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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 3 mars 2022

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 9 h 3 (HE), par vidéoconférence, pour étudier de nouvelles questions concernant le mandat du comité.

Le sénateur Paul J. Massicotte (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je m’appelle Paul Massicotte. Je suis un sénateur du Québec et je suis président du comité.

Aujourd’hui, nous tenons une séance hybride du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.

Avant de commencer, j’aimerais rappeler aux sénateurs et aux témoins que vous êtes priés de garder votre micro éteint en tout temps à moins d’être reconnu par le président. Lorsque vous parlez, veuillez le faire lentement et clairement.

Pour ceux qui prennent part à cette réunion sur Zoom, veuillez utiliser la fonction main levée pour prendre la parole. Pour les autres personnes présentes dans la salle, je vous demande d’indiquer à la greffière votre désir de parler.

Je ferai dans mon mieux pour permettre à tous ceux qui veulent poser une question de le faire, mais pour y arriver, je vous demande d’être bref dans vos questions et préambules. Cela s’applique également aux témoins, si possible.

Si un problème technique survient, surtout si cela concerne l’interprétation, veuillez le signaler au président ou à la greffière pour que nous puissions le régler rapidement.

Veuillez noter qu’il est possible que nous suspendions la réunion si des problèmes techniques surviennent afin que tous les membres puissent participer pleinement à la réunion.

Maintenant, j’aimerais présenter les membres du comité qui participent à la réunion d’aujourd’hui : la sénatrice Margaret Dawn Anderson, des Territoires du Nord-Ouest; le sénateur David Arnot, de la Saskatchewan; le sénateur Claude Carignan, du Québec; la sénatrice Roza Galvez, du Québec; le sénateur Clément Gignac, du Québec; la sénatrice Mary Jane McCallum, du Manitoba; la sénatrice Julie Miville-Dechêne, du Québec; la sénatrice Judith Seidman, du Québec; la sénatrice Karen Sorensen, de l’Alberta; la sénatrice Josée Verner, du Québec.

Bienvenue à tous, chers collègues, ainsi qu’à tous les Canadiens et Canadiennes qui nous regardent.

Aujourd’hui, nous nous réunissons conformément à notre ordre de renvoi général.

Pour le premier groupe de témoins, nous accueillons, du Bureau du vérificateur général du Canada, Jerry DeMarco, commissaire à l’environnement et au développement durable, Kimberley Leach, directrice principale, James McKenzie, directeur principal, et Francis Michaud, directeur. Bienvenue à vous tous et merci d’avoir accepté notre invitation.

Le sujet principal de votre rapport publié à l’automne et intitulé Leçons tirées de la performance du Canada dans le dossier des changements climatiques porte également sur les fonds de réduction des émissions.

Monsieur DeMarco, vous avez la parole.

[Traduction]

Jerry DeMarco, commissaire à l’environnement et au développement durable, Bureau du vérificateur général du Canada : C’est avec plaisir que nous témoignons devant le comité aujourd’hui. Je tiens à reconnaître que cette audience se déroule sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.

Comme vous le savez, j’ai présenté cinq rapports au Parlement le 25 novembre 2021. Aujourd’hui, ma déclaration portera sur les deux rapports qui, à ma connaissance, intéressent particulièrement le comité, et qui s’intitulent respectivement Leçons tirées de la performance du Canada dans le dossier des changements climatiques et Fonds de réduction des émissions.

Je suis accompagné aujourd’hui de Kimberley Leach, de James McKenzie et de Francis Michaud, qui étaient responsables de mes rapports présentés récemment.

Tout d’abord, j’aimerais me pencher sur les Leçons tirées de la performance du Canada dans le dossier des changements climatiques. Ce rapport n’est pas un audit, mais un sommaire des leçons tirées des mesures que prend le Canada pour lutter contre les changements climatiques depuis 1990. Après plus de 30 ans, les émissions de gaz à effet de serre, qui ont des effets dommageables sur le climat, sont en hausse au Canada. En dépit des engagements répétés du gouvernement visant à réduire les émissions au pays, celles-ci ont augmenté de plus de 20 % depuis 1990.

Le Canada a déjà été un chef de file dans la lutte contre les changements climatiques. Toutefois, après une série d’occasions ratées, il détient désormais la pire performance de tous les pays du G7 depuis l’adoption de l’Accord de Paris sur les changements climatiques, entente historique conclue en 2015. Il y a eu un certain élan récemment : des lois ont été adoptées et des plans très ambitieux ont été établis. J’ai donc bon espoir que les résultats du Canada dans ce dossier s’amélioreront. Par contre, nous ne pouvons pas continuer d’aller d’échec en échec. Il est temps de prendre des mesures et d’obtenir des résultats au lieu de se contenter d’établir d’autres cibles et d’autres plans.

Le rapport se compose essentiellement de huit leçons tirées de l’action et de l’inaction du Canada pendant la crise climatique qui perdure. La première leçon souligne l’importance du leadership. La progression de la lutte contre les changements climatiques exige un leadership et une coordination plus efficaces. Les autres leçons portent sur la nécessité de réduire la dépendance envers les secteurs à fortes émissions, de s’adapter aux effets des changements climatiques, de mieux sensibiliser le public, d’investir dans un avenir résilient face aux changements climatiques, de prendre des mesures concrètes pour atteindre les cibles climatiques et non pas seulement en parler, de faire participer toutes les parties prenantes à l’action climatique et de protéger les intérêts des générations futures.

Pour aider à encadrer les discussions sur les changements climatiques, notre rapport pose des questions fondamentales que les législateurs et d’autres décideurs peuvent prendre en considération pour donner suite aux engagements. Ces questions sont jointes en annexe à la présente déclaration, à titre d’information.

[Français]

Je vais maintenant me tourner vers notre audit du Fonds de réduction des émissions pour le secteur pétrolier et gazier. Ce fonds faisait partie des mesures mises en place par le gouvernement du Canada en réponse à la pandémie de COVID-19. Il visait à réduire les émissions nocives tout en préservant les emplois et en attirant les investissements dans les sociétés pétrolières et gazières.

Nous avons constaté que le programme avait été mal conçu, car il n’établissait pas de lien entre le financement reçu et les réductions d’émissions nettes provenant d’exploitations classiques de pétrole et de gaz côtières et infracôtières. Par exemple, pour les deux tiers des 40 projets financés par le Fonds de réduction des émissions lors de la première période d’inscription, les sociétés ont indiqué dans leur demande que le financement leur permettrait d’accroître leurs niveaux de production. Or, lorsque la production augmente, les émissions découlant de cette production augmentent aussi, et ces augmentations n’ont pas été prises en compte dans les projections de Ressources naturelles Canada.

Pour aider le Canada à atteindre les cibles nationales de réduction des gaz à effet de serre, Ressources naturelles Canada devrait veiller à ce que ses politiques, programmes et mesures soient fondés sur des estimations fiables de réduction des émissions attendues.

La pandémie de la COVID-19 nous a démontré qu’en temps de crise, les mesures fermes et concertées du gouvernement peuvent avoir une incidence positive. Une crise climatique à long terme nous menace plus que jamais. Les changements climatiques, comme les pandémies, constituent une crise mondiale, une crise sur laquelle les experts tirent la sonnette d’alarme depuis des décennies. Les deux posent des risques pour la santé humaine, et, dans les deux cas, l’ensemble de la société doit intervenir pour protéger les générations actuelles et futures.

Pour conclure, le gouvernement fédéral doit obtenir des résultats concrets en matière de protection de l’environnement et de développement durable — pas seulement des mots et des promesses non tenues. Les engagements du Canada en matière d’environnement ne sont pas assez souvent accompagnés des mesures nécessaires pour protéger l’air, le sol, l’eau et la faune pour les générations actuelles et futures. Il est urgent d’inverser cette tendance.

Monsieur le président, je termine ainsi ma déclaration d’ouverture. Nous serions heureux de répondre aux questions du comité.

Le président : Merci, monsieur DeMarco, nous vous en sommes reconnaissants.

[Traduction]

La sénatrice Seidman : Merci, monsieur DeMarco, de cette présentation. Comme vous le savez, en septembre 2015, le Canada a adopté le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations unies, qui prévoit 17 objectifs de développement durable. Le sixième objectif consiste à garantir l’accès de tous à des services d’alimentation en eau et d’assainissement gérés de façon durable.

À titre de commissaire à l’environnement et au développement durable, vous avez la responsabilité de surveiller ce que font les ministères et organismes fédéraux pour mettre en œuvre ces objectifs de développement durable, et d’en faire rapport. Le premier ministre a confié au ministre de l’Environnement et du Changement climatique le mandat d’établir une agence canadienne de l’eau chargée d’améliorer la gestion de l’eau douce au Canada. Comment la création de cette agence pourra-t-elle aider le Canada à atteindre le sixième objectif de développement durable? Étant donné que la gestion de l’eau douce au Canada est une responsabilité partagée entre le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et territoriaux et les gouvernements autochtones, la création d’une agence centrale comme l’agence canadienne de l’eau est-elle un objectif atteignable?

M. DeMarco : Merci de votre question. Oui. L’établissement d’une agence centrale pourrait contribuer à l’atteinte de l’objectif. Je n’en ai pas parlé dans ma déclaration d’ouverture, mais nous avons publié en novembre un rapport portant sur trois bassins hydrographiques et sur l’approche coordonnée des ministères concernant ces bassins. James McKenzie, du Bureau du vérificateur général, qui est parmi nous aujourd’hui, pourra en parler.

Peut-être que M. McKenzie pourrait répondre aux commentaires de la sénatrice Seidman sur la collaboration et la coordination dans les trois bassins hydrographiques visés dans le rapport de novembre.

James McKenzie, directeur principal, Bureau du vérificateur général du Canada : Merci de votre question, sénatrice. La question que vous posez sur le rôle de l’agence et sur sa contribution à l’atteinte du sixième objectif de développement durable est très pertinente.

Nous nous sommes penchés sur la collaboration entre Environnement et Changement climatique Canada et Agriculture et Agroalimentaire Canada, plus particulièrement sur les activités de recherche et de surveillance menées par les deux ministères. Visiblement, les deux ministères travaillent ensemble, mais ils pourraient faire mieux. Nous avons consigné cette observation dans notre rapport et nous avons formulé des recommandations à cet égard.

Nous savons que de nombreux ministères et organismes fédéraux sont impliqués d’une manière ou d’une autre dans la gestion de l’eau. Nous avons choisi Environnement et Agriculture en raison de l’ampleur de leurs activités scientifiques. Par contre, bon nombre de ministères et organismes fédéraux et de gouvernements d’autres paliers, comme vous l’avez mentionné, jouent un rôle dans la gestion des ressources en eau. De façon plus générale, quantité de parties prenantes, d’organismes de recherche, d’universitaires, d’associations du secteur privé et, bien entendu, de collectivités autochtones partout au pays contribuent à la gestion de l’eau et ont des droits acquis.

Selon moi, une agence canadienne de l’eau qui aurait cette vue d’ensemble contribuerait certainement à l’amélioration de la collaboration. Il y aurait amélioration non seulement de l’aspect scientifique, comme nous l’avons examiné, mais aussi de l’aspect de la communication des données scientifiques. L’agence s’assurerait également que les besoins et les intérêts des organisations sont pris en compte dans le cadre des recherches menées par le gouvernement fédéral.

La sénatrice Seidman : Votre réponse était très instructive, monsieur McKenzie. Je vais peut-être poursuivre dans la même veine, car vous avez mentionné, à la toute fin de votre intervention, l’importance de la coordination des données et des aspects scientifiques et communicationnels. Pensez-vous que le gouvernement fédéral a les mécanismes nécessaires pour gérer, par l’entremise d’un organisme central, la coordination entre tous ces ordres de gouvernement?

M. McKenzie : Merci. Vu le nombre d’organisations concernées, cette tâche serait exigeante. Nous avons constaté des lacunes après avoir seulement examiné deux ministères fédéraux. Par contre, si un effort concerté mettant l’accent sur la communication au même titre que sur les activités de recherche et de surveillance est déployé en vue d’une meilleure collaboration, une agence pourrait être investie de la mission de regrouper ces informations et de les communiquer aux diverses organisations.

Comme je l’ai mentionné, cette tâche serait ardue, mais je pense que nous disposons des mécanismes pour la mener à bien. Un organisme doté d’un mandat élargi pourrait très bien jouer ce rôle.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup. Ce que vous dites est très pertinent.

La sénatrice Galvez : Merci de vos commentaires, monsieur DeMarco.

Pour les personnes au courant des changements climatiques et des émissions, vos rapports ne révèlent rien de surprenant. N’empêche, j’ai été consternée d’apprendre que le Fonds de réduction des émissions a eu des effets presque contraires aux effets souhaités. J’aimerais vous poser quelques questions à ce sujet.

Comme les grosses sommes d’argent affectées à la réduction des émissions ont eu l’effet adverse d’accroître la production d’émissions, considéreriez-vous que ce type d’aide est une subvention au secteur pétrolier et gazier?

Nous voyons que des fonds sont encore versés à ce secteur polluant et que nous n’atteignons pas nos cibles. Il y a donc cette aberration et, comme vous l’avez dit plusieurs fois, notre propension à ne pas passer de la parole aux actes.

Que pouvons-nous faire, dans le secteur financier, pour remplir à la fois nos engagements internationaux et nos engagements au pays conformément aux nouvelles lois que nous devons respecter?

Si le temps le permet, je vais poser une troisième question.

M. DeMarco : Merci, sénatrice Galvez. Le Fonds de réduction des émissions est une subvention aux combustibles fossiles. Nous en sommes à la troisième période d’inscription du programme. La majeure partie du financement est dans la caisse et prêt à être versé. Le gouvernement fédéral s’est engagé à apporter des changements à temps pour la troisième ronde de financement. Nous devrons vérifier si des améliorations se produisent à la suite des recommandations que nous avons formulées.

De toute évidence, il s’agit d’une subvention aux combustibles fossiles. Ce financement est versé pour contrer les émissions de méthane, qui sont visées dans un règlement pris en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement ayant pour objet l’opérationnalisation du principe du pollueur-payeur. Nous avons un choix intéressant. Nous pouvons soit financer la réduction des émissions, ou au moins tenter de le faire, soit mettre en œuvre de façon explicite le principe du pollueur‑payeur.

La principale source de préoccupations liées à la mise en œuvre de ce fonds est l’incapacité de Ressources naturelles Canada de se pencher sur les émissions nettes. Voilà une divergence qui existe toujours entre notre point de vue et le point de vue du ministère. Nous avons tenu bon nombre d’audiences à ce sujet. Selon nous, le Fonds de réduction des émissions doit être examiné selon le principe d’exhaustivité pour que l’augmentation de la production soit prise en compte. En effet, on ne doit pas se contenter d’examiner l’équipement de réduction des émissions qui a été installé, mais bien l’effet net, par exemple, comme cela est indiqué dans de nombreuses demandes, de l’augmentation prévue de la production par le demandeur. Or, l’augmentation de la production entraîne l’augmentation des émissions. Voilà la réponse à la première question.

La deuxième question est liée à la quatrième leçon présentée dans le rapport Leçons tirées de la performance du Canada dans le dossier des changements climatiques, qui porte sur les aspects financiers de la lutte contre les changements climatiques. Des changements ont été apportés récemment. Par exemple, la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité exige que la ministre des Finances prépare et rende public un rapport annuel au titre, je pense, de l’article 23 de cette loi, aussitôt que cette disposition entrera en vigueur. Dès l’entrée en vigueur de l’article 23, la ministre des Finances devra présenter un rapport annuel sur les occasions et les risques liés aux changements climatiques. Les efforts consentis mondialement par les secteurs public et privé concernant les facteurs ESG — environnementaux, sociaux et de gouvernance — évoluent plutôt rapidement.

Je dirais que le Canada est très lent à prendre part aux efforts visant l’aspect financier de la lutte contre les changements climatiques. Il y a du rattrapage à faire.

Vu le contenu de la lettre de mandat de la ministre des Finances et du ministre de l’Environnement et du Changement climatique, des initiatives seront probablement prises en ce sens dans l’année à venir.

Le sénateur Arnot : Merci de votre déclaration d’ouverture, monsieur De Marco. J’aimerais parler du rapport 6, intitulé Progrès réalisés par les ministères et organismes dans la mise en œuvre des stratégies de développement durable — Côtes et océans sains, Lacs et cours d’eau vierges et Alimentation durable, qui s’applique à 12 ministères et organismes. J’ai constaté que les progrès réalisés sont très minces. Le rapport dénombre quantité de lacunes et de faiblesses. En fait, la moitié des résultats des mesures n’ont pas été présentés.

Quelle stratégie comptez-vous mettre en œuvre pour motiver davantage ces ministères et ces organismes et faire en sorte que leurs engagements soient plus rigoureux, plus clairs et mieux ciblés? Si vous appliquez la leçon 1 à cette question, quels progrès ces ministères et ces organismes ont-ils réalisés après s’être engagés à donner suite aux recommandations formulées dans le rapport?

M. DeMarco : Merci, sénateur Arnot. Je vais amorcer la réponse à votre question avant de céder la parole à Francis Michaud, qui parlera de la mise en œuvre des recommandations.

Pour que tout le monde le sache, le sénateur Arnot veut parler du rapport sur la mise en œuvre de stratégies de développement durable. Nous produisons ce rapport annuellement conformément aux dispositions de la Loi sur le vérificateur général qui renvoient à la Loi fédérale sur le développement durable. Vous établissez un lien, sénateur Arnot, entre ce rapport et la leçon 1 du rapport intitulé Leçons tirées de la performance du Canada dans le dossier des changements climatiques, qui porte sur le leadership.

Nous sommes en train de modifier notre approche. Nous avons tiré des enseignements de tous ces rapports sur les stratégies de développement durable que nous avons produits au fil des années. M. Michaud pourra vous parler des changements que nous comptons apporter à nos propres méthodes, de ceux que devraient apporter les ministères ainsi que des réponses à la recommandation formulée dans le rapport 6.

Francis Michaud, directeur, Bureau du vérificateur général du Canada : Merci de votre question. Nous menons des audits sur la contribution des ministères et des organismes à la Stratégie fédérale de développement durable depuis des années. Lors de chaque audit que nous avons mené sur la question au cours du dernier cycle, c’est-à-dire de 2019 à 2022, nous avons constaté de graves lacunes liées à l’exigence de production de rapports sur les progrès réalisés. Au prochain cycle, nous avons décidé de vérifier si les ministères ont contribué directement ou non aux cibles prévues dans la stratégie. Il y a plus de 30 cibles à atteindre dans le cadre de la stratégie.

Pour l’exercice 2020-2021, nous avons sélectionné une cible rattachée à l’objectif consistant à protéger les espèces sauvages. Contrairement à ce que nous avons fait les années précédentes, nous nous sommes concentrés davantage cette année sur l’influence exercée par les ministères sur les plans de contribution à la mise en œuvre de la Stratégie fédérale de développement durable.

Parmi les changements majeurs survenus l’an dernier, il faut mentionner les modifications apportées à la Loi fédérale sur le développement durable, qui sont entrées en vigueur en décembre 2020. Ces modifications ont eu pour effet d’accroître le nombre d’organisations qui doivent contribuer à l’élaboration de la Stratégie fédérale de développement durable. Il y a donc 99 organisations assujetties à la loi à présent. Le nombre d’organisations que nous devons vérifier a augmenté considérablement. Pour le cycle allant de 2022 à 2026, nous devrons vérifier la contribution de ces organisations à la prochaine stratégie.

Le sénateur Gignac : Bienvenue, monsieur le commissaire. À l’instar de la sénatrice Galvez, je suis préoccupé par le fait que les deux tiers des 40 projets financés par le Fonds de réduction des émissions ont contribué à l’augmentation de la production. En revanche, ces jours-ci, les événements en Europe changent énormément la donne. Comme vous le savez peut-être, la Russie est le troisième producteur de pétrole et le deuxième producteur de gaz naturel. À l’heure actuelle, en Europe, certains pays comme l’Allemagne et la France réévaluent probablement la fiabilité de la Russie comme fournisseur d’énergie. Certains experts affirment que le Canada pourrait peut-être devenir un fournisseur d’énergie fiable pour l’Europe.

Je sais que vos fonctions de commissaire consistent plutôt à analyser dans quelle mesure le Canada atteint ses cibles de réduction de gaz à effet de serre. Vous le savez : les changements climatiques présentent un problème de taille. En même temps, sur le plan du leadership, nous devons tenir compte de ce qui se passe en Europe.

Avez-vous une opinion sur l’orientation que devrait prendre le Canada? Devrait-il lutter contre les changements climatiques ou se présenter comme un partenaire fiable pour l’Allemagne, la France ou l’Italie si ces pays nous demandent de leur fournir des ressources telles que du gaz naturel ou du gaz naturel liquéfié?

Personnellement, j’ai de la difficulté à concilier les deux options et à déterminer ce qui constituerait le meilleur choix pour le Canada. Après tout, nous vivons dans le même village global et sur la même planète.

Je pense que l’environnement est très important, mais que la gouvernance l’est tout autant. Je pense que certains partenaires s’intéressent au Canada. Ils auront une incidence énorme sur les émissions de gaz à effet de serre au Canada, mais pas nécessairement pour l’ensemble de la planète s’ils deviennent les nouveaux fournisseurs des pays européens.

M. DeMarco : Merci, sénateur Gignac.

Comme vous le savez, notre rapport a été produit avant la terrible situation qui se déroule en Ukraine. Je peux vous faire part de quelques réflexions sur les préoccupations que vous avez soulevées.

Tout d’abord, pour revenir à l’une des choses que j’ai mentionnées dans ma déclaration d’ouverture, l’augmentation de la production va de pair avec l’augmentation des émissions. Cela vaut non seulement dans les installations, mais aussi dans le pays qui consomme les combustibles fossiles en question.

Nous sommes censés atteindre la carboneutralité en 2050. Des gains d’efficacité ont été réalisés en matière d’intensité des émissions depuis les 30 dernières années. Toutefois, parce que le taux de production a augmenté plus rapidement que les gains, contrairement à ce qui s’est produit dans les autres pays du G7, les émissions se sont accrues au Canada. Nous devons donc régler ce problème fondamental pour atteindre notre cible de 2030 et notre cible de carboneutralité en 2050.

Cela dit, personne ne dit de mettre fin immédiatement à l’exploitation des combustibles fossiles. Des enjeux comme ceux que vous venez de décrire surviendront et devront être réglés immédiatement. Nous n’avons pas les capacités nécessaires dans le secteur des sources non émettrices pour effectuer un changement radical qui permettrait de troquer les combustibles fossiles contre les énergies renouvelables, disons, dans quelques années. Cela prendra du temps.

C’est une bonne question. Je ne suis pas en mesure d’y répondre totalement. J’aimerais réitérer que toutes les décisions à court terme qui ont entraîné une augmentation de la production ont contribué en partie à accentuer la courbe des émissions au Canada au cours des 30 dernières années. Nous devons remédier à cela si nous voulons contribuer à juguler la crise climatique mondiale.

Le sénateur Gignac : Il y a là matière à réflexion.

Je pense que l’augmentation de la taxe sur le carbone est une des solutions. Nous utiliserons les revenus pour investir davantage dans les nouvelles technologies, la capture de carbone et d’autres moyens de réduire l’intensité des émissions et d’accroître l’efficacité énergétique. Allez-vous proposer au gouvernement, si nous devions répondre aux besoins de nos partenaires en Europe, d’accélérer l’augmentation de la taxe sur le carbone et d’investir davantage dans les technologies? Recommanderez-vous cette approche?

M. DeMarco : La tarification du carbone est une composante essentielle du plan actuel du Canada. Nous aurons un nouveau plan plus tard ce mois-ci, conformément à la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité. Nous verrons quelles contributions y seront prévues.

Dans la prochaine heure, nous entendrons le directeur parlementaire du budget, qui a réalisé des analyses sur le rôle que joue la tarification du carbone dans l’atteinte de la cible globale et de la cible précédente de 30 %. Comme la tarification du carbone allait contribuer à l’atteinte de la cible à raison de plus de 50 %, elle est une composante majeure du plan canadien de réduction des émissions.

La décision concernant l’accélération de la hausse de la tarification est arrimée aux politiques du gouvernement au pouvoir. Nous savons que le Canada a signalé au marché et aux Canadiens que le prix à la tonne grimpera graduellement pour s’établir à 170 dollars la tonne en 2030. Ce prix est beaucoup plus élevé que le prix actuel, mais plus bas que celui en vigueur dans certains pays d’Europe. Voilà donc une occasion à saisir. Il n’en tient qu’au gouvernement, comme vous l’avez mentionné.

[Français]

Le sénateur Carignan : C’est un peu le sens de ma question et j’aimerais poursuivre avec la taxe sur le carbone. L’augmentation actuelle des prix, notamment ceux du pétrole qui explosent en ce moment, n’est-elle pas en train d’avoir le même effet qu’une immense taxe sur le carbone?

La taxe sur le carbone n’a pas démontré une grande efficacité jusqu’à maintenant. Vous êtes-vous penché sur l’aspect de l’efficacité? N’y aurait-il pas d’autres moyens d’atteindre les objectifs de réduction de gaz à effet de serre?

Ma deuxième question concerne l’utilisation du Fonds de réduction des émissions. Comment se fait-il qu’on accorde des fonds aux demandes dont la justification ou le rationnel est que cela entraînera une production accrue de gaz ou de pétrole? Accorde-t-on les fonds en fonction d’une augmentation des émissions au Canada, mais d’une réduction globale, par exemple, avec le retrait de centrales au charbon en Chine ou ailleurs dans le monde? Vise-t-on une réduction globale des émissions de gaz à effet de serre, même si à l’échelle locale elles augmenteront? Est-ce que cela fait partie des justifications pour octroyer le fonds?

Ma première question porte donc sur l’efficacité et ma deuxième porte sur le fonds.

M. DeMarco : Je commencerai avec la question du prix du carbone. Dans le plan d’action actuel, qui sera modifié dans quelques semaines, le prix du carbone est un facteur très important. C’est un des 64 ingrédients de la recette du plan d’action sur le climat au Canada et une partie importante de ce plan. Il existe plusieurs autres options, telles les règlements, les subventions, le changement de comportement des citoyens et des sociétés. Donc, oui, le prix du carbone est très important dans le plan conçu par le gouvernement du Canada. Lorsque le nouveau plan sera publié, d’ici quelques semaines, cet aspect continuera de jouer un rôle important pour l’atteinte des cibles de 2030 et de 2050 en plus de la carboneutralité.

En réponse à votre deuxième question, je dirai que non, Ressources naturelles Canada n’a pas examiné de façon globale s’il y aura une réduction des émissions nettes avec les projets qui ont été homologués par le programme. Le ministère n’a même pas regardé les émissions nettes au Canada. Il a utilisé un calcul très étroit sans toutefois examiner les émissions au Canada ni les émissions de façon globale. Comme je l’ai déjà dit, la perspective de voir les choses de façon étroite est une grande différence. Je recommande que le ministère voit les choses, comme vous l’avez dit, de façon plus large pour savoir si les émissions nettes changeront grâce à ces subventions.

[Traduction]

La sénatrice McCallum : Merci, monsieur DeMarco. Merci également aux personnes qui sont venues nous rencontrer aujourd’hui.

Je voulais revenir sur votre déclaration d’ouverture, lorsque vous avez parlé de « [...] mesures nécessaires pour protéger l’air, le sol, l’eau et la faune pour les générations actuelles et futures ».

Comme ces groupes ne peuvent pas se faire entendre dans la société, il est difficile pour la population de les prendre au sérieux. Comment le gouvernement fédéral peut-il s’assurer que les intérêts des générations futures sont pris en compte dans les décisions actuelles? Comment le principe d’équité intergénérationnelle peut-il être intégré au processus institutionnel de prise de décision?

M. DeMarco : Merci de votre question, sénatrice McCallum. L’audience d’aujourd’hui est une occasion parfaite pour aborder cette question parce que le Sénat a un rôle important à jouer dans la défense des intérêts des groupes sous-représentés. Le rôle du Sénat a évolué au cours de l’histoire. Alors qu’il était défini à l’origine selon des critères géographiques, il est aujourd’hui façonné par des considérations démographiques. Je dirais que le rôle du Sénat, après être passé du géographique au démographique, pourrait très bien revêtir une dimension temporelle. Les générations futures forment un groupe sous-représenté. Dans le domaine de la biodiversité, les espèces animales et végétales constituent elles aussi des groupes sous-représentés. Ce sont des secteurs, si vous voulez les appeler ainsi, sénatrice McCallum, qui n’ont pas voix au chapitre et qui sont sous-représentés. Le Sénat pourrait très bien leur donner une voix dans le processus actuel de prise de décision.

Comme nous le faisons remarquer dans la leçon 8, le gouvernement a tendance à prendre des décisions fondées sur le court terme. C’est aussi le cas du secteur privé, dont les décisions sont basées sur les profits à réaliser au prochain trimestre par exemple, ce qui a pour effet d’occulter les droits des générations futures. Les jeunes d’aujourd’hui se soucient davantage des plus jeunes et, par le fait même, des générations à venir. Le Canada et les gouvernements dans le monde ont de la difficulté à envisager les problèmes à long terme en raison de leur penchant pour l’opportunisme politique et pour les solutions à court terme. Voilà une des leçons que nous avons apprises lors de la rédaction de ce rapport.

Habituellement, nos audits visent de courtes périodes, mais nous avons pensé qu’il nous faudrait examiner plusieurs décennies pour déterminer les causes profondes de l’inaction du Canada à l’égard des changements climatiques. Nous nous sommes donc penchés sur les 30 dernières années. Voilà un exemple d’une institution gouvernementale, en l’occurrence le Bureau du vérificateur général, par l’entremise du commissaire, qui tente d’avoir la vue d’ensemble dont vous avez parlé.

Le gouvernement pourrait être tenu de se plier à cette exigence, comme il doit se plier à l’obligation prévue dans la Loi canadienne sur la budgétisation sensible aux sexes, qui contraint le gouvernement fédéral, depuis quelques années, à appliquer l’analyse comparative entre les sexes plus, ou ACS+, aux décisions financières importantes qu’il prend.

La prise en compte du long terme est sous-entendue dans le concept même de développement durable et dans les passages de la Loi fédérale sur le développement durable portant sur les générations futures, mais ce principe n’est pas correctement opérationnalisé, comme vous l’avez souligné dans votre question. Le gouvernement fédéral doit adopter une vision à long terme dans un grand nombre d’initiatives horizontales, que ce soit les objectifs de développement durable des Nations unies, que la sénatrice Seidman a mentionnés, l’ACS+, les générations futures, et j’en passe. Le gouvernement fédéral doit trouver un moyen de ne pas occulter l’avenir et les groupes sous-représentés lors de son processus décisionnel.

Une façon d’y arriver serait d’établir une exigence à cet égard, semblable à l’exigence relative à l’égalité des sexes prévue dans la Loi sur la budgétisation sensible aux sexes. Il existe aussi de nombreux autres mécanismes.

La sénatrice McCallum : Pourriez-vous parler de ces autres mécanismes s’il vous plaît?

M. DeMarco : Notre rapport traite de cette question. Certains pays ont établi un bureau chargé de surveiller le traitement que le gouvernement réserve, si je peux m’exprimer ainsi, aux générations futures. Cette question n’englobe pas seulement l’environnement et le développement durable. Elle touche également aux finances, à la santé et à l’éducation. Par exemple, le pays de Galles et la Hongrie ont opérationnalisé ce principe en nommant un commissaire pour les générations futures. Voilà un exemple de mesure concrète qui a été mise en place dans d’autres pays.

Comme mon titre comprend le terme « développement durable », je fais de mon mieux pour opérationnaliser le concept dans le cadre de notre travail, comme en témoigne, par exemple, la période de 30 ans visée dans le rapport sur le climat, au lieu de l’horizon habituel de deux ou trois ans préconisé dans les audits sur les programmes.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci, monsieur le commissaire, pour vos réponses franches. Je vais m’attarder au rapport numéro 5. On sait que le gouvernement fédéral a augmenté ses cibles de réduction qui sont, selon certains, assez ambitieuses. Ma question de néophyte est qu’est-ce qui se passe après? Comment calcule-t-on? Est-ce que vous avez suffisamment de données transparentes de la part du gouvernement pour être capable d’évaluer dans les diminutions à venir, celles qu’on espère, quelle est la part des politiques du gouvernement fédéral dans ces réductions?

En d’autres mots, est-ce qu’on peut compartimenter, dans cette baisse, ce qui correspond aux politiques du gouvernement et ce qui correspond aux actions des autres acteurs? Comment fait-on pour avoir une mesure relativement scientifique de ce qui se passe? Je vous avoue que j’imagine que c’est assez difficile, mais est-ce qu’on peut être confiant?

M. DeMarco : Merci pour la question. Nous sommes partis du Bureau du vérificateur général du Canada. Nous avons accès à l’information dont nous avons besoin pour faire nos analyses et nos constatations. Nous avons un nouveau mandat.

La disposition numéro 24 de la nouvelle Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité nous demande, d’ici 2024 au moins, de publier des rapports sur les mesures du gouvernement fédéral en ce qui concerne le climat. Nous n’avons pas, jusqu’à maintenant, choisi l’option que nous allons utiliser pour ce rapport. J’aimerais obtenir les observations et les recommandations de ce comité pour savoir comment nous pouvons mieux utiliser notre nouveau mandat.

Nous vous écoutons, vous et les autres parties prenantes, pour savoir comment utiliser le nouveau mandat et nous assurer que nos rapports accomplissent les choses dont vous avez parlé auparavant. Nous devons publier notre premier rapport d’ici 2024, comme je l’ai dit, mais on peut commencer à le faire avant parce qu’il s’agit d’une crise, actuellement. J’aimerais savoir si vous avez des recommandations pour nous concernant notre nouveau mandat. Nous étudions cela en ce moment.

La sénatrice Miville-Dechêne : Pour ce qui est de la question du Fonds de réduction des émissions, comme mes collègues, je suis assez scandalisée de voir ce qui s’est passé. En plus de parler au ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles, est-ce qu’il existe un mécanisme d’étude de ces programmes de subvention, à votre bureau ou à un autre, avant leur mise en œuvre?

M. DeMarco : Il y a seulement une disposition dans la loi qui oblige le gouvernement à nous consulter avant de prendre une décision. Cela s’applique à la stratégie pour le développement durable. Cette année, il y aura une nouvelle stratégie et on va nous envoyer l’emploi de cette nouvelle stratégie pour nos commentaires. En ce qui concerne les autres politiques, il n’y a pas l’obligation de nous consulter avant de prendre des décisions.

Nous essayons, au moyen de nos recommandations, de dire où il y a des problèmes et où on peut les améliorer pour franchir d’autres étapes dans le cadre des programmes, mais il n’est pas obligatoire que le gouvernement écoute nos recommandations.

Oui, c’est la nature du Bureau du vérificateur général, c’est notre rôle de regarder la performance du gouvernement, cependant c’est son choix de politique.

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Anderson : Monsieur DeMarco, je viens de la communauté de Tuktoyaktuk, qui est aux prises avec les effets profonds des changements climatiques. Vous avez parlé de l’inaction à l’égard de la crise climatique. Nous subissons les changements climatiques depuis les années 1950, mais je peux vous dire que je constate des changements draconiens chaque fois que je retourne chez moi. Tous les deux ou trois mois, je vois les impacts des changements climatiques.

En plus des maisons qui ont déjà été déplacées, nous anticipons que d’autres infrastructures de notre localité devront un jour être relocalisées, tout comme notre site d’enfouissement, plusieurs immeubles communautaires et notre seul et unique cimetière.

En plus de ces difficultés, nous sommes aux prises avec les conséquences du boom pétrolier et gazier des années 1980. Les exploitants ont laissé derrière eux de nombreux affaissements et une île artificielle en dégradation, dont les débris s’échappent dans l’eau, ce qui affecte les sols et les animaux.

Qui est responsable des travaux de réparation et d’assainissement à la suite de dégâts causés par les affaissements et par l’île artificielle qui se trouve près de chez moi? Ces activités ont-elles été surveillées? Le sont-elles en ce moment? Le cas échéant, par qui?

M. DeMarco : Merci de votre question. Je demanderai à notre équipe de faire un suivi avec vous au sujet de ce site. Je ne connais pas bien ce dossier, mais je partage sincèrement vos préoccupations.

La pièce 5.1 de notre rapport sur les leçons tirées fait état de la diminution du pergélisol dans le Nord, qui affecte les infrastructures et les modes de vie traditionnels des collectivités. Cette réalité que nous décrivons dans le rapport touche particulièrement les collectivités nordiques comme la vôtre.

Après avoir passé beaucoup de temps au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest et dans ce qui est aujourd’hui le Nunavut, je sais, pas aussi bien que vous, mais je sais que ces régions sont aux prises avec des problèmes considérables comme ceux dont vous avez parlé aujourd’hui.

La question de la responsabilité est complexe. Comme je l’ai mentionné, nous examinerons ce site précis dans le cadre d’un suivi avec vous, mais nous avons observé le même problème avec les puits orphelins en Alberta et les mines abandonnées dans le Nord, notamment la mine Giant dans les Territoires du Nord-Ouest.

Le gouvernement du Canada adhère en théorie et dans des lois au principe du pollueur-payeur et de l’internalisation des coûts, mais en pratique, ce n’est pas toujours le cas, surtout si l’ancien propriétaire du site n’est plus une entité financière viable.

Le gouvernement a un rôle important à jouer. Il doit recourir à des plans de fermeture, à des garanties ou à des assurances financières pour que les contribuables ou les collectivités n’aient pas à absorber les coûts financiers ou sociaux découlant de ces sites orphelins.

Comme les lieux historiques, certains sites sont très anciens. Le gouvernement devra malheureusement payer la note parce qu’il a omis, dans le passé, d’appliquer le principe du pollueur-payeur. Nous serons heureux de faire un suivi auprès de votre bureau pour en savoir plus sur le site dont vous parlez à Tuktoyaktuk.

Le président : Avez-vous une autre question, sénatrice Anderson?

La sénatrice Anderson : Non. Merci. J’ai hâte de poursuivre cette discussion avec vous.

Le président : Avant de donner la parole à la sénatrice Galvez pour la deuxième ronde, je veux prendre un moment pour remercier le commissaire. Ses rapports sont assez francs et détaillés. Ils obligent les gens à rendre des comptes. Nous lisons des rapports depuis 30 ans, mais celui-ci est très bon. Je vous remercie, monsieur DeMarco, pour votre travail et votre courage. Vous nous donnez un peu d’espoir.

Je veux vous faire part de ma frustration de constater que, malgré 30 ans de discussions sur le changement climatique, nous n’avons pas fait grand-chose. Dans toutes les provinces, on constate une augmentation des émissions de CO2. C’est décourageant. On parle beaucoup. On paraît bien, mais notre pays est maintenant le pire du G7. Nous recevons de bons rapports, mais il y a un manque de motivation ou de leadership.

De toute évidence, les choses ne changeront que s’il y a des répercussions pour ceux qui ne suivent pas le plan. Monsieur le commissaire, avez-vous l’espoir, maintenant que nous avons atteint un stade où un nouveau processus est en cours et où nous avons un nouveau ministre, que les choses changeront sensiblement? Allons-nous parler de la question dans 10 ans et dire : « Bon sang, quel échec! » Qu’en pensez-vous ?

M. DeMarco : Avant de répondre à cette question, je tiens à souligner que je n’occupe ce poste que depuis un an, mais la directrice Kimberly Leach, qui est responsable du rapport Leçons tirées, ainsi que de nombreux rapports antérieurs qui sont annexés à ce rapport, est ici avec nous. Je m’appuie sur le travail effectué par nos équipes au cours des deux dernières décennies. Bon nombre de ces équipes ont été dirigées par Mme Leach. Je voulais souligner que c’est un peu facile pour moi d’occuper ce poste, parce que nous avons une équipe aussi brillante au sein de notre bureau. Je tenais à le souligner.

Pour répondre à votre question, je suis plutôt optimiste. L’une des raisons sous-jacentes au rapport sur les leçons apprises est que j’étais très optimiste en tant qu’étudiant canadien participant à la conférence de Rio en 1992. Le Canada a été un chef de file en 1988 en mettant cette question à l’avant-plan, en 1990, avec le Plan vert, et en 1992, en encourageant les autres pays industrialisés à signer les conventions sur le changement climatique et la biodiversité.

Mon degré d’optimisme a baissé au même rythme que celui de l’augmentation des émissions au Canada, mais je suis un peu plus optimiste qu’il y a quelques années pour certaines des raisons que vous venez de mentionner. Nous avons maintenant une loi sur la carboneutralité. Un engagement sous forme de loi est plus fort qu’un engagement sous forme de politiques. Nous avons un plan qui, du moins sur papier, s’ajoutera plus tard ce mois-ci pour l’atteinte notre prochain objectif. Nous devrons l’analyser dans le cadre de notre nouveau mandat pour voir s’il s’ajoute véritablement.

Fait encore plus important, nous avons vu l’environnement et le développement durable devenir des questions courantes dans le monde entier, au Canada et au-delà des générations. Ce qui était peut-être plus une question intéressant peu de personnes lorsque j’ai commencé à y réfléchir en tant qu’étudiant il y a plusieurs décennies est maintenant sur toutes les lèvres. Même en temps de COVID, qui est une urgence, ou en temps de conflit armé, on constate toute l’attention qu’ont reçu cette semaine le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, ou GIEC, et les paroles fortes du secrétaire général des Nations unies sur le manque de leadership à ce jour en matière de changement climatique. Je suis quelque peu optimiste, mais pas naïvement optimiste.

Il faut que le gouvernement du Canada et les autres pays du monde mettent en œuvre la sixième leçon, à savoir que les objectifs climatiques doivent être soutenus par des actions. Nous ne manquons pas de plans au Canada. J’en ai parlé franchement et notre rapport contient un graphique à ce sujet. Les plans et les bonnes intentions ne manquent pas. Ce qui fait cruellement défaut, ce sont les actions et les résultats concrets.

Le président : Deux sénateurs ont à intervenir. Je prie les deux sénateurs, sénatrice Galvez et sénateur Gignac, de poser leurs questions et nous demanderons au commissaire de répondre aux deux en même temps.

La sénatrice Galvez : Le rôle du gouvernement est d’uniformiser les règles du jeu en matière d’économie et de finances. En accordant des subventions au pétrole et au gaz, je pense que nous faussons le marché. Nous voyons que cela ne fonctionne pas. Le Canada était censé se débarrasser des subventions inefficaces. Nous constatons qu’il en a ajouté une de plus à cette liste, au lieu d’en supprimer.

Pouvez-vous nous dire où en est la suppression des subventions inefficaces?

Le président : Sénateur Gignac, pourriez-vous poser votre question?

Le sénateur Gignac : Monsieur le commissaire, le Québec a un système de plafonnement et d’échange, et je pense que l’Union européenne en a un aussi. Cela inclut la Norvège, qui est un producteur de pétrole. [Difficultés techniques] analyse comme une chose potentielle pour le Canada, car nous sommes également un producteur de pétrole. Jusqu’à présent, je pense que le Québec, la Californie et l’Ontario éliminent progressivement ce système, contrairement à l’Union européenne. Si nous devons nous associer à l’Union européenne pour l’approvisionnement futur en pétrole ou en gaz naturel, c’est une chose que le Canada doit analyser. Avez-vous publié des études à ce sujet?

Le président : Merci de répondre aux deux questions en même temps.

M. DeMarco : Je m’efforcerai d’être bref, pour ne pas priver M. Giroux du temps qui lui est alloué.

Avant mon arrivée, notre bureau a examiné les subventions aux combustibles fossiles à quelques reprises. L’engagement du gouvernement actuel, du moins une itération de celui-ci, est d’éliminer les subventions aux combustibles fossiles. Parfois, on voit le mot « inefficace » associé à cela, mais dans certains documents, on ne le voit pas. Vous devrez demander au ministre s’il s’engage à éliminer toutes les subventions aux combustibles fossiles ou seulement celles qu’il juge inefficaces — quelle que soit la nature restrictive ou étendue de la définition qu’il en donne. Cela est mentionné dans la lettre de mandat, donc il faudra voir. Nous pourrions réexaminer la question à un niveau méta si nous constatons un manque de progrès dans l’élimination des subventions aux combustibles fossiles.

En ce qui concerne la tarification du carbone et le système de plafonnement et d’échange, oui, vous avez raison : l’Europe, la Californie et le Québec utilisent le système de plafonnement et d’échange, et l’Ontario avait autrefois un système de plafonnement et d’échange. Il a été éliminé. C’est une forme de tarification du carbone. Je ne recommanderais pas aux gouvernements de continuer à faire volte-face d’un gouvernement à l’autre avec le mécanisme choisi de taxe sur le carbone, puis simplement avec la réglementation, puis avec le système de plafonnement et d’échange, et ensuite rien ne se passe parce que l’on consacre tellement de temps aux transitions qu’il n’y a plus de temps ensuite pour mettre en œuvre l’initiative choisie avant le prochain cycle électoral.

Maintenant que le Canada a choisi, par le biais de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, un mécanisme souple, qui permet, par exemple, la coexistence d’une taxe sur le carbone ou d’un système de plafonnement et d’échange — et en Europe, ils coexistent également; des systèmes de plafonnement et d’échange et de taxe sur le carbone y sont en place — je ne suggérerais pas que nous recommencions à zéro ce débat. Nous avons perdu tellement de temps à discuter du meilleur mécanisme que nos émissions n’ont cessé d’augmenter pendant que le débat se poursuivait sans fin.

Le président : Merci, monsieur le commissaire. Permettez-moi de vous remercier au nom du comité et de tous les Canadiens pour le travail acharné que vous avez accompli. Ce dossier est extrêmement important. Je sais que vous devez parfois vous décourager parce que vous n’obtenez pas l’attention que vous méritez, mais continuez comme ça. C’est très, très important. C’est très important pour nos petits-enfants et pour les futurs Canadiens, alors merci de votre présence. Merci également à votre équipe pour son soutien dans cette entreprise très importante.

Nous passons maintenant au deuxième groupe de témoins.

M. DeMarco : Je vous remercie de nous avoir reçus. Nous reviendrons volontiers quand bon vous semblera. Merci, et bonne journée.

Le président : Pareillement. Merci.

[Français]

Pour cette seconde partie de la réunion, nous accueillons Yves Giroux, directeur parlementaire du budget, du Bureau du directeur parlementaire du budget. Bienvenue et merci d’avoir accepté notre invitation. Nous sommes prêts à entendre votre présentation. Le sujet principal qui nous intéresse est votre rapport de 2021 portant sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre du Canada d’ici 2030 et la question du pipeline Trans Mountain. Vous avez maintenant la parole. Nous aurons des questions pour vous tout de suite après votre allocution.

Yves Giroux, directeur parlementaire du budget, Bureau du directeur parlementaire du budget : Merci beaucoup.

Honorables sénatrices et sénateurs, je tiens à vous remercier de votre invitation à comparaître devant vous aujourd’hui. C’est la première fois que mon bureau est appelé à témoigner devant ce comité depuis le commencement de la 44e législature.

Mon bureau a pour mission de fournir des analyses indépendantes de la situation financière du pays, des prévisions budgétaires du gouvernement et des tendances de l’économie nationale canadienne, et, sur demande, des estimations du coût de toute mesure proposée relevant de la compétence du Parlement. En vertu de la Loi sur le Parlement du Canada, j’ai pour mandat d’appuyer le Parlement en fournissant des analyses économiques et financières dans le but d’améliorer la qualité des débats parlementaires et de promouvoir davantage de transparence et de responsabilité en matière budgétaire.

Je suis heureux d’être ici aujourd’hui pour discuter des analyses que mon bureau a rendues publiques au cours de la dernière année et qui traitent de mesures ayant des répercussions dans les secteurs de l’environnement et de l’énergie. Je veux parler, notamment, des rapports sur les coûts de nettoyage des puits de pétrole et de gaz orphelins au Canada, des recettes fiscales provenant du secteur de l’énergie dont se prive le gouvernement, des répercussions économiques de l’atteinte des objectifs du Canada en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 et du réseau pipelinier de Trans Mountain.

Selon notre plus récent rapport sur la question, le coût de nettoyage des puits de pétrole et de gaz au Canada devrait passer de 361 millions de dollars en 2020 à 1,1 milliard de dollars d’ici 2025. En 2020, environ 36 % de tous les puits de l’Alberta et de la Saskatchewan étaient actifs, soit la proportion la plus faible jamais enregistrée. Les puits inactifs et obturés représentent à peu près 37 % de tous les puits. Plus le nombre de puits orphelins augmente, plus le coût prévu pour le nettoyage et le respect des responsabilités environnementales monte.

[Traduction]

Le 18 janvier, nous avons publié des informations supplémentaires sur les recettes auxquelles renonce le gouvernement fédéral en raison de dispositions fiscales s’appliquant aux secteurs de l’énergie et de l’agriculture. Je veux parler plus précisément du coût de dispositions fiscales propres à l’exploitation des combustibles fossiles, notamment de la déduction pour les dépenses liées aux ressources et des mesures visant à encourager l’investissement dans les immobilisations de gaz naturel liquéfié (GNL), ainsi que de la perte de recettes découlant de l’exonération de la taxe sur le carbone s’appliquant à l’agriculture. Nous estimons que les demandes de remboursement de dépenses liées aux ressources par les sociétés pétrolières, gazières et charbonnières ont eu pour effet de réduire les recettes fiscales fédérales annuelles de 1,8 milliard de dollars, en moyenne, de 2015 à 2019. Et nous avons estimé à 179 millions de dollars la valeur de l’exonération de la taxe sur le carbone en 2019, lorsque la taxe était de 20 $ la tonne. Ce montant grimpera lorsque la taxe passera à 170 $ la tonne.

Dans notre rapport de juin 2021 intitulé Au-delà de Paris : Réduire les émissions de gaz à effet de serre du Canada d’ici 2030, nous avons évalué les effets du plan du gouvernement pour dépasser, d’ici 2030, la cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre du Canada en vertu de l’Accord de Paris. L’augmentation de la redevance fédérale sur les combustibles à 170 $ la tonne et le resserrement du système de tarification fondé sur le rendement aideront le Canada à atteindre plus de la moitié de la réduction de 168 mégatonnes prévue dans le budget de 2021. Pour atteindre cet objectif, il faudra tout de même réduire davantage les émissions, et ce, au moyen de mesures non tarifaires moins visibles déjà annoncées par le gouvernement. Notre estimation du coût des mesures non tarifaires annoncées qui seront nécessaires pour atteindre la réduction des émissions prévue dans le budget de 2021 et dépasser la cible de Paris repose sur l’hypothèse voulant que les mesures adoptées soient celles ayant le plus faible coût. Autrement dit, il s’agit d’une analyse essentiellement optimiste, mais cela représente quand même l’équivalent de 91 $ de plus par tonne.

Au cours des prochaines semaines, mon bureau rendra publics de nouveaux rapports susceptibles d’intéresser ce comité. Le premier rapport fournira une analyse de répartition de la tarification fédérale du carbone dans le cadre du plan du gouvernement appelé Un environnement sain et une économie saine. Nous présenterons également une analyse des répercussions économiques et financières des changements climatiques, notamment une évaluation de ces conséquences sur les programmes. Je me ferai un plaisir de vous exposer les conclusions de ces rapports lorsqu’elles seront disponibles.

Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions au sujet des rapports que je viens de mentionner ou d’autres travaux du Bureau du directeur parlementaire du budget.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : J’ai une question sur les puits orphelins. Vous en avez parlé, ma collègue Paula Simons a posé une question l’autre jour, peut-être qu’elle a consulté l’un de vos rapports ou un rapport sur cette question, en disant que malheureusement, tous les fonds accordés par le gouvernement fédéral à l’Alberta n’avaient pas servi à subventionner le nettoyage de puits orphelins, mais au contraire, à subventionner des producteurs de pétrole qui avaient des puits et qui les fermaient pour les nettoyer. Encore une fois, on sent qu’un programme a été détourné, je ne sais pas si c’est le bon mot, et il profite à des entrepreneurs à qui il n’était pas destiné.

Qu’est-ce que vous en pensez? Est-ce normal? Avez-vous fait des représentations à ce chapitre?

M. Giroux : Je vous remercie de cette question. Tout d’abord, je n’ai pas fait de représentations à ce chapitre. Mon rôle se limite à fournir des analyses et de l’information. Le lobbying ou la représentation ne fait pas partie de mon mandat. Voici ce que je peux dire sur les fonds fédéraux qui ont été attribués pour réparer ou colmater les puits orphelins : le gouvernement fédéral a annoncé un montant de 1,7 milliard de dollars destiné principalement à l’Alberta et à la Saskatchewan dans le but, à l’époque, de soutenir l’emploi dans un secteur qui était déprimé en raison de la COVID-19. Si l’objectif était de soutenir l’emploi, on peut donner le bénéfice du doute au gouvernement ayant fourni ces fonds à des entreprises qui étaient profitables.

Par contre, si l’objectif premier n’était pas de soutenir l’emploi, mais plutôt de colmater des puits orphelins, alors là, l’octroi de fonds fédéraux et de subventions à des entreprises profitables ne visait pas, de toute évidence, cet objectif ou n’a pas atteint cet objectif. Parce que, par définition, des puits orphelins sont des puits qui n’appartiennent à personne ou pour lesquels le propriétaire légitime est en faillite ou n’est pas financièrement viable. Alors, fournir des fonds pour qu’ils soient utilisés par des entreprises qui sont profitables, cela est contradictoire.

La sénatrice Miville-Dechêne : Si le programme était utilisé pour créer de l’emploi ou si c’était pour les puits orphelins, quelle est la réponse?

M. Giroux : Lorsque le gouvernement a annoncé le programme, ce dernier visait à soutenir l’emploi dans le secteur pétrolier de l’Alberta, de la Saskatchewan et, dans une moindre mesure, de la Colombie-Britannique, alors que la COVID-19 battait son plein et que le prix du pétrole était à un creux historique. Le prix du pétrole a même atteint des prix négatifs pendant quelques heures. L’objectif premier semble avoir été de soutenir l’emploi. Toutefois, même avec cet objectif en tête, de fournir des subventions à des compagnies profitables, ce n’est pas la meilleure façon de soutenir l’emploi. Il aurait été peut-être plus avantageux de colmater des puits réellement orphelins.

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci, monsieur Giroux.

[Traduction]

La sénatrice Galvez : Monsieur Giroux, je vous remercie de vos remarques préliminaires. Je reviens sur la question des subventions, car nous sommes censés uniformiser les règles du jeu. Les subventions que nous accordons faussent le marché. De plus, elles sont inefficaces. Nous ne calculons pas — je fais le suivi des fonds nous versons à l’industrie des combustibles fossiles. Certaines personnes affirment qu’il s’agit de 3 milliards de dollars et d’autres de 12 milliards; cet écart est dû à la définition.

Aujourd’hui, nous parlons du fond pour les ressources naturelles qui a augmenté les émissions. Vous avez parlé du pipeline Trans Mountain et du prix 70 % plus élevé, et c’est une sorte de réseau que nous fournissons à l’industrie pétrolière et gazière pour exporter du pétrole. Nous avons octroyé 1,7 milliard de dollars au colmatage des puits orphelins, mais ils ne l’ont pas été.

Premièrement, ces trois éléments représentent-ils un type de subventions à l’industrie, de sorte que nous choisissons les gagnants et les perdants? Deuxièmement, ce faisant, modifions‑nous le principe du pollueur-payeur inscrit dans nos lois environnementales? Dans ce cas-ci, les pollueurs sont payés. Risquons-nous fortement d’être poursuivis en justice en raison de l’incohérence de nos propres lois? Merci.

M. Giroux : Je ne suis pas un avocat, madame la sénatrice. Je ne peux pas déterminer si nous faisons l’objet d’une poursuite, mais il y a clairement un manque de cohérence si, d’une part, nous avons un principe du pollueur-payeur et, d’autre part, nous fournissons des fonds publics pour, entre autres, colmater des puits orphelins et les assainir aux frais des contribuables. Ce n’est pas un système qui est axé sur le principe du pollueur-payeur. C’est autre chose. C’est un système qui colmate et assainit certains puits de pétrole et de gaz orphelins aux frais du contribuable. Il est incohérent de ce point de vue.

En ce qui concerne le calcul de la somme des subventions accordées au secteur pétrolier et gazier, il est difficile de s’entendre sur une définition de « subvention ». Par exemple, il existe des références fiscales, des radiations de pertes ou des déductions pour amortissement dont peuvent se prévaloir toutes les industries dans tous les secteurs, y compris le secteur pétrolier et gazier. Devrions-nous les considérer comme des subventions au secteur pétrolier et gazier si toutes les autres entreprises peuvent en bénéficier? C’est discutable.

Il est plus facile de qualifier de subvention les références fiscales qui sont exclusives à ce secteur. À votre demande, nous avons publié un rapport dans lequel nous estimons la valeur des références fiscales qui sont consacrées exclusivement ou en grande majorité au secteur pétrolier et gazier.

Le président : Sénatrice Galvez, avez-vous une question complémentaire?

La sénatrice Galvez : Vous avez déclaré dans un rapport précédent que le pipeline Trans Mountain était encore économiquement viable, mais pensez-vous toujours que c’est le cas maintenant que le prix a grimpé plus de 70 %?

M. Giroux : Merci, madame la sénatrice. Le pipeline Trans Mountain a été jugé financièrement viable lorsque le coût de construction s’élevait à environ 12 milliards de dollars. Maintenant que nous disposons de renseignements supplémentaires de la part de la société Trans Mountain selon lesquels le coût de construction de l’expansion excédera 20 milliards de dollars, cela met en péril la rentabilité financière du pipeline.

Nous n’avons pas d’analyse actualisée. Nous avons présenté une demande d’information à la société. Cependant, selon l’information dont je dispose à l’heure actuelle, si je devais faire une détermination ou une évaluation en ce moment avec les renseignements qui sont déjà du domaine public, je dirais qu’il est très peu probable que le pipeline Trans Mountain soit rentable pendant sa durée de vie.

Par conséquent, à moins que la structure des droits ne change ou que le taux d’escompte utilisé pour établir la valeur actualisée nette du futur flux de rentrées ne change radicalement, je ne crois pas que le pipeline Trans Mountain sera une entreprise rentable, contrairement à ce que le gouvernement pensait lorsqu’il a décidé de l’acheter.

La sénatrice Seidman : Je vous remercie, monsieur Giroux, de l’information très pertinente et importante que vous nous fournissez ce matin.

Le budget de 2021 propose de fournir un financement de 17,4 millions de dollars sur deux ans, à compter de 2021, à Environnement et Changement climatique Canada afin d’établir une agence canadienne de l’eau. Plus précisément, les fonds alloués visent à :

[...] appuyer les travaux avec les provinces, les territoires, les peuples autochtones et des intervenants clés sur la portée du mandat de l’organisme, ce qui comprend de cerner les possibilités de bâtir et de soutenir une infrastructure hydraulique et d’irrigation plus résiliente.

Étant donné que l’agence canadienne de l’eau n’a pas été créée et que nous ne connaissons pas la portée de son mandat, savez‑vous quel travail cet argent finance? Vous a-t-on demandé d’évaluer les coûts liés à la création de l’agence canadienne de l’eau? À votre avis, ce financement est-il insuffisant ou suffisant pour établir une telle agence? Merci.

M. Giroux : Merci, madame la sénatrice. Je vais d’abord répondre à la dernière question. Le financement est-il suffisant pour établir une telle agence? La réponse dépend beaucoup du mandat de l’agence. Sans avoir une idée très claire de son mandat, il est très difficile de déterminer si ce financement sera suffisant. Il pourrait l’être si l’agence est simplement une entité de collecte d’information ou il pourrait être largement insuffisant si l’agence dispose de solides pouvoirs de réglementation et d’exécution considérables. Tout dépend du mandat précis.

Le fait qu’aucune précision n’a été fournie sur le mandat de l’agence plusieurs mois après qu’elle a été annoncée dans le budget ne me porte pas à espérer que nous en obtenions dans un proche avenir.

D’après mon expérience — et j’ai travaillé sur une vingtaine de budgets dans ma carrière —, les initiatives qui sont inscrites au budget sont généralement accompagnées de détails importants, surtout si elles sont liées à un montant de financement. Il faut avoir réfléchi un peu à la question avant d’établir et d’inclure une déclaration de cette nature dans un budget. C’est pourquoi je suis surpris que nous n’ayons toujours pas de précisions à ce sujet.

M’a-t-on demandé de me pencher sur la question? La réponse est non et, étant donné les multiples autres demandes auxquelles mon bureau doit répondre, ce n’est pas un sujet que j’ai envisagé en détail. Je ne me suis pas penché sur cette question en particulier.

Le président : Avez-vous une question complémentaire, sénatrice Seidman?

La sénatrice Seidman : Merci. Je vous remercie de votre réponse. Compte tenu du financement de 17,4 millions de dollars qui est proposé dans le budget de 2021 et de la description très vague dont vous avez parlé de la façon dont les fonds seront dépensés et du mandat de l’agence, je trouve ces commentaires un peu troublants. Ils m’ont quelque peu interloquée et je me demande si vous finirez par participer à une sorte de surveillance ou d’initiative liée à cette agence clairement importante.

M. Giroux : Voilà une question à laquelle je ne m’attendais pas. Je ne sais donc pas comment cela s’inscrirait dans le cadre de mon mandat, qui consiste principalement à examiner des questions économiques et fiscales. Je suis certain que le Secrétariat du Conseil du Trésor exerce un rôle de surveillance et qu’il examinera ou a déjà examiné une présentation au Conseil du Trésor visant à établir l’agence elle-même. Au-delà de cela, je suis désolé, mais je ne peux pas vous donner une réponse plus intéressante ou plus satisfaisante. Je suis un peu dans la même situation que vous; d’après mon expérience, il me semble un peu incohérent de voir un chiffre très précis comme 17,4 millions de dollars, mais de ne toujours pas avoir de détails sur le mandat de l’agence et sa composition.

La sénatrice Seidman : Je vous remercie de votre franchise, monsieur Giroux. Je l’apprécie.

[Français]

Le sénateur Gignac : Bonjour, monsieur Giroux, et bienvenue à ce comité.

J’aimerais parler des effets macro-économiques de la hausse de la taxe du carbone. On passe de 40 à 50 $ au 1er avril prochain. J’ai de la difficulté à trouver, quelque part, quel est l’impact inflationniste d’une hausse de 10 dollars de la taxe sur le carbone. On s’en va à 170 $ d’ici 2030, selon le plan du gouvernement.

Mon collègue le sénateur Carignan a mentionné qu’en raison de la hausse du prix du pétrole, on a déjà une hausse importante des prix. Si on ajoute à cela la hausse de la taxe sur le carbone, quelque part, il doit y avoir un effet inflationniste.

Est-ce substantiel, quelle est la règle du pouce? Je la cherche encore. Pour chaque 10 dollars de hausse du prix du carbone, l’impact sur l’inflation, lorsqu’elle était sous contrôle, avant la pandémie, le monde ne s’en inquiétait pas trop. Maintenant, le monde a changé. Puis en raison de ce qu’il se passe en Europe et du prix des matières premières, dont le blé, est-ce que votre bureau — qui je pense est l’un des mieux placés et des plus indépendants sur le sujet — pourrait nous en parler un peu plus?

Merci.

M. Giroux : Merci, monsieur le sénateur.

Je n’ai pas les chiffres sous les yeux, mais lorsqu’on a déterminé l’impact économique sur l’emploi et par secteur, je crois qu’on a aussi déterminé l’aspect inflationniste.

C’est quelque chose que je pourrais certainement faire parvenir au comité par écrit à la suite de ma comparution. Ce qu’on a trouvé, par contre, c’est que l’impact économique sera négatif d’environ 1,4 % sur le PIB, et que certains secteurs subiront des impacts plus prononcés, notamment le secteur du transport, du pétrole et du gaz, évidemment.

Cependant, il y a des retombées positives dans la génération de l’électricité. La hausse du prix sur la tarification du carbone entraînera une électrification et une décarbonisation, ce qui sera favorable au secteur de l’électricité.

Pour ce qui est de la question précise sur l’aspect inflationniste, c’est clair qu’il y aura un impact sur l’inflation, mais je ne crois pas qu’il sera très fort — en tout cas, pas de l’ampleur de ce qu’on voit ces jours-ci en raison des problèmes dans les chaînes d’approvisionnement et du prix des matières premières. Je peux vous faire suivre cela par écrit.

Le sénateur Gignac : Au plan intellectuel, dans le fond, quand vous faites ces études et analyses, vous vous appuyez sur le prix du pétrole, par exemple 75 $ le baril. Est-ce symétrique ou le résultat peut-il changer si la même étude était mise à jour aujourd’hui, en supposant un prix de 100 ou 125 $ pour les dix prochaines années?

Je soupçonne que l’impact pourrait être fort différent.

M. Giroux : C’est une excellente question, monsieur le sénateur.

Il est évident que, si on refaisait les scénarios avec les prix du pétrole différents, ce qu’on a fait avec un prix du pétrole qui variait et qui était un peu plus bas en 2020-2021, et qui augmente progressivement pour se stabiliser — je crois, autour de 75 à 80 $ le baril — si on refaisait ces mêmes simulations avec un prix du baril à 100, 120, 140 $ le baril, on aurait des impacts beaucoup plus importants sur la réduction des gaz à effet de serre.

Cependant, ce n’est pas symétrique. Il y a des prix liés à la tarification sur le carbone combinés aux prix du pétrole qui ont peu d’effet — on le voit avec la tarification sur le carbone de 10, 20 ou 30 $ la tonne —, qui n’ont pas beaucoup d’impact. Si on ajoute cela à un prix du pétrole qui est beaucoup plus élevé, les impacts sur les gaz à effet de serre sont évidemment beaucoup plus importants. Ce n’est pas parfaitement linéaire, il y a un effet composé important qui s’ajoute.

Le sénateur Gignac : Merci.

Le sénateur Carignan : Une partie des questions que j’avais a été posée par le sénateur Gignac, mais je reviens sur la question de la bourse.

Lorsqu’on reçoit de l’information publique, en tout cas, de ce que j’entends du gouvernement du Québec, notamment, la bourse du carbone ou le système de plafonnement et d’échange au Québec semble fonctionner. La taxe dans le reste du Canada ne semble pas fonctionner.

Avez-vous fait une analyse comparée des deux systèmes par rapport aux coûts-bénéfice de la bourse par rapport à la taxe?

M. Giroux : Non, monsieur le sénateur, malheureusement je n’ai pas fait d’analyse comparative.

Par contre, lorsqu’on fait nos analyses selon les plans du gouvernement fédéral, le régime de tarification continu du carbone — puisque le gouvernement fédéral a déterminé que le régime en vigueur au Québec et en Colombie-Britannique, par exemple, est grosso modo similaire dans ses objectifs à ce qui existe au régime fédéral —, on considère que l’ensemble des provinces répondent aux normes fédérales.

Tout cela pour dire que l’on considère que c’est un plan qui est en général cohérent avec ce qui est imposé par le fédéral. Cependant, on n’a pas d’analyse comparative pour déterminer s’il y a des différences de résultats entre ce qui est en vigueur au Québec et en Colombie-Britannique et le système en place dans le régime fédéral pour les administrations qui n’ont pas de tarification sur le carbone.

Le sénateur Carignan : Même si vous n’avez pas fait d’analyse, y a-t-il des éléments qui pourraient expliquer ce changement, sans faire une analyse, mais de façon spontanée? Des éléments distincts, parce que le prix est plus bas à l’heure actuelle en ce qui concerne la bourse.

Donc, comment expliquer que la bourse — et je vais peut-être vous poser une question par écrit et vous envoyer l’analyse, comme on peut vous poser des questions —, mais selon vous, de façon spontanée, si on tentait une réponse, quelle serait la distinction?

M. Giroux : La distinction est que la structure de l’économie est différente dans les administrations, par exemple, qui ont une bourse sur le carbone et qui sont moins dépendantes de l’extraction et de l’utilisation des énergies fossiles. Cela peut expliquer pourquoi ces administrations ont décidé d’adopter une bourse sur le carbone.

Puisque le Québec et la Colombie-Britannique ne font pas beaucoup d’extraction d’énergie fossile — la Colombie-Britannique un peu, mais au Québec, il y a très peu d’extraction d’énergie fossile comme l’électricité est générée à partir de ressources hydrauliques — c’est peut-être pour cela que les provinces ont choisi d’adopter une bourse sur le carbone.

Quant à l’affirmation que la taxe sur le carbone ne fonctionne pas, peut-être que les résultats n’ont pas encore été probants parce que le prix pour le carbone par tonne de carbone émise ou l’équivalent était bas, mais je ne suis pas prêt à dire que c’était un échec.

Le président : Pas encore, en tout cas.

M. Giroux : C’est ça. Ce n’est pas un succès retentissant, mais au fur et à mesure que la taxe sur le carbone va augmenter, je crois que la transition sera davantage visible par des sources d’énergie moins intenses en carbone.

[Traduction]

La sénatrice McCallum : On peut lire ceci dans le rapport sur le pipeline Trans Mountain :

La décision prise par le gouvernement du Canada d’acquérir, d’agrandir, d’exploiter puis d’un jour céder les actifs du réseau de pipelines Trans Mountain demeure profitable. Toutefois, la profitabilité des actifs dépend fortement de la position du gouvernement fédéral à l’égard du climat et du taux d’utilisation de la capacité du pipeline.

Le fait que le gouvernement fédéral est propriétaire du pipeline Trans Mountain a-t-il une incidence sur sa position à l’égard du climat? Y a-t-il un conflit d’intérêts dans ce dossier? Merci.

M. Giroux : C’est une bonne question. Il m’est difficile de déterminer s’il s’agit d’un conflit d’intérêts, car le gouvernement a de multiples facettes. Il poursuit de nombreux objectifs en même temps. Si le fait de posséder un pipeline et de vouloir réduire les émissions de carbone constitue un conflit d’intérêts, cela signifie que le gouvernement se trouve probablement dans de nombreuses autres situations de conflit d’intérêts.

Cependant, compte tenu des renseignements récemment fournis par la société qui possède le pipeline Trans Mountain et qui est chargée de son expansion et selon lesquels les coûts de construction ont augmenté de plus de 70 %, il est maintenant très clair que, si jamais le gouvernement décide de vendre ce pipeline, il sera très difficile de le vendre à profit. Il est très probable que le gouvernement devra le vendre à un prix qui ne lui permettra pas de récupérer les coûts qu’il a engagés jusqu’à présent pour l’acquérir et l’agrandir, à moins que d’autres facteurs ne changent considérablement, notamment la forte augmentation des droits — c’est-à-dire les prix que les producteurs doivent payer pour utiliser le pipeline — et d’autres facteurs de génération de revenus.

La position du gouvernement à l’égard du climat que vous avez mentionné dans notre précédent rapport est une indication de son intention de favoriser ou non la production de pétrole à l’avenir. Elle aura évidemment des répercussions sur la rentabilité du pipeline Trans Mountain. Si le gouvernement favorise une hausse de la production de pétrole dans les décennies à venir, le volume de pétrole à transporter par le pipeline Trans Mountain sera plus important.

À l’inverse, il pourrait y avoir une capacité plus que suffisante pour transporter la production réduite de pétrole, ce qui pourrait entraîner une certaine capacité inutilisée du pipeline et ainsi réduire sa rentabilité.

Le président : Avez-vous une question complémentaire, sénatrice McCallum?

La sénatrice McCallum : Quelles sont la compétence constitutionnelle du gouvernement fédéral et sa responsabilité en ce qui concerne les puits de pétrole et de gaz orphelins dans les différentes provinces?

M. Giroux : Je ne suis pas un expert constitutionnel. Je trouve ce sujet intéressant, mais pas au point d’y consacrer ma carrière. Toutefois, je crois comprendre que l’exploitation des ressources naturelles relève de la compétence provinciale. C’est certainement le cas lorsqu’il s’agit d’activités terrestres, mais des gens plus qualifiés dans ce domaine sont probablement mieux placés que moi pour le déterminer.

La sénatrice McCallum : Merci.

La sénatrice Anderson : Dans un rapport intitulé Inuvialuit Settlement Region: Drilling Sumps Failure and Climate Change Report et daté du 30 mars 2021, on a identifié 153 bassins à boue sur les terres publiques des Territoires du Nord-Ouest, 69 sur les terres privées des Inuvialuit et 7 sur des terres inconnues. Des craintes ont été soulevées au sujet de la dégradation du pergélisol contenant des bassins à boues de forage, qui est une source de grande inquiétude.

Dans votre rapport, vous avez indiqué le coût pour l’Alberta et la Saskatchewan. A-t-on établi le coût des puits de pétrole et de gaz orphelins et des bassins à boue dans les Territoires du Nord-Ouest?

M. Giroux : Merci, madame la sénatrice. Nous avons été confrontés à un problème qui, malheureusement, survient souvent lorsque nous essayons d’évaluer les répercussions dans les régions nordiques du Canada. Habituellement, il y a un manque d’informations concrètes et fiables dans de nombreux domaines. Par exemple, lorsque nous essayons d’évaluer la viabilité financière à long terme des gouvernements provinciaux et territoriaux, il est plus difficile d’évaluer la viabilité financière des gouvernements territoriaux individuels, de sorte que nous devons les regrouper.

En ce qui concerne les puits orphelins, je crois comprendre que les fonds alloués par le gouvernement fédéral à cette fin étaient destinés à la Saskatchewan, à la Colombie-Britannique et à l’Alberta. Je ne suis pas au courant de fonds alloués aux Territoires du Nord-Ouest. Si c’est le cas, je ne pense pas que nous ayons reçu d’information à cet effet ou sur les puits orphelins dans les Territoires du Nord-Ouest, au Nunavut et au Yukon.

La sénatrice Anderson : Si je voulais faire un suivi auprès de vous pour faire avancer l’information, comment devrais-je m’y prendre?

M. Giroux : Vous pouvez certainement m’envoyer un courriel ou nous pouvons communiquer par téléphone.

La sénatrice Anderson : Merci. Je l’apprécie grandement.

Le sénateur Arnot : J’allais poser une question sur les puits orphelins qui a déjà été répondue en détail, je n’ai donc pas de question maintenant.

Le président : Très bien. Sénatrice Galvez, nous commençons le deuxième tour.

La sénatrice Galvez : Monsieur Giroux, j’ai assisté à la COP26 en novembre dernier. J’ai vu tant de développement dans le domaine des énergies propres et renouvelables. Le Canada accuse du retard dans ce secteur, bien que beaucoup de gens aient cartographié les endroits où nous pouvons produire de l’énergie solaire, éolienne, marémotrice et hydroélectrique.

Avez-vous essayé de mesurer ou de calculer les répercussions qu’il y aurait sur nos émissions si nous accordions au secteur des énergies renouvelables une partie des subventions que nous accordons au secteur pétrolier et gazier? Comme vous l’avez dit, tout le monde dit que nous traînons de la patte et que nous n’atteignons aucun de nos objectifs, nous devons donc faire quelque chose très rapidement. Avez-vous essayé de faire cette estimation? Si ce n’est pas le cas, pourriez-vous le faire si je vous le demandais? Merci.

M. Giroux : Sénatrice Galvez, c’est toujours un plaisir d’effectuer quelque chose que vous me demandez de faire. Cependant, plus sérieusement, nous n’avons pas essayé de faire cette estimation parce qu’il est très difficile d’essayer d’estimer la réduction des émissions qui découlerait de l’investissement dans les ressources ou les technologies qui sont nouvelles, qui n’ont pas encore été entièrement éprouvées ou qui n’ont pas été mises en œuvre à grande échelle. De plus, étant donné que nous ne sommes pas des climatologues ou des spécialistes de la technologie dans chacun de ces domaines, il faudrait beaucoup d’expertise que nous ne possédons pas pour essayer d’estimer les revenus potentiels ou la réduction potentielle des émissions qui découleraient de l’investissement de montants précis dans ces secteurs.

C’est l’une des informations qui ne figurent pas dans nos rapports. Nous ne tenons pas compte des nouveaux développements technologiques ou des améliorations potentielles de la productivité qui découleraient de l’adoption ou de la mise en œuvre à grande échelle de ces nouvelles technologies, même dans une petite banque à risque.

J’admets que c’est l’une des lacunes de notre rapport, car il est très difficile de chiffrer des technologies inconnues ou non éprouvées.

Le président : Merci.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je reviens encore sur la question des puits orphelins. Je trouve un peu bizarre que le gouvernement crée un programme pour compenser ou aider la fermeture des puits de pétrole orphelins lorsque, par définition, ils ne sont pas orphelins. Donc, est-ce que le programme définit ce qu’est un puits orphelin, afin d’exclure, au moins, les compagnies qui existent, qui sont fonctionnelles, et pour être certains que le puits appartient ou dépend d’une compagnie qui a fermé ou fait faillite et dont on ne retrouve plus les administrateurs?

M. Giroux : Je n’ai pas les critères précis du programme sous les yeux. Nous avons fait une demande de renseignements auprès du gouvernement lorsque nous avons estimé les répercussions de ce montant. On s’est informé auprès des agences réglementaires provinciales et il y a des définitions qui varient — je peux dire cela de façon diplomatique — d’une administration à l’autre quant à ce qui constitue un puits orphelin. Certaines administrations considèrent qu’un puits orphelin est un puits qui n’est pas en production. Je n’ai pas les définitions exactes, mais les définitions varient grandement d’une région à l’autre pour des raisons évidentes, pour favoriser certains secteurs de l’économie et pour s’assurer que des compagnies reçoivent de l’aide du gouvernement pour faire des choses qui devraient être faites, de toute façon, en vertu de leurs obligations réglementaires.

Donc, votre point est tout à fait valide, monsieur le sénateur. Il est bizarre d’avoir fourni ce type de financement à des compagnies qui étaient et qui sont toujours financièrement viables. L’objectif, comme je l’ai mentionné plus tôt, était probablement de soutenir l’emploi plutôt que de colmater des puits orphelins.

Le sénateur Carignan : Est-ce que c’est possible de nous envoyer les différentes définitions du gouvernement fédéral? Encore une fois, on a un gouvernement qui dit quelque chose, mais qui fait autre chose. Si je dis que je veux aider à subventionner la fermeture ou le colmatage des puits de pétrole orphelins, et que, par la suite, j’accorde ces fonds pour autre chose, il y a une dichotomie qu’il est important de soulever.

M. Giroux : Oui. On peut vous envoyer cela par l’entremise du comité.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Giroux. Vous jouez, de toute évidence, un rôle très important du côté des parlementaires. Le domaine de l’énergie est un élément très important pour l’avenir de notre pays et de notre planète et nous apprécions beaucoup les études que vous avez menées. Évidemment, vous continuerez de nous fournir de bons renseignements. Merci beaucoup et à la prochaine.

Merci, chers collègues, cela met fin à la séance d’aujourd’hui. Merci de votre participation et merci pour les très bonnes questions. La séance est levée. Merci.

(La séance est levée.)

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