LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES BANQUES, DU COMMERCE ET DE L’ÉCONOMIE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 29 mai 2024
Le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie se réunit aujourd’hui, à 16 h 15 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la teneur des éléments des sections 11, 13, 16, 17, 18, 19, 20, 33, 41 et 42 de la partie 4, et de la sous-section A de la section 34 de la partie 4 du projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024.
La sénatrice Pamela Wallin (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bonjour à toutes les personnes présentes dans la salle et à tous ceux qui nous regardent en ligne. Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie. Je m’appelle Pamela Wallin et je suis la présidente de ce comité. Avant d’aller plus loin, j’aurais quelques directives à vous rappeler.
Je demanderais à tous les sénateurs et à tous les participants ici présents de bien vouloir consulter les fiches laissées sur les tables concernant les problèmes audio. Nous vous prions d’utiliser les oreillettes noires, et non les grises, s’il en reste, et de les éloigner le plus possible du microphone. Cette mesure vise à faciliter la tâche à nos interprètes, qui ont dû composer avec de nombreux incidents liés à la rétroaction acoustique. Merci de votre collaboration.
Nous allons commencer sans plus tarder, même si plusieurs de nos membres assistent à une réunion du Comité des finances qui se tient en ce moment même dans la salle voisine. Nous accueillons aujourd’hui les sénateurs Bellemare, Deacon, Marshall, Massicotte, Petten, Ringuette, Varone et McNair. Nous allons débuter et d’autres sénateurs se joindront à nous en cours de séance.
Nous poursuivons notre examen de la teneur des éléments des sections 11, 13, 16, 17, 18, 19, 20, 33, 41 et 42 de la partie 4, et de la sous-section A de la section 34 de la partie 4 du projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024. Notre séance d’aujourd’hui portera plus précisément sur la section 16 de la partie 4 qui édicte la Loi sur les services bancaires axés sur les consommateurs qui vise à établir un cadre axé sur les consommateurs permettant aux individus et aux petites entreprises de partager en toute sécurité leurs données avec les entités participantes de leur choix. Elle apporte également des modifications connexes à la Loi sur l’Agence de la consommation en matière financière du Canada pour créer le poste de commissaire adjoint principal des services bancaires axés sur les consommateurs responsable des questions relatives aux services bancaires axés sur les consommateurs et prévoir, entre autres, la supervision des entités participantes. Je suis désolée de vous inonder ainsi de détails techniques, mais la loi m’y oblige.
Je vous présente maintenant notre premier groupe de témoins pour aujourd’hui. Nous avons le plaisir d’accueillir deux représentants du Bureau de la concurrence, soit M. Bradley Callaghan, sous-commissaire délégué, Direction de la politique, de la planification et de la promotion, et M. Anthony Durocher, sous-commissaire, Direction générale de la promotion de la concurrence. Je vous souhaite à tous deux la bienvenue. Merci d’être des nôtres. Monsieur Callaghan, je vous cède la parole pour vos observations préliminaires.
Bradley Callaghan, sous-commissaire délégué, Direction de la politique, de la planification et de la promotion, Bureau de la concurrence Canada : Bonjour, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du comité. Je vous remercie de cette invitation à comparaître devant vous aujourd’hui. Je m’appelle Brad Callaghan. Je suis le sous-commissaire délégué de la Direction de la politique, de la planification et de la promotion au Bureau de la concurrence du Canada. Je suis accompagné par mon collègue Anthony Durocher, sous-commissaire de la Direction générale de la promotion de la concurrence.
[Français]
Le Bureau de la concurrence est un organisme indépendant d’application de la loi qui protège la concurrence et en fait la promotion au bénéfice des consommateurs et des entreprises du Canada. Nous faisons ce travail parce que la concurrence favorise la baisse des prix et l’innovation tout en alimentant la croissance économique.
Nous assurons et contrôlons l’application de la Loi sur la concurrence en menant des enquêtes et en prenant des mesures pour lutter contre les pratiques commerciales anticoncurrentielles qui nuisent aux consommateurs, à la concurrence et à notre économie. Il s’agit notamment de la fixation des prix, des pratiques commerciales trompeuses et des abus de puissance commerciale. Nous examinons également les fusions pour nous assurer qu’elles ne nuisent pas sensiblement à la concurrence. Enfin, nous faisons la promotion de politiques et de règlements gouvernementaux favorables à la concurrence.
[Traduction]
Le Bureau de la concurrence fait depuis longtemps la promotion active d’une concurrence forte dans le secteur financier. En 2017, le bureau a réalisé une étude de marché approfondie sur L’innovation axée sur les technologies dans le secteur canadien des services financiers, soit le secteur des technologies financières. Nous avons formulé 30 recommandations dans cette étude, en suggérant entre autres que les décideurs politiques permettent un accès ouvert et étendu aux systèmes financiers et aux données au moyen d’un consentement éclairé.
De plus, nous avons participé à plusieurs initiatives du gouvernement du Canada en ce qui concerne les services bancaires axés sur les consommateurs, notamment en présentant des mémoires dans le cadre des consultations gouvernementales sur les mérites des services bancaires ouverts, au Comité consultatif sur le système bancaire ouvert, et au sujet de la concurrence dans le secteur financier de manière plus générale. Dans chacun de ces cas, le bureau a encouragé le gouvernement à prendre des mesures pour mettre en œuvre un cadre de services bancaires axés sur les consommateurs étant donné les avantages qu’un tel cadre peut procurer en matière de concurrence : il peut stimuler la concurrence et l’innovation en incitant les fournisseurs établis à se surpasser et en permettant à de nouveaux fournisseurs de services de s’implanter.
Nous sommes heureux de voir le cadre de services bancaires ouverts proposé par le projet de loi C-69, qui profiterait tant aux consommateurs qu’aux entreprises, et nous attendons avec impatience sa mise en œuvre au Canada. La capacité des consommateurs à choisir leur fournisseur et à changer de fournisseur est au cœur du processus concurrentiel, et en donnant cette capacité aux consommateurs, on contribuera à stimuler la concurrence dans l’ensemble de ce secteur.
Avant de répondre à vos questions, je tiens à préciser que la loi oblige le bureau à mener ses enquêtes en privé et à protéger la confidentialité des renseignements qu’il obtient. Cette obligation pourrait nous empêcher de discuter de certaines de nos enquêtes actuelles ou antérieures.
J’aimerais remercier de nouveau le comité de nous avoir donné l’occasion de comparaître aujourd’hui. C’est avec grand plaisir que nous répondrons à vos questions.
La présidente : Merci beaucoup.
La sénatrice Marshall : Pour l’instant, le projet de loi ne parle que de l’élaboration d’un cadre. Quel serait votre rôle dans l’élaboration de ce cadre et quel serait votre rôle continu une fois que le système bancaire ouvert serait opérationnel?
M. Callaghan : Au Bureau de la concurrence, nous jouons en fait un rôle d’appui. Comme je l’ai indiqué, nous sommes une agence indépendante et le ministère des Finances est l’instance responsable qui guidera l’élaboration du cadre stratégique. L’Agence de la consommation en matière financière du Canada est bien sûr le nouvel organisme qui assurera la mise en œuvre et l’application de ce cadre.
Nous sommes là en réalité pour défendre et promouvoir les principes de la concurrence. Comme nous l’avons souligné dans nos observations, nous avons formulé des recommandations qui, nous l’espérons, contribueront à l’élaboration de ce cadre. Il est certain que nous sommes encouragés par le fait qu’un certain nombre des considérations que nous avons mises de l’avant par le passé sont prises en compte dans le cadre qui a été établi, mais nous sommes vraiment là pour apporter notre soutien. Le ministère des Finances s’est certes déjà tourné vers nous et nous demeurons accessibles pour essayer d’appuyer son travail s’il a besoin de la perspective d’un organisme chargé de l’application des règles.
La sénatrice Marshall : Vous ne participez pas activement à l’élaboration du cadre, n’est-ce pas? Vous demeurez en marge et on se tourne vers vous par la suite au besoin. Vous n’intervenez pas directement dans le processus. J’essaie juste de comprendre.
M. Callaghan : Je pense que c’est une bonne description de la situation. Je dirais que le ministère des Finances ne nous a pas tenus à l’écart de quelque manière que ce soit. En fait, comme nous avons l’expérience de notre propre étude de marché et des enquêtes menées dans ce secteur, il nous a demandé notre avis au fur et à mesure de l’avancement du processus. Il s’est montré très ouvert aux opinions formulées par le Bureau de la concurrence, mais nous ne sommes pas activement engagés dans le processus.
La sénatrice Marshall : À ce stade, vous n’avez pas d’inquiétude majeure? Il est encore tôt.
M. Callaghan : Je suis tout à fait d’accord. Il est encore tôt. Comme je l’ai dit, nous nous réjouissons de voir l’initiative aller de l’avant. C’est quelque chose que nous réclamons depuis longtemps, soit depuis que nous avons réalisé notre étude de marché, en 2017. Nous pensons qu’il s’agit d’une évolution très importante pour les consommateurs. Nous sommes heureux de voir que cette initiative va de l’avant.
La sénatrice Marshall : Merci beaucoup.
Le sénateur C. Deacon : C’est vraiment un plaisir de vous voir tous les deux ici. Merci, monsieur Durocher et monsieur Callaghan, d’être avec nous aujourd’hui.
Lorsque vous avez témoigné devant nous par le passé, nous avons beaucoup parlé de la nécessité d’adopter au Canada des politiques, des lois et des règlements favorables à la concurrence. Je suis un peu préoccupé par certains articles du projet de loi qui ne permettent pas nécessairement d’atteindre cet objectif, et c’est dans ce sens-là que devraient aller mes questions.
Il y a d’abord la disposition prévoyant la désignation de l’organisme de normalisation technique, l’instance qui sera en quelque sorte responsable du mécanisme au moyen duquel toutes les données seront transférées, à la demande des clients, des banques aux entités désignées. Cette norme technique, en tout cas l’une des plus importantes dans le contexte actuel, relève maintenant d’un conseil d’administration américain. Le PDG canadien fait rapport à ce conseil d’administration américain. La norme est dirigée et contrôlée par des banques américaines. Les banques canadiennes sont présentes à la table. Ce n’est pas du tout canadien, et c’est contrôlé par les banques.
L’article 8 proposé autorise le ministre à tenir compte de principes autres que ceux énumérés. Je pense qu’il s’agit de l’alinéa 8(2)c). Que conseilleriez-vous au ministre pour veiller à ce que nous désignions cet organisme qui va gérer l’échange des données de manière à ce que le processus soit bel et bien propice à la concurrence?
M. Callaghan : Comme nous l’avons indiqué dans nos exposés précédents, nous devons d’abord et avant tout nous assurer que l’instance responsable soit indépendante. Il y a peut-être d’autres points à considérer par ailleurs, mais ce que nous avons dit fondamentalement, c’est que nous voulons en fait nous assurer que tout organe décisionnel chargé de définir un cadre, d’accorder les accréditations, de déterminer ce qui est visé ou non, etc., n’a aucun intérêt dans les résultats de ce type de processus.
Le sénateur C. Deacon : Vous voulez vous assurer que les différentes composantes de l’organisme désigné n’ont pas d’intérêt dans les résultats?
M. Callaghan : Oui, tout à fait. Il restera peut-être encore à déterminer qui sont véritablement ceux qui composent les organes de gouvernance, mais c’est effectivement le point de vue que nous avons adopté dans nos recommandations antérieures au sujet du cadre.
Le sénateur C. Deacon : L’article 12.1 proposé parle du rôle consultatif de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC) et des comités consultatifs pouvant être constitués pour appuyer le ministre dans la mise en œuvre des services bancaires axés sur le consommateur, mais ne dit rien de la nécessité que la composition de ces instances consultatives soit équilibrée et inclusive et de garantir que les personnes en faisant partie ne sont aucunement touchées par les éventuels résultats. Ce qui me préoccupe, c’est qu’il s’agit de la première étape vers un régime où les données seraient accessibles à tous. Nous ne voulons pas nous arrêter à l’échange de données bancaires; nous désirons que ce projet soit un pas initial vers une ouverture plus générale. Quel conseil donneriez-vous au ministre en ce qui concerne la création de l’organe consultatif qui régira la mise en œuvre de ce cadre afin de s’assurer qu’il est effectivement favorable à la concurrence?
M. Callaghan : Je conviens avec vous, sénateur, que l’indépendance est certes essentielle. La composition de l’organe de consultation sera effectivement déterminante.
Comme vous l’avez souligné, nous espérons qu’il s’agisse de la première étape d’une vaste démarche en faveur de l’ouverture des données au sein de notre économie, car cela peut-être extrêmement favorable à la concurrence, même au-delà du secteur financier. Nous l’avons vu avec le changement de terminologie qui nous a fait passer des services bancaires ouverts aux services financiers ouverts. Nous savons que d’autres pays envisagent des initiatives encore plus importantes, car le contrôle des données est essentiel à la concurrence dans l’économie numérique, qui englobe en fait dorénavant l’ensemble de notre économie.
Il est certain que nous devons nous assurer de savoir qui contrôle les données et quel rôle peuvent jouer ceux qui en détiennent de grandes quantités. Les initiatives de la sorte visent en fin de compte à permettre l’ouverture de certaines vannes pour favoriser une circulation plus libre de ces données en raison des avantages qui peuvent en découler. Ainsi, les consommateurs peuvent plus facilement changer de fournisseur en s’assurant que leurs données ne sont pas détenues par un seul d’entre eux; et les entreprises profitent de l’ouverture d’une sphère de concurrence beaucoup plus large de telle sorte que de nouveaux concurrents puissent intégrer le marché et mettre au défi certains des acteurs établis.
Le sénateur C. Deacon : Merci beaucoup.
Le sénateur Loffreda : Vous voudrez bien m’excuser d’avoir raté votre déclaration liminaire, mais nous recevions juste à côté au Comité des finances notre vice-première ministre qui répondait à nos questions. Je vous remercie de votre présence.
Nous parlons souvent au Canada du manque de concurrence et de productivité. J’aurais d’abord une question d’ordre général. Nous sommes le dernier pays du G7 à passer aux services bancaires ouverts. Pensez-vous que les mesures adoptées sont favorables à la concurrence? Il s’agit uniquement d’un cadre, mais en voyez-vous la nécessité pour l’avenir? J’ai travaillé 35 ans dans le secteur bancaire, et j’ai toujours pensé que nous avions beaucoup de concurrence, en particulier avec les caisses d’épargne, les coopératives de crédit et les autres institutions qui n’avaient pas toujours pour objectif de réaliser des bénéfices. Même si de nombreux Canadiens pensent qu’il n’y a pas de concurrence dans le secteur bancaire, ce n’est pas vrai. Pensez-vous que les choses vont s’améliorer?
Par ailleurs, quelles mesures auriez-vous souhaité retrouver dans la loi d’exécution du budget afin d’améliorer la concurrence et la productivité? Nous parlons beaucoup de productivité au sein de ce comité. Qu’est-ce qui manque? Quels changements pourrions-nous envisager?
M. Callaghan : Merci beaucoup.
Pour répondre à votre première question, nous pensons que cette initiative des services financiers axés sur le consommateur peut contribuer à améliorer la concurrence. Nous avons constaté, non seulement dans l’étude de marché sur les entreprises de technologie financière que j’ai mentionnée, mais aussi dans nos examens des fusions, qu’il s’agit d’un secteur concentré et que les nouveaux entrants ont des obstacles de taille à franchir. Les grands acteurs du secteur comptent pour une très large part des marchés pertinents que nous examinons.
Les consommateurs ont tendance à se montrer fidèles. Il n’y a pas beaucoup de mouvement entre les fournisseurs. Dans ce type de contexte, les institutions bien établies ne sont pas incitées à se livrer une concurrence acharnée. Nous pensons qu’une initiative telle que celle des services bancaires ouverts peut réellement accélérer l’entrée de nouveaux acteurs sur ces marchés en abaissant certaines des barrières à leur accès, parce qu’il pourrait devenir beaucoup plus facile pour les consommateurs de changer de fournisseur.
La présidente : Vous nous dites essentiellement que si les consommateurs ont plus de choix, la concurrence s’en trouvera certainement renforcée, mais que cela n’entraînera pas nécessairement l’arrivée de nouveaux concurrents. Il y aura simplement une concurrence plus vive entre les entreprises déjà en place.
M. Callaghan : Non. En fait, madame la présidente, nous pensons que cela permettra également à de nouveaux acteurs d’entrer sur le marché. Cela nous ramène en grande partie au rôle fondamental que jouent les données au sein de l’économie numérique et à la nécessité d’y avoir accès. Nos travaux antérieurs nous ont permis de constater une chose. Pour les nouveaux acteurs, les firmes de technologie financière et les autres entreprises qui cherchent à pénétrer ce marché, la capacité d’accéder aux données existantes est extrêmement importante pour créer les effets de réseau et les économies d’échelle nécessaires afin de pouvoir soutenir la concurrence. Nous nous attendons à ce que de nouveaux acteurs apparaissent en ligne grâce à un changement de la sorte.
La présidente : C’est tout à fait logique. Merci beaucoup.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Merci d’être présent. Je vais poser ma question en français, mais soyez à l’aise de répondre dans la langue de votre choix.
Pour ceux qui nous écoutent, le sujet du système bancaire ouvert est assez technique, étant donné le retard du Canada par rapport à d’autres pays. Pourriez-vous nous donner un exemple concret de ce que le système bancaire ouvert peut créer comme possibilités, surtout pour des gens de mon âge, qui ne sont pas très avancés d’un point de vue technologique?
Dans le contexte où le système bancaire ouvert pose des risques en ce qui concerne les données personnelles, pouvez-vous nous dire pourquoi le gouvernement a choisi de créer un poste de commissaire principal plutôt que de donner toute cette responsabilité à la Banque du Canada? Voilà le sens de ma question. J’aimerais un exemple concret et j’aimerais aussi savoir pourquoi on procède ainsi pour le cadre de référence plutôt qu’aller avec la Banque du Canada.
M. Callaghan : Merci beaucoup pour la question. Je vais répondre en anglais, parce que la réponse est un peu technique.
[Traduction]
Je pourrais vous donner l’exemple concret du regroupement des services financiers. Si vous pensez à l’application que vous utilisez sur votre téléphone pour consulter votre compte de banque, les services bancaires ouverts pourraient vous permettre de greffer aux renseignements ainsi obtenus des informations provenant d’autres pans de votre vie financière, comme vos investissements ou un logiciel de budgétisation en vue d’incorporer d’autres éléments de vos dépenses afin que vous puissiez mieux les contrôler. Évidemment, cela ouvre de grandes possibilités au consommateur en lui permettant de comparer avec des applications ou des services offerts par d’autres entreprises, de sorte qu’il soit plus à même de changer de fournisseur.
Pour ce qui est de votre deuxième question qui concernait le choix de l’organisme, ce n’est pas un domaine que nous avons étudié de près. Il est évident que les préoccupations en matière de protection de la vie privée sont importantes et que nous avons tous intérêt à faire le nécessaire à ce chapitre dans le cas des informations financières. Je pense que c’est un point commun à tous les gouvernements qui se sont penchés sur la question et qui sont allés de l’avant avec des systèmes bancaires ouverts. C’est certes un enjeu qui peut être adéquatement pris en charge, et je suis persuadé que la ministre des Finances est sensible à ces préoccupations, mais nous ne participons pas directement au choix de la personne la mieux placée pour le faire.
Le sénateur Massicotte : Je remercie ces deux messieurs de leur présence.
Je comprends mieux vos stratégies maintenant. Je me demandais pourquoi vous parliez de services bancaires axés sur les consommateurs. Vous dites qu’il ne s’agit que d’atteindre le but ultime, qui est d’améliorer la productivité ou la concurrence, ce à quoi je n’ai pas d’objection.
Ce qui me surprend, en revanche, c’est que vous prenez ce pari. Vous avez dit plus tôt que de nombreuses régions en offraient maintenant. Pouvez-vous nous assurer que dans toutes les régions que vous avez examinées, la concurrence augmenterait automatiquement avec un meilleur soutien des consommateurs, de sorte que les résultats financiers s’amélioreraient et que les Canadiens y adhéreraient?
M. Callaghan : Certainement. Je pense que de manière générale, nous pouvons affirmer qu’une initiative comme celle-là accroîtra la concurrence. Nous savons que si les consommateurs peuvent davantage comparer les offres, transférer leurs données à un autre fournisseur et changer de fournisseur, la concurrence s’en trouvera renforcée. C’est un élément fondamental du processus concurrentiel. Si les clients se sentent enfermés chez leur fournisseur actuel et qu’ils n’ont pas l’impression de pouvoir changer de fournisseur facilement, leur fournisseur actuel sera moins enclin à proposer une offre compétitive. L’un des aspects intéressants est que même la menace de la concurrence — la menace de pouvoir changer de fournisseur — profite aux consommateurs. Même si vous n’optez pas pour un autre fournisseur, le processus concurrentiel dans son ensemble peut être avantageux pour les gens. Les conclusions que le bureau a tirées et les déclarations qu’il a faites dans le passé nous permettent de penser qu’il s’agit d’une mesure favorable à la concurrence.
Le sénateur Massicotte : Vous vous concentrez uniquement sur les services bancaires axés sur les consommateurs en tant que tels, et c’est une bonne chose si nous pouvons accroître la concurrence parce que c’est évidemment un secteur qui, selon tous les spécialistes, doit devenir plus concurrentiel. Mais qu’en est-il des 95 % de l’économie qu’il reste? Comment pouvons-nous rendre le tout plus concurrentiel avec une tarification flexible et la transparence?
Anthony Durocher, sous-commissaire, Direction générale de la promotion de la concurrence, Bureau de la concurrence Canada : Je suis heureux de répondre à cette question. Merci de l’avoir posée.
Notre travail porte sur l’ensemble de l’économie canadienne. La Loi sur la concurrence couvre tous les secteurs de l’économie et nous nous efforçons de protéger et de promouvoir la concurrence dans tous les secteurs.
Pour revenir à la question de la productivité, nous avons respectueusement fait valoir qu’une concurrence accrue est la clé pour résoudre les problèmes de productivité du Canada. Beaucoup d’entre nous ont lu le discours du premier sous-gouverneur de la Banque du Canada, qui a dit qu’il s’agissait d’une urgence. Nous sommes d’accord avec lui. Nous croyons que la clé réside dans une concurrence accrue. Il y a deux éléments distincts ici. Il y a tout d’abord les restrictions privées à la concurrence, c’est-à-dire les abus de position dominante sur le marché, les fusions anticoncurrentielles et les cartels. Dans notre travail qui consiste à assurer l’application de la Loi sur la concurrence, nous nous y attaquons. L’autre élément important est celui des restrictions publiques à la concurrence. Il s’agit des politiques, des règles et des lois gouvernementales qui créent des barrières à l’entrée sur les marchés et protègent des secteurs de l’économie contre une concurrence accrue. C’est un élément que nous défendons constamment et au sujet duquel nous essayons de formuler des recommandations. Or, il est également essentiel de tenir compte du lien entre l’augmentation de concurrence et l’augmentation de la productivité.
Le sénateur Massicotte : Je vous souhaite bonne chance. J’espère que cela fonctionnera. Il faut admettre que beaucoup de gens ont vécu la même chose au cours des 30 ou 40 dernières années, et nous sommes coincés avec ce que nous avons aujourd’hui.
M. Durocher : Oui.
Le sénateur Massicotte : Je vous invite à faire preuve de prudence et à aller de l’avant.
M. Durocher : Oui.
Le sénateur Massicotte : Merci.
La sénatrice Ringuette : Vous avez indiqué que vous aviez publié un rapport d’étude de marché sur la concurrence dans le secteur des services financiers en 2017. Qu’est-ce qui vous a incité à préparer ce rapport sur ce secteur en particulier?
M. Callaghan : Je vous remercie de la question.
Nous avons lancé le projet après avoir constaté certaines avancées en matière de technologie financière dans d’autres parties du monde et constaté qu’au Canada, ce type de services n’était pas utilisé comme il l’était dans d’autres pays. D’où les questions qui se posent. Pourquoi? Que se passe-t-il du côté des consommateurs? Quels types d’obstacles empêchent les entreprises, qu’il s’agisse d’entreprises de technologie financière ou d’autres entreprises, d’accéder à ces marchés, et les consommateurs, d’utiliser les services? Voilà ce qui a mené à l’étude.
La sénatrice Ringuette : Vous avez dit que vous aviez formulé 32 recommandations, je crois, dans ce rapport. Recommandez-vous entre autres que l’Agence de la consommation en matière financière du Canada soit l’entité chargée de superviser le système bancaire ouvert au Canada?
M. Callaghan : Nous n’avons pas proposé un organisme en tant que tel, mais nous avons recommandé qu’un organisme soit désigné pour s’occuper de certaines parties importantes du cadre — par exemple, l’accréditation, la portée des données visées, la responsabilité et d’autres choses encore. Nous avons recommandé qu’il y ait une entité responsable afin que tous les acteurs de l’écosystème financier aient un point de contact commun, mais nous n’avons pas recommandé un organisme en particulier.
La sénatrice Ringuette : Merci. Je comprends.
Je me pose des questions. Peut-être pourriez-vous m’éclairer. Je suis assez perplexe à l’idée que nous puissions dire qu’un commissaire adjoint principal au sein de cette agence... Je siège au comité des banques depuis 14 ans maintenant et j’ai jeté un coup d’œil de temps en temps sur cette agence. Disons que je ne suis pas impressionnée. Si l’on y ajoute un commissaire adjoint principal, je ne vois pas comment la personne chargée de cette responsabilité pourra, si tout va bien, dans les 18 mois à venir, proposer des règlements pour créer le cadre et assurer la supervision. C’est une énigme pour moi.
La présidente : Vous disposez d’une minute pour répondre à la question.
La sénatrice Ringuette : Pouvez-vous ajouter quelque chose pour m’éclairer quant à l’idée qu’une personne sera le dieu du système bancaire ouvert au sein de l’agence de la consommation, ce qui me laisse perplexe?
M. Callaghan : J’avoue que je ne connais pas en détail le plan d’établissement des opérations, si je puis m’exprimer ainsi, sous l’autorité du commissaire adjoint principal. Je sais qu’un budget a été mis en place pour la mise en œuvre et il se peut donc très bien qu’un cadre de dotation soit établi par le commissaire adjoint principal. C’est certainement un titre que nous connaissons bien au Bureau de la concurrence. Nous avons un commissaire adjoint principal qui s’occupe des fusions et des pratiques monopolistiques, ainsi que des cartels et des pratiques commerciales trompeuses. D’après notre propre expérience au sein de notre organisme d’application de la loi, il s’agit du poste de direction qui consiste à superviser une grande quantité de travail et un grand nombre de gens. Ils ont tous une expertise dans leur propre domaine, évidemment, mais nous ne sommes pas les spécialistes et nous n’avons pas participé activement à la conception de la structure.
La sénatrice Ringuette : Merci.
Le sénateur Varone : Contrairement à mon estimée collègue qui est ici depuis 14 ans, je suis ici depuis environ 14 minutes.
Je crois au concept d’un cadre sur les services bancaires axés sur les consommateurs et je crois fermement à la concurrence. La concurrence ne se limite pas à l’établissement du prix d’un produit financier. Elle englobe beaucoup plus de choses. Pour vous donner un exemple, je sais que de nombreuses entreprises, dont la mienne, déposent et empruntent des fonds en raison d’un lien, mais elles utilisent la plateforme d’une autre institution financière parce qu’elle est meilleure. Dans l’élaboration de ce cadre, y a-t-il un élément qui permet au consommateur d’évaluer les heures d’ouverture, l’élément humain au sein du système bancaire, qu’il s’agisse de la question de savoir s’il y a un contact à l’autre bout du fil ou si l’on répond aux appels de la ligne d’assistance? Comment tout cela s’intègre-t-il dans le cadre ouvert?
M. Callaghan : Notre conception de la concurrence est similaire à celle que vous avez décrite. Elle englobe beaucoup plus de choses et ne se limite pas au prix. Elle inclut l’innovation que ces entreprises apportent au marché, la qualité des services qu’elles offrent et la variété des services. Une initiative comme celle du système bancaire ouvert ou des services financiers axés sur les consommateurs sera une bonne chose pour tous ces éléments, car...
Le sénateur Varone : Seront-ils évalués?
M. Callaghan : Nous verrons comment les clients réagissent, mais la première étape consiste à encourager la venue de ces types de services. Sans l’intensité concurrentielle qui peut résulter d’une ouverture ou d’une circulation plus libre des données pour permettre à certaines de ces nouvelles entreprises d’entrer sur le marché et voir certaines des innovations arriver, nous ne sommes pas en mesure de voir comment les clients vont les évaluer. L’avenir nous le dira.
Le sénateur Varone : Je vais vous dire ce que je crains. Si ce n’est qu’une question de prix, on assistera à un nivellement par le bas. Alors, pour que les banques demeurent concurrentielles, on licenciera tous les directeurs de banque et il y aura de moins en moins de préposés pour répondre aux appels 24 heures sur 24. Je veux croire que cela va fonctionner, mais j’ai quelques craintes.
M. Durocher : L’un des avantages du système est qu’il favorise l’innovation. S’il y a plus d’acteurs sur le marché, des catégories de produits qui n’existent pas encore pourraient être proposées ou de nouvelles pourraient être créées.
En ce qui concerne l’évaluation, plus nous réduisons les frais de changement de fournisseur — donc, plus il est facile pour les clients de changer de fournisseur et d’importer leurs données —, plus cela permet aux clients de voter avec leur portefeuille. De cette manière, nous faisons jouer les forces du marché, et c’est le marché qui déterminera qui offre le plus de valeur aux consommateurs. Cela peut se refléter dans les prix, mais il peut aussi simplement s’agir d’offrir des produits qui n’existent pas encore ou qui existent déjà, mais pour lesquels il est difficile pour les clients de transférer leurs données. L’idée qu’il y ait un aspect non tarifaire est certainement au centre des préoccupations pour des systèmes comme celui-ci.
Le sénateur Varone : Merci.
[Français]
Le sénateur Gignac : Bienvenue aux témoins. Vous m’excuserez de mon retard; j’ai manqué vos propos d’ouverture, étant donné que, comme mon collègue, je me trouvais dans l’autre salle en train d’écouter les explications de la ministre Freeland.
J’ai appris qu’au début d’avril vous avez fait des recommandations à la suite des consultations du ministère des Finances pour ce qui est du secteur financier et de la compétition. Vous avez formulé des recommandations et l’une d’elles était très spécifique. Au moment où les gens renouvellent leur hypothèque, dans le cas des hypothèques non assurées, s’ils décident de magasiner et de changer d’institution financière, ils sont soumis au test du stress. Dans certains cas, avec la hausse des taux d’intérêt, ils ne peuvent plus emprunter pour l’achat de leur maison. Ils sont donc obligés de rester avec leur institution financière. Quelle a été la réaction à votre recommandation au ministère des Finances?
M. Durocher : Après la recommandation qui a été faite, dans les semaines suivant le dépôt de notre mémoire, on a appris que le Bureau du surintendant des institutions financières, l’agence qui est responsable de ce test du stress, a décidé de ne pas changer sa politique à cet égard. Nous essayons quand même de promouvoir des changements comme celui que nous avons proposé, parce que c’est très important pour les consommateurs. Surtout quand ils renouvellent leur hypothèque, on veut qu’ils puissent bénéficier de la concurrence. Notre mémoire contient des données qui prouvent qu’il est possible de trouver des taux d’intérêt plus bas quand vient le temps de renouveler une hypothèque, ce qui peut représenter une différence de centaines de dollars par mois pour les consommateurs. Nous allons poursuivre notre travail afin de promouvoir nos idées, dont celle-ci.
Le sénateur Gignac : Vous n’avez pas obtenu de réponse satisfaisante à savoir pourquoi ils ne l’ont pas retenue? Cela me semble plutôt évident. Comme mon collègue, j’ai travaillé dans le secteur financier et bancaire. Ce test du stress est une très bonne mesure macroprudentielle. Toutefois, avec la hausse des taux d’intérêt, cela limite la concurrence et la possibilité de magasiner.
Est-ce que vous pourriez partager avec le comité les chiffres auxquels vous faites référence et l’étude que vous avez produite? Nous allons entendre des représentants du Bureau du surintendant des institutions financières et nous aimerions leur demander pourquoi cette recommandation n’a pas été retenue.
M. Durocher : Avec plaisir. Nous allons vous donner les points clés de notre mémoire et les données pertinentes.
Le sénateur Gignac : Je change de sujet. Nous allons parler des épiceries, qui est un secteur où la compétition est moins grande que dans le secteur financier — et je suis d’accord avec mon collègue à ce sujet. On en parle dans le budget de 2024. Par exemple, certaines pratiques empêchent d’avoir une épicerie dans un centre commercial s’il y en a déjà une. Qu’en est-il des démarches qui ont été faites ou des intentions du gouvernement d’augmenter la compétition? De votre côté, y a-t-il du nouveau par rapport aux initiatives du ministre Champagne pour augmenter la compétition?
M. Durocher : En ce qui concerne les initiatives du ministre Champagne, nous sommes moins bien placés pour en parler. Pour promouvoir et protéger la concurrence dans le secteur des épiceries, nous avons fait une étude de marché dans ce secteur et recommandé plusieurs mesures que les gouvernements pourraient adopter pour augmenter la concurrence.
Un épicier étranger qui entrerait dans le marché canadien serait un progrès important. Nous croyons que le ministre Champagne tente de faire valoir cet argument auprès des épiceries étrangères.
Deuxièmement, une recommandation importante que nous avons faite au gouvernement était d’empêcher l’utilisation des contrôles de propriété, surtout parce que cela constitue une barrière à l’entrée et à l’expansion dans le secteur. Très récemment — et je peux en parler, parce que c’est du domaine public —, on a commencé à mener une enquête sur de grands épiciers concernant leur utilisation des contrôles de propriété, pour voir si cela allait à l’encontre de la Loi sur la concurrence. Cela fait partie de notre rôle pour ce qui est de la mise en application. Comme pour toute enquête, il faut rassembler les faits et les preuves pour bien analyser le tout. Ce qui est clair, c’est que le secteur est une priorité pour nous, parce que nous comprenons que c’est réellement une priorité pour les Canadiens en ce moment.
[Traduction]
Le sénateur C. Deacon : Encore une fois, je vous remercie de votre présence, messieurs Durocher et Callaghan.
J’aimerais revenir sur les modifications à l’article 12 de la Loi sur l’Agence de la consommation en matière financière du Canada, l’ACFC, et parler un peu du comité consultatif chargé d’aider le commissaire adjoint principal pour les questions relatives aux services bancaires axés sur les consommateurs. Dans votre première intervention, vous avez souligné que les personnes qui gèrent un système ou qui donnent des conseils sur le système ne devraient pas être touchées directement par les résultats, car on ne peut alors pas parler de conseils indépendants. Le ministère des Finances Canada a mené d’excellentes consultations sur cette question. Vous avez parlé de votre rapport de 2017, et il y a eu notre rapport de 2019. Je pense que le mot « urgent » figurait sur chaque page. Nous avons vraiment constaté qu’il fallait remplacer la capture de données d’écran par un système plus solide, et la question de l’indépendance est cruciale.
Ce qui me préoccupe le plus dans le fait que l’ACFC soit responsable de cette gouvernance, c’est que, par exemple, les organes consultatifs pourraient être les parties intéressées plutôt que des parties indépendantes. Nous pouvons voir cela comme un facteur limitatif si l’on crée un système bancaire ouvert, mais que l’on n’utilise pas cette expertise pour passer aux domaines de données suivants, comme vous l’avez dit plus tôt en répondant à une autre question, et que l’on n’utilise pas les données à l’avantage des Canadiens dans l’ensemble de l’économie. Il s’agit d’un premier pas important. Il nous permettra d’aller de l’avant, mais reproduisons-le dans tous les secteurs. Le cloisonnement au sein de l’ACFC pourrait constituer un risque. Surtout si les conseillers sont liés exclusivement au secteur bancaire, nous créons un système qui ne peut pas être reproduit dans l’ensemble de l’économie.
Quel conseil donneriez-vous au gouvernement, que nous pourrions décider de lui transmettre, sur la manière d’optimiser cet investissement ou de faire en sorte que l’on tire le meilleur parti de la décision qui est prise? Il est crucial à ce stade-ci d’établir un cadre. Quels conseils donneriez-vous pour que l’on puisse tirer le meilleur parti des possibilités?
M. Durocher : Si nous examinons le potentiel de la portabilité des données dans l’ensemble de l’économie à l’extérieur du secteur bancaire, je pense qu’il s’agit là d’un point très important. D’autres pays ont déjà pris des mesures en ce sens. L’Australie en est un excellent exemple avec le droit relatif aux données des consommateurs. De notre point de vue, le cadre proposé dans le projet de loi C-27 permettant l’établissement de règlements concernant un cadre de mobilité ou de portabilité des données, sera important pour jeter les bases pour le reste de l’économie. C’est quelque chose que nous attendons avec impatience. Si le projet de loi est adopté et qu’un cadre est mis en place, nous serions ravis de participer pour nous assurer que nous créons une base pour la mobilité des données dans l’ensemble de l’économie.
L’autre point concerne l’indépendance. Je pense que nous ne saurions trop insister sur ce point en ce qui concerne la gouvernance. Dans le cadre de notre travail, nous constatons que, souvent, un système peut avoir été établi avec les meilleures intentions, mais qu’il peut mourir à petit feu s’il existe de nombreuses façons de le miner. La gouvernance est une question clé. Nous voulons nous assurer que l’entité ou les personnes qui contrôlent les connexions ont à cœur l’intérêt public plutôt que d’avoir un intérêt privé. Encore une fois, c’est quelque chose que nous avons observé à maintes reprises dans notre travail dans différents secteurs de l’économie — la mesure dans laquelle une intégration verticale peut créer des incitatifs qui privent d’autres de l’accès. Parfois, ce n’est qu’à la marge, mais cela s’accumule. C’est pourquoi l’indépendance de la gouvernance est un aspect essentiel. C’est une chose que nous continuerons à conseiller en ce qui concerne non seulement le système bancaire ouvert, mais aussi les cadres généraux sur les données ouvertes.
Le sénateur C. Deacon : Voyez-vous des différences majeures dans les mesures de contrôle qui doivent être mises en place sur le plan de la confidentialité, de la sécurité et de la gestion de la responsabilité dans le transfert et la portabilité des données financières par rapport aux données de santé et à toutes les autres données personnelles que nous possédons dans notre vie?
M. Callaghan : Certainement. Ce sont tous des intérêts importants à protéger. Évidemment, la protection des renseignements personnels sur la santé est essentielle, car ce sont des données extrêmement sensibles. Les données financières le sont également. Nous avons tous intérêt à ce que le système soit adopté en raison de son potentiel. Nous voulons nous assurer qu’il y a suffisamment de garanties en place pour que les consommateurs sachent qu’ils gardent le contrôle de leurs données et qu’elles sont transmises à un autre fournisseur qui protégera ces intérêts. En même temps, nous voulons nous assurer que le système fonctionne.
Notre expérience au Bureau de la concurrence nous a montré notamment que certains de ces intérêts concurrents peuvent être utilisés comme prétexte, essentiellement, pour garder les barrières fermées en ce qui concerne les données. Cela a été le cas dans l’affaire du Toronto Real Estate Board, où l’on empêchait l’accès à un modèle novateur dans le domaine des services immobiliers sous le prétexte de la protection de la vie privée. Cette justification n’a pas été confirmée lorsque nous avons porté l’affaire devant le tribunal. Il s’agit simplement d’une chose qu’il faut garder à l’esprit lorsque c’est invoqué pour justifier le ralentissement ou l’arrêt des choses.
Le sénateur C. Deacon : Merci beaucoup.
Le sénateur Loffreda : Vous avez parlé des données et de la transmission des données. L’avenir appartient à ceux qui possèdent les données. C’est tellement important. De nombreux Canadiens sont ravis de voir que l’on introduit maintenant la communication de données dans le secteur bancaire.
Le Canada est le dernier pays du G7 à adopter un système bancaire ouvert. Vous avez dit avoir effectué des recherches sur divers secteurs et divers sujets. Étant donné que le Canada est le dernier pays du G7 à adopter un système bancaire ouvert, certains entrepreneurs, comme le sénateur Varone, craignent que l’on assiste à un nivellement par le bas. Ce n’est pas seulement une question de marges, car les banques trouveront toujours un moyen de faire de l’argent. Je me souviens que lorsque j’ai commencé dans le secteur bancaire, nous ne facturions pas de frais. Ce n’est pas ma faute si les frais sont devenus ce qu’ils sont devenus, et cela me vieillit un peu, mais je ne suis pas préoccupé par les marges. Je suis curieux de savoir quelles ont été les répercussions sur l’industrie ou les entreprises dans d’autres pays qui ont adopté le concept de système bancaire ouvert. Y a-t-il des pratiques exemplaires que nous pourrions suivre pour améliorer notre modèle, car il ne s’agit que d’un cadre que nous sommes en train de mettre en place pour la suite?
M. Callaghan : Dans d’autres pays qui ont une longueur d’avance, par exemple le Royaume-Uni, nous observons une forte adhésion au système. Mes données datent un peu, mais je pense qu’au début de l’année 2023, il y avait environ six millions d’utilisateurs actifs du système bancaire ouvert dans ce pays, et la tendance est certainement à la hausse.
De nouveaux services sont offerts sur le marché. Cela nous ramène à la question de la concurrence entre les entreprises à l’ère numérique. Il s’agit davantage d’une concurrence fondée sur l’innovation et les nouveaux services qu’une concurrence axée sur l’amélioration des processus pour le produit en vue d’en faire baisser le prix. Le prix est certainement toujours important et la concurrence peut faire baisser les prix, mais dans l’économie numérique, je pense qu’il est encourageant de voir de nouveaux modèles d’affaires. Toutefois, l’accès aux données est encore plus important.
Nous avons vu quelques exemples comme des agrégateurs de comptes, de nouvelles façons d’interagir entre d’autres applications financières et la possibilité de fournir des prêts dans certaines situations. De plus, il est maintenant plus facile pour les consommateurs de changer de fournisseur de services tout en sachant qu’ils ne seront pas redevables à leur fournisseur précédent et qu’ils seront en mesure de prendre leurs données avec eux.
Le sénateur Loffreda : Je vous remercie beaucoup.
Le sénateur Varone : J’ai une question de nature technique. La solvabilité des consommateurs est généralement régie par des rapports de solvabilité et, au Canada, TransUnion et Equifax détiennent pratiquement un monopole sur la production de ces rapports pour les banques. Dans un système bancaire ouvert où le consommateur a la possibilité de demander le meilleur taux pour une hypothèque ou pour une carte de crédit, chaque entreprise à laquelle il s’adresse vérifie sa solvabilité auprès d’une agence d’évaluation du crédit. Cela se traduit par un élément préjudiciable dans son rapport de solvabilité, ce qui réduit sa cote de solvabilité. Je peux voir que cela entraînera, dans le cadre d’un système bancaire ouvert, un nivellement vers le bas des cotes de solvabilité des consommateurs, à moins d’intégrer TransUnion et Equifax dans le processus pour éviter de punir les consommateurs parce qu’ils utilisent le système bancaire ouvert pour rechercher les meilleurs prix, puisque les rapports préjudiciables ne sont jamais retirés.
M. Callaghan : Je ne suis pas un expert sur les aspects techniques du fonctionnement de ce système. Mais je dirais que nous avons vu des exemples encourageants qui montrent que les consommateurs peuvent établir leur cote de solvabilité par l’entremise d’initiatives de services bancaires ouverts, c’est-à-dire en utilisant d’autres applications pour offrir de nouvelles sources de financement — par exemple, un système qui pourrait suivre les loyers. Ainsi, les personnes qui n’ont pas de carte de crédit peuvent accumuler un potentiel de crédit par l’entremise d’offres financières, et le système bancaire ouvert leur offre de nouvelles possibilités de se constituer ce type de cote de solvabilité.
Le sénateur Varone : Cela n’arrivera certainement pas si chaque entité demande un rapport de solvabilité sur ce consommateur, car dans ce cas, la cote de solvabilité du consommateur sera touchée à de nombreuses reprises. Si vous ne réglez pas ce problème, vous ferez face à un plus gros problème plus tard. Il faut donc intégrer les agences d’évaluation du crédit, comme TransUnion et Equifax, à ce cadre et tenter de faire en sorte qu’elles ne punissent pas les consommateurs qui utilisent le système bancaire ouvert. C’est tout simplement la réalité à laquelle nous faisons face maintenant.
La présidente : Je vous remercie. Nous en prenons bonne note, j’en suis sûre.
La sénatrice Ringuette : Selon vous, quel rôle le commissaire à la protection de la vie privée devrait-il jouer dans tout cela?
M. Callaghan : Le mandat du commissaire à la protection de la vie privée est évidemment distinct de celui du Bureau de la concurrence. Je tiens à être prudent quant à notre expertise en la matière. Encore une fois, nous ne concevons pas le cadre.
De toute évidence, la protection de la vie privée est l’un des intérêts auxquels nous devons porter attention lorsqu’une initiative de ce type est mise en œuvre, car les consommateurs veulent savoir ce qui se passe avec leurs données. D’après ce que je comprends, le commissaire à la protection de la vie privée est évidemment responsable des renseignements détenus par le gouvernement fédéral en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, mais aussi des renseignements confidentiels en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques. Comme l’a mentionné mon collègue, M. Durocher, le Parlement est actuellement saisi de questions relatives à une initiative plus vaste en matière de portabilité des données dans le cadre du projet de loi C-27, c’est-à-dire un droit général à la portabilité des données qui, à mon avis, pourrait s’appliquer à plus grande échelle dans d’autres secteurs de l’économie. Je ne sais pas s’il a quelque chose à ajouter sur ce cadre relatif au système bancaire ouvert, mais je n’ai rien à proposer en ce qui concerne le rôle précis du commissaire.
Le sénateur C. Deacon : Je tiens simplement à souligner à quel point nous avons pris du retard malgré les travaux préliminaires du bureau, les travaux préliminaires du Sénat et les nombreuses consultations transparentes, inclusives et impressionnantes qui ont été menées par le ministère des Finances. En Australie, la Commission australienne de la concurrence et de la consommation a mené une grande partie de ces travaux. Sénateur Loffreda, il y a maintenant 49 pays qui ont un cadre bancaire ouvert, mais le Canada n’en fait pas partie. La Commission australienne de la concurrence et de la consommation a joué un rôle de premier plan dans ces travaux et le Parlement écoute ses conseils. Quelles différences observez-vous et quels conseils formuleriez-vous pour que la voix de notre Bureau de la concurrence soit entendue un peu plus tôt dans certains de ces débats?
M. Callaghan : Nous avons tenté de promouvoir le rôle de la concurrence, non seulement dans les secteurs financiers, mais aussi dans l’ensemble de l’économie. Ce n’est pas la première fois qu’on dit que le Canada a un problème de concurrence. Nous avons récemment mené des travaux à ce sujet, c’est-à-dire que nous avons mené une étude sur les 20 dernières années de concurrence et sur l’intensité de la concurrence au Canada, mais les commentaires remontent au rapport Foncer pour gagner qui a été produit par M. Wilson en 2008, et dans lequel il a été ostensiblement reconnu que le Canada n’accordait pas assez d’importance à la concurrence dans ses affaires économiques. Comme l’a dit M. Durocher, je pense que le tournant pour le Canada est aujourd’hui la modernisation importante d’une partie du droit de la concurrence et de la politique, à savoir la Loi sur la concurrence, ce qui est extrêmement encourageant. Il reste cependant beaucoup de travail à faire.
Les restrictions publiques à la concurrence représentent évidemment un facteur important. Ce n’est pas moi qui le dis, mais de nombreuses personnes ont l’impression que nous renonçons à beaucoup d’argent à cause de certaines de ces restrictions au commerce, par exemple les barrières interprovinciales. Il faudra toutefois adopter une approche pangouvernementale pour s’attaquer à ce problème. C’est la solution que nous appuierons.
La présidente : Dans le contexte de nos activités multitâches, le comité a reçu aujourd’hui une lettre qui a été transmise au ministre Champagne et, bien entendu, à Chrystia Freeland, la ministre des Finances. Cette lettre concerne le projet de loi C-59, et nous ne savons pas s’il sera renvoyé à notre comité, à l’autre comité ou aux deux. Des préoccupations liées aux amendements à la Loi sur la concurrence qui ont été présentés dans le projet de loi ont été soulevées — ainsi que des inquiétudes de ce groupe, soit Alliance Nouvelles voies, dont les représentants ont témoigné devant notre comité au sujet d’autres questions — selon lesquelles cela crée un effet paralysant qui empêche les entreprises de faire des déclarations sur leurs performances environnementales et sur leurs plans. Le groupe dispose de renseignements juridiques sur le sujet. Si nous vous transmettons ces renseignements, serait-il possible d’obtenir une réponse écrite de votre part? Nous sommes dans la période très occupée du mois de juin où nous n’avons pas le temps de nous occuper de quoi que ce soit, et c’est la raison pour laquelle je suis en quelque sorte en mode multitâches. Si c’est possible, nous vous enverrons les renseignements nécessaires et nous serions très heureux d’obtenir vos commentaires sur l’impact de ces amendements.
M. Durocher : Nous serions heureux de le faire.
La présidente : C’est formidable. Je vous remercie beaucoup.
Le sénateur Massicotte : [Difficultés techniques] nous sommes fatigués d’entendre parler encore et toujours de services bancaires ouverts. Mais veuillez faire quelque chose qui peut bien paraître pendant un certain temps.
La présidente : Nous avons mené de nombreuses études sur le sujet. Donc, oui, si nous pouvions le rendre heureux, ce serait formidable.
Je tiens à remercier M. Bradley Callaghan, sous-commissaire délégué, Direction de la politique, de la planification et de la promotion et M. Anthony Durocher, sous-commissaire, Direction générale de la promotion de la concurrence du Bureau de la concurrence Canada de s’être joints à nous aujourd’hui et d’avoir répondu à un vaste éventail de questions.
Je tiens à remercier les membres de notre deuxième groupe de témoins, car ils ont attendu patiemment. Nous vous sommes très reconnaissants. Nous accueillons aujourd’hui des représentants de l’Association des banquiers canadiens, soit Andrew Ross, vice-président principal, Paiements et Numérique et Alana Barnes, directrice, Politique numérique. Vous avez déjà comparu devant le comité et nous vous remercions de revenir aujourd’hui. Nous entendrons d’abord votre déclaration préliminaire, monsieur Ross.
Andrew Ross, vice-président principal, Paiements et Numérique, Association des banquiers canadiens : Je vous remercie, sénateurs. Bonjour, madame la présidente. Je suis très heureux de comparaître devant votre comité pour discuter des dispositions relatives au cadre sur les services bancaires axés sur les consommateurs qui ont été proposées dans la section 16 de la loi d’exécution du budget.
L’Association des banquiers canadiens est l’organisme porte-parole de plus de 60 banques qui mènent leurs activités au Canada, qui emploient plus de 280 000 Canadiens et qui contribuent à la croissance économique et la prospérité du pays.
À titre de contributeurs principaux au secteur des services financiers compétitifs et innovants du Canada, l’association et ses membres restent favorables à une approche axée sur les consommateurs pour exploiter les technologies innovantes qui offrent des avantages tangibles aux Canadiens. En donnant aux Canadiens la possibilité d’accéder à leurs données financières et de les utiliser en toute sécurité, on aidera les consommateurs à adopter en toute confiance les services bancaires axés sur les consommateurs.
Le cadre s’appuie sur trois objectifs stratégiques principaux, soit la sécurité et la solidité, la protection du bien-être financier des Canadiens et la promotion de la croissance économique et de la compétitivité internationale. Nous soutenons tous ces objectifs et nous avons formulé quelques recommandations à l’intention du gouvernement, afin de contribuer à la réussite de la mise en œuvre du cadre. Il est encourageant d’observer une harmonisation générale entre certaines des recommandations de l’Association des banquiers canadiens et le cadre présenté dans la loi d’exécution du budget.
Les dispositions du projet de loi qui établissent une structure de gouvernance qui supervise la conformité et le cadre permettront d’exercer la gouvernance efficace nécessaire pour partager des données financières en toute sécurité.
Un autre élément clé du projet de loi est l’approche progressive du gouvernement. Nous sommes reconnaissants de la précision que cette approche apporte au sujet de la portée initiale du cadre en confirmant les produits et services qui seront visés, l’exclusion des données dérivées et l’exigence d’une fonction en lecture seule.
Nous pensons également que, sur le fondement des principes énoncés dans le projet de loi, il est nécessaire de désigner rapidement FDX comme l’organisme de normalisation technique. Des travaux sont en cours depuis longtemps au Canada et aux États-Unis avec un groupe diversifié d’organisations de l’écosystème des données financières sur la norme FDX, et une désignation rapide permettrait de préciser les exigences nécessaires pour accélérer la mise en œuvre et ainsi accroître la participation et l’interopérabilité.
À mesure qu’on précise les détails du cadre, il est impératif que le ministère des Finances assure l’harmonisation de la réglementation en s’appuyant sur les cadres réglementaires existants, le cas échéant. Cela encouragera les consommateurs à faire confiance au cadre, ce qui mènera à des taux d’adoption plus élevés, car les consommateurs profiteront d’une expérience uniforme. Cela permettra également de soutenir un cadre économiquement durable qui favorisera la participation, l’innovation et la compétitivité au profit de tous les Canadiens.
Enfin, nous reconnaissons qu’il reste beaucoup de travail à faire pour aborder les éléments restants du cadre dans la loi no 2 d’exécution du budget. À titre de fervents partisans des services bancaires axés sur les consommateurs, nous avons hâte de collaborer avec le gouvernement en vue de faire progresser l’élaboration d’un cadre efficace et conforme à ses objectifs stratégiques.
Nous tenons à remercier à nouveau le comité de nous avoir donné l’occasion de comparaître aujourd’hui et nous avons hâte de répondre à vos questions.
La présidente : Je vous remercie beaucoup. Nous passons maintenant aux questions. Nous entendrons d’abord notre vice-président, le sénateur Loffreda.
Le sénateur Loffreda : Je tiens à remercier les témoins de leur présence.
Le partage de données est essentiel. Comme je l’ai dit, la personne qui possède les données possède l’avenir. Avez-vous des inquiétudes quant au fait que les données seront maintenant partagées entre de nombreuses parties, c’est-à-dire de nombreux petits intervenants en plus des banques et des institutions financières que nous connaissons tous? Avez-vous des préoccupations liées à la cybersécurité, par exemple?
Vous avez mentionné qu’il reste beaucoup de travail à faire dans le cadre. Quels sont les principaux enjeux qui, selon vous, devraient être abordés le plus rapidement possible?
Alana Barnes, directrice, Politique numérique, Association des banquiers canadiens : Je vous remercie de votre excellente question.
Oui, la sécurité du cadre est un élément très important. C’est la raison pour laquelle il est important d’avoir un cadre de surveillance pour s’assurer que tous les participants sont soumis à des règles communes, par exemple en matière de sécurité, pour veiller à ce que les Canadiens soient bien protégés. Cela permet de s’éloigner des pratiques risquées comme la capture de données d’écran et d’intégrer les participants qui souhaitent partager leurs données et participer au système dans un cadre soumis à des règles communes.
En ce qui concerne les autres enjeux qui doivent être abordés, il y a l’établissement des règles communes elles-mêmes, les normes d’accréditation et la manière dont chaque entité peut répondre à ces attentes.
Le sénateur Loffreda : Les parties intéressées ont-elles été suffisamment consultées sur les enjeux qui devront être abordés?
Mme Barnes : Oui, le gouvernement a organisé plusieurs consultations approfondies. Nos membres ont participé à ces consultations et nous avons hâte de poursuivre cet engagement.
Le sénateur Loffreda : Je vous remercie.
La présidente : J’aimerais maintenant poser une question de nature plus générale, car nous recevons de nombreux projets de loi sous cette forme, c’est-à-dire des projets de loi-cadre. Il n’y a pas beaucoup de substance. Êtes-vous satisfaits de ce que vous avez vu? Essayez-vous de suggérer des ajouts nécessaires? Comment ce processus fonctionne-t-il?
Mme Barnes : Il est nécessaire d’aborder d’autres éléments dans le projet de loi, par exemple la confidentialité, la sécurité, la responsabilité et le cadre d’accréditation. Ils seront donc abordés à l’étape suivante.
La présidente : D’accord. Nous y reviendrons.
Le sénateur C. Deacon : Je remercie les témoins d’être ici aujourd’hui.
J’aimerais poser une question au sujet de FDX. L’une des choses qui me troublent lorsque je participe à des consultations ou à des événements organisés par l’Association des banquiers canadiens, c’est que lorsque je pose des questions sur les services bancaires ouverts, on me répond toujours qu’on est tout à fait d’accord, mais qu’on veut s’assurer que les consommateurs et les renseignements confidentiels sont protégés et que la responsabilité est endossée. Ce sont des choses que tout le monde souhaite. Ce ne sont pas des choses optionnelles. C’est le genre de réponse que nous obtenons lors de ces consultations. On me répond aussi que « si ça marche comme un canard, si ça ressemble à un canard et que ça fait coin-coin comme un canard, c’est un effectivement un canard », ce qui implique que les services bancaires ouverts entraînent un risque prudentiel, mais il s’agit de partage de données. Il n’y a pas de risque prudentiel à gérer.
L’Association des banquiers canadiens n’a donc pas nécessairement fait la promotion de ce cadre, mais j’aimerais savoir si les choses ont changé, selon vous. Êtes-vous pour sa mise en œuvre? Allez-vous encourager pleinement sa mise en œuvre?
Mme Barnes : Oui, nous sommes tout à fait pour la mise en œuvre du cadre bancaire ouvert.
Le sénateur C. Deacon : Génial.
Examinons donc FDX, qui est sous l’égide des États-Unis, avec un conseil d’administration américain. Le Canada est représenté au sein de ce conseil. Le gouvernement actuel a promis d’offrir une solution bancaire ouverte canadienne. Comme nous l’a dit avec insistance le Bureau de la concurrence, si le cœur du système ne dispose pas d’une base de gouvernance indépendante — ce qui est crucial pour veiller à progresser — et n’est pas alors le pilier permettant d’aller de l’avant avec les données ouvertes, ne sommes-nous pas en train de nous préparer à continuer légèrement le statu quo à nouveau?
Mme Barnes : Nous croyons qu’il y a un moment opportun pour établir une norme afin de pouvoir instaurer un cadre. L’organisation FDX compte divers participants, qu’il s’agisse de banques, d’institutions financières ou d’entreprises de technologie financière au Canada. Si nous soutenons une norme ou un cadre déjà soutenu par divers participants, cela nous aidera à bâtir ce que nous avons à bâtir et à progresser plus rapidement vers la mise en œuvre.
Le sénateur C. Deacon : Cette organisation n’a pas l’indépendance ou la gouvernance essentielle à notre succès aux dires du Bureau de la concurrence, cela dit. Devrions-nous donc recommander, si nous adoptons l’approche de cette organisation, qu’elle mette en place une division canadienne gouvernée de façon indépendante au Canada par des personnes n’étant aucunement dépendantes du processus, afin d’avoir une solution réellement canadienne?
M. Ross : Comme l’a dit Mme Barnes, FDX compte présentement plus de 230 entités en Amérique du Nord qui sont loin de se limiter au secteur financier ou bancaire. Pour ce qui est de la productivité et de la concurrence, l’avantage d’utiliser une norme qui existe déjà est qu’on aurait 230 participants prêts à s’investir. On pourrait évoluer selon cette norme que l’on pourrait alors intégrer dans le cadre canadien. Les entreprises de technologie financière canadiennes se conformeraient à une seule norme et s’ouvriraient peut-être au marché américain. Il y a donc un élément de productivité et de concurrence ici.
J’ajouterais que la Loi énonce certaines des exigences du gouvernement, si je puis dire, qui, selon nous, devront être satisfaites avant que FDX ou quiconque ne soit accrédité.
Le sénateur C. Deacon : L’interopérabilité n’est pas nécessairement utile lorsque les régimes réglementaires et les systèmes de protection de la vie privée diffèrent entre les États-Unis et le Canada.
Je souhaite obtenir une réponse précise de votre part à propos de la gouvernance de FDX et de ce système. Êtes-vous d’accord ou non avec les principes-cadres que le Bureau de la concurrence a proposés lors de la première heure sur l’importance d’une gouvernance indépendante?
M. Ross : Nous sommes en faveur des exigences énoncées dans la Loi qui créeraient une solution canadienne, ce qui permettrait de régler les problèmes que vous — je crois — avez soulevés.
Le sénateur C. Deacon : Il n’est pas spécifiquement question d’indépendance de gouvernance dans la Loi.
M. Ross : FDX comprend une multitude d’entités, et pas seulement dans le secteur bancaire. L’organisation gérerait les éléments de données, ou à tout le moins les exigences, mais elle ne s’approprierait pas le cadre. Elle ne déciderait pas de l’étendue des services bancaires ouverts.
Le sénateur C. Deacon : Il s’agit d’une norme API, cela dit, qui régit la gouvernance du système. Merci beaucoup.
M. Ross : Comme l’a dit le gouvernement, je m’attends à ce que la gouvernance se fasse par l’entremise de l’ACFC.
La présidente : D’accord, merci.
[Français]
Le sénateur Gignac : Bienvenue aux témoins. J’aimerais savoir si vous avez été un peu surpris, en ce qui concerne la section 16, que le gouvernement et le ministre des Finances choisissent de confier la responsabilité du mandat du nouveau cadre des services financiers à l’Agence de la consommation en matière financière du Canada. Avez-vous été consultés à ce sujet? Les banques étant de compétence fédérale, il est normal que vous ayez fait l’objet d’étroites consultations. Avez-vous été consultés sur cet élément? À ce qu’on dit, plusieurs ont été surpris que l’on confie la responsabilité à l’Agence de la consommation en matière financière du Canada.
[Traduction]
Mme Barnes : Merci de la question.
C’est le gouvernement qui a choisi l’ACFC. Nous estimons que notre secteur a été consulté sur la nature de la supervision de cette entité de gouvernance. Nous n’avons pas été consultés sur cette entité à proprement dit, cela dit.
[Français]
Le sénateur Gignac : Êtes-vous surpris de ce choix? On aurait pu choisir le BSIF ou une autre entité en matière de gouvernance. Êtes-vous surpris de ce choix?
[Traduction]
Mme Barnes : Le choix de l’entité de gouvernance revenait au gouvernement, même si nous notons qu’elle reçoit du financement supplémentaire pour répondre aux exigences. À l’heure actuelle, aucune entité de gouvernance ne dispose de toutes les disciplines ou de la capacité de superviser un cadre bancaire axé sur le consommateur. Il y a un volet « vie privée », un volet « responsabilité » et un volet « sécurité ». Avec le financement alloué à l’ACFC, l’entité devra acquérir l’expertise nécessaire pour superviser le cadre.
[Français]
Le sénateur Gignac : Le gouvernement va de l’avant avec le système bancaire ouvert et il est plus que temps. Une des raisons pour lesquelles le Canada est un peu en retard, c’est aussi le fait que le système financier canadien est différent et que certains acteurs relèvent des provinces. On peut penser aux coopératives de crédit, à Desjardins et à d’autres gros joueurs. De toute évidence, il doit y avoir de la collaboration et une harmonisation dans la mesure où cette agence n’est pas Interac. Interac regroupe des acteurs de l’industrie qui ont l’habitude de travailler ensemble. Or, il s’agit ici du gouvernement fédéral. Voyez-vous des problèmes avec l’harmonisation et l’intégration des acteurs de compétence provinciale?
[Traduction]
Mme Barnes : Nous estimons qu’il est important de disposer d’un cadre de supervision de la gouvernance robuste. Pour ce qui est du cadre en soi, il est important d’offrir une expérience client constante. Une fragmentation ou un changement à cet égard pourrait avoir un effet négatif sur le cadre. Il faut offrir une expérience client constante pour les services bancaires ouverts. Il serait également important d’examiner les entités qui souhaitent s’impliquer. Une variation de la supervision pourrait représenter un défi pour ces entités, notamment si elles doivent faire face à une certaine fragmentation. Nous sommes en faveur d’une supervision robuste des entités de gouvernance permettant d’offrir une expérience constante aux consommateurs et aux participants.
La sénatrice Marshall : Nous avons reçu plusieurs organisations pour discuter de cet enjeu, et il est très difficile de se faire une idée de leur rôle respectif. Quel est le rôle de l’Association des banquiers canadiens? Vous avez dit que vous aviez formulé des recommandations. Quelles sont-elles? À qui s’adressent-elles? Êtes-vous activement impliqués dans le processus ou êtes-vous simplement des observateurs qui font des suggestions? Pouvez-vous nous offrir des précisions à ce sujet?
Mme Barnes : L’ABC représente les banques canadiennes qui en sont membres. De plus, nous défendons et soutenons un système financier efficace et robuste. Au cours des consultations, l’ABC a transmis ses commentaires sur le cadre des services bancaires ouverts au gouvernement en représentant ses membres.
La sénatrice Marshall : Il s’agissait de consultations sur les services bancaires ouverts.
Mme Barnes : Oui.
La sénatrice Marshall : Portaient-elles seulement sur le cadre?
Mme Barnes : Oui, pour ce qui est des services bancaires axés sur le consommateur. Nous avons envoyé un mémoire au ministère des Finances lorsqu’il a proposé des mesures de services bancaires ouverts pour la première fois, et nous avons également publié une déclaration énonçant les principes idéaux pour disposer d’un cadre robuste et favorable sur notre site Web.
La sénatrice Marshall : Je crois que vous avez fait référence au cadre réglementaire existant dans vos remarques. De quoi parliez-vous?
Mme Barnes : C’est l’idée de tirer parti des cadres existants pour garantir une adoption forte et une clarté pour tous les participants. Les participants devront se conformer à diverses mesures législatives, notamment en matière de vie privée et de protection des consommateurs.
La sénatrice Marshall : La législation fait-elle mention d’un organisme de normalisation? En quoi consiste un tel organisme? S’agit-il d’une chose qui n’a pas encore été décidée? Pouvez-vous nous dire ce qu’il en est?
Mme Barnes : Nous sommes en faveur de la sélection de la norme FDX. La loi définit les principes que devra défendre l’organisme de normalisation technique pour être choisi. Le rôle de la norme technique est d’établir la méthode de communication entre les diverses entités. L’idée consiste à s’éloigner des pratiques de grattage d’écran pour passer à des canaux plus sûrs.
La sénatrice Marshall : Pensez-vous que l’Association des banquiers canadiens participera davantage à l’élaboration du cadre ou pensez-vous que votre participation est terminée à ce stade et que vous allez attendre la phase suivante pour formuler d’autres commentaires?
Mme Barnes : Non, nous prévoyons communiquer avec le ministère des Finances pendant le processus de consultation et lors des discussions sur les éléments restants du cadre.
La sénatrice Marshall : Vous êtes donc presque des partenaires?
Mme Barnes : Oui.
La sénatrice Marshall : D’accord.
La sénatrice Ringuette : Vous avez dit que vous aviez 60 banques membres. Combien d’entre elles ont créé des entreprises de technologie financière?
M. Ross : Combien d’entre elles ont créé des entreprises?
La sénatrice Ringuette : Oui, au cours des cinq dernières années.
M. Ross : Je crois qu’il n’a pas toujours été facile pour les banques d’investir dans des entreprises de technologie financière jusqu’à présent. Je n’ai pas de chiffre précis à vous donner. Je sais que de nombreux partenariats ont vu le jour au fil des ans entre des entreprises de technologie financière et nos banques. En fin de compte, le secteur couvre l’ensemble du pays, et nous croyons en un marché concurrentiel qui exige que les banques, dans certains cas, s’associent à des entreprises de technologie financière pour offrir certains services à certains clients.
La sénatrice Ringuette : D’accord.
Madame Barnes, vous avez dit que tout le monde devrait être soumis aux mêmes règles communes. Votre association est soumise à la réglementation du BSIF qui supervise l’état de vos actifs pour veiller à ce que les actifs de vos clients canadiens soient bien protégés. Est-ce l’un des éléments que vous demanderez d’inclure dans le cadre de cette nouvelle initiative de services bancaires ouverts?
Mme Barnes : Lorsque je parle de règles communes, je fais référence aux règles communes que les participants doivent suivre en vertu du cadre établi. Nous ne suggérons pas d’imposer la même supervision aux banques, puisqu’elles offrent une variété de produits et de services. Cela dit, nous aimerions que tous les participants respectent des règles communes en vertu du cadre afin que les consommateurs bénéficient d’une expérience constante.
La sénatrice Ringuette : Vous ne répondez pas à ma question. Votre association relève du BSIF.
Mme Barnes : Oui.
La sénatrice Ringuette : Avec ces nouvelles entités financières qui n’exigeront qu’un échange de données des consommateurs, nous aurons besoin d’un mécanisme de protection pour les consommateurs canadiens. Votre association est soumise à la réglementation et à la supervision du BSIF. Pensez-vous que ces nouvelles entités financières devraient être soumises à la même obligation de protection des consommateurs canadiens?
M. Ross : Nous ne proposons pas que le BSIF supervise tous ceux qui relèveraient de ce cadre, mais le cadre devra tenir compte de certains éléments du travail actuel du BSIF pour garantir la sécurité des données transmises. En fin de compte, il s’agit de renseignements personnels et financiers, qui doivent être traités selon les normes les plus strictes.
La sénatrice Ringuette : Ce n’est toujours pas la réponse que je cherchais à obtenir. Ma question était peut-être mal formulée.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Vous pourrez répondre à ma question dans la langue de votre choix. Merci d’être ici.
Ma question a trait aux instructions du ministre et aux liens entre ce dernier et l’ajout à l’entité, à l’Agence de la consommation en matière financière du Canada. Êtes-vous satisfait des pouvoirs supplémentaires attribués au ministre? Les trouvez-vous suffisants ou trop importants?
[Traduction]
Mme Barnes : Oui, nous sommes satisfaits des pouvoirs supplémentaires accordés au ministre dans le cadre de la Loi sur les services bancaires axés sur les consommateurs.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Quand on parle de l’entité qui va superviser les institutions liées au système bancaire ouvert, est-ce que vous trouvez que cela ressemble à ce qui se fait à l’étranger, ou est-ce que c’est particulier au Canada? Avez-vous compris la question?
[Traduction]
Mme Barnes : Oui.
D’autres pays disposent d’un organe de supervision de la gouvernance. Il varie d’un pays à l’autre. Au Canada, il n’existe pas d’organisme de réglementation disposant de toutes les disciplines nécessaires pour superviser les services bancaires axés sur les consommateurs. Le choix de l’ACFC était une décision discrétionnaire du ministre, et nous nous attendons à ce que l’Agence reçoive du financement afin qu’elle puisse acquérir l’expertise nécessaire pour superviser le cadre.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Est-ce que notre système sera complètement différent de celui des États-Unis, par exemple, ou se présente-t-il un peu de la même manière?
[Traduction]
Mme Barnes : Non, je crois qu’il y a des similitudes entre les approches canadienne et américaine. Les États-Unis prévoient confier la supervision du cadre au Consumer Financial Protection Bureau. Nous aurions un organisme semblable pour ce faire au Canada.
Le sénateur Massicotte : Votre groupe est composé de grandes banques, et nous parlons maintenant de 20 ou 30 petites entreprises de technologie financière. Devrions-nous nous inquiéter de la survie de ces entreprises alors que les grandes banques frappent à la porte? Vous venez nous voir tout souriants, mais il s’agit d’une sorte de menace pour les petites banques. Comment pouvons-nous veiller à ce que les petites entreprises de technologie financière se comportent bien et réussissent sans être dominées par les gros joueurs?
Mme Barnes : C’est une excellente question. Une fois que nous saurons ce qu’implique le cadre, tous les participants pourront s’y retrouver. La concurrence est assurément essentielle. Nous sommes tout à fait pour l’idée d’avoir un cadre concurrentiel et des solutions innovantes. Si nous définissons clairement ce que les entités concernées peuvent faire en vertu du cadre, ces dernières pourront déterminer si elles souhaitent participer au processus.
Le sénateur Massicotte : Qu’en est-il des entreprises qui se comportent mal? Autrement dit, seront-elles punies? L’Agence du revenu du Canada va-t-elle les soumettre à un examen? Comment pouvons-nous instaurer le bon système?
Mme Barnes : Le cadre de supervision énoncé dans la loi pour l’organisme d’accréditation, l’ACFC, permet de retirer l’accréditation d’une entité qui n’adhère pas aux règles communes établies dans le cadre.
Le sénateur Varone : J’avais une question très semblable à celle de la sénatrice Ringuette, mais permettez-moi de la poser différemment.
Les services bancaires ouverts impliquent plus d’acteurs, plus de produits et plus de concurrence dans le secteur bancaire. Le BSIF supervise les exigences en matière de capital des banques canadiennes. Qui supervisera les exigences en matière de capital des autres concurrents qui intégreront le secteur bancaire ouvert pour veiller à ce que les consommateurs soient bien traités? Permettez-moi de vous donner un exemple. Lorsque la crise financière a frappé les États-Unis en 2009, les entreprises qui devaient faire des affaires à la fois au Canada et aux États-Unis avec certaines banques canadiennes ont eu de la difficulté à obtenir des prêts aux États-Unis. Elles sont donc venues au Canada en utilisant la même banque, mais pour obtenir des prêts pour des produits américains. Personne ne peut garantir la conjoncture mondiale future, et c’est pourquoi il y a toujours ce phénomène de souque à la corde. C’est le BSIF et ses exigences en matière de capital qui garantissent réellement aux Canadiens que les banques resteront viables, peu importe la crise. Qui va s’en charger? Je pense que c’est là où la sénatrice Ringuette voulait en venir.
Mme Barnes : Je vous remercie de cette question. Je serai heureuse d’y répondre.
Une partie du processus d’accréditation consistera à veiller si elles ont — je n’utilise peut-être pas le terme exact — la capacité financière de participer au processus. Ont-elles la bonne gouvernance et la capacité financière de faire partie du cadre? Cela répondrait à votre question sur la bonne gouvernance et la capacité à participer au processus.
M. Ross : Je pense que vous voulez en venir à la composante « lecture seule », qui est la première phase. C’est ce que le projet de loi aborde, du moins pour commencer, parce qu’il n’est pas question de transactions financières ou de paiements. Les préoccupations en matière de capital ne sont donc pas les mêmes. Ce n’est pas comme si un consommateur transmettait des fonds à une autre partie et qu’il n’avait pas la capacité pour le faire. Nous devrons nous pencher sur cette question lors des phases ultérieures. Je sais que le gouvernement s’en préoccupe du point de vue des prestataires de services de paiement dans le cadre de la Loi sur les activités associées aux paiements de détail. Il veut garantir la protection constante des fonds des consommateurs.
La présidente : D’accord. Pour que ce soit clair : vous ne rédigez pas la législation.
M. Ross : Non.
La présidente : Cette tâche revient au gouvernement. Avez-vous une recommandation à formuler en réponse aux questions du sénateur sur la façon de traiter cet enjeu? Je sais que la mise en œuvre sera progressive, mais cet enjeu est inévitable. Estimez-vous que les participants devraient relever du BSIF après le stade de la « lecture seule »? Avez-vous d’autres recommandations?
M. Ross : Non, pas encore.
La présidente : Très bien. Je crois que c’est bon.
Le sénateur Loffreda : Je voulais simplement mentionner que le 19 juin 2019, le Comité sénatorial des banques a publié un rapport éclairé et approfondi sur le système bancaire ouvert, qui a été très bien accueilli, et le sénateur Deacon a joué un rôle de premier plan à cet égard, tout comme les autres sénateurs qui étaient présents. Je peux faire un tour de table.
Cela dit, êtes-vous convaincu que les petits participants adhéreront aux pratiques courantes? Vous en avez parlé. Je dis cela parce que n’importe quelle entreprise peut choisir de faire partie du cadre bancaire axé sur le consommateur. Toutes les exigences en matière d’accréditation seront décrites dans la deuxième phase du projet de loi à l’automne. Cela comprend un processus d’accréditation officiel, comme vous le savez. Ma question est la suivante : en principe, le cadre fait fi des modèles d’affaires, de la taille et des activités des entreprises, et requiert uniquement qu’elles répondent aux exigences en matière d’accréditation. Ne craignez-vous pas que d’autres modèles d’affaires puissent adhérer au cadre bancaire axé sur les consommateurs, ce qui modifiera l’industrie? Notre industrie, dans sa forme actuelle, est l’une des plus fortes au monde. L’Association des banquiers canadiens craint-elle que cela change la composition ou l’ADN de l’industrie? Connaissez-vous d’autres modèles d’affaires... Je pourrais lancer des noms, mais nous connaissons tous les modèles d’affaires qui pourraient adopter un système bancaire ouvert et partager ces données. Quelle incidence cela aura-t-il sur l’industrie?
Mme Barnes : Je vais répondre à la première partie. Les entités qui prennent part au cadre doivent adhérer aux critères communs, et si elles n’y adhèrent pas, l’ACFC a la capacité de révoquer l’accréditation.
Si vous posez la question sur la participation d’autres entités de façon plus générale, l’un des aspects que nous soulignons est l’échange réciproque de données. Si vous participez au cadre en tant que tel, avec la permission du consommateur, il peut également communiquer des données. Lorsque les entités prendront part à ce cadre, elles seront assujetties à un échange réciproque de données afin de réduire le risque d’asymétrie des données dans un sens, ce qui est important.
Le sénateur Loffreda : Vous ne craignez donc pas que cela change ou affaiblisse l’industrie? Cela va plutôt améliorer l’industrie, la protection des consommateurs et l’accès aux consommateurs?
Mme Barnes : Nous sommes tout à fait en faveur d’un système bancaire axé sur les consommateurs. Nous voulons des innovations, de la concurrence et des règles communes pour tous les participants.
Le sénateur Loffreda : Pour tous les participants. Merci.
Le sénateur C. Deacon : Madame Barnes, monsieur Ross, je vais essayer à nouveau. Croyez-vous qu’une bonne gouvernance indépendante est essentielle à la mise en œuvre de systèmes étendus dans l’ensemble du pays?
Mme Barnes : Oui.
Le sénateur C. Deacon : Oui. En ce qui concerne les principes selon lesquels le ministre choisit un organisme de normalisation technique — non pas une norme technique, mais un organisme de normalisation technique —, vous êtes déjà très en faveur d’une norme, mais celle-ci est liée à un organisme, FDX, et le ministre est responsable du choix de l’organisme. Est-ce de la bonne gouvernance lorsqu’on veut un système canadien, mais que le noyau du système, l’API par lequel transitent toutes les données, est régi par des représentants des banques américaines et dominé par un système américain? Pensez-vous que ce soit la voie à suivre?
M. Ross : L’approche canadienne vise notamment le soutien de l’industrie menée par le gouvernement, et nous croyons qu’une partie de ce soutien pourrait inclure FDX. Le travail a déjà été fait. Nous croyons que la loi intègre des éléments de gouvernance importants voulant que FDX ou tout autre organisme doivent respecter les exigences du gouvernement afin d’assurer son impartialité.
Le sénateur C. Deacon : De façon précise, l’une des exigences pour le choix de l’organisme est la bonne gouvernance. Ces mots se trouvent dans les modifications apportées à la Loi sur l’ACFC.
M. Ross : C’est exact.
Le sénateur C. Deacon : Croyez-vous que le recours à un organisme de normalisation ayant un conseil d’administration américain, dominé par des banques américaines, représente l’approche appropriée pour le Canada? Sans égard à la norme technique à choisir, est-ce que cela permet de répondre aux exigences de la ministre dans sa loi?
M. Ross : La loi permet à l’ACFC de vérifier que la gouvernance répond à la norme. Il faudra peut-être apporter des changements au modèle de gouvernance de FDX. Je n’ai pas de réponse à vous donner, monsieur.
Le sénateur C. Deacon : On s’en rapproche. Merci.
M. Ross : Nous n’avons pas de contrôle sur la norme FDX ou sur l’ACFC, mais nous appuyons les éléments de la loi.
Le sénateur C. Deacon : Toutes les données financières canadiennes qui voyagent vers les États-Unis par l’entremise d’un système américain sont assujetties à la Patriot Act. À mon avis, il s’agit d’une question cruciale, et je suis heureux d’entendre que vous êtes ouvert à l’idée qu’elle soit mise sur la table si la ministre demande de modifier la structure de gouvernance pour l’application de FDX au Canada. Merci.
Le sénateur Gignac : En fait, le 15 avril, après le dépôt du budget, vous avez publié neuf principes — que je partage entièrement, soit dit en passant — concernant les services bancaires axés sur les consommateurs, et l’un d’eux portait sur l’harmonisation de la réglementation. Je comprends cela, car il est important de favoriser la coordination intergouvernementale, entre autres choses. La protection des consommateurs n’est pas seulement de compétence fédérale; elle relève aussi de la compétence provinciale et des organismes de réglementation provinciaux. Je vais donc répéter ma question et aller un peu plus loin.
Craint-on que tout cela soit concentré à l’Agence de la consommation en matière financière? Que pensez-vous d’une autre approche de gouvernance indépendante, avec un conseil d’administration composé de représentants du BSIF, de la Banque du Canada et d’organismes, y compris certains organismes provinciaux? Le Canada est très différent des autres pays. Il est plus décentralisé, et les pratiques du marché ne relèvent pas uniquement de la compétence fédérale, mais aussi à la compétence provinciale. Avez-vous des préoccupations au sujet du modèle de gouvernance proposé par la ministre?
Mme Barnes : Non. Nous appuyons un modèle de gouvernance associé à une surveillance. Nous voulons que l’expérience des consommateurs soit uniforme. Je crois que l’approche de la surveillance de la gouvernance est la voie à suivre.
Le sénateur Gignac : On a choisi l’Agence de la consommation en matière financière du Canada, qui n’a aucun lien, aucune relation et aucune interaction avec les provinces. Elle ne...
La présidente : Je crois que c’est là où nous voulons en venir.
Le sénateur Gignac : Ce n’est pas la même chose qu’avec les organismes de réglementation canadiens.
La présidente : Les coopératives de crédit, les autres organismes qui sont réglementés autrement.
Le sénateur Gignac : Le BSFI interagit avec nos organismes de réglementation provinciaux. Les Autorités en valeurs mobilières du Canada travaillent ensemble. La Banque du Canada travaille avec les coopératives de crédit, Desjardins, la banque et Interac, ce qui est différent. Mon point, c’est que l’Agence n’a aucune interaction importante avec les provinces. Est-ce que cela vous préoccupe?
M. Ross : Nous reconnaissons que les pratiques du marché et la compétence à cet égard... Et nous avons dit que l’ACFC devra renforcer ses capacités. Si l’un de ces objectifs est de veiller à ce qu’elle travaille en plus étroite collaboration avec les provinces pour assurer une expérience uniforme aux consommateurs, cela permettra de veiller à ce que les services bancaires axés sur les consommateurs soient une réussite au Canada. S’il y a un manque d’uniformité, il y aura des défis liés à l’adoption et à la confiance, ce qui érodera le cadre.
Le sénateur Gignac : Est-ce qu’un budget de 1 milliard de dollars est suffisant pour renforcer l’expertise et les compétences de cette agence?
M. Ross : Honnêtement, je crois qu’il faudrait poser la question au gouvernement.
Le sénateur Gignac : Je plaisante.
M. Ross : D’accord.
Le sénateur Gignac : C’est un bel essai, mais...
La présidente : Merci beaucoup à nos deux témoins d’être avec nous et de nous aider à comprendre votre point de vue. Nous savons que vous n’êtes pas responsables de la rédaction de l’ensemble du cadre. Nous remercions donc les représentants de l’Association des banquiers canadiens — le vice-président principal des paiements et du numérique, Andrew Ross, et la directrice de la politique numérique, Alana Barnes — de leur présence avec nous aujourd’hui.
Je vais demander aux membres du comité de rester en place pendant cinq minutes. Nous allons passer brièvement à huis clos, mais je tiens à vous remercier et à mettre officiellement fin à notre séance. Nous vous sommes reconnaissants de votre participation. Merci.
(La séance se poursuit à huis clos.)