Aller au contenu
BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES BANQUES, DU COMMERCE ET DE L’ÉCONOMIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 26 octobre 2024

Le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie se réunit aujourd’hui, à 11 h 30 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier toute question concernant les banques et le commerce en général.

La sénatrice Pamela Wallin (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour à tous et bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie.

Je m’appelle Pamela Wallin et je suis la présidente de ce comité. J’aimerais vous présenter les membres du comité qui nous accompagnent aujourd’hui. Il y a le sénateur Loffreda, qui est notre vice-président, la sénatrice Bellemare, le sénateur Gignac, la sénatrice Marshall, le sénateur Massicotte, la sénatrice Miville-Dechêne, la sénatrice Petten, la sénatrice Galvez et le sénateur Yussuff. Je vous souhaite à tous la bienvenue.

Aujourd’hui, bien sûr, nous poursuivons notre discussion sur l’abordabilité du logement.

Nous sommes heureux d’accueillir, en personne — nous le précisons encore parce que l’excitation de pouvoir le faire ne s’est pas encore estompée —, trois représentants de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, ou la SCHL. Il s’agit de Bob Dugan, économiste en chef, de Carla Staresina, vice‑présidente, Produits commerciaux, qui nous parvient en direct de Kelvington, en Saskatchewan, et de Neil Levecque, vice‑président, Opérations — logement.

Merci à tous de vous être joints à nous. Je crois que c’est M. Dugan qui prononcera la déclaration liminaire. Monsieur Dugan, vous avez la parole.

Bob Dugan, économiste en chef, Société canadienne d’hypothèques et de logement : Merci, madame la présidente, de me donner l’occasion de m’adresser à nouveau à ce comité au nom de la Société canadienne d’hypothèques et de logement.

Comme cela vient d’être dit, je suis ici aujourd’hui avec mes collègues de la SCHL Carla Staresina, vice-présidente des Produits commerciaux, et Neil Levecque, vice-président des Opérations – Logement.

[Français]

Nous avons le plaisir de présenter au comité les données et les recherches objectives de la Société canadienne d’hypothèques et de logement sur le marché de l’habitation ainsi que notre expertise dans la prestation des programmes de logement fédéraux. Nous pouvons également fournir des renseignements sur les programmes commerciaux que nous offrons, comme l’assurance prêt hypothécaire et la titrisation. Ces programmes servent d’amortisseurs de chocs en période difficile, et contribuent ainsi à maintenir la stabilité du système canadien du logement.

La population canadienne traverse manifestement une période difficile. Tant les locataires que les propriétaires-occupants peinent à garder un toit au-dessus de leur tête. Les jeunes au Canada trouvent que l’accession à la propriété est de plus en plus hors de portée.

[Traduction]

Le prix des habitations augmente depuis un certain temps, tout comme les loyers. Aujourd’hui, l’inflation, la hausse des taux d’intérêt et le niveau record d’endettement des ménages ne font qu’aggraver la situation.

De nombreux facteurs sont à l’origine des problèmes concernant l’abordabilité du logement au pays, mais le plus important est la grave pénurie de logements, en particulier en ce qui concerne les logements destinés à la location.

Nous estimons que pour atteindre l’abordabilité d’ici 2030, le Canada aura besoin de 3,5 millions de logements de plus que ceux dont la construction est déjà prévue. Nos recherches montrent en outre que pour atteindre cet objectif, il faudra investir environ 1 000 milliards de dollars. C’est une somme colossale qui nous fait réaliser que les gouvernements ne pourront pas à eux seuls régler ce problème. Pour cela, nous devons travailler en étroite collaboration avec le secteur privé, d’autant plus que ce dernier fournit 96 % des logements au Canada.

Le gouvernement fédéral devrait continuer à investir davantage dans le secteur du logement sans but lucratif afin d’accroître l’offre de logements communautaires ou sociaux pour les personnes à faible revenu. Des décennies de sous‑investissement dans ce secteur ont contribué à l’allongement des listes d’attente et à l’augmentation des besoins de logement et de l’itinérance pour nos voisins les plus vulnérables. Parallèlement à cela, le gouvernement fédéral peut offrir des incitatifs au secteur privé pour permettre à ce dernier d’augmenter de façon considérable l’offre de logements destinés à la location pour la classe moyenne. Or, comme le logement est un continuum, ces initiatives permettront en fin de compte de réduire les coûts de l’habitation pour tout le monde.

Certaines mesures sont déjà en place. Par exemple, l’Initiative Financement de la construction de logements locatifs fournit des prêts à faible taux d’intérêt aux promoteurs lors des premières étapes des projets — qui sont les plus risquées. Le nouveau Fonds pour accélérer la construction de logements offre des dispositions pour inciter les municipalités à faire les changements nécessaires pour qu’un plus grand nombre de logements soient construits plus rapidement. En tant que seul assureur hypothécaire pour les ensembles à logements locatifs, la SCHL appuie la construction de grands immeubles locatifs partout au pays. Par exemple, notre produit APH Select offre aux promoteurs des primes réduites et des périodes d’amortissement plus longues en fonction de leur engagement envers l’abordabilité, l’accessibilité et la compatibilité sur le plan climatique. L’exemption de la TPS annoncée récemment et le financement supplémentaire offert au moyen des Obligations hypothécaires du Canada contribueront également à stimuler la construction de logements destinés à la location.

Les gouvernements peuvent également collaborer avec le secteur privé pour lever d’autres obstacles à l’offre de logements. Par exemple, comment peut-on mettre au point des techniques de construction novatrices et des chaînes d’approvisionnement fiables? Comment pouvons-nous, en tant que pays, remédier à la pénurie de main-d’œuvre dans les métiers de la construction?

Autrement dit, pour que cela fonctionne, il faut que tout le monde mette l’épaule à la roue. Nous avons besoin d’une approche pangouvernementale qui considère le logement comme un système et qui tient compte de tous les aspects du logement et de ses politiques. Bref, si nous voulons accroître l’abordabilité du logement et offrir aux Canadiens le coup de pouce dont ils ont grandement besoin, nous devons de toute urgence tirer parti de chacun des leviers qui s’offrent à nous.

Nous vous remercions de l’attention que vous portez à cette question. Nous nous tenons à votre disposition pour répondre à vos questions.

La présidente : Merci.

Nous commençons à peine à nous pencher sur la question. Nous avons entendu de nombreux témoignages hier, dont certains vous concernant. Je sais qu’il y aura des questions.

Je vais simplement rappeler à mes collègues que nous disposons de peu de temps et que nous avons trois témoins. Je serai on ne peut plus stricte en ce qui concerne les préambules aux questions. Ils ne sont vraiment pas nécessaires dans ce contexte. Sachez qu’aujourd’hui, j’ai un chronomètre.

Nous allons commencer par notre vice-président, le sénateur Loffreda.

Le sénateur Loffreda : Je remercie nos témoins d’être là.

Hier, nous avons eu une séance intéressante avec Jon Love, qui a proposé de nombreuses recommandations dans quatre domaines clés : les personnes, le capital, l’innovation et l’alignement. En ce qui concerne le capital, l’une de ses suggestions ou solutions proposées était d’élargir le mandat de la Société canadienne d’hypothèques et de logement. Que pensez‑vous de cette idée d’élargir votre mandat et comment cela devrait-il se faire pour que vous soyez en mesure d’atténuer les problèmes d’abordabilité actuels?

Carla Staresina, vice-présidente, Produits commerciaux, Société canadienne d’hypothèque et de logement : En vertu de la Loi nationale sur l’habitation, nous faisons partie d’un important système d’habitation. Je dirais que notre mandat actuel couvre trois domaines. Nous proposons des produits commerciaux tels que l’assurance des prêts hypothécaires et le financement de la titrisation. Nous pilotons également de nombreux programmes au nom du gouvernement. Enfin, nous fournissons des renseignements en matière d’habitation, nous effectuons des recherches dans ce domaine et nous produisons des analyses de marché. Je ne suis pas sûre de savoir où il souhaitait nous voir aller en ce qui concerne notre mandat. Je suis désolée.

Le sénateur Loffreda : Pour les prêts, par exemple, il s’agirait de simplifier et d’accélérer votre processus d’approbation. De l’accélérer, essentiellement. Par exemple, les exigences relatives aux fonds de 10 %. Vous pourriez travailler sur vos exigences, et envisager la perspective d’impliquer les banques dans le processus et de réduire votre temps de réponse. Tout ce qui concerne votre mandat. Comment pourriez-vous l’améliorer et l’élargir pour atténuer la crise actuelle?

Neil Levecque, vice-président, Opérations — Logement, Société canadienne d’hypothèque et de logement : Nous avons porté à 51 jours le délai de réponse du programme que nous offrons dans le cadre de la Stratégie nationale sur le logement. Nous avons fait des progrès significatifs pour ce qui est du temps de réponse aux promoteurs. Nous travaillons de façon soutenue avec nos promoteurs pour améliorer notre temps de réponse et pour mieux cerner leurs besoins. Nous cherchons à savoir comment nous devons modifier notre approche pour mieux répondre à ces besoins.

J’ajouterai que, pour les collectivités éloignées et nordiques, nous accordons généralement des périodes de construction et des délais de réponse plus longs afin de tenir compte de leur éloignement.

Le sénateur Loffreda : Merci. Je laisse à mes collègues le soin d’approfondir cette question.

La présidente : Nous avons eu un problème technique hier à cet endroit. Est-ce que tout est correct? Notre greffière va y jeter un coup d’œil.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Merci aux témoins d’être parmi nous ce matin.

Vous avez fait une liste de toutes les choses à faire, mais la crainte que j’ai — c’est beau de faire la liste, parce que cela veut dire qu’on reconnaît qu’il y a un problème majeur. Le problème est très important et lorsque je regarde cela, je pense qu’on n’y arrivera pas. C’est gentil de votre part, mais je pense qu’on n’y arrivera pas, parce qu’on n’a pas de champion qui parle de cela chaque matin. C’est un problème vraiment important.

La seule solution, c’est que pour que les prix soient abordables, il faudrait que le prix des maisons baisse, ce qui n’est pas très populaire auprès de ceux qui sont déjà propriétaires d’une maison. On dirait qu’on est pris dans un coin. C’est peut‑être moi qui suis trop découragé par la lenteur du processus.

M. Dugan : C’est une très bonne question et je vous en remercie.

Vous avez raison de dire que, en matière de logement abordable, les prix sont élevés, que ce soit pour les maisons ou pour les loyers que les gens doivent payer tous les mois.

Pour améliorer l’offre de logement abordable, cela prendrait peut-être une diminution des prix, mais cela prendrait aussi la croissance du revenu; c’est très important. On a quelque peu un problème de productivité au Canada, ce qui limite la croissance du revenu sans créer des pressions inflationnistes. C’est l’un des défis, c’est-à-dire augmenter la productivité du pays afin d’avoir une croissance du revenu plus prononcée.

Cependant, en même temps, il faudrait faire des efforts en ce qui a trait à l’augmentation de l’offre d’habitations résidentielles et construire plus de maisons. Avec une offre plus élevée, cela pourrait limiter la croissance des prix et peut-être même mettre un terme à la croissance des prix pendant que s’effectue un rattrapage du revenu.

C’est très important. C’est un défi, je suis d’accord; construire 3,5 millions de maisons de plus d’ici 2030 nécessite presque de doubler la production d’habitations d’ici 2030. C’est un défi énorme. C’est très difficile et cela nécessite des solutions très innovatrices afin de pouvoir construire davantage de maisons.

Je reviens à la productivité : avec les ressources disponibles à l’heure actuelle et un taux de chômage de 5,5 % — donc très bas —, il n’y a pas beaucoup de main-d’œuvre disponible pour nous aider à construire. Cela prend de la productivité.

Le sénateur Massicotte : J’ai donc raison de m’inquiéter et d’avoir peur parce que dans votre liste, vous parlez de la productivité, qui ne fait pas partie de notre stratégie.

Je reviens à un commentaire entendu hier de la part d’un témoin, M. John Love, à savoir qu’un promoteur qui a fait l’achat d’un terrain et qui a planifié bâtir un édifice à logements ne peut obtenir un taux d’intérêt avant que toutes ces étapes soient complétées. Il aura alors engagé des sommes assez importantes.

N’y aurait-il pas moyen d’instaurer un programme au début du processus, dans votre organisation, qui inclurait une fixation du taux d’intérêt?

M. Dugan : Je vais passer la parole à mon collègue pour parler particulièrement des programmes. C’est une très bonne question.

Quand on se penche sur les conditions pour les investisseurs, dont on a besoin pour augmenter la construction des habitations, il faut penser aux mesures incitatives. Avec le capital qu’ils apportent dans le domaine résidentiel, ils disposent d’options; il y a un coût d’opportunité et ils peuvent investir ailleurs.

Il faut, selon moi, considérer les mesures incitatives afin d’attirer le capital vers l’immobilier.

[Traduction]

M. Levecque : Dans le cadre de l’Initiative Financement de la construction de logements locatifs, il y a un taux d’intérêt bloqué. C’est précisément ce à quoi M. Dugan faisait référence. Ce taux de financement est bloqué au début du processus, c’est‑à-dire dans la partie la plus risquée du processus présidant à la construction d’un immeuble à logements. C’est ce que fait cette initiative. Elle stipule que les loyers de 20 % des logements de ces projets doivent être inférieurs à 30 % du revenu des ménages. Il y a aussi un mécanisme pour mesurer l’abordabilité.

La présidente : J’aimerais demander une modification pour clarifier les choses.

Une partie de notre discussion d’hier portait sur le fait que lorsque nous utilisons le mot « maison », les gens pensent à une maison unifamiliale avec une cour, de l’herbe et une clôture blanche. Notre témoin d’hier a expliqué qu’il fallait changer de psychologie et parler de logements locatifs. Lorsque vous répondez aux questions, si vous pouviez faire attention à cette distinction entre « maisons » et « logements », ce serait plus clair pour tout le monde.

La sénatrice Galvez : Je vous remercie de votre présence.

La mission du Fonds pour accélérer la construction de logements est d’encourager les initiatives visant à accroître l’offre de logements et à promouvoir le développement de collectivités abordables, diversifiées et inclusives qui émettent peu de carbone et peuvent affronter les changements climatiques. Dans votre document, une seule des principales initiatives comprend une action positive en ce qui concerne le climat. Il s’agit de la sixième, qui vise à réduire ou à supprimer les normes de stationnement afin d’accroître la viabilité des projets. Or, à cause des effets des changements climatiques, nous perdons des logements existants. Nous avons également des problèmes d’assurance, puisque certaines résidences ne peuvent pas être assurées. Comment pouvons-nous espérer atteindre un point où nous aurons des logements pour tous? Pourquoi les volets de réduction des émissions de carbone et de résilience face aux changements climatiques n’occupent-ils pas une place pas plus importante dans vos principales initiatives?

M. Levecque : Merci de votre question.

Certains des programmes de logement que nous offrons dans le cadre de la Stratégie nationale pour le logement ont un volet « climatique ». Je peux vous donner quelques exemples. Il y a, entre autres, le Fonds national de co-investissement pour le logement. Selon les termes de ce fonds, les projets de réparation financés sont tenus d’améliorer l’efficacité énergétique de 25 %. Dans le cadre de l’Initiative Financement de la construction de logements locatifs, il est exigé que l’efficacité énergétique des logements construits soit de 15 % supérieure aux normes du Code national du bâtiment. Ce sont là quelques exemples des programmes que nous pilotons dans le cadre de la Stratégie nationale qui posent des exigences en matière d’efficacité énergétique.

Vous avez fait référence au Fonds pour accélérer la construction de logements. Ce fonds est censé fournir, en collaboration avec les municipalités, plus de 500 000 logements sur 10 ans. Vous avez parlé des normes de stationnement. Il y a aussi une composante qui consiste à permettre à davantage de terrains municipaux d’être admis pour la construction de logements abordables. Bien que cela ne réponde pas directement aux besoins en matière de lutte aux changements climatiques, il est exigé que ces logements soient conformes au Code national du bâtiment, qui comporte lui aussi des éléments d’efficacité énergétique.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Hier, on nous a parlé de l’ensemble des problèmes de coordination dans le secteur de la construction, en commençant par le manque de travailleurs compétents jusqu’au Code du bâtiment; les problèmes sont multiples.

Est-ce que la Société canadienne d’hypothèques et de logement pourrait être cet organisme qui, partout au Canada, ferait la coordination d’une révision stratégique en profondeur pour s’attaquer à la crise du logement en lien avec les provinces et les municipalités? Si ce n’est pas vous, qui pourrait le faire?

M. Dugan : C’est une très bonne question, mais ce n’est peut‑être pas mon domaine.

[Traduction]

Mme Staresina : Je vous remercie de cette question.

Comme vous le savez, la SCHL fait partie d’un vaste système qui fait intervenir le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux, les administrations municipales et les Premières Nations, et chaque ordre de gouvernement doit assumer de nombreux rôles. Le domaine qui m’occupe — celui des produits commerciaux, où nous travaillons à la construction de logements locatifs en collaboration avec les prêteurs et les promoteurs — n’est qu’un élément du système. Celui de Neil, qui voit à la prestation du gouvernement en la matière, n’est qu’un élément parmi d’autres.

Y aurait-il lieu pour nous de coordonner tout cela? Ce serait une très lourde tâche pour la SCHL, car nous ne prenons pas part à tous les aspects du système de logement. Je pense toutefois que nous jouons un rôle sur le plan de la cohésion. Les programmes et les services que nous offrons tentent de faire en sorte que les choses soient coordonnées, et nous prenons en compte tous les programmes de prêts municipaux et provinciaux, les codes du bâtiment, etc. Cela dit, ce serait beaucoup nous demander que de jouer un rôle central pour l’ensemble de ce système.

M. Dugan : C’est délicat parce qu’il y a aussi des questions de compétence. Il s’agit en grande partie de compétences provinciales ou locales. À l’échelon fédéral, notre capacité est limitée.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Qui pourrait jouer ce rôle afin de coordonner les efforts?

[Traduction]

Mme Staresina : La SCHL peut jouer ce rôle de coordination pour amener tous les partenaires à la table, et c’est ce qu’elle fait. Quelque chose comme le fonds de co-investissement qui reçoit des investissements de tous les ordres de gouvernement joue ce rôle, tout en essayant de se coordonner avec les provinces et les municipalités. Le Fonds pour accélérer la construction de logements s’efforce de coordonner ses activités avec celles des municipalités. Je pense que la SCHL essaie d’assumer ce rôle, mais le fait-elle bien dans tous les cas? Ce serait donner une fausse image de ce que nous faisons.

Le sénateur Yussuff : Je remercie les témoins de leur présence.

Bien sûr, les défis auxquels nous sommes confrontés comportent de nombreux aspects, comme celui de l’accession à la propriété pour les jeunes et pour tous les autres qui la souhaitent. En milieu urbain, le plus grand défi est de disposer d’un parc immobilier suffisant pour loger tout le monde et, bien sûr, il y a un aspect pécuniaire puisque le loyer ou toute autre forme d’acquisition d’un bien immobilier représente une part importante du revenu.

Les coopératives d’habitation faisaient autrefois partie d’une stratégie plus vaste qui cherchait à rassembler les partenaires et à leur consacrer des ressources, mais le gouvernement précédent a supprimé le programme des coopératives. À ma connaissance, les syndicats ont pu se présenter à la table des négociations parce qu’ils étaient des membres de la collectivité et qu’ils voulaient y investir une partie de leur fonds d’investissement syndical. Sommes-nous en train d’examiner comment nous pourrions refaire la même chose?

Il y a un problème bien réel en ce moment parce que les gens se demandent où ils vont vivre et comment ils vont pouvoir se permettre un logement. Le contrôle des loyers n’est pas primordial dans la plupart des administrations. Cela fait partie de la stratégie globale, mais beaucoup de gens peinent à arriver avec les faibles revenus qu’ils ont et les loyers représentent une part importante de ces revenus.

Envisageons-nous de renouer avec le secteur des coopératives? Comment pourrions-nous nous associer aux fonds de pension syndicaux pour stimuler la construction de coopératives et, plus important encore, ramener le débat au niveau local où elles pourraient jouer un rôle actif auprès des administrations municipales et ses gouvernements locaux pour faire face à ces problèmes?

M. Levecque : Merci de votre question.

J’y répondrai de deux façons. Tout d’abord, la SCHL administre ce que l’on appelle l’Initiative fédérale de logement communautaire, qui est une continuation du soutien fédéral aux projets de logement social issus d’un accord. Certains de ces projets sont des coopératives. Le financement se poursuit pour aider les ménages à faible revenu à ne pas avoir à consacrer plus de 30 % de leur revenu à leur loyer. C’est un soutien aux coopératives d’habitation.

Dans le cadre d’une annonce budgétaire — je crois qu’il s’agissait du budget de 2022 —, un programme de coopératives d’habitation en co-développement a été mis en place à partir de certains de nos financements existants pour soutenir la création de nouvelles coopératives d’habitation à travers le Canada. Il s’agit de nouveaux logements coopératifs qui n’existaient pas auparavant.

Pour répondre à votre question, sachez que le gouvernement reconnaît que les coopératives d’habitation ont un rôle à jouer dans l’équation et que nous avons un programme à mettre sur pied et à administrer à cette fin.

Le sénateur Yussuff : Quel est le taux de participation depuis que le programme a été annoncé pour inciter les gens à s’associer avec le gouvernement?

M. Levecque : Le programme a été annoncé, mais n’a pas encore été lancé.

Le sénateur Yussuff : Donc il a été annoncé en 2022, et nous sommes presque en 2024. Ne trouvez-vous pas cela problématique, compte tenu de la crise de logements à loyer modique qui sévit partout au pays?

M. Levecque : Il est certain qu’il y a un désir de faire plus, plus vite, et c’est ce à quoi nous travaillons.

La sénatrice Marshall : J’aimerais reprendre là où le sénateur Loffreda s’est arrêté.

M. Love a témoigné hier et, au cours de notre réunion, il a dit que la SCHL devait simplifier son processus d’approbation. Je lui ai demandé d’approfondir un peu cette idée, et il a répondu qu’il ne voulait pas trop blâmer la SCHL. Je dois donc me débrouiller seule.

Je sais que vous avez dit tout à l’heure que vous suiviez le délai de traitement des demandes. Il serait très utile que vous nous donniez un exemple. Je pensais au Fonds pour accélérer la construction de logements qui a été approuvée dans le budget d’il y a quelques années. Nous pensions qu’il serait mis en œuvre l’an dernier, mais il vient juste de démarrer. Lors d’une réunion précédente du comité, j’ai demandé quelle était la cause de ce retard. Quel était le problème? Quel était l’obstacle? Pourriez‑vous nous expliquer ce qui s’est passé dans le cas de ce programme particulier? Nous pourrions ainsi comprendre certaines des difficultés auxquelles vous êtes confrontés.

M. Levecque : Ce que je peux dire à propos du Fonds pour accélérer la construction de logements, c’est que l’on a reçu plus de 500 demandes. Pour tenter d’accélérer le processus, nous devons notamment trouver des façons d’accélérer l’examen de ces demandes. Nous en avons reçu plus de 500. Le travail doit se faire en collaboration avec les municipalités. L’approbation des programmes n’est pas une décision unilatérale de la SCHL ou du gouvernement fédéral. Le but est en fait de travailler avec les municipalités pour les encourager à être aussi ambitieuses que possible dans leur approche du logement abordable sur leur territoire. Il s’agit en partie de travailler avec les municipalités. Nous ne pouvons pas simplement dire : « Voici la demande; voici ce que nous allons faire ».

La sénatrice Marshall : Tout n’est pas décidé à l’interne.

M. Levecque : Tout n’est pas décidé à l’interne. Il s’agit d’un véritable travail de partenariat, qui correspond un peu à ce dont parlait M. Dugan. L’amélioration de la situation du logement au Canada exige la participation de tous les paliers de gouvernement, ainsi que les organisations à but non lucratif et du secteur privé. Le Fonds pour accélérer la construction de logements est l’un des instruments qui permettent au gouvernement fédéral de travailler en étroite collaboration avec les municipalités pour accélérer notre travail.

La sénatrice Marshall : Tout le monde doit être en phase.

M. Levecque : Nous devons être en phase et travailler ensemble.

La sénatrice Marshall : J’ai consulté votre site Web et le conseil d’administration. Je sais qu’il compte un sous-comité de l’audit. La Société doit donc disposer d’une de fonction d’audit interne. J’ai consulté votre site Web pour voir si je pouvais trouver certains des rapports d’audit interne, parce que je pensais que si je les lisais, je pourrais mieux comprendre certaines des difficultés que vous rencontrez. Ces rapports sont-ils accessibles au public? Je ne les ai pas trouvés. Vos rapports d’audit interne sont-ils disponibles sur votre site Web?

M. Levecque : En tant qu’entreprise, nous disposons d’une fonction d’audit interne. Ces audits internes ne sont pas des documents publics.

Nous avons toutefois des évaluations de nos programmes, qui sont publiées sur notre site Web. Nous pouvons prendre des mesures pour mettre ces évaluations à la disposition du public.

La sénatrice Marshall : Pourquoi vos rapports d’audit interne ne sont-ils pas publics? Très souvent, ils le sont dans d’autres organismes gouvernementaux.

M. Levecque : Je ne le sais pas.

M. Dugan : Nous pourrions nous renseigner.

La sénatrice Marshall : Pourriez-vous vous renseigner? Si vous pouviez envoyer au greffier le lien vers les renseignements qui sont accessibles au public, ce serait utile.

La présidente : J’aimerais faire un suivi en posant une autre question connexe sur le processus.

J’ai sous les yeux un article datant de septembre de cette année, qui parle du projet du gouvernement de convertir les biens excédentaires de l’État en logements abordables. Ce plan a été annoncé, je crois, en 2015, dans le mandat ministériel de l’époque. À ce jour, si les données de cet article sont exactes, en huit ans, 12 de ces biens ont été convertis en nouveaux logements. La SCHL prévoyait d’en construire plus de 670. Seuls 12 logements ont été construits, tous à Sherbrooke, au Québec. Là encore, ça en dit long sur le processus. Qu’est-ce qui prend tant de temps, alors que nous savons que la Couronne possède de nombreuses terres?

M. Levecque : La mise à disposition de terres fédérales est soumise à certaines contraintes. Une fois encore, cette activité est réalisée en partenariat. Il doit y avoir quelqu’un d’ouvert et de disponible pour développer ces propriétés.

Il arrive que ces terres fédérales doivent être assainies, ce qui prend du temps. Et lorsque l’on parle d’assainissement, cela signifie qu’il peut y avoir d’autres contaminations ou contraintes liées à la propriété. Ces choses prennent du temps.

La présidente : Vous reconnaissez toutefois que 12 sur 672 n’est pas un très bon résultat?

M. Levecque : Nous voulons faire mieux, c’est certain, oui.

[Français]

Le sénateur Gignac : J’aimerais revenir sur une question que j’ai déjà posée.

Je regardais les statistiques et je constatais qu’en 2022, on avait à peu près le même nombre de mises en chantier qu’à la fin des années 1960. Or, la population croît beaucoup plus vite : c’est au-delà d’un million par année par rapport à cette époque.

J’ai deux points à soulever : premièrement, j’essaie de comprendre si vous savez ce qui s’est passé. On est passé d’une offre insuffisante à une offre excédentaire durant cette période.

Deuxièmement, avez-vous été consulté par le gouvernement fédéral sur les seuils d’immigration qui ont été adoptés? On a appris ce matin que le gouvernement fédéral commence à réaliser qu’il y a peut-être une relation entre l’immigration et la crise du logement, et qu’il va peut-être falloir revoir les seuils d’immigration.

M. Dugan : Merci pour la question. Je suis complètement d’accord avec vous. On a observé le nombre de mises en chantier par 100 000 habitants. En effet, depuis le début des années 1970, la tendance est à la baisse. On est à un niveau historiquement très bas, selon les statistiques.

Je n’ai pas vérifié pour le début des années 1970. On commence à faire ce genre d’analyse parce que, si on observe le début des années 1970, comment a-t-on fait pour construire tant de maisons avec une population et une main-d’œuvre qui étaient beaucoup plus petites? La taille du secteur de la construction était plus petite à l’époque pour ce qui est du nombre d’ouvriers, et d’autres aspects.

Il faut essayer de comprendre et de trouver des façons d’innover et d’en faire plus avec la main-d’œuvre qu’on a en ce moment, pour construire suffisamment de maisons. C’est un très bon point que vous venez de soulever. Je suis complètement d’accord avec vous, à savoir qu’il y a quelque chose à comprendre de cela.

Le sénateur Gignac : Si l’on considère que le gouvernement a adopté de nouveaux seuils d’immigration en raison de la population qui croît très rapidement, on comprend que le gouvernement commence à réaliser qu’il aurait peut-être dû y penser avant, puisque cela met une pression sur le logement. Les nouveaux arrivants ne peuvent pas devenir menuisiers, plombiers ou électriciens sans avoir un permis de la province. Il y a de la paperasserie dans ce domaine.

Avez-vous été consulté ou non quand le gouvernement a adopté les nouveaux seuils d’immigration?

M. Dugan : Personnellement, non, mais cela ne veut pas dire que la SCHL n’a pas été consultée. Je suis entièrement d’accord pour dire que l’augmentation de l’immigration crée de la demande pour les logements. Il faut en tenir compte.

Si on veut pouvoir être en mesure d’attirer les immigrants au Canada, si on n’a pas assez de place dans les hôpitaux et dans les écoles, et pas assez de maisons abordables, cela devient plus difficile de les attirer pour venir nous aider à régler nos problèmes de main-d’œuvre. C’est un problème qu’il faut résoudre.

La sénatrice Miville-Dechêne : À la suite des questions précédentes de mes collègues, j’aimerais vous lire une partie du mandat de la SCHL qui m’a frappée.

C’est l’organisme fédéral responsable de l’habitation. Vous veillez à ce que les Canadiens aient accès à un large éventail de logements de qualité à des coûts abordables. Vous travaillez à améliorer les options financières en ce qui a trait à l’habitation du Canada, vous aidez les Canadiens à faible revenu à accéder à la propriété et vous devriez améliorer les normes en matière de construction d’habitations.

Je lis votre mandat, je vous écoute, on est en pleine crise et j’ai le sentiment que c’est difficile pour vous. Est-ce que vous avez vu la crise venir? Avez-vous tenté de la prévenir et de la diminuer étant donné votre rôle important, parce que cela ne va pas du tout?

Je comprends que les provinces ont un rôle à jouer, mais ici, vous êtes l’organisme responsable et manifestement, il y a des lenteurs; il y a des problèmes à la SCHL qui font que vous ne semblez pas tout à fait en contrôle de la situation. Est-ce que je me trompe?

M. Dugan : C’est une très bonne question. Il y a quelques questions dans tout cela. Je vais commencer par vous donner un peu ma perspective sur ce qu’on fait pour essayer d’aider.

On a fait beaucoup de recherches qui, selon moi, ont changé le débat au Canada en matière d’habitation, et cela s’appuie sur beaucoup de recherches et d’analyses qu’on a faites. On a commencé à soulever le problème de l’offre.

Si on retourne 5 ou 10 ans en arrière, tout le monde parlait de la demande, de ce qu’il fallait faire pour réduire la demande pour arrêter la croissance des prix des maisons, et c’est vraiment nous qui avons décelé le problème de l’offre. Cela a vraiment changé la cible des politiques plus récentes pour essayer de gérer le problème.

La sénatrice Miville-Dechêne : Avez-vous dit au gouvernement qu’il n’investissait pas suffisamment? Je comprends que vous ne tenez pas les cordons de la bourse, mais vous dites que c’est un problème. Comme vous êtes l’organisme fédéral responsable de l’habitation, avez-vous dit publiquement ou privément que cela ne marchait pas du tout?

M. Dugan : Oui, on a publié des recherches à ce sujet.

Si on se penche sur les politiques mises en place récemment comme le Fonds pour accélérer la construction de logements et la réduction de la TPS pour la construction d’immeubles à logements, ce sont des choses qui visent à augmenter l’offre.

Si on regarde la Stratégie nationale sur le logement, 80 % de l’argent sert à augmenter l’offre, à régler le problème de l’offre.

La sénatrice Miville-Dechêne : N’est-ce pas un peu tard? N’est-on pas un peu en retard?

M. Dugan : Étant donné qu’il y a une pénurie d’offres, oui, absolument. Comme je l’ai dit au sénateur Gignac, la réduction de la construction relativement à la taille de la population est un phénomène qui se produit depuis longtemps. On a peut-être décelé le problème un peu tard, mais au moins, on l’a décelé et on essaie de le régler maintenant. C’est une étape importante, même si c’est un peu tard.

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Petten : J’essaie de comprendre la situation dans son ensemble. Quel pourcentage des prêts hypothécaires résidentiels à taux variable est assuré par la Société canadienne d’hypothèques et de logement et par les assureurs hypothécaires privés et publics? J’essaie de me faire une idée. Qu’est-ce que vous faites exactement? Quelles sont les données qui nous manquent? Pouvez-vous nous aider?

Mme Staresina : Je peux répondre à cette question.

Comme vous l’avez dit, la SCHL est l’un des trois organismes qui assurent les prêts hypothécaires des propriétaires. Il s’agit de l’accession à la propriété. Nous détenons environ un tiers de ce marché, qui représente environ 20 % de l’ensemble du marché de l’accession à la propriété. Nous avons un tiers de ces 20 %.

Notre livre ne contient pas beaucoup de prêts hypothécaires à taux variable. Ils représentent un peu moins de 1 % des prêts. Nos arriérés n’ont jamais été aussi bas, même avec la période économique difficile que nous traversons actuellement. Cela montre que les gens paient d’abord leur hypothèque, même en temps difficiles. Voilà où nous en sommes pour ce qui est des hypothèques.

La part des gens qui ont versé leurs 20 % d’acompte est de 80 %. Ils s’adressent à nous et aux deux autres assureurs privés pour obtenir de l’aide si leur acompte est de moins de 20 %.

La sénatrice Petten : Merci.

Mme Staresina : Je vous en prie.

La sénatrice Martin : Je pense que mes collègues ont posé beaucoup de très bonnes questions. Je les ai écoutés attentivement.

Ma question concerne les personnes vulnérables qui sont touchées par cette crise du logement. Vous avez dit que vous jouez un rôle sur le plan de la cohésion. Vous n’êtes pas la seule agence, mais vous jouez un rôle important parce que vous relevez du gouvernement fédéral.

Monsieur Dugan, vous avez mentionné vers la fin de votre témoignage que nous avons besoin d’une approche globale et de techniques de construction novatrices. Quelles techniques et solutions novatrices pourrions-nous employer pour réduire le coût et augmenter la vitesse de la construction des logements? Pourriez-vous décrire et expliquer certaines de ces techniques novatrices que vous avez examinées dans le cadre de vos recherches et des données que vous avez recueillies?

Deuxièmement, que faites-vous pour cibler des interventions particulières visant à aider les populations les plus vulnérables — les sans-abri, les personnes âgées, les familles à faible revenu — à accéder à un logement abordable?

M. Dugan : Vous posez des questions pertinentes et difficiles.

Je vais commencer par l’innovation. Je n’ai pas toutes les réponses. Je souligne que nous étions dans une situation très difficile pour ce qui est de la construction de logements. Nous n’avons pas beaucoup de main-d’œuvre inactive parce que le taux de chômage est très bas. Les taux d’intérêt ont augmenté, de sorte que les constructeurs doivent emprunter de l’argent pour construire, et les coûts des matériaux sont élevés. Tous ces problèmes font que la situation est très difficile à l’heure actuelle. Nous devons trouver un moyen d’en faire plus avec la main-d’œuvre et les capitaux dont nous disposons pour améliorer la productivité dans le secteur de la construction. Nous savons que, si on la compare à celle d’autres secteurs de l’économie, la productivité du secteur de la construction est relativement faible. Il n’en a pas toujours été ainsi, mais depuis une dizaine d’années, c’est l’un des secteurs les plus à la traîne en termes de productivité. Je n’ai pas toutes les réponses, mais je souligne ce problème parce que je pense qu’il est important que nous nous y attaquions et que nous essayions de trouver des moyens de mieux faire les choses et d’être plus productifs. Je suis désolé de ne pas avoir de réponse. La situation est très complexe. Si j’avais la réponse, j’essaierais probablement de construire des logements. Il s’agit de questions très difficiles, et je suis désolé de ne pas avoir de solution miracle pour améliorer la productivité dans ce secteur

La sénatrice Martin : Mais vous devez voir des solutions novatrices qui sont utilisées de manière efficace. Pourriez-vous en discuter avec vos partenaires pour trouver des façons de les appliquer?

M. Levecque : C’est une excellente question.

Dans le cadre de la Stratégie nationale pour le logement, nous disposons de ce que l’on appelle le Fonds d’innovation. Celui-ci vise à intégrer des ressources et des gains d’efficacité reproductibles et évolutifs aux modèles opérationnels et de financement, et aux technologies de construction.

Il existe un certain nombre d’exemples que nous avons déjà financés. Pour ce qui est du financement, il y a la Housing Investment Corporation, qui a pour but d’émettre des titres de créance sur le marché privé pour soutenir la construction de logements abordables. C’est un exemple d’approche différente du financement du logement abordable. Il existe un projet lié à la construction de logements modulaires, qui étudie les techniques permettant d’accélérer la construction de logements grâce à ces techniques. Le projet Legacy Passive House de la Whistler Housing Authority propose également un modèle de construction révolutionnaire sur le plan de l’efficacité énergétique. Dans le cadre de ce projet, on a testé la construction passive pour déterminer si ces techniques étaient égales ou inférieures à celles du code du bâtiment. Voilà quelques exemples de la façon dont nous finançons des approches novatrices en matière de logement au Canada, pour répondre à votre question.

La sénatrice Martin : En ce qui concerne les populations vulnérables, quelles sont les interventions nécessaires de votre point de vue en tant qu’agence fédérale?

M. Dugan : Je ne sais pas si je l’ai mentionné dans mes observations liminaires, mais si l’on examine le parc de logements publics au Canada, on constate qu’il ne représente qu’une très faible part de l’ensemble du parc de logements. Je pense qu’il représente 4 % du parc de logements. C’est très peu par rapport à toutes les autres économies avancées. Nous devons faire passer ce pourcentage de 4 % à 6, 7 ou 8 %. Il doit être plus élevé. Nous avons sous-investi pendant des années. Nous n’avons pas assez construit de logements sur le marché, et nous n’avons également pas construit assez de logements sociaux. Nous devons rectifier la situation. J’ai parlé dans mes observations liminaires de l’allongement des délais d’attente et de ce genre de choses. La situation actuelle est difficile. Pour servir ces personnes, nous devons construire plus de logements. C’est aussi simple que cela. Je ne sais pas s’il existe des programmes dont nous pourrions parler à ce sujet, mais il s’agit bel et bien d’un problème.

M. Levecque : Il existe plusieurs programmes. J’ai mentionné plus tôt l’Initiative fédérale de logement communautaire. Celle-ci vise à soutenir les unités de logement social afin d’éviter que leurs occupants ne paient plus de 30 % du revenu de leur ménage. Il y a aussi l’Allocation canadienne pour le logement, qui est un fonds de 4 milliards de dollars administré par les provinces. Là encore, ce fonds soutient environ 300 000 ménages à faible revenu. Ce fonds est administré par les provinces pour qu’elles soient en mesure d’affecter adéquatement ces fonds aux ménages à faible revenu de leur territoire.

La présidente : Il ne nous reste que quelques minutes pour faire un rapide tour de table. Les mêmes règles s’appliquent, alors ne vous éternisez pas dans vos introductions.

Le sénateur Loffreda : Plutôt que de vous laisser sans aucune suggestion sur l’élargissement de votre mandat, j’aimerais vous communiquer quelques propositions constructives faites par Jon Love, que je passerai en revue en 30 secondes et auxquelles je vous demanderai de répondre rapidement, par oui ou par non.

Les capitaux.

Si les capitaux propres sont facilement accessibles, les emprunts se font plus rares, ils sont plus incertains et coûtent plus cher. Élargissons le mandat de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, la SCHL, afin que la garantie de l’assurance prêt hypothécaire du gouvernement du Canada permette d’accélérer la construction de logements locatifs.

Par exemple, « un seul formulaire, 30 jours ». Faire participer les banques à charte.

En ce qui concerne les prêts, le promoteur — l’emprunteur — a une mise de fonds initiale de 10 % à verser. Le financement garanti par la SCHL sert au reste des coûts du projet. Le taux d’intérêt correspond au taux des obligations du gouvernement du Canada au moment du premier versement.

Il continue. Rapidement, en 10 secondes, il dit ce qui suit :

... faire passer la période d’amortissement du prêt de 20 ans à 50 ans. En outre, des mesures de protection du crédit comme celles que les banques offrent devraient s’appliquer : garanties d’achèvement, augmentation du financement en fonction de la valeur nette, et cetera.

La présidente : Laissons-les répondre. Allez-y.

Le sénateur Loffreda : Je ne veux pas que cela figure au procès-verbal.

M. Dugan : D’accord. La liste est longue. Pour mieux répondre, nous devrions peut-être examiner la liste et revenir vers vous. Certaines de ces questions relèvent davantage du ministère des Finances. Pour des choses comme l’augmentation du montant de l’assurance hypothécaire en vigueur, nous avons certaines limites et nous ne pouvons pas le faire de façon unilatérale. Certaines de ces suggestions sont du ressort du ministère des Finances. Vous avez parlé de beaucoup de choses. Je n’ai pas tout retenu. Je pense que la meilleure façon de procéder est d’examiner cette liste et de vous répondre par oui ou par non.

Le sénateur Loffreda : Vous pourrez consulter le procès‑verbal et répondre ensuite.

La présidente : Il s’agit d’un témoignage d’hier devant ce comité. Il était très clair. Il a été présenté sous forme de points. Nous avons peu de temps. Si vous pouviez nous donner votre réponse au cours de cette semaine, ce serait formidable. Nous n’avons pas besoin d’un rapport sur chacun de ces points, mais simplement d’un oui ou d’un non.

Le sénateur Loffreda : Merci.

La sénatrice Galvez : Le secteur du logement est assujetti à de nouveaux facteurs de stress. Vous savez que la spéculation existe, mais maintenant nous avons l’inflation, le changement climatique et le manque de main-d’œuvre. D’une manière générale, ce que j’ai appris aujourd’hui, c’est qu’il est tard pour le secteur du logement et pour votre organisation, pour commencer le mouvement lié aux facteurs environnementaux et sociaux et aux facteurs de gouvernance. Je pense qu’il faut accélérer les choses. En Europe, on contrôle la spéculation. Lorsque vous achetez une maison, vous voyez clairement les renseignements sur l’efficacité énergétique, l’eau, les questions d’assurance, les événements météorologiques extrêmes, etc. Êtes-vous en train d’évoluer dans le domaine de la durabilité commerciale pour ce qui est des facteurs environnementaux et sociaux et des facteurs de gouvernance?

Mme Staresina : Dans le domaine commercial, nous étudions certains cadres dans ce domaine. Comme vous le savez, nous participons aux marchés internationaux avec certains de nos programmes de titrisation.

Nous avons également des programmes du secteur commercial, comme notre programme APH Select, qui s’adresse aux promoteurs qui construisent des appartements. Il y a des compensations. Ils peuvent bénéficier d’un amortissement plus long, d’un rapport prêt-valeur plus élevé, s’ils prennent des mesures liées au climat, à l’accessibilité ou à l’abordabilité. Nous leur accordons des réductions pour ces points. Ce sont là quelques-uns des domaines.

Je suis certaine que M. Levecque vous dira que les programmes de la Stratégie nationale pour le logement comptent bon nombre de ces éléments.

M. Levecque : J’ai énuméré ces programmes précédemment.

La présidente : Vous avez répondu. Je vous remercie.

Le sénateur Yussuff : Très rapidement, les défis sont multiples, et je ne veux pas la liste. Y a-t-il trois problèmes que vous pourriez nous mentionner, d’après vos observations sur la crise que nous connaissons? Vous avez parlé brièvement du fait que la pénurie de main-d’œuvre constitue l’un des freins les plus importants pour accroître rapidement le parc de logements et pour établir des partenariats. L’autre problème est le processus d’approbation, dont les municipalités sont responsables en grande partie. Vous avez vu comment les choses se passent, alors pourriez-vous nous mentionner trois ou quatre problèmes que nous pourrions régler pour arriver au but beaucoup plus rapidement, car dans le cas contraire, nous n’y arriverons jamais.

M. Dugan : Je peux commencer à répondre à cette question. Statistique Canada a publié les résultats d’une enquête dernièrement dans laquelle on établit un lien entre l’abordabilité du logement et les fardeaux réglementaires municipaux. Le lien était clair : l’offre de logements est beaucoup plus lente là où un lourd fardeau réglementaire est imposé par les autorités locales, et ce sont souvent les marchés les moins abordables. C’est un problème important auquel il faut s’attaquer. C’est ce que vise à faire en partie le Fonds pour accélérer la construction de logements, et je pense qu’il est nécessaire de le souligner. En un sens, pour que tout ce dont on parle et qui vient ensuite se concrétise — comme l’amélioration de la productivité —, pour que les constructeurs s’y mettent, investissent le temps et les efforts nécessaires, il faut qu’ils aient la certitude qu’ils pourront construire. Si des contraintes existent en aval, elles peuvent bloquer le gros des investissements qui sont nécessaires pour aller de l’avant. Je dirais que le fardeau réglementaire imposé par les autorités locales est le problème numéro un.

Le sénateur Gignac : L’an dernier, un tiers seulement de l’encours du crédit hypothécaire résidentiel accordé par les banques était assuré par la SCHL; 10 ans plus tôt, il était de 60 %. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi votre part de marché diminue?

Ensuite, envisagez-vous de donner suite à la promesse faite dans la plateforme libérale en 2015 de réduire de 25 % vos frais de l’assurance hypothécaire?

Mme Staresina : Pour ce qui est de notre part de marché, nous avons deux autres concurrents, et nous voulons nous assurer d’avoir un système de logement qui est stable et se porte bien. En ce qui concerne le marché hypothécaire comme tel, seulement 20 % sont assurés, car nous disposons d’un marché limité dans lequel on ne peut mettre moins de 20 % que si le montant est inférieur à un million de dollars. C’est aussi lié au prix des habitations. Cela fait une différence.

Le sénateur Gignac : C’est la ministre des Finances qui doit décider d’augmenter le plafond, ce qui explique en partie la situation. En ce qui concerne vos frais, êtes-vous concurrentiels, ou est-ce une des raisons de la baisse de votre part de marché et une raison pour aller de l’avant avec la promesse libérale de 2015 de réduire vos frais de 25 %?

Mme Staresina : Nos frais font bien sûr partie de l’équation. Nous veillons à ce que nos frais nous permettent de disposer d’un capital suffisant pour faire face à un éventuel ralentissement. Nous veillons à ce que les frais couvrent ces besoins, et la SCHL est bien capitalisée. Nous effectuons des tests de résistance pour toutes sortes de choses. Nous sommes toujours prêts à examiner nos frais et à nous assurer qu’ils font ce qu’ils sont censés faire, mais nous voulons aussi nous assurer de disposer du capital dont nous avons besoin.

Le sénateur Gignac : Vous ne seriez pas inquiets si vous obteniez plus de fonds du gouvernement. D’accord, je comprends. Je vous remercie.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Est-ce vous prenez en compte les travailleurs issus de l’immigration temporaire qui arrivent au Canada? Y a-t-il une préoccupation pour ces gens et si oui, laquelle?

M. Dugan : Il y a beaucoup de résidents temporaires qui viennent pour contrer la pénurie de main-d’œuvre.

La sénatrice Bellemare : Je parle du logement pour les étudiants et pour ceux qui viennent ici avec des contrats à durée déterminée et qui doivent se loger.

M. Dugan : On se préoccupe de tout le monde. Quand on dit qu’il y a une pénurie d’offres, c’est relativement au total de la demande en ce qui concerne les ménages au Canada et le nombre de maisons qu’il y a pour les héberger — quand on parle de 3,5 millions d’habitations qui doivent être construites d’ici 2030, cela comprend la population totale.

La sénatrice Bellemare : Cela inclut les travailleurs temporaires.

M. Dugan : Oui.

[Traduction]

Le sénateur Massicotte : L’offre et la demande... on en revient toujours à cette question. Quand on regarde le problème, il y a une certaine demande, mais la situation a beaucoup changé au cours de l’année dernière. Il y a un an, beaucoup de gens auraient dit que le logement locatif allait bien et qu’il y avait un équilibre. Toutefois, les taux d’intérêt ont augmenté de trois ou quatre points de pourcentage, et quand on pense qu’environ 80 ou 85 % de vos coûts sont des intérêts, vous vous heurtez à un mur et à des problèmes assez difficiles, mais vous pouvez aussi bien en profiter pour améliorer la situation là où c’est possible. Les taux d’intérêt étant à leur niveau actuel, il sera difficile de voir une amélioration. Il y a quelques jours, j’ai vu un rapport dans lequel on analysait la faisabilité d’un produit locatif il y a un an et un an et demi, et la situation a beaucoup changé. Bonne chance, mais ce n’est pas facile.

M. Dugan : C’est un véritable défi, mais il faut le relever. Lorsque nous avons examiné les augmentations de loyer l’année dernière dans notre enquête sur le marché locatif... Nous avons toujours utilisé la mesure du loyer moyen, mais elle masquait une grande partie de la dynamique du marché locatif. Désormais, nous examinons le loyer moyen des logements où les locataires restent en place, et ces locataires sont souvent protégés par le contrôle des loyers ou par des baux à plus long terme. Nous comparons ces chiffres aux augmentations de loyer pour les logements où les locataires ont changé, de sorte que les loyers sont ramenés aux taux du marché. À Toronto, en particulier, il y a un écart. Pour les logements où il y avait un nouveau locataire, les augmentations de loyer étaient de 29 % contre environ 2,3 % pour les logements où il n’y avait pas de changement de locataire. Cela témoigne de l’insuffisance de l’offre. Lorsqu’il y a un tel écart entre ce que le marché peut supporter et ce que les personnes protégées paient, il y a une pénurie d’offres.

Oui, bonne chance. C’est un défi difficile à relever. Les taux d’intérêt élevés rendent la construction difficile, mais nous devons le faire parce que l’abordabilité — en particulier pour les Canadiens à faibles revenus sur les marchés locatifs — se détériore maintenant assez rapidement.

La présidente : J’aimerais vous demander de commenter en revenant au début, notamment en raison des témoignages que nous avons entendus hier, à savoir que nous devons vraiment changer nos mentalités et nous dire que ce ne sont pas tous les jeunes Canadiens qui vont grandir et avoir une maison avec une cour clôturée. Nous allons devoir changer les mentalités. Notre réponse devra être la densification, en particulier dans les zones urbaines, parce qu’il n’y a plus de terrains où construire. Quel est votre rôle et comment pouvez-vous vous attaquer à ce problème? Nous avons d’autres problèmes comme l’éducation et les raisons qui font que nous avons besoin de plus de plombiers et de moins de bacheliers, etc., mais pourriez-vous nous parler du problème précis du logement et du rôle que vous avez à jouer pour que cette question fasse partie de la conversation nationale?

M. Dugan : Du point de vue de la recherche et de l’analyse, c’est assurément ce que nous essayons de faire. Vous avez tout à fait raison. Dans des villes comme Toronto et Vancouver, nous estimons que le terrain représente 80 % du coût d’un nouveau logement, alors qu’à Montréal, c’est plutôt environ 30 %. Lorsque le terrain représente une part aussi importante du prix, la seule solution est la densification. Il faut augmenter le nombre de personnes par pied cube, et non par pied carré, pour réduire le coût de ce terrain très onéreux et le rendre plus abordable.

Dans des villes comme Toronto et Vancouver, les conditions convergent vers celles d’autres grandes villes internationales. Dans des endroits comme Manhattan, il y a 100 ans, il y avait des terres agricoles. Aujourd’hui, il s’agit soit d’appartements très chers, soit de logements locatifs. Les gens qui veulent devenir propriétaires doivent vivre à l’extérieur de la ville et faire la navette. Toronto et Vancouver sont peut-être en train de prendre cette direction. Elles sont en expansion, ce sont de grandes villes, les terrains vacants sont peu nombreux, et il faut sans doute commencer à habituer les gens à l’idée que vivre dans un centre urbain aussi cher signifie souvent être locataire, et que nous devons accepter cette idée.

Nous devons également cesser de considérer la location comme une option de second choix. Ce n’est pas un pis-aller, c’est une façon tout à fait légitime de se loger. Je pense que nous devons promouvoir cette idée. Nous essayons de le faire dans nos recherches et nos analyses, mais c’est un message qu’il faut absolument faire passer.

La présidente : Je tiens à remercier sincèrement nos témoins : Bob Dugan, économiste en chef; Carla Staresina, vice‑présidente, Produits commerciaux; et Neil Levecque, vice‑président, Opérations — Logement, tous de la SCHL. Nous vous sommes reconnaissants de votre contribution aujourd’hui.

Chers collègues, nous avons le plaisir d’accueillir maintenant Randall Bartlett, directeur principal, Économie canadienne, du Mouvement Desjardins. Je vous remercie d’être avec nous. Nous poursuivons notre étude sur les problèmes de logement. Je sais que vous avez une déclaration liminaire, alors je vous cède la parole.

Randall Bartlett, directeur principal, Économie canadienne, Mouvement Desjardins : Je vous remercie, madame la présidente, et mesdames et messieurs, de m’avoir invité à m’exprimer aujourd’hui sur la question de l’abordabilité du logement au Canada.

Le logement au pays est en crise. La situation s’étant aggravée, tous les ordres de gouvernement sont obligés de reconnaître qu’il est urgent d’agir.

S’il est largement admis que la solution passe par une forte augmentation de l’offre, il n’y a guère d’accord sur la manière d’y parvenir. La construction de logements est aujourd’hui inférieure au rythme observé dans les années 1970, lorsque les baby-boomers sont arrivés à l’âge adulte, en dépit du fait que la population actuelle est plus nombreuse et croît plus rapidement.

La crise du logement ne tient pas seulement au fait que le nombre de logements construits est insuffisant. Le type de logement est également inadéquat. Les maisons individuelles sont de plus en plus grandes, tandis que les copropriétés et les appartements sont de plus en plus petits et, en même temps, de plus en plus chers au pied carré. Les maisons en rangée, les maisons jumelées et les immeubles d’appartements de faible hauteur — ce qu’on appelle le chaînon manquant — constituent essentiellement une erreur d’arrondi dans le parc de logements du Canada.

Tous les ordres de gouvernement portent une part de responsabilité dans la crise actuelle. La bonne nouvelle, c’est que chacun peut prendre des mesures pour augmenter l’offre de logements au Canada.

Nous avons récemment publié un rapport décrivant plus de 20 mesures qui ont été prises dans d’autres pays pour augmenter l’offre de logements et réduire les pressions sur l’abordabilité. Cependant, la conclusion la plus importante de cette analyse est qu’il n’existe pas de solution miracle pour résoudre la crise du logement au Canada; c’est plutôt une combinaison de différentes politiques mises en œuvre par tous les ordres de gouvernement de manière coordonnée qui contribuera à augmenter la construction de logements. Il faut que tout le monde mette la main à la pâte et avance dans la même direction.

Au niveau fédéral, il est essentiel de fournir des transferts aux provinces et aux municipalités pour encourager la construction de logements. Le Fonds d’accélération du logement, longtemps retardé, est un bon début. Il montre les premiers signes de progrès, puisque certaines municipalités semblent modifier leurs décisions en matière de logement pour pouvoir bénéficier des fonds fédéraux.

Dans ce contexte, le gouvernement fédéral doit être à l’écoute des autres ordres de gouvernement afin d’améliorer le ciblage des transferts et de minimiser les frictions qui empêchent la construction d’un plus grand nombre de logements. En outre, et c’était une recommandation dans notre récent rapport sur l’offre de logements, nous félicitons le gouvernement fédéral d’avoir renoncé à la TPS/TVH sur la construction de logements locatifs et nous espérons qu’il y aura accord avec les provinces et les territoires pour la mise en œuvre de cette mesure. Nous continuons à leur demander de mettre en place des mesures incitatives supplémentaires.

Cette mesure vient s’ajouter à l’initiative fédérale Financement de la construction de logements locatifs, dont il vient d’être question, qui fournit des prêts à faible coût pour la construction et la commercialisation d’appartements locatifs. Malheureusement, cette initiative fédérale ne s’applique pas aux logements locatifs destinés à certaines des personnes les plus vulnérables du Canada, notamment les personnes âgées et les étudiants.

Le gouvernement du Canada doit également veiller à ce que la croissance démographique progresse à un rythme qui soit durable et qui n’érode pas davantage l’abordabilité du logement. Le Canada a besoin d’immigrants pour soutenir et même accélérer la croissance économique et pour compenser le fardeau fiscal d’une population vieillissante. L’équilibre est difficile à trouver. Donner la priorité aux immigrants ayant suivi une formation dans un métier spécialisé et reconnaître ces compétences permettraient de remédier au nombre élevé de postes vacants et de compenser le vieillissement rapide de la main-d’œuvre dans le secteur de la construction.

Au niveau provincial, donner aux municipalités la liberté d’adopter des mesures qui soutiendront l’accélération des investissements résidentiels dans leurs collectivités aiderait considérablement. La réduction des droits d’aménagement sur certains types de logements peut avoir une incidence positive, en particulier en ce qui concerne la densification, mais les municipalités ne devraient pas avoir à assumer les pertes de revenus.

L’essor des locations à court terme doit également être pris en compte, et l’adoption récente par le gouvernement du Québec d’exigences provinciales en matière de permis peut servir de modèle pour le reste du pays. La Colombie-Britannique semble lui emboîter le pas avec ses propres mesures, et les autres provinces ne sont peut-être pas loin derrière.

Enfin, la collaboration avec les établissements d’enseignement supérieur en vue d’augmenter les logements locatifs à haute densité pour étudiants devrait permettre de libérer des logements sur le marché locatif hors campus pour les locataires à faible revenu.

En ce qui concerne les municipalités, de nombreuses collectivités ont déjà fait de grands progrès dans certains domaines, mais il reste encore beaucoup à faire pour réduire les obstacles à la construction de logements. L’élimination du zonage d’exclusion et le passage à des approbations de plein droit devraient être une priorité pour soutenir l’augmentation de la densification. Il est primordial de mettre l’accent sur une densification nettement plus élevée le long des couloirs de transport en commun. Encourager le réaménagement des zones commerciales en zones résidentielles sur les friches industrielles existantes, comme les centres commerciaux sous-utilisés, pourrait également permettre d’augmenter le nombre de logements dans un délai relativement court.

Même si cela peut sembler banal, la mise en commun des pratiques exemplaires partout au pays et dans le monde entier contribuera grandement à montrer ce qui a fonctionné ailleurs pour augmenter l’offre de logements.

L’industrie a également un rôle à jouer. La productivité du secteur de la construction est à la traîne de l’économie générale depuis une vingtaine d’années. Des maisons préfabriquées aux plans préapprouvés mis à disposition par les municipalités, il y a beaucoup à faire pour améliorer la productivité du secteur de la construction. Les coûts de construction, qu’il s’agisse des taux d’intérêt ou des intrants, ont considérablement augmenté au cours des dernières années. Les gouvernements peuvent utiliser des politiques pour compenser cette hausse en réduisant les taxes, en accordant des subventions et des prêts à faible taux d’intérêt.

Ne pas s’attaquer à la crise de l’abordabilité financière au Canada revient à laisser tomber la génération actuelle de propriétaires potentiels, de nouveaux et futurs parents pleins d’espoir et d’entrepreneurs optimistes. Comme nous l’avons montré dans une récente série de rapports sur la situation économique des jeunes au Canada, les jeunes Canadiens quittent les provinces où le coût de la vie est le plus cher à un rythme sans précédent, en cherchant désespérément un logement abordable. Ils retardent également le moment de quitter le domicile de leurs parents, d’entamer une relation à long terme, de se marier et d’avoir des enfants — et songent même à en avoir moins qu’ils ne le souhaiteraient — en grande partie à cause de la crise de l’abordabilité.

En conclusion, la crise de l’abordabilité du logement au Canada est grave, mais elle n’est pas insurmontable. Les Canadiens ont besoin de moins de discussions et de plus d’actions de la part de tous les ordres de gouvernement. Le pays avait besoin de faire construire des logements il y a des années, pas dans un jour lointain. Les gouvernements ne doivent pas se renvoyer la balle, mais prendre leurs responsabilités et agir. Les jeunes d’aujourd’hui, les nouveaux arrivants au Canada, les ménages à faibles revenus et tous les Canadiens ne peuvent pas et ne veulent pas attendre.

Je vous remercie de votre attention. Je serai heureux de répondre à vos questions.

La présidente : Je vous remercie, monsieur Bartlett.

Vous savez que nous avons parlé hier avec M. Jon Love de KingSett Capital. Il a parlé de l’utilisation de tous les espaces disponibles. Vous avez parlé des centres commerciaux sous‑utilisés, etc. Il parlait de toutes les allées, de tous les sous‑sols et de tous les Airbnb sur lesquels les gens peuvent mettre la main. Est-ce là le chaînon manquant dont vous parlez, ou s’agit-il simplement de résoudre un problème existant?

M. Bartlett : Le chaînon manquant est défini par la SCHL comme étant les maisons jumelées, les maisons en rangée et les immeubles d’appartements de faible hauteur. Nous avons vu des villes, comme Toronto, qui ont introduit les maisons d’allée et autorisé les quadruplex comme moyen d’augmenter la densification. Il s’agit de ne pas se concentrer sur les petites copropriétés ou les grandes maisons individuelles, mais plutôt d’offrir ce chaînon manquant de logements qui peuvent aider les jeunes Canadiens, les nouveaux Canadiens et les Canadiens à faible revenu.

La présidente : Je vous remercie de cette précision.

Nous passons maintenant à la période des questions, en commençant par le vice-président, le sénateur Loffreda.

Le sénateur Loffreda : Monsieur Bartlett, je vous remercie d’être avec nous aujourd’hui.

J’aime bien l’expression qui dit que si l’on ne propose pas de solutions, on ne fait que se plaindre. Je suis très satisfait de votre récent rapport dans lequel vous proposez 20 mesures qui peuvent être mises en place pour calmer cette crise. Pouvez-vous nous donner plus de détails sur les deux ou trois propositions les plus importantes que vous avez et sur la manière dont elles peuvent être facilement ou concrètement mises en œuvre? Il n’y a pas de retour en arrière possible. La location est-elle la seule solution pour l’avenir? J’aime l’idée de moins de discussions, plus d’actions, alors passons à l’action.

M. Bartlett : Eh bien, pour les deux ordres de gouvernement et les municipalités, il existe des solutions qui sont relativement faciles à mettre en œuvre pour qu’un plus grand nombre de logements soient construits au Canada, qu’il s’agisse de logements locatifs ou de logements du marché.

A l’échelle fédérale, le gouvernement s’occupe principalement des impôts et des transferts. En offrant des incitatifs au moyen de mesures comme le Fonds pour accélérer la construction de logements, un programme qu’on pourrait élargir, rendre moins lourd et simplifier, on encourage les municipalités à créer les conditions qui favoriseront la construction d’un plus grand nombre de logements. Les incitatifs à cet égard s’avèrent relativement efficaces et il est possible d’aller encore plus loin.

Du côté des provinces, l’accent devrait être mis sur la certification professionnelle, compte tenu de la forte croissance démographique que nous connaissons au Canada. De plus, elles doivent collaborer avec le gouvernement fédéral pour s’assurer que nous faisons venir des personnes qui possèdent les bonnes compétences. Toutefois, à l’échelle provinciale, il faut veiller à ce que les compétences soient vite reconnues de sorte que les gens puissent travailler sur les chantiers très rapidement. C’est sur ce plan que les gouvernements provinciaux peuvent faire une grande partie du travail.

À l’échelle municipale, il s’agit d’éliminer les obstacles à la construction, que ce soit en abandonnant le zonage d’exclusion, en se tournant davantage vers un zonage de plein droit ou en modifiant la structure des droits d’aménagement en ce qui concerne la construction à forte densité et en favorisant la construction à faible densité et en changeant la situation. Nous constatons que dans certaines grandes villes, on pénalise la densité. Si l’on renverse la situation, nous pourrons construire davantage et augmenter la densité dans les grandes villes du Canada.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Je regardais l’une de vos publications intitulée « Quel est le nombre idéal de nouveaux arrivants au Canada? ». Dans l’un de vos graphiques, vous montrez que, selon le taux d’immigration, plus le rythme de l’immigration sera rapide, plus les prix des propriétés grimperont rapidement.

C’est une étude qui est quand même sérieuse. Il y aura des choix à faire à court terme et à moyen terme, et on sait que les solutions pour résoudre la crise prennent du temps.

À très court terme, quel devrait être le taux idéal d’immigration pour empêcher que les prix montent trop vite et pour rétablir notre inventaire de logements afin d’assurer un équilibre?

[Traduction]

M. Bartlett : Je vous remercie de la question.

Vous remarquerez que dans le document, je n’ai pas tiré de conclusion sur le nombre de nouveaux arrivants que l’on devrait accueillir au Canada. C’était intentionnel, car je laisse aux décideurs politiques le soin de prendre ce genre de décisions difficiles. Ce que j’ai essayé de faire, c’est de définir les paramètres à partir desquels ces décisions devraient être prises.

À mesure que la population canadienne vieillit, il faut que davantage de jeunes Canadiens entrent sur le marché du travail pour occuper les emplois vacants afin que la croissance de l’économie canadienne continue de s’accélérer et que le fardeau fiscal lié au vieillissement qui pèse, en particulier, sur les gouvernements provinciaux, soit neutralisé. Il faut que la population et le nombre d’immigrants augmentent sans cesse pour compenser le fardeau.

Au rythme auquel on construit des logements actuellement, l’augmentation rapide du rythme de croissance de la population au Canada que nous observons présentement exerce une pression à la hausse sur le prix des logements, de tous les types de logements. En effet, la demande augmente beaucoup plus rapidement que l’offre. En définitive, les constructeurs réagiront au signal des prix et commenceront à construire, mais au bout du compte, nous devons toujours gérer ce mouvement de population en fonction du fait que nous ne pouvons tout simplement pas construire des logements assez rapidement pour satisfaire la demande. Cette situation entraîne une réduction rapide de l’accessibilité.

Je pense à ce que nous faisons sur le plan de l’immigration au Canada. Nous avons augmenté nos cibles, mais pas beaucoup par rapport à l’augmentation du nombre de résidents non permanents qui entrent au Canada, en grande partie dans le cadre du Programme de mobilité internationale, qui n’oblige pas l’employeur à obtenir une évaluation du marché du travail et ce genre de choses, contrairement au Programme traditionnel des travailleurs étrangers temporaires. Nous devrions tenir compte des types de travailleurs qui entrent au Canada et voir s’ils peuvent répondre aux besoins du marché du logement afin de pouvoir construire davantage, mais aussi répondre aux besoins plus généraux et à long terme de l’économie canadienne.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Au bénéfice de tout le monde, quelle était l’hypothèse, dans votre tableau no 12, entre les projections les plus hautes et les plus faibles? Si vous n’avez pas cette information, pourriez-vous nous l’envoyer?

[Traduction]

M. Bartlett : Je serai heureux de vous l’envoyer à une date ultérieure. Concernant nos hypothèses et la manière dont nous intégrons l’immigration, ce qui inclut à la fois les résidents permanents et les résidents non permanents, dans nos prévisions, il s’agit d’examiner la structure par âge dans une perspective historique et avec le système de points qui a été établi par le gouvernement fédéral ainsi que la contribution de ces différents groupes d’âge, hommes et femmes, au marché du travail au Canada. Si l’on regarde le lieu d’arrivée et la répartition par âge des nouveaux immigrants, on constate qu’ils sont généralement âgés de 25 à 40 ans. C’est à cet âge que le niveau d’emploi, en proportion de la population, tend à être de loin le plus élevé.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Si jamais vous avez de petites précisions à ajouter, pouvez-vous nous les faire parvenir par écrit? Ce serait apprécié.

[Traduction]

M. Bartlett : Oui.

Le sénateur Gignac : Bienvenue, monsieur Bartlett. Avant de poser trop de questions, j’aimerais féliciter le Mouvement Desjardins pour ce qu’il a fait en matière de recherche sur le logement, qui est accessible dans les deux langues, soit dit en passant, sur son site Web. Je pense que c’est très instructif.

Pour en revenir à votre étude globale et aux 20 idées, l’une d’entre elles consistait à utiliser à d’autres fins des actifs existants. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet? Vous avez des idées intéressantes et nous savons que des étudiants, et aussi des personnes âgées qui habitent dans des maisons de retraite, vivent dans des endroits où les cuisines, les salles de bains ou d’autres espaces centralisés sont des pièces communes, plutôt qu’en appartement. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?

M. Bartlett : Je vous remercie de la question.

En travaillant avec notre équipe immobilière chez Desjardins, nous avons essayé de nous faire une idée de ce que pourrait être la conversion de bureaux en logements. Il s’avère que seulement environ 10 à 20 % des immeubles de bureaux actuels pourraient être convertis en immeubles résidentiels au Canada. Cette situation s’explique en partie par les codes de construction des villes. Il y a donc une certaine souplesse, mais cela reste relativement faible. La nécessité, que les appartements aient, bien sûr, des salles de bain privées, des cuisines et ce genre de choses, y est pour beaucoup. Les immeubles de bureaux ne sont généralement pas conçus pour cela et la centralisation est souvent très importante.

Ce qui est possible, c’est de convertir cet espace en logements de style collectif qui comprendraient ces ressources centrales : cuisines, salles de bains et ce genre de choses. Il peut s’agir de logements pour étudiants, dont la pénurie est énorme au Canada; et le besoin de logements supplémentaires pour les étudiants est criant. Il peut s’agir de logements pour les personnes âgées. Les Canadiens vieillissent et restent chez eux plus longtemps que les générations précédentes, mais à un moment donné, nous aurons besoin de ces logements collectifs supplémentaires pour aider les personnes qui sont en transition à différents stades de leur vie. C’est l’occasion de le faire, car dans les grands centres, beaucoup d’espaces de bureaux restent inoccupés encore aujourd’hui.

Le sénateur Gignac : Vous avez des données précises sur les logements pour étudiants au Royaume-Uni et au Canada. Je pense que la proportion est de 12 % au Canada et de 30 % au Royaume-Uni. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?

M. Bartlett : Oui. La proportion est beaucoup plus faible au Canada pour deux ou trois raisons, je dirais, dont l’une est qu’au Canada, les établissements postsecondaires ont généralement moins de possibilités d’emprunter à des fins d’investissement qu’au Royaume-Uni, par exemple. Par conséquent, il leur est plus difficile de faire appel à des partenaires du secteur privé comparativement au Royaume-Uni, comme les investisseurs institutionnels et le capital patient à long terme qui offre l’occasion d’investir dans certaines choses telles que des résidences pour étudiants. Nous constatons que les fonds de pension canadiens, par exemple, investissent dans certaines de ces résidences pour étudiants à l’étranger, mais nous ne voyons pas cela autant au Canada. Les gouvernements provinciaux peuvent certainement offrir la souplesse voulue pour qu’il soit possible d’obtenir ce financement et d’attirer cet investissement du secteur privé.

Le sénateur Gignac : La semaine prochaine, nous recevrons le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, ainsi que Peter Routledge, du Bureau du surintendant des institutions financières, ou BSIF. Dans une étude, votre équipe a mentionné que la dette hypothécaire est une bombe à retardement. Voici ce que c’était. C’est un titre très spécial. Lorsque l’on parle d’hypothèques, de taux variables et de paiements fixes, dans de nombreux cas, le seuil de déclenchement a maintenant été atteint et beaucoup de jeunes ont de gros problèmes. Recommandez-vous au BSIF de ne plus offrir de prêts hypothécaires à taux variable aux accédants à la propriété? Beaucoup de gens n’ont pas les fonds nécessaires pour faire face au choc des paiements à venir.

M. Bartlett : Je ne pense pas qu’en tant qu’économiste, il m’appartient de formuler des recommandations aux organismes de réglementation sur ce que sont à notre avis les meilleures politiques à adopter pour les Canadiens et les institutions financières. Cependant, nous nous sommes penchés sur les répercussions que pourraient avoir les prêts hypothécaires dont le renouvellement est prévu en 2025 et 2026 sur l’économie canadienne. Nous pensons que la situation aura pour effet de limiter le rebond que nous pourrions observer dans l’économie canadienne à la suite des réductions de taux de la Banque du Canada. Même si les taux baissent, les ménages renouvelleront leurs prêts hypothécaires à des taux et à des niveaux de principe beaucoup plus élevés qu’au moment où ils les ont contractés. Cela freinera certainement toute reprise à moyen terme, car les ménages réduiront leur consommation pour rester dans leur logement. Nous pensons que la situation aura des répercussions importantes sur l’économie canadienne, mais je crois qu’il est préférable de laisser aux organismes de réglementation le soin de prendre les décisions.

La présidente : Puis-je revenir sur ce point?

On entend parler de récession sans répercussion négative sur l’emploi et beaucoup de gens parient là-dessus. Toutefois, pour revenir a ce que vous avez dit, nous avons assisté à une hausse de taux 8 ou 10 fois ces dernières années. Lorsque les gens iront refinancer leurs prêts hypothécaires, nous aurons ce problème. En revanche, les Canadiens sont très responsables lorsqu’il s’agit de payer de leur hypothèque. De plus, le Canada affiche l’un des meilleurs taux dans le monde sur ce plan. Si deux hypothèques sur trois sont en difficulté, quelle est la statistique qui vous préoccupe le plus?

M. Bartlett : Oui. La statistique qui nous inquiète le plus est celle qui est liée à l’augmentation des coûts hypothécaires à venir des Canadiens.

Dans les années 1990, lorsque les taux d’intérêt ont augmenté de façon spectaculaire à la suite d’un boom de l’immobilier, la plupart des Canadiens sont restés chez eux. Nous n’avons pas assisté à une forte hausse des inscriptions en tant que telles, mais nous avons constaté une augmentation considérable du taux d’épargne et une chute spectaculaire de la consommation chez les Canadiens. Cette faible consommation, pendant que les Canadiens continuaient à s’assurer de conserver leur hypothèque et d’effectuer leurs paiements mensuels, a mené à un ralentissement économique très prolongé au Canada. Nous pensons qu’il s’agit là du risque qui pèse sur la situation. Ce n’est pas notre scénario de base, mais il représente un risque baissier quant à nos perspectives. Il y a un an, nous avons publié une note à ce sujet dans laquelle nous expliquions ce à quoi le scénario pourrait ressembler, et je serais heureux de la fournir au comité.

La présidente : Je vous en prie. Ce serait utile. Nous constatons que la consommation est plus faible. Les gens choisissent de payer leur hypothèque et d’acheter moins de produits d’épicerie, et toutes ces choses.

M. Bartlett : Tout à fait.

La sénatrice Marshall : J’allais également vous poser une question sur le document relatif à la bombe à retardement parce qu’il était intéressant, mais après vous avoir écouté, une autre question m’est venue à l’esprit. Il y a tellement de recommandations sur ce que le gouvernement peut faire pour améliorer la situation du logement. Je pense au ministre du Logement. Comment élaborer un plan pour répondre à tout ce qui est proposé et le mettre en œuvre? Faut-il réunir 20 personnes et dire « vous allez vous occuper des provinces, et vous, des municipalités, et vous, de l’immigration, et vous, des compétences... »? Le problème est d’une telle ampleur. Il comporte de multiples facettes. Avez-vous des recommandations sur la manière dont on peut s’attaquer au problème en profondeur?

M. Bartlett : Je vous remercie de la question.

Il faut tout d’abord comprendre ce que le ministre fédéral du Logement peut faire. Comme je l’ai mentionné, le gouvernement fédéral s’occupe principalement des impôts et des transferts. Une grande partie des contraintes qui pèsent sur la construction d’habitations n’existent pas nécessairement à l’échelle fédérale ou ne résultent pas nécessairement de politiques fédérales.

La sénatrice Marshall : Mais dans bon nombre de cas, oui.

M. Bartlett : Tout à fait.

La première chose que le gouvernement fédéral peut faire est d’utiliser l’approche de la carotte et du bâton afin d’inciter les municipalités et les provinces à éliminer les obstacles à la construction de logements. Comme je l’ai mentionné, le Fonds pour accélérer la construction de logements est un bon programme. Il s’agit essentiellement d’une subvention pour les portes, si l’on veut, ce qui est l’opposé de l’impôt sur les fenêtres du Moyen Âge. Si l’on construit des maisons, on reçoit des subventions pour le faire. Cela permet d’encourager les municipalités à éliminer les obstacles, ce qui favorisera au maximum la construction domiciliaire. C’est une bonne approche.

Il a également été proposé d’établir un lien, encore plus que par le passé, entre le financement des infrastructures et la construction résidentielle à proximité des principaux corridors de transport en commun. Évidemment, cela concerne principalement les grands centres du Canada, mais en même temps, c’est quelque chose qui se traduirait par une augmentation considérable de la densité le long de ces corridors et du nombre d’usagers des transports en commun en fin de compte, ce qui est un mandat public plus général du gouvernement fédéral. Ce sont là des possibilités qui s’offrent au gouvernement fédéral.

Enfin, en ce qui concerne la SCHL et d’autres programmes fédéraux, il s’agit de réduire les obstacles bureaucratiques qui empêchent les gens d’accéder aux programmes, qu’il s’agisse de promoteurs, de gouvernements ou de municipalités, et de faire tout ce que l’on peut pour aider à repérer les obstacles. Dans ce contexte, il faut communiquer fréquemment avec les intervenants et déployer les efforts voulus simplement pour continuer à travailler sans relâche à améliorer l’efficacité des programmes.

La sénatrice Marshall : Comment peut-on concrétiser le tout? Vous avez dressé une longue liste de 12 éléments. Comment faire en sorte que l’on agisse pratiquement sur tout en même temps et que l’on dispose d’un plan global? Comment mettre le plan en œuvre? Je suis presque désolée pour le ministre du Logement.

Simplement, je dis « alors, vous vous occupez des provinces, vous, des municipalités, vous, de l’immigration et des compétences, et vous, de la SCHL ». Les choses fonctionnent-elles ainsi? Y a-t-il une autre façon de mettre le tout en œuvre? Est-ce que je vois les choses de façon trop simpliste?

M. Bartlett : Non, je ne pense pas. On parle d’un énorme problème. Il fait partie des problèmes les plus urgents auxquels les Canadiens sont confrontés aujourd’hui. Il est exacerbé par une forte inflation, mais il est certain que la capacité financière est affaiblie de manière générale. La diminution de l’accessibilité au logement s’est accélérée pendant la pandémie et la situation ne va pas en s’améliorant. Il est certain que tout le monde au Cabinet doit se mobiliser pour que cela se concrétise, y compris les ministres des Affaires intergouvernementales et de l’Immigration, par exemple, afin de garantir la cohérence entre tous les éléments liés à la crise du logement. Il faut que tous les gens à la table apportent leur aide pour alléger le fardeau et soutenir le ministre du Logement et, de ce fait, les Canadiens.

La sénatrice Marshall : Merci. Le mot « cohésion » est bien choisi.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Bienvenue, monsieur Bartlett. J’ai trouvé intéressants vos commentaires sur la jeunesse à la fin de votre présentation, qui étaient assez pessimistes.

Les jeunes fuient les provinces riches et les jeunes n’ont plus d’enfants ou ont moins d’enfants parce qu’ils n’ont pas de maison. Ces statistiques montrant que les jeunes retardent le moment d’avoir des enfants parce qu’ils ne peuvent pas acheter un logement, est-ce qu’on a des chiffres là-dessus?

Parce que je sais qu’on a des enfants plus vieux, mais il y a toutes sortes de facteurs qui peuvent jouer. Est-ce qu’on est sûr que le fait de ne pas pouvoir acheter un logement fait partie des facteurs réels?

[Traduction]

M. Bartlett : Je vous remercie de la question.

Nous avons surtout des renseignements sur l’abordabilité. Sondage après sondage, les jeunes Canadiens affirment que les coûts élevés représentent un facteur important les amenant à décider de vivre avec leurs parents plus longtemps, à repousser les prochaines étapes de leur vie. C’est une conséquence de l’impossibilité pour eux de se payer à long terme le mode de vie qu’ils aimeraient avoir alors qu’ils commencent à bâtir une famille et des relations durables, et qu’ils entament les prochaines étapes de vie dont tant d’autres générations ont pu jouir.

La sénatrice Miville-Dechêne : Est-ce donc au moyen de sondages que vous obtenez ces renseignements?

M. Bartlett : Oui, c’est au moyen de sondages — et pas d’un seul — que nous recueillons cette information. Il y en a plusieurs au cours des dernières années qui ont relevé ces données. Nous constatons aussi cette tendance lorsque nous étudions l’âge auquel les jeunes se marient, ont des enfants et vivent ce genre d’événements.

La sénatrice Miville-Dechêne : Oui. Or, de nombreux facteurs peuvent expliquer qu’on ait des enfants à un âge plus avancé.

M. Bartlett : Tout à fait, de nombreux facteurs peuvent expliquer ce phénomène, mais les jeunes répondent sans contredit dans les sondages que l’abordabilité constitue une des raisons principales.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Je suis intéressée par la transformation des immeubles de bureaux en logements, en communes, en logements étudiants. Beaucoup de tours au centre‑ville de Montréal ne sont pas occupées. Est-ce possible, financièrement, de transformer ces immeubles de bureaux en logements?

Le coût de ces immeubles en plein centre-ville de Montréal est énorme. L’achat de ces immeubles est déjà un investissement énorme; les fenêtres ne s’ouvrent pas, il faut soit en créer ou les changer. Il y a un investissement, là.

Je me suis toujours demandé si on pouvait recycler ces immeubles de bureaux. Est-ce que vous pensez que c’est vraiment possible, en tenant compte du coût abordable?

[Traduction]

M. Bartlett : Je vous remercie de cette autre question.

Eh bien, le Canada compte en quelque sorte une étude de cas : Calgary après le boom pétrolier. Quand le prix du pétrole a brusquement baissé en 2014-2015, un nombre énorme de locaux pour bureaux s’est retrouvé sur le marché. Beaucoup de ces locaux étaient inoccupés parce que les compagnies pétrolières licenciaient des employés en masse à la suite de la chute des prix. Une grande partie des espaces sont demeurés vacants jusqu’à ce que la Ville de Calgary prenne l’initiative de subventionner leur conversion. À l’heure actuelle, environ le tiers des espaces a pu être converti, mais, ici encore, de nombreuses étapes ont été nécessaires pour y arriver : il a fallu apporter de grands changements au zonage entourant ces locaux pour assouplir les exigences antérieures imposées aux copropriétés et aux appartements. Malgré tout, seul le tiers des espaces a été converti, alors le défi est de taille. La conception des espaces n’est pas toujours propice à une conversion en copropriétés ou en appartements individuels. Les efforts pour convertir les deux autres tiers en de potentiels logements regroupés pour étudiants, par exemple, pourraient grandement contribuer à augmenter le taux d’occupation résidentielle dans certains de ces édifices.

La présidente : Ce n’est pas seulement une question de conception; encore faut-il que les règles permettent les changements.

M. Bartlett : Effectivement.

La sénatrice Petten : Nous venons de parler des jeunes. Avez-vous des suggestions de solutions pour notre population vieillissante? L’enjeu semble être une grande préoccupation. Je représente la province de Terre-Neuve-et-Labrador, qui est aux prises avec un problème de population vieillissante. Avez-vous des suggestions à cet égard?

M. Bartlett : Eh bien, pour renchérir sur la question précédente, une partie de la solution consisterait à évaluer les espaces actuellement disponibles pour déterminer si certains pourraient être convertis en logements pour personnes âgées. Bon nombre d’immeubles vacants sont dotés d’ascenseurs et d’autres ressources qui pourraient répondre à ce besoin non comblé en logements. Je pense que ce pourrait être un bon point de départ. Bien des gouvernements provinciaux tiennent à permettre aux citoyens de vieillir chez eux.

La sénatrice Petten : Le vieillissement chez soi.

M. Bartlett : Le vieillissement chez soi. Je crois que c’est extrêmement important pour vieillir dans la dignité. Cela contribue également à réduire les coûts en soins de santé, ce qui est de toute évidence un facteur majeur étant donné les niveaux d’endettement accrus au sortir de la pandémie et les fardeaux financiers qui nous attendent à l’avenir. L’objectif est en fin de compte de veiller à ce que les Canadiens vieillissants puissent adopter le mode de vie qu’ils désirent et obtenir l’appui nécessaire. Parallèlement, nous réfléchissions aux façons d’optimiser le parc immobilier disponible pour continuer de leur permettre de vieillir dans la dignité.

[Français]

La sénatrice Galvez : Je remercie beaucoup nos témoins.

Au Québec, 80 % de la population vit le long du fleuve Saint‑Laurent. Je pense que pour le reste du Canada aussi, c’est vrai que tout le monde veut vivre ou vit à côté des cours d’eau, des fleuves ou des lacs.

Je vois que Desjardins a un engagement de zéro émission nette d’ici 2040. Je salue cette initiative, merci beaucoup. Cependant, dans les tableaux de vos recommandations, il n’y en a aucune qui tient compte, par exemple, du fait qu’augmenter la densification, comme plusieurs l’ont suggéré, ferait en sorte que notre grande ville devienne Manhattan. On sait que Manhattan a des problèmes attribuables aux changements climatiques : inondations, dômes de chaleur et aussi problèmes d’inefficacité énergétique.

Donc, je vous donne l’occasion aujourd’hui de nous dire si nos systèmes d’assurance devaient changer concernant le zonage. Est-ce que les codes du bâtiment devraient refléter la réalité des changements climatiques? Parce qu’on a besoin de tenir compte de cela dans la densification qu’on planifie de faire.

[Traduction]

M. Bartlett : Je vous remercie de la question. Je suis on ne peut plus d’accord avec vous.

Pour les questions d’assurances et d’assurances résidentielles, je serai heureux de faire un suivi et de transmettre la question à mes collègues de Desjardins Assurances. Ils seraient mieux outillés pour y répondre.

Pour ce qui est des codes du bâtiment et de la densité accrue, nous savons que, en ce moment, Toronto est moins dense que Montréal, qui est moins dense que Vancouver, qui est moins dense que New York ou Chicago. Nous avons une réelle occasion de bâtir des édifices plus écoénergétiques qui permettront d’atténuer davantage les changements climatiques comparativement à ce que nous faisions par le passé. Il nous faut plus de logements, et nous savons qu’une densité accrue génère moins d’émissions par habitant que la vie dans les banlieues où on doit parcourir de longs trajets vers les villes, habiter des résidences occupant une plus grande superficie et adopter ce genre de mode de vie. Des codes du bâtiment plus écoénergétiques et la promotion d’un mode de vie où les résidants vivent à proximité du transport en commun, font leurs déplacements à pied dans leurs quartiers et mènent leurs vies relativement près de leur résidence aideront grandement à atténuer les changements climatiques. Si, au contraire, nous continuons à miser sur un étalement urbain de plus en plus loin des grands centres, nous risquons d’exacerber les effets des changements climatiques.

La sénatrice Galvez : Hier, nous avons entendu que les municipalités accusent du retard dans l’octroi de permis de construire. Ma question portait sur les services parce que les municipalités doivent fournir l’électricité, l’eau et, comme vous l’avez dit, le transport. Ces exigences créent un fardeau. On m’a répondu que non, puisque les municipalités récupéreront des impôts fonciers. Les impôts fonciers sont versés à un moment précis, mais les capitaux sont nécessaires avant même le début des projets pour accroître la capacité des services d’aqueduc ou de traitement des eaux usées. D’où proviendra cet argent?

M. Bartlett : Beaucoup de recherches démontrent que les revenus nets provenant des quartiers plus denses des villes sont plus élevés et sont générés plus rapidement que dans les quartiers moins denses. De plus, la prestation de ces services dans les quartiers moins denses entraîne des pertes nettes à long terme pour la plupart des villes puisque les impôts fonciers ne neutralisent pas ces dépenses. En augmentant la densité et en tirant parti de l’infrastructure et des corridors de transports en commun existants, en plus de les élargir, on pourra générer des revenus à long terme pour les villes canadiennes. Les données prouvent que cette vision est très utile.

La sénatrice Galvez : Merci.

La sénatrice Martin : Je vous remercie de votre témoignage d’aujourd’hui. Vous avez abordé les enjeux clés qui me tiennent à cœur, soit les populations vulnérables et les questions de logement les touchant.

Vous avez parlé de la collaboration avec les universités offrant des logements à plus grande densité construits spécialement pour les étudiants. Je viens de la région métropolitaine de Vancouver. Lorsque ma fille fréquentait l’Université de la Colombie-Britannique et cherchait un logement abordable, elle s’est retrouvée à vivre dans une maison avec de nombreux colocataires et à payer 1 200 $ pour une chambre et une salle de bain partagée. La situation était ahurissante il y a six ou sept ans, et elle s’est envenimée depuis.

Vous avez aussi mentionné les investissements du secteur privé. Je suis curieuse d’en savoir plus sur le rôle que les investissements du secteur privé peuvent jouer pour remédier aux coûts du logement. Comment tirer parti des partenariats public-privé à cet égard? Pouvez-vous approfondir la question?

M. Bartlett : Merci beaucoup de la question.

En ce qui a trait à la construction de logements supplémentaires, comme les témoins précédents l’ont expliqué, je crois que la plupart des logements au Canada appartiennent à des intérêts privés, et les investisseurs privés apportent beaucoup de logements dans le marché, y compris des logements destinés à la location. Le secteur privé fera partie intégrante de la solution pour bâtir toutes sortes de logements.

Pour ce qui est du logement pour les étudiants en particulier, une des raisons expliquant que nous semblions connaître une pénurie de tels logements au Canada comparativement à d’autres pays comme le Royaume-Uni est que nous n’optimisons pas autant les investissements du secteur privé que les autres pays du G7 et les autres économies développées. Une réelle occasion s’offre à nous, et les partenariats public-privé peuvent jouer un rôle dans le processus. Comme vous le dites, nous savons que ces partenariats peuvent aider à bâtir des infrastructures comme des hôpitaux et à ensuite en gérer les activités. Rien ne devrait empêcher le secteur privé à injecter plus de capitaux dans le marché des infrastructures qui devraient être plus simples à construire et à gérer, comme les logements pour étudiants.

Je crois que, en règle générale, il faut revoir les calculs différenciant la construction de copropriétés et de logements locatifs. Nous voyons de tels efforts avec l’annulation de la TPS et de la TVH pour les logements locatifs, à tout le moins pour la portion fédérale. Je crois que c’est un bon point de départ pour aider à rendre les règles équitables entre les logements locatifs et les copropriétés. Cette mesure aidera sans contredit à accroître la rentabilité puisqu’il faut compter plus de temps pour récupérer l’investissement initial et pour renouer avec les profits quand on construit des logements locatifs. Des règles plus équitables permettront d’attirer plus d’investissements privés pour les logements locatifs.

Les logements d’étudiants semblent vraiment être l’option la plus simple en ce sens. Nous encourageons les provinces à participer aux discussions, à établir des partenariats avec les universités et à réduire les contraintes freinant ce type de financement.

La sénatrice Martin : Oui. Et vous avez mentionné que nous accusons du retard par rapport à d’autres économies développées, qui ont pris cette voie. Qu’est-ce qui nous empêche de tisser ces partenariats public-privé? Il faut rendre les règles plus équitables, comme vous l’avez dit, mais les autres économies prennent-elles des mesures que nous devrions aussi envisager?

M. Bartlett : Un des enjeux concerne la souplesse avec laquelle les établissements postsecondaires peuvent emprunter des fonds. Je peux surtout parler de l’Ontario, puisque nous y avons fait beaucoup de recherches, mais de grandes contraintes existent ici pour les établissements postsecondaires comparativement à d’autres administrations. Je n’entends pas par là que les établissements postsecondaires devraient pouvoir emprunter des sommes illimitées. Or, si les provinces chapeautent le processus, ils pourraient certainement non seulement emprunter des fonds pour réaliser ces investissements, mais aussi faire des investissements initiaux qui inciteront le secteur privé à investir dans les projets.

La sénatrice Martin : Merci.

Le sénateur Loffreda : Vous avez mentionné que les taux plus élevés vont ralentir notre économie, et le gros titre du Wall Street Journal ce matin était que l’économie américaine a crû de 4,9 % cet été en raison des dépenses rapides des Américains. Effectivement, les consommateurs sont le moteur de toute économie, et de tous les pays du G7, les ménages canadiens sont les plus endettés. Toutefois, les États-Unis ont aussi des problèmes de dettes, quoique la situation des Américains s’améliore. Y a-t-il des leçons tirées, des pratiques exemplaires ou des politiques que nous pouvons importer vers le nord pour éviter de freiner notre économie?

M. Bartlett : Je vous remercie de la question.

La situation des ménages américains diffère grandement de celle des ménages canadiens en ce moment. Comme vous l’avez mentionné, les ménages canadiens sont beaucoup plus endettés que les ménages américains. Pendant la crise financière mondiale, le Canada, contrairement aux États-Unis, n’a pas vu son endettement baisser. De plus, nous connaissons ici une croissance de la population qui ne se produit pas aux États-Unis; cette augmentation fait grimper le prix des logements et, par conséquent, l’endettement des Canadiens. Aux États-Unis, les propriétaires ont aussi contracté des hypothèques de 30 ans à des taux extrêmement bas pendant la pandémie, et les circonstances ici sont donc très différentes.

Le sénateur Loffreda : Est-ce que ce pourrait être une solution?

M. Bartlett : Je ne sais pas si ce serait nécessairement une solution, et je ne veux pas me prononcer sur la question parce que je n’ai pas étudié les inconvénients potentiels de consentir de tels prêts hypothécaires. Il semblerait que les ménages pourraient ainsi effectuer des paiements stables et prévisibles à long terme. Or, le secteur bancaire pourrait s’en trouver fragilisé aux États-Unis. Nous avons vu plus tôt cette année que certaines banques régionales américaines ont fait faillite. Puisque les banques consentissent des prêts sur de longues périodes à un faible taux et qu’elles doivent payer des intérêts plus élevés sur les dépôts, le système financier américain pourrait être fragilisé. Pour pouvoir vous indiquer si nous devrions prendre cette voie au Canada, il nous faudrait étudier la question plus en détail.

Le sénateur Loffreda : Je serais curieux d’avoir une réponse. Merci.

La présidente : Comme nous parlons de ce domaine, autant entendre un commentaire sur la déductibilité des hypothèques. Que pensez-vous de cette mesure?

M. Bartlett : Nous avons abordé cette question dans notre document sur les solutions pour l’offre de logements. Aucune donnée ne démontre que la déductibilité des hypothèques fait augmenter l’offre de logements dans les administrations. En fait, la mesure peut même davantage faire grimper les prix des logements. Si on se fie aux répercussions aux États-Unis, je crois que nous devrions éviter la mesure.

La présidente : Je vous remercie de cette réponse directe.

Monsieur Bartlett, vous nous avez grandement éclairés aujourd’hui dans le cadre de notre étude. Nous vous remercions de vos réponses qui étaient pour la plupart très précises. Randall Bartlett est le directeur principal de la division de l’économie canadienne au Mouvement Desjardins. Je sais que vous avez promis de nous transmettre des documents, alors nous allons coordonner l’envoi avec notre greffière. Au nom de tout le comité, je vous remercie.

(La séance est levée.)

Haut de page