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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES BANQUES, DU COMMERCE ET DE L’ÉCONOMIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 25 septembre 2024

Le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie se réunit aujourd’hui, à 16 h 15 (HE), à huis clos, pour examiner un projet d’ordre du jour (travaux futurs) et étudier le projet de loi C-280, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (fiducie réputée — fruits et légumes périssables).

La sénatrice Pamela Wallin (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

(La séance se poursuit à huis clos.)

(La séance publique reprend.)

La présidente : J’aimerais d’abord vous présenter certains des membres qui sont présents aujourd’hui. Nous avons la sénatrice Bellemare — j’aimerais profiter de l’occasion pour affirmer publiquement que nous la remercions de ses nombreuses années de service au Sénat. Elle prendra sa retraite en octobre, mais elle restera avec nous et nous gardera dans le droit chemin d’ici son départ. Nous avons également avec nous aujourd’hui le sénateur Gignac, qui est déjà membre, mais qui remplacera dorénavant la sénatrice Bellemare au sein du comité directeur. Nous vous souhaitons la bienvenue et nous avons hâte de travailler avec vous. Nous avons également le sénateur Deacon, de la Nouvelle-Écosse, la sénatrice Martin, le sénateur Massicotte, la sénatrice Ringuette, merci, le sénateur Varone et le sénateur Yussuff. Nous souhaitons la bienvenue au sénateur Daryl Fridhandler de l’Alberta. Il s’agit de l’un de nos nouveaux sénateurs; il aura l’occasion de voir comment fonctionne la cuisine interne dans les comités. Nous vous souhaitons la bienvenue et nous sommes ravis que vous soyez là.

Nous entamons aujourd’hui l’étude du projet de loi C-280, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (fiducie réputée — fruits et légumes périssables). Nous avons le plaisir d’accueillir en personne l’honorable Brent Cotter, un sénateur de la Saskatchewan. Je vous remercie d’être là aujourd’hui. Nous espérions également accueillir le parrain du projet de loi, le député Scot Davidson. Malheureusement, il a eu un contretemps de dernière minute. Nous tenterons de l’inviter à un autre moment. Nous commencerons par le sénateur Cotter. Vous avez la parole pour vos remarques liminaires.

L’honorable Brent Cotter, à titre personnel : Je vous remercie, madame la présidente. Il s’agit de ma première, et peut-être de ma dernière, comparution en tant que témoin devant un comité sénatorial. Vous souhaiterez peut-être que je ne revienne jamais.

La présidente : Cela reste à voir.

Le sénateur Cotter : Je n’avais pas compris que je serais peut-être le premier témoin et je n’avais pas prévu parcourir le projet de loi dans le détail. Essentiellement, le projet de loi permet de créer un mécanisme artificiel, une fiducie réputée, afin de protéger les intérêts et les revendications des producteurs de fruits et de légumes lorsqu’ils vendent leur produit à une autre partie, souvent un détaillant, qu’ils n’ont pas été payés et que le détaillant fait faillite ou devient insolvable. Quand il y a des litiges sur la faillite et l’insolvabilité, ils ont tendance à se retrouver en bas de la liste de compensation des créanciers non payés. Le projet vise à les placer dans une situation plus favorable. Je tenterai d’expliquer exactement de quelle façon dans le cadre de mes brèves remarques. Puis, si je peux vous être utile avec mes observations, je serai ravi de répondre à vos questions.

Je souhaite d’emblée indiquer que j’appuie la version non amendée du projet de loi. Toutefois, si je devais recommencer du début, j’apporterais quelques petites modifications juridiques mineures. Comme je l’indiquais, il s’agit de déterminer dans quelle catégorie de créanciers non garantis se retrouvent les producteurs de fruits et de légumes dans les cas de faillites et d’insolvabilité. J’aimerais vous présenter certains points succincts. C’est seulement la pointe de l’iceberg puisque souvent, les entreprises qui deviennent insolvables ne passent pas par ce processus.

Souvent, les actifs sont saisis par les créanciers garantis et il n’y a pas de procédure formelle. En revanche, les particuliers qui deviennent insolvables doivent en quelque sorte faire le ménage, si je puis m’exprimer ainsi, avant de poursuivre leur vie. Les créanciers non garantis se retrouvent souvent en bas de la liste des demandeurs puisqu’il y a normalement peu d’actifs à liquider. Dans les cas d’insolvabilité, ça va de soi, il y a toujours plus de demandeurs que d’argent ou de valeur.

Pour les petits créanciers, l’insolvabilité de votre créancier exerce parfois de la pression sur vous, ce qui peut ensuite vous placer en situation d’insolvabilité. L’image que je vous donnerais pour illustrer la situation est la suivante : imaginez-vous des arbres qui tombent dans la forêt. Il se peut que les petits créanciers deviennent insolvables du fait qu’ils n’ont pas été payés par la personne qui vient d’être déclarée insolvable. Cela peut se produire dans le cas des producteurs de fruits et de légumes aussi. Ce qui se produit souvent, c’est que leur produit se mélange à d’autres. Imaginez-vous un camion rempli de carottes qui sont livrées et utilisées. Il est probable qu’elles se retrouvent mélangées aux carottes d’autres producteurs et que vous ne puissiez plus distinguer à qui appartiennent les carottes.

De plus, il existe aux États-Unis une protection à l’intention des producteurs de fruits et de légumes qui écoulent leurs produits de cette façon et dont les détaillants deviennent insolvables ou font faillite. Toutefois, puisqu’il n’y a pas de protection similaire au Canada, les Canadiens qui vendent leurs fruits et leurs légumes aux États-Unis n’ont pas accès à cette protection.

Le mécanisme proposé dans le projet de loi s’appelle « fiducie réputée ». Il est similaire à ce qui existe aux États-Unis. Laissez-moi vous expliquer brièvement comment fonctionne le mécanisme. C’est une fiction juridique dont le but est de « sécuriser » le droit de sûreté alors qu’on est en compétition avec d’autres créanciers commerciaux garantis et d’autres créanciers. Par ce mécanisme, les légumes que le producteur a vendus sont perçus comme lui appartenant toujours jusqu’au moment où il est payé. Le principe va plus loin. Pour ce qui est des recettes, si les légumes sont vendus par le détaillant, mais que le vendeur de départ, la personne que nous tentons de protéger, ne s’est pas fait payer, alors cette personne a un droit de sûreté dans l’argent détenu actuellement par le débiteur.

Normalement, les fiducies sont créées par des contrats ou des échanges, ou lorsqu’il y a un exécuteur testamentaire. Les relations fiduciaires sont décrites dans un ensemble de lois. Elles visent à accorder un droit au bénéficiaire de la fiducie — en l’occurrence, le producteur —, soit une part des biens qui ont été vendus ou des recettes générées par les légumes.

Dans le cadre des processus et des lois sur la faillite et l’insolvabilité, une partie des biens du débiteur est considérée comme n’appartenant pas au débiteur. Lorsqu’un fiduciaire de faillite vend des biens appartenant au débiteur en faillite afin de rembourser les créditeurs de manière générale, les biens ne sont pas remis au fiduciaire pour vente puisqu’ils appartiennent au producteur de fruits et de légumes.

Le même processus s’applique lorsque les banques financent les opérations de ces personnes. Les banques obtiennent un droit de sûreté sur le bien et donc, par définition, si la personne fait faillite ou le fiduciaire doit vendre une partie des biens, le bien dans lequel la banque a un droit de sûreté n’appartient pas au débiteur, mais plutôt à la banque. Vous comprendrez que ces droits de sûreté réduisent considérablement les actifs restants, mais améliorent à tout le moins le sort de la personne qui est considérée par le parrain du projet de loi et les membres de l’autre enceinte comme une personne vulnérable nécessitant une protection accrue.

La fiducie réputée est un document qui présente des défis et je peux parler des problèmes qui peuvent se poser. Je dirais également que le processus crée des perdants. En effet, la quantité d’actifs pour les autres personnes est réduite puisque, si la fiducie fonctionne, ces actifs iront aux producteurs de fruits et de légumes et il en restera moins pour les autres personnes.

L’une des difficultés dans le droit de la faillite, c’est d’établir une structure de distribution équitable. Ce n’est pas la meilleure façon de faire que de parachuter un petit groupe de personnes par l’entremise d’un projet de loi et de demander de les inscrire plus haut sur la liste. Il faudrait réfléchir à la question davantage. La présidente se rappellera peut-être mon souhait que cette question soit étudiée par le comité.

Je vais m’arrêter ici. Je serais ravi de répondre à vos questions.

La présidente : Je vous remercie. Je me rends compte que vous vous retrouvez à devoir tout expliquer et vous le faites. C’est merveilleux.

[Français]

Le sénateur Gignac : Merci au témoin, notre collègue le sénateur Cotter.

Dans son mémoire, le Bureau du surintendant des faillites (BSF) a exprimé des inquiétudes par rapport à ce projet de loi. L’une d’elles, c’est qu’il pourrait y avoir des conséquences imprévues et négatives, comme l’augmentation du coût d’emprunt et le taux d’intérêt que les banques vont imposer, car tout à coup ils ne seront plus les premiers.

J’ai deux questions. Quelle est votre réaction au mémoire du surintendant des faillites par rapport au projet de loi C-280? Il a beaucoup de réserves et il suggère de ne pas aller de l’avant.

[Traduction]

Le sénateur Cotter : Le point que soulève le surintendant — je ne suis pas familier avec les sujets qu’il a abordés... Ces renseignements ne m’ont pas été transmis. Ce n’est pas illégitime, comme argument. Mais le processus implique de nombreux joueurs et si quelqu’un obtient plus, cela se fait au détriment de quelqu’un d’autre. Et s’ils ont besoin de protections, ils factureront peut-être des intérêts plus élevés.

L’avantage qu’ont les prêteurs commerciaux ici — ils retiennent presque toujours un droit de sûreté considérable —, c’est qu’ils sont mieux placés pour évaluer le risque, par exemple, qu’une petite équipe qui tente de vendre ses fruits et ses légumes, des biens périssables. De plus, ils ont un certain pouvoir de négociation et peuvent dire que si le niveau de risque est établi à tel seuil, même s’ils s’apprêtaient à vous facturer 5,25 %, ils vous factureront plutôt 5,3 %. Ils sont en mesure de gérer le risque.

L’autre chose aussi, et je pense que je dirais que cette demande n’est pas illégitime de la part du surintendant des faillites, c’est qu’il existe une structure établissant l’ordre de priorité des demandes dans les cas de faillites, ou quelque chose du genre. La proposition actuelle vient en quelque sorte bousculer cet ordre. Il faut donc agir en gardant en tête une certaine philosophie. En fait, je ne suis pas inquiet pour les banques et les institutions financières. Je suis inquiet pour les gens tout juste en dessous qui en recevront un peu moins. C’est là l’inconvénient du projet de loi. Je ne connais pas très bien les producteurs de fruits et de légumes, de biens périssables, mais j’ai l’impression qu’ils sont pour la plupart plus près du bas de la liste, avec les employés, les petits créanciers et les autres petits joueurs.

J’ai beaucoup travaillé dans ce domaine relativement aux employés, pour tenter de faire en sorte qu’ils s’en sortent un peu mieux lorsqu’ils ne sont pas payés et que l’entreprise fait faillite. Sur le plan philosophique, je suis favorable aux efforts déployés pour essayer de faire en sorte que — je vais les appeler ainsi — les « petits créanciers » obtiennent une plus grande part du gâteau. Je ne suis pas autant préoccupé par le point que le surintendant des faillites et vous avez soulevé concernant des personnes qui se retrouveront dorénavant un peu plus au bas de la liste. Comme vous le savez peut-être, à propos des créanciers ordinaires qui n’ont pas de préférence, ils obtiennent de piètres résultats au moment de recouvrer ce qui leur est dû.

Le sénateur Gignac : Je comprends, mais si jamais ce projet de loi est adopté, quelle est la prochaine étape? Les agriculteurs, les pêcheurs et les autres vont plus ou moins demander la même chose.

[Français]

En français, on dit que si c’est bon pour minou, ce sera bon pour pitou.

[Traduction]

Nous ouvrons la porte à de nombreuses autres initiatives comme celle-ci qui pourraient changer les règles du jeu au Canada si nous nous comparons aux États-Unis, par exemple.

Le sénateur Cotter : C’est entièrement possible. Je ne pense pas que ce soit vraiment un argument pour ne pas le faire, mais que c’en est un pour essayer de penser de façon globale et organisée dans le but de déterminer si nous avons les bons impératifs de politique publique afin d’appuyer A par rapport à B et à C, et j’ai de réelles réserves à ce sujet. Comme je l’ai dit, c’est pour les employés — c’est vraiment sous cet angle que j’aborde la question. Je commence par penser aux travailleurs, c’est-à-dire l’aspect auquel j’ai déjà consacré beaucoup de temps. Bien franchement, ces outils sont fragiles et pourraient ne pas fonctionner. Cette confiance pourrait s’effriter. Il y a des lacunes. Je suis un peu nerveux lorsque le sénateur Fridhandler commence à poser des questions. J’ai l’impression qu’il aurait une connaissance approfondie de la question. Il ne faut pas grand-chose pour rater la cible en ce qui a trait à la fichue confiance, comme on l’a vu avec les efforts déployés pour les hypothèques et les fiducies réputées à l’échelle provinciale. Je préférerais une approche plus globale. Je pense que c’est bon pour aider un petit secteur, mais vous avez raison de dire que cela en encouragera d’autres à penser de la même façon.

Le sénateur C. Deacon : Merci d’être parmi nous, sénateur Cotter. Vous n’êtes peut-être pas un expert de la loi sur la faillite. Je sais très bien que je n’en suis pas un, mais vous en avez une bien meilleure connaissance que moi.

J’entends parler de ce problème depuis le moment où je suis devenu membre du Comité de l’agriculture il y a six ans. Je ne siège plus à ce comité, mais c’est une de ces choses que l’on remet toujours à plus tard. Les producteurs de denrées périssables dans le secteur agricole sont dans une position très différente de ceux qui produisent des denrées non périssables. Je suis très sensible à leur problème.

J’ai regardé le projet de loi pour la première fois récemment. Je me demande si vous connaissez d’autres méthodes qui auraient pu être retenues. Par exemple, en affaires, j’ai utilisé l’assurance d’Exportation et développement Canada, pour protéger mes créances, au pays et pour les exportations. Connaissez-vous des solutions de rechange qui ne présentent peut-être pas les problèmes dont vous parlez?

Le sénateur Cotter : Je pense qu’il y a deux côtés à cette équation, si je peux me permettre. Le créancier peut-il s’assurer lui-même, par exemple? Peut-il prendre des mesures pour être mieux protégé? Il peut obtenir une sûreté avec la propriété. Il n’a pas nécessairement besoin de la loi pour le faire. Bien franchement, je pense que la raison pour laquelle le projet de loi le propose, c’est parce que, en général, ces créanciers n’ont pas la capacité de le faire. En tant que créancier dans ce genre d’équation, des questions sont soulevées à propos du pouvoir sur le marché, et on se demande si on peut faire des choses pour exercer ce pouvoir ou se prévaloir des genres d’autoprotection que vous avez décrits.

D’autres mécanismes — nous parlons ici de mécanismes législatifs — sont possibles. Ce qui est paradoxal par rapport à certains de ces mécanismes, c’est que le gouvernement du Canada n’hésite pas à imposer des superpriorités pour protéger son argent. Je n’entends pas le surintendant des faillites demander pourquoi les paiements d’impôts se retrouvent en tête de liste. C’est ce qui se produit en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu. C’est un des arguments pour déterminer qui mérite plus et qui mérite moins.

Vous pourriez adopter d’autres outils encore plus puissants. Vous pourriez choisir — je n’aime pas plus l’idée — le mécanisme du Programme de protection des salariés, qui dit que le gouvernement va intervenir et mettre de l’argent dans vos poches, et on peut ensuite contester la réclamation pour vous, comme ce qui se fait pour les travailleurs. Cela couvre une petite partie du projet, mais il me semble qu’il est étrange que le gouvernement du Canada tire essentiellement d’affaire certaines des personnes qui perdent de l’argent dans cet exercice. Je ne suis pas particulièrement emballé par ce modèle. En tant qu’employé, on ne reçoit pas grand-chose du montant que le Programme de protection des salariés ne couvre pas. Les chiffres sont affreusement faibles.

Il faut en partie utiliser d’autres outils législatifs. Je pense qu’il y en a certains qui sont un peu plus solides que la fiducie, mais tous ces outils font en sorte que le bénéficiaire, peu importe de qui il s’agit, se retrouve plus haut sur la liste, et dans un jeu à somme nulle, quelqu’un se retrouve plus bas.

Le sénateur C. Deacon : Sénateur Cotter, en résumé, vous avez l’impression que c’est imparfait, mais c’est important, c’est un pas dans la bonne direction, et de manière générale, vous voyez cela comme une bonne mesure pour aller de l’avant, n’est-ce pas?

Le sénateur Cotter : En effet. Je dirais que oui. Je ne m’étais pas perçu comme le principal défenseur du projet de loi, mais j’ai exprimé mon appui et j’en ai parlé avec le sénateur MacDonald.

Le sénateur C. Deacon : Vous êtes-vous rendu aux États-Unis?

Le sénateur Cotter : Oui. Nous avons rencontré certains membres du Congrès, et ils étaient très enthousiasmés par le fait que nous pourrions faire cela comme une sorte de mesure de réciprocité. Leur mécanisme pour donner accès à une fiducie réputée afin que les Canadiens aux États-Unis puissent se servir du même système est un mécanisme administratif. Ils n’ont pas besoin d’une mesure législative. Ce qu’ils nous ont dit, c’est que dans les mois qui suivent l’adoption de ce projet de loi, ils pourraient activer cette protection aux États-Unis.

Le sénateur Massicotte : Merci de votre présence parmi nous. C’est une de vos dernières fois. Vous allez tous nous manquer.

Au début de ma vie professionnelle, j’ai beaucoup travaillé dans le domaine des faillites, et ce que vous dites, c’est ce que nous avons vu et ce que nous continuons de voir tout le temps. Tout le monde soutient que leur responsabilité ou leur risque est plus important que la responsabilité ou le risque des autres. J’ai beaucoup de difficultés avec cela. Je le vois ici constamment. Les gens viennent et disent qu’ils veulent être en tête de file. Ce qu’il faut se demander, c’est pourquoi? Pourquoi eux? Je peux nommer des centaines de personnes. Pourquoi pas le boucher? Sa viande va pourrir en l’espace de trois ou quatre jours. J’ai un peu de mal à adopter une approche fragmentaire et à essayer de protéger certains secteurs plutôt que de procéder comme vous l’avez recommandé. Si quelqu’un veut réaliser une vraie étude, nous devrions consulter une liste de créanciers et voir qui a la priorité.

L’argument, si on le laisse tel quel, est artificiel. Quatre-vingt-dix pour cent des représentants du secteur des faillites ne reçoivent pas un sou et ne sont pas protégés. Par conséquent, on peut discuter de ce qui est fait avec les légumes, mais cela n’a pas d’importance. Ce n’est plus leur argent. Ils partiront les poches vides, et je suis certain qu’ils le comprennent.

Comment puis-je appliquer mon esprit logique à cette réponse? Je ne pense pas pouvoir. Mon argument est que j’ai l’impression que cela créerait une autre iniquité plus importante que celle que nous voyons actuellement. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?

Le sénateur Cotter : Je pense que vous avez probablement raison. Il y a des inconvénients à cela, car des personnes qui obtenaient peut-être un petit quelque chose en obtiendront moins parce que ces autres personnes reçoivent aussi quelque chose. Il y a une certaine équité pour les personnes qui travaillent fort, qu’il s’agisse de travailleurs ou de personnes qui cultivent des légumes et les vendent au marché. Nous devons essayer de réfléchir à ce que j’ai appelé l’argument de la politique publique, aux personnes qui méritent une plus grande protection et à celles qui en méritent moins dans un système public de distribution des biens et dans les cas d’insolvabilité.

À quel point est-ce risqué pour la personne qui ne se fait pas payer? En adoptant le point de vue d’un employé, je peux vous dire que beaucoup de ces personnes vivent au jour le jour et se servent de leur chèque de paye pour payer les dernières factures. S’il leur manque un chèque de paye, elles sont en difficulté. Peut-on, et devrait-on, se protéger soi-même de certaines façons, alors qu’on ne le fait pas? Eh bien, je ne serais pas aussi favorable à cela alors. Y en a-t-il d’autres qui peuvent mieux assumer le risque? Toutes ces choses sont des critères à retenir pour essayer de déterminer quelles sont les personnes qui méritent plus d’être protégées et celles qui le méritent moins, sans dire — comme nous le faisons ici de manière sous-optimale — que parce que ces personnes sont venues parler aux parlementaires, nous les mettons un peu plus haut sur la liste. Je n’aime pas beaucoup cette approche, mais j’ai l’impression que nous n’essayons pas l’autre approche, et s’il y a une certaine équité pour ces personnes, je serais favorable à cela.

Si je restais ici un peu plus longtemps et que vous m’invitiez à témoigner un peu plus, je rassemblerais tout ce que nous faisons au Sénat, peu importe de quoi il s’agit, et je l’enverrais à la sénatrice Wallin pour faire une vraie étude et voir à quoi le cadre devrait ressembler pour l’améliorer.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Merci d’être avec nous. C’est un plaisir.

J’aimerais revenir à la relation avec les États-Unis. Je ne suis pas certaine d’avoir bien compris. Ce que j’en comprends, c’est qu’aux États-Unis, il y a un mécanisme qui protège l’industrie des fruits et légumes, mais ce n’est pas encadré dans une loi; c’est plutôt une pratique. Actuellement, les fournisseurs canadiens qui vendent aux États-Unis ne bénéficient pas de cette pratique, parce qu’il n’y a pas de réciprocité. Ce projet de loi vise à modifier la Loi sur la faillite et l’insolvabilité pour introduire une pratique dont pourraient également profiter les fournisseurs américains qui, à ce moment-là, bénéficieraient de notre pratique. Puisqu’il s’agirait d’une loi, ils pourraient éventuellement transformer leur pratique sous une forme légale. Ai-je bien compris?

[Traduction]

Le sénateur Cotter : Il faudrait que je revienne en arrière et que je me rafraîchisse la mémoire à propos de la structure juridique des moyens qui seraient utilisés à cette fin aux États-Unis. D’après ce qu’on m’a décrit, c’est autorisé conformément à la Perishable Agricultural Commodities Act. C’est donc législativement encadré. Pour ce qui est du mécanisme administratif qui permet aux Canadiens de s’en servir, je ne connais pas assez la façon dont cela fonctionne. Il y avait trois ou quatre parlementaires là-bas, et je pense que la sénatrice Robinson et moi étions les seuls sénateurs présents. Nous avons discuté de différentes choses, mais dans ce cas-ci, les membres du Congrès étaient très enthousiastes, et nous avons ensuite rencontré les représentants de leur département de l’Agriculture, et je pense que c’était des gens relativement haut placés. Il me semblait que les gens à qui nous parlions avaient le pouvoir de recommander cela ou de le mettre en œuvre, et ils ont laissé entendre que cette mesure législative serait conforme à leurs attentes en matière de réciprocité pour protéger les fournisseurs américains au Canada et qu’ils accorderaient la même protection aux fournisseurs canadiens aux États-Unis. À mon avis, ce serait plus avantageux pour les Américains au Canada que pour nous au sud de la frontière, car je ne sais pas combien de pamplemousses nous expédions là-bas. Probablement pas beaucoup. Mais c’était le modèle et le moyen utilisé à cette fin. D’après ce qu’on m’a décrit de vive voix — il n’y avait rien par écrit —, un règlement n’était même pas nécessaire. Il fallait juste un acte administratif de la part d’un administrateur principal.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Ma prochaine question concerne les relations avec les provinces. Est-ce que l’adoption de ce projet de loi aurait une incidence sur les processus législatifs dans les fiducies à l’échelle des provinces?

[Traduction]

Le sénateur Cotter : Le paragraphe 81.7(6) proposé indique que les lois d’application générale relatives aux fiducies en vigueur dans la province ne seraient pas touchées. Le rédacteur a le mérite de ne pas vouloir empiéter sur les compétences provinciales, mais franchement, d’une certaine manière, c’est un peu le problème, car le droit général des fiducies est l’un de ceux qui font obstacle à l’efficacité de cette loi. Pour vous donner un petit exemple, de la manière dont elle est structurée, la fiducie n’entre en vigueur que lorsque le producteur de fruits et légumes affirme qu’il aimerait que la fiducie entre en vigueur. Mais à ce moment-là, la banque n’a pas encore eu le temps de s’occuper de la fiducie. Mais à ce moment-là, les sûretés de la banque sont déjà attachées à la propriété. Le modèle fait qu’il est potentiellement trop tard. Si le bien appartient déjà à la banque, la fiducie ne peut pas fonctionner. Voilà donc un exemple technique. Parce que cette loi dit que nous ne touchons pas aux règles de fonctionnement du droit provincial relatives aux fiducies, ces règles restent en place. C’est ainsi que l’on conçoit le droit de la propriété. Si, par le biais de la sécurité, un bien appartient à quelqu’un d’autre, il ne peut pas vous appartenir.

Le sénateur Yussuff : Sénateur Cotter, je tiens tout d’abord à vous remercier pour votre présence.

J’ai un certain nombre de questions à poser. Je reconnais le problème, mais nous n’avons pas entendu le parrain du projet de loi. Il n’est pas présent. Ma première question est la suivante : quel est le problème que nous essayons de résoudre avec ces amendements? C’est la question fondamentale. S’il s’agit d’un problème important, il est évident que nous devons essayer de le traiter de manière beaucoup plus intensive.

D’autre part, nous essayons d’intégrer tout cela. Mon expérience en matière de droit des faillites a été la plus frustrante. Depuis des générations, les travailleurs lisent ce qu’il est advenu de leurs pensions, de leurs salaires, de leurs congés payés et de leurs indemnités de licenciement. La liste est longue. Pendant longtemps, il n’y a rien eu jusqu’à ce que nous obtenions le Programme de protection des salariés, qui était un palliatif, puis, plus récemment, la modification fondamentale des lois sur les faillites pour leur accorder la priorité dans le contexte des régimes de retraite.

Je ne comprends pas pourquoi il ne pourrait pas y avoir un autre projet de loi, comme celui sur les créanciers étrangers, pour essayer de traiter cette question d’une manière plus saine, qui rendrait justice à la réalité, si le problème est important, lorsque les producteurs de baies ou de légumes rencontrent des difficultés en matière de paiement. Ils seraient en mesure d’amener le gouvernement fédéral à dire que nous devons concevoir un meilleur mécanisme que la faillite. Je trouve la situation actuelle problématique.

Je reconnais également que lorsque les administrateurs tentent d’administrer les priorités, cela absorbe une grande partie des actifs. L’histoire nous a appris que si vous êtes déjà petit et que vous essayez d’obtenir de l’argent insignifiant, vous en obtiendrez encore moins lorsque ces personnes interviendront. L’histoire a montré que les syndics ont leur propre façon d’opérer l’accès à la faillite pour ce à quoi vous pourriez avoir droit en vertu de la loi.

Je suis frustré d’essayer de comprendre, étant donné l’importance de ce que je crois que quelqu’un a cerné comme un problème. Je ne sais toujours pas quelle est l’ampleur du problème et combien d’agriculteurs sont confrontés à ce problème d’une année sur l’autre. Pourriez-vous nous éclairer à ce sujet? Avez-vous des réponses?

Le sénateur Cotter : Pour être honnête, je ne peux pas vous éclairer sur la question du quantum, de la taille et de l’importance de cette affaire. Je suis parti du principe que ces personnes sont vulnérables. Cela s’explique en partie par le fait qu’ils ne prennent pas de garanties comme le font les créanciers plus influents.

En fait, j’ai abordé la question d’une manière plus proche du parallèle avec les travailleurs. J’ai donné un cours sur le droit des faillites pendant un certain temps, ainsi qu’un cours sur le droit du travail à l’alma mater du sénateur Fridhandler, et j’ai écrit sur les employés qui tentent de récupérer leur salaire, principalement dans le contexte de l’insolvabilité de l’employeur. En fait, nous avons intitulé un chapitre d’une centaine de pages, un chapitre assez ennuyeux, « Recouvrement de la paye ». Connaissez-vous le film Luke la main froide? À la fin du film, le directeur dit à Paul Newman, qui s’est enfui de la prison — je n’ai pas très bien l’accent —, « Ce que nous avons ici, c’est un défaut de communication ». Puis ils tirent sur M. Newman. Je voulais que le chapitre s’intitule ainsi : « Ce que nous avons ici, c’est un défaut de rémunération », car cela correspond exactement à la réalité, selon moi.

Les provinces, parce qu’elles ont l’autorité en matière de propriété et de droits civils, peuvent le faire, et les droits de propriété ont tendance à s’intégrer facilement dans les lois sur la faillite, à moins qu’il n’y ait un conflit important. Les provinces de tout le pays ont essayé de trouver des mécanismes pour protéger les salaires des travailleurs lorsqu’ils ne sont pas payés. Presque tous ces mécanismes se heurtent aux problèmes liés à la manière dont nous concevons traditionnellement la propriété en droit commercial, à savoir que vous pouvez avoir une hypothèque réputée par le gouvernement provincial sur votre salaire, mais que le jour où vous êtes payé, l’hypothèque tombe et les droits de propriété de la banque s’étendent à tous les biens. Le lundi, lorsque vous reprenez le travail, tous les biens sont désormais garantis par la sûreté du prêteur commercial. Ce n’est pas un mal. Il s’agit d’un exercice légitime visant à protéger un investissement significatif, car, sans capital, de nombreuses entreprises ne pourraient jamais voir le jour. Il s’agit d’un moyen déterminé par lequel le droit de propriété conventionnel s’oppose à ces réclamations. Il est possible de créer des priorités en matière de faillite qui peuvent fonctionner.

La sénatrice Martin : Je vous remercie, sénateur. Je note d’abord qu’il est un peu inhabituel d’entendre votre témoignage avant celui du parrain du projet de loi dont il est question aujourd’hui.

Je sais, d’après ce que vous avez dit en réponse à une question précédente, que vous voyez les avantages de ce projet de loi et que vous le soutenez. Je sais que différents problèmes ou questions ont été soulevés, mais je voulais me concentrer sur les aspects positifs. J’ai une telle admiration pour nos agriculteurs et les cultivateurs de tout le pays. Je ne peux imaginer les défis auxquels ils sont confrontés chaque jour, avec l’augmentation des coûts d’exploitation, l’inflation, et ainsi de suite. Pourriez-vous expliquer plus en détail le soutien que vous apportez à ce projet de loi, les aspects positifs, la manière dont ce projet de loi contribuera à soutenir les économies locales et à protéger les petites exploitations agricoles? Vous avez mentionné les États-Unis, mais comment l’adoption de ce projet de loi aidera-t-elle la compétitivité des vendeurs de produits canadiens sur le marché international au-delà des États-Unis? Je souhaite me concentrer sur les aspects positifs, sur les raisons pour lesquelles vous appuyez ce projet de loi.

Le sénateur Cotter : Permettez-moi de commencer par la dernière partie, sénatrice Martin.

La possibilité d’accéder à des mesures de protection équivalentes en cas d’insolvabilité aux États-Unis atténue le risque pour les producteurs qui exportent leurs produits aux États-Unis. Cela ne résout pas leur problème, mais c’est un endroit un peu plus sûr pour vendre sans garantie, sans être payé immédiatement et sans avoir à s’inquiéter de la viabilité financière des consommateurs qui achètent votre produit. Nous avons tellement de conflits dans le monde du commerce entre le Canada et les États-Unis, et je pense qu’il s’agit là d’un petit rameau d’olivier sain, d’une relation constructive.

En ce qui concerne les avantages pour les producteurs de fruits et légumes de produits périssables à l’échelle nationale, cela améliore leur place dans le système de réclamation et, dans une certaine mesure, réduit le risque qu’ils soient eux-mêmes confrontés à des problèmes financiers et à l’insolvabilité lorsqu’ils ne sont pas payés. Franchement, je m’inquiète pour la foule de petits créanciers qui sont vulnérables dans de telles circonstances.

J’ai remarqué que vous avez parlé de cette question en termes plus humains. Comme je crois l’avoir dit au sénateur Yussuff, je ne sais pas quelle est l’ampleur du problème. Pour être honnête, je ne sais pas si, dans certaines circonstances, un grand producteur de fruits et légumes pourrait en bénéficier. Je m’inquiète moins pour eux, parce que je m’inquiète davantage de l’inégalité. Je m’inquiète pour ceux que vous décrivez. Cela leur donne une meilleure place dans le système de réclamations, réduit quelque peu leur risque et leur donne un peu plus de confiance pour vendre. Ils peuvent prendre plus de risques en ce qui concerne la quantité de marchandise produite, et par rapport aux potentiels acquéreurs. Rien n’est garanti, mais je pense que c’est un meilleur environnement pour eux.

La sénatrice Martin : Je vous remercie.

Le sénateur Varone : Bien que j’éprouve une grande sympathie pour les agriculteurs, et je vous remercie d’être ici, je demeure dubitatif à propos de ce projet de loi. Permettez-moi de vous faire part de mes observations à ce sujet.

L’ajout des fruits et légumes en tant que fiducie présumée, comme on l’a dit, entraînera une augmentation des pertes pour tous les autres créanciers, dont beaucoup sont de nature similaire en termes de production agricole, parce qu’il y a des fournisseurs de viande, de produits laitiers et de fromage. Où s’arrête cette pente glissante? Il s’agit d’un traitement exceptionnel pour un petit groupe précis. Le projet de loi ne fournit aucune preuve ou information de base permettant de déterminer si ce groupe a subi un préjudice injuste ou des pertes par rapport à d’autres producteurs agricoles similaires qui ne sont pas inclus dans ce projet de loi. Je crains que la pente glissante du classement des créanciers ne compromette le traitement fondamental et équitable de tous les créanciers similaires en vertu de la loi. Lorsque vous commencez à créer ce classement, rien de bon n’en découle. Vous rendez alors inutile ce que la fiducie présumée était censée être.

Dans le secteur de la construction et de l’hôtellerie, mais pas dans l’alimentation ni l’agriculture, lorsque nous achetons nos fruits et légumes au marché, il n’y a pas de crédit. Nous allons aux terminaux et nous devons payer sur place. La chaîne d’approvisionnement est longue, car même si nous achetons aux terminaux, d’autres personnes achètent chez Costco et d’autres chez Loblaws. Quel que soit l’endroit où vous achetez, la partie inférieure de la chaîne n’a pas de crédit. Comment se fait-il que le crédit soit un problème dans la partie primaire de la chaîne d’approvisionnement, de la ferme au terminal et du terminal aux fournisseurs? Le problème n’est-il pas plutôt le crédit et la manière dont il est géré tout au long de la chaîne d’approvisionnement?

Le sénateur Cotter : Le sénateur Varone a eu l’amabilité de poser cette question lorsque nous avons discuté plus tôt dans la journée, et je suis en grande partie d’accord. Je ne connais pas les données empiriques, et j’ai essayé d’être transparent à ce sujet. Mon opinion sur ce projet de loi est qu’il existe des inégalités considérables pour les grandes collections de créanciers non garantis, et qu’il s’agit d’une contribution mineure pour remédier à ces inégalités. C’est là que se situe ma sympathie. Je ne suis pas producteur de fruits et légumes ni agriculteur d’aucune sorte. J’ai siégé au Comité de l’agriculture avec le sénateur Deacon, mais je suis venu pour douter et je suis resté pour prier, en essayant d’en savoir plus sur l’agriculture. Je suis venu ici pour voir quels sont les outils juridiques qui peuvent être utilisés pour tenter d’atténuer ces inégalités. Ma réflexion allait tout à fait dans ce sens. Je ne connais même pas la manière dont les producteurs de fruits et légumes organisent leur crédit, et peut-être que beaucoup ne le font pas, mais cela me semble être une modeste amélioration pour quelqu’un qui pourrait facilement être en danger s’il n’était pas payé.

Le sénateur Fridhandler : Avant de poser ma question spécifique, je voudrais juste dire que c’est un honneur unique pour moi de poser ma première question en tant que sénateur à un ancien professeur de droit de la faculté que j’ai fréquentée de 1980 à 1983, avant qu’il ne prenne sa retraite.

Je suis d’accord avec les remarques concernant l’inégalité potentielle des autres producteurs de denrées alimentaires. Les pêcheurs, les éleveurs de bétail et les producteurs de volaille devraient manifester dans la rue parce qu’ils ne sont pas inclus dans le présent projet de loi, et c’est un problème important.

Vous avez également parlé de la gestion des risques par rapport à ces acteurs. J’aimerais connaître votre avis sur la question de savoir si l’intégration d’un plafond financier à la protection serait une solution pour l’élargir et protéger les personnes vulnérables? Cela existe-t-il aux États-Unis?

Le sénateur Cotter : En tout cas, lorsque j’ai jeté un coup d’œil à la situation actuelle aux États-Unis, je n’ai rien vu de tel, sénateur.

Je pense qu’un plafond financier peut être proportionné à la taille de la demande et à ce qui est sur la table comme une possibilité distincte. Dans une certaine mesure, c’est exactement ce qu’a fait le régime de protection des salariés. Il ne vous rend pas entier, mais il vous rend partiellement entier, et il y a de fortes chances que vous ne soyez jamais plus entier que cela. Il existe des outils et des mécanismes pour y parvenir.

Il est peut-être vrai que j’aurais dû accorder plus d’attention à ce projet de loi lorsqu’il a été initialement formulé à l’autre endroit. Franchement, on ne sait jamais ce qui nous attend. J’aurais peut-être dû profiter de l’occasion, et j’y ai pensé, pour vous fournir un exemple de tentative d’atteindre d’autres égalités ici, pour prendre le projet de loi que le sénateur Yussuff défendait en ce qui concerne la garantie des pensions et dire qu’il faut également ajouter les salaires des personnes dans ces circonstances. J’ai pensé que cela ne ferait pas exploser le projet de loi, mais que cela le rendrait beaucoup plus difficile.

Il existe des outils qui pourraient répondre à ce que vous décrivez. Ce projet de loi ne le fait pas; il ne va pas aussi loin. C’est peut-être une solution pour éviter qu’une personne obtienne tout ce qui est prévu par la loi et que tous les autres reculent un peu. Cela pourrait être un outil. Si ce projet de loi s’attaque à un type d’inégalité, mais en crée d’autres, il y a peut-être un moyen de créer un atterrissage en douceur pour les autres, si je peux m’exprimer ainsi.

Comme d’habitude, les idées des étudiants sont meilleures que celles du professeur.

Le sénateur Fridhandler : J’aimerais simplement éclaircir un point. Je pense que vous avez dit que vous souteniez l’intention de ce projet de loi par rapport à ce qu’il vise. Je sais que les données empiriques ne sont pas là et que beaucoup de choses manquent. Juste pour confirmer, d’après ce que vous avez entendu en matière de questions que nous avons abordées, soutenez-vous ce projet de loi dans son intégralité, tel qu’il a été présenté?

Le sénateur Cotter : Le projet de loi ne fait qu’une chose, donc la réponse est oui, je le soutiens. Je pense toutefois qu’il pourrait être amélioré. En particulier, dans des cas comme celui-ci, qui est un projet de loi émanant d’un député de l’autre endroit, les amendements ont tendance à faire mourir le projet de loi quelque part. Je préférerais qu’il aille quelque part plutôt qu’il n’aille nulle part.

La présidente : Je pense qu’il s’agit là d’un élément important pour comprendre le fonctionnement de notre système.

La sénatrice Ringuette : Merci, chers collègues, pour vos excellentes questions. Je souhaite également remercier le sénateur Cotter pour ses excellentes réponses.

Vous insistez beaucoup sur les principes fondamentaux de ce projet de loi en ce qui concerne la rémunération des travailleurs du secteur des fruits et légumes. Il n’y a aucune garantie dans ce projet de loi que le groupe des fruits et légumes dans cette situation de fiducie présumée prendra l’argent qu’il recevra de cette fiducie pour payer les salaires de ses employés. Cela figure-t-il dans le projet de loi?

Le sénateur Cotter : Eh bien, non. Je pense que la réponse à cette question est non. L’idée de ce projet de loi serait d’aider les producteurs de fruits et légumes qui ont une entreprise — il pourrait s’agir d’une personne, mais vous pourriez avoir un grand nombre de travailleurs — à obtenir les revenus escomptés en payant leurs factures et à maintenir leur solvabilité afin que, dans le cours normal des choses, ils paient leurs travailleurs. S’ils ne paient pas leurs travailleurs, il faut suivre un autre processus, et j’ai un chapitre dans le livre qui peut en parler. N’oublions pas non plus le travail que le sénateur Yussuff et d’autres ont fait dans le domaine de la faillite et de l’insolvabilité pour créer un atterrissage plus en douceur pour eux. Il n’y a rien dans ce projet de loi qui dise, une fois que le producteur de fruits et légumes est payé, ce qu’il doit faire avec l’argent. Normalement, les revenus entrent, et vous payez vos factures.

La sénatrice Ringuette : Il faut admettre que l’autre groupe de producteurs qui se retrouvent au bas de la liste, avec les producteurs de fruits et de légumes, en obtient moins. Ils seront donc moins en mesure de payer les salaires de leurs employés.

L’absence de données me pose problème. Nous n’avons pas de données sur ce qui se passe au Canada. Je suis de très près les finances et les affaires au Canada, et j’essaie de me souvenir d’une situation de faillite où les producteurs canadiens de fruits et légumes risquaient de ne pas être payés. J’essaie de trouver un exemple, mais il n’y a pas de données.

Le sénateur Deacon a proposé une bonne solution. Nous devons tenir compte du coût de l’assurance d’Exportation et développement Canada pour les produits, quels qu’ils soient, par rapport au coût supplémentaire que le secteur bancaire impose à ces entreprises.

La présidente : Il vous reste moins d’une minute, sénateur Cotter.

La sénatrice Ringuette : Où se trouve le juste milieu?

Le sénateur Cotter : Tout ce que je peux dire, c’est que, d’après mon expérience, qui n’a d’ailleurs rien à voir avec les producteurs de fruits et légumes, ce sont toujours les banques qui gagnent. Ce sont elles qui sont les mieux placées pour gérer les risques. Si je songeais à amender ce projet de loi, j’essaierais d’inscrire ces autres petits joueurs également plus haut sur la liste, au lieu de trop m’inquiéter du risque que les taux d’intérêt augmentent de trois points.

La sénatrice Ringuette : Vous suggérez donc que le projet de loi soit amendé de façon à ce que toutes les personnes qui se retrouvent au bas de la liste soient traitées avec équité en cas de faillite.

Le sénateur Cotter : Oui. Cependant, comme la présidente l’a souligné, il y a une certaine naïveté là-dedans. Nous faisons face à cette situation régulièrement lorsque nous sommes saisis de projets de loi d’initiative parlementaire. Certes, cette mesure législative pourrait être bien meilleure, mais à force de l’améliorer, on risque de se retrouver avec rien. J’ai une série d’amendements, mais je crains simplement qu’ils ne...

La sénatrice Ringuette : Allez-vous les présenter?

Le sénateur Cotter : La plupart d’entre eux figurent déjà dans le projet de loi.

La présidente : Nous nous sommes retrouvés dans cette situation à maintes reprises, et nous finissons par adopter des mesures législatives fragmentaires parce que c’est ce qui est faisable.

Je pense que nous allons conclure avec le sénateur Deacon.

Le sénateur C. Deacon : J’entends parler de cette question depuis cinq ans. C’est la nature hautement périssable du produit qui est préoccupante. Vous avez fait beaucoup plus de travail que moi dans ce dossier, et de loin. Vous avez une meilleure connaissance des éléments juridiques que moi. Avez-vous entendu parler des raisons pour lesquelles le gouvernement n’a pas agi pour protéger nos producteurs d’aliments périssables dans cette situation par ce moyen ou par d’autres moyens dans le passé? C’est comme si le problème sombrait dans l’oubli, et je ne comprends pas pourquoi il n’y a jamais eu de solution viable.

Le sénateur Cotter : Vous avez suivi ce dossier de plus près que moi, sénateur Deacon.

Il arrive souvent que des intérêts communautaires légitimes attirent l’attention du gouvernement ou d’un de ses organismes et que des progrès soient accomplis. Quand j’ai appris qu’il n’y avait pas de réciprocité avec les États-Unis, je me suis dit que le gouvernement canadien voudrait examiner la question, parce qu’il est beaucoup plus facile de procéder ainsi que de s’occuper de la gestion de l’offre et de faire quelque chose de constructif avec les États-Unis. J’ai été un peu surpris de constater que cette question ne figurait pas parmi les priorités du pouvoir exécutif. Il se peut que le gouvernement ait entrevu les difficultés liées à ce qui, selon vous, constitue la chose équitable à faire et qu’il ait craint de créer d’autres inégalités, ce dont nous discutons en ce moment.

À mon sens, un gouvernement honorable et peut-être même un comité honorable seraient portés à croire que cet enjeu mérite d’être examiné. Pour moi, il s’agit d’un groupe de personnes qui font un travail honorable et qui ne sont pas payés, qu’il s’agisse de cultivateurs et de vendeurs de légumes ou d’autres travailleurs qui font entre 30 et 40 heures par semaine et qui se rendent au travail un lundi seulement pour apprendre que l’entreprise a fermé ses portes. Résultat : ils ne sont pas payés. Cela a des conséquences terribles, à mon avis, et nous devrions essayer de trouver un moyen d’améliorer un peu la situation. C’est bon pour l’économie, selon moi.

À part cela, je ne sais pas vraiment quelles sont les motivations, si motivations il y a, sénateur Deacon.

Le sénateur C. Deacon : Je trouve que toute forme de protection offerte aux agriculteurs contre les risques liés aux conditions météorologiques ou politiques est une bonne chose. Merci beaucoup.

La présidente : Je vous remercie de nous avoir fait part de vos observations à ce sujet et d’avoir essayé de mettre les choses en perspective. Nous avons souvent les yeux plus grands que la panse, mais ce projet de loi est peut-être quelque chose de gérable. Il ne faut pas que la recherche de la perfection devienne l’ennemi du bien.

Nous allons demander au parrain du projet de loi de nous fournir des données économiques la prochaine fois qu’il pourra se joindre à nous. Je suis sûre qu’il a examiné cela pour connaître le nombre de personnes concernées. Je pense que nous avons entendu les arguments en faveur de ce groupe, compte tenu de la nature périssable de ses produits. C’est même différent d’un morceau de bœuf parce qu’on peut congeler la viande. Quoi qu’il en soit, nous allons nous pencher là-dessus.

Nous vous sommes reconnaissants d’avoir assumé une double tâche dans ce dossier et d’avoir accepté de vous absenter de votre propre comité pour venir participer à notre étude à si court préavis.

Le sénateur Cotter : Ce fut un honneur d’être ici. Je vous remercie beaucoup. J’aurais aimé pouvoir vous être plus utile. Nous venons tous avec nos propres limites, mais je compte tirer ma révérence très bientôt, et vous pourrez alors trouver un bon sénateur pour me remplacer.

La présidente : Je vous remercie de votre contribution.

Chers collègues, je vous rappelle simplement que nous aurons une charge de travail un peu plus remplie au cours des prochains jours. Je vais donc vous demander à tous de faire des préambules moins longs, de passer aux questions un peu plus rapidement et de laisser nos témoins nous fournir leurs réponses, car je pense que nous pourrons ainsi couvrir beaucoup plus de terrain.

Merci à tous en ce début de session automnale. Nous nous reverrons demain matin. Merci, sénateur Cotter.

(La séance est levée.)

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