LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES BANQUES, DU COMMERCE ET DE L’ÉCONOMIE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, mercredi 25 octobre 2023
Le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie se réunit aujourd’hui, à 16 h 17 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier toute question concernant les banques et le commerce en général.
La sénatrice Pamela Wallin (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : C’est avec grand regret que je dois informer les sénateurs, notre témoin et les gens qui regardent la réunion, que l’honorable sénateur Ian Shugart est décédé plus tôt aujourd’hui.
Il avait été nommé au Sénat en septembre 2022 par le premier ministre Justin Trudeau, après une carrière de plus de 40 ans au service du gouvernement. Le sénateur Shugart a été le 24e greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet. Durant sa carrière, il a également été sous-ministre des ministères fédéraux de l’Environnement, de l’Emploi et des Affaires étrangères. Bien que son passage parmi nous ait été bref, il a joué un rôle important et positif pour tous les Canadiens.
Nous aurons l’occasion de lui rendre hommage plus tard dans la salle du Sénat, mais pour l’instant, au nom de tous les sénateurs et de toutes les personnes associées à cette réunion, je tiens à offrir mes plus sincères condoléances à son épouse Linda, à son fils James, à ses filles Robin et Heather, ainsi qu’à toute leur famille.
J’aimerais que nous fassions une pause et que vous vous joigniez à moi pour observer un moment de silence.
(Les personnes présentes observent un moment de silence.)
Merci beaucoup, sénateurs.
Permettez-moi de vous souhaiter à tous la bienvenue à la réunion du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie. Je m’appelle Pamela Wallin et je suis la présidente du comité.
J’aimerais présenter les membres du comité qui sont ici aujourd’hui : le sénateur Loffreda, qui est notre vice-président, la sénatrice Bellemare, le sénateur C. Deacon, le sénateur Gignac, la sénatrice Marshall, le sénateur Massicotte, la sénatrice Miville-Dechêne, la sénatrice Petten; la sénatrice Galvez et le sénateur Yussuff.
Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude sur l’abordabilité du logement et la crise du logement au pays. Nous avons le plaisir d’accueillir, en personne, M. Jon Love, chef de la direction de KingSett Capital. Merci de vous joindre à nous aujourd’hui. Je vous cède maintenant la parole. Vous pouvez commencer votre déclaration préliminaire.
Jon Love, chef de la direction, KingSett Capital : Merci, madame la présidente. Bonjour. Merci de me donner l’occasion de m’adresser à vous.
Je suis le fondateur et le chef de la direction de KingSett Capital, la plus grande société de capital-investissement immobilier au Canada. Nous détenons 17 milliards de dollars d’actifs au Canada dans une série de fonds, y compris des fonds de croissance, de base, de crédit et de logement abordable. Nous détenons des participations dans 10 000 unités d’immeubles à logements multiples. Nous avons 12 milliards de dollars de projets résidentiels en attente. Nous possédons 400 unités de logement abordable et 3 000 autres sont en attente d’un certain nombre d’approbations. Au total, nos projets qui sont en construction ou à l’étape préalable à la construction représentent quelque 8 000 unités. En outre, KingSett Capital est le plus grand prêteur non bancaire du Canada dans le secteur immobilier. Nous accordons des prêts à toutes sortes de projets d’immeubles à logements multiples partout au pays.
Je me contenterai de dire que notre position nous permet de voir les difficultés et les possibilités qui se présentent dans le contexte de la crise du logement au Canada.
La crise du logement résulte d’une offre insuffisante, car nous n’avons tout simplement pas assez de logements — c’est une crise qui se préparait depuis des décennies. Pour répondre aux besoins d’une population croissante, nous devons accélérer la construction de nouveaux logements.
La pénurie de logements est le résultat d’une série de facteurs, notamment les blocages, les exigences excessives en matière de planification, la fiscalité écrasante, les obstacles fiscaux, l’escalade des frais de développement et les pénuries chroniques de main-d’œuvre.
L’exonération de la TPS et de la TVH pour les nouveaux immeubles à logements multiples qui a été annoncée récemment était attendue depuis longtemps. Cette bonne nouvelle aura une incidence. Il s’agit d’un premier pas important, mais il reste encore beaucoup à faire.
Il nous faut une stratégie pour accélérer la création de toutes les formes de logement : les maisons unifamiliales, les logements intermédiaires manquants, et les grands ensembles d’habitation. Il nous faut une stratégie qui puisse avoir des effets à court, moyen et long terme. Il nous faut une stratégie qui, entre autres, mette l’accent sur l’augmentation du nombre de logements abordables.
Il n’y a pas de solution miracle, mais le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle important pour augmenter l’offre en agissant sur quatre éléments clés : les gens, les capitaux, l’innovation et l’harmonisation.
Premièrement, il y a les gens. Nous n’avons tout simplement pas assez de main-d’œuvre spécialisée pour accélérer la construction de logements. Au chapitre de l’immigration, nous devons cibler nos efforts sur les personnes qualifiées des métiers de la construction. De plus, il nous faut appuyer les programmes de formation aux métiers qui sont offerts aux diplômés du secondaire au pays. Nous avons besoin de leadership pour l’élaboration d’une stratégie nationale sur la formation professionnelle, l’intégration et la circulation des compétences et de la main-d’œuvre d’une province à l’autre. Pour dire les choses clairement, sans un nombre accru de travailleurs spécialisés — charpentiers, plombiers, électriciens, soudeurs, et cetera —, nous ne pouvons tout simplement pas construire plus de logements.
Deuxièmement, il y a les capitaux. Si les capitaux propres sont facilement accessibles, les emprunts se font plus rares, ils sont plus incertains et coûtent plus cher. Élargissons le mandat de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, la SCHL, afin que la garantie de l’assurance prêt hypothécaire du gouvernement du Canada permette d’accélérer la construction de logements locatifs. J’aimerais formuler quelques recommandations.
Tout d’abord, il nous faut simplifier et accélérer le processus d’approbation de la SCHL — un seul formulaire, 30 jours. C’est une brillante idée. Il serait peut-être bon de mettre les banques à charte à contribution pour la mise en œuvre de la stratégie et du programme, et ainsi accroître le rayonnement et les ressources.
En ce qui concerne les prêts, le promoteur — l’emprunteur — a une mise de fonds initiale de 10 % à verser. Le financement garanti par la SCHL sert au reste des coûts du projet. Le taux d’intérêt correspond au taux des obligations du gouvernement du Canada au moment du premier versement.
Je recommande qu’on envisage de réduire le taux d’intérêt au taux des obligations du gouvernement du Canada, moins 1 %, pour les ensembles de logements abordables, soit ceux dont au moins 40 % des logements représentent 100 % du taux mensuel moyen ou moins. Ensuite, on devrait faire passer la période d’amortissement du prêt de 20 ans à 50 ans. En outre, des mesures de protection du crédit comme celles que les banques offrent devraient s’appliquer : garanties d’achèvement, augmentation du financement en fonction de la valeur nette, et cetera. Pour un coût négligeable, les avantages seraient formidables.
Troisièmement, il y a l’innovation. Pour favoriser l’innovation, nous devons moderniser et nationaliser le code du bâtiment. À l’heure actuelle, il y a des centaines de codes de construction différents au pays, ce qui freine l’innovation, car rien ne peut être fait à grande échelle étant donné qu’il y a une foule d’exigences et de restrictions. Pour favoriser les percées et l’innovation, nous devons avoir un seul code du bâtiment afin de pouvoir appliquer à grande échelle les idées les plus prometteuses. Nous avons besoin d’un code qui a préséance sur tous les codes « pas dans ma cour » actuels.
Quatrièmement, il y a l’harmonisation. Dans le milieu politique, on s’entend de plus en plus sur la nécessité d’augmenter le nombre de logements, mais la bureaucratie aux échelons fédéral, provincial et municipal entrave les progrès. Nous avons besoin de leadership pour que tous travaillent à la réalisation d’un même objectif : accroître l’offre de logements — que l’on parle de politiques, de règlements ou de lois habilitantes.
Le logement est en crise. Il faut faire preuve de combativité pour rallier toutes les parties prenantes et tous ceux qui exercent un contrôle autour d’un objectif commun, soit celui d’accélérer la construction de tous les types de logements, y compris des logements abordables, car tous sont nécessaires pour répondre à la forte demande qui n’est pas satisfaite. C’est la seule façon de parvenir à la stabilité des prix et à l’accessibilité.
Je vous remercie pour le temps que vous m’avez accordé. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
La présidente : Merci beaucoup. Je pense que vous avez résolu tous les problèmes. Je plaisante. Vous avez soulevé des points très précis et je sais que les sénateurs ont beaucoup de questions à vous poser.
Je trouve intéressant que vous ayez dit que la crise du logement est un problème qui se préparait depuis des décennies, mais que vous n’ayez pas parlé des taux d’intérêt.
M. Love : Les taux d’intérêt, à proprement parler, ne constituent pas le problème central. C’est plus compliqué que cela.
Si l’on considère un immeuble locatif du point de vue du capital, le promoteur doit acquérir l’emplacement, suivre le long processus de planification préalable et tout le reste, ce qui peut prendre trois ou quatre ans. Ensuite, la construction doit commencer sans que l’on sache quel sera le montant du loyer — on peut le deviner — et sans que l’on connaisse le coût du capital jusqu’à l’achèvement des travaux, car c’est à ce moment-là que les taux d’intérêt sont établis.
Dans ma proposition, je demande s’il est possible que la SCHL autorise les versements et établisse le taux dès le début du projet afin que l’on puisse en savoir plus sur le capital et avoir plus de certitude à cet égard. Bien que les taux d’intérêt soient élevés — une situation qui a exercé une pression sur l’industrie et mené à l’interruption d’une grande partie des activités —, ce n’est pas tant le niveau des taux d’intérêt qui est en cause que l’incertitude qui y est associée.
La présidente : Merci beaucoup. Les membres du comité vont maintenant vous poser des questions. Vous nous avez fourni beaucoup de matière à discussion. C’est notre vice-président, le sénateur Loffreda, qui commence.
Le sénateur Loffreda : Je vous remercie de votre présence, monsieur Love.
Excellente entrée en matière. Vous avez couvert toutes les bases. Vous avez frappé un coup de circuit dès le départ.
Vous avez dit que c’est l’offre insuffisante qui est en cause. Vous et moi en avons déjà discuté. La SCHL estime qu’il faudra construire 3,5 millions de logements d’ici 2030 pour rétablir l’abordabilité du logement. Vous avez dit qu’il n’y avait pas de solution miracle, mais vous avez formulé de nombreuses recommandations concernant quatre éléments clés : les gens, les capitaux, l’innovation et l’harmonisation.
Sans entrer dans le détail de vos recommandations — que je trouve très avisées, et si seulement nous pouvions toutes les mettre en place très rapidement —, quel est le plus grand défi à votre avis? Comment peut-on surmonter ces difficultés?
Nous avons dit précédemment que les différents gouvernements et les municipalités deviennent un problème et nous avons parlé de la manière dont nous pourrions inciter les municipalités et les provinces à créer plus de logements.
Pourriez-vous nous parler de certaines de ces idées? Quels seront les plus grands défis à relever? Je suis certain que mes collègues poursuivront la discussion.
M. Love : Permettez-moi de commencer par la question de la main-d’œuvre.
Si l’on regarde les statistiques, il n’y a jamais eu plus de 2,5 millions de mises en chantier au Canada au cours d’une décennie. On en compte environ 250 000 par année. La SCHL affirme à juste titre que nous avons besoin de 3,5 millions de logements supplémentaires. Or, il n’y a tout simplement pas assez de gens pour les construire, ce qui a pour effet d’exercer une énorme pression sur les coûts. Une pénurie de main-d’œuvre accélère la hausse des coûts des projets. Nous devons nous concentrer davantage sur la question de la main-d’œuvre qualifiée. Notre pays connaît une croissance rapide et il n’y a tout simplement pas assez de gens pour faire quoi que ce soit.
Permettez-moi de vous amener à réfléchir sur les mises en chantier, car au Canada, nous parlons de mises en chantier, mais il s’agit de chiffres bruts et non nets. Autrement dit, il ne s’agit pas de l’ajout net, mais de l’ajout brut. Imaginons donc qu’il y ait aujourd’hui 15 millions de logements au Canada. Si l’on suppose que la durée de vie moyenne d’une maison est de 100 ans, il faut 150 000 mises en chantier par année simplement pour maintenir le niveau. Mais si l’on suppose que la durée de vie moyenne d’une maison est de 50 ans, cela fait 300 000, alors allons-y avec 75 ans. Cela fait 225 000 logements. Essentiellement, tout ce que nous faisons, c’est maintenir le parc immobilier existant.
Si l’on remonte à une période relativement récente, soit à il y a 20 ans, le Canada comptait 32 millions d’habitants. Aujourd’hui, il en compte 40 millions. La population du pays a donc augmenté de 25 % et nous n’avons pas été en mesure d’accélérer la construction de logements. Voilà pourquoi la crise se préparait depuis des décennies.
La priorité — je pense qu’elle concerne le gouvernement fédéral — est de réfléchir à la manière d’attirer des personnes de métier au pays. Il nous faut recruter des gens de métier et les intégrer rapidement. Nous n’avons pas besoin de charpentiers qui conduisent des voitures Uber. Il faut qu’ils puissent construire des maisons. Je sais que cela dépasse les limites des compétences, mais il nous faut simplement plus de personnes capables de construire tout ce dont nous avons besoin.
La deuxième chose que je mentionnerai, c’est toute la question de l’harmonisation, qui va de ce que j’appellerai la permission... Nous n’avons pas besoin d’incitatifs fiscaux; nous avons besoin d’une permission. Ce n’est pas une question fédérale. Cependant, je peux vous dire, en me fondant sur notre fonds de logement abordable, à quel point il est difficile de faire avancer les choses.
Si je reviens un peu en arrière, notre fonds de logement abordable est ciblé et il est détenu par de grandes institutions et des particuliers fortunés, et ils sont tout à fait prêts à accepter un rendement économique sous-optimal sur leur investissement pour l’atteinte de l’objectif social — c’est-à-dire construire des logements abordables, ce qui, tout le monde en convient, est une question cruciale pour le pays.
Les capitaux propres sont donc là. Il s’agit d’un petit fonds. Nous avons obtenu 180 millions de dollars pour un programme de 1 milliard de dollars. Nous pourrions obtenir 1 milliard de dollars. Il n’y a pas de pénurie de capitaux. Ils sont prêts à accepter un rendement économique sous-optimal en échange de l’atteinte d’un objectif social : le logement abordable. Toutefois on doit s’écarter de notre chemin.
Nous avons un projet à Etobicoke qui est dans la phase préalable depuis bientôt cinq ans parce que nous luttons continuellement pour faire bouger les choses. L’emplacement se trouve en face d’une école, à proximité d’un centre commercial et d’une épicerie et ainsi de suite, et il est desservi par les transports en commun. Nous nous sommes battus pendant près d’un an avec la ville au sujet des besoins en matière de stationnement. Nous voulions moins de places de stationnement parce que nous pensions que nos clients n’en auraient pas besoin, mais la ville a insisté pour qu’il y en ait davantage. Nous pensions que nos clients à la recherche de logements abordables seraient plus intéressés par les transports en commun, et il y avait des écoles de l’autre côté de la rue, et cetera. Ils n’ont peut-être pas besoin du même nombre de voitures. Voici l’incidence économique.
Pour nous, la question qui se posait, c’était que si nous pouvions construire un seul niveau souterrain, nous aurions suffisamment de places de stationnement, ce qui est une chose raisonnable à faire. Or, selon les exigences, nous devions construire deux niveaux souterrains, et le deuxième niveau coûte très cher et n’offre pas de rendement économique. En fait, il faut augmenter les loyers — eh bien, nous essayons d’avoir des logements abordables, et l’inclusion de places de stationnement excédentaires ne fonctionnait tout simplement pas.
Dans le même projet, si je peux me permettre un aparté, nous avons également décidé, en tant que propriétaires, d’opter pour la carboneutralité — nous utilisons l’énergie géothermique —, ce qui a un coût économique. Je demanderais à mes partenaires, et c’est ainsi que les gens pensent, que personne ne puisse construire aujourd’hui, selon ma conception des choses, de bâtiment qui ne soit pas carboneutre. Nous sacrifions le rendement pour le faire et c’est la bonne chose à faire. Bâtiment abordable, énergie géothermique, carboneutralité : on coche toutes les cases de l’objectif social. En fin de compte, nous avons pu augmenter le nombre de places de stationnement, etc. Toutefois, ce n’est là qu’un petit exemple de notre parcours tortueux.
La présidente : C’est un excellent exemple. Je pense que vous avez préparé le terrain, mais nous essayons de faire en sorte que tous les membres du comité puissent poser des questions.
La sénatrice Bellemare : Je pense que nous sommes confrontés à un véritable échec du marché. Le secteur du logement a échoué sur le plan de l’action sociale, de la prise de décision d’ordre social. Cela touche un grand nombre de gouvernements, de provinces et de municipalités. Qui peut prendre les choses en main? Je ne pense pas que ce soit les gouvernements, mais je me demande s’il y a des institutions qui pourraient prendre l’initiative de réunir toutes ces parties prenantes, et peut-être — et je ne plaisante pas — qu’avec le soutien de l’assurance-emploi, vous serez en mesure de trouver des solutions.
M. Love : C’est une très bonne question, et c’est très difficile et très frustrant pour beaucoup d’entre nous. Je pense que les dirigeants municipaux doivent faire preuve de leadership et que les dirigeants provinciaux et fédéraux doivent les soutenir. Il est clair que les maires des grandes villes se rallient tous, politiquement, à la nécessité d’augmenter le nombre de logements. Les différents maires ont des points de vue différents sur la manière d’y parvenir. Je ne pense pas qu’il y ait suffisamment de fonds publics pour résoudre le problème du logement. Il faut faire appel à des capitaux privés et à des sources privées de capitaux, car il n’y en a tout simplement pas assez. Nous ne pouvons pas demander aux administrations municipales ou autres de jouer le rôle de promoteurs pour le pays entier. Ce n’est pas une stratégie viable.
Ce qui est possible, c’est l’harmonisation ainsi que la suppression des barrières et des impasses réglementaires. J’ai beaucoup d’estime pour Romy Bowers et pour ce qu’elle fait, mais la SCHL est plutôt débordée, et tout prend beaucoup de temps. Or, dans notre métier, le temps représente un risque, car les faits qui prévalent au départ changent rapidement au fil du temps. La question des ressources se pose donc, et c’est la raison pour laquelle j’ai dit qu’il serait peut-être utile d’ajouter les banques à charte pour aider à l’administration d’un programme. Bon nombre d’entre nous, dans le secteur, seraient ravis de contribuer à la construction de logements abordables. D’un point de vue économique, si je construis un immeuble d’appartements avec des logements abordables, je sais que j’ai tous mes clients parce que les loyers sont moins élevés que ceux d’un immeuble du marché.
Cela donne en fait des résultats économiques très convaincants, mais à cette fin, nous devons tirer parti de certains des programmes existants et essayer de les rationaliser afin de pouvoir les mettre en œuvre.
La sénatrice Bellemare : Il faut que tout commence à l’échelon municipal?
M. Love : Eh bien, si nous n’avons personne, si nous n’avons pas de main-d’œuvre, cela n’a pas d’importance. Je commencerais par là. Je pense que ce que le gouvernement fédéral a fait en éliminant la TVH et la TPS est un pas important dans la bonne direction.
Vient ensuite la main d’œuvre. Pour l’harmonisation et la collaboration, je pense qu’il faut une coalition des divers ordres de gouvernement. C’est ce qui a manqué, et ce qui explique les difficultés rencontrées et les progrès inférieurs à nos attentes.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Merci, monsieur Love, d’être avec nous. Vos propos sont fort intéressants.
J’ai une question un peu plus pratique. Selon la firme Abacus, lorsque les baby-boomers étaient à l’âge de se procurer une première maison, ils mettaient cinq ans à amasser une mise de fonds équivalente à 20 % de la valeur de la propriété convoitée. Aujourd’hui, les jeunes adultes doivent travailler pendant 14 ans, à temps plein, pour atteindre cette même somme.
Dans les solutions ou dans les avenues que vous proposez, y a‑t-il quelque chose qui pourrait aider ces jeunes — et j’en ai même dans mon bureau sénatorial — à acquérir une maison?
[Traduction]
M. Love : Je ne suis pas sûr que nous sommes en mesure de résoudre ce problème. Le problème de l’abordabilité s’est tellement compliqué. Nous ne pouvons pas revenir en arrière. Faire en sorte que la valeur des maisons de tout le monde soit réduite de moitié ne résout rien.
À l’avenir, nous verrons davantage de logements locatifs spécialement construits pour les personnes qui choisissent de louer leur logement. Cette solution peut constituer une étape intermédiaire constructive avant une décision de logement définitive.
Il existe des programmes. Nous travaillons à une solution de location avec option d’achat. C’est intéressant, car le locataire paie un loyer dont une partie va lui permettre de devenir propriétaire d’un appartement.
Dans un environnement à forte densité, comme ceux que l’on trouve en Europe — car les gens y font souvent référence... On ne trouve pas de pelouses vertes à perte de vue dans le centre de Paris, de Londres ou de toute autre ville. Les gens vivent dans des appartements, et il n’y a rien de mal à vivre dans un appartement. Parfois, on en est propriétaire, parfois non. Cela peut très bien fonctionner.
Le contrôle des loyers a eu des effets différents selon les provinces. Je dirais que le contrôle des loyers est bon dans certains cas, et imparfait dans d’autres. Ce que je qualifierais de « meilleur contrôle des loyers » peut fonctionner, mais c’est une question qui relève des provinces.
Nous devons stabiliser les prix du logement. Une fois que nous l’aurons fait, il sera raisonnable de penser que ceux qui arrivent sur le marché — les jeunes — auront, un jour, la possibilité d’acheter un logement. La clé, c’est la stabilisation.
La sénatrice Miville-Dechêne : Et il convient de dire « un jour ». Il faudra encore des années.
Vous avez parlé des codes de construction. Ne relèvent-ils pas de la compétence des provinces? Quand vous dites que vous voulez un grand code du bâtiment, de toute évidence, c’est compliqué.
M. Love : Dans une seule ville — ce que nous appelons une ville —, vous pourriez constater qu’il existe cinq codes de construction différents.
Je vais vous donner un exemple. La largeur d’une porte à Vancouver, selon l’endroit où l’on se trouve, doit être de 32, 34 ou 36 pouces. Il n’est pas possible de produire des portes en série.
Parmi les innovations que nous souhaitons, citons le logement modulaire, le logement hors site — faire les choses à grande échelle dans l’espoir de pouvoir les faire à moindre coût. Plus vite et moins cher. Mais sans normalisation, il est difficile d’y parvenir.
Est-ce possible d’avoir une norme nationale en matière de logement qui, comme je l’ai dit, l’emporterait — c’est un mauvais choix de mot... Je devrais parler d’une norme qui aurait préséance sur tous les codes municipaux, dont la plupart ont 100 ans? On ne supprime jamais un code, on en ajoute simplement d’autres.
De nombreux dysfonctionnements font obstacle à l’innovation. La seule façon d’innover dans le domaine du logement n’est pas d’avoir un logement sur mesure, avec un charpentier qui mesure, coupe et cloue. Il faut miser sur la fabrication et ainsi de suite, et cela ne fonctionne tout simplement pas au Canada.
La sénatrice Galvez : Merci beaucoup pour votre exposé, monsieur Love. C’est très intéressant.
C’est très drôle, car nous sommes au Comité sur les banques et nous ne parlons pas des taux d’intérêt, mais des codes de construction et de la main-d’œuvre.
Je suis tout à fait d’accord avec vous : nous avons besoin de techniciens. Nous avons besoin de gens de métier. Les écoles se démènent. J’ai travaillé à l’université. Je suis ingénieure civile. Je me souviens de l’époque où nous nous battions pour recruter des ingénieurs, puis nous avons eu besoin de médecins. Ils se sont alors mis à prendre nos étudiants en génie pour en faire des médecins.
Le problème actuel est plus grave. Ce n’est pas seulement la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur de la construction, c’est aussi la pénurie de main-d’œuvre dans tous les domaines.
Vous avez parlé d’immigration, de faire venir les gens, mais les formalités administratives sont lourdes. Les ingénieurs doivent attendre longtemps avant d’obtenir leurs papiers.
Vous êtes actif dans le domaine des bâtiments LEED — Leadership in Energy and Environmental Design — et des bâtiments carboneutres, vous parlez des codes de construction qui, à un moment donné, diront peut-être qu’on ne peut pas construire ici ou là parce qu’il y a de l’eau, une plaine inondable et ainsi de suite. Comment pensez-vous que nous puissions résoudre ce problème?
M. Love : Oui, c’est un dossier de compétence fédérale qui est très complexe. Je pense que le problème concerne l’harmonisation. Il est possible de construire beaucoup plus de logements, beaucoup plus rapidement, si tout le monde adopte le même objectif, et je parle des volets politique, réglementaire et législatif, ainsi que de toutes les autres pièces du casse-tête.
Nous trouvons que bien des gens veulent protéger leur propre territoire. Ce faisant, ils causent des frustrations... Permettez-moi de vous donner un exemple.
Je suis un grand adepte des appartements accessoires. Je pense que nous pourrions créer, à court et à moyen terme, toutes sortes de logements abordables — des appartements dans les sous-sols, dans les ruelles, et ainsi de suite.
Cependant, nous nous retrouvons dans des situations comme celle qui prévaut en Colombie-Britannique, où le premier ministre Eby a eu l’idée d’accorder un prêt sans intérêt d’un montant maximum de 40 000 $ aux propriétaires pour qu’ils convertissent leurs sous-sols en logements accessoires. Toutefois, à la lecture des dispositions de la loi habilitante, on s’aperçoit qu’à Vancouver, le ménage doit avoir un revenu inférieur à 209 000 $ pour pouvoir bénéficier de ce programme. Il n’y a pas beaucoup de personnes qui possèdent une maison à Vancouver et dont le revenu est inférieur à 209 000 $. La loi habilitante annule cette stratégie qui était, à mon avis, très robuste.
Ce sont les enjeux pour lesquels nous devons, en tant que société, nous mobiliser et nous demander, si nous voulons tous plus de logements — et plus de logements abordables —, ce que nous pouvons faire pour faire tomber les obstacles afin que les grandes politiques dont on parle puissent réellement être mises en œuvre.
J’ajouterai une autre réflexion sur les taux d’intérêt. Nous avons traversé la crise de 2008-2009, puis nous avons connu 10 ans de taux d’intérêt à 0 % sans nouvelle offre de logements, ce qui a entraîné une inflation massive des prix de l’immobilier. Cette situation est due en grande partie aux taux d’intérêt trop bas et aux mesures de relance budgétaire trop importantes. Ces deux facteurs se sont conjugués.
Il n’y a rien de mal à avoir des taux d’intérêt de 5 %. Au cours de mes 43 années de carrière, si vous m’aviez dit que nous pouvions avoir des taux d’intérêt de 5 %, j’en aurais été très heureux. Lorsque les taux d’intérêt sont à 0 % et que la demande explose — et que l’offre n’est pas suffisante à cause de la pénurie de main-d’œuvre et de tous les obstacles à la construction de nouveaux logements —, les prix deviennent incontrôlables.
Nous ne pouvons pas inverser la tendance, et c’est là où nous en sommes. Mais nous pouvons agir. La SCHL a un rôle très constructif à jouer. Il peut être très utile d’utiliser le bilan du Canada pour garantir des logements locatifs, peut-être à prix réduit — des logements abordables.
Nous sommes en train de rendre l’hôtel Royal York carboneutre. L’annonce en sera faite le 15 novembre. Dans le cadre de ce processus, nous avions besoin de l’aide financière de la Banque de l’infrastructure du Canada et l’avons obtenue. Elle a subventionné le taux en fonction de la qualité de notre décarbonation. C’est le risque que nous assumons. Si nous n’atteignons pas nos objectifs, le taux d’intérêt est élevé. Si nous atteignons nos objectifs, nous obtenons un bon taux d’intérêt, ce qui rend le projet viable. L’hôtel Royal York sera le seul hôtel certifié zéro carbone au Canada. C’est une étape importante.
Le sénateur C. Deacon : Monsieur Love, merci beaucoup d’être avec nous aujourd’hui. Vos observations sont concises, précises et utiles.
Vous avez parlé des défis que nous devons relever pour fournir des logements aux Canadiens aujourd’hui et de l’ampleur des obstacles auxquels nous sommes confrontés. Nous devons également procéder à l’écologisation de notre parc immobilier existant. Le Sénat est en train de remplir son engagement de devenir une organisation carboneutre d’ici 2030. Nous espérons suivre la même voie que vous avec le Royal York.
Je pense que 56 % de nos émissions proviennent de nos bâtiments. En notre qualité de sénateurs, nous voyageons beaucoup à travers le pays chaque semaine, mais ce sont nos bâtiments qui représentent notre coût le plus élevé.
Nous avons besoin de main-d’œuvre pour commencer à combler le fossé entre le parc de logements que nous avons et le parc de logements dont nous avons besoin, mais il y a aussi l’écologisation de notre parc existant. Pouvez-vous nous en parler? En ce qui concerne le nombre de travailleurs qualifiés dont nous avons besoin dans ce pays, le taux de croissance est stupéfiant. Avez-vous envisagé cela également?
M. Love : La carboneutralité est extrêmement importante pour notre stratégie d’entreprise. Son importance n’est pas évidente aujourd’hui, car tout le monde parle d’objectifs à atteindre en 2030, 2050 ou autre. Mais il faut beaucoup de temps, beaucoup de capital et beaucoup de travail d’ingénierie très détaillé pour comprendre comment y parvenir.
Je suis d’avis que ce sont nos clients — et non les organismes de réglementation — qui vont finir par l’exiger. Je suis d’avis que les règlements seront toujours à la remorque des clients. Je me concentre davantage sur la réponse des clients, car c’est ce qui détermine ces investissements. Nous avons un programme de 100 millions de dollars pour nos immeubles de bureaux. Scotia Plaza est un bâtiment de 2 millions de pieds carrés qui est carboneutre. Nous avons d’autres projets en cours. C’est faisable. Ce n’est pas la réglementation qui importe, mais la pression du public.
L’Europe a une bonne longueur d’avance sur nous, et la carboneutralité est bien plus présente dans leurs priorités. Aux États-Unis, c’est une question qui divise. C’est un domaine dans lequel il est difficile pour des gens comme nous de se frayer un chemin. Le Canada se situe au milieu.
Je pense qu’avec le temps, les locataires de locaux à bureaux et les personnes qui séjournent dans un hôtel valoriseront cet aspect. J’ai hâte d’accueillir au Royal York toutes les conférences qui se tiendront en 2024 et qui porteront sur la durabilité et le changement climatique.
Le sénateur C. Deacon : Il faudra de la main-d’œuvre pour accomplir cette tâche supplémentaire, et je ne parle pas seulement des nouvelles constructions, mais aussi de l’écologisation. Avez-vous pensé à la pénurie que nous subissons actuellement dans ce domaine?
M. Love : Je n’y ai pas vraiment réfléchi de façon précise. Il y a une pénurie sur deux plans. Tout d’abord, les personnes qui savent comment faire le travail. Dans une certaine mesure, nous avons mobilisé une grande partie des meilleures ressources pour nous aider, car ce n’est pas nécessairement une priorité pour les autres, et nous monopolisons donc ces ressources. Mais il faut aussi faire les travaux nécessaires, et cela représente beaucoup de travail. Il faudra donc cibler la stratégie en matière d’immigration.
Les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques sont des domaines importants. Je ne dis pas du tout le contraire. Toutefois, je pense que cela a supplanté notre intérêt pour le recrutement d’immigrants qui exercent des métiers spécialisés et pour la recherche de moyens de les intégrer rapidement dans la production. Je pense que le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle utile à cet égard.
Je ne pense pas que l’on présente à nos jeunes, dans les écoles secondaires du pays, les types d’occasions commerciales qu’offrent les métiers spécialisés. D’une certaine manière, nous considérons que ce n’est pas un accomplissement aussi important qu’un baccalauréat universitaire. Pourtant, un plombier à Toronto devrait facilement gagner de 125 000 à 150 000 $ par année dès l’âge de 22 ou 23 ans. Il peut ensuite embaucher un jeune pour travailler pour lui et gagner 50 % de plus, mettre son nom sur un camion et créer ainsi une entreprise.
Il y a d’énormes possibilités pour les petites entreprises dans ce domaine. Nous devons simplement parler à nos jeunes et les convaincre qu’il s’agit d’une option viable. Cela devrait faire partie de tous les processus de réflexion.
En Allemagne, lorsque des parents annoncent que leur fils ou leur fille exerce un métier spécialisé, tout le monde pense que c’est une excellente chose. Ce n’est pas le cas ici. Nous devons donc changer notre façon de voir les choses.
Le sénateur C. Deacon : Bravo!
La présidente : Je vous remercie de votre commentaire judicieux.
Le sénateur Yussuff : Il est encourageant d’avoir une conversation honnête sur un problème complexe, car nous avons tendance à parler des difficultés sans tenter de les résoudre.
La question du logement relève principalement des municipalités et des provinces, mais nous sommes en train de parler des mesures qui pourraient être prises au niveau national pour améliorer la situation. Cela va prendre du temps.
J’habite à Toronto et je comprends une chose, et c’est qu’il n’y a pas de nouveaux terrains. En l’absence de nouveaux terrains, la solution la plus évidente est la densité. Comment y parvenir? Comment convaincre les gens qui ne veulent pas que cela se fasse près de chez eux? Plus important encore, comment faire le nécessaire pour que les gens puissent se permettre de vivre en ville tout en élevant une famille?
C’est un défi de taille, cela ne fait aucun doute. Je vous remercie de tout ce que vous faites à cet égard.
Vous avez soulevé la question plus générale des codes du bâtiment. C’est probablement la chose la plus caduque que nous ayons faite dans l’histoire de notre pays. Je ne vois pas pourquoi il faudrait un ensemble de règles pour construire un bâtiment sécuritaire dans une région du pays et un ensemble de règles différentes pour faire la même chose dans une autre région du pays.
J’ai travaillé dans l’industrie automobile dans ma jeunesse. Une voiture sécuritaire est une voiture sécuritaire. Ce n’est pas compliqué. Elle doit simplement être équipée de quelques dispositifs de base, sinon elle n’est pas sécuritaire.
Je sais qu’il est difficile de convaincre les gouvernements provinciaux et municipaux et le gouvernement fédéral de faire cela, mais c’est possible. L’objectif est de construire plus de logements plus rapidement, sans avoir à franchir trop d’obstacles.
Il y a une chose que je vois trop souvent dans mon quartier, et c’est que chaque fois que quelqu’un veut construire quoi que ce soit, il faut organiser une audience publique. Tout le monde vient donner son avis sur la question. Ensuite, la municipalité décide si c’est une question trop ou pas assez politique et au bout du compte, le conseil municipal prend une décision.
Comment renforcer la capacité tout en reconnaissant que nous n’avons pas le choix? Il y a une énorme pénurie de logements dans la ville de Toronto. De nombreuses personnes vivent dans la pauvreté et dans des conditions extrêmement difficiles. Elles veulent vivre et travailler en ville, mais il n’y a pas assez de logements abordables. Cette situation se présente d’un bout à l’autre du pays, et pas seulement dans la ville de Toronto.
M. Love : Permettez-moi d’aborder trois aspects différents.
Tout d’abord, nous n’essaierons pas de nous attaquer au processus municipal, car cela dépasse le cadre de l’étude en cours. Toutefois, lorsque le gouvernement fédéral verse des contributions au transport en commun — le transport rapide et les autres types de transport —, il a la possibilité de préciser que l’une des conditions de financement est l’élargissement du zonage sur toutes les lignes de transport en commun. Si j’avais une baguette magique, dans une ville comme Toronto, il y aurait sur chaque boulevard un zonage « de plein droit » pour un immeuble de dix ou huit étages. C’est le compromis qui manque.
Toutefois, lorsqu’on examine les projets de transport en commun en cours de construction, par exemple le train léger transurbain d’Eglinton, auquel le gouvernement fédéral a contribué, on constate qu’aucune mesure favorisant le zonage de densification n’a été mise en œuvre.
À Scarborough, nous sommes propriétaires du projet Eglinton Square dans le quartier Golden Mile et la ligne transurbaine sera terminée un jour. Nous sommes enfin sur le point, huit ans après la présentation de notre demande de modification du zonage, de pouvoir lancer les travaux. Nous n’avons pas encore construit ce projet parce que nous n’avons pas encore obtenu toutes les autorisations nécessaires. C’est dans ces circonstances que le gouvernement fédéral pourrait imposer des conditions de financement.
Juste en passant, savez-vous ce qui se trouve près de l’entrée de chaque arrêt de la ligne transurbaine? Un stationnement. C’est indescriptible. Ils devraient tous être associés à un immeuble à logements.
J’aimerais maintenant soulever la question de l’infrastructure sociale, car notre vision de l’infrastructure sociale doit changer. Par exemple, on considère habituellement qu’une école publique est un bâtiment de deux étages situé sur un terrain de quatre acres. Mais cela n’est plus possible. Nos écoles doivent maintenant être situées dans un environnement plus dense, afin qu’elles puissent occuper un bâtiment ou un autre.
Prenons maintenant l’exemple des garderies. Je pense que le gouvernement a élaboré une stratégie réfléchie sur les garderies à 10 $ par jour pour permettre à un plus grand nombre de femmes d’entrer sur le marché du travail, mais lorsqu’on examine jusqu’au bout les règlements connexes, on se rend compte que les garderies doivent être équipées de gicleurs. On peut penser que ce n’est pas une mauvaise idée, mais savez-vous combien de garderies terre-neuviennes sont équipées de gicleurs? Pas une seule. Le règlement annule donc ce que la politique tentait de mettre en place.
Je suis un fervent partisan des garderies, car elles jouent un rôle très important dans notre capacité à livrer un bon produit. Il est très difficile d’ouvrir une garderie dans un immeuble de bureaux ou dans un immeuble de logements parce que les règlements sont prohibitifs. Par exemple, il doit y avoir un parc à proximité, etc. C’est une entrave à la création de garderies. Les garderies et les soins aux personnes âgées sont des choses extrêmement importantes, tout comme les écoles, bien entendu.
La sénatrice Petten : Puisque vous avez mentionné Terre-Neuve-et-Labrador, j’aimerais aborder le fait que cette province vient tout juste d’annoncer un plan en cinq points — comme l’appelle le gouvernement de la province — pour améliorer l’offre de logements abordables. Les mesures prises comprennent l’élimination de la TPS et de la TVH sur les nouveaux logements locatifs construits à cette fin, un programme de financement à faibles taux d’intérêt utilisant des terrains et des bâtiments appartenant au gouvernement provincial pour la construction ou la conversion de logements, un programme d’aide à l’accession à la propriété pour les acheteurs d’une première maison et une mesure incitative pour les logements secondaires et les appartements au sous-sol, une mesure que vous appuyez, comme vous venez de le dire.
À votre avis, dans quelle mesure ces programmes contribueront-ils à l’objectif d’améliorer l’offre de logements abordables?
M. Love : J’aime trois de ces cinq points.
L’élimination de la TPS et de la TVH a permis de lancer les travaux de notre projet à Etobicoke. Nous étions au point mort avant cette annonce, mais maintenant, nous avons relancé les travaux. L’équipement est en place, et nous allons de l’avant. C’est le point important.
Par contre, je ne suis pas pour la construction de logements abordables sur des terrains appartenant au gouvernement. Je ne pense pas que le gouvernement devrait céder ses terrains et cela ne fonctionnera pas s’il s’agit de terrains gratuits. Cela ne fonctionne pas.
La question du financement est très importante. Comme je l’ai dit — qu’il s’agisse de la SCHL, du gouvernement fédéral ou du gouvernement provincial —, si nous pouvons emprunter le bilan du gouvernement pour réduire le coût des intérêts, cela suffit pour accroître l’abordabilité.
Le dernier point, que vous n’avez pas mentionné, concerne les droits d’aménagement, qui sont extrêmement élevés dans certaines municipalités. Encore une fois, cela représente un fardeau financier qui doit être payé par l’utilisateur final, car il n’y a aucun moyen de l’éviter.
Les mesures qui aident les jeunes à acheter une maison ne font qu’intensifier la demande à un moment où l’offre est nulle. Avec tout le respect que je vous dois, je pense que cette idée est probablement populaire, mais je ne pense pas qu’elle réponde au problème de fond. Elle ne fait que gonfler le prix des maisons.
La sénatrice Petten : Nous sommes probablement la province où le taux d’accession à la propriété est le plus élevé, et il faut donc mettre les choses dans ce contexte.
Le sénateur Gignac : Bienvenue au comité, monsieur Love.
Avant de poser ma question, je tenais à vous féliciter pour le titre de dirigeant d’entreprise de l’année 2023 que vous a décerné l’Université Western. Vous êtes un véritable entrepreneur qui crée de la richesse au Canada, et vous méritez d’être reconnu à ce titre.
Dans votre déclaration préliminaire, vous nous avez présenté une feuille de route pour l’offre dans laquelle vous proposez de nombreuses options, mais il y a un déséquilibre entre l’offre et la demande. Puis-je avoir votre avis sur le volet de la demande, car depuis les cinq ou sept dernières années, deux nouveaux phénomènes prennent de l’ampleur au Canada, à savoir Airbnb — comme dans de nombreux autres pays — et les étudiants étrangers qui apportent leur contribution.
Parlons d’abord d’Airbnb. Ottawa étudie, comme d’autres pays, la possibilité de limiter les locations à court terme parce qu’elles exercent essentiellement des pressions sur l’accessibilité aux logements locatifs. Vous avez un énorme portefeuille. S’agit-il d’une bagatelle ou d’un phénomène important? Quel est votre avis sur la question?
M. Love : Encore une fois, il n’y a pas de solution universelle. Je ne suis pas un adepte d’Airbnb, car on ne fait que prendre des unités du parc de logements pour les ajouter au parc hôtelier. Je ne pense pas que nous manquions d’hôtels, mais je pense que nous manquons de logements. Il y a 8 500 unités d’Airbnb à Toronto. Si je pouvais, d’un coup de baguette magique, faire en sorte que les gens soient libres de louer leur logement, mais pour une durée minimale de 30 jours, ces logements deviendraient soudainement accessibles au marché locatif. Je connais des gens qui ont acheté un condominium uniquement pour l’offrir en location sur Airbnb. Je connais aussi des gens qui ont loué un condominium uniquement pour l’offrir en location sur Airbnb ce qui, bien entendu, est encore pire.
Je ne suis donc pas un adepte d’Airbnb. Je dois dire que j’ai exprimé certaines de ces opinions sur mon profil LinkedIn et que les réactions ont été assez fortes. C’est donc une question politique épineuse, mais nous avons besoin de leadership dans ce domaine. Le fait est que nous avons beaucoup d’hôtels, mais nous avons besoin de logements pour les Canadiens. C’est le mandat. Je pense qu’il s’agit d’une question d’offre à court terme qui peut faire une grande différence, selon moi.
Le sénateur Gignac : … agent immobilier, car je sais qu’ils ont quelque chose.
Les étudiants étrangers, dont le nombre atteint maintenant près d’un million au Canada, car il a augmenté de 50 %, je crois, depuis 2015 — corrigez-moi si je me trompe —, doivent se loger quelque part. A-t-on proposé une solution ou une réflexion à cet égard, car ces gens, si je me souviens bien des années où j’étais moi-même étudiant, n’ont pas besoin d’un grand espace. Je n’avais moi-même pas besoin de 1 200 pieds carrés, juste d’un petit studio. Avez-vous des suggestions — vous avez un énorme portefeuille — de projets possibles en collaboration avec une université ou la SCHL? Si les gens peuvent avoir accès à un petit studio, cela les aidera peut-être. J’essaie simplement de trouver une solution.
M. Love : Je mettrais le logement des étudiants dans le même cadre financier que le logement locatif, car c’est vraiment la même chose. La question des étudiants étrangers est particulièrement délicate, car ils paient pour que le reste des Canadiens aillent à l’université. Nous devons donc faire attention à ce que nous souhaitons.
Le fait est que le financement des universités a tellement été réduit sur tous les plans qu’elles doivent maintenant compter sur les étudiants étrangers, car ils paient beaucoup d’argent pour étudier ici. Il s’avère que les parents de ces étudiants sont très heureux de leur payer un appartement locatif qui n’a rien à voir avec le sous-sol dans lequel j’habitais lorsque j’étais étudiant à l’Université Western. Je venais d’une très belle maison, mais j’adorais mon sous-sol, car j’y avais ma chambre. Il y avait des barreaux dans la fenêtre qui donnait sur l’entrée du terrain. C’était fantastique. Le logement faisait huit par neuf pieds — non, il n’était pas si grand, plutôt huit pieds par huit pieds. Toutefois, les étudiants étrangers paient habituellement de 3 000 à 4 000 $ par mois pour se loger.
Le sénateur Gignac : Je vous suis reconnaissant de vos commentaires concernant les étudiants étrangers. Nous avons besoin d’eux. J’ai essayé de trouver... Est-ce comme l’Université Harvard, à Boston, qui a une filiale immobilière pour le développement ou quelque chose de semblable? Je ne sais pas. Nous pourrons peut-être soulever cette question dans le cadre de la deuxième série de questions, si nous avons le temps.
M. Love : Je ne suis pas un grand partisan des subventions habituelles, car elles faussent le marché. Je préférerais analyser le marché et déterminer les besoins. Si nous obtenons l’autorisation de construire et si nous pouvons, pour le bon type de logement, emprunter un bilan, je n’ai pas besoin de terrain gratuit. Je peux payer le terrain au prix du marché. Je peux m’accommoder de ces prix.
La présidente : L’idée est qu’il faudrait simplement vous laisser faire?
M. Love : Oui, c’est cela.
La sénatrice Marshall : Je vous remercie d’être ici aujourd’hui, monsieur Love.
Vous avez mentionné à quelques reprises le bilan du gouvernement. Cela m’a toujours intéressée en raison de l’exposition à l’assurance hypothécaire et à toutes les garanties.
Je m’intéresse plus particulièrement à la SCHL. De grosses sommes d’argent, soit des milliards de dollars, transitent par cette société.
Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé de simplifier le processus d’approbation de la SCHL. Étant donné tout l’argent qui transite par cet organisme, j’aurais espéré plus que ce que nous semblons obtenir. Il semble que l’organisme devrait pouvoir prendre son envol ou accomplir de grandes choses. Je ne vois pas où est le problème.
Lorsque vous parlez de simplifier le processus d’approbation de la SCHL, que voulez-vous dire exactement? Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet? La SCHL est un intervenant très important dans le secteur du logement, et ses représentants comparaîtront à titre de témoins dans le cadre des prochaines réunions de notre comité. Je vous serais certainement reconnaissante de nous donner votre avis sur la SCHL, si vous avez travaillé avec cet organisme.
M. Love : Tout ce que je dis présente énormément de risques, pour deux raisons. Tout d’abord, nous sommes emprunteurs et émetteurs pour la SCHL. Cette année, la valeur de nos prêts consentis par la SCHL atteindra 3 milliards de dollars. Ce volume de prêts va s’expliquer par une demande de rezonage que nous allons préparer hyper rapidement.
J’ai beaucoup de temps pour Romy Bowers. Je pense que c’est une dirigeante forte, et c’est une bonne organisation. Comment peut-elle être mieux adaptée — pour ce qui est des ressources et du reste? Soyons clairs : je n’en fais pas un bouc émissaire parce que je pense que c’est une excellente organisation et qu’elle a un rôle très important à jouer, car cela ne coûte rien d’emprunter le bilan du gouvernement. Si le gouvernement assure des prêts bien structurés, l’emprunteur pourra le rembourser. Même s’il ne peut pas, le gouvernement devrait être content de récupérer l’immeuble, et il pourra ensuite le garder ou le vendre. À vrai dire, c’est un catalyseur extrêmement peu risqué et peu coûteux.
Les changements que je préconiserais viseraient à atténuer les risques que présente cette source de capitaux pour l’emprunteur. C’est là qu’on obtient un prêt consenti par la SCHL et, plutôt que d’avoir le terme de 10 ans — qui commence lors de la mise en chantier, ce qui signifie qu’on dispose de sept années après l’ouverture de l’édifice, et à la huitième année, on se croise les doigts et on espère que la pente n’est pas trop raide —, il faudrait que le terme soit de 20 ans et il faudrait autoriser la fixation des taux d’intérêt pour le logement abordable, mais aussi pour les logements locatifs normaux. Cela améliorerait considérablement les choses.
Lorsque nous remontons en arrière, nous voyons beaucoup de logements locatifs et ils sont soudainement remplacés par des copropriétés. Les copropriétés sont un mauvais substitut locatif puisque le propriétaire est une personne; si votre réfrigérateur cesse de fonctionner, il faut trouver cette personne. Ces démarches peuvent être très irrégulières pour le locataire. Il n’a également pas de sécurité d’occupation et ainsi de suite. Il nous faut plus de logements locatifs.
Pensez aux villes européennes, à la mesure dans laquelle leurs parcs de logements locatifs sont grands, sophistiqués et organisés. C’est là que nous n’avons pas été à la hauteur, lorsque le marché s’est entièrement tourné vers les copropriétés. En tant que promoteur, on établit le prix de construction, on commence la mise en chantier, on vend le logement et le tour est joué. On n’assure plus le risque.
La sénatrice Marshall : Est-ce là ce que vous entendez par la simplification du processus d’approbation de la SCHL?
M. Love : En toute franchise, je m’écarte maintenant un peu de mon domaine de compétences. Je soupçonne toutefois que le processus est beaucoup trop long, à cause de certains règlements que nous devons respecter. Ces règlements compliquent trop le processus d’approbation et tout le reste.
Ce qui devrait prendre peu de temps selon moi peut parfois prendre des années. Il faut comprendre que lorsque je parle de délais, je regarde plus ma montre que mon calendrier. Du point de vue du promoteur, c’est toujours le temps qui constitue le risque.
La sénatrice Marshall : Le programme de la SCHL pour accélérer la construction devait être mis en œuvre en 2022, mais il commence tout juste à se concrétiser. On dirait qu’il s’est produit quelque chose, et je n’ai pas réussi à savoir auprès de l’organisation pourquoi il a fallu attendre un an. J’essaie de mieux comprendre ce que vous entendez par la simplification du processus d’approbation de la SCHL.
Lorsque vous parlez de 400 logements abordables, que voulez-vous dire par « abordables »?
M. Love : C’est une excellente question. Il y a différentes définitions du mot « abordable », et il faut de deux choses l’une.
Il y a ce qu’on appelle le loyer mensuel moyen, c’est-à-dire le loyer moyen dans un secteur donné. La SCHL sait à combien il se chiffre pour chaque code postal. C’est le contexte relatif au loyer mensuel moyen.
Cela dépend aussi du revenu dans le secteur. C’est un ensemble différent de mesures.
Je vais vous donner quelques chiffres. Notre projet de logements abordables comprend des loyers au prix courant du marché et des loyers abordables dans le même immeuble. Les loyers au prix courant du marché seront de 2 600 $ par mois pour un logement de deux chambres et les loyers abordables seront de 1 600 $ par mois. La somme de 1 600 $ par mois demeure importante à certains endroits, mais pour un logement de deux chambres à Toronto, c’est très intéressant.
Les logements sont pareils. Conformément à un contrat à long terme — je pense que c’est pour 40 ans —, le loyer mensuel moyen, c’est-à-dire la moyenne mensuelle dans le secteur, doit toujours être utilisé. C’est une proposition très intéressante.
S’il y a une chose dont nous sommes certains, c’est que nous pouvons toujours louer ces logements. Nous pouvons choisir les locataires, et nous allons donc retenir des travailleurs canadiens. Ce ne sont pas des logements sociaux, mais plutôt des logements destinés aux travailleurs canadiens. Certains travaillent au restaurant local, font le ménage dans nos bureaux et ainsi de suite. Ce sont des gens que je serais heureux d’accueillir chez moi pour souper. Ce sont des travailleurs canadiens. Leur revenu se rapproche peut-être un peu plus du salaire minimum, mais ils peuvent se permettre le loyer de 1 600 $, et c’est parfait. Espérons qu’il n’y en a pas beaucoup qui ont une voiture, car nos places de stationnement sont limitées. Ce marché est extrêmement vaste et en ce qui nous concerne, nous voulons certainement l’exploiter.
La sénatrice Marshall : Gagnez-vous encore de l’argent?
M. Love : Oui.
La sénatrice Marshall : Je suis désolée.
M. Love : C’est une bonne question, car lorsqu’on ne gagne pas d’argent, on ne peut pas le faire à plus grande échelle. Notre rendement sera sous-optimal.
Je vais vous expliquer ce qui se passe dans ce projet. Nous profitons du programme Open Door de la Ville de Toronto. La Ville renonce aux droits d’aménagement. Sans la taxe de vente harmonisée et la taxe sur les produits et services — gardez à l’esprit que, à Toronto, les taxes représentent le tiers du coût de construction d’un immeuble d’appartements... Disons qu’on paye 150 millions de dollars pour un immeuble, y compris le terrain. Les taxes représentent 50 millions de dollars de ce montant. Pour les logements abordables, nous ne payons pas ces 50 millions. On peut donc prendre 40 % de plus en loyers, et cela fonctionne. Le rendement est un peu faible, mais c’est correct, car le fonds dans lequel il se retrouve est grandement évolutif. C’est rentable de deux façons : sur le plan économique et sur le plan social.
Le sénateur Massicotte : Merci de vous être joint à nous aujourd’hui, monsieur Love.
Je n’essaie pas de vous rappeler votre âge, mais en 1981, le Canadian Institute of Public and Private Real Estate Companies, ou CIPPREC — une organisation dont nous avons tous les deux fait partie — a produit un rapport sur la décision du ministre MacEachen de mettre fin à notre programme. Vu les taux d’intérêt de 81 ou 82 %, nous nous sommes tous précipités à Ottawa. Je me souviens d’avoir rédigé ce rapport, et tous les membres l’ont approuvé.
Il est un peu étrange que plusieurs années plus tard, nous ayons le même problème après avoir mis fin à l’offre et à la construction de logements abordables.
Lorsque je passe en revue les questions pour lesquelles vous avez formulé des recommandations, je constate que je suis entièrement d’accord. Au Québec, notre premier ministre a prononcé quelques discours pour attirer des gens dans différents corps de métier. Il va probablement réussir, mais dans la province, il aura malheureusement un problème dans un autre secteur — peut-être celui des soins infirmiers. Les besoins sont importants. Certaines personnes sont donc d’accord, mais ce n’est pas le cas du côté municipal de l’équation. Ce groupe de personnes va se faire entendre un peu, mais ce ne sera pas suffisant.
Que pouvons-nous faire maintenant? Nous savons ce que nous voulons, et parce qu’elles connaissent bien la politique, ces personnes se feront entendre pour vous donner l’impression que ce sera fait, mais elles ne vont pas persister et continuer pendant les 10 prochaines années, ce qui est pourtant nécessaire. Que pouvons-nous faire dans cette situation et comment pouvons-nous les motiver pour parvenir à nos fins?
M. Love : Il n’y a pas de réponse simple. Lorsqu’on compare Vancouver à Toronto, on voit que les conseillers de Vancouver sont élus pour toute la ville, tandis que ceux de Toronto le sont par quartier. Le conseiller torontois enchaîne donc les réunions où personne ne veut de changement. Tout le monde veut des logements, mais pas près d’eux. On se retrouve donc avec ce problème.
Mais notre population est en forte croissance. Nous avons besoin de main-d’œuvre, et nous devons la loger. Nous devons en discuter à l’échelle nationale. On ne peut apparemment pas toucher à la ceinture de verdure à Toronto. Le premier ministre Ford a constaté à quel point c’est toxique. Bien franchement, je ne crois pas que c’est nécessaire. Je n’y aurais pas plus touché. Lorsqu’on prend un vol vers Toronto et qu’on regarde autour, on voit qu’il ne manque pas de terrains. On y trouve tout simplement les mauvaises choses. Il faut densifier. En tant que société, nous devons accepter une plus forte densification des milieux urbains. C’est la seule solution possible.
D’un point de vue écologique, l’étalement est la pire chose que nous pouvons faire. La densification, y compris une légère augmentation de la densité, ne doit pas nécessairement se faire uniquement à l’aide de tours en pointe, car elles ne sont pas la solution. L’augmentation légère de la densité est la solution. Encore une fois, lorsqu’on regarde les villes européennes, on voit des immeubles de huit étages à perte de vue, et ces sociétés semblent fonctionner. Il nous faut un plus grand nombre de ces immeubles.
La présidente : Nous allons faire un deuxième tour très rapidement. Comme je l’ai dit, nous délibérons déjà depuis plus d’une heure. Je demanderais aux sénateurs de bien vouloir garder leurs préambules courts, et je vous demanderais également, monsieur Love, de raccourcir les vôtres, même si les exemples que vous nous donnez sont très utiles.
Le sénateur Loffreda : Merci, monsieur Love, c’est très perspicace. Il y a un épisode très intéressant du balado Colliers Talk, et je vais en donner le titre pour mes collègues et tous les Canadiens qui nous écoutent. Il s’intitule : « KingSett’s Jon Love doesn’t shy away from CRE’s biggest challenges » ou « Jon Love, de KingSett, n’a pas peur des grands défis de l’immobilier d’entreprises. » Vous parlez de leadership, et nous sommes tous les deux d’accord pour dire qu’aucune solution n’est offerte, que le tout le monde se contente de se plaindre.
À propos des solutions — et vous avez abordé énormément de sujets pendant la discussion —, vous parlez d’une solide immigration, de la loi de l’offre et de la demande. Nous sommes tous au courant. Vous parlez du retour au travail. Vous pensez qu’il y a assez de bureaux, que ce soit pour trois, quatre ou cinq jours par semaine, qu’il en faudra autant qu’avant. Mais une chose qui m’a vraiment étonnée, c’est lorsque vous avez dit:
Prenez la rue Yonge à Toronto. Vous verrez plein de petits commerces fermés. Ce n’est pas à cause de raisons liées au commerce de détail; c’est parce que les impôts fonciers ont triplé, voire quintuplé au cours des trois dernières années. Les petites entreprises ne sont plus en mesure de joindre les deux bouts.
Vous parlez de taxes, et vous poursuivez en disant:
Donc, lorsque votre politicien dit qu’il veut des logements abordables, demandez-lui tout simplement ce qu’ils sont prêts à faire pour réduire les taxes et les impôts et le fardeau pour les promoteurs.
Si nous réduisons les taxes et les impôts, ne verrons-nous pas alors une hausse des profits? Allons-nous résoudre les problèmes de main-d’œuvre, de capitaux, d’innovation et d’harmonisation? Les programmes et les incitatifs du gouvernement que nous avons en place ne vont pas les régler. Pensez-vous que le problème de l’offre pourrait être réglé ainsi?
M. Love : Oui.
Comme vous le savez, dans mon milieu, c’est la marge de profit qui compte. Donc, si les coûts diminuent et que je peux offrir des loyers moins élevés, je vais remplir l’immeuble et obtenir mon profit, et il fera bon vivre. De mon point de vue, il est tout simplement illogique de penser qu’une diminution des taxes et des impôts fera augmenter les profits, car les recettes changent à cause d’une offre bonifiée, et lorsque l’offre est plus forte, il y a de la concurrence. La concurrence est ce qu’il nous faut pour stabiliser et modérer les prix.
Je pense que le transfert des recettes fiscales vers les profits — je le dis même si c’est un tabou — ne se produira pas.
La sénatrice Galvez : Lorsque vous construisez des immeubles, cela ne se limite pas à l’immeuble. Il faut l’électricité, l’eau courante, les égouts. Lorsque vous parlez des permis et de ce qui est nécessaire, la municipalité doit accroître la capacité de l’usine de traitement des eaux. Dans quelle mesure votre entreprise participe-t-elle à ce processus?
M. Love : Je vais aborder les choses sous un angle différent. Chaque fois qu’un immeuble est construit, on paye des impôts à perpétuité, des impôts fonciers. Cette rente représente une énorme somme de capitaux qui revient à la municipalité. J’accepte le fait que les services sont nécessaires, qu’ils soient publics ou sociaux. Ils sont tous nécessaires. La réalité, c’est que plus il y a de logements, plus on paye d’impôt.
Aux fins de la discussion, prétendons que nous avons un million de logements supplémentaires au Canada, en claquant des doigts. Le logement moyen permettrait d’obtenir 10 000 $ d’impôts par année. On parle de recettes de 10 milliards de dollars par année que nous n’obtenons pas à défaut de construire ces logements.
La sénatrice Petten : D’après votre vaste expérience, quelle serait la solution la plus rapide pour régler la pénurie de logements abordables?
M. Love : Je pense qu’il faut trois choses pour avoir ces logements abordables. Premièrement, les différentes municipalités doivent renoncer aux droits d’aménagement dans leurs programmes, ou elles doivent les diminuer. Deuxièmement, l’initiative Financement de la construction de logements locatifs en action de la SCHL, qui est un programme très bien conçu, est nécessaire, et je pense que ces deux choses... et nous avons besoin de la main-d’œuvre, encore une fois, pour construire ces choses. Une fois de plus, en ayant ces trois choses en place, nous verrions un vif intérêt dans l’industrie pour la construction de logements abordables. N’oubliez pas que si je peux vous louer mon produit à moindre prix, je n’aurai jamais de logements vacants. C’est donc beaucoup mieux comme modèle d’affaires.
Le sénateur C. Deacon : Le gouvernement fédéral peut utiliser ses investissements pour obtenir des changements à l’échelon municipal. Sans cela, nous n’allons pas catalyser le marché. Ce qu’il faut, c’est l’harmonisation des codes du bâtiment; un accès à la main-d’œuvre et aux programmes d’apprentissage pour avoir les travailleurs nécessaires; ainsi que des approbations réglementaires et de zonage dans un délai raisonnable pour élargir le zonage aux endroits bien desservis par les transports en commun dans le cadre d’un projet d’infrastructure. C’est plutôt commode.
Aidez-moi encore une fois à comprendre les droits d’aménagement. À combien se chiffrent-ils? J’ai été étonné d’apprendre que les taxes représentent le tiers du coût de construction d’un immeuble. Ce sont les taxes actuelles, pas les recettes à venir, juste les taxes actuelles. Donc, les changements relatifs à la taxe sur les produits et services et à la taxe de vente harmonisée ont aidé un peu, mais pouvez-vous nous donner un chiffre ou des exemples des droits d’aménagement que vous payez pour chaque logement?
M. Love : Bien sûr. Je vais commencer par le problème de la taxe de vente harmonisée, la TVH. La construction d’un immeuble locatif était la seule chose pour laquelle il fallait payer la TVH même si on possédait déjà le terrain. On payait une valeur estimative une fois la construction terminée, et c’est le gouvernement qui en estimait la valeur. C’était vraiment... Il n’en est donc plus question.
Parlons maintenant des droits d’aménagement. Prenons la ville de Toronto. Il y a 30 ou 40 droits différents, toutes sortes de choses différentes. Selon l’article 37, on doit négocier — c’est vraiment le bon terme — la somme à payer avec le conseiller pour obtenir son soutien, et l’argent lui servira ensuite à autre chose. À Toronto, le compte relié à l’article 37 contient plus de 1 milliard de dollars qui n’ont pas été dépensés. Ce n’est pas un pot-de-vin, mais c’est tout comme. C’est donc problématique.
J’ai vu nos gens détailler tous ces droits. Il y en a pour tous les goûts. Je parle encore une fois d’un immeuble de 150 millions de dollars. Essentiellement, les droits d’aménagement étaient de 25 millions de dollars et la TVH a coûté 25 millions également; c’est une somme de 25 millions que nous ne reverrons plus. Les droits d’aménagement demeurent donc un énorme fardeau.
Pour un appartement de trois chambres à coucher — c’est ce que tout le monde veut — à Toronto, ils se chiffrent à 148 000 $.
Le sénateur C. Deacon : Wow.
La présidente : Il y a des raisons pour lesquelles nous avons un problème d’abordabilité du logement.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Ma question est très simple, je vais prendre l’autre côté de l’abordabilité, celui des clients.
Si les frais hypothécaires étaient déductibles d’impôt, pensez-vous que cela encouragerait les jeunes à devenir propriétaire plus que maintenant?
[Traduction]
M. Love : Une baisse des taux d’intérêt rendrait le logement plus abordable, mais elle augmenterait aussi la demande, ce qui accélérerait la hausse des prix. C’est embêtant.
Pour ma part, je ne suis pas favorable à la déductibilité fiscale des prêts hypothécaires. Ce n’est pas pour rien que la récession de 2008-2009 était uniquement à la télévision pour les Canadiens. La plupart de ceux qui ont une hypothèque commencent par la rembourser. Vous connaissez les chiffres mieux que moi, mais environ un tiers des Canadiens n’ont pas d’hypothèque, et 40 ou 50 % en ont une modeste parce qu’ils la remboursent tous. Je pense que cette situation nous protège collectivement. Je suis ravi que mon voisin rembourse son hypothèque pour ne pas qu’il ait de problèmes financiers. Les Américains, quant à eux, augmentent sans cesse leur hypothèque parce qu’ils bénéficient d’une déductibilité fiscale. Pourquoi ne le feraient-ils pas? C’est la même chose au Royaume-Uni. Personnellement, je ne pense pas que ce soit une bonne stratégie.
Le sénateur Gignac : Je vous remercie. Vous avez beaucoup d’expérience. Je vois que vous avez quelques cheveux gris, comme moi. J’aimerais revenir sur ce qui s’est passé entre le milieu des années 1960 et le milieu des années 1970. J’ai ici un tableau que je peux vous présenter, à vous et à mes collègues. À cette époque, nous sommes passés d’une offre insuffisante au milieu des années 1960 à une offre excédentaire au milieu des années 1970. Un économiste m’a expliqué qu’apparemment, le taux d’amortissement a été modifié au milieu des années 1960 afin d’avoir un effet incitatif considérable. Il était désormais possible d’amortir sur 15 ou 20 ans plutôt que 40 pour la construction d’un immeuble d’habitation.
Le taux d’amortissement est-il un mécanisme que le gouvernement devrait explorer sur le plan fiscal pour stimuler l’offre?
M. Love : Le programme des immeubles résidentiels à logements multiples, ou IRLM, dont vous vous souvenez peut-être, a été lancé à la fin des années 1970 et au début des années 1980 pour accélérer l’amortissement. Il a effectivement permis d’injecter des capitaux supplémentaires dans le secteur, mais il l’a fait alors qu’il n’y avait pas — ou pratiquement pas — de capitaux institutionnels.
Le monde d’aujourd’hui est très différent. Les plus grandes sources de capitaux de notre pays ne sont pas imposables. Il s’agit de toutes les grandes caisses de retraite. Pour résoudre la crise du logement, il faut des capitaux de grande envergure. Ceux-ci ne peuvent provenir que du marché institutionnel, qui est en grande partie non imposable.
La plupart des IRLM — des immeubles de trois étages, par exemple, qui sont des abris fiscaux créés par Bay Street — ont certes augmenté l’offre, mais nous sommes dans un monde totalement différent aujourd’hui. Nous avons besoin d’une tout autre échelle. Nous devons attirer des capitaux d’envergure. J’aimerais mieux ne pas accorder d’incitatifs fiscaux aux gens. Je préfère de loin votre bilan à votre amortissement accéléré.
Le sénateur Massicotte : Monsieur Love, en ce qui concerne les idées, nous y adhérons tous parce qu’elles sont logiques. Or, il faudra probablement attendre au moins cinq ou dix ans pour y parvenir. Il faut déployer beaucoup d’efforts. Que faites-vous dans l’intervalle pour vous assurer que les prix de l’immobilier n’augmentent pas encore de 50 %?
M. Love : Il est fondamental d’avoir des solutions à court, à moyen et à long terme. Pour ce qui est de l’offre, en réponse à votre question, ce sera d’ici trois, quatre ou cinq ans, c’est-à-dire dans un autre cycle électoral.
Commençons par les mesures à court et à moyen terme. Dans l’immédiat, je chercherais vigoureusement des moyens de construire des appartements aménagés à même une résidence privée. N’oublions pas que le logement accessoire, dans le cas d’un nouveau propriétaire qui est autorisé à louer son sous-sol 800 $ par mois, aidera celui-ci à payer son hypothèque, en plus d’aider un jeune qui fréquente l’université, une nouvelle famille ou un nouveau Canadien. Or, nous avons tellement de règles et de réglementations sur ce qui est exigé pour offrir un logement accessoire. Je ne sais pas combien d’entre vous ont vécu dans un sous-sol lorsqu’ils étaient enfants. C’était mon cas, et j’ai habité dans un sous-sol lorsque je suis allé à l’université. Il se trouve que le sous-sol n’avait pas deux sorties, et j’ai survécu. Nous devrions voir quels sont les obstacles à la création de tels logements. Parce qu’un appartement aménagé à même une résidence privée est selon moi l’ingrédient secret d’une solution rapide.
C’est le premier élément. Airbnb est le deuxième. Troisièmement, dans les marchés à forte densité, nous avons des voies ferrées partout. Pourquoi ne pas y ajouter des trains? Dans le cas de Toronto, imaginez un monde où nous aurions, toutes les 15 minutes, des trains sans escale à destination de Barrie, d’Hamilton et d’Oshawa. Ainsi, une énorme zone géographique serait à distance raisonnable du centre-ville de Toronto. À Vancouver, il est possible de prendre le train jusqu’à Chilliwack. Montréal, bien sûr, a mis en place un nouveau trajet.
Il y a des choses que nous pouvons faire. Nous ne devons pas nous contenter de construire de nouvelles infrastructures. Nous devons augmenter l’offre. Je pense que les logements secondaires constituent un énorme marché inexploité que nous pourrions inciter les gens à adopter. C’est pourquoi j’ai adoré la stratégie du premier ministre Eby, jusqu’à ce qu’elle soit affaiblie par la limite de 209 000 $ de revenus. J’aimais cette stratégie qui consistait à aider les gens à installer un réfrigérateur, un lit et un lit pliant dans le sous-sol. Nous avons besoin de solutions semblables parce qu’il faut que le logement soit abordable.
Le sénateur Yussuff : Nous avons tous grandi dans une réalité où nous aspirions tous à posséder notre propre habitation, quelle qu’elle soit — un appartement, un condo. Compte tenu des défis que rencontrent les jeunes, comment pouvons-nous faire en sorte que leur projet se concrétise plus vite? Je ne trouve pas juste qu’ils ne soient pas en mesure de le faire. Je conviens que ce sera différent pour eux que pour moi et mes parents. Comment pouvons-nous changer cette réalité et leur donner l’espoir qu’ils ont leur mot à dire et que nous ne les laissons pas pour compte?
M. Love : Je pense qu’accorder des incitatifs fiscaux aux jeunes pour qu’ils achètent leur premier logement ne fait que hausser la demande, accélérer l’augmentation des prix et accroître le dysfonctionnement du marché.
Nous devons présenter des options de location pratiques aux jeunes. Il peut y avoir des programmes — nous planchons sur une idée de programme de location avec option d’achat, qui, encore une fois, nécessite une aide financière. Nous n’avons pas besoin d’obtenir une aide financière, mais simplement d’emprunter la différence. Cette mesure ne coûtera rien au gouvernement, mais réduira le coût de notre dette, ce qui nous permet de le faire. Il y a des idées en ce sens.
Donner de l’argent aux gens pour les aider à verser leur mise de fonds ne ferait selon moi qu’aggraver le problème. Si nous n’avons pas une offre suffisante...
La présidente : Je pense que vous avez bien fait comprendre que nous devons changer la mentalité et que l’accès à la propriété n’est pas une panacée.
M. Love : Je semble peut-être me défiler, mais c’est là où nous en sommes. Un million de dollars ne permettent pas d’acheter la même chose qu’à l’époque où nous avons fait l’acquisition de nos maisons, et nous n’y pouvons rien. Si nous changions la donne pour les 69 % de Canadiens qui possèdent une maison, ils s’appauvriraient et ce serait vraiment un gâchis.
Attardons-nous plutôt à augmenter l’offre et encourager la location. Faisons en sorte que nos enfants exercent un métier spécialisé et revoyons notre stratégie d’immigration.
La sénatrice Marshall : Votre quatrième suggestion porte sur l’harmonisation des trois ordres de gouvernement — fédéral, provincial et municipal. Étant donné qu’ils ont tous tellement de règles et de règlements, comment comptez-vous même envisager de le faire? De quelle façon y arriverez-vous?
M. Love : Je vais vous dire ce que je dis à mes investisseurs, à savoir que le logement locatif canadien est un très bon investissement parce que les trois instances gouvernementales ne seront jamais en mesure de coopérer et de trouver une façon de remédier au problème.
Cela dit, l’harmonisation comporte deux volets. Le premier se rapporte aux ordres de gouvernement, tandis que l’autre touche la bureaucratie. La plupart de ces programmes, lorsqu’ils sont assortis de règlements et de lois d’habilitation, contrecarrent tout ce que nous avons essayé de réaliser. L’harmonisation doit englober l’ensemble du système.
Nous avons besoin d’un examen réglementaire. Je n’ai pas de réponse simple. En fin de compte, nous avons besoin d’un leadership concerté pour dire que nous avons terminé.
Le sénateur Loffreda : Je n’allais pas poser de question, mais je voudrais revenir sur votre dernière déclaration. En raison de l’offre, il faut encourager les logements locatifs, un nombre accru de métiers spécialisés et une baisse de l’immigration. Croyez-vous vraiment que l’immigration est un problème à ce stade-ci?
M. Love : Je n’ai pas parlé d’une « baisse de l’immigration », mais plutôt d’une « immigration ciblée ».
Le sénateur Loffreda : Il n’y aurait donc pas moins d’immigrants.
M. Love : Non, non. À vrai dire, j’aime beaucoup l’immigration.
Le sénateur Loffreda : Je suis du même avis.
La présidente : Ce sont les gens dont nous avons besoin.
M. Love : Tout compte fait, je pense que notre stratégie en matière d’immigration est assez robuste. Personnellement, j’aimerais que le pourcentage soit plus élevé. Au lieu de 60 %, j’irais probablement jusqu’à 70, si j’avais le choix, parce que nous devons miser sur les personnes qui peuvent se lancer dans la vie active et participer à l’économie. Mais nous devons également examiner tous les obstacles qui empêchent ces personnes d’atteindre la valeur économique de leurs compétences. Je le dis parce que nous savons tous qu’il y a trop de professionnels, que ce soit dans le domaine de la santé ou dans d’autres domaines, qui dirigent...
Le sénateur Loffreda : Nous sommes tous deux en faveur de l’immigration. Je vous remercie. Il est bien de conclure sur cette note.
La présidente : Monsieur Love, vous avez été extraordinairement généreux de votre temps et de vos idées. Vous nous avez vraiment aidés à cibler certaines mesures très concrètes qui doivent être prises. Je vous remercie infiniment d’être venu et d’avoir répondu à toutes ces questions. Nous vous en sommes vraiment reconnaissants. Je vous remercie.
M. Love : Merci beaucoup de m’avoir reçu.
La présidente : La séance est levée, sénateurs.
(La séance est levée.)