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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES BANQUES, DU COMMERCE ET DE L’ÉCONOMIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 24 octobre 2024

Le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie se réunit aujourd’hui, avec vidéoconférence, à 11 h 30 (HE), pour examiner, afin d’en faire rapport, le cadre de la politique monétaire du Canada.

La sénatrice Pamela Wallin (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour à tous. Bienvenue à la présente réunion du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie.

Je m’appelle Pamela Wallin et je suis la présidente du comité. Permettez-moi de présenter les autres membres du comité qui participent à la réunion d’aujourd’hui: le vice-président, le sénateur Loffreda; le sénateur Deacon, de la Nouvelle-Écosse; le sénateur Fridhandler; le sénateur Gignac, le sénateur Kutcher, qui remplace le sénateur Yussuff aujourd’hui; la sénatrice Martin; le sénateur Massicotte; la sénatrice Ringuette et le sénateur Varone. Je vous remercie tous pour votre présence aujourd’hui.

Le 10 octobre 2024, le comité a été autorisé par le Sénat à examiner le cadre de la politique monétaire du Canada pour en faire rapport. Aujourd’hui, dans le cadre de ce mandat, nous avons le grand plaisir d’accueillir en personne l’honorable Diane Bellemare, ancienne sénatrice, en fait, ancienne sénatrice depuis environ une semaine. C’est une collègue de longue date au Sénat, qui a été une voix très importante au sein du comité pendant de nombreuses années. Nous l’accueillons à nouveau pour participer à cet examen parce que c’est un sujet qui lui tient à cœur, à savoir le mandat de la Banque du Canada et le réexamen de certaines règles.

Elle avait en fait proposé un projet de loi à cet égard. Lorsque le comité, à sa demande, a accepté d’étudier cette question, elle a dit que c’était la meilleure façon de procéder. Elle demeure une sénatrice dans son cœur, sachant que le comité effectue le précieux travail nécessaire.

Madame Bellemare, je sais que vous avez des remarques préliminaires à faire. La parole est maintenant à vous.

L’hon. Diane Bellemare, ancienne sénatrice, à titre personnel : Je vous remercie. Je suis ravie d’être ici avec vous. J’avais hâte de faire cet exposé. Durant la dernière semaine, j’ai un peu perdu l’habitude de m’exprimer en anglais, mais ça va aller.

Je ferai ma déclaration liminaire en français et en anglais et je répondrai aux questions en français et en anglais également.

[Français]

Je vous remercie de l’invitation à comparaître devant vous dans le contexte de l’étude sur la Banque du Canada et le renouvellement du cadre de la politique monétaire. Je vais surtout parler du mandat de la politique monétaire et aborder rapidement les cibles et leurs mesures.

[Traduction]

Premièrement, le cadre actuel de la politique monétaire ouvre la porte à l’adoption d’un double mandat. Depuis 1991, la politique monétaire a officiellement pour objectif de stabiliser les prix. Cet objectif est décrit dans la déclaration conjointe quinquennale présentée par le gouvernement du Canada et la Banque du Canada, qui précise la cible d’inflation.

Cette déclaration est davantage une convention et elle n’est pas exigée par la loi. Elle est préparée par la Banque du Canada et approuvée par la ministre des Finances. Elle est présentée au Parlement du Canada et elle ne fait pas l’objet d’un débat.

Depuis 1991, la cible d’inflation est fixée à 2 %. La dernière entente précise que la politique monétaire vise une cible d’inflation de 2 %, soit le point médian d’une fourchette allant de 1 % à 3 %. Cette cible est fondée sur le taux de croissance annuel de l’indice global des prix à la consommation, ou IPC. Cette cible est restée inchangée depuis 1991.

Toutefois, la déclaration de décembre 2021, la plus récente, précise que la Banque du Canada prendra en compte un large éventail d’indicateurs du marché du travail et informera systématiquement les Canadiens de la mesure dans laquelle elle a pris en compte les tendances de l’emploi dans ses décisions en matière de politique monétaire.

La Banque du Canada n’a pas officiellement adopté un double mandat comme c’est le cas aux États-Unis et en Australie. Toutefois, on peut affirmer que la dernière déclaration ouvre la porte à un double mandat.

[Français]

Deuxièmement, les avantages du mandat dual surpassent les inconvénients. Comme vous le savez, je suis en faveur de l’adoption d’un mandat dual concernant la politique monétaire. En 2018, plus de 60 économistes canadiens, y compris Pierre Fortin, Andrew Sharpe et Mario Seccareccia, ont demandé au ministre des Finances de modifier la Loi de la Banque du Canada pour y prévoir le mandat dual.

De nombreuses raisons soutiennent l’adoption d’un mandat dual pour la conduite de la politique monétaire au Canada : il permet une croissance plus équilibrée en atténuant les fluctuations du taux directeur; il crée un environnement plus stable pour les investissements et la croissance de la productivité; en favorisant la stabilité économique, il contribue à la cohésion sociale; il renforce également la confiance du public dans l’institution qu’est la banque; on peut penser que le mandat dual semble particulièrement adapté à une confédération comme le Canada, car il oblige la banque à tenir compte d’une réalité — soit l’emploi et les prix — plus large que la hausse du taux de l’indice des prix à la consommation; enfin, les études précédentes de la Banque du Canada menées en 2021 sur la performance du mandat dual — qui signifie « double objectif » — indiquent qu’il aurait été tout aussi performant en matière d’inflation que la stratégie du ciblage de l’inflation, tout en ayant un léger impact positif sur l’emploi.

[Traduction]

Les opposants à l’adoption d’un double mandat font valoir que ces objectifs sont contradictoires et pourraient compliquer la formulation et la communication de la politique monétaire, ce qui risque de compromettre la crédibilité de la banque centrale en ce qui a trait à la maîtrise de l’inflation. En fait, l’avantage économique et social réel du double mandat compense cet inconvénient, qui peut être contré grâce à une bonne stratégie de communication.

Troisièmement, l’adoption d’un double mandat impliquerait nécessairement une coordination accrue et plus officielle entre la politique financière et la politique monétaire. C’est une bonne chose. C’est exactement ce que prescrit la théorie économique. C’est possible. On reconnaît déjà dans la dernière déclaration de 2021 que le gouvernement et la banque sont conjointement responsables de l’atteinte de la cible d’inflation et de la création d’emplois maximale et durable.

La prochaine déclaration fera peut-être état de moyens plus précis d’améliorer la coordination entre les politiques monétaire et financière.

[Français]

Quatrièmement, les risques futurs militent en faveur de l’adoption du mandat dual. Aujourd’hui et beaucoup plus qu’au siècle précédent, l’économie mondiale et celle du Canada baignent dans l’incertitude. C’est un constat universel réaffirmé dans les Perspectives économiques mondiales déposées mardi dernier, le 22 octobre 2024. On prévoit que des chocs d’offre comme ceux qu’on a connus depuis la pandémie risquent de se reproduire.

[Traduction]

Comme l’a expliqué le gouverneur Tiff Macklem, il est beaucoup plus facile de rétablir la demande que l’offre. Le risque est aujourd’hui plus grand que par le passé que l’inflation augmente principalement en raison des chocs d’offre. Si tel est le cas, une politique monétaire fondée sur les fluctuations du taux directeur pourrait être inappropriée et coûteuse. C’est ce qu’on laisse entendre dans le chapitre 2 de la récente étude du FMI présentée mardi dernier.

Par conséquent, je propose que le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie recommande dans le cadre de son étude l’adoption d’un double mandat lors du prochain renouvellement du cadre de la politique monétaire, l’inclusion dans ce cadre de la reconnaissance plus officielle des responsabilités du gouvernement à l’égard de l’exécution d’un double mandat et un examen de la Loi sur la Banque du Canada en vue de la moderniser.

[Français]

Sur les deux autres sujets de l’étude, je suis d’avis que la cible doit rester dans la fourchette de 1 à 3 %, mais ne doit pas se concentrer à tout prix sur un objectif de 2 %. La cible doit être flexible. Je recommande également que la réalisation de cet objectif soit mesurée par l’indice des prix à la consommation nets de l’impact de l’augmentation du taux d’intérêt directeur sur la mesure de l’IPC, comme cela est le cas en Suède. Merci beaucoup. L’examen va commencer.

[Traduction]

La présidente : Merci beaucoup, madame Bellemare. J’étais sur le point de dire encore « sénatrice ». Je pense que cela va m’arriver à quelques reprises aujourd’hui.

Je suis certaine que tout le monde dans la salle le sait, mais je vais tout de même mentionner pour ceux qui nous regardent aujourd’hui que la Banque du Canada elle-même a entrepris une étude de son mandat. Nous nous penchons en même temps qu’elle sur son mandat, et nous espérons que notre étude lui sera utile à cet égard.

Il y a beaucoup de questions, j’en suis sûre. Nous allons commencer par le vice-président, le sénateur Loffreda.

Le sénateur Loffreda : Bienvenue à nouveau parmi nous. Il y a tant de choses à dire, mais je pense que vous avez bien décrit la situation en ce qui a trait à l’inflation. Nous nous trouvons dans un environnement dynamique. Dans le passé, les causes profondes étaient la rareté des ressources et l’excès de liquidités. Aujourd’hui, c’est le contexte géopolitique, la réindustrialisation et la transition énergétique qui provoquent de l’inflation. Nous savons tous que la Banque du Canada a pour mandat de favoriser la prospérité économique et financière du Canada, et qu’un des éléments clés est la maîtrise de l’inflation, n’est-ce pas? Nous le savons tous.

Je voudrais parler d’un article que vous avez écrit, qui est paru en septembre dernier dans le Globe and Mail, et du lien avec le double mandat. Vous mentionnez l’importance d’adopter d’autres stratégies pour s’attaquer aux causes profondes de l’inflation, notamment des stratégies concurrentielles, des modifications aux politiques relatives au marché du travail et des mesures budgétaires et fiscales.

Pourriez-vous donner des exemples précis de la manière dont la modification du mandat améliorerait les stratégies concurrentielles, les modifications aux politiques relatives au marché du travail et les mesures budgétaires et fiscales que vous jugez les plus efficaces pour freiner l’inflation et favoriser la prospérité économique et financière du Canada, ce qui est le principal objectif de la Banque du Canada.

Mme Bellemare : Merci, sénateur, pour cette question. C’est une question importante, et je n’ai peut-être pas toutes les réponses exactes.

Le sénateur Loffreda : Nous réservons les questions importantes pour les personnes importantes, n’est-ce pas?

Mme Bellemare : Wow. Permettez-moi de parler d’un sujet que je connais mieux.

Lorsqu’il y a un double mandat — et le double mandat, comme vous le savez, consiste à stabiliser les prix et à créer le plus d’emplois possible, des emplois durables, ou à atteindre le plein emploi, conformément à l’objectif australien —, il est certain que la politique monétaire visera toujours une plus grande stabilité des prix, car il est possible d’accroître ou de réduire le taux directeur pour tenter de diminuer ou d’augmenter la demande.

Il faut une coordination avec les outils du gouvernement, mais s’il y a un engagement, c’est plus facile et cela favorise la stabilité économique. De quel type de coordination s’agit-il?

Lorsqu’il est question de ce genre de choses... Même si le gouvernement suédois n’a pas de double mandat, il prend en compte la situation sur le marché du travail. Il a été le premier à modifier les politiques relatives au marché du travail lorsqu’il y avait de réelles conséquences sur le plan de l’emploi.

Qu’a-t-il fait? Il a eu recours à une politique d’intervention sur le marché du travail pour favoriser une stabilité de l’emploi, au lieu de s’attaquer au chômage, et pour former les gens. Lors de cette période exceptionnelle en Suède dans les années 1980, le gouvernement a mis en place toutes sortes de programmes pour former la main-d’œuvre afin qu’elle soit prête à utiliser les nouvelles technologies une fois la crise passée. Voilà un exemple.

Les chocs sectoriels en sont un autre exemple. Dans le rapport du Fonds monétaire international, qui a analysé ce qui s’est passé pendant la pandémie, vous trouverez, au chapitre 2, une analyse tout à fait étonnante. Il admet qu’en cas de chocs sectoriels — comme ce fut le cas —, ce n’est sans doute pas une bonne idée de jouer avec le taux directeur. Cela peut nuire à l’économie. Il y a lieu de le faire en période de demande excédentaire.

Il s’attend dans l’avenir à de nombreux chocs d’offre. Il conseille aux gouvernements de vérifier ce qui se passe dans les différents secteurs de l’économie afin d’éviter les goulots d’étranglement et d’appliquer des mesures qui ne sont pas monétaires, mais plutôt budgétaires ou fiscales. Il peut s’agir de formation ou de subventions. Il peut s’agir de tout ce à quoi vous pouvez penser, en fonction de la situation.

Il y a aussi les lois sur la concurrence. Bien sûr, lorsqu’il y a des turbulences, certains secteurs risquent d’en profiter pour essayer de conserver leur partie des profits, donc ils vont jouer sur les prix et sur les marges, alors il faut se pencher là-dessus.

C’est ce que cela signifie, tirer parti de la coordination. Concrètement, il faut le préciser dans l’entente signée par la banque et le gouvernement. Il n’appartient par entièrement à la Banque du Canada de favoriser la stabilité des prix, parce que la stabilité des prix est un enjeu important, et le gouvernement a également une certaine responsabilité à cet égard.

Sur le plan budgétaire, il pourrait s’agir — et je sais que certains seront satisfaits, mais d’autres non — de fixer une cible budgétaire, en fonction des hauts et des bas de l’économie, mais il faudrait qu’elle soit précisée dans l’entente. En lisant davantage sur le sujet, on comprend que cela impliquerait... La banque australienne a revu sa loi...

J’y reviendrai plus tard, mais je peux dire que sa position...

La présidente : Je voudrais que tout le monde ait son tour, car je sais qu’il y a beaucoup de questions.

Le sénateur C. Deacon : Je suis ravi de vous voir, honorable Diane Bellemare.

J’aimerais me pencher sur cette ligne de démarcation entre la politique budgétaire et la politique monétaire, car j’ai cru comprendre que la Réserve fédérale dispose d’un troisième mandat, qui n’est pas précisé, mais qui est reconnu, et qui consiste à tempérer les taux d’intérêt à long terme.

Plus tôt cette année, notre première sous-gouverneure et notre gouverneur ont déclaré qu’il y avait péril en la demeure et qu’il fallait agir. Ils parlaient des problèmes de productivité au Canada et du rôle que peut jouer la productivité dans la création d’une économie plus résiliente qui augmentera l’offre plus rapidement sans pression inflationniste et qui pourra encaisser les coups des marchés mondiaux avec un peu plus de résilience. Où devons‑nous tracer cette ligne?

Je veux examiner cette ligne entre la politique budgétaire et la politique monétaire, parce que les effets d’un côté ont des effets de l’autre côté, et nous le savons. Je m’intéresse au fait que, dans le cadre de ses décisions, la Réserve fédérale a pris en compte ce troisième mandat qui touche la modération des taux d’intérêt à long terme, et je me demande s’il existe un quatrième, un cinquième ou un sixième mandat.

Que prend-on en compte? Pourquoi n’y a-t-il que deux mandats, et où se situe la ligne de démarcation?

Mme Bellemare : En fait, l’objectif général devrait être ce qui est énoncé dans la Constitution, à savoir que le gouvernement du Canada favorise la prospérité pour tous. Dans la Constitution, le gouvernement du Canada a confié à la Banque du Canada — créée en 1935 — la responsabilité d’imprimer la monnaie. Le grand objectif de la banque est inscrit dans le préambule de la loi, qui n’a pas été modifié depuis son adoption en 1934. Ce sont là les grands objectifs.

Dans les années 1970, aux États-Unis, un sénateur — le sénateur Humphrey — a promu l’idée de modifier la Federal Reserve Act pour y insérer un double mandat : la Réserve fédérale devrait promouvoir la stabilité des prix, sans cible précise, et le plein emploi, sans cible précise. Aucun pays — comme l’Australie ou les États-Unis — n’a de cible précise en matière de chômage.

Vous parlez d’un troisième et d’un quatrième mandat. Il va sans dire que tous les pays veulent être prospères; c’est l’objectif à moyen et à long terme. Comme vous le savez, la stabilité des taux d’intérêt et des rendements à long terme va de pair avec la stabilité des prix et un faible taux de chômage.

Je ne vois aucun problème à ajouter cela. La question est de savoir quel devrait être la cible. Comment gérer la stabilité des prix — assortie d’une cible précise —, tout en gérant le chômage ou la croissance?

Il est impossible d’établir des chiffres précis pour le chômage, car il s’agit d’un enjeu très vaste. Il faut tenir compte de différents facteurs. Y a-t-il autant de postes vacants que de personnes qui cherchent un emploi? Il faut se pencher sur cette question de la même manière que le font toutes les banques : de temps en temps, d’une période à l’autre au cours d’une année.

Est-ce que j’ai répondu à votre question?

Le sénateur C. Deacon : Je ne vous demanderai pas de m’en dire plus à ce sujet.

Je suis frappé par le fait que nous avons traversé une période de taux d’intérêt très stables jusqu’à l’épisode inflationniste le plus récent. Les prix ont également été très stables jusqu’en 2020. Les prix et les taux d’intérêt à long terme étaient donc très stables. Or, nous avons assisté à une diminution constante de la productivité, qui est essentielle à notre prospérité. Voilà l’objet de ma question.

Mme Bellemare : Je ne suis pas sûre. Oui, nous avions une certaine stabilité depuis 2010. Avant cela, les taux d’intérêt au Canada — et même aujourd’hui, les taux d’intérêt réels au Canada — ont toujours été plus élevés qu’ailleurs, parce que nous nous concentrons sur la stabilité des prix. Nous misons sur la prudence. Nous allons un peu plus loin que prévu lorsque nous insistons davantage sur la stabilité des prix en raison de notre seule et unique vision.

Je pense que la productivité, comme ailleurs, aurait pu être plus stable... le taux d’intérêt. Je n’ai pas effectué l’étude. Je soupçonne qu’il y a un lien. Dans les années 1980, les taux d’intérêt réels ont commencé à être beaucoup plus élevés.

Dans le livre que j’ai écrit et publié en 2013, j’ai examiné et comparé les taux d’intérêt réels du Canada avec ceux des États‑Unis et de l’Australie. Ils étaient supérieurs à ceux de ces pays. Il y a un lien avec la productivité.

[Français]

Le sénateur Gignac : Bienvenue à notre honorable ex‑collègue. Avant de poser mes deux questions, je voudrais vous remercier pour tous les services que vous avez rendus et vos contributions des dernières années. Si je comprends bien, vous allez continuer de contribuer à titre de chercheuse en matière de politique monétaire et cela éclairera nos travaux.

Cela dit, pourriez-vous nous en dire plus? Vous avez dit que parmi les raisons de l’avantage du mandat dual, c’est que cela permet une croissance plus équilibrée en atténuant les fluctuations du taux directeur. Pourriez-vous nous parler de cet élément ou nous envoyer plus de documentation? Vous avez dû comparer les États-Unis, qui ont un mandat dual, avec le Canada. Je suis curieux de vous entendre à ce sujet.

Mme Bellemare : Oui. Par le passé, j’ai effectivement fait des comparaisons sur de plus longues périodes avec les États‑Unis, l’Australie et d’autres pays. Je ne suis pas la seule à en avoir fait. La Banque du Canada en a fait aussi, tout comme le Fonds monétaire international.

En frais de conclusion sommaire, les pays qui ont adopté un mandat dual s’en sortent mieux au chapitre de la croissance et de la productivité que le Canada. On constate que le Canada est sur une pente glissante par rapport aux États-Unis. On a vu les données préparées par l’Institut de la productivité, qui est basé aux HEC.

Sur ce plan, il y a une incidence. Sur le plan de l’inflation, il est possible qu’il y ait un taux d’inflation un peu plus faible qu’aux États-Unis et en Australie, mais pas de façon démesurée. On se trouve dans la fourchette basse de l’inflation.

C’est cela, le coût. En matière d’emploi, ces pays ont des taux de chômage inférieurs.

Le sénateur Gignac : Vous recommandez trois éléments au comité. Le troisième élément est de revoir la Loi sur la Banque du Canada. Quand vient le temps de revoir une loi, on sait que cela peut s’avérer complexe. Parmi les arguments que vous avez mentionnés sur la place publique — vous parliez de gouvernance, de manque de transparence et de diversité d’opinions —, je remarque que, sans modifier la loi, ils viennent d’ouvrir un second poste de sous-gouverneur externe. Devons‑nous vraiment changer la loi, alors que le gouverneur de la Banque du Canada semble dire qu’il peut faire beaucoup sans que la loi soit modifiée?

Mme Bellemare : Il est évident que la loi donne les pleins pouvoirs au gouverneur de la Banque du Canada.

[Traduction]

Le gouverneur de la Banque du Canada peut faire ce qu’il veut. Il a beaucoup de pouvoir. Lorsqu’il engage quelqu’un, il a besoin d’une permission, il doit respecter certaines pratiques pour garantir la qualité, mais la loi lui donne beaucoup de pouvoir.

La Loi sur la Banque du Canada n’a pas été révisée depuis longtemps. Elle ne contient pas d’article sur le comité qui s’occupe de la politique monétaire. Elle ne contient rien sur les pratiques que nous appliquons. Elle ne prévoit aucun mandat pour la banque ni pour la politique monétaire. Elle ne comporte qu’un vaste préambule.

[Français]

Le langage est un peu vieillot dans le préambule. Ce n’est pas moi qui ai dit cela, mais un ancien gouverneur de la banque, qui m’a dit que si l’on révise la loi, le préambule devrait être revu, parce que c’est du langage ancien des années 1930.

Les autres banques centrales sont révisées régulièrement, donc ce serait bon que la Loi sur la Banque du Canada soit revue.

Toutefois, il y a un problème politique rattaché à cette tâche. La Banque du Canada ne peut pas elle-même lancer une révision de sa loi. Elle pourrait suggérer à l’organisme qui le fait ce qu’elle souhaiterait voir dans la nouvelle loi qui l’accommoderait et qui encadrerait ses fonctions. Le ministre des Finances est souvent dans une position assez délicate lui aussi. Actuellement, je vois mal le gouvernement se mettre à dire : « Je vais réviser la loi »; tout le monde serait suspicieux et ce ne serait pas une bonne chose à faire.

Par contre, le Sénat est mieux placé pour faire cet examen de manière sérieuse et à long terme, non pas à l’intérieur d’un mois ou deux, mais en prenant tout le temps nécessaire pour réviser la loi et voir ce que les autres lois prévoient.

La sénatrice Ringuette : Sénateur Gignac, j’étais dans la même ligne de pensée que vous. Tout d’abord, madame Bellemare, merci d’être ici et d’avoir insisté pour qu’on fasse cette étude sur un mandat dual et sur une plus grande flexibilité dans les cibles. Je crois que nous sommes tous sur la même longueur d’onde, du moins je l’espère.

Tant qu’à étudier la banque et à faire des recommandations, l’un des éléments est sûrement ce que le comité externe dont vous nous avez déjà parlé a mis en place, tout comme l’Australie. Pour eux, il était question d’une meilleure gestion du risque par rapport à un noyau de personnes plus isolé dans la prise de décision.

J’aimerais que vous nous parliez de ce que l’Australie a mis en place et de ce que l’on devrait considérer dans le cadre de l’étude que le comité vient d’entamer.

Mme Bellemare : Merci. Il s’agit d’une question fort intéressante. Je ne suis pas sûre si le comité de la politique monétaire a complété ce qu’il était censé faire. Ce que l’Australie a fait — et le rapport a été déposé en 2023 —, c’est une revue exhaustive de la loi; on recommandait notamment d’avoir des membres externes. On en recommandait six en Australie.

Je regardais leur site Web, et l’Australie essaie actuellement d’adopter les recommandations du rapport. L’idée derrière cela, c’est d’avoir une vision plus large de la réalité que la vision de ceux et celles qui exercent la fonction de banquier central.

[Traduction]

Comme vous le savez tous — et vous pouvez le vérifier, comme je l’ai fait —, ceux qui prennent des décisions dans les banques centrales viennent généralement des mêmes universités ou ont le même genre de raisonnement. C’est ce qui ressort de l’examen effectué en Australie.

Il est dangereux de n’avoir qu’une seule vision de la gestion de la politique monétaire — qui a une énorme incidence sur le quotidien des entreprises et sur notre prospérité dans son ensemble —, car la réalité ne peut pas être représentée à l’aide d’une seule ou de deux statistiques.

Voilà pourquoi on a proposé de faire appel à des spécialistes d’une foule d’horizons, qui possèdent des connaissances particulières sur le marché du travail, la gestion de l’offre ou tout type de questions de commerce international liées à la performance économique du pays.

[Français]

La sénatrice Ringuette : J’ai une question supplémentaire, parce que vous avez aussi étudié le système américain.

Mme Bellemare : Oui.

La sénatrice Ringuette : Est-ce que le système américain a aussi un comité externe?

Mme Bellemare : Le système américain, oui et non. En un sens, oui, il y a des membres externes qui proviennent des différentes banques, donc ce sont des banquiers, mais c’est une représentation régionale qui est assurée, et ce, à tour de rôle. Donc, ils sont cinq à six gouverneurs provenant des autres banques centrales et ils siègent à tour de rôle, tout comme la Banque centrale européenne (BCE), qui est responsable de la politique monétaire et du taux d’intérêt pour l’ensemble de l’Europe. Elle aussi a dans son grand comité décisionnel des représentants des pays qui y siègent à tour de rôle. Ils sont à peu près 12; ils sont très nombreux.

Le fait d’avoir des membres externes, c’est un avantage pour la vision.

[Traduction]

C’est aussi un avantage, si je puis dire, pour assurer l’indépendance de la banque, car plus il y en a, on peut...

[Français]

Le sénateur Massicotte : Merci, madame Bellemare, pour le bon travail, la contribution et l’engagement que vous avez montré en tant que membre du Sénat. Je vous remercie au nom de tous les Canadiens et Canadiennes. Je vous remercie beaucoup.

Vous êtes une experte de ce sujet, étant donné toutes les recherches que vous avez faites sur les différentes banques centrales.

Vous parlez beaucoup du fait que l’objectif devrait être dual, et non singulier. Quand on regarde le reste de la gouvernance de la banque comme telle, notamment son conseil d’administration — au point de vue du comité exécutif, je le rappelle —, y a-t-il d’autres recommandations que vous feriez sur ces détails?

Mme Bellemare : Ce que j’ai proposé dans mon projet de loi, c’était surtout de préciser dans la loi la mission de la banque et d’avoir une section sur la politique monétaire qui donne des précisions sur le mandat dual, parce que la politique monétaire a énormément d’impacts, et j’ai proposé d’avoir des membres externes. J’ai proposé aussi qu’il y ait une évaluation régulière de la politique monétaire effectuée par des gens de l’externe supervisés par le comité de la politique monétaire.

La banque évalue ce qu’elle fait, mais il n’y a pas de processus; c’est une évaluation interne. Actuellement, comme vous le savez, la banque est en train d’évaluer sa politique durant la pandémie. Elle a embauché deux personnes que vous pourriez inviter ici, Ben S. Bernanke et Trevor Tombe, qui sont deux économistes, pour superviser cette évaluation. M. Bernanke a été gouverneur de la banque fédérale.

La banque est en train de faire des choses qu’elle ne faisait pas auparavant. C’est très bien, et je crois qu’il faut continuer dans cette voie et évaluer concrètement les résultats.

[Traduction]

Il est facile de montrer que la politique monétaire fonctionne en examinant les données. On peut constater que les taux d’intérêt ont évolué dans le temps d’une telle manière et que l’inflation a évolué d’une telle manière. Il semble y avoir une corrélation entre les deux. Cette corrélation est-elle véritablement une causalité ou s’agit-il de l’apparence d’une corrélation?

Une évaluation de la politique monétaire permettrait d’évaluer plus en détail l’incidence de la manipulation du taux directeur et l’incidence sur la croissance, l’emploi et la stabilité des prix.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Vous êtes quand même une experte de la question de l’emploi et du chômage. Vous dites souvent que les conséquences d’un taux d’intérêt trop élevé sont beaucoup plus que les chiffres que l’on voit et que cela affecte la vie. C’est un sujet qui vous préoccupe. C’est peut-être ce qui explique un taux de suicide plus élevé un peu partout. C’est quelque chose qu’on oublie parce qu’on ne peut pas mettre un chiffre là-dessus. Parlez-nous de cela. Est-ce très important?

Mme Bellemare : Merci pour cette question, monsieur le sénateur. Je vais entrer dans un domaine qui me touche beaucoup.

[Traduction]

J’ai toujours examiné la politique monétaire. Lorsque j’ai été nommée directrice générale de la Société québécoise de développement de la main-d’œuvre, où je devais gérer les politiques de main-d’œuvre, le taux de chômage était élevé. Le gouverneur de la banque jouait avec le taux d’intérêt. C’était pendant la deuxième moitié des années 1990. Nous avons vécu cela.

[Français]

Nous étions très souvent obligés de jouer à la chaise musicale avec les personnes. Cela veut dire que les gens perdaient leur emploi, et il n’y avait pas d’emplois parce que le taux de chômage était trop élevé et que les entreprises n’investissaient pas. La politique monétaire était trop restrictive et donc, on plaçait les gens avec des subventions à durée déterminée. Après un certain temps, ils sortaient de leur emploi, redevenaient chômeurs et étaient financés par l’assurance-chômage. On jouait ainsi avec l’assurance-chômage, l’aide sociale et le placement en emploi au Québec. On a fait cela pendant des années. Pourquoi? Parce qu’on avait une main-d’œuvre abondante et que la politique monétaire était trop restrictive, donc les PME ne réussissaient pas à investir.

Vous avez probablement eu vous-mêmes des expériences personnelles récemment, mais j’ai eu des gens qui sont venus me voir pour dire : « Nous sommes obligés d’arrêter notre projet d’investissement. » C’était des gens de petites entreprises, et les taux d’intérêt avaient grimpé à 5 % rapidement. Des jeunes sont venus me dire : « Madame Bellemare, on interrompt nos études et on ne sait pas quand on va les reprendre, parce qu’on n’est plus capables de financer nos études universitaires. » L’impact des hausses de taux d’intérêt sur l’investissement et l’incertitude causée par des fluctuations dans les hausses des taux d’intérêt sont bien réels.

Par le passé, on a fait des études là-dessus avec ma collègue afin de déchiffrer les coûts sociaux, mais les problèmes sociaux que les fluctuations dans le taux de chômage occasionnent sont énormes.

[Traduction]

Le sénateur Varone : Bon retour parmi nous. J’apprécie toujours ces moments d’apprentissage, lorsque vous prenez la parole.

Vous avez dit qu’il est beaucoup plus facile de rétablir la demande que l’offre, et cela a piqué ma curiosité.

J’aimerais mettre en parallèle le double mandat et le marché du logement. Lorsque le gouverneur Macklem a témoigné devant notre comité, il a beaucoup insisté sur l’inflation dans le secteur du logement et sur la raison pour laquelle les taux d’intérêt étaient au niveau où ils se trouvaient. Il essayait de contrôler un marché du logement en surchauffe.

Aujourd’hui, on a démantelé les grues dans le secteur du logement. C’est probablement dans ce secteur, dans les métiers, que le taux de chômage est le plus élevé. Les gens restent chez eux parce qu’il n’y a pas de travail. La demande n’est pas au rendez-vous et il n’y a tout simplement pas d’offre. Dans le domaine du logement, le prix de la main-d’œuvre a baissé. Le prix de l’acier et du bois a baissé. Les seuls qui sont intervenus sont les représentants des municipalités : ils ont augmenté tous les droits d’aménagement.

Je me demande quel pourrait être l’effet d’un double mandat. Pensez-vous que les erreurs qui ont été commises dans le secteur du logement au Canada — parce qu’il traverse une réelle crise — auraient pu être évitées si le gouverneur de la Banque du Canada avait le double mandat d’examiner à la fois l’emploi et l’inflation?

Mme Bellemare : Je vous remercie de la question. Il n’est pas facile d’y répondre.

Premièrement, je trouve que vous avez très bien décrit les répercussions de la politique monétaire actuelle — qui est axée sur la stabilité des prix et les taux d’intérêt — dans le secteur du logement : les grues ont été démantelées. C’est ce que vous avez dit.

Lorsque l’on manipule les taux d’intérêt pour ne gérer que l’inflation, les répercussions sur l’offre sont inappropriées et parfois très graves. C’est ce qu’indique le Fonds monétaire international dans son dernier rapport. Ainsi, lorsque la demande n’est pas excessive dans l’ensemble, il faut prendre garde de jouer avec les taux d’intérêt.

Deuxièmement, en ce qui concerne le secteur du logement, nous avons entendu parler de problèmes de nature démographique, d’une planification insuffisante — beaucoup de choses peuvent être dites à ce sujet —, mais il va sans dire que la politique monétaire n’a pas aidé.

En ce qui a trait à l’inflation cachée, je sais que la Banque du Canada et toutes les banques centrales ont très peur d’une inflation galopante qui se répercuterait sur les salaires et d’une foule d’autres répercussions. Ces craintes sont sérieuses, mais, pour les atténuer, on peut faire autre chose que manipuler les taux d’intérêt. Puisque vous êtes tous des investisseurs, vous savez que si vous influencez le taux de rendement, le plan que vous faites, en particulier pour une petite entreprise, peut être bon aujourd’hui, mais ne plus l’être du jour au lendemain un mois plus tard, en raison de ce qui se passe avec le coût du capital.

Le double mandat consiste à essayer de trouver un équilibre et à se pencher sur d’autres types de scénarios, mais il faut le faire en collaboration avec le gouvernement.

Le sénateur Varone : Je vous remercie.

La sénatrice Martin : Je suis très heureuse de vous revoir. C’est comme si vous n’étiez jamais partie. Vous nous manquez. Moi aussi, j’apprends beaucoup. Je vous ai entendu dire que les avantages compensaient les inconvénients d’un double mandat, et vous avez énuméré tous les avantages.

Ma question comporte deux volets. Tout d’abord, je sais qu’en 2023, l’Australie a rejeté l’idée d’un double mandat pour sa banque centrale, car la banque aurait dû accorder une attention égale à l’emploi et à l’inflation, et donc, établir cet équilibre. J’aimerais savoir ce que vous en pensez et ce que nous pouvons apprendre dans le cadre de notre étude. Deuxièmement, le voisin au sud de l’Australie, la Nouvelle-Zélande — nous sommes un peu la Nouvelle-Zélande des États-Unis pour ce qui est de notre taille, pas de notre masse terrestre, mais de notre population... l’année dernière, la ministre des Finances de la Nouvelle-Zélande, Nicola Willis, a déclaré que le passage à un double mandat en 2018 dans son pays était une erreur. Elle a déclaré :

Sans hiérarchie des objectifs, l’introduction d’un double mandat a accru le risque d’une future erreur de politique; la politique monétaire était menée dans de multiples directions, alors même que l’inflation s’enracinait dans l’économie.

Pouvons-nous tirer des leçons de l’exemple néo-zélandais?

Mme Bellemare : Je suis heureuse que vous ayez soulevé l’exemple de la Nouvelle-Zélande, car vous avez mentionné l’Australie dans votre premier commentaire.

La sénatrice Martin : L’Australie ne voulait pas y accorder la même attention.

Mme Bellemare : L’Australie a encore un double mandat, mais elle n’a pas de cible précise... comme c’était le cas aux États-Unis, à un certain moment. Le gouverneur avait dit qu’ils allaient accélérer la stabilisation des prix. Il faut gérer cela de la façon la plus efficace possible, mais revenons à la Nouvelle-Zélande.

En 2018, le gouvernement de la Nouvelle-Zélande a adopté un double mandat. Je pense que le parti conservateur a remporté les dernières élections, en 2023. Pendant la campagne électorale, les conservateurs avaient dit qu’ils aboliraient le double mandat afin de se concentrer de nouveau sur la stabilisation des prix. L’inflation était omniprésente et la cible d’inflation de 2 % n’avait pas été atteinte. Cela dit, ce taux n’avait pas été atteint ailleurs non plus, car il y avait beaucoup de problèmes à l’échelle internationale.

Alors, quand les conservateurs sont arrivés au pouvoir — cela vous dira ce que je pense de tout cela —, ils ont déposé un projet de loi pour abolir le double mandat, et ils l’ont adopté à toute vapeur. Aucune étude n’a été menée et hop, le projet de loi a été adopté. Ils ont changé la loi. Il n’y a plus de double mandat en Nouvelle-Zélande. La banque ne se concentre que sur la stabilité des prix. Les conservateurs ont adopté le projet de loi sans effectuer d’étude, car il s’agissait d’une promesse électorale. Je ne suis pas sûre qu’ils ont une cible en matière d’inflation, parce qu’ils n’ont pas fait d’étude. Ils ont simplement dit que l’inflation était trop élevée et que c’était à cause du double mandat. Nous verrons ce qui se passera, mais ils n’ont rien changé. Si votre comité est d’accord, vous pourriez peut-être inviter des témoins de la Nouvelle-Zélande, parce que les membres qui proviennent de l’extérieur de la banque sont toujours là.

Ma réponse plus élaborée serait qu’il s’agissait d’une question politique. L’inflation nuit à tout le monde. Le gouvernement nouvellement élu voulait donc montrer qu’il faisait quelque chose pour lutter contre l’inflation. Il a donc aboli le double mandat. Toutefois, je ne pense pas que cela aura nécessairement une incidence sur l’efficacité de sa politique.

La sénatrice Martin : Je vous remercie.

La présidente : Nous allons entamer une deuxième série de questions. Je vous demanderais de bien vouloir être brefs dans vos préambules. Vous pouvez poser des questions, mais les préambules doivent être courts, car le temps file.

Le sénateur Loffreda : Je vais aborder un domaine qui me paraît important dans le cadre de notre examen du mandat de la Banque du Canada : l’indépendance. Je dis cela parce que lorsque le gouverneur Macklem a témoigné devant notre comité pendant la crise de la COVID-19, je lui ai demandé s’il existait un flou entre la politique budgétaire et la politique monétaire, et il a été catégorique. Selon lui, il n’y a pas de flou. Pour ceux qui nous regardent, il est très important d’assurer l’indépendance de la Banque du Canada et de veiller à ce qu’elle soit à l’abri de toute influence politique pour qu’elle soit en mesure d’examiner les objectifs économiques à long terme plutôt que les considérations politiques à court terme.

Je voudrais cependant ajouter, car c’est important, que ce ne sont pas toutes les banques centrales mondiales qui sont indépendantes. Certaines banques centrales ne sont que partiellement indépendantes. Je me suis penché sur le cas de la Reserve Bank of India et de la Banque du Japon, par exemple. Elles sont assujetties à une certaine influence politique.

La Banque du Canada devrait-elle envisager une coordination plus étroite avec la politique budgétaire pour atteindre des objectifs économiques plus larges? Devrait-elle travailler plus en parallèle avec la politique budgétaire du gouvernement pour aborder des questions telles que la relance économique ou la croissance à long terme? Nous avons mentionné certains problèmes qui touchent le Canada, comme la productivité. La concurrence est évidemment une préoccupation.

J’aimerais avoir votre avis à ce sujet.

Mme Bellemare : Je vous remercie de la question, sénateur. C’est un domaine de réflexion assez important, et il faut trouver un équilibre entre l’indépendance et la reddition de comptes. Cet équilibre n’est pas facile à établir. Il faut aussi se poser la question suivante : qu’entend-on par « indépendance »? Je pense que vous avez souligné que pour être indépendante, la Banque du Canada ne devrait pas agir en fonction d’un calendrier partisan, d’un calendrier électoral, et cetera.

[Français]

L’indépendance des banques centrales est beaucoup liée à la partisanerie politique. Les banques centrales ne doivent pas nécessairement agir pour influencer la perception du public par rapport au gouvernement dans des moments stratégiques.

[Traduction]

La banque devrait-elle avoir une indépendance complète? Devrait-elle pouvoir cheminer vers ses propres objectifs chiffrés, peu importe les conséquences? Je ne crois pas, car la loi qui la régit précise qu’elle doit promouvoir la prospérité.

Si l’on considère les banques centrales d’autres pays, on constate que certaines, comme c’est le cas au Canada, adoptent un point de vue équilibré concernant l’atteinte de leur cible. La Banque du Canada, de concert avec le gouvernement, convient d’une cible; toutefois, c’est la Banque du Canada qui mène toutes les études, et non pas le gouvernement. La banque fait une déclaration et le gouvernement donne son aval.

Dans d’autres pays, le ministre des Finances indique à la banque quel est le taux d’inflation visé, et la banque gère ses activités de façon indépendante.

[Français]

Les banques sont indépendantes dès qu’elles décident d’augmenter les taux d’intérêt et qu’elles décident de quelle façon elles vont le faire; elles sont indépendantes de l’exploitation. Il faut donc tenir compte de cet élément.

[Traduction]

La présidente : Je vous remercie. Le temps file. Je vous demanderais de poser des questions courtes et de donner des réponses brèves.

Le sénateur C. Deacon : Je vous remercie encore une fois d’être là, madame Bellemare.

J’aimerais que l’on continue d’examiner l’interaction entre l’indépendance et la réalité partisane, entre les aspects monétaires et budgétaires, étant donné que le Fonds monétaire international et d’autres institutions ont conclu que l’inflation mondiale enregistrée à la suite de la pandémie était attribuable aux profits accrus des sociétés dans une proportion de 40 à 50 %. Cela voudrait dire qu’au Canada, par exemple, la population tout entière a chèrement payé les bénéfices engrangés par un petit groupe d’individus et que notre taux d’inflation maximal se serait peut-être chiffré à 4 % au lieu de 8 %.

Je m’intéresse à cette interaction et au rôle de la banque qui doit communiquer certains de ces faits au moment même où nous exerçons une influence sur la politique budgétaire, et ce, sans que la banque puisse y faire quoi que ce soit. C’est un aspect très important à mon avis, car la moitié des difficultés auxquelles elle se heurte est attribuable à des facteurs au titre desquels des interventions sont possibles.

Mme Bellemare : Je vous remercie de la question. J’aimerais d’abord citer la recommandation du groupe d’experts chargé de l’examen en Australie, dont Carolyn Wilkins faisait partie. Ils ont proposé un double et même un triple mandat, puisque l’Australie a aussi inclus explicitement la prospérité économique dans ce contexte. Les experts recommandent une meilleure harmonisation des politiques monétaire et budgétaire. Ils proposent à cet effet qu’une équipe de chercheurs indépendants travaille de concert avec le comité qui s’occupe de la politique monétaire, qui comprend des représentants du gouvernement et de la banque centrale, afin de les aider à prendre les meilleures décisions possible sur les plans budgétaire et monétaire. Ils s’inspirent des recherches qui proviennent parfois de la banque et tiennent également compte de l’avis de chercheurs indépendants.

Voilà une façon d’assurer cette coordination étroite qui pourrait être utile pour le Canada.

Le sénateur C. Deacon : Venez-vous tout juste de convenir que c’est problématique et que cette interaction est vraiment importante? Je vous remercie.

Mme Bellemare : Il faut bien évidemment examiner le tout. Le problème ne se réglera pas de lui-même.

La présidente : Et de temps à autre, le gouverneur fait des déclarations dans lesquelles il indique qu’il serait utile de limiter les dépenses. Nous l’entendons parfois dire ce genre de choses.

[Français]

Le sénateur Gignac : Je vous remercie d’avoir transmis la documentation au comité. L’un des éléments qui m’ont intrigué, c’est la Banque de Suède. Il y avait plusieurs éléments, mais l’un de ceux que j’ai trouvé novateurs et dont vous avez parlé à la fin de votre allocution, c’était qu’on excluait les taux d’intérêt de la mesure de l’inflation. Cela se trouve dans notre étude spéciale; c’est l’un des trois points traitant des mesures privilégiées de l’inflation.

Pourquoi est-ce qu’on doit faire cela? Vous l’avez mentionné au début de l’année : si l’on avait enlevé l’effet des taux d’intérêt hypothécaires, l’inflation serait sous la marque des 2 % depuis longtemps.

Mme Bellemare : Je suis tout à fait d’accord avec vous, sénateur Gignac; vous êtes un expert sur ces questions que vous étudiez au jour le jour.

En effet, j’ai toujours dit qu’il fallait faire très attention à la politique monétaire, parce qu’elle générait de l’inflation. Tout au long de cette période qu’on a connue, l’augmentation de 30 % de l’indice des prix à la consommation était causée par la hausse des frais hypothécaires et du loyer. Selon l’article que nous avons publié avec Pierre Fortin, le taux d’inflation aurait été de 1,9 % en janvier dernier si on l’avait exclu, et le Canada serait sous la marque de 2 % depuis longtemps. Le taux d’intérêt est trop élevé.

Le sénateur Gignac : Le temps nous manque. Sur le plan intellectuel, pourquoi faut-il enlever l’effet des taux d’intérêt, car certaines banques centrales le font et d’autres ne le font pas?

Mme Bellemare : Il faut l’enlever pour avoir la bonne cible. On ne veut pas inclure l’incidence de la politique sur la cible.

[Traduction]

En Suède, ce qu’ils ont fait, et ce qu’ils font encore, c’est de calculer l’indice des prix à la consommation dans le scénario d’un taux d’intérêt constant. Ils neutralisent ainsi l’effet de la hausse des taux d’intérêt sur le...

Le sénateur Gignac : C’est une façon de réduire la volatilité.

Mme Bellemare : Dans le courant de l’été, le sénateur Gignac et moi-même avons étudié ces questions en examinant ce que font les autres banques avec l’aide d’un étudiant au doctorat. Si la chose vous intéresse, nous pourrions déposer l’excellent document produit à l’issue de cet exercice. On y compare les mandats et les cibles.

La présidente : Je vous remercie. Ce serait très utile.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Les objectifs sont fixés avec deux critères au lieu d’un seul. Quand on prend une décision, si les deux sont égaux, il faut choisir. La réalité de l’argument, peu importe les attentes ou les commentaires, c’est qu’on a toujours un objectif : s’ils sont égaux, il faut choisir. Si on n’en a qu’un seul, c’est facile de déterminer lequel a la priorité. C’est bien plus clair. C’est la même chose pour l’argument de la Caisse de dépôt; il y en a maintenant deux. Auparavant, c’était un; deux, c’est artificiel, et s’ils sont égaux, il faut décider. Pourquoi ne pas être clair au départ et préciser que l’objectif n° 1 est X?

Mme Bellemare : Ma réponse est très claire : parce que le Canada pèse trop sur la pédale de la réduction de l’inflation, et ce, à un coût extraordinairement élevé pour le Canada.

Le sénateur Massicotte : C’est pour cela que vous soutenez le mandat dual?

Mme Bellemare : C’est parce que cela met un frein. Avant de décider de hausser de manière dramatique les taux d’intérêt, il y a toute une série de calculs qui sont faits et la Banque du Canada a déjà fait ces calculs. Lorsque j’ai écrit mon livre en 2010, j’ai calculé quel serait le coût d’une augmentation de 1 % du taux de chômage. La Banque du Canada avait une étude spéciale qui montrait que quand le taux de chômage augmentait de 1 %, cela coûtait 2,4 % du PIB.

Le sénateur Massicotte : Donc, selon votre réponse, puisque la Banque du Canada peut faire une erreur, on va essayer de jumeler cette contrainte pour qu’elle ne fasse pas cette erreur une deuxième fois.

Mme Bellemare : Exactement, parce que les faits montrent que les pays —

Le sénateur Massicotte : C’est une manière de cacher l’incompétence?

Mme Bellemare : Non. Il s’agit d’un ensemble de facteurs. La Banque du Canada a un comité directeur qui était très fermé jusqu’à récemment. Il s’ouvre maintenant à d’autres réalités. En adoptant le mandat dual, il y a une obligation de tenir compte de l’incidence qu’il y aura sur le marché du travail. Pour l’instant, je ne sais pas si les études du marché du travail sont présentées. En d’autres mots, avec un mandat dual, il y a une recherche plus systématique de la bonne chose à faire pour l’ensemble de l’économie.

Le sénateur Massicotte : Merci.

[Traduction]

La présidente : Vous affirmez que l’on met énormément l’accent sur les taux d’intérêt, mais jugez-vous acceptable un taux se situant dans la fourchette de 1 à 3 %?

Mme Bellemare : Je crois qu’une fourchette de 1 à 3 % peut effectivement être considérée comme étant satisfaisante. Si l’on regarde la situation ailleurs, cette fourchette me semble raisonnable. Si le taux était toujours de 3 %, cela se traduirait par une forte augmentation des prix.

Je ne viserais pas un taux de 2 %. En visant un tel taux, on influe sur le taux d’intérêt et du même coup sur les calculs qui déterminent les bons et les mauvais investissements. Il y a un effet réel sur l’économie.

Il faut opter pour une fourchette, ce qui est d’autant plus envisageable si vous avez un double mandat.

De plus, il ne faut pas oublier que les effets de la politique monétaire ne sont pas immédiats. Lorsque cette politique est modifiée, personne ne sait trop comment réagir sur le coup.

La présidente : Je vous remercie.

Mme Bellemare : Je félicite la Banque du Canada. Ils ont fait de leur mieux pour atteindre leurs objectifs. La dernière déclaration qu’ils ont faite conjointement avec le gouvernement laissait entrevoir la possibilité d’un double mandat. Je crois que c’est la chose à faire.

La présidente : C’est au tour de la sénatrice Ringuette, qui sera suivie du sénateur Varone.

La sénatrice Ringuette : Vous vous rappellerez qu’il y a deux ans, lorsque le gouverneur a comparu devant notre comité, je lui ai demandé dans quelle mesure le taux d’intérêt contribuait à l’inflation, et il n’a pas répondu. Dans votre étude, vous indiquez que ce serait environ 30 %.

Voici ma question. Si nous envisageons un double mandat, une fourchette allant de 1 à 3 % et un organe consultatif externe, croyez-vous que, dans une telle situation, l’approche fondée sur la politique monétaire serait plus à même d’atténuer la hausse des taux d’intérêt?

À l’époque, rien n’a été fait pendant plusieurs mois et, soudainement, nous avons connu une augmentation pendant deux ou trois mois, qui, comme vous le dites, a freiné le développement économique. Croyez-vous que les trois recommandations mentionnées permettraient d’éviter un tel scénario?

Mme Bellemare : Voici ce que je pense. Nous sommes sortis de la pandémie. Il y avait beaucoup d’inconnues et d’incertitude. Nous devrons maintenant à nouveau réfléchir à ces enjeux.

[Français]

Tout le monde dit que nous vivons de l’incertitude actuellement, mais l’inflation par les coûts, c’est quelque chose qui peut survenir n’importe quand, parce que les chaînes d’approvisionnement peuvent être perturbées.

Dans cet environnement difficile, je pense que les politiques monétaires doivent prendre en considération qu’elles doivent agir sur l’offre. Pour agir sur l’offre, les fluctuations dans les taux d’intérêt... En fait, si on a une cible, on regarde seulement avec un élément, alors on va jouer avec celui-ci, qui a des effets contraires à ce que l’on voudra faire, parce qu’on voudra agir sur la question de l’offre.

On ne peut pas refaire l’histoire, mais je pense qu’on a appris de celle-ci. Ce qu’on a appris, c’est qu’on doit être prudent. Le mandat dual permet d’assurer plus de flexibilité et il est aussi un rempart, tout comme le Sénat est un rempart à la Chambre des communes. Le mandat dual est un rempart à une politique monétaire draconienne.

[Traduction]

Le sénateur Varone : J’appuie fermement l’idée d’un double mandat.

À quel point devrions-nous nous préoccuper, ici au Comité des banques, de la définition d’inflation de base et d’emploi de base? Je me rappelle le témoignage du gouverneur Macklem devant notre comité. Il a fourni des statistiques sur l’inflation de base. Il n’a pas tenu compte de l’inflation touchant le logement et la nourriture, car il s’agissait, selon lui, de deux éléments marginaux alors qu’il était question de l’inflation de base.

C’est la définition des différents concepts qui me pose problème lorsque nous rendons des comptes aux Canadiens ou lorsque nous examinons les règles d’engagement avec le gouverneur de la Banque du Canada. J’aimerais vous entendre sur cette question.

Mme Bellemare : Je vais vous dire ce qui m’est venu à l’esprit lorsque j’ai vu récemment toutes ces grèves dont le but était d’obtenir l’indexation.

Dans une vie antérieure, lorsque j’étais à l’université, j’ai œuvré auprès de syndicats concernant notamment les clauses d’indemnité de vie chère. Nous n’en parlons plus de nos jours, puisque cela pourrait avoir un effet inflationniste.

Ce que je dirais, c’est que si vous ne tenez pas compte de l’offre et que votre politique monétaire s’avère très stricte, vous vous retrouvez avec un problème de productivité. En pareil cas, vous ne pouvez pas augmenter les salaires, ce qui alimente la frustration. À mon avis, le double mandat favorise une plus grande cohésion, il peut être expliqué et peut s’avérer un gage de tranquillité pour le marché du travail.

Lorsque l’inflation est forte, vous en ressentez les effets au quotidien. Lorsque les taux d’intérêt sont élevés, les effets sont doubles puisque vous devez également payer votre loyer ou votre hypothèque. C’est très difficile. Vous voulez combler le manque à gagner, et c’est là où vous vous retrouvez aux prises avec l’inflation de base. Que faut-il faire à ce moment-là? Vous devez investir. Vous devez faire la promotion de nouvelles façons de faire et augmenter la productivité et la valeur ajoutée de sorte que les salaires réels soient bonifiés.

Si vous êtes toujours strict concernant le taux d’intérêt, de peur que les salaires augmentent, alors vous retardez les investissements ou vous manquez des occasions. Vous créez beaucoup plus d’insatisfaction. C’est pourquoi avec un double mandat, lorsqu’on arrive à bien expliquer, ce qui n’est pas toujours chose facile, que nous avons un double mandat avec une cible fixe pour les prix sur la base d’une série d’indicateurs tirés du marché du travail... Nous ferons de notre mieux pour nous sortir de la période d’inflation attribuable aux bouleversements du côté de l’offre; ce n’est que temporaire. Cela ne peut être que temporaire. Il faut expliquer à la population que vous tenterez simultanément de protéger l’économie elle-même, les emplois et les investissements. Cet exercice de communication est un défi de taille. Dans ce genre de situation, il est utile d’avoir un conseil d’administration constitué de personnes compétentes provenant de l’extérieur.

La présidente : Le sénateur Massicotte n’a pas dépassé le temps imparti. Il a demandé une petite prolongation.

Le sénateur Massicotte : Je dois dire, et j’ai probablement été influencé, à tort, que j’hésite à appuyer la proposition parce que vous savez quoi? Le système actuel fonctionne assez bien. Il n’a pas entraîné d’erreurs graves comme on l’a vu dans d’autres pays. J’ai pu l’observer de près et tout va assez rondement.

Mme Bellemare : Comment savez-vous qu’il fonctionne assez bien?

Le sénateur Massicotte : C’est mon avis. Si je compare avec les Américains, par exemple, je constate qu’il n’y a pas d’incompétence majeure.

[Français]

Mme Bellemare : C’est l’insoutenable légèreté de l’être.

[Traduction]

Il est très difficile de savoir ce qui se serait produit si nous n’avions pas agi comme nous l’avons fait.

Ce que je peux dire, si je nous compare aux autres, c’est que leur productivité et leur croissance augmentent davantage. La situation de l’emploi chez eux est plus favorable. Leur inflation est légèrement plus élevée, mais elle reste tout à fait raisonnable. Les faits le démontrent; le double mandat favorise la croissance.

La présidente : Nous avons déterminé quelle trajectoire prendront nos discussions, car il nous faut prendre en compte l’avis du sénateur Massicotte.

Avez-vous quelque chose de particulier à ajouter?

Le sénateur Loffreda : Tout à fait.

Nous nous débrouillons bien, j’en conviens, mais j’ajouterais qu’il s’agit à mon avis d’une étude fort importante. Comme je l’ai toujours dit, ce qui importe, ce n’est pas de se demander si on a obtenu de bons résultats, mais plutôt quels résultats on serait en mesure d’obtenir. Je crois qu’il est important d’expliquer l’importance de cet enjeu pour l’avenir.

J’avais une question, mais si je vais plus loin, je risque de perdre votre sympathie. Je crois que c’est une étude cruciale.

Je vais la formuler de manière officielle. La banque pourrait‑elle en faire davantage pour prévenir les crises financières en analysant son rôle actuel et la possibilité d’étendre son influence à la réglementation des institutions financières et à l’atténuation des risques systémiques?

Avez-vous un premier avis sur la question? La banque devrait‑elle vraiment envisager cette option?

La présidente : Vous avez cinq secondes.

Mme Bellemare : Je vais m’en tenir à mon domaine d’expertise.

Le sénateur Loffreda : Oui ou non?

Mme Bellemare : Je n’aime pas répondre par oui ou non.

La présidente : C’est exactement ce dont nous discuterons au cours des prochaines semaines et des prochains mois.

Madame Bellemare, nous vous sommes très reconnaissants de votre dévouement dans ce dossier et de tout votre travail de préparation en amont du projet de loi. Cela nous a permis de réfléchir à la structure de notre étude. Vous avez très bien présenté les enjeux.

Je vous remercie beaucoup, madame Bellemare.

Comme on l’a dit, nous discuterons de ce sujet chaque semaine, puisque cela fait partie de notre mandat.

Je demanderais aux membres du comité directeur de rester encore quelques instants après la réunion.

(La séance est levée.)

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