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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES BANQUES, DU COMMERCE ET DE L’ÉCONOMIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 30 mai 2024

Le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie se réunit aujourd’hui, à 11 h 29 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la teneur des éléments des sections 11, 13, 16, 17, 18, 19, 20, 33, 41 et 42 de la partie 4, et de la sous-section A de la section 34 de la partie 4 du projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024, et, à huis clos, pour étudier un projet de rapport.

La sénatrice Pamela Wallin (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie. Je m’appelle Pamela Wallin, et je suis présidente de ce comité.

Avant de commencer, je rappelle à tout le monde de n’utiliser que les écouteurs noirs approuvés. Les anciens de couleur grise ne doivent plus servir. Essayez, si possible, de garder vos écouteurs loin des microphones. Nous essayons de protéger les interprètes contre les effets Larsen.

Permettez-moi de vous présenter les membres du comité présents, soit notre vice-président, le sénateur Loffreda, la sénatrice Bellemare, le sénateur Deacon, le sénateur Gignac, la sénatrice Marshall, la sénatrice Martin, la sénatrice Petten, la sénatrice Ringuette, le sénateur Varone et le sénateur Yussuff. Bienvenue à tous.

Je tiens à rappeler aux sénateurs et à nos témoins que nous n’avons que 45 minutes pour entendre tout le monde, si bien que le temps nous sera compté. J’invite les uns à poser et les autres à répondre aux questions le plus rapidement possible.

Nous poursuivons notre examen de la teneur des éléments des sections 11, 13, 16, 17, 18, 19, 20, 33, 41 et 42 de la partie 4 et de la sous-section A de la section 34 de la partie 4 du projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024.

Plus exactement, nous allons examiner la section 16 de la partie 4 au cours de notre réunion d’aujourd’hui. Cette division édicte la loi sur les services bancaires axés sur les consommateurs, qui établit un cadre permettant aux particuliers et aux petites entreprises de partager leurs données en toute sécurité avec les entités participantes de leur choix. Il apporte également des modifications connexes à la Loi sur l’Agence de la consommation en matière financière du Canada afin d’établir le poste de sous-commissaire principal des services bancaires axés sur les consommateurs, qui est responsable de ces questions bancaires et de prévoir, entre autres, la surveillance des entités participantes.

Pour notre premier groupe de témoins, nous sommes très heureux d’accueillir, de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada — l’ACFC —, dont nous avons beaucoup entendu parler ces derniers jours —, Werner Liedtke, commissaire intérimaire; Frank Lofranco, commissaire adjoint, Surveillance et mise en application; Annie Bédard, responsable de la direction des politiques, Bureau de la commissaire adjointe. En outre, de Paiements Canada, nous accueillons Donna Kinoshita, cheffe des paiements, et Lisa Sattler, directrice, Politiques et relations gouvernementales.

Bienvenue à toutes et à tous. Merci de vous joindre à nous. Nous allons commencer par M. Liedtke.

[Français]

Werner Liedtke, commissaire intérimaire, Agence de la consommation en matière financière du Canada : Bonjour. Je suis Werner Liedtke, commissaire intérimaire, Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC). C’est un organisme gouvernemental indépendant qui protège les droits et intérêts des consommateurs de produits et services financiers.

L’ACFC a été ravie de constater que des mesures visant à renforcer la protection des consommateurs et à favoriser le bien‑être financier des Canadiens occupent une place prépondérante dans le budget de 2024.

Ces priorités se reflètent dans la section 16 de la partie 4, qui fait mention du mandat élargi de l’ACFC, et notamment de son nouveau rôle dans la supervision, la gestion et l’application du Cadre canadien des services bancaires pour les gens, qui sera le thème central de mon allocution d’aujourd’hui.

[Traduction]

En tant qu’organisme chef de file et innovateur au chapitre de la protection des consommateurs de produits et services financiers, l’ACFC est bien placée pour assumer cette nouvelle responsabilité. Les Canadiens sont déjà bien protégés dans leurs interactions avec les banques. Celles et ceux qui choisissent de participer aux services bancaires axés sur les consommateurs, également connus sous le nom de services bancaires ouverts, vont bénéficier de mesures de protection solides et cohérentes, ancrées dès le départ dans la conception du cadre.

Les services bancaires axés sur les gens peuvent aider les clients à mieux gérer leurs finances et à améliorer leur situation financière, et le cadre leur permettra d’avoir accès à ces services novateurs en toute sécurité. L’ACFC travaille en étroite collaboration avec le ministère des Finances pour faire progresser le cadre en fonction de trois objectifs : la sécurité et la solidité; la protection du bien-être financier de la population canadienne; et la promotion de la croissance économique et de la compétitivité internationale. Le ministère des Finances est responsable de l’élaboration des politiques, des lois et des règlements.

Le budget de 2024 propose de fournir 1 million de dollars en 2024-2025 à l’ACFC pour l’aider à se préparer à exercer ses nouvelles responsabilités et à commencer à élaborer une campagne de sensibilisation des consommateurs. Au cours des prochains mois, nous collaborerons avec le ministère des Finances afin de nouer le dialogue avec le secteur financier et d’autres intervenants tandis que nous nous apprêtons à mettre le cadre en œuvre.

Je vais m’arrêter là pour vous laisser le temps de poser vos questions. Je vous remercie de votre attention.

La présidente : Merci beaucoup.

Donna Kinoshita, cheffe des paiements, Paiements Canada : Merci de votre invitation. Je m’appelle Donna Kinoshita et je suis cheffe des paiements à Paiements Canada. Je suis venue en compagnie de ma collègue, Lisa Sattler, pour vous parler de la section 16 de la partie 4 du projet de loi C-69.

Paiements Canada, aussi appelé l’Association canadienne des paiements, est un organisme d’intérêt public qui possède et exploite les systèmes nationaux de compensation et de règlement des paiements du Canada. Nous sommes un organisme sans but lucratif entièrement financé par ses membres. La Loi canadienne sur les paiements énonce notre mandat, notre gouvernance et notre obligation de rendre compte au ministre des Finances et à nos membres. Comme vous le savez peut-être, d’importants changements à la Loi canadienne sur les paiements, visant à accroître le nombre de membres, sont envisagés dans le cadre du projet de loi C-59.

La Banque du Canada supervise nos systèmes, y compris notre système de paiement très sophistiqué qui permet aux institutions financières et à leurs clients d’acheminer des paiements conséquents en toute sécurité. C’est dans notre système de paiement de masse par lots que la grande majorité du commerce canadien quotidien est compensé et réglé, et le futur système de paiement en temps réel permettra aux Canadiens d’effectuer des paiements et de recevoir des fonds irrévocables en quelques secondes. En 2023, les systèmes de Paiements Canada ont traité quelque 112 billions de dollars.

Le secteur financier du monde entier traverse une période de changements à la fois importants et novateurs. Bien que les modifications envisagées puissent s’avérer très avantageuses pour les Canadiens et les entreprises canadiennes, il est important de maintenir la sécurité et la solidité du système financier. Pour ce faire, il est essentiel de veiller à ce que la réglementation suive le rythme de l’innovation d’une manière souple, équitable et fondée sur le risque.

Le cadre législatif proposé pour les services bancaires axés sur les consommateurs représente un socle non négligeable en matière d’innovation sécuritaire. La capacité de partager des données de façon sécuritaire et sélective peut stimuler l’innovation et soutenir la compétitivité du Canada à l’échelle mondiale. Nous reconnaissons que les modifications législatives proposées sont la première étape d’un régime potentiellement plus ambitieux pour des services bancaires axés sur les consommateurs, régime qui pourrait un jour inclure une portée plus vaste, comme la transmission d’ordres de paiement.

Le travail que fait actuellement le gouvernement pour établir les éléments fondamentaux d’un cadre bancaire axé sur les consommateurs au Canada, ainsi que les changements proposés à l’heure actuelle pour les membres de Paiements Canada et la mise en œuvre des paiements en temps réel au Canada, aidera à paver la voie à d’autres solutions novatrices et à favoriser l’ouverture de la concurrence de façon sécuritaire et résiliente.

En conclusion, nous avons hâte de savoir comment le cadre va continuer d’évoluer, d’autant que nous entendons appuyer le gouvernement, nos membres et les parties prenantes de toutes les façons possibles. Merci. Je serai heureux de répondre à vos questions.

La présidente : Merci beaucoup à tous les deux d’avoir respecté le temps alloué. Nous allons commencer nos questions avec le vice-président, le sénateur Loffreda.

Le sénateur Loffreda : Merci à nos témoins pour leur présence.

J’ai lu que la décision de confier à l’Agence de la consommation en matière financière du Canada la responsabilité de superviser le cadre a été prise à la suite d’un examen approfondi de ce qui se fait dans d’autres pays, et que celle-ci est conforme aux pratiques exemplaires internationales et à différents facteurs, dont la complexité, le coût et le temps de mise en place. Savez-vous si d’autres pays ont mis en place des organismes semblables? Pourquoi l’ACFC est-elle la mieux placée pour superviser les services bancaires axés sur les consommateurs, ou les services bancaires ouverts, comme nous les appelons?

M. Liedtke : Je vous remercie de votre question, sénateur.

En ce qui concerne la première partie de votre question, je ne connais pas les raisons pour lesquelles l’ACFC a été choisie après une analyse à l’international, mais je me réjouis de pouvoir répondre à la deuxième partie de votre question concernant les raisons pour lesquelles nous avons été choisis pour superviser la mise en place du cadre.

Ce rôle s’inscrit tout à fait dans notre mandat de chef de file et d’innovateur en matière de protection des consommateurs de produits et de services financiers. Comme vous le savez, notre mandat comporte deux volets. Le premier découle de l’article qui traite de la surveillance et de l’application de la loi pour contribuer à éclairer et à façonner la création de la nouvelle entité dirigée par le sous-commissaire principal. La deuxième partie de notre mandat consiste à mener des activités de recherche, de formulation de politiques et de sensibilisation. Je veux mettre l’accent sur ce dernier point, car la sensibilisation des consommateurs sera essentielle pour un système bancaire ouvert.

Quand nous avons sondé l’opinion publique en juin 2023, nous avons constaté que seulement 9 % des Canadiens connaissaient l’expression « système bancaire ouvert ». Deuxièmement, et c’est intéressant, les répondants au sondage étaient généralement d’avis que les protections offertes par une application de technologie financière étaient en tous points comparables à celles établies dans une loi sur les services bancaires aux consommateurs. Seulement 18 % des personnes interrogées savaient que les protections étaient différentes. Enfin, plus de 80 % des répondants ont dit qu’ils n’utiliseraient pas d’application ou de service financier si on ne leur garantissait pas certaines protections.

Grâce à notre connaissance de la supervision, à notre savoir et à notre expérience en matière de bien-être des consommateurs, nous estimons être bien placés pour jouer un rôle de chef de file dans le domaine des services bancaires axés sur les consommateurs.

Le sénateur Loffreda : Merci.

La sénatrice Marshall : Monsieur Liedtke, au Comité des banques nous avons beaucoup discuté du poste de sous‑commissaire principal. Vous avez dû réfléchir à la façon dont cela va évoluer. Je suppose que vous partez du principe que le projet de loi sera approuvé. Pouvez-vous nous donner une idée de là où vous en êtes dans le processus? Vous attendez-vous à ce que quelqu’un occupe ce poste bientôt? De plus, je ne m’attends pas à ce qu’il y ait un seul poste à doter. Il s’agira sûrement d’une organisation distincte de l’agence. Dites-m’en plus à ce sujet.

De plus, vous avez déjà comparu devant le Comité des finances. Avez-vous réfléchi au budget qu’il vous faudra pour faire tourner cette partie de l’agence? Pourriez-vous nous donner une idée de ce que l’avenir vous réserve?

M. Liedtke : Je vous remercie de vos questions, sénatrice.

Une partie du million de dollars que nous allons recevoir servira à chercher un commissaire principal adjoint. Nous espérons que le processus de recrutement nous permettra de trouver un commissaire principal. Quant aux délais de réalisation, il y a un petit problème. Nous espérons que le nouveau commissaire principal sera en poste pour choisir lui‑même le commissaire adjoint. Nous ne voulons pas retarder le processus, alors nous allons commencer la recherche et, idéalement, le nouveau commissaire pourra choisir le commissaire adjoint.

En ce qui concerne la deuxième partie de votre question, une partie du financement prévu nous aidera à mettre la structure sur pied. Vous avez raison de dire que nous allons créer une organisation distincte chargée de superviser les services bancaires axés sur les consommateurs. Nous sommes un organisme qui ne compte actuellement que 259 ETP et qui assumerait un mandat important. Comme M. Lofranco et sa division ne peuvent pas assumer cette obligation supplémentaire en matière de pratiques commerciales, nous devons créer une direction distincte. Nous allons étudier à quoi ressemblera cette structure et nous allons faire une proposition au gouvernement quant au financement requis.

La sénatrice Marshall : Avez-vous un échéancier en tête? Vous attendez-vous à ce que l’organisation soit en place dans six mois ou d’ici l’an prochain? Avez-vous pensé beaucoup plus loin?

M. Liedtke : Nous allons concevoir la structure et classer le poste. Cela prendra un certain temps. On nous a demandé de présenter une demande de financement pour la nouvelle structure d’ici l’automne.

La sénatrice Marshall : Nous vous reverrons donc à la faveur du Budget supplémentaire des dépenses. Merci.

Le sénateur C. Deacon : Je m’inquiète que cette responsabilité soit confiée à l’ACFC parce que je ne sais pas si elle a de l’expérience dans ce domaine. Notre comité a suggéré que l’ACFC participe à la surveillance du processus de grattage d’écran, quand nous avons rédigé notre rapport sur un rôle transitoire, il y a cinq ans. Cependant, l’inaction de l’ACFC face aux fraudes à la consommation par comptes bancaires interposés, où des gens se font voler de l’argent sans que leur banque ou eux-mêmes aient fait quelque chose de mal, me préoccupe.

Quelque sept millions de Canadiens utilisent déjà un système bancaire ouvert. La plupart d’entre eux ne le savent même pas. Ils ne connaîtront jamais le terme. C’est la même chose que d’essayer de comprendre le fonctionnement d’un moteur. Les conducteurs veulent avoir des voitures qui fonctionnent. Sept millions de Canadiens utilisent déjà le grattage d’écran. Nous voulons tous la sécurité et la stabilité, mais ce n’est pas ce que nous avons actuellement dans le système.

Ce qui me préoccupe, c’est votre capacité à agir avec célérité. La modernisation des paiements nous cause des difficultés depuis 2016. Nous devons agir assez rapidement pour faire face au risque réel dont nous sommes saisis aujourd’hui. Comment allez-vous travailler pour renforcer la capacité à l’extérieur de l’ACFC, par exemple, en ce qui concerne l’accréditation des acteurs du marché? Comment allez-vous mobiliser les ressources et l’expertise à l’extérieur de l’agence pendant que vous faites bouger les choses?

M. Liedtke : Merci de la question, sénateur. Ce ne sera certainement pas facile.

Il est clair que nous aurons besoin d’ensembles différents de compétences. Pour pourvoir le poste de commissaire adjoint principal, l’idéal serait de trouver quelqu’un qui a ces compétences. Oui, nous croyons que même les services chargés de la surveillance feront leur travail différemment de ce qui se fait aujourd’hui. Nous devrons en être conscients et cibler, chercher ces compétences et cette accréditation, comme vous l’avez dit.

Certains éléments sont encore en cours d’élaboration au ministère des Finances, particulièrement en ce qui concerne l’accréditation et la sécurité. Le régime sera défini. Nous savons que nous participerons à l’accréditation, mais y aura-t-il d’autres partenaires? Y aura-t-il des normes? Cela devra être précisé dans le cadre.

Je comprends ce que vous voulez dire, sénateur, à propos d’ensembles différents de compétences. Voilà pourquoi nous nous intéressons de près à la création de l’entité et faisons appel à des agences de recrutement pour nous aider à cibler et à trouver les personnes voulues au lieu de recourir à l’affichage habituel des postes à pourvoir.

Le sénateur C. Deacon : Hier, nous avons consacré beaucoup de temps à la question de la gouvernance, de l’équilibre en matière de gouvernance, surtout en ce qui concerne le groupe qui gérera la norme technique. Vous avez probablement pris connaissance des témoignages d’hier. Avez-vous quelque chose à dire de l’importance d’une gouvernance équilibrée et indépendante si nous voulons que les leçons apprises permettent de passer aux données ouvertes et que les données soient bénéfiques et non cloisonnées à l’ACFC?

M. Liedtke : Je vous remercie de la question.

Je crois que vous voulez parler de l’agence technique. Le ministère des Finances va voir quelle sera cette agence technique. Si vous voulez des renseignements plus précis, les représentants du ministère seront mieux placés pour vous répondre.

Le sénateur C. Deacon : Le commissaire adjoint principal va-t-il nommer des organes consultatifs?

M. Liedtke : Le projet de loi nous permettra de créer des organes consultatifs, dont nous profiterons certainement, tout comme nous le faisons du côté de la protection des consommateurs. Nous avons un conseil consultatif et nous nous attendons à faire la même chose avec les services bancaires axés sur les consommateurs pour obtenir ces conseils, en particulier auprès des provinces et territoires.

La sénatrice Petten : J’ai écouté ce que vous avez dit tout à l’heure et les statistiques que vous avez citées, surtout à propos d’un système bancaire ouvert. Cela vous inquiète-t-il?

M. Liedtke : Je vous remercie de la question, sénatrice.

Absolument. C’est pourquoi nous avons été heureux que soit annoncé un montant d’un million de dollars pour que nous puissions commencer dès maintenant à élaborer un programme de sensibilisation des consommateurs. Nous envisageons un programme comportant de multiples étapes et s’échelonnant sur plusieurs années. Bien entendu, il faut commencer par diffuser les connaissances de base. À mesure que les services seront déployés, nous voulons que les consommateurs soient renseignés sur le système bancaire ouvert, le registre central et les problèmes qui se posent au moment de la mise en place. Cet effort serait récurrent.

À la dernière étape, nous continuerons d’évaluer nos campagnes de sensibilisation des consommateurs pour nous assurer de cibler les bons groupes et les bonnes personnes au bon moment et de leur envoyer les bons messages. Comme vous le avez, notre pays est diversifié. Les aînés, les jeunes, les nouveaux arrivants ont des connaissances différentes sur les services bancaires axés sur les consommateurs, une sensibilisation et des besoins qui sont également différents. Il nous faudra cibler les messages en conséquence.

[Français]

Le sénateur Gignac : Bienvenue aux témoins. Mes questions s’adressent à l’Agence de la consommation en matière financière du Canada. Merci pour ce que vous faites pour protéger les Canadiens. Votre organisme existe depuis 2001, soit au-delà de 20 ans, afin de protéger les droits et intérêts des consommateurs canadiens et des services financiers. Il y a d’autres organismes provinciaux qui ont le même mandat — je songe notamment à l’Office de la protection du consommateur au Québec. Il y a donc des institutions financières de compétence provinciale. Avez-vous des relations avec vos homologues provinciaux? Y a‑t-il des rencontres annuelles ou semi-annuelles pour partager les meilleures pratiques? Pouvez-vous nous parler de vos relations avec vos homologues provinciaux?

M. Liedtke : Merci pour la question, sénateur.

[Traduction]

La réponse est oui. Je vais demander à mon collègue, M. Lofranco, qui s’occupe directement de ces relations, de vous donner un peu d’information.

Frank Lofranco, commissaire adjoint, Surveillance et mise en application, Agence de la consommation en matière financière du Canada : Nous entretenons une étroite collaboration avec nos homologues provinciaux. Souvent, c’est dans le cadre de consultations visant à harmoniser les modalités de surveillance des entités en ce qui a trait à leur conduite sur le marché et à la protection des consommateurs. Un bon exemple serait l’entrée en vigueur du Cadre de protection des consommateurs de produits et services financiers, il y a deux ans. Pour élaborer ce cadre, nous avons eu une étroite collaboration avec nos homologues provinciaux pour nous assurer que les attentes ainsi créées pour les institutions sous réglementation fédérale étaient harmonisées avec ce que les provinces faisaient pour les entités qui sont de leur ressort.

En plus de la consultation et de l’harmonisation, nous avons des contacts réguliers avec les provinces. Nous discutons régulièrement des nouvelles tendances. Cela pourrait être lié à des questions comme la cryptomonnaie, la fraude ou les problèmes en matière de prêts hypothécaires. Ces échanges ont lieu régulièrement et ils se poursuivront.

Ces dernières semaines, nous avons commencé à discuter du renforcement de ces relations de façon structurée pour rendre possible l’échange d’information pour orienter nos activités et l’exercice de nos responsabilités. En résumé, je dirais que les relations sont saines.

[Français]

Le sénateur Gignac : Merci. En octobre 2023, le gouvernement du Canada vous a désigné comme étant le seul organisme externe de traitement des plaintes pour le secteur bancaire. Si on va de l’avant avec le projet de loi et que des coopératives de crédit ou Desjardins se joignent au cadre, est-ce que je comprends bien que les plaintes des Québécois s’adressant à l’Office de la protection du consommateur du Québec devront dorénavant être dirigées vers votre organisme? Dans le cas des consommateurs qui interagissent avec une institution financière de compétence provinciale, les plaintes devront-elles s’adresser dorénavant à vous, si cette institution financière se joint à cette initiative?

M. Liedtke : Merci pour la question, sénateur.

[Traduction]

Ces aspects du cadre sont encore en cours d’élaboration. En vertu de la Loi no 2 d’exécution du budget, le ministère des Finances et nous appuierons ces consultations et discuterons avec les provinces des enjeux que sont l’accréditation, la responsabilité, la protection des renseignements personnels et la sécurité. Ce cadre n’a pas encore trouvé sa forme définitive. Le cadre actuel que vous voyez dans le projet de loi donne la possibilité aux entités provinciales d’y adhérer, auquel cas il y aura certains éléments, comme la sécurité, qu’elles devront maintenir, mais elles suivront quand même les compétences provinciales. Les détails des modalités de la gestion de cette relation et des plaintes restent à déterminer à la prochaine phase de l’analyse du cadre.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Je vais poser ma question en français. Vous pouvez me répondre dans la langue de votre choix. Plusieurs de mes interrogations ont reçu des réponses; je suis de plus en plus inquiète, d’une certaine manière. Je constate que vous avez de l’expérience en matière de consommateurs, mais je crois comprendre que vous avez peu d’expérience en matière de relations avec les institutions financières. On parle ici d’un projet de loi important sur le système bancaire ouvert. Bien sûr, il y a une protection considérable des consommateurs qui doit être prise en compte, mais il y a aussi toute la question de l’accréditation, notamment des entreprises de technologie financière. Je constate que ce que vous avez dit, c’est que vous devrez acquérir un ensemble de compétences.

Pourquoi avez-vous proposé de vous occuper de ce dossier, ou vous a-t-on plutôt demandé de vous occuper de ce dossier? La deuxième partie de ma question s’adresse à Mme Kinoshita. Quel sera le rôle de Paiements Canada dans tout ce design qui sera produit dans les prochains mois?

M. Liedtke : Merci pour la question, sénatrice.

[Traduction]

Je répondrai d’abord à la première partie. L’ACFC possède une vaste expérience des institutions financières. Nous réglementons un certain nombre d’industries financières, dont les banques, les sociétés de fiducie et de prêt, les compagnies d’assurances et les réseaux de cartes de paiement. Notre Direction générale de la surveillance et de la mise en application est en contact constant, et nous entretenons des relations suivies. Nous rencontrons chaque année les conseils de gouvernance des banques. Nous avons beaucoup d’expérience avec les institutions financières.

Quant à la deuxième partie de votre question, qui porte sur l’accréditation, notre rôle sera d’appliquer la norme qui sera définie dans la loi, puis d’accorder l’accréditation aux institutions qui se conforment à la norme. Nous estimons qu’une fois qu’il y aura une norme, compte tenu de notre expérience actuelle en matière de surveillance, de la façon dont nous suivons la Loi sur les banques et dont nous travaillons avec les institutions pour qu’elles se conforment à nos lignes directrices, il y aura des types de compétences semblables. Nous sommes convaincus que, même si ce n’est pas nous qui avons demandé de le faire, nous serons bien placés pour jouer ce rôle.

Mme Kinoshita : Je vous remercie de la question, sénatrice.

Quel sera le rôle de Paiements Canada dans le cadre qui sera élaboré au cours des prochains mois? Comme je l’ai dit, nous sommes heureux de mener des consultations pour nos membres et nos intervenants et de collaborer étroitement avec l’ACFC. Nous recevons nos directives de la ministre et collaborons de près avec le ministère des Finances. À cet égard, nous serons constamment attentifs à l’évolution du cadre.

Le cadre initial prévoit l’accès en mode « lecture seulement », pour ainsi dire. Il s’agit donc de s’informer. Nous prévoyons et nous espérons que, la situation évoluant, l’initiation de paiement viendra, mais nous comprenons qu’il faille commencer lentement au lieu de se précipiter. Grâce à l’évolution qui est à prévoir vers la possibilité du mode « écriture », les capacités d’initiation de paiement, nous entretiendrons une étroite collaboration avec l’ACFC et le ministère.

Le sénateur Yussuff : Je remercie les témoins d’être là.

Je vais commencer par vous, madame Kinoshita. Les coopératives de crédit sont très heureuses de faire partie de Paiements Canada. Elles n’ont plus à recourir à des intermédiaires. Elles peuvent traiter directement avec vous. Je présume qu’elles et leurs membres, dans une large mesure, réaliseront ainsi des économies appréciables. Les échanges ont‑ils été costauds à propos des préparatifs et éventualités? Chaque coopérative de crédit est différente. Leur capacité et leur taille varient beaucoup dans ce contexte. Vous pourriez peut-être nous éclairer sur les échanges qui ont eu lieu.

Mme Kinoshita : Merci beaucoup de cette question, sénateur.

Vous avez tout à fait raison. Nous sommes très conscients de la variabilité des besoins des coopératives de crédit. Nous collaborons étroitement et directement avec les centrales et les coopératives de crédit. En fait, pas plus tard qu’hier, ma collègue Lisa Sattler discutait avec les organismes de réglementation provinciaux de l’aide à apporter aux coopératives de crédit pour qu’elles participent directement. Nous essayons de fournir le plus de renseignements possible pour que les coopératives de crédit et les centrales puissent prendre les meilleures décisions sur les modalités de participation directe ou indirecte à nos systèmes. Les deux possibilités sont offertes.

Le sénateur Yussuff : Avez-vous une idée générale des économies qu’elles pourraient réaliser si elles n’avaient plus à passer par l’intermédiaire des banques?

Mme Kinoshita : Je vous remercie de la question.

C’est une affaire d’équilibre, et Lisa Sattler sera peut-être mieux en mesure de répondre à la question. Dans la recherche d’économies, il y a toujours une question d’équilibre qui se pose entre la taille et l’échelle, car il y a d’autres obligations qu’il faut honorer lorsqu’on participe directement.

Le sénateur Yussuff : De mon point de vue, un million de dollars ne semble pas un gros montant, compte tenu de l’énorme responsabilité qu’on vous a confiée. Vous avez nommé deux postes que vous allez combler, des postes de commissaire et de commissaire adjoint. Est-ce tout ce dont vous avez besoin pour vous acquitter de vos nouvelles responsabilités et obligations en matière de ressources?

M. Liedtke : Je vous remercie de la question, sénateur.

Je répondrai d’abord à la deuxième partie : non.

Quant à la première, je dirai que le million de dollars est prévu pour le reste de l’exercice en cours et la préparation de nos nouvelles responsabilités. L’une des activités prévues consiste à établir la structure et à trouver les autres sources de fonds. Nous présenterons une demande distincte de financement pour le maintien à long terme de cette activité. Le million de dollars n’est versé que pour nous aider à nous préparer.

Le sénateur Yussuff : Très rapidement, à écouter les consommateurs et les informations générales lorsqu’il y a couverture dans les médias nationaux, les consommateurs ne sont pas précisément ravis du travail que vous faites actuellement à propos de leurs relations avec les banques. Je serai très direct. Devant cette nouvelle responsabilité qui vous est confiée, devrions-nous avoir davantage confiance, étant donné que vous vous occupez déjà d’un large éventail d’institutions financières au Canada? Je sympathise avec une vieille grand‑mère ou quelque autre personne qui estime avoir été victime de fraude; les banques traînent les pieds et font tout pour s’en laver les mains alors qu’elles devraient trouver une solution. Voici ma question : réfléchissez-vous aux moyens de faire un meilleur travail à l’avenir?

M. Liedtke : Je vous remercie de cette question, sénateur.

Je vais demander à M. Lofranco de parler de la fraude, mais je suis convaincu que nous pouvons assumer ce rôle et cette responsabilité. Comme je l’ai dit, surtout au début, la sensibilisation des consommateurs sera très importante. La structure sera très différente. Il s’agit de la façon dont nous accréditerons les organisations afin qu’elles puissent échanger de l’information pour que les Canadiens puissent se prévaloir des services actuels et élargir leurs exigences. Il ne s’agit pas tant des services individuels qui sont fournis — nos produits de marketing, et nous verrons comment cela se passe —, mais il s’agit davantage d’un service direct que de la commercialisation de 50 types de services différents.

La présidente : Monsieur Lofranco, très rapidement, s’il vous plaît.

M. Lofranco : Je vous remercie de la question.

Je commencerai par rappeler au comité qu’il y a deux ans, un cadre de protection des consommateurs de produits et de services financiers beaucoup plus rigoureux a été mis en place et a instauré 60 nouvelles normes de protection des consommateurs que les banques et autres institutions sous réglementation fédérale devraient respecter. Parmi ces caractéristiques, mentionnons le traitement des plaintes et l’offre de produits et de services appropriés, c’est-à-dire adaptés à la situation financière des consommateurs.

Je prends l’exemple des plaintes. La norme proposée porte sur le délai de traitement des plaintes que la banque doit respecter. Il était en moyenne de 90 jours, voire plus, et la norme a été ramenée à 56 jours. Elle est en place depuis quelques trimestres, et des données nous sont communiquées. Je peux dire au comité que, dans le cas de nos plus grandes banques, plus de 90 % des plaintes sont traitées dans ce délai. De toute évidence, si les consommateurs ne sont pas satisfaits du règlement, ils peuvent s’adresser à un organisme externe de traitement des plaintes.

La présidente : Nous devons en rester là parce que votre temps de parole est écoulé, et j’essaie de donner une chance à tous les sénateurs.

Le sénateur Varone : Merci d’être là.

Je vais reprendre là où le sénateur Yussuff s’est arrêté. Je suis en faveur d’un système bancaire ouvert, sans doute, mais des propos tenus aujourd’hui ont porté sur le mouvement instantané de l’argent grâce aux services de paiement. L’intelligence artificielle existe déjà. L’informatique quantique est à nos portes. La fraude bancaire va se multiplier. Ne vous y trompez pas. L’informatique quantique va pulvériser les codes de chiffrement. Êtes-vous prêts?

M. Liedtke : Je vous remercie de la question, sénateur.

Vous avez abordé un sujet très vaste. Non, je ne pense pas que quiconque soit prêt à répondre à votre question telle que vous la posez, mais c’est pour cela que nous avons adopté une approche progressive pour mettre en place des services bancaires axés sur les consommateurs. Nous ne faisons que parler de la communication des données et de la façon lente et délibérée de le faire, ce qui, idéalement, donnerait au gouvernement et au ministère des Finances le temps d’élaborer une stratégie pour atténuer les risques à mesure que nous mettons en place l’ensemble d’un système bancaire ouvert.

Le sénateur Varone : Permettez-moi d’être plus précis. La fraude par chèque existe déjà. Si le mouvement de l’argent ne prend que quelques secondes, 56 jours en moyenne pour régler le problème, c’est trop long. Comment pouvons-nous abréger ce délai?

M. Lofranco : Je comprends la question.

De nombreuses tendances émergentes créent des risques. La fraude et les escroqueries sont particulièrement dignes de mention et gagnent en importance et en raffinement. Il y a du travail à faire à cet égard.

L’ACFC a actuellement des attentes quant à la gestion de la fraude et des escroqueries par les institutions. Elles sont tenues d’enquêter sur le problème. Il y a des protections relatives à la responsabilité des consommateurs à propos des cartes de crédit et de débit. En même temps, dans les situations où un client a fourni des données ou des renseignements à son insu, on s’attend à ce que le client ne soit pas tenu responsable. Il doit y avoir négligence grave de sa part pour que les banques le trouvent responsable de la fraude dont il a été victime.

La question est délicate. Nous travaillons sous l’angle de la surveillance, mais aussi de la politique et de la recherche. Je dirais que nous avons des contacts étroits avec les institutions, le ministère des Finances et d’autres organismes de réglementation de la famille fédérale pour nous attaquer au problème. Mais le problème s’amplifie et le risque augmente. Pour le moment, nous utilisons les pouvoirs que la loi nous accorde pour veiller à ce que les banques se comportent correctement avec les consommateurs, mais il faut en faire plus.

La sénatrice Ringuette : Merci d’être là.

J’étais là lorsque l’agence a été créée. Au fil des ans, grâce à comité-ci ou au Comité des finances nationales, j’ai lentement appris ce que vous faisiez ou pas. Cela m’amène à dire que votre premier mandat était de créer des campagnes de sensibilisation des consommateurs aux produits financiers. Si je considère la situation actuelle à l’échelle nationale et le scénario des prêts sur salaire, je dirais que vos campagnes n’ont pas été une grande réussite.

Essentiellement, vous êtes une agence de marketing pour cette campagne de sensibilisation des consommateurs. J’ai énormément de mal à voir votre agence comme un organisme de mise en application. Vous n’êtes pas équipés pour faire ce travail. Vous ne l’êtes pas depuis 20 ans. Je ne crois pas qu’une ou deux personnes de plus assureront la protection des consommateurs ou la surveillance nécessaire pour amener les autorités bancaires en cause à respecter les normes du Bureau du surintendant des institutions financières de sorte que les consommateurs soient également protégés de cette façon.

Pour moi, c’est un profond mystère. Comment allez-vous couvrir tout ce terrain en six mois?

La présidente : Vous avez environ une minute pour répondre. Merci.

M. Liedtke : Je vous remercie de la question, sénatrice.

Sur beaucoup de vos observations, je ne suis pas sûr d’être tout à fait d’accord. Nous ne sommes pas une entreprise de marketing. Le problème des prêts sur salaire relève des provinces, mais nous avons fait un travail efficace pour informer les consommateurs des risques. Notre stratégie nationale de littératie financière utilise une approche écosystémique : nous faisons appel aux intervenants, aux gouvernements et aux banques pour appuyer nos messages.

Nous n’avons pas le temps, mais M. Lofranco pourrait parler de la façon dont nous surveillons la réglementation. Nous avons établi et appliqué des caractéristiques monétaires. Nous prenons donc des mesures d’application de la loi. Je ne peux pas parler des 10 ou 15 premières années de l’agence, mais depuis cinq ans que j’y travaille, je peux dire que nous exerçons notre pouvoir de surveillance, qui ne se limite pas aux sanctions. Nous exerçons aussi une influence en ayant des consultations avec les banques et en leur demandant d’élaborer des plans d’action et de prendre les mesures voulues avant que nous ne sévissions.

La présidente : Merci.

Le sénateur Massicotte : Je me fais l’écho des observations qui ont précédé. J’ai fait un peu affaire avec l’agence. Certains se plaignent, et nous faisons des recherches pour eux. Ce fut une catastrophe. Dans le monde réel, on tarde à agir. Il y a probablement un parti pris pour les banques et non pour le client. Comme si vous n’en aviez pas assez sur les bras, je voulais m’assurer que vous compreniez quels étaient les problèmes. Merci.

Le sénateur Loffreda : Au lieu de créer un nouveau poste de commissaire adjoint principal, pourquoi ne pas confier au commissaire actuel de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada la responsabilité des services bancaires axés sur les consommateurs? Je suis le parrain du projet de loi. Vous pourriez peut-être nous en dire plus à ce sujet. Est-ce parce que les coopératives de crédit sont actuellement réglementées par les gouvernements provinciaux? Le commissaire adjoint principal serait responsable de ces activités dans le cadre d’un système bancaire ouvert plutôt que d’avoir...

La présidente : Il faudrait que le témoin puisse répondre, sénateur Loffreda.

M. Liedtke : Je vous remercie de cette question, sénateur.

Je crois que vous avez raison. La création d’une entité distincte relevant du commissaire adjoint principal donnerait la souplesse nécessaire pour régler les questions de compétence provinciale qui font l’objet de négociations, car nous avons maintenant une séparation claire entre nos activités normales liées à la conduite des marchés et les services bancaires axés sur les consommateurs.

Le sénateur Loffreda : Plutôt que d’avoir un organisme fédéral de réglementation du marché... Les provinces et les gouvernements provinciaux.

M. Liedtke : Tout à fait.

La sénatrice Marshall : Madame Kinoshita, dans votre exposé liminaire, vous avez dit que vous suiviez l’évolution de la situation. J’ai eu l’impression que vous estimez ne pas pouvoir participer. Croyez-vous que vous participez suffisamment à l’élaboration du cadre ou avez-vous l’impression d’observer de l’extérieur?

Mme Kinoshita : Je vous remercie de votre question, sénatrice.

Je dirais que nous nous trouvons entre les deux situations que vous avez évoquées. Nous avons une très étroite collaboration avec le ministère des Finances. Le cadre ne relève pas de notre compétence dans l’état actuel des choses parce que nous sommes limités au mode « lecture seule » des données, mais nous savons que les services bancaires axés sur le consommateur évolueront vers l’initiation de paiements. Nous nous sentons engagés, mobilisés, entendus, consultés et nous avons eu notre mot à dire, mais nous comprenons aussi que dans l’immédiat, ce qui doit être livré dans un court laps de temps n’est pas une capacité d’initiation « Juste paiement ».

La sénatrice Marshall : Vous êtes satisfaite pour l’instant?

Mme Kinoshita : Tout à fait.

Le sénateur C. Deacon : Merci à tous d’être là.

Madame Kinoshita, le paiement en temps réel a connu des retards répétés depuis 2019. Cela fait songer à l’affiche dans un pub britannique disant : « Bière gratuite demain. » Le paiement en temps réel viendra demain, mais demain n’arrive jamais. En tout cas, pas tout de suite. Cela ralentit l’évolution de notre système financier. Quand Paiements Canada sera-t-il prêt à passer à l’action?

Mme Kinoshita : Je vous remercie de votre question, sénateur Deacon. Je vous ai toujours été reconnaissante de votre appui.

Je suis heureuse de dire que nous avançons avec confiance. Nous serons prêts pour le mode « écriture » et bien avant. Comme vous le savez, nous avons eu des retards par le passé. Ces six derniers mois, nous avons procédé à plusieurs examens afin d’atténuer tout autre retard du paiement en temps réel. Il y a eu notamment un examen des risques, une étude approfondie des diverses possibilités et une phase portant sur la prise de décisions. Tout au long de ces trois phases, nous avons mobilisé l’ensemble de l’écosystème, y compris l’industrie, les intervenants, les organismes de réglementation et les membres. Je suis heureuse de dire que tout le monde est d’accord sur la voie choisie pour aller de l’avant et offrir des services bien avant la « capacité d’écriture ». Ce qui est différent cette fois-ci, c’est que si tout le monde rame dans la même direction et aide à atteindre l’objectif du paiement en temps réel, le succès sera au rendez-vous.

Le sénateur C. Deacon : Quand les « capacités d’écriture » seront-elles disponibles pour la mise en œuvre?

Mme Kinoshita : Je vous remercie de cette question.

En ce qui concerne le paiement en temps réel, nous ferons les tests d’intégration avec nos membres en 2026. Ils sont tout à fait au courant de la situation et s’y préparent pleinement. Je ne peux pas me prononcer sur le moment où le mode « écriture » sera intégré au cadre du système bancaire ouvert. Je m’en remets à l’ACFC et au ministère des Finances.

Le sénateur C. Deacon : Vous serez prêts en 2026?

Mme Kinoshita : Nous serons prêts.

La présidente : Merci beaucoup à tous. Je suis désolée d’être aussi pressée par le temps. C’est la même chose tous les ans, en juin, lorsque les gouvernements veulent que des projets de loi soient adoptés avant même que nous ne les recevions. Nous faisons aussi vite que possible. Merci de votre participation.

Passons au deuxième groupe de témoins. Nous accueillons Alexander Vronces, directeur exécutif, Fintechs Canada; Bernard Brun, vice-président aux Affaires gouvernementales, Mouvement Desjardins; et, par vidéoconférence, Steven Boms, directeur général, Association des données et technologies financières d’Amérique du Nord. Bienvenue à tous et merci de votre participation. Monsieur Vronces, nous allons commencer par votre exposé liminaire.

Alexander Vronces, directeur exécutif, Fintechs Canada : Je vous remercie de m’avoir invité à prendre la parole devant le comité.

Fintechs Canada est une association industrielle qui regroupe les entreprises de technologie financière les plus novatrices du Canada. Sa mission est de faire en sorte que le secteur financier du Canada réponde mieux aux besoins des Canadiens.

La croissance économique a ralenti. La vie est de moins en moins abordable. La productivité canadienne a atteint un niveau alarmant. Il incombe aux décideurs, aux élus et aux sénateurs de faire tout en leur pouvoir pour réagir à la situation présente. L’une des choses qu’il faut faire maintenant, c’est accroître la concurrence dans le secteur bancaire. Cela signifie qu’il faut adopter sans délai la Loi sur les services bancaires axés sur les consommateurs ainsi que les modifications de la Loi sur l’Agence de la consommation en matière financière du Canada, mesures qui figurent dans le projet de loi C-69.

Tous les jours, nous et tout ce qui nous entoure subissons l’influence du secteur bancaire. Les banques ne sont pas seulement des chambres fortes où notre argent est gardé. Elles nous aident à faire croître notre richesse en gérant notre argent. Elles nous aident aussi à acheter et à vendre des choses en ligne en émettant des cartes de paiement et d’autres produits.

Dans des marchés concurrentiels, deux choses sont censées se produire : une baisse des prix et l’amélioration de la qualité des services, ce qui rend la vie plus abordable.

Dans le secteur bancaire canadien, les prix augmentent. Les banques tirent de plus en plus de revenus de sources autres que les intérêts, c’est-à-dire les frais qu’elles imposent aux Canadiens : frais de service sur les comptes bancaires, frais de gestion des placements, frais de traitement des paiements, frais administratifs sur les hypothèques et les autres prêts. En réalité, les Canadiens paient des frais bancaires plus élevés que les consommateurs de pays semblables comme le Royaume-Uni et l’Australie. Il est difficile de dire que la qualité qu’obtiennent les Canadiens a changé de quelque façon que ce soit. Qu’est-ce qui a vraiment changé récemment dans l’expérience bancaire?

Le manque de concurrence dans le secteur bancaire nuit également à la productivité du Canada. Les banques sont censées être une source de financement pour les entreprises canadiennes qui ont besoin de capitaux pour croître et rendre l’économie plus productive. Les banques jouent de moins en moins ce rôle. Les données de l’OCDE montrent que, comparativement à celles d’autres pays, les entreprises canadiennes reçoivent moins de financement et le paient plus cher. Selon la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, la FCEI, de 15 à 25 % des demandes de prêts sont rejetées par les cinq grandes banques. En fait, au cours des 10 dernières années environ, le nombre total de demandes de prêt approuvées pour les petites entreprises a diminué de près de 30 %, alors que la demande de prêts a été à la hausse.

L’absence de concurrence dans le secteur bancaire nous coûte cher, pas seulement en tant que clients des banques, mais aussi comme citoyens canadiens. C’est pourquoi nous voulons que la Loi sur les services bancaires axés sur les consommateurs et les modifications de la Loi sur l’Agence de la consommation en matière financière du Canada soient adoptées sans délai. Ensemble, elles jetteront les bases qui permettront au gouvernement de donner aux consommateurs et aux petites entreprises le droit de communiquer leurs renseignements financiers aux organisations de leur choix. Elles offriront également des protections aux Canadiens, tant aux consommateurs qu’aux propriétaires de petites entreprises, afin que ce ne soit pas eux qui écopent lorsque les choses tournent mal.

Nous pensons que, tandis qu’il mettra ce cadre en place, il importe que le gouvernement reconnaisse plus explicitement l’importance de la concurrence et de l’innovation dans les services financiers. Il y a quelques années, la Maison-Blanche a pris un décret qui visait à inciter l’ensemble du gouvernement américain à favoriser une plus grande concurrence dans l’économie américaine. Peu de temps après, l’organisme américain de réglementation de la protection des consommateurs a publié un projet de règle pour relancer la concurrence dans le secteur bancaire américain. Nous devons aller de l’avant. Cette mesure législative fondamentale doit être adoptée, sinon nous continuerons de parler de ce que d’autres pays ont déjà fait pour rendre leur secteur bancaire plus concurrentiel, la vie plus abordable et leur économie plus productive.

Je vous remercie encore une fois de m’avoir invité à prendre la parole devant le comité.

[Français]

Bernard Brun, vice-président, Affaires gouvernementales, Mouvement Desjardins : Mesdames et messieurs les membres du comité, merci de me donner l’occasion de vous adresser la parole aujourd’hui. Je m’appelle Bernard Brun et je suis vice‑président, Affaires gouvernementales, au Mouvement Desjardins. Le Mouvement Desjardins est le premier groupe financier coopératif en Amérique et la septième institution financière au Canada, avec près de 423 milliards de dollars d’actifs.

Pour répondre aux besoins diversifiés de nos 7,7 millions de membres et clients à travers le pays, nous exerçons nos activités dans les domaines suivants : services aux particuliers et aux entreprises, gestion de patrimoine, assurance de personnes et assurance de dommages.

Le Mouvement Desjardins appuie les initiatives qui permettront de mieux servir ses membres et ses clients, ainsi que tous les citoyens canadiens. Les objectifs du Cadre canadien des services bancaires pour les gens, communément appelé système bancaire ouvert, comme ils sont présentés dans le projet de loi C-69, semblent aller dans ce sens. Nous appuyons donc la mise en place d’un cadre fonctionnel et réaliste qui permettra au consommateur de contrôler le partage de ses données.

Notre préoccupation actuelle découle du fait que le cadre proposé ne se limite pas à assurer l’adoption d’une norme technique commune pour l’ensemble des institutions financières du pays, mais vient également établir un cadre unique, obligatoire pour les institutions financières fédérales et à adhésion seulement pour les institutions provinciales.

Comme vous l’avez entendu à plusieurs reprises, le mandat a été confié à l’Agence de consommation en matière financière du Canada. Il a d’ailleurs été largement question de protection du consommateur. De l’aveu même du gouvernement, le champ couvert est à tout le moins de compétence mixte.

Un dédoublement de l’encadrement entre les compétences viendrait désavantager particulièrement les membres et les clients des institutions financières provinciales.

En effet, bien que l’adhésion au cadre soit théoriquement volontaire pour celles-ci, elles n’auront d’autre choix que d’y adhérer pour des raisons de compétitivité et de gestion de risque. Force est de constater que le projet de loi actuel présente un vice structurel important dont les effets sont majeurs. Cela signifie que, dans le contexte des services financiers axés sur les consommateurs, les activités financières de ses 7,7 millions de membres et clients se retrouveront potentiellement prises entre des entités opérant dans des juridictions distinctes.

Le gouvernement doit impérativement éviter un faux départ en matière de services bancaires pour les consommateurs afin d’être pertinent pour tous les consommateurs et pour l’ensemble du secteur financier. Cela signifie que, dans le contexte des services financiers axés sur les consommateurs, pour nous, les activités financières de nos 7,7 millions de membres et clients ne devraient pas être couvertes par des juridictions distinctes.

En résumé, un système à deux vitesses désavantagera les consommateurs, limitera la compétition et minera la crédibilité d’une initiative qui est fondamentale pour l’innovation et l’évolution du système financier.

Le Mouvement Desjardins appuie la mise en place d’un cadre, mais pas de la manière dont il est présenté. Nous demandons des correctifs importants.

Dans les circonstances, nous demandons au gouvernement de retirer la section 16 de la partie 4 du projet de loi C-69, afin que le cadre proposé puisse faire l’objet d’un examen approfondi qui permettra à l’ensemble des intervenants touchés, aux autorités provinciales et aux gouvernements provinciaux de s’aligner sur une vision et une compréhension communes du système à venir.

[Traduction]

La présidente : Merci beaucoup.

Monsieur Boms, vous avez trois minutes. Merci.

Steven Boms, directeur général, Association des données et technologies financières d’Amérique du Nord : Merci beaucoup de me donner l’occasion de comparaître aujourd’hui au nom de l’Association des données et technologies financières d’Amérique du Nord, l’ADTFAN.

Nous sommes la principale association commerciale qui préconise l’accès aux données financières avec la permission des consommateurs au Canada et aux États-Unis. Nos membres comprennent des entreprises qui ont divers modèles d’affaires et qui, collectivement, fournissent à plus de sept millions de consommateurs canadiens et de PME, un accès à des produits et services financiers essentiels.

Nous sommes de fervents défenseurs de la mise en œuvre d’un régime de financement ouvert au Canada, et j’ai été personnellement heureux de comparaître devant ce comité-ci en mars 2019 pour contribuer à son étude du système bancaire ouvert. Je félicite le comité d’un grand nombre de ses recommandations dont il a été tenu compte dans la section 16 du projet de loi C-69. L’idée de base du financement ouvert, bien sûr, est qu’un consommateur canadien ou une PME canadienne devrait être en mesure d’accéder en toute sécurité aux données détenues par un fournisseur et de les communiquer à un autre qui offre un meilleur produit, service ou outil financier.

L’ADTFAN et ses membres appuient fermement le cadre de financement ouvert prévu dans le projet de loi C-69. Il reflète des années de consultations réfléchies avec l’industrie. Le cadre amorcera le processus visant à accorder ces droits aux Canadiens et à favoriser l’émergence d’un secteur des services financiers plus novateur et plus concurrentiel. La section 16 du projet de loi C-69 donnera aux consommateurs le droit légal d’accéder à leurs données financières détenues par les institutions financières sous réglementation fédérale dans les comptes de chèques et d’épargne, les produits de placement et les produits de crédit, y compris les cartes de crédit, les lignes de crédit et les hypothèques, et de les communiquer. De plus, comme nous en avons discuté, elle donnera à l’Agence de la consommation en matière financière du Canada le pouvoir de régir le système.

L’ADTFAN recommanderait plusieurs amendements importants à la section 16 pour garantir que la loi s’aligne à la fois sur notre compréhension de l’intention du ministère et sur les pratiques exemplaires d’autres administrations qui ont agi plus rapidement que le Canada.

Premièrement, nous proposons que le projet de loi inclue clairement et sans ambiguïté les comptes de PME visés par la première phase du financement ouvert. Comme le ministère et d’autres intervenants l’ont toujours affirmé, les PME bénéficient d’avantages importants lorsqu’elles ont le contrôle de leurs données financières et le pouvoir d’utiliser des outils de tiers pour gérer leurs finances. La loi devrait clairement préciser que les comptes des PME seront visés par le régime.

La section 16 devrait également être amendée pour donner à l’ACFC le pouvoir législatif de surveiller non seulement les interactions des entreprises avec les consommateurs, mais aussi la conformité aux lois et aux règlements dans leurs interactions entre elles. En l’absence de cet ajout important, il n’est pas clair que l’ACFC serait autorisée à faire respecter toute exigence selon laquelle, par exemple, la passerelle de données sécurisée d’une institution financière sous réglementation fédérale doit être accessible de façon fiable par une tierce partie accréditée — une autre entreprise.

Enfin, nous proposons plusieurs amendements pour assurer l’application régulière de la loi et la bonne gouvernance au moment où l’ACFC assume ce rôle essentiel et élargi.

En somme, les amendements que nous proposons apporteraient plus de transparence à la gouvernance et atténueraient le risque que de petites entités s’abstiennent de participer au système de financement ouvert du Canada. Chacune de ces modifications harmoniserait davantage le cadre de financement ouvert du Canada avec les pratiques exemplaires adoptées par de nombreux autres pays qui ont déployé plus rapidement le financement ouvert.

Nous demandons respectueusement au comité d’examiner ces changements et nous vous remercions de nous avoir donné l’occasion de vous présenter notre point de vue. Merci.

La présidente : Merci beaucoup.

Nous allons passer aux questions. Je rappelle à tout le monde que plus la question est longue, moins les témoins ont de temps pour y répondre. Ne l’oubliez pas. De plus, veuillez adresser vos questions à un témoin précis, car nous avons quelqu’un qui participe par l’application Zoom.

Nous allons commencer par le vice-président, le sénateur Loffreda.

Le sénateur Loffreda : Merci à tous les témoins.

[Français]

Ma question s’adresse à M. Brun. Merci d’être avec nous aujourd’hui. Un commissaire adjoint principal sera nommé bientôt; le principal objectif, c’est que les coopératives de crédit réglementées par les gouvernements provinciaux ne soient pas sous supervision directe du régulateur fédéral pour la conduite des marchés. Donc, c’est la raison pour laquelle on nomme un commissaire adjoint provincial. Pourquoi une telle procédure ne vous satisfait-elle pas? Nous étudions le système bancaire ouvert depuis très longtemps, donc demander de retirer le tout, c’est une déclaration très courageuse.

M. Brun : Merci de me donner l’occasion de répondre à cela. Effectivement, cela peut paraître un peu surprenant de demander le retrait de cette section, mais je crois qu’il faut revenir à la base. Il faut à tout prix éviter un faux départ; tout le monde s’entend pour dire — et le gouvernement l’affirme — que nous avons besoin d’une adhésion très forte des consommateurs pour donner un élan et pour que le système bancaire ouvert ou les services axés sur les consommateurs puissent vraiment se développer.

Concernant le cadre de gouvernance, il y a eu des discussions depuis des années, mais il n’avait justement jamais été question de l’entité à laquelle la responsabilité serait octroyée. C’est quelque chose qui est arrivé très récemment dans le cadre du budget et c’est à ce moment-là que les problèmes juridictionnels ont été présentés.

Nous ne voulons pas d’un cadre à deux vitesses où il y aurait des institutions financières soumises à un cadre et d’autres qui ne le seraient pas, soit pas nécessairement, soit parce qu’elles y adhéreraient volontairement — mais elles y seraient soumises tout autant. Le gouvernement a également dit que le cadre provincial continuerait de s’appliquer. Vous voyez le genre de problèmes auxquels nous allons faire face, c’est-à-dire une multiplication des règles. Il y aura probablement une crise de confiance de la part des consommateurs et, somme toute, des objectifs qui ne seront pas atteints pour le gouvernement et les consommateurs en général.

Le sénateur Gignac : Bienvenue aux témoins. Je poursuis sur la lancée de mon collègue le sénateur Loffreda à l’endroit du Mouvement Desjardins. Je crois que vous avez entendu le témoignage de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada. J’ai été très pointu dans une question que j’ai posée : qu’arrivera-t-il aux Québécois clients du Mouvement Desjardins? Vous êtes la plus grande institution financière au Québec. S’ils ont des plaintes, pourront-ils continuer à les faire auprès de l’Office de la protection du consommateur, ou devraient-ils se diriger ailleurs? Avez-vous été satisfait de la réponse? Lorsque je lis le projet de loi, je comprends que si Desjardins adhère au cadre, il devra suivre les règles selon lesquelles c’est l’agence qui traitera les plaintes. Ai-je mal interprété leurs propos, et qu’avez-vous pensé de leur réponse?

M. Brun : Merci de votre question. Notre compréhension est exactement la même. Oui, ils seront soumis au cadre, mais le cadre provincial continuera de s’appliquer. Nous sommes en présence d’un dédoublement qui peut être dangereux. Il risque d’y avoir des contestations constitutionnelles. Pour nous, la possibilité d’une adhésion complète au système est un frein important.

Le sénateur Gignac : Il faut être en mode solution. Nous sommes d’accord pour dire que le Canada est en retard dans le système bancaire ouvert. Il faut aller de l’avant. Là où le bât blesse, c’est par rapport à la gouvernance, où nous sommes tous un peu surpris. Avez-vous réfléchi à une alternative? Est-ce le modèle Interac ou un modèle différent? Faut-il envoyer cela au Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), qui a des interactions avec les régulateurs provinciaux et les institutions financières? Avez-vous réfléchi à une alternative à ce stade-ci?

M. Brun : Nous n’avons pas la prétention d’indiquer au gouvernement exactement où il doit aller, mais oui, nous avons réfléchi à tout cela et nous avons des suggestions. Il faut toujours en revenir aux objectifs. Le cadre de gouvernance est la raison pour laquelle nous demandons le retrait. C’est l’essentiel, c’est la base sur laquelle nous devons bâtir le système.

Comme on parle d’une compétence mixte, le gouvernement fédéral pourrait simplement se limiter à établir une norme, et la protection du consommateur et tout ce qui en découle tomberait sous les compétences respectives, mais à partir du moment où l’on va plus loin, il faut une cohérence et une reconnaissance des autorités provinciales qui pourraient s’arrimer avec le cadre fédéral. Il est certain qu’une autoréglementation réglerait une partie de ces enjeux, mais nous sommes en faveur d’un cadre respectant les compétences actuelles des autorités provinciales, qui pourraient s’arrimer à tout cela.

[Traduction]

Le sénateur C. Deacon : Je remercie les témoins d’être là.

J’ai une question à poser à M. Vronces et à M. Boms. Je vous demanderais de prendre une minute chacun pour y répondre, et une question complémentaire suivra.

Les fonctionnaires de Finances Canada ont mené des consultations exemplaires. Je ne suis pas encore convaincu qu’ils soient entendus au niveau politique. Cela me préoccupe au sujet de notre capacité de réaliser des progrès constants. Il s’est passé beaucoup de choses dans le monde depuis notre rapport. Quels sont les principaux éléments que nous devons mettre en tête de liste si nous formulons des observations sur le projet de loi pour renforcer ce que nous considérons comme la clé du progrès?

M. Vronces : Je vous remercie de la question.

Pour nous et nos membres, il est frappant que, dans tous les autres pays auxquels nous aimons nous intéresser, c’est le souci de la concurrence et de l’innovation qui guide les décideurs et leurs choix. Il a aussi guidé les décisions des dirigeants politiques qui ont choisi d’agir. Au Canada, aucun de nos organismes de réglementation du secteur financier n’a le mandat de promouvoir la concurrence et l’innovation. Dans des pays comme le Royaume-Uni, le système bancaire ouvert a été proposé dans un rapport qui disait essentiellement que le gouvernement doit obliger les banques à travailler plus fort dans l’intérêt des citoyens. En Australie, l’ACCC, c’est-à-dire la Commission australienne de la concurrence et de la consommation, a le mandat d’assurer la concurrence. Aux États‑Unis, où le Consumer Financial Protection Bureau mène la charge à propos du système bancaire ouvert, ce bureau a fait valoir que l’un des objectifs explicites était de promouvoir la concurrence dans le secteur bancaire américain. Le Canada est l’un des seuls pays où cette attitude ne s’est pas implantée. C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles nous avons pris du retard. Nous aimerions que la concurrence occupe une place centrale dans ce débat.

M. Boms : Je suis d’accord sur tout ce que M. Vronces a dit, mais j’ajouterais deux autres points.

Premièrement, il est impossible de bien faire les choses du premier coup, et nous ne pouvons pas tolérer le mieux soit l’ennemi du bien. Le Canada a pris du retard par rapport à tous les autres pays. Dans toutes les autres administrations, les décideurs ont reconnu qu’il faudra apporter des changements graduellement au fil du temps pour s’assurer que le système fonctionne comme prévu, pour l’élargir et pour veiller à ce qu’il procure des avantages aux consommateurs.

Deuxièmement, la gouvernance est très importante, et il est essentiel de veiller à ce qu’il y ait une entité de gouvernance solide, adaptée et spécialement conçue, qui dispose des pouvoirs nécessaires pour mettre le système en place et veiller à ce qu’il fonctionne comme prévu. Il est important de bien faire les choses dès le départ.

Le sénateur C. Deacon : Merci.

Si vous avez des observations que vous pouvez nous faire parvenir d’ici la fin de la journée, je souhaiterais les lire, pour ma part. Tout ce que vous avez dit a déjà été signalé par le Bureau de la concurrence, qui a été le premier au Canada à faire avancer ce dossier. Nous devons discuter de ces questions pour nous assurer que les Canadiens sont bien servis par ce changement. Merci.

La sénatrice Ringuette : J’ai deux questions à poser à M. Vronces.

Combien de membres compte Fintechs Canada?

M. Vronces : Un peu moins d’une cinquantaine.

La sénatrice Ringuette : Cinquante membres? D’accord. Je suppose que la moitié d’entre eux sont des partenaires des banques canadiennes à l’heure actuelle?

M. Vronces : Oui. Nous comptons parmi nos membres des chefs de file sur le marché canadien des technologies financières : Wealthsimple, KOHO et Borrowell. Nous avons des institutions financières favorables à la technologie financière comme EQ, ATB et Peoples Group. Nous avons les sociétés de technologie qui alimentent le secteur des coopératives de crédit, comme Everlink, Celero et Central 1. Nous avons des sociétés de technologie financière mondiales comme Stripe et Block.

La sénatrice Ringuette : Voici ma deuxième question. Vous dites qu’il n’y a pas assez de concurrence. Je suis d’accord avec vous là-dessus. Pour que les règles du jeu soient les mêmes pour tous en matière de concurrence dans le secteur financier, ne croyez-vous pas que toutes les entreprises de technologie financière qui voudront participer à un système bancaire ouvert devront également respecter les exigences du BSIF, le Bureau du surintendant des institutions financières, en matière de services bancaires afin que les consommateurs canadiens sachent bien que leurs actifs sont protégés? À l’heure actuelle, la seule entité qui peut offrir ce genre de garantie est le BSIF. Vos membres seraient-ils réglementés par le BSIF dans le cadre de cette concurrence?

M. Vronces : Je vous remercie de votre question, qui est excellente.

Je plaisante parfois en disant que nous sommes l’une des rares associations à réclamer une réglementation plus stricte de ses membres. Elle est très favorable à la réglementation.

Dans le cas de nos membres, les sociétés de technologie financière qui ne fonctionnent pas exactement comme les banques, le gouvernement a décidé qu’ils ne devaient pas relever du BSIF. Il a plutôt dit que les entreprises de paiement devaient être réglementées par la Banque du Canada à titre de fournisseurs de services de paiement. L’une des exigences consiste à protéger les fonds de l’utilisateur final afin que, si une entreprise devient insolvable, le client puisse tout de même obtenir ses fonds comme s’il était assuré par la Société d’assurance-dépôts du Canada.

Si la société de technologie financière fonctionne comme une banque, elle devra obtenir un permis de banque. À l’heure actuelle, l’un de nos membres ne se cache pas pour dire qu’il tente en ce moment d’obtenir un tel permis. Les choses se déroulent très bien.

Nous nous sommes prononcés en faveur de lois plus strictes sur le blanchiment d’argent.

La sénatrice Ringuette : Toutes les sociétés de technologie financière qui veulent participer au système bancaire ouvert ne devraient-elles pas relever du BSIF? Vous venez de dire que vous aviez des exploitants mondiaux de technologies financières. Je suis tout à fait en faveur de la concurrence, mais sur un pied d’égalité et en protégeant les intérêts des consommateurs canadiens.

M. Vronces : Si une entreprise accepte des dépôts et consent des prêts, elle devrait certainement être réglementée par le BSIF, mais dans le cas du traitement des renseignements financiers, les risques sont différents. Un organisme de réglementation distinct est beaucoup plus logique.

La sénatrice Bellemare : Ma question s’adresse à Steven Boms. Je viens de lire que vous avez écrit dans un échange de questions et réponses que la gouvernance, comme vous l’avez déjà dit, est la pierre angulaire du cadre bancaire ouvert du Canada. Vous avez dit que vous aviez une entité de gouvernance neutre forte et que cette responsabilité clairement définie garantirait non seulement que le système bancaire ouvert du Canada soit lancé avec succès, mais qu’il puisse évoluer en un cadre de financement ouvert au fil du temps. Pensez-vous que le projet de loi est conforme à ce que vous avez dit et à la façon dont vos amendements amélioreraient la gouvernance?

M. Boms : Je vous remercie, sénateur, de votre question.

Comme je l’ai dit dans ma déclaration préliminaire, nous croyons que certains amendements sont nécessaires pour que l’ACFC soit adaptée à cette fin. De manière générale, il faudrait, par exemple, un processus plus rigoureux et plus transparent pour l’application de la loi dans le cadre du processus de l’ACFC. Ce qui nous préoccupe, c’est que tel qu’il est rédigé, le projet de loi prévoit des sanctions punitives, mais ne précise pas quelle sanction est imposée pour quelle infraction, ce qui pourrait dissuader les petites entreprises innovantes d’entrer dans le système, par exemple.

À titre d’autre exemple, comme je l’ai mentionné, l’entité dirigeante doit non seulement protéger les consommateurs — c’est une partie importante de son travail — mais aussi être en mesure d’annoncer les balles et les prises. Si l’une des exigences est qu’une institution financière sous réglementation fédérale doit partager les données qu’elle détient à mon sujet avec mon consentement, alors l’entité gouvernementale doit avoir le pouvoir d’intervenir et de dire que l’API de cette institution financière ne fonctionne pas de manière aussi fiable et cohérente qu’elle le devrait dans le cadre de ce système. Il est important d’accorder clairement et sans ambiguïté ce genre de pouvoirs supplémentaires.

Enfin, il est également nécessaire de garantir le cours normal de la loi. Dans le cas d’une entreprise de technologie financière ou d’une banque qui est assujettie à une pénalité, il est important de lui permettre de démontrer, sans devoir plaider sa cause, qu’elle n’a pas été coupable de l’infraction dont elle est accusée, et ce processus doit être suffisamment facile pour que les petites entreprises soient en mesure de le gérer sans se conformer indûment aux règles.

La sénatrice Bellemare : Pensez-vous que le Bureau du surintendant des institutions financières serait un meilleur organisme pour accueillir le système bancaire ouvert proposé, le cadre?

M. Boms : Je vous remercie de la question, sénatrice.

Non. Dans un souci de transparence, nous avons plaidé, au cours du processus de consultation du ministère, en faveur de la création d’une entité entièrement nouvelle et adaptée, reconnaissant qu’il n’existe aujourd’hui au Canada aucune entité disposant de l’ensemble de ces outils et de cette expertise. Toutefois, le choix s’est porté sur l’ACFC, et nos amendements visent donc à garantir que l’ACFC dispose des outils et des procédures nécessaires pour être une entité adaptée à cette fin.

La sénatrice Bellemare : Merci.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Monsieur Brun, nous avons beaucoup de sympathie pour votre argument, qui semble très logique. Que dit le gouvernement à ces commentaires? Quelles sont ses réactions? Quand vous dites que cela n’a pas de bon sens, à quoi s’attendent-ils?

M. Brun : Je comprends qu’on parle du gouvernement fédéral.

Le sénateur Massicotte : Oui.

M. Brun : Il y a une certaine surprise de leur part. Je crois qu’ils font acte de contrition en disant qu’il faudrait parler davantage avec les contreparties provinciales. On demande donc de faire une pause, afin de leur permettre de discuter ensemble pour s’assurer d’avoir un cadre pleinement cohérent. On ne peut pas se permettre d’avoir un système à deux vitesses ni que certaines institutions soient exclues. Je ne crois pas qu’on ait besoin d’énormément de temps. Ce n’est pas un délai si important, mais il faut s’assurer au moins qu’ils sachent de quoi il en retourne.

Le sénateur Massicotte : On parle d’un délai de quelques semaines ou de quelques mois?

M. Brun : En quelques mois, avec de la bonne volonté, ils pourront s’asseoir ensemble et vraiment trouver les ajustements requis pour permettre à des entités provinciales d’avoir l’option d’adhérer au cadre fédéral en s’y soumettant complètement ou de rester complètement à l’extérieur du cadre en tolérant le grattage d’écran.

Le sénateur Massicotte : Vous parlez d’ajustements. Sont-ils au courant des ajustements exacts que vous proposez?

M. Brun : Il faudra s’asseoir avec eux pour en discuter.

Le sénateur Massicotte : Merci.

[Traduction]

La présidente : D’autres provinces se sont-elles jointes à cette demande?

[Français]

M. Brun : Encore une fois, je ne parlerai pas au nom de toutes les autres provinces, mais certaines inquiétudes sont partagées par plusieurs provinces et régulateurs et par la plupart des institutions financières, à mon avis. Le cadre proposé pour ce qui est de l’Agence de la consommation en matière financière est loin de faire l’unanimité. Ce choix fait plutôt l’unanimité dans son contraire.

[Traduction]

Le sénateur Varone : Merci d’être ici.

Monsieur Vronces, la concurrence est la pierre angulaire des services bancaires ouverts, mais l’article 77 de la Loi sur la concurrence n’interdit pas nécessairement la vente liée au Canada. Pour mes collègues du Sénat, la vente liée est une pratique par laquelle une institution financière vous accorde une carte de crédit à prix réduit, mais il faut que votre prêt automobile et votre prêt hypothécaire soient souscrits auprès de la même institution. Selon vous, faut-il renforcer la Loi sur la concurrence pour que le système bancaire ouvert fonctionne vraiment?

M. Vronces : C’est une très bonne question.

Pour que ce système fonctionne bien en grande partie, la Loi sur la concurrence doit être renforcée. Nous avons collaboré avec les décideurs politiques lors de la révision de la loi et avons formulé un certain nombre de recommandations.

Je pense que la Loi sur la concurrence et son application par le Bureau de la concurrence constituent un outil important. Nous devons également reconnaître qu’il y a des limites à ce système, en ce sens qu’il est toujours rétroactif. Ce qui manque au Canada, comme dans bien d’autres pays, c’est une approche plus proactive pour promouvoir la concurrence et l’innovation. En renforçant la Loi sur la concurrence et en dotant le Bureau de la concurrence d’un système d’élaboration de politiques plus proactif en matière de promotion de la concurrence dans le secteur financier, nous pouvons faire beaucoup de progrès et peut-être même devenir un chef de file mondial dans ce domaine si nous nous attelons à la tâche.

Le sénateur Yussuff : Je remercie les témoins de leur présence.

Monsieur Brun, je vous ai entendu dire quelque chose et j’aimerais en savoir un peu plus. Vous avez parlé d’autorégulation. Parlez-vous de l’échelon provincial ou de l’échelon institutionnel?

[Français]

M. Brun : Merci pour la question, monsieur le sénateur. Lorsqu’on parle d’établir des normes, les entités et les institutions financières, tant fédérales que provinciales, discutent ensemble depuis de nombreuses années justement pour établir des normes et une certaine façon de faire. Pour nous, un cadre mixte d’autoréglementation pour établir certaines normes avec une supervision effectuée par les autorités compétentes, qu’elles soient fédérales ou provinciales, aurait été la solution idéale, plutôt que d’avoir un cadre unique, comme on le propose, auprès d’une agence qui a un mandat très spécifique et des compétences à développer — on parle d’une agence qui n’a pas du tout les compétences requises en la matière.

[Traduction]

Le sénateur Yussuff : Nous n’en sommes qu’aux balbutiements de nos efforts pour rendre ce système efficace et pour donner aux Canadiens l’assurance qu’ils ne recevront pas un traitement différent, peu importe l’établissement ou la province où ils vivent. Ne pensez-vous pas qu’il faudrait une certaine uniformité pour que les Canadiens puissent avoir une forme de certitude de toute façon, tout en reconnaissant que certaines provinces peuvent être beaucoup plus avancées? Nous savons que le système québécois est essentiellement un modèle que de nombreuses provinces pourraient adopter, mais nous n’en sommes pas là, et ce n’est pas la réalité du pays. Je ne vois pas comment nous pourrions opter pour le modèle de l’autorégulation, compte tenu du fait que les consommateurs de partout au pays veulent être sûrs que les services bancaires ouverts fonctionneront efficacement et qu’ils obtiendront la protection que nous leur promettons, étant donné que le gouvernement fédéral est en fin de compte l’interlocuteur des provinces pour l’adhésion à un certain système.

[Français]

M. Brun : Merci pour la question de suivi. Effectivement, c’est un enjeu que l’on partage tout à fait. Je crois d’ailleurs que la ministre a mentionné l’importance d’une approche cohérente pour l’ensemble des consommateurs. Compte tenu du fait que nous vivons dans une fédération canadienne avec certains partages de compétences et de pouvoirs, nous considérons essentiel qu’il y ait un arrimage entre le fédéral et les provinces qui soit fait de la bonne façon en amont. Pour nous, c’est une question de gouvernance qui est vraiment la base d’un système de service financier ouvert qui fonctionnera. Dans le cas contraire, dans la situation actuelle, on va se retrouver avec certaines normes qui pourront être imposées à l’échelle fédérale et des exigences additionnelles qui pourront être ajoutées par d’autres autorités, tout simplement par des administrations concurrentes ou des pouvoirs qui pourraient être concurrents. Cela nous semble comme totalement contre-productif. Il faut que le consommateur puisse choisir une approche plus globale.

[Traduction]

Le sénateur Yussuff : Je pense qu’il nous faut des normes plus élevées partout au pays pour donner confiance aux consommateurs et aux Canadiens dans le système que nous sommes en train de bâtir. Je pense que ce système servira bien le Québec, mais j’espère qu’il servira bien les Canadiens. Je reconnais que vous avez fait un travail formidable avec votre modèle, mais je ne pense pas que ce soit le seul.

La présidente : J’aimerais clarifier un point avec M. Boms. Vous avez envoyé hier un document à tous les membres du comité. Vos suggestions sont-elles incluses dans ce document?

M. Boms : Merci, sénatrice. La réponse est oui.

La présidente : C’est très bien. Merci beaucoup.

Monsieur Vronces, la plupart de vos suggestions figurent également dans votre déclaration préliminaire d’aujourd’hui?

M. Vronces : En passant, tel quel.

La présidente : Encore une fois, nous avons votre recommandation, qui est de retirer la section 16.

Nous avons le temps de poser quelques questions complémentaires.

Le sénateur Loffreda : Ma question s’adresse à M. Vronces. Vous avez mentionné que, parfois, de nombreux prêts pour les Canadiens sont refusés.

Avant d’aborder cette question, je voudrais dire que nous avons un témoin, M. Brun, qui souhaite que nous supprimions complètement le système bancaire ouvert. M. Boms, quant à lui, veut que nous modifiions la loi d’exécution du budget, ce qui est en soi une aventure. Quarante-sept autres pays ont adopté le système bancaire ouvert. Nous sommes les derniers des pays du G7. Les consommateurs en profiteront. Les banques et les institutions financières n’en profiteront pas. Les marges diminueront, c’est donc strictement au bénéfice des consommateurs. Il y a 60 banques au Canada, et vous avez dit qu’il y a un manque de concurrence. J’ai passé 35 ans dans l’industrie. Je peux vous dire qu’il y a beaucoup de concurrence. M. Brun, à côté de vous, détient 50 % du marché du crédit, et la recherche du profit n’est pas aussi agressive que celle des banques canadiennes.

Si je regarde les niveaux d’endettement des ménages au Canada, je ne pense pas qu’il y ait un manque de concurrence dans l’accès des Canadiens à l’argent. Pensez-vous que le système bancaire ouvert, compte tenu de vos propos, va aggraver la situation? J’aimerais ajouter quelque chose. L’argent est comme n’importe quelle boisson. La première gorgée est excellente. Dès la deuxième gorgée, l’effet commence à se faire sentir. Après trois gorgées, vous êtes malade.

M. Vronces : Je vous remercie de la question.

Le système va-t-il aggraver le niveau d’endettement du pays? Je n’en suis pas sûr. Les gens trouvent des moyens de joindre les deux bouts d’une manière ou d’une autre. Ce n’est pas parce qu’ils n’obtiennent pas de l’argent auprès d’une banque qu’ils n’en obtiennent pas d’un autre endroit, mais je pense que je préférerais vivre dans un pays où je peux obtenir un financement auprès d’une banque plutôt qu’auprès d’un prêteur sur salaire, juste à titre d’exemple.

Des économistes de partout dans le monde ont fait des recherches qui ont révélé que lorsqu’on a un système bancaire ouvert, non seulement la probabilité d’approbation d’un prêt augmente, mais le taux d’intérêt sur le prêt diminue. Je peux faire circuler un article d’un économiste qui a examiné le marché des prêts en Allemagne une fois que les Allemands ont pu partager leurs données financières.

Je pense que cela favorisera la concurrence à la marge. Même si le secteur financier peut sembler concurrentiel, si l’on s’en tient aux chiffres bruts, de nombreux obstacles structurels en place donnent des avantages aux cinq grandes banques que les autres n’ont pas. Je pense que cela se reflète dans beaucoup de données. Les banques canadiennes figurent toujours parmi les plus rentables au monde, que ce soit en période de prospérité ou de crise. Les Canadiens paient plus cher pour les comptes bancaires que leurs homologues d’autres pays.

Pour ce qui est de l’accès au crédit, les banques, en pourcentage total de leurs prêts, prêtent moins aux petites entreprises que le secteur financier en Italie, aux États-Unis, en France, au Royaume-Uni et au Japon. Le pourcentage de petites entreprises qui ont besoin d’une garantie pour obtenir un prêt, qui est souvent une garantie personnelle comme leur maison, est plus élevé au Canada que dans beaucoup de ces pays. L’écart entre les taux d’intérêt des petites et des grandes entreprises est plus élevé au Canada que dans la plupart des pays de l’OCDE.

La présidente : Nous avons dépassé le temps imparti, il faut donc terminer rapidement.

Le sénateur Loffreda : Nous oublions quel est le rôle principal des banques. Elles doivent s’assurer que lorsque vous déposez votre argent, cet argent est toujours à votre disposition. Leurs marges sont de 1 %. Elles ne travaillent pas avec des marges de 20 %.

Ce qui me préoccupe, d’après vos commentaires, c’est que si l’accès aux prêts devient beaucoup plus facile, même pour les petites entreprises, la gestion sera beaucoup plus difficile pour notre économie à l’avenir. Je pense qu’il faut faire preuve d’une certaine diligence pour obtenir ces prêts. Je tiens à ce que cela soit consigné dans le compte rendu.

[Français]

Le sénateur Gignac : Dans le domaine des valeurs mobilières, en 2008-2009, le gouvernement fédéral voulait créer une commission unique des valeurs mobilières et il a dû se retirer. Si on se penche sur ce point, il y a un organisme d’autoréglementation unique qui regroupe les différents acteurs et les différentes provinces. Est-ce ce genre de modèle que vous avez, avec une collaboration fédérale-provinciale? Est-ce que je comprends bien qu’il y aurait un rôle plus important dans un organisme d’autoréglementation où les institutions financières de compétence provinciale et de compétence fédérale travailleraient ensemble?

M. Brun : Merci pour la question. Absolument. Compte tenu de la Constitution et de la fédération dans laquelle on vit et qui existe toujours, il faut qu’un certain arrimage se fasse. Il y a des provinces qui veulent y participer. Le gouvernement fédéral aura un rôle à jouer, mais il faut un arrimage entre les structures provinciales, comme dans le cas du Mouvement Desjardins, qui doit avoir son régulateur pleinement reconnu, et non pas être aspiré par une nouvelle entité ou un nouveau régulateur qui sera en mode d’apprentissage pendant plusieurs années. On a besoin d’une collaboration; ils pourront travailler ensemble pour s’assurer d’avoir les mêmes normes, avec des degrés de protection qui sont les mêmes pour l’ensemble des Canadiens. Sans cet arrimage, tout cela est contre-productif. On aura un système à deux vitesses.

Le sénateur Gignac : Il y a aussi les compagnies d’assurance, et certaines sont aussi de compétence provinciale. Merci.

[Traduction]

Le sénateur C. Deacon : Monsieur Boms, pour que mes collègues du comité comprennent bien les risques liés au partage des données en lecture seule et ceux liés à la protection des paiements, lorsque l’on commence bien et que l’on va plus loin, et la réglementation prudentielle à mesure que l’on progresse et que l’on développe la concurrence, pouvez-vous nous dire, du point de vue des États-Unis, comment ces trois domaines de risque distincts sont gérés et comment ils sont liés à la section 16 ici?

M. Boms : Merci beaucoup, sénateur. Avec plaisir. Je vais essayer de le faire le plus rapidement possible, même si c’est un sujet très complexe.

L’organisme de réglementation des services financiers aux consommateurs des États-Unis est à la tête de la promulgation d’un système bancaire ouvert et piloté par le gouvernement aux États-Unis. Cela sera finalisé plus tard cette année. Ce système n’élimine pas la nécessité pour les banques fédérales et les banques non fédérales aux États-Unis de continuer à se conformer aux exigences en matière de gestion des risques par des tiers, ainsi qu’aux exigences réglementaires prudentielles.

L’une des questions soulevées, en particulier aux États-Unis à la suite des faillites bancaires du printemps dernier, est de savoir si le système bancaire ouvert pourrait, d’une manière ou d’une autre, faciliter un mouvement plus rapide de l’argent hors des banques en cas de panique. De l’avis général des organismes de réglementation américains, c’est l’argent du consommateur. Qu’ils se rendent dans une succursale bancaire, qu’ils se rendent sur le portail en ligne de la banque ou qu’ils utilisent un tiers pour retirer cet argent de leur compte, c’est leur droit légal. Il s’agit simplement de l’évolution de la façon dont les banques doivent gérer la liquidité au XXIe siècle, un peu comme lorsque les guichets automatiques ont été inventés dans les années 1960 et promulgués dans les années 1970.

Le sénateur C. Deacon : Pour être clair, la gestion des données et le passage à la modernisation des paiements sont des types de réglementation différents de la réglementation prudentielle, n’est-ce pas?

M. Boms : C’est tout à fait exact, sénateur.

La présidente : Merci, messieurs. Alexander Vronces, directeur exécutif de Fintechs Canada, Bernard Brun, vice‑président des Affaires gouvernementales du Mouvement Desjardins, et Steven Boms, directeur général de l’Association des données et technologies financières d’Amérique du Nord, je vous remercie de vos contributions.

Nous allons poursuivre à huis clos.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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