au même niveau en termes de taille. La Corée du Sud compte environ 500 000 chercheurs de plus que le Canada. Cela signifie qu’il y a plus de propriétés intellectuelles, plus d’industries, plus d’entreprises et plus d’experts en politique au sein du gouvernement. Il s’agit d’une question de politique. C’est pourquoi nous espérons vivement que vos travaux et ceux d’autres comités attireront davantage l’attention sur ce dossier.

Le sénateur Yussuff : Je remercie les témoins de leur présence.

Monsieur Paquet, vous avez fait un travail remarquable pour attirer des investissements et des talents à Montréal, et je pense que le plus grand défi auquel nous sommes confrontés dans cette fédération appelée Canada est de savoir comment reproduire certains des succès que vous avez su obtenir à Montréal et mettre en œuvre la même approche pour le reste du pays.

Comme vous le savez, les grandes villes comme Montréal n’ont pas de personne dédiée à cette responsabilité. Pouvez-vous nous parler de votre travail? De même, y a-t-il eu des espaces où vous avez pu collaborer avec d’autres gouvernements pour parler de ce que vous avez réalisé et de la manière dont certaines approches pourraient être utiles au reste du pays?

M. Paquet : Merci de votre question, sénateur. Oui, il existe une organisation appelée l’Alliance des villes Canada en tête. J’ai eu la chance d’être vice-président de son conseil d’administration. Elle réunit 14 villes canadiennes qui ont pour mission d’attirer des investissements étrangers directs, ou IED. Certaines s’occupent également de favoriser l’exportation, d’autres d’attirer les talents. Ce que nous avons en commun, c’est l’attraction des IED, et nous nous réunissons de temps en temps afin de mettre en commun nos pratiques exemplaires.

Il y a donc cette organisation. Pourrions-nous faire plus? Devrions-nous nous faire entendre davantage et être plus visibles? Peut-être, mais le fait est qu’à l’heure actuelle, 80 % à 85 % de tous les investissements étrangers directs au Canada vont à ces 14 villes. Nous l’oublions parfois, mais les IED sont une affaire de ville. Certes, il y a les ressources naturelles, etc., mais dans l’ensemble, les investissements directs étrangers sont une affaire de ville. Pourquoi? Je reviens à la réponse que j’ai donnée plus tôt : parce que c’est là que se trouve le talent. Les meilleurs cerveaux et les meilleures universités sont là.

Nous tenons des réunions. L’organisme se nomme l’Alliance des villes Canada en tête. Je vous transmettrai volontiers des renseignements à son sujet si vous le souhaitez.

Le sénateur Yussuff : Monsieur Bouchard, je vous remercie à nouveau pour l’excellent travail que vous accomplissez afin de faire progresser le pays afin qu’il soit à la hauteur des défis auxquels nous faisons face.

Compte tenu du nombre de recommandations que vous avez déjà faites au gouvernement, avec le souhait qu’on y donne suite au plus tôt, y a-t-il un point sur lequel notre comité pourrait insister afin de vous aider à cet égard?

M. Bouchard : Pour être franc, il faut insister sur l’urgence. On ne peut pas se contenter de dire qu’on est d’accord, mais qu’on passera à l’action dans deux ans. Je ne dis pas qu’il faut tout mettre en œuvre tout de suite, mais qu’il faut agir pour que le Canada devienne un acteur scientifique majeur dans le monde. Ce n’est pas le cas à l’heure actuelle. Certains de nos scientifiques font partie des ligues majeures. En tant que pays, nous sommes respectés, mais nous ne sommes pas un partenaire stratégique prioritaire pour les autres pays. C’est ce qu’ils affirment eux-mêmes.

C’est surtout une question d’urgence. Si nous ne changeons rien aux ambitions du Canada en matière de recherche et d’innovation, une cohorte, une génération de Canadiens ira ailleurs. Il sera alors très difficile de les faire revenir. J’insisterais donc davantage sur l’urgence de la situation.

Quant aux recommandations, certaines devraient être mises en œuvre dès maintenant, d’autres prendront plus de temps parce qu’elles sont de nature organisationnelle. Il s’agit surtout de l’urgence d’agir. Chaque année, les étudiants font des choix de vie. Ils aimeraient travailler dans nos universités, mais si nous ne les accueillons qu’avec de bons sentiments, ils iront ailleurs. Ils en profiteront et en feront profiter d’autres pays.

Le sénateur C. Deacon : La recherche au Canada est-elle une activité de développement internationale ou une activité de développement nationale ayant des retombées mondiales? J’aimerais vous entendre préciser votre pensée à ce sujet, parce que nous n’exploitons pas les bienfaits de notre recherche de manière à susciter une nette augmentation de la productivité au Canada, comparativement à la Corée du Sud, dont on vient de donner l’exemple. Si nous nous contentons d’augmenter les investissements dans la recherche fondamentale et dans la recherche menée par les chercheurs sans créer la structure permettant de récolter les revenus et les avantages récurrents qui font croître la productivité, je trouve cela inquiétant. Êtes-vous d’accord avec cette affirmation?

M. Bouchard : Ma réponse a deux volets. Premièrement, l’organisme que nous proposons faciliterait les partenariats entre les sociétés naissantes, les entreprises et la recherche universitaire. On exploiterait ainsi, dans une certaine mesure, la propriété intellectuelle. Ce serait là un avantage direct.

Par ailleurs, les entreprises canadiennes n’embauchent pas assez de titulaires de maîtrises et de doctorats. Les titulaires d’une maîtrise ou d’un doctorat ne sont pas simplement des « professeurs en devenir »; ils possèdent une expertise qui profiterait à d’autres organisations.

J’ignore si c’est toujours le cas, mais, il y a quelques années, lorsque l’on achetait un billet d’avion en Allemagne, parmi les titres de politesse comme « monsieur », « madame » et tout le reste, on trouvait « docteur » et « professeur ». Il s’agit de valoriser l’enseignement supérieur, non seulement dans les universités, mais aussi dans les entreprises et les industries. Les entreprises canadiennes n’embauchent pas assez de titulaires de maîtrises et de doctorats.

Le sénateur C. Deacon : Plus précisément, nous devons exploiter les fruits de la recherche au Canada. Êtes-vous d’accord avec cela ?

M. Bouchard : Nous devons être meilleurs pour qu’il y ait quelque chose à exploiter.

Le sénateur C. Deacon : Bien. Merci.

La présidente : Brièvement, monsieur Paquet.

M. Paquet : Je crois que M. Bouchard a fait le tour de la question.

[Français]

Nous devons valoriser le travail des universitaires et faire des liens entre les universités et le secteur privé. Je vous dirais que nous ne sommes pas parfaits — pas du tout —, mais dans le secteur de l’intelligence artificielle, notamment à Montréal, nous avons réussi à le faire.

D’abord, nous avons réussi l’exploit de prendre l’Université McGill et l’Université de Montréal et de les faire travailler ensemble, ce qui a donné naissance au projet Mila. Ensuite, on amène au pays des entreprises étrangères et locales pour s’assurer qu’il y a des projets intéressants pour tout le monde.

[Traduction]

La présidente : Merci beaucoup, messieurs. Nous devons maintenant passer aux travaux du comité. Je vous remercie de votre participation et de vos suggestions. Je pense que j’ai également obtenu une réponse à ma question.

Frédéric Bouchard et Stéphane Paquet, merci d’avoir été des nôtres.

(La séance est levée.)

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