LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES BANQUES, DU COMMERCE ET DE L’ÉCONOMIE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 23 octobre 2024
Le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie se réunit aujourd’hui, à 16 h 15 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-280, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (fiducie réputée — fruits et légumes périssables); et à huis clos, pour étudier un projet d’ordre du jour (travaux futurs).
La sénatrice Pamela Wallin (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bienvenue à la réunion du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie. Je m’appelle Pamela Wallin, et je suis la présidente du comité.
J’aimerais vous présenter les autres membres du comité : le sénateur Boudreau; le sénateur Deacon, de la Nouvelle-Écosse; le sénateur Fridhandler; le sénateur Loffreda, notre vice‑président; la sénatrice Martin; le sénateur Massicotte; la sénatrice Ringuette; le sénateur Varone; le sénateur Yussuff; ainsi que la sénatrice Robinson, également parmi nous aujourd’hui. Merci beaucoup. Nous sommes très nombreux.
J’aimerais souhaiter la bienvenue à un nouveau membre du comité, le sénateur Fridhandler, du Groupe progressiste du Sénat. Merci d’être parmi nous aujourd’hui.
Nous poursuivons aujourd’hui notre examen du projet de loi C-280, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (fiducie réputée — fruits et légumes périssables).
Nous allons entendre deux groupes de témoins, et nous veillerons à garder du temps pour une séance à huis clos à la fin. Je vais donc demander une fois de plus à tout le monde de faire preuve de discipline en ce qui concerne le temps alloué aux questions et aux réponses.
Pour ce qui est du premier groupe de témoins, nous avons le plaisir d’accueillir en personne deux représentants d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, soit Tom Rosser, sous-ministre adjoint, Direction générale des services à l’industrie et aux marchés; et Nicole Howe, directrice exécutive, Direction générale des services à l’industrie et aux marchés; ainsi que trois représentants d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada, à savoir Samir Chhabra, directeur général, Direction générale des politiques-cadres du marché; Martin Simard, directeur principal, Direction de l’entreprise, de la concurrence et de l’insolvabilité; et Paul Morrison, analyste principal en matière de politiques, Direction de l’entreprise, de la concurrence et de l’insolvabilité.
Je crois comprendre que les deux ministères ont une déclaration préliminaire. Nous allons donc commencer par Agriculture et Agroalimentaire Canada. Monsieur Rosser, vous avez la parole.
Tom Rosser, sous-ministre adjoint, Direction générale des services à l’industrie et aux marchés, Agriculture et Agroalimentaire Canada : Merci, madame la présidente. Bonjour, honorables sénateurs. Nous sommes heureux d’avoir été invités à comparaître devant le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie dans le cadre de son étude du projet de loi C-280. J’ai le plaisir d’être accompagné de ma collègue Nicole Howe, directrice exécutive de la Division des cultures et de l’horticulture au ministère.
Agriculture et Agroalimentaire Canada, ou AAC, continue de reconnaître l’importante contribution du secteur des fruits et légumes frais à l’économie canadienne et, bien sûr, à la sécurité alimentaire et à la saine alimentation au Canada.
AAC soutient le secteur agricole, y compris le secteur des fruits et légumes frais, de diverses façons, y compris en investissant dans la recherche et l’innovation. Le soutien offert passe notamment par le financement du Partenariat canadien pour une agriculture durable, d’hier à aujourd’hui, ainsi que des programmes axés sur la stabilité économique, comme nos programmes de gestion des risques de l’entreprise et de paiements anticipés.
Étant donné la nature périssable des produits, le secteur canadien des fruits et légumes frais a fait de l’absence de protection financière, en particulier en cas d’insolvabilité de l’acheteur, l’une de ses grandes priorités. La question de la protection financière des producteurs et des vendeurs a fait l’objet de nombreuses études au cours des 10 ou 20 dernières années.
[Français]
Cela dit, j’aimerais mentionner certaines des protections financières dont bénéficient actuellement les vendeurs de fruits et légumes frais. Il s’agit notamment de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, du Règlement sur la salubrité des aliments au Canada, de l’accès continu aux recours prévus en vertu de la Perishable Agricultural Commodities Act des États-Unis et de l’assurance privée, comme l’assurance crédit commerciale.
Au-delà des protections actuelles, le secteur des fruits et légumes frais a indiqué qu’une fiducie réputée pour les vendeurs contribuerait à assurer la durabilité et la rentabilité du secteur. Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) a travaillé avec le secteur et ses collègues d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada (ISDE) pour cerner l’incidence possible de la création d’une fiducie réputée.
En conclusion, pour AAC, le fait de soutenir le secteur des fruits et légumes frais est une priorité importante, et nous sommes plus jamais que disposés à soutenir l’étude du projet de loi C-280 par le Sénat. Merci encore, madame la présidente. Je serai heureux de répondre à vos questions.
[Traduction]
La présidente : Merci beaucoup, monsieur Rosser. Nous allons maintenant entendre la déclaration préliminaire de M. Chhabra.
Samir Chhabra, directeur général, Direction générale des politiques-cadres du marché, Innovation, Sciences et Développement économique Canada : Je m’appelle Samir Chhabra, et je suis le directeur général responsable des politiques-cadres du marché au sein d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada. J’ai le plaisir d’être accompagné de mon collègue Martin Simard, directeur principal des politiques relatives aux entreprises, à la concurrence et à l’insolvabilité; ainsi que de Paul Morrison, notre expert-conseil en matière de politiques sur l’insolvabilité.
Dans le cadre de notre rôle, nous avons la responsabilité de l’élaboration des lois, des règlements et des politiques en matière d’insolvabilité, y compris toutes modifications à la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, ainsi que de la fourniture de conseils au gouvernement à ces sujets. Nous sommes ici aujourd’hui pour aider le comité dans son étude du projet de loi C-280, qui modifierait les deux lois afin de donner aux fournisseurs de produits frais une fiducie réputée pour les factures impayées de fruits et légumes périssables dans les procédures d’insolvabilité. La fiducie réputée donnerait aux agriculteurs, aux producteurs et à tous les vendeurs commerciaux et au détail de produits frais un droit de propriété dans les produits frais, ou leur produit de vente, jusqu’à ce que la facture soit payée en totalité. La fiducie réputée ne serait exécutoire que dans le cadre d’une faillite, d’une mise sous séquestre ou d’une restructuration officielle en vertu d’une des lois et serait payable avant les réclamations de tous les autres créanciers.
Les lois canadiennes sur l’insolvabilité visent à assurer la certitude sur les marchés, à promouvoir la croissance économique, à maximiser la valeur des actifs et, bien sûr, à atténuer l’incidence du défaut d’un débiteur sur toutes les parties prenantes. Les procédures prévues par les deux lois sont conçues pour assurer une répartition équitable des actifs débiteurs, avec des règles claires pour classer les réclamations des créanciers ou, lorsque cela est possible, la restructuration d’entreprises qui sont en difficulté, mais encore viables.
Les partisans du projet de loi C-280 affirment que des contraintes structurelles dans l’industrie des fruits et légumes frais et la nature périssable de leurs produits créent des risques de paiement uniques qui ne peuvent être résolus qu’en modifiant la Loi sur la faillite et l’insolvabilité ou la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies afin de créer une fiducie réputée pour les fournisseurs de produits frais. D’autres intervenants ont soulevé des préoccupations au sujet de l’incidence de la fiducie réputée sur les rendements des créanciers, ainsi que sur le coût du crédit et sa disponibilité dans l’industrie.
Je vous remercie et je serai heureux de répondre à vos questions.
La présidente : Merci à vous deux, messieurs, pour vos déclarations préliminaires. Nous allons maintenant passer aux questions. Je rappelle aux membres qu’ils doivent poser des questions précises et concises, dans la mesure du possible. S’il vous plaît, si vous pouviez indiquer à qui vous adressez vos questions, ce serait une bonne chose, car nous avons beaucoup de gens à l’avant de la salle. Nous allons commencer par notre vice-président, le sénateur Loffreda.
Le sénateur Loffreda : Je remercie nos témoins d’être ici aujourd’hui. J’ai deux questions, dont une pour Agriculture et Agroalimentaire Canada.
Que pensez-vous de la façon dont le projet de loi C-280 pourrait influer sur les pratiques en matière de prêt aux agriculteurs et aux entreprises agricoles, surtout à la lumière des préoccupations soulevées par le secteur bancaire au sujet de l’augmentation des risques, des difficultés et des coûts des prêts? Est-ce que des mécanismes sont envisagés pour compenser les éventuelles hausses des coûts que les institutions financières pourraient refiler aux agriculteurs et aux consommateurs en raison de l’environnement de risque accru créé par le projet de loi?
Et une question pour Innovation, Sciences et Développement économique Canada : compte tenu des préoccupations du secteur bancaire, prévoyez-vous des répercussions économiques d’ordre plus général si les hausses des coûts des prêts sont refilées aux consommateurs? Quelle incidence cela pourrait-il avoir sur les prix à la consommation des produits agricoles?
M. Rosser : Je remercie le vice-président de sa question. En ce qui concerne le risque de crédit et l’accès au crédit pour l’agriculture ou l’économie en général, je m’en remets à mes collègues d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada. Ayant travaillé sur cette question avec des représentants de la chaîne de valeur des fruits et légumes frais pendant de nombreuses années, je dirais que la vaste majorité d’entre eux appuient ce projet de loi et ne s’inquiètent pas outre mesure des répercussions que pourrait avoir son adoption sur l’accès au crédit.
La présidente : Merci.
M. Chhabra : D’après nos discussions avec les intervenants et les commentaires reçus par les divers comités qui ont étudié la question au fil du temps, il y a certainement un risque qu’un traitement différent des demandes de créanciers en cas d’insolvabilité nuise à l’efficacité des marchés du crédit. Le groupe de travail de 2009 sur les fruits et légumes frais a conclu qu’une fiducie réputée pourrait avoir une incidence négative sur l’accès au crédit dans l’industrie des fruits et légumes frais. Je crois comprendre que l’Association des banquiers canadiens et Financement agricole Canada ont tous deux signalé que les emprunteurs assujettis à une fiducie réputée ou à une superpriorité subiraient — et subissent habituellement — une réduction de l’accès au crédit, peu importe leurs antécédents de crédit, car la fiducie réputée réduira le montant disponible pouvant être utilisé à titre de garantie. Par conséquent, de ce point de vue, il est raisonnable de se demander, à notre avis, si l’établissement d’une fiducie réputée pourrait faire augmenter les coûts du crédit.
Le sénateur Loffreda : J’ai une brève question complémentaire. Vous êtes d’accord pour dire qu’il y aura une incidence négative et que cela pourrait faire augmenter les coûts pour les consommateurs.
M. Chhabra : C’est une question quelque peu hypothétique. Ce que nous avons, c’est une riche histoire de procédures dans ces marchés où des créanciers qui sont actifs dans ces domaines ont dit qu’il est normal de s’attendre à ce que les coûts du crédit augmentent lorsqu’une fiducie réputée ou une superpriorité est établie. Il est un peu plus difficile de parler des détails dans le cas qui nous occupe, mais si l’on se fie à l’historique de ce genre de questions, je pense qu’il est raisonnable de se demander si cela pourrait se produire dans ce cas-ci également, ou du moins d’avoir des inquiétudes à ce sujet.
Le sénateur Loffreda : Cela confirme mes craintes. Merci.
Le sénateur C. Deacon : Je remercie les témoins de leur présence. Je vais adresser ma question à M. Chhabra et à M. Rosser, si vous me le permettez.
Le gouvernement a bien géré les modifications apportées à la Loi sur la concurrence, qui commencent à régler le grave problème de concurrence ou de monopole que nous avons connu. C’est la même chose en agriculture. Dix pour cent des fermes génèrent environ les deux tiers des ventes à la ferme, de sorte que les petites fermes, surtout dans le secteur des fruits et légumes, ont plus de difficulté à trouver une grande diversité d’acheteurs ou de vendre directement aux détaillants pour obtenir le meilleur prix. Ils doivent passer par un intermédiaire. Ils sont également exposés à beaucoup plus de risques de défaut de paiement. Il n’y a pas de flexibilité dans leur fonds de roulement.
Pouvez-vous nous parler de l’importance de maintenir et de soutenir les petites et moyennes exploitations agricoles, surtout dans le secteur des fruits et légumes, pour faire en sorte que l’industrie demeure concurrentielle et novatrice?
M. Rosser : Je vais répondre brièvement, et j’inviterai peut‑être ma collègue Nicole Howe à compléter ma réponse.
Oui, le sénateur a tout à fait raison de dire que, au fil du temps, les exploitations agricoles en général ont pris de l’expansion. Même les grandes exploitations agricoles, dans la très grande majorité des cas au Canada, sont des fermes familiales, mais il est important pour nous de maintenir la viabilité des petites et moyennes exploitations et de veiller à ce que nos programmes et nos politiques tiennent dûment compte de leur situation.
Nicole Howe, directrice exécutive, Direction générale des services à l’industrie et aux marchés, Agriculture et Agroalimentaire Canada : J’aimerais simplement ajouter quelques statistiques sur les exploitations de fruits et légumes frais au Canada. D’après le recensement de 2021, il y a 14 000 fermes de ce genre au Canada, mais 70 % d’entre elles sont en fait de petites entreprises dont les ventes annuelles sont inférieures à 250 000 $. Pour ce qui est de la démographie de ce secteur, je pense qu’il est important de le mentionner.
M. Chhabra : Je vous remercie de votre question. Je pense que nos collègues d’AAC sont beaucoup mieux placés que moi pour parler de l’industrie, étant donné leur expertise dans le domaine de l’agriculture.
Le sénateur C. Deacon : Dans ce cas, je vais préciser un peu ma question, si vous me le permettez, monsieur Chhabra. Votre division d’Innovation, Sciences et Développement économique a consacré beaucoup d’efforts aux modifications du cadre de la concurrence, et je pense que l’objectif était de veiller à accroître la concurrence dans tous les secteurs du pays. Est-ce exact?
M. Chhabra : C’est exact.
Le sénateur C. Deacon : Merci beaucoup.
La sénatrice Ringuette : Cela me laisse perplexe, car l’objectif est censément de créer de la réciprocité. Prenons le département de l’Agriculture des États-Unis. La Perishable Agricultural Commodities Act, ou PACA, exige que les petits vendeurs de fruits et de légumes soient titulaires d’un permis. Votre ministère a-t-il un système de permis, monsieur Rosser?
M. Rosser : Je vais peut-être laisser Mme Howe répondre à cela, mais il existe un système d’octroi de licences à l’Agence canadienne d’inspection des aliments pour le secteur des fruits et légumes.
La sénatrice Ringuette : Dans ce cas-ci, il relève du département fédéral de l’Agriculture des États-Unis. Ma question est très précise : est-ce au sein de votre ministère? Délivrez-vous des licences aux petits vendeurs de denrées périssables? Avez‑vous un système de permis pour eux?
M. Rosser : Je tiens à préciser qu’au sein du système fédéral, l’Agence canadienne d’inspection des aliments exerce bon nombre des fonctions qui, dans le système américain, relèveraient du département de l’Agriculture des États-Unis. Elle est indépendante de nous sur le plan législatif, mais dans la pratique, nous collaborons de très près avec elle. C’est elle qui octroie des licences aux vendeurs d’aliments et à d’autres intervenants dans le cadre fédéral.
La sénatrice Ringuette : C’est très important, car ce système de permis est une obligation liée à une autre obligation, soit celle de paiement rapide au sens de la PACA. Selon cette définition, un paiement doit être effectué dans un délai de 10 jours ou de 5 jours afin de se conformer et de s’intégrer à la fiducie. Nous ne voyons pas cela dans ce projet de loi.
Ma prochaine question est donc la suivante : nous en sommes à 30 ans d’accords commerciaux avec les États-Unis, et je suppose que notre négociateur canadien entretient des liens avec vous. Je dis vous, mais je veux dire le ministère. S’il y avait un quelconque problème de réciprocité dans le commerce des fruits et légumes, le ministère le saurait. Êtes-vous au courant de cela? Auriez-vous été informé d’un problème?
M. Rosser : Madame la présidente, je dirais que, en tant que ministère et conjointement avec l’Agence canadienne d’inspection des aliments, nous entretenons des relations très solides avec nos homologues américains à tous les niveaux, du secrétaire et du ministre jusqu’aux échelons inférieurs. Nous traitons quotidiennement avec eux de toute une gamme de questions liées à l’accès aux marchés.
En ce qui concerne la réciprocité et le projet de loi dont le comité est saisi, il y a eu un dialogue avec les États-Unis au sujet de ce qui pourrait ou ne pourrait pas être considéré comme réciproque. Mme Howe me corrigera si je me trompe, mais je crois que notre système a été considéré comme réciproque jusqu’en 2014. Il y a eu des discussions informelles au sujet de ce projet de loi et de la question de savoir s’il pourrait être considéré comme étant réciproque relativement à la PACA, mais je sais qu’aucune garantie officielle n’a été demandée à cet égard.
La sénatrice Ringuette : Ce que vous dites, c’est que les Américains n’ont pas demandé directement au Canada d’offrir cette réciprocité que nous avons sous les yeux?
M. Rosser : Ils ne nous ont pas demandé de présenter le projet de loi. Lorsqu’ils ont mis fin à la reconnaissance de notre réciprocité, ils nous ont dit qu’ils reconsidéreraient cela si nous mettions en place un système équivalent au leur.
La présidente : Merci. Oui, d’autres témoins nous l’ont dit également.
Le sénateur Varone : Je vais essayer d’être bref. Je veux simplement ajouter quelque chose à ce que la sénatrice Ringuette vient de dire au sujet de la réciprocité. Les fruiticulteurs et les maraîchers canadiens vendent pour 3 milliards de dollars de produits par année. Compte tenu de la période de production, la moitié de cette somme provient des ventes au Canada, et l’autre 1,5 milliard de dollars provient des ventes aux États-Unis. À l’inverse, 6 milliards de dollars de fruits et légumes sont importés au Canada, principalement des États-Unis.
Lorsque vous parlez de réciprocité, l’équation est de 1,5 milliard de dollars de ventes au Canada par rapport à 6 milliards de dollars de ventes de produits importés. Le projet de loi, en ce qui concerne ce que vous demandez, met les deux nations sur un pied d’égalité. Voici où je veux en venir. Je m’adresse à M. Chhabra. J’ai lu ce projet de loi probablement mille fois, et tout comme vous, je ne comprends pas vraiment à quoi il aboutit, car vous avez dit que cela aboutit à une fiducie réputée, mais en fait, le projet de loi dit que le produit de la vente est réputé être détenu en fiducie, et les mots « fiducie réputée » sont absents.
Et puis, j’ai examiné la hiérarchie des créanciers en matière de faillite aux États-Unis, et il n’y a pas d’équivalent d’une fiducie réputée dans le formulaire de faillite aux États-Unis. Il y a des fiducies garanties, mais sous les créanciers garantis, les créanciers privilégiés, les détenteurs d’actions et même les créanciers non garantis, tous ont des fiducies.
Mon problème de compréhension tient en partie au fait que j’ai du mal à mettre ce projet de loi en contexte. Quelle est sa place?
M. Chhabra : Merci beaucoup de votre question. Je vais demander à mon collègue, M. Morrison, de vous donner quelques détails.
Je pense que c’est une question importante. Je commencerai par dire que nous sommes souvent confrontés — comme ce comité l’est aussi — à des cas où des concurrents internationaux sont quelque peu difficiles à saisir en raison des différences entre les divers régimes législatifs et les diverses structures constitutionnelles, et parfois, dans un texte de loi ou une politique, il y a des termes différents qui produisent l’effet voulu dans différentes administrations.
Je vais demander à M. Morrison de vous donner plus de détails sur la fiducie réputée dans ce cas-ci.
Paul Morrison , analyste principal en matière de politiques, Direction de l’entreprise, de la concurrence et de l’insolvabilité, Innovation, Sciences et Développement économique Canada : Merci, sénateur. Vous avez raison de dire que le code de la faillite des États-Unis ne mentionne pas la fiducie réputée de la PACA. La PACA crée la fiducie réputée. Elle est appliquée en vertu du code de la faillite comme n’étant pas un bien du failli. Par conséquent, c’est reconnu. La PACA crée également une fiducie réputée en dehors de la faillite. Ce projet de loi ne s’appliquera qu’aux procédures d’insolvabilité. Il ne créera pas de fiducie réputée en dehors de la faillite.
Le sénateur Varone : Ma question complémentaire est donc la suivante : pourquoi consolidez-vous ou utilisez-vous la catégorie de fiducie réputée au Canada dans le libellé de ce projet de loi? Car il ne m’apparaît pas évident que c’est l’objet du projet de loi. On dit « réputé être une fiducie ».
M. Morrison : Oui, il y a des termes techniques, sénateur, qui accomplissent la même chose. Il y a des fiducies réputées qui sont décrites en ces termes dans les lois canadiennes, par exemple celles touchant l’impôt sur le revenu, entre autres, où figure l’expression : « réputés être détenus en fiducie ». Le terme « fiducie réputée » en tant que tel n’est pas utilisé. Dans la pratique, c’est la même chose.
La présidente : Merci.
Le sénateur Massicotte : Merci d’être parmi nous. Nous vous en sommes très reconnaissants. Deux brèves questions.
Monsieur Chhabra, j’ai écouté très attentivement votre exposé, mais j’en ai manqué une partie. Êtes-vous pour ou contre le projet de loi?
M. Chhabra : Merci beaucoup de la question, madame la présidente.
Il s’agit d’un projet de loi d’initiative parlementaire, et nous croyons comprendre qu’il s’agit d’un projet de loi d’initiative parlementaire qui a été adopté par une majorité importante de parlementaires, presque à l’unanimité, à notre connaissance. Il ne s’agit pas d’un projet de loi d’initiative ministérielle. Nous sommes ici essentiellement pour apporter un soutien au comité dans le cadre de ses délibérations sur le projet de loi.
Le sénateur Massicotte : Êtes-vous pour ou contre le projet de loi?
La sénatrice Ringuette : Il ne le dira pas.
Le sénateur Massicotte : C’est un homme intelligent.
M. Chhabra : En fait, je dirais que je suis ici pour faciliter l’étude du projet de loi par le comité.
Le sénateur Massicotte : L’étude. D’accord.
Monsieur Rosser, je comprends peut-être mal les choses, mais j’ai de la difficulté avec le fait que nous proposions un système qui nous permettrait de prendre une partie de leur argent, que nous devrions avoir en cas de faillite, autrement dit, nous perdons probablement déjà de l’argent, mais nous allons leur faire perdre plus d’argent pour favoriser essentiellement un facteur particulier. Comment abordez-vous cette question d’équité? Ce n’est tout simplement pas juste qu’il y ait une loi sur la faillite en vertu de laquelle tout le monde bénéficie d’un traitement par ajout. À ce moment-ci, nous disons que nous aimons nos amis. Nous allons les aider, et ils vont perdre moins d’argent, mais tant pis pour tous les autres. Comment composez‑vous avec cela?
M. Rosser : Je remercie le sénateur de sa question. En ce qui concerne l’analyse que nous avons faite à ce sujet au sein du ministère, je ne suis pas certain que nous ayons fait quoi que ce soit qui toucherait à la question de… Je pense que le comité a déjà entendu des témoignages quant au fait que les procédures de faillite sont un jeu à somme nulle pour ce qui est de savoir qui serait avantagé et qui serait désavantagé par l’adoption de ce projet de loi. Je sais que cela procurerait à ceux qui ont des débiteurs dans le secteur des fruits et des légumes frais une importante garantie de paiement en cas de faillite d’un acheteur de leur produit. C’est pour cette raison qu’ils demandent un projet de loi comme celui-ci depuis des décennies.
Le sénateur Massicotte : N’êtes-vous pas d’accord pour dire que vous prenez une somme d’argent d’un groupe de créanciers pour la donner à un autre groupe de créanciers? Êtes-vous d’accord pour dire cela? Ou est-ce que l’argent disparaît quelque part?
M. Rosser : Je ne prétends pas être un expert en matière de faillite, mais d’un simple point de vue logique, c’est un jeu à somme nulle. Si on offre une plus grande sécurité à quelqu’un, inévitablement, quelqu’un en aura un peu moins.
Le sénateur Massicotte : Merci.
La sénatrice Robinson : Nous avons parlé du fait que cela pourrait avoir une incidence sur le coût des prêts et provoquer une hausse du coût des aliments pour les consommateurs du fait de l’augmentation du coût des prêts. Pourriez-vous nous dire ce qu’il advient du coût des aliments lorsque les producteurs ne sont pas payés?
M. Rosser : Je remercie la sénatrice de sa question. Je suis conscient du fait qu’elle possède une connaissance approfondie du secteur agricole.
Pour revenir à ce que j’ai dit plus tôt concernant une plus grande sécurité pour les producteurs, comme la sénatrice le sait, tous les agriculteurs, surtout ceux de ce secteur, sont exposés à un certain nombre de risques. À coup sûr, le risque lié à l’insolvabilité et au fait de ne pas être payé pour leurs produits est une source de préoccupation pour eux. Si ce projet de loi est adopté, ce sera une préoccupation de moins. Les intervenants de la chaîne de valeur des fruits et légumes vous diront que le fait d’avoir quelque chose d’à peu près équivalent à ce qui existe aux États-Unis favoriserait la compétitivité et la croissance. On peut supposer que cela les aiderait à être plus concurrentiels sur le plan des coûts.
La sénatrice Robinson : M. Chhabra pourrait-il répondre à la question? Vous avez parlé de ce qui se passerait si les coûts des prêts augmentaient, et vous avez dit que, à votre avis, cela aurait une incidence sur le prix des aliments pour les consommateurs. Je me demande si vous pourriez nous parler de ce qui se passe lorsque des producteurs font faillite ou doivent absorber les coûts des cultures qu’ils produisent, emballent et expédient sur le marché sans être payés. À qui ces coûts sont-ils refilés au sein de la chaîne de valeur?
M. Chhabra : Merci de votre question. Ce que j’ai dit tout à l’heure, c’est que nous pensons qu’il est raisonnable de croire que le coût de certains intrants pourrait augmenter pour l’industrie en fonction du crédit. M. Rosser fait allusion au fait qu’il y a des coûts et des risques qui sont assumés aujourd’hui et qui pourraient également être mieux atténués grâce à l’approche proposée, et que le résultat final sur le plan des prix au détail dans les supermarchés dépend d’une foule de facteurs, notamment le coût du crédit et le risque de crédit. Évidemment, il est possible qu’une insolvabilité ait des répercussions négatives sur un créancier, provoque une cascade d’événements, crée des risques tout au long de la chaîne d’approvisionnement et fasse disparaître divers fournisseurs et intervenants de cette chaîne d’approvisionnement. Ce sont là aussi, bien sûr, des risques réels.
Pour en arriver à une analyse définitive établissant qu’un éventuel changement du coût du crédit aura tel ou tel effet sur les prix à l’épicerie ou qu’une fiducie réputée pourrait créer plus de protection ou, comme le sénateur Deacon l’a dit plus tôt, plus de concurrence… Il est difficile d’assimiler ces variables les unes aux autres et d’affirmer qu’il existe une réponse définitive. Mais vous avez tout à fait raison, ce sont tous des facteurs que le comité doit prendre en considération.
La présidente : Alors, s’il y a moins de produits disponibles ou si les agriculteurs ne peuvent pas en produire parce qu’ils ne se sont pas fait payer, on peut supposer que le prix va augmenter.
M. Chhabra : Oui.
La présidente : Merci.
Le sénateur Yussuff : Je remercie les témoins de leur présence. J’ai deux ou trois questions à poser. Je reviens à la première question soulevée par ma collègue.
Nous essayons de régler un problème. Bien sûr, ce ne sont pas des pommes et des oranges. Le marché américain vers le Canada est d’environ 6 milliards de dollars, et notre marché vers les États-Unis est de 1,6 milliard de dollars. Dans le contexte de la réciprocité, nous allons certainement accorder aux États-Unis une protection beaucoup plus grande que celle que nous obtiendrons de leur part dans le contexte de l’adoption du projet de loi.
Deuxièmement, étant donné que la fiducie réputée aura la superpriorité et compte tenu de la structure actuelle du droit canadien de la faillite, on exclura quelqu’un de l’équation. Quelqu’un sera rétrogradé. Le gouvernement du Canada, en ce qui a trait aux remboursements, aux impôts, à l’assurance-emploi et aux cotisations au Régime de pensions du Canada, sera rayé de cette liste, parce que la fiducie réputée deviendra une priorité par rapport à ces mesures, en tant que créancier dans le processus juridique en droit de la faillite.
C’est très précis, étant donné que ce problème ne date pas d’hier; nous sommes aux prises avec depuis longtemps. Le ministère a-t-il examiné d’autres mesures que la modification des dispositions sur la faillite de cette loi en ce qui concerne les façons dont nous pourrions offrir aux agriculteurs la protection qu’ils recherchent, tout en reconnaissant qu’on nous a dit que le défi est minime? En réalité, il est question de moins de 1 % — 1 % de 1 % — des affaires auxquelles on fait face régulièrement lorsque les agriculteurs ne sont pas payés à cause d’une faillite. Avez-vous envisagé d’autres mesures et des façons dont nous pouvons contribuer à résoudre ce problème par rapport à ce que nous faisons ici?
Ce que je veux dire, c’est que je reconnais le dilemme de l’agriculteur, mais ne sommes-nous pas en train de prendre une mesure draconienne pour régler ce qui semble être un petit problème? Si on reconnaît qu’il s’agit d’un problème important, le ministère a-t-il songé à la façon de le résoudre et à toutes les autres questions, également, pouvez-vous répondre?
M. Rosser : Je vais essayer de répondre à certains des points qu’il a soulevés et voir si M. Chhabra ou d’autres témoins ont quelque chose à ajouter.
Le sénateur a tout à fait raison de dire que le Canada affiche depuis longtemps un déficit commercial en ce qui concerne les fruits et légumes frais. Compte tenu de la nature de notre climat, ce n’est peut-être pas surprenant, mais nous sommes un exportateur important et croissant de fruits et de légumes, et ce, de l’intérieur comme de l’extérieur du secteur serricole.
Il est important, au moment d’interpréter les statistiques sur le commerce, de se rendre compte de la nature intégrée de la production d’aliments et de légumes au Canada. Bon nombre des grandes entreprises canadiennes de la chaîne de valeur sont établies et fondées au pays, appartiennent à des Canadiens, mais mènent des activités de production, d’emballage et autres aux États-Unis et au Mexique pour mieux assurer l’approvisionnement du produit en question tout au long de l’année. Il existe des liens entre le Canada et certains des produits qui figureraient en tant qu’importations dans les statistiques sur le commerce.
Je soulignerais également que vous avez raison en ce qui concerne l’analyse que nous avons faite. Les participants à la chaîne de valeur admettraient volontiers que la faillite et l’insolvabilité d’acheteurs de fruits et de légumes ne sont pas chose courante. Il s’agit d’une partie relativement petite de l’ensemble des transactions dans l’industrie. Je ne sais pas si M. Chhabra ou Mme Howe ont quelque chose à ajouter.
Mme Howe : J’ajouterais que des travaux ont été effectués avec le secteur afin de trouver des solutions de rechange qui pourraient l’aider à gérer ce risque, comme l’assurance privée, les fonds d’assurance et la protection axée sur la sécurité. On en est venu à la conclusion qu’un grand nombre de ces solutions exigent des primes élevées et que les coûts deviennent prohibitifs pour le secteur. Le secteur a également accordé une grande priorité à l’accès réciproque à la PACA, et c’est l’une des autres raisons pour lesquelles il a donné la priorité à ce type de fiducie réputée.
Martin Simard, directeur principal, Direction de l’entreprise, de la concurrence et de l’insolvabilité, Innovation, Sciences et Développement économique Canada : Pour ajouter une précision à ce que Mme Howe vient de dire, des études ont montré que le défaut de paiement en dehors de la faillite est un problème clé, et je crois savoir que nos collègues d’AAC ont pris des mesures à cet égard et qu’on a adopté une nouvelle réglementation pour régler les problèmes liés au défaut de paiement. Cela fait longtemps que l’on discute de ce problème, mais des choses ont été faites, peut-être sur un point précis, mais aussi sur d’autres enjeux connexes.
La sénatrice Martin : Merci. En écoutant les questions et les réponses, j’ai l’impression qu’on a répondu à certaines de mes questions.
On dirait que, comme vous l’avez mentionné, vous travaillez avec ce secteur depuis longtemps, et voilà où nous en sommes. Le projet de loi C-280 a reçu l’appui de la majorité, alors nous étions en train de l’étudier en comité. Il est très important de se rappeler qu’il vise à protéger la chaîne d’approvisionnement des fruits et légumes frais, qui comprend un certain nombre d’autres producteurs, emballeurs, grossistes et distributeurs. Monsieur Rosser, vous avez parlé du risque lié aux paiements uniques pour ce secteur et de l’importance du projet de loi.
On a fait remarquer que les producteurs canadiens choisissent souvent de vendre leurs produits aux États-Unis parce que les mesures de protection en matière d’insolvabilité y sont plus rigoureuses. Je sais que vous avez cité des chiffres sur les importations et les exportations. Ainsi, les consommateurs canadiens auraient moins accès aux produits canadiens. Comment votre ministère perçoit-il les conséquences économiques de cette tendance pour les agriculteurs et les consommateurs canadiens? Comment le projet de loi C-280 contribuerait-il à renverser cette tendance?
M. Rosser : Merci. Je soulignerais, comme je crois l’avoir mentionné plus tôt au cours de la séance, que les exportations canadiennes de fruits et légumes, principalement vers les États‑Unis, ont connu une croissance importante. J’interprète cela comme un phénomène de marché où les prix sont les plus attrayants. Dans quelle mesure la disponibilité de la PACA y contribue-t-elle? Je ne crois pas que nous puissions répondre à cette question en nous fondant sur les recherches ou les analyses que nous avons effectuées jusqu’à maintenant. J’ai remarqué que les représentants de la chaîne de valeur des fruits et légumes parlent de compétitivité aux États-Unis, d’avantage concurrentiel par rapport aux autres pays qui exportent des produits chez nos voisins du Sud, et affirment que le fait d’établir au Canada quelque chose d’équivalent à la PACA serait important pour la croissance continue du secteur au pays.
Le sénateur Fridhandler : Oui. C’est peut-être une question injuste ou une question qu’il faudrait poser à un expert américain, mais connaissez-vous des dispositions équivalentes à la PACA visant des produits périssables autres que les fruits et les légumes? Je suis très préoccupé par l’iniquité que je vois dans le système canadien; je me demande pourquoi nous semblons adapter cette mesure législative à un petit secteur de producteurs d’aliments périssables, et je considère qu’elle ne fait que les protéger par rapport à leurs activités transfrontalières.
Si nous le faisons pour protéger les producteurs canadiens, pourquoi ne nous occupons-nous pas de façon plus générale des denrées périssables de toutes sortes de produits alimentaires? Y a-t-il autre chose aux États-Unis, en bref, et quelle est votre perception? S’agit-il d’un projet de loi de type PACA ou est-il conçu pour les producteurs canadiens?
M. Rosser : On le demande depuis longtemps dans la chaîne de valeur des produits canadiens du gouvernement fédéral. Je n’en connais aucune... je crois que la loi américaine en question existe depuis les années 1980, depuis une quarantaine d’années. Je ne suis pas au courant d’une protection équivalente qui serait demandée ou accordée à d’autres producteurs de denrées périssables, mais je ne prétends pas être un expert de la politique américaine non plus.
Le sénateur Fridhandler : En guise de suivi, vous dites que c’est quelque chose que les producteurs de fruits et légumes réclament. Je ne sais pas s’ils militaient spécifiquement en faveur des modifications aux dispositions sur la faillite et à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Y a-t-il d’autres producteurs de denrées périssables qui ont réclamé une protection semblable au pays?
M. Rosser : Pas à ma connaissance.
M. Simard : Non, mais je pense qu’il est juste de dire, de façon générale, qu’il y a toujours des groupes qui veulent un rang plus élevé dans les procédures de faillite. Pas dans le secteur agricole, mais il est vrai que nous en avons entendu parler par les autorités fiscales, des gens du secteur de la construction, des groupes de consommateurs et des intervenants en droit de la famille. C’est fréquent à notre bureau parce que c’est toujours malheureux quand il y a un jeu à somme nulle sur l’insolvabilité et que certaines personnes sont perdantes. Il n’est pas rare que nous recevions des demandes visant à modifier l’ordre des priorités en général.
La présidente : Nous allons essayer de procéder à une partie de notre deuxième série de questions avant d’être limités par le temps.
Le sénateur C. Deacon : On a beaucoup parlé de la chaîne de valeur. Il est question des agriculteurs américains qui bénéficient d’une protection que les agriculteurs canadiens n’ont pas. La protection aux États-Unis... et les agriculteurs canadiens n’ont pas cette protection au Canada non plus. C’est de cela qu’il s’agit, et c’est de la chaîne de valeur.
Je suis préoccupé par le fait que beaucoup de petites exploitations agricoles doivent travailler avec d’autres et par l’entremise de courtiers pour vendre leurs produits à de grands détaillants parce que leurs propres volumes sont insuffisants si elles ne travaillent pas avec d’autres. Ce fait nous place dans une situation où un défaut de paiement... une entreprise qui a acheté les produits de nombreuses exploitations agricoles et qui les revend à un détaillant... s’il ne paie pas ce courtier, cela signifie que les agriculteurs ne seront pas payés.
Pouvez-vous nous parler de l’équité au sein du système canadien? Il s’agit d’un produit périssable. Ce n’en est pas un que l’on peut entreposer à long terme; il est périssable, et la possibilité pour les agriculteurs d’avoir l’assurance qu’ils seront payés peu importe qu’ils le vendent par l’entremise de quelqu’un d’autre ou directement par eux-mêmes. Je tiens à confirmer encore une fois qu’il s’agit de protéger les Canadiens au Canada et aux États-Unis, où ils ne pourraient pas se le permettre sans cette protection.
M. Rosser : Je confirme qu’il s’agit certes de mon interprétation. Il est question d’offrir aux producteurs canadiens une protection équivalente à celle qui est offerte depuis longtemps aux producteurs américains du côté américain de la frontière. Il y a aussi la question de l’équivalence de cette disposition qui est reconnue par les États-Unis et qui permet une certaine réciprocité.
Il est certain que, d’après ce que je crois savoir de la structure de l’industrie, oui, les grandes exploitations sont plus susceptibles d’être intégrées verticalement dans leurs rapports avec les détaillants et les autres grands acheteurs, tandis que, comme l’a mentionné Mme Howe, les petits producteurs représentent la majorité des établissements au Canada et sont plus susceptibles de faire affaire avec les grands détaillants et d’autres acheteurs importants par l’entremise d’intermédiaires.
La présidente : Merci.
Le sénateur Varone : Merci. Pour revenir à un thème qui a été abordé, y a-t-il une épidémie d’insolvabilité dans le secteur des fruits et légumes au Canada?
D’après les statistiques que j’ai entendues, c’est 1 % de 1 %. S’il s’agit de 1,5 milliard de dollars, c’est 15 millions de dollars par année. On dirait que le chamboulement associé au passage à la fiducie réputée, surtout lorsqu’il est question des salaires des travailleurs que nous essayons de protéger... sommes-nous en train d’utiliser une arme nucléaire pour tuer une mouche?
M. Rosser : D’après l’analyse que nous avons faite, le pourcentage de faillites dans l’industrie représente une très petite proportion. L’analyse que nous avons faite date de quelques années. Dans un contexte de hausse des taux d’intérêt, dans quelle mesure cette situation aurait pu changer, je ne crois pas que nous ayons d’analyse récente à ce sujet. Nous n’avons certainement aucune raison de croire que les cas d’insolvabilité représentent un fort pourcentage des ventes dans le secteur.
Le sénateur Varone : A-t-on la capacité de créer un lien de confiance à d’autres niveaux de la hiérarchie sous le régime de la loi canadienne sur la faillite?
M. Chhabra : Je vous remercie de poser la question. Il y a quelques zones que vous pourriez envisager. Il y a un espace de fiducie réputée, il y a des superpriorités, il y a les créanciers garantis ou proposés. Il y a certainement différentes façons de procéder. Il y a aussi les créanciers non garantis. En fait, le projet de loi place ce qui est actuellement considéré comme un créancier non garanti en tête de liste des priorités en créant une fiducie réputée qui aura préséance sur tous les autres créanciers.
Le sénateur Loffreda : Monsieur Chhabra, j’ai beaucoup lu sur le sujet, et j’ai toujours dit que le leadership consiste non pas à être gentil, mais à être fort et juste. Nous avons tous de l’empathie et de la compassion pour nos agriculteurs, mais diriez-vous — en parlant d’équité — que ceci est une affirmation juste : le projet de loi C-280 propose que l’on accorde un traitement préférentiel à un groupe particulier de l’industrie sans démontrer que les pertes liées à l’insolvabilité sont plus graves dans le cas de ce groupe que celles subies par des créanciers comparables. Le projet de loi remet en question des principes fondamentaux de l’insolvabilité, comme le traitement équitable des créanciers dans des circonstances similaires et la reconnaissance des droits des créanciers, y compris les prêts garantis, qui devraient avoir la même priorité que dans des contextes non liés à la solvabilité. Est-ce une affirmation juste?
M. Simard : C’est parce que c’est familier. Ce texte nous est familier, je crois; il provient d’une déclaration antérieure du gouvernement. Je peux confirmer que cette déclaration a été faite par le gouvernement canadien d’une année antérieure. Comme mon collègue l’a dit, il s’agit d’un projet de loi d’initiative parlementaire. Les parlementaires sont responsables de l’élaboration des lois au Canada, et il y a eu consentement unanime. Je reconnais qu’il s’agit d’une déclaration antérieure du gouvernement.
Il est également vrai que, lorsque nous pensons aux principes de l’insolvabilité, le traitement égal des créanciers qui se trouvent dans une situation similaire, ou d’un créancier qui se trouve dans une situation semblable, est un principe clé. C’est une exception à la règle qu’on résout en prenant cette mesure. Pour les raisons avancées par l’industrie, on affirme que celle-ci est structurée différemment en raison du regroupement des grossistes et de la nature périssable de son produit. On demande un traitement exceptionnel à la lumière des caractéristiques différentes de cette industrie, mais celui-ci va à l’encontre de la règle générale. Il est vrai que, dans le passé, le gouvernement a fait des déclarations selon lesquelles il enfreindrait la règle.
La sénatrice Robinson : Merci. Je crois savoir que la mise en œuvre de la PACA ne coûterait rien à notre gouvernement. Je souhaite poser une question, peut-être à M. Morrison. Je crois comprendre que la PACA est considérée comme un succès aux États-Unis et qu’il s’agit d’une protection très nécessaire pour les agriculteurs canadiens. Elle était très appréciée lorsque nous pouvions y avoir accès. Évidemment, la réciprocité a été retirée. Je crois comprendre que le retrait a eu lieu au niveau administratif. Si le Canada adoptait le projet de loi C-280, ce serait un trait de plume et nous obtiendrions la réciprocité presque immédiatement.
Je me demande si ce ne serait pas un acte de réciprocité avec les États-Unis, ce qui, à mes yeux, ne ferait que réduire les prix pour les consommateurs parce que les Américains seraient moins réticents à exporter leurs produits au Canada. Ils nous ont dit qu’ils hésitent à entrer sur le marché canadien parce qu’ils n’ont pas de protection. Par conséquent, les consommateurs canadiens ont moins accès à des aliments nutritifs et abordables. J’aimerais adresser cette question à M. Morrison, puisqu’il a parlé de la PACA.
M. Morrison : Je vous remercie pour la question. La PACA est une réglementation générale qui s’applique à l’ensemble du marché américain des fruits et légumes frais. Elle régit la délivrance de permis, l’inspection et le règlement des différends. Elle procure une protection des paiements à l’intérieur et à l’extérieur de la faillite. Pour ce qui est du gouvernement du Canada, je ne voudrais pas me prononcer quant au fait que c’est une réussite ou non. Je pense que le marché américain serait le mieux placé pour en discuter.
Pour ce qui est de savoir s’il serait avantageux de l’appliquer au Canada, encore une fois, il s’agit d’une décision stratégique qui a été prise par les parlementaires et qui visait à établir une fiducie réputée pour remédier à ce qui était perçu comme des iniquités sur le marché des fruits et légumes frais qui n’étaient pas visées par l’actuelle loi sur l’insolvabilité.
La présidente : Très bien, le temps dont nous disposions est écoulé. Je vais simplement prendre un peu de celui de notre prochaine séance. Mais je vais accorder une minute pour la question et la réponse.
La sénatrice Ringuette : Tout d’abord, c’est déroutant parce que nous pouvons parler du coût des aliments, mais, si les travailleurs n’obtiennent pas l’avantage de leur travail parce qu’on les accule à la faillite, ils n’auront pas d’argent pour acheter les aliments de toute manière.
Mais la question à laquelle je voudrais obtenir une réponse, c’est que vous avez mentionné que vous aviez envisagé un certain type d’assurance, mais que les primes étaient élevées.
La présidente : Trente secondes.
La sénatrice Ringuette : On nous a dit que le risque concerne 0,1 % de 1 % des exportations. Alors, les primes sont toujours fondées sur le risque.
La présidente : Il nous reste environ 15 secondes pour la réponse.
La sénatrice Ringuette : Quelles auraient été les primes? À mes yeux, cela n’a absolument aucun sens.
La présidente : Très bien. Madame Howe?
Mme Howe : D’après le travail qui a été fait précédemment, l’industrie a signalé que, peu importe le prix qu’on appliquait à l’obtention d’une assurance privée, il était jugé inabordable pour elle.
La sénatrice Ringuette : Cette étude n’a pas été effectuée par votre ministère?
Mme Howe : Non.
La présidente : Merci. Sénateur Yussuff, les mêmes règles s’appliquent à vous : 30 secondes pour la question et la réponse.
Le sénateur Yussuff : Comme le temps est écoulé, je vais m’abstenir.
La présidente : Sénateur Massicotte, vous avez le dernier mot.
Le sénateur Massicotte : Nous vivons dans une économie de marché. Chaque fois que nous essayons d’en manipuler les règles, vous voulez obtenir un certain résultat; les mesures deviennent totalement non rentables et inefficaces et ont des répercussions négatives sur le PIB et la richesse du pays. Est-ce exact? Trente secondes.
M. Rosser : Madame la présidente, je le ferais la plupart du temps, mais notre société est complexe. Il y a beaucoup d’exemples de cas où le gouvernement ne suit pas l’économie des manuels.
La présidente : Merci beaucoup à tous. Je vous remercie de votre collaboration dans le cadre de notre journée chargée. Je vous remercie tous d’avoir été des nôtres aujourd’hui et d’avoir répondu à nos questions.
Nous avons le plaisir d’accueillir en personne Tony Bonen, directeur général, Recherche économique, du Conference Board du Canada. Monsieur Bonen, je crois comprendre que vous avez une déclaration préliminaire à nous faire. Allez-y, s’il vous plaît.
Tony Bonen, directeur général, Recherche économique, Conference Board du Canada : Merci beaucoup, madame la présidente. Je remercie le comité de m’accueillir aujourd’hui.
Je m’appelle Tony Bonen. Je suis heureux de me joindre à vous aujourd’hui à titre de directeur général de la Recherche économique au Conference Board du Canada.
Le Conference Board est un organisme de recherche indépendant et sans but lucratif de premier plan. Depuis 70 ans, nous nous efforçons de mettre nos recherches entre les mains des décideurs, qu’il s’agisse du gouvernement, du milieu des affaires ou de la société civile, afin qu’ils puissent agir en fonction des meilleures données probantes et recherches au Canada.
Grâce à la force de notre analyse et à la clarté de nos recommandations, nous cherchons à rendre le monde meilleur. C’est donc avec grand plaisir que je me joins au Comité permanent des banques et du commerce pour discuter de notre recherche.
L’an dernier, nous avons préparé en collaboration avec l’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes, ou l’ACDFL, le rapport intitulé L’empreinte économique du secteur des fruits et légumes frais du Canada. Ce rapport a tiré parti de notre modèle d’évaluation de l’incidence économique pour estimer la contribution globale des producteurs de fruits et de légumes frais au Canada. Notre analyse a révélé qu’en 2022, la contribution totale du secteur des fruits et légumes frais au PIB s’élevait à près de 15 milliards de dollars en dollars de 2019, dont environ 7,4 milliards de dollars en contributions directes du secteur au PIB.
Cette activité économique a soutenu plus de 185 000 emplois dans l’ensemble des secteurs et des régions, ce qui représente 10 milliards de dollars en revenus de travail pour les travailleurs.
Comme on s’y attendrait, les retombées économiques du secteur des fruits et légumes frais sont les plus importantes dans les provinces les plus grandes, soit l’Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique, et elles sont importantes dans le Canada atlantique, en particulier à l’Île-du-Prince-Édouard.
Au-delà du secteur agricole, ou officiellement le secteur des cultures agricoles et de l’élevage, le secteur des fruits et légumes frais contribue à l’activité économique et à l’emploi dans les secteurs du commerce de détail et de gros et des services financiers, ainsi que chez un grand nombre d’autres fournisseurs reliés à la chaîne de valeur.
Nous avons également estimé que les recettes gouvernementales totales — fédérales, provinciales et municipales — générées en 2022 s’élèvent à plus de 4 milliards de dollars de l’ensemble de ce secteur.
Les répercussions directes, c’est-à-dire l’activité économique et l’emploi attribuables aux entreprises qui participent directement à la chaîne d’approvisionnement des fruits et légumes frais, représentent environ la moitié du total que je décrivais. L’autre moitié des répercussions sont celles qui sont indirectes et induites, d’autres entreprises auxiliaires dans la chaîne de valeur, et puis celles qui découlent du fait que les gens touchent des salaires plus importants et réalisent davantage de profits en conséquence de cette activité économique et qu’ils les réinjectent ensuite dans l’économie au sens large.
En général, le secteur des fruits et légumes frais continue de contribuer de façon importante à l’activité économique et à l’emploi au Canada.
Je serai heureux de vous parler de nos recherches à ce sujet. Merci beaucoup.
La présidente : Merci pour cette déclaration. Nous allons commencer nos questions officielles avec le sénateur Loffreda, notre vice-président.
Le sénateur Loffreda : Je vous remercie de votre présence, monsieur Bonen.
Si vous avez entendu les témoins de notre groupe précédent, vous êtes au courant de nos préoccupations. Je voulais que soit consigné au compte rendu le rapport précédent du gouvernement dans lequel il exprimait les mêmes préoccupations que nous.
La question que je vous adresse est la suivante : quelles sont les répercussions macroéconomiques possibles du projet de loi C-280 sur le coût des emprunts dans le secteur agricole?
Selon vos prévisions, comment toucheront-elles les consommateurs si les institutions financières répercutent ces coûts sur la chaîne d’approvisionnement? Comme nous le disons, le risque est accru. On peut évidemment gérer les risques. Il y aura toujours des prêts consentis et accessibles, j’en suis certain. Cela ne fait aucun doute. Mais un risque accru accroît le rendement. Avez-vous fait des prévisions en fonction de cette préoccupation et de ce risque?
M. Bonen : Merci de poser la question.
L’analyse que nous avons effectuée ne portait pas sur les détails des risques de faillite ou d’insolvabilité. Je tiens à préciser que je ne suis pas un expert en droit de l’insolvabilité. Je suis économiste de formation. C’est ce que je fais dans mon travail quotidien.
Oui, j’ai eu l’occasion d’entendre une partie de la discussion du groupe précédent. Au bout du compte, lorsqu’il y aura insolvabilité ou faillite, ce sera un jeu à somme nulle. Le risque qui s’y rattache doit être réparti quelque part dans le système. Quiconque assumera ce risque en établira le prix d’une façon quelconque.
Si on transfère le risque d’un secteur à un autre, c’est là que les primes pour couvrir ce risque et cette possibilité de faillite se trouveront le plus directement.
Le sénateur Loffreda : Croyez-vous que cette industrie devrait bénéficier d’un traitement préférentiel? Voyez-vous des faits ou des chiffres qui justifieraient un tel traitement préférentiel? Où nous arrêterons-nous si nous établissons ce précédent? Qui sera le suivant?
M. Bonen : C’est une bonne question, à laquelle il est difficile de répondre… trouver un juste équilibre entre l’équité générale d’un traitement équitable au titre des règles applicables à la faillite, et c’est ce qu’il faut pour avoir un système — un ensemble de règles — clair et simple par rapport aux particularités de n’importe quel secteur.
Nous n’avons pas fait de recherche particulière sur ce secteur. Je comprends la nature unique des denrées périssables produites par le secteur des fruits et légumes frais, qui le place dans une situation unique par rapport à d’autres secteurs.
Malheureusement, je ne suis pas en mesure de dire comment on doit équilibrer cette exception, ce traitement spécial accordé à un groupe par rapport à d’autres. Cela nécessiterait des recherches supplémentaires qui porteraient sur le projet de loi précisément et que nous n’avons pas entreprises.
Le sénateur C. Deacon : Merci de votre présence, monsieur Bonen.
Il y a environ six ou sept ans, le rapport Barton proposait de doubler nos exportations agricoles au Canada et de mettre l’accent sur ces exportations.
Pour revenir à ce que disait le sénateur Loffreda, la grande différence ici, c’est que les producteurs américains avec lesquels nous sommes en concurrence bénéficient de cette protection, contrairement à nos producteurs. Cela nous désavantage. Ces producteurs ne se plaignent pas du coût des emprunts. La protection, c’est ce qu’ils apprécient le plus.
Quarante pour cent de notre production est exportée vers les États-Unis. Si nos producteurs veulent déposer une caution, c’est une caution de 200 % qu’ils doivent constituer pour protéger cette créance.
Du point de vue de l’objectif qui consiste à augmenter nos exportations, à créer l’équité dans un domaine où un de nos concurrents étrangers bénéficie d’un avantage précis, ne voyez‑vous pas l’avantage que cela présente?
Nous ne le faisons pas au hasard pour n’importe quel secteur existant. Nous le faisons parce qu’il y a un problème commercial. Nous avons dit que nous voulions accroître les échanges dans ce secteur particulier. Sans cela, nos exportateurs sont très désavantagés. Est-ce un bon résumé?
M. Bonen : Merci de votre question, sénateur Deacon.
Oui, c’est un bon résumé. De toute évidence, si vous êtes en mesure de réduire le coût des exportations en réduisant les obligations que vous devez payer pour assurer vos exportations, cela vous aidera certainement à exporter davantage et à être plus concurrentiels sur le marché étranger, en particulier aux États-Unis, où la grande majorité de nos produits frais sont exportés.
J’ajouterais qu’il faut trouver un équilibre avec d’autres considérations et, une fois encore, ce compromis.
Le sénateur C. Deacon : Absolument. Nos petits et moyens agriculteurs, qui constituent la majeure partie de nos agriculteurs, sont encore plus désavantagés par rapport à n’importe qui parce qu’ils doivent se regrouper. Le défaut de paiement d’un seul acheteur pourrait les mettre en difficulté, alors qu’un groupe plus important vendant à de nombreux acheteurs différents pourrait avoir un risque plus diversifié. Est-ce également juste?
M. Bonen : Oui. Permettez-moi de revenir en arrière et de dire que, en ce qui concerne le secteur de la production alimentaire en général, il y a des arguments et des appuis plus généraux quant au fait de s’assurer que sa production ne chute pas soudainement en raison de l’importance de la sécurité alimentaire en général au sein de…
Le sénateur C. Deacon : Nous aimons manger.
M. Bonen : J’adore cela. C’est quelque chose d’unique, pas seulement pour les fruits et les légumes, mais pour l’ensemble du secteur de la production alimentaire.
Le sénateur C. Deacon : Merci.
Le sénateur Varone : Merci d’être ici, monsieur Bonen.
J’ai lu à plusieurs reprises votre rapport intitulé L’empreinte économique du secteur des fruits et légumes frais du Canada. Vous définissez les ventes à la ferme comme la valeur reçue par les producteurs au moment de la première transition. Je comprends cela. Comme toute autre industrie, c’est comme FOB sur le camion.
Je vais emprunter le terme du sénateur Deacon en ce qui concerne le courtier, terme qui n’est pas compris par la Bibliothèque du Parlement ni par les juristes du service juridique du Sénat. Ils n’avaient aucune définition du terme courtier.
J’ai examiné votre rapport. Quelle est la taille de ce marché? Si je sais que les agriculteurs produisent 1,5 milliard de dollars de produits canadiens, quel est le prochain niveau de transition? Votre rapport ne contient pas de conclusion à cet égard, mais savez-vous quel est ce chiffre?
M. Bonen : Merci de la question. Malheureusement, je ne sais pas.
Dans le cadre de notre analyse, nous avons procédé à une analyse axée sur le consommateur afin d’examiner l’ensemble de la chaîne de valeur, c’est-à-dire les fruits et les légumes achetés par le Canadien moyen. Nous avons un modèle qui représente l’ensemble de l’économie canadienne dans chacune des provinces et chacun des territoires. Nous laissons les dépenses se répartir entre les différents secteurs.
Cette exclusion spécifique du courtier serait contenue dans l’un de ces secteurs, et ne constituerait pas un élément distinct de l’analyse que nous avons effectuée.
Le sénateur Varone : Êtes-vous en mesure de trouver un chiffre?
M. Bonen : Possiblement. Pas dans le cadre de modélisation que nous avons utilisée pour ce rapport.
Le sénateur Massicotte : Je vous remercie d’être parmi nous aujourd’hui.
Vous avez une formation en économie, je suppose?
M. Bonen : Oui.
Le sénateur Massicotte : Êtes-vous d’accord avec moi pour dire qu’au Canada, nous avons décidé d’une économie de marché? En tant qu’économie de marché, plus vous jouez avec les règles et accordez des exceptions à vos amis, plus cela devient non rentable ou inefficace? Est-ce un scénario exact?
M. Bonen : De façon générale, oui, je dirais que c’est exact.
Le sénateur Massicotte : Si vous commencez à changer les priorités, c’est un jeu à somme nulle. Le moins que vous puissiez faire, c’est de procéder comme ils l’ont fait il y a 10 ans, c’est‑à‑dire en tenant compte de toutes les priorités.
Si vous commencez à privilégier un certain groupe, vous devez savoir pourquoi. Lorsque les gens voient cela, et qu’ils voient que c’est injuste, je suis certain que la productivité diminue. Êtes-vous d’accord?
M. Bonen : Je ne suis pas sûr que la productivité diminue nécessairement. Cela dépendra des changements particuliers apportés aux règles et aux lois qui sont mises en œuvre. Dans ce cas-ci, nous avons beaucoup parlé des exportations et des augmentations qui pourraient être bénéfiques pour la productivité.
Certes, en économie, on dit qu’il y a la loi des conséquences imprévues. Vous apportez ce changement ici; vous ne pensez pas aux retombées dans d’autres secteurs, au financement d’autres secteurs du secteur agricole de façon plus générale. Ce sont des choses qu’il nous incombe d’étudier en profondeur. Il y a toujours ce risque, certainement, quand on change les règles.
Le sénateur Massicotte : Merci.
Le sénateur Yussuff : En ce qui concerne votre étude, ce que nous essayons de déterminer — de toute évidence, nous savons qu’il y avait un problème et comment faire pour le régler —, c’est que nous essayons de rafistoler quelque chose qui nous semble problématique, du moins d’après le consensus, en écoutant le témoin et en essayant de le comprendre.
Les exportations pourraient évidemment augmenter. C’est l’intention. C’est ce que nous voulons protéger. Les agriculteurs sont lésés chaque fois qu’ils ne sont pas payés.
Pour ce qui est des exportations, d’après vos données, elles s’élèvent à environ 1,5 ou 1,6 milliard de dollars. Diriez-vous qu’il s’agit d’une évaluation juste en fonction du moment où vous avez fait votre analyse et votre rapport?
M. Bonen : Je n’ai pas les chiffres sur les exportations devant moi. Cela semble relativement raisonnable. Il faudrait que je vérifie.
Environ la moitié de la production globale du secteur a été exportée, la majorité vers les États-Unis. Cela semble raisonnable.
Le sénateur Yussuff : De toute évidence, c’est un secteur important. De nombreux petits agriculteurs sont touchés par ce problème lorsqu’ils ne sont pas payés. La Loi sur la faillite est une façon de le faire.
Nous sommes aux prises avec le défi que représente le fait de remanier la loi pour régler un problème qui pourrait être mieux réglé ailleurs. Avez-vous réfléchi à la question?
Je pose peut-être une question qui sort de votre champ de compétence. Je ne veux pas vous mettre dans une situation où vous ne devriez pas être. N’hésitez pas à me dire de me mêler de mes affaires. Je veux simplement vous donner la chance de nous faire part de vos réflexions.
M. Bonen : Encore une fois, sénateur, je pense que c’est une très bonne question. Ce type de protection ne relève certainement pas de mes compétences en ce qui concerne les droits et les règlements. Après avoir entendu une partie de la discussion du groupe de témoins précédent, je comprends le risque que ce soit un coup de massue, un changement important dans ce qui est un vaste ensemble de réglementations en matière de protection en cas de faillite. Il y a d’autres façons de contourner le problème, mais étant donné le désir d’harmoniser la structure de la réglementation américaine en matière de faillite, je peux comprendre pourquoi on a modifié cette partie du domaine de la faillite plutôt que d’autres. Encore une fois, je ne peux pas parler des solutions de rechange, mais je suis certain qu’il en existe d’autres.
Le sénateur Yussuff : Merci.
Le sénateur Fridhandler : Je demeure préoccupé par l’équité à l’égard de l’ensemble du secteur de la production alimentaire. Comme je viens tout juste de me joindre au comité, je n’ai pas lu toute la documentation, alors je ne suis peut-être pas au courant de certains des rapports que vous avez fournis. Mais vous avez parlé des producteurs d’aliments en général et de la sécurité alimentaire. Votre étude a-t-elle été conçue en réponse au projet de loi? Vous avez dit qu’il concernait les producteurs de fruits et de légumes, alors pourquoi n’avez-vous pas examiné les denrées périssables de façon plus générale? Comme vous ne l’avez pas fait — je crois, d’après le rapport —, pouvez-vous nous parler du secteur des denrées périssables au Canada en général et de l’iniquité que nous créons ou des valeurs qui nous échappent?
M. Bonen : Merci beaucoup de votre question, sénateur. Le rapport que nous avons produit était axé sur les producteurs de fruits et légumes uniquement parce qu’il a été rédigé en collaboration avec eux. Il était parrainé par l’ACDFL. Il s’agit d’une analyse que nous avons effectuée peut-être trois ou quatre fois au cours de nombreuses années pour obtenir une évaluation de l’impact du secteur et de son influence sur l’ensemble de l’économie. Ce n’est pas quelque chose qui s’inscrit bien dans les statistiques et les données disponibles, alors il faut faire cette analyse, comme je l’ai déjà mentionné, du point de vue du consommateur, et de la façon dont les dépenses en fruits et légumes se répercutent sur le reste de l’économie. L’accent mis sur le secteur des fruits et légumes est donc attribuable à la structure de l’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes et à l’accent qu’elle met sur ce secteur.
Les répercussions, ou l’empreinte économique, comme nous l’appelons, de l’ensemble du secteur de la production alimentaire pourraient être analysées de cette manière. Ce ne serait pas trop difficile à réaliser. Si on ajoute un secteur plus important ou qu’on augmente l’échelle qu’on étudie, les répercussions seront également plus importantes. Encore une fois, je ne peux pas parler en détail de l’iniquité, si ce n’est pour dire que, oui, il s’agirait d’établir des règles distinctes pour un secteur, et que la question de savoir si cela est suffisamment valable pour équilibrer le compromis de l’équité dans l’ensemble du secteur est quelque chose qui, malheureusement, dépasse ce que je peux évaluer.
Le sénateur Fridhandler : J’ai une brève question complémentaire. Si j’ai bien compris, il faudrait trouver un parrain pour réaliser une nouvelle étude afin de comprendre le secteur des aliments périssables au Canada?
M. Bonen : Oui, le Conference Board du Canada est un organisme sans but lucratif indépendant. La recherche que nous entreprenons est parfois motivée par nos propres intérêts internes en collaboration avec des partenaires. Une partie du travail que nous faisons est également commandée par des partenaires externes. Nous travaillons avec eux pour les aider à modéliser l’analyse et ainsi de suite. Cela s’inscrit dans le dernier camp.
Le sénateur Fridhandler : Avez-vous des inquiétudes quant à l’encadrement de l’étude et aux hypothèses selon lesquelles il s’agirait d’une analyse claire et objective du secteur plus restreint que vous avez étudié?
M. Bonen : Je n’ai pas d’inquiétude quant à l’encadrement de l’étude ou de l’analyse. Il existe une organisation axée sur les producteurs de fruits et légumes qui veulent comprendre l’impact qu’ils ont et la place qu’ils occupent au sein de l’économie en général, c’est donc dans ce cadre que s’inscrit l’étude. C’est un genre d’analyse assez typique que l’on fait pour les secteurs qui ne s’inscrivent pas bien dans les statistiques et les données disponibles.
La présidente : Avant de poursuivre, nous revenons toujours à la question fondamentale qui est la suivante : y a-t-il des aliments qui sont plus vulnérables que d’autres ou plus périssables dans ce cas-ci que d’autres? Où se situe la limite? Ce n’est pas du bois qu’on peut empiler dans la cour. Ce n’est pas de la soupe en conserve. Il s’agit de fruits et de légumes qui peuvent avoir une très courte durée de conservation. Pouvez‑vous nous donner une idée des paramètres?
M. Bonen : Absolument. C’est une très bonne question. Plus précisément, nous définissons le secteur que nous examinons ici comme étant celui des pommes de terre fraîches, des noix et fruits frais et des légumes frais. Ce sont les catégories précises pour lesquelles nous disposons de données qui nous permettent d’établir le modèle et le montant des dépenses dans ces catégories.
On pourrait aussi examiner le bœuf, le poulet et d’autres secteurs, mais cela ne faisait pas partie du cadre. Il n’y a rien de mal à cela. C’est simplement la façon dont on choisit le secteur particulier et les éléments qu’on veut examiner.
La présidente : Même dans cette catégorie, il y a les noix par rapport aux framboises.
M. Bonen : Oui.
La présidente : Comment faites-vous ces distinctions?
M. Bonen : Dans ce cas-ci, parce que nous travaillons avec l’ACDFL, elle avait une idée de ce qui se trouvait dans son secteur et de ce qui ne s’y trouvait pas. En ce qui concerne la question précise des fruits par rapport aux framboises, il n’y a rien d’aussi précis qui nous permette de faire la distinction.
La sénatrice Robinson : Sénatrice Wallin, vous m’avez un peu coupé l’herbe sous le pied. J’aimerais revenir un peu sur ce point.
À votre avis, y a-t-il des aliments périssables qui ne font pas partie de ce que vous avez examiné? Je sais qu’on se demande si les pommes de terre sont périssables. Je pense qu’il est important de comprendre que la qualité du produit que nous cherchons à mettre sur le marché exige une certaine atmosphère contrôlée pour l’entreposage. Nous pouvons tous garder nos pommes de terre dans le seau sous l’évier pendant quelques mois et les manger quand même, mais elles seront probablement caoutchouteuses, et elles pourraient être germées. Ce n’est pas ce qu’on se fait servir quand on va au Keg. Y a-t-il des aliments qui, selon vous, devraient être considérés comme périssables et qui pourraient avoir besoin de ce genre de protection?
M. Bonen : Il y a certainement d’autres aliments périssables et d’autres produits périssables. J’ai vu des pommes de terre se périmer, alors c’est certainement le cas. Les viandes ou les produits laitiers, par exemple, sont certainement périssables.
La sénatrice Robinson : Nous n’exportons pas beaucoup de produits laitiers. Nous le savons. Et la viande n’est généralement pas périssable. Elle est vendue, l’animal est abattu, puis elle est conservée dans un environnement contrôlé, mais une fois que les pommes de terre sont expédiées, elles arrivent sur le marché et la cargaison est déchargée, et vous vous retrouvez, en tant que producteur de l’Île-du-Prince-Édouard, à essayer de trouver un moyen d’amener la semi-remorque quelque part où quelqu’un pourra utiliser le produit et vous le payer. Je ne pense pas que la viande bovine entre dans cette catégorie.
J’avais une autre question. En ce qui concerne les exportations, nous avons entendu dire que nous sommes certainement en situation déficitaire lorsque nous examinons le commerce avec les États-Unis. Je me demande si vous pourriez nous dire ce que vous en pensez. Pensez-vous que les producteurs de denrées périssables au Canada demanderaient la réciprocité pour que nous adoptions le projet de loi C-280 s’ils craignaient que cela — la réciprocité de la PACA — se traduise par une grande quantité de produits en provenance des États‑Unis? Ne pensez-vous pas que si cela les préoccupait, ils ne nous demanderaient pas d’adopter le projet de loi C-280?
M. Bonen : La façon dont vous avez formulé la question est logique. Il serait étrange que les entreprises et les secteurs qui souhaitent exporter davantage fassent pression en faveur d’une loi qui rendrait plus difficile la vente sur le marché intérieur, même s’ils peuvent exporter un peu plus. Je ne sais pas exactement ce qu’ils attendent des résultats de la réciprocité.
La sénatrice Robinson : Merci.
Le sénateur Varone : Ma question porte sur la faillite. Des témoins nous ont dit que cela représente 0,1 % du ratio de pertes. Comment cela se traduit-il dans l’ensemble du Canada, secteur par secteur? Se situe-t-il dans la fourchette normale? Est-il supérieur à la normale? En tant qu’économiste, où situez-vous le taux de faillite dans le secteur des fruits et légumes frais en général?
M. Bonen : À titre de précision, le taux de faillite — parce que je ne le connais pas par cœur — est de 0,1 %?
Le sénateur Varone : Oui.
M. Bonen : C’est inférieur au taux moyen de faillite au pays. Je ne le connais pas de mémoire. Je pense que c’est plus près de 0,5 % ou de 1 %. Il faudrait que je vérifie. Mais ça semble...
Le sénateur Varone : Pourriez-vous transmettre cela directement au comité?
M. Bonen : Je vais le faire. Oui.
La sénatrice Ringuette : Merci. Il y a quelques énigmes qu’il faut comprendre ici. Je suis née, j’ai grandi et je vis encore au cœur de la région de la pomme de terre du Nouveau-Brunswick. Je sais combien de temps une pomme de terre reste fraîche. Aujourd’hui, on peut réfrigérer une pomme de terre fraîche en octobre et, grâce au système dont on dispose, elle aura encore l’air fraîche en juin prochain. Comment peut-on mettre les pommes de terre fraîches et les noix dans le même panier que les framboises, qui sont extrêmement périssables?
L’autre chose, c’est que la PACA, l’ensemble du système aux États-Unis, dans sa définition des aliments frais périssables, inclut aussi les fruits et les légumes surgelés. Le terme « frais » semble tellement élastique qu’il pourrait commencer ici et probablement finir à Toronto. Cela nous ramène à ce que vous avez considéré comme la liste de produits.
Pour le consommateur, les produits frais sont vraiment frais. La périssabilité devrait être le facteur.
M. Bonen : L’étude que nous avons entreprise ne portait pas sur les denrées périssables. Elle portait sur le secteur des fruits et légumes tel que défini par l’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes, notre partenaire dans ce travail. À l’époque, nous ne nous préoccupions pas de savoir si les produits étaient périssables ou non. Je comprends votre point de vue. Je pense que c’est un bon point; les noix ne sont pas périssables de la même façon.
La sénatrice Ringuette : Encore une fois, il ne s’agit pas de comparer les mêmes pommes au Canada et aux États-Unis.
J’ai une autre question; qui nous ramène à la question du regroupement ou de la chaîne de transactions qui commence chez le producteur au Canada. Il pourrait y avoir trois, peut-être cinq autres entités au Canada. Ensuite, le produit traverse la frontière pour se rendre aux États-Unis. Puis, il peut y avoir trois ou quatre entités de plus avant que le produit n’arrive au magasin de détail pour le consommateur.
Nous envisageons d’offrir une protection en cas de faillite à une dizaine d’entités différentes en raison de la chaîne. Nous ne cherchons pas seulement à protéger les producteurs de produits frais contre les faillites. Vous êtes-vous penchés là-dessus dans votre analyse?
M. Bonen : Non, nous ne nous sommes pas penchés là‑dessus.
Le sénateur C. Deacon : Il est important de savoir combien il y a de groupes dans la chaîne de valeur. Je doute que ce soit dix lorsqu’un produit périssable se rend jusqu’au consommateur.
J’ai entendu dire qu’on craignait un déséquilibre commercial avec les États-Unis.
Si on considère que les exportateurs canadiens n’ont aucune protection par rapport à leurs homologues américains et qu’ils exportent sur ce marché, les acheteurs le savent probablement.
Le fait que les risques soient plus élevés explique peut-être en partie la baisse des exportations. Si les protections étaient les mêmes pour les producteurs des deux côtés de la frontière et pour ceux qui vendent pour le compte des producteurs, nous pourrions voir une augmentation attribuable à la sécurité accrue. Est-ce que ce serait juste? Il est malheureux que nous blâmions le manque d’exportations. L’une des raisons pour lesquelles nous n’appuyons pas le projet de loi, c’est que nous exportons moins. Mais nous exportons moins parce que les protections sont moins élevées.
M. Bonen : Là encore, je pense que c’est logique. Les primes plus élevées payées pour la protection des exportations sont logiques. En ce qui concerne le déséquilibre, je ne suis pas certain de pouvoir dire quel est le juste équilibre en ce qui a trait au niveau d’exportations ou des importations entre deux pays. Les États-Unis importeront toujours plus en raison de leur climat du Sud et, pendant l’hiver, ils peuvent importer plus au Canada que l’inverse.
Le sénateur C. Deacon : Mais cela constituerait une solution équitable pour nos exportateurs qui vendent leurs produits sur un marché qui pourrait leur donner une prime s’ils se sentent à l’aise de gérer le risque, ce qui correspond à un objectif très important de notre stratégie agricole et alimentaire. Merci.
Le sénateur Loffreda : Je vais lire ce qui est mentionné sur votre site Web :
Nous sommes le principal organisme indépendant de recherche appliquée au Canada. Nous offrons une perspective unique des problèmes les plus difficiles du Canada.
Bien dit.
D’après ce que je comprends, nous avons ici un traitement préférentiel à l’égard d’une industrie particulière dont les pertes sur créances sont faibles. Vous avez entendu la déclaration du gouvernement qui a été faite il y a quelque temps, et que j’ai consignée au compte rendu, qui est publique.
Nous avons la possibilité d’augmenter le coût des prêts en raison du risque accru. Quelle perspective unique pouvez-vous apporter aujourd’hui et partager avec nous en ce qui concerne les éléments essentiels du projet de loi?
M. Bonen : Au fur et à mesure que j’en apprends davantage sur le projet de loi, l’une des choses que je trouve intéressantes, c’est qu’il crée certainement une exclusion spéciale pour les producteurs d’aliments frais et de légumes au Canada dans le cadre de la faillite. C’est le principal problème.
Ce qui est ironique, c’est qu’en faisant cela, vous créez une équité avec le marché américain et les producteurs là-bas, compte tenu des protections dont ils disposent, et cela permet d’équilibrer la préoccupation ici, alors que vous recherchez l’équité dans le principal marché d’exportation en créant une iniquité dans notre cadre national de faillite.
L’équilibre des risques et des compromis est, là encore, très difficile à déterminer. En effet, vous ne faites que déplacer ce risque entre différents secteurs. Quelqu’un devra couvrir les primes associées au risque de faillite.
Le sénateur Loffreda : J’ai une brève question complémentaire. Nous disons que les exportations sont faibles. Pour faire suite à la question du sénateur Deacon, notre principal marché d’exportation, c’est-à-dire les États-Unis... 45 %, ou presque, de notre PIB est constitué d’exportations, dont les trois quarts vers les États-Unis. Le besoin, en raison de leur climat, n’est pas présent. Un tel projet de loi augmenterait-il les exportations?
M. Bonen : Il va de soi que le projet de loi augmenterait les exportations, toutes choses étant égales par ailleurs. Cependant, je ne sais pas si les exportations sont trop faibles à l’heure actuelle par rapport au bon niveau d’exportation que nous essayons d’atteindre, mais je pense que cela augmenterait les exportations, d’après ce que j’ai compris de ce qui se passerait sur le marché.
Le sénateur Loffreda : Merci.
La présidente : D’un autre côté, en ce qui concerne les importations, parce que les consommateurs ne voient pas les protections ici, vous avez moins de choix dans ce pays.
Merci à tous de vos questions. Merci, monsieur Bonen, de votre participation aujourd’hui. Vous avez accepté de répondre à une question du sénateur Varone. Vous pouvez l’envoyer à la greffière si cela vous est utile. Nous allons mettre fin à cette partie de la réunion.
Nous aurons une brève séance à huis clos.
(La séance se poursuit à huis clos.)