LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 4 octobre 2022
Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 18 h 31 (HE), avec vidéoconférence, pour effectuer une étude sur de nouvelles questions concernant le mandat du comité.
Le sénateur Paul J. Massicotte (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, je m’appelle Paul Massicotte, je suis un sénateur du Québec et je suis le président du comité. Aujourd’hui, nous tenons une séance du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Avant de commencer, j’aimerais présenter les membres du comité qui participent à la réunion ce soir : Michèle Audette, du Québec; David Arnot, de la Saskatchewan; Pierre-Hugues Boisvenu, du Québec; Peter Harder, de l’Ontario; Julie Miville-Dechêne, du Québec; Judith G. Seidman, du Québec; Karen Sorensen, de l’Alberta; Josée Verner, c.p., du Québec. Bienvenue à tous, chers collègues, ainsi qu’à tous les Canadiens et Canadiennes qui nous regardent.
Aujourd’hui, nous nous réunissons pour continuer notre étude sur l’énergie basée sur l’hydrogène. Ce soir, nous accueillons, de l’Association canadienne du gaz, Kevin Larmer, directeur de l’innovation et des marchés, puis de l’Institut de recherche sur l’hydrogène, Bruno G. Pollet, professeur et directeur adjoint. Bienvenue et merci d’avoir accepté notre invitation. Vous avez cinq minutes chacun pour prononcer votre mot d’ouverture, qui sera suivi par une période de questions. Monsieur Larmer, vous avez la parole.
[Traduction]
Kevin Larmer, directeur de l’innovation et des marchés, Association canadienne du gaz : Je remercie le Comité sénatorial de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Cette étude tombe à point nommé, et nous sommes heureux d’avoir l’occasion d’y participer. Je m’appelle Kevin Larmer, et je suis directeur de l’innovation et des marchés à l’Association canadienne du gaz. Je suis également le coprésident du groupe de travail sur le gaz naturel, avec des représentants de Ressources naturelles Canada, dans le cadre de la mise en œuvre de la Stratégie canadienne pour l’hydrogène.
L’Association canadienne du gaz est le porte-parole du secteur de la distribution de gaz au Canada, incluant le gaz naturel, le gaz naturel renouvelable et l’hydrogène. Les membres de l’ACG répondent à près de 40 % des besoins énergétiques du Canada en assurant la distribution de gaz au moyen d’un réseau d’infrastructures souterraines s’étendant sur plus de 577 000 kilomètres. La polyvalence et la résilience de ces infrastructures permettent d’assurer la livraison d’un éventail de gaz en constante évolution à plus de 7,4 millions de clients, ce qui représente environ les deux tiers des Canadiens.
L’une des principales options énergétiques à faibles émissions en ce qui a trait à la distribution et au stockage dans nos infrastructures est l’hydrogène, en tant que vecteur énergétique et moyen de stockage de l’énergie. À l’échelle mondiale, l’hydrogène est en train de devenir l’une des principales solutions pour décarboniser les systèmes énergétiques et les procédés énergivores. Les utilisations finales industrielles, le transport lourd, y compris le transport ferroviaire et maritime, la production d’électricité et le mélange d’hydrogène ou l’hydrogène pur dans les infrastructures de gaz naturel offrent la possibilité d’utiliser l’hydrogène comme source d’énergie à faibles émissions en vue de réduire considérablement les émissions.
Quelles sont alors les possibilités pour le Canada? Le Canada bénéficie d’un avantage concurrentiel en tirant profit de ses ressources renouvelables et à faibles émissions pour produire économiquement de l’hydrogène à grande échelle. La Puget Sound Clean Air Agency a déterminé que le gaz naturel canadien a une empreinte moins grande que le gaz naturel produit aux États-Unis. Elle a indiqué que les émissions de méthane aux États-Unis peuvent être jusqu’à cinq fois plus élevées que les émissions au Canada. En outre, l’outil Global Methane Tracker de l’Agence internationale de l’énergie démontre que l’intensité des émissions en aval et en amont résultant de la production de gaz naturel et de pétrole au Canada est 42 % moins élevée qu’aux États-Unis. Cela constitue un avantage pour la production d’hydrogène à partir de gaz naturel tout en captant et en stockant le CO2, ce qu’on appelle l’hydrogène bleu.
L’hydrogène dérivé du gaz naturel à faibles émissions peut concurrencer, en se fondant sur le cycle de vie, celui dérivé de sources renouvelables, tout en utilisant considérablement moins d’eau douce. Nos sources d’électricité renouvelables ont aussi largement le potentiel de soutenir la production d’hydrogène. Le système de gaz naturel moderne offre des avantages pour l’adoption de l’hydrogène en raison de sa capacité de transport en vrac et de stockage à long terme ainsi que de sa résilience sur le plan de l’approvisionnement.
Nous pouvons voir nos infrastructures et nos systèmes de stockage souterrains comme étant la plus grande batterie dont le Canada dispose. À l’heure actuelle, nous sommes en mesure de stocker une réserve de trois mois de gaz naturel dans nos installations de stockage souterraines. L’infrastructure existante de gaz naturel est composée de conduites en polyéthylène qui permettront de distribuer de façon sécuritaire des mélanges d’hydrogène et de gaz naturel. Des ingénieurs procèdent actuellement à des évaluations pour s’assurer que la sécurité demeure la principale priorité.
Des recherches menées par des entreprises de service public membres de notre association, et ailleurs dans le monde, montrent toutes que c’est possible à l’heure actuelle et que cela se fait déjà. Enbridge Gas, à Markham, en Ontario, a mis en œuvre le premier projet de mélange d’hydrogène en Amérique du Nord. Cela fait un an, dans le cadre de ce projet, que cette société distribue de façon sécuritaire de l’hydrogène à faible teneur en carbone mélangé à du gaz naturel à 3 600 foyers et entreprises. Cet automne, en Alberta, ATCO Gas se prépare à distribuer un mélange de gaz naturel contenant entre 5 et 20 % d’hydrogène par volume dans une partie du système de distribution de gaz naturel de Fort Saskatchewan. D’autres projets sont prévus dans l’ensemble du pays, y compris des collectivités utilisant de l’hydrogène pur. Il est à noter qu’en Alberta actuellement, il y a environ 80 kilomètres de pipelines de transport d’hydrogène pur et 300 kilomètres de pipelines de captage du carbone, qui fonctionnent de façon sécuritaire depuis une décennie.
L’hydrogène et le système de gaz naturel offrent de grandes possibilités au Canada pour l’aider à atteindre la carboneutralité. Il n’existe pas de solution miracle pour atteindre ces objectifs. Nous devons envisager toutes les options. L’hydrogène est une molécule non émettrice et l’industrie du gaz naturel prouve que nous pouvons le fournir aux Canadiens en toute sécurité avec notre infrastructure actuelle. Notre industrie offre une infrastructure fiable et résiliente, un facteur important dont on ne peut pas faire abstraction.
L’année dernière, le système de gaz naturel a fourni près de 40 % de l’énergie du Canada, comparativement à 20 % pour l’électricité. Si nous y intégrions 20 % d’hydrogène, il pourrait en résulter une réduction de 7,2 mégatonnes de GES. Certains s’y opposent et disent que c’est impossible, mais c’est de l’information fausse et trompeuse. Par exemple, Hawai’i Gas fournit un mélange constitué de 13 % d’hydrogène à ses clients depuis des décennies et les mêmes matériaux et les mêmes appareils d’utilisation finale que nous utilisons au Canada sont utilisés. Alors oui, c’est possible.
Nous sommes confrontés à des défis dans ce travail et nous collaborons avec des intervenants pour les relever. Il faut élaborer des codes et des normes. L’utilisation d’instrument de mesure pour les mélanges contenant de l’hydrogène doit être approuvée. L’un des problèmes, comme en a été témoin ce comité récemment, c’est la division que suscite la question de l’avenir de l’hydrogène. Compte tenu de l’ampleur du défi que pose la réduction des émissions et de la nécessité de fournir une énergie abordable et résiliente, il faudra une multitude d’options. L’hydrogène est l’une d’entre elles et doit vraiment demeurer un outil à la disposition des décideurs politiques et du secteur privé.
Je voudrais terminer en vous présentant quelques recommandations de notre industrie. Tout d’abord, les capitaux suivent les messages. Le Canada n’a pas encore envoyé un signal pleinement positif au marché. Pour faire passer ce message de façon concrète, nous avons besoin d’une stratégie en matière d’énergie gazeuse pour les marchés intérieur et extérieur. Cela comprendrait des possibilités liées au gaz naturel renouvelable, à l’hydrogène et au GNL. Nous sommes en concurrence avec d’autres pays pour attirer des capitaux pour des projets de gaz naturel renouvelable, d’hydrogène et de gaz naturel. Si nous voulons obtenir ces capitaux et les emplois, nous devons faire savoir clairement que nous sommes ouverts aux affaires.
Ensuite, le Canada a besoin d’un meilleur programme de financement de l’hydrogène et du gaz naturel renouvelable. Le Fonds pour les combustibles propres, qui est administré par Ressources naturelles Canada, prévoit 1,5 milliard de dollars pour les biocarburants, l’hydrogène et le gaz naturel renouvelable. Nous appuyons cette initiative. Cela dit, ce montant reste inférieur, par habitant, à celui de plusieurs autres pays, dont l’Allemagne, l’Australie et d’autres pays concurrents. Le Canada doit attirer des fonds privés en adoptant des politiques et des programmes intelligents qui lui permettront de soutenir la concurrence sur la scène mondiale.
De plus, il y a trois aspects clés au sujet desquels nous aimerions voir des progrès. Premièrement, il faut accélérer le processus d’élaboration des codes et des normes pour le mélange d’hydrogène dans les systèmes de gaz au Canada. Cela permettra aux entreprises d’élaborer plus pleinement des projets visant à réduire les émissions de l’énergie gazeuse au Canada. Deuxièmement, on doit continuer à financer l’innovation dans la recherche et le développement pour l’hydrogène. Le gouvernement et l’industrie doivent donc appuyer conjointement les nouvelles technologies de l’hydrogène et améliorer la structure des coûts des projets. Aujourd’hui, l’hydrogène coûte plus cher que le gaz naturel. Nous devrions fixer un objectif pour le prix de l’hydrogène et travailler à des mesures pour réduire ce coût pour les consommateurs. Troisièmement, il faut raconter notre histoire, tant du côté du gouvernement que de l’industrie. Nous avons la meilleure industrie du gaz naturel au monde. Cette industrie, y compris les gens, les produits, les capitaux et l’infrastructure, assurera l’avenir de l’hydrogène au Canada.
Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de présenter un exposé à votre comité. Je vous en suis reconnaissant et je suis prêt à répondre à vos questions.
Le président : Merci. Monsieur Pollet, la parole est à vous.
Bruno G. Pollet, professeur et directeur adjoint, Institut de recherche sur l’hydrogène : Merci de me donner l’occasion de vous présenter un exposé et de discuter avec vous ce soir. J’essayerai d’être bref.
Je travaille dans le secteur de l’énergie basée sur l’hydrogène depuis plus de 20 ans, à la fois dans les secteurs universitaire et industriel au Royaume-Uni, au Japon, en Afrique du Sud, en Norvège et maintenant au Canada. Je dois dire que je n’ai jamais vu un intérêt aussi grand pour l’hydrogène que maintenant.
Depuis que l’Union européenne a annoncé sa stratégie sur l’hydrogène en juillet 2020, de nombreux pays dans le monde ont annoncé leurs propres stratégies relatives à l’hydrogène, certaines étant ambitieuses et d’autres, moins ambitieuses. Par exemple, depuis 2020, plus de 80 pays, qui représentent plus de 80 % du PIB mondial, ont récemment adopté une stratégie sur l’hydrogène ou sont sur le point de le faire.
Qu’en est-il du Canada? Comme vous le savez tous, le Canada a la chance de disposer de vastes territoires et de grandes quantités d’eau, de minéraux, de ressources naturelles et, bien sûr, de gaz naturel et de pétrole, et d’une production d’électricité renouvelable importante. Ce sont des ingrédients parfaits pour construire une solide chaîne de valeur de l’hydrogène, depuis l’extraction minière jusqu’à la production d’hydrogène à faible teneur en carbone, la fabrication d’électrolyseurs et de piles à combustible, et la distribution et l’utilisation de l’hydrogène. En outre, le Canada est déjà très bien placé. C’est l’un des principaux producteurs de technologies de l’hydrogène. Il est certain que le Canada devrait bénéficier de la demande mondiale croissante en hydrogène.
Comme dans toutes les régions du monde, pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050, on doit avant tout cibler les industries difficiles à décarboniser, les secteurs « sans regrets » ou les secteurs difficiles à décarboniser, en particulier les industries énergivores et les transports lourds. Toutefois, il est impératif d’accroître les investissements à l’échelle fédérale et dans le secteur privé de sorte qu’ils soient équivalents aux investissements que font actuellement l’Union européenne et les États-Unis pour la construction et la mise en place d’une infrastructure de l’hydrogène dans l’ensemble de la chaîne de valeur de l’hydrogène.
Par exemple, tout récemment, la Commission européenne a approuvé un financement de 5,2 milliards de dollars américains pour des projets d’hydrogène dans toute la région. Cet investissement devrait permettre d’attirer 6,8 milliards de dollars supplémentaires en financement privé.
Nous devons également investir dans de vastes programmes de R-D sur des infrastructures de R-D de pointe afin de valider la technologie, de stimuler l’innovation, de générer de la propriété intellectuelle et de créer de nouvelles industries. Il faut également investir dans des programmes de formation pour former les prochaines générations d’ingénieurs, de scientifiques, de technologues et d’économistes spécialisés dans l’hydrogène.
En outre, le Canada doit créer et établir de façon stratégique ce qu’on appelle des vallées de l’hydrogène, comme en Europe, ou des pôles d’hydrogène pour regrouper plusieurs établissements de recherche et initiatives financées par le gouvernement afin de réaliser des projets pilotes industriels de petite à grande envergure et des démonstrations de technologies dans toute la chaîne de valeur de l’hydrogène. Ces pôles attireraient également des fabricants de véhicules légers et lourds et des fabricants du secteur de la conversion de l’électricité en gaz, pour ne donner que quelques exemples.
Le Canada doit se doter d’une politique qui placerait les entreprises canadiennes spécialisées dans la technologie de l’hydrogène sur une plateforme mondiale, comme l’ont fait jusqu’à présent la France et l’Union européenne. Aux États-Unis, la loi sur la réduction de l’inflation de 2022 offre de nombreuses options pour rendre les projets américains très intéressants. Il s’agit de dépenses d’investissement pour encourager la production.
Les entreprises canadiennes subissent déjà les conséquences de cette loi américaine sur la réduction de l’inflation. Pour s’assurer que nous ne perdons pas d’investissements et de possibilités au profit des États-Unis et d’autres régions du monde, le Canada doit créer très rapidement un écosystème de soutien et favoriser la production d’hydrogène, le développement de la technologie de l’hydrogène et la demande d’hydrogène.
À mon avis, le Canada n’a plus besoin de soutenir les entreprises étrangères qui utilisent des technologies étrangères pour réaliser des projets d’hydrogène au Canada avec des ressources canadiennes. Les obstacles à l’industrialisation des électrolyseurs et des piles à combustible sont simplement le manque de financement pour aider les entreprises canadiennes à passer des premières étapes à une commercialisation totale. Le Canada a déjà soutenu de façon exceptionnelle le développement technologique dans le passé, mais des technologies solides ont alors été acquises par des entreprises étrangères parce que le Canada n’avait pas le financement nécessaire à l’industrialisation. De nouvelles stratégies, comme le Fonds stratégique pour l’innovation, le Fonds pour les combustibles propres et le Fonds d’accélération de la carboneutralité, commencent à combler cette lacune, mais de nombreux pays prennent des mesures plus énergiques que le Canada, comme les États-Unis, les pays de l’Union européenne et la Chine, et le risque est toujours grand de voir le Canada relégué au rang d’exportateur de technologies plutôt qu’exportateur de produits.
À l’heure actuelle, le Canada doit prendre des décisions courageuses et tout donner. Le Canada a également besoin de politiques judicieuses, non politisées et à long terme pour permettre la mise en œuvre de l’hydrogène.
Merci beaucoup.
Le président : Merci beaucoup.
Le sénateur Arnot : Je remercie les témoins. Ma question s’adresse à vous deux. Monsieur Larmer, vous y avez fait allusion.
La semaine dernière, des témoins ont dit à notre comité que le captage et le stockage du carbone, l’hydrogène bleu et les initiatives ou les projets à cet égard étaient en fait un échec lamentable, et qu’il serait insensé de la part du gouvernement d’investir davantage dans ces technologies.
Je pose la question du point de vue de la Saskatchewan, car le gouvernement de cette province a fait un investissement important dans le captage et le stockage du carbone. J’aimerais que vous nous racontiez votre histoire maintenant, car je pense que vous avez probablement un point de vue opposé et j’aimerais que vous nous expliquiez pourquoi vous pensez que les témoins que nous avons entendus n’étaient pas aussi informés qu’ils auraient dû l’être.
M. Larmer : Je vous remercie de la question. Je m’attendais à ce qu’on me la pose.
Je travaille pour l’Association canadienne du gaz. Notre industrie est celle des distributeurs de gaz naturel au Canada. Nous ne nous occupons pas en général du captage, de l’utilisation et du stockage du carbone, mais j’ai pris quelques notes et je pense pouvoir vous orienter dans la bonne direction pour certaines de ces réponses.
Nous sommes au courant du projet Quest et de ce qui se passe à cet égard, et nous savons qu’à ce jour, il a permis de capturer avec succès plus de 4 millions de tonnes de CO2. C’est réglementé. On peut trouver toute l’information. Il s’agit de renseignements publics que vous pouvez consulter.
Je vous suggère de vous adresser au CCS Knowledge Centre. Il a tous les renseignements que vous recherchez. De plus, il s’agit d’un organisme à but non lucratif. Je pense donc que votre comité pourrait lui demander de venir témoigner.
Il y a également des organismes, comme l’Agence internationale de l’énergie, qui considèrent le captage du carbone comme l’une des nombreuses options nécessaires pour atteindre la carboneutralité, et une option importante pour y parvenir.
Comme je l’ai déjà dit, il n’y a pas de solution miracle pour atteindre la carboneutralité. Nous avons besoin de toutes les solutions possibles, et le captage, l’utilisation et le stockage de carbone font partie de celles auxquelles nous devons travailler au Canada. En particulier, la géologie du Canada nous permet de capturer ce carbone. Nous devons l’utiliser. Encore une fois, nous avons la chance d’avoir des ressources naturelles au pays et la géologie pour pouvoir le faire, et nous devrions nous en servir.
Le sénateur Arnot : Essentiellement, vous dites tous les deux que le Canada est au bord du précipice et que nous devons investir pour continuer. Il y a une occasion réelle ici de permettre au Canada de maintenir sa place sur la scène mondiale, mais cette occasion nous échappe, et nous devons agir rapidement.
Pourriez-vous être plus précis quant aux types de fonds et de mesures incitatives qui, selon vous, conviendraient pour faire en sorte que le Canada soit l’un des chefs de file du développement de l’hydrogène dans le monde?
M. Larmer : J’ai mentionné certains des défis actuels de notre industrie en ce qui concerne les codes et les normes. Nous devons accélérer le processus. Il nous faut des codes et des normes pour rattraper l’industrie. Ce que nous craignons à l’heure actuelle, c’est que l’industrie évolue trop vite par rapport à la capacité des autorités chargées de nous suivre dans ce que nous faisons. Comme je l’ai dit, en 2025, nous prévoyons avoir une première collectivité utilisant de l’hydrogène pur en Alberta. Les codes et les normes sont donc un aspect pour lequel nous avons besoin de financement.
De plus, nous devons penser au coût de l’hydrogène. Tout ce dont nous parlons lorsqu’il s’agit de carboneutralité et de ce que cela signifie, c’est que cela a un coût. Nous devons nous assurer que les technologies sont novatrices et que nous réduisons ces coûts pour les Canadiens, car ce sont eux qui paieront pour cela.
M. Pollet : Je suis tout à fait d’accord. Nous devons soutenir fortement l’industrie canadienne, c’est-à-dire l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, de l’extraction des minéraux au système, en passant par l’intégration des technologies de production d’hydrogène. C’est très important. Nous avons le savoir-faire. Nous avons une expertise dans ce domaine au Canada depuis de nombreuses années. De toute évidence, les grandes entreprises, comme Ballard, l’ont fait.
Je pense que nous en sommes maintenant à un point critique — à la croisée des chemins — où nous devons mettre en œuvre les outils qui nous permettront de produire rapidement de l’hydrogène et de faire en sorte que ces pôles produisent de l’hydrogène, non seulement pour un usage à l’échelle nationale, mais aussi potentiellement pour l’exportation vers d’autres marchés.
C’est très important. Évidemment, la réglementation est importante. Ces outils doivent être mis en œuvre le plus rapidement possible.
Le sénateur Arnot : Merci.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Le professeur américain Robert Howarth, qui a une bonne réputation, a déclaré devant ce comité que c’est une idée terrible que la production de l’hydrogène bleu. Il n’y a pas eu de nuance, c’était ce qu’il appelait une « idée terrible » parce que c’est un combustible à forte émission. Donc, dans ces conditions vous demandez des subventions au gouvernement, vous demandez de l’aide, or, on n’est même pas sûr que tout cela — je pense à la captation de carbone — va aider notre société. Évidemment, on reste un peu sceptique.
M. Pollet : Moi, je pense sincèrement qu’on devrait se pencher sur la production de l’hydrogène vert directement. Monsieur Howarth a une pensée assez forte au sujet de l’hydrogène bleu. Je pense que pousser l’hydrogène vert et pousser sur cette indépendance du gaz naturel et du pétrole, pour moi, c’est quelque chose de crucial.
Effectivement, cela demande beaucoup d’investissements pour arriver à un point où on peut produire de l’hydrogène vert en quantités assez importantes, mais aussi à des prix assez compétitifs. Donc, on a besoin de mécanismes pour aller vers cette étape et se trouver dans une situation assez intéressante pour le Canada.
L’hydrogène bleu serait peut-être une transition plus naturelle, mais effectivement, compte tenu des demandes que nous avons pour l’hydrogène vert, je pense qu’il faudrait s’y intéresser directement, ce serait une possibilité.
La sénatrice Miville-Dechêne : L’hydrogène vert prend aussi énormément d’eau et énormément d’énergie. Je n’ai pas le sentiment qu’on s’en sort non plus. Est-ce que cela va rester un produit de la marge, pour une utilisation très, très restreinte?
M. Pollet : Je pense qu’il faut considérer deux choses. Pour ce qui est de la mise en œuvre d’une énergie renouvelable sur le territoire du Canada, il faudrait offrir des incitatifs à ce secteur, mais aussi, en parallèle, créer des usines d’électrolyseurs. Pour l’instant, je n’entends pas beaucoup parler de grosses usines de production d’électrolyseurs, et même de piles à combustible. On est très loin de cela. On n’en parle pas du tout. Par contre, on en parle en Europe.
En Europe, vous avez entendu qu’il y a vraiment une grande promotion de la production de ces électrolyseurs — des gigafactories et même plus que ça, si on compte les quantités annuelles. Il faut se pencher sur la façon d’augmenter la capacité sur le plan renouvelable sur le territoire canadien et en même temps aussi d’augmenter la capacité des électrolyseurs.
La sénatrice Miville-Dechêne : Merci.
[Traduction]
M. Larmer : Merci. Il n’y a qu’un point au sujet duquel j’ai une opinion différente. [Difficultés techniques] l’hydrogène vert et l’hydrogène bleu.
Nous devons bâtir l’économie de l’hydrogène. Nous devons nous efforcer de réduire les coûts et les émissions de carbone de l’hydrogène bleu. C’est ainsi que nous parviendrons à quelque chose.
Viser la perfection n’est pas la bonne façon de commencer. Comme nous le voyons avec la stratégie canadienne relative à l’hydrogène et dans les travaux de Ressources naturelles Canada et des groupes de travail, c’est également le point de vue qu’ils adoptent.
Je tiens également à souligner que, comme je l’ai indiqué dans ma déclaration préliminaire, le Canada est l’un des pays où l’intensité des émissions du gaz naturel est la plus faible dans le monde. Ce sont des organisations qui le soulignent. Nous nous devons d’utiliser cette ressource naturelle pour notre propre usage au pays, mais aussi en songeant aux exportations et aux pays qui recherchent notre énergie propre ici au Canada.
Il faut également nous permettre d’innover. Si on nous donne un objectif et une cible à atteindre, notre industrie peut atteindre cette cible. Nous avons innové pendant des décennies et c’est un fait souvent négligé par notre industrie. Permettez-nous d’innover.
Il faut permettre aux technologies de se développer. Comme on l’a mentionné précédemment, le Canada est actuellement connu pour ses technologies de l’hydrogène, alors développons-les. N’exportons pas ces technologies; utilisons-les ici, au Canada, pour nos propres besoins.
La sénatrice Seidman : Merci de votre présence ce soir. J’allais demander à M. Pollet ce que j’avais cru l’entendre dire et que vous venez de contredire, alors je vais maintenant essayer de comprendre.
Monsieur Pollet, j’ai cru vous entendre dire que le Canada devrait être un exportateur de technologies plutôt qu’un exportateur d’hydrogène. Ai-je mal compris?
M. Pollet : Il devrait être un exportateur de produits. Il a été un exportateur de technologies dans le passé, alors je pense que nous devons vraiment créer nos industries autour de l’hydrogène et des piles à combustible, autour des électrolyseurs et des piles à combustible produits à partir de zéro — ce type de technologies — et ensuite les utiliser au Canada, mais aussi les exporter vers d’autres marchés. C’est ce que j’essaie de dire ici.
Nous devons donc vraiment aider le secteur. Il a besoin d’un coup de pouce. À l’heure actuelle, certaines des industries se trouvent dans la vallée de la mort. Elles ont besoin de passer d’un faible niveau de maturité technologique à un haut niveau de maturité technologique, jusqu’à la commercialisation. Je pense que nous devons avoir un mécanisme pour le faire. Nous avons quelques entreprises exceptionnelles au Canada.
J’ai parlé à ces gens. Ils me disaient « vous savez, monsieur Pollet, nous nous débrouillons tellement bien ». Je suis dans ce domaine depuis une vingtaine d’années. Le Canada était vraiment au sommet pour les technologies des piles à combustible et de l’hydrogène, mais nous avons perdu cet avantage au fil des ans. Nous devons maintenant retenir cela, car de bonnes choses se passent ici.
Nous pouvons redevenir l’un des principaux chefs de file en produisant des piles à combustible et des électrolyseurs, en mettant en place ces nouveaux types de systèmes à faible coût pour produire de l’hydrogène. Nous sommes capables de le faire.
Or, je dois également dire que nous devons nous assurer que nous disposons des mécanismes, d’une mise en œuvre rapide. Nous devons tous travailler ensemble — industrie, gouvernement et établissements de recherche — pour y parvenir. C’est essentiel. À mon avis, c’est vraiment essentiel.
Sinon, je crois fermement que nous serons relégués aux oubliettes. Nous serons laissés pour compte. Il y a de grands pays, non seulement les États-Unis et les pays de l’Union européenne, mais il y a la Chine qui vient d’annoncer qu’elle allait développer et fabriquer des électrolyseurs à très faible coût pour produire de l’hydrogène. Le problème est qu’il est fort probable que cette technologie inonde notre marché. Alors, une fois de plus, nous manquons le coche. Nous sommes perdants.
Voilà mon premier point.
Mon deuxième point, c’est que nous devons former la prochaine génération de scientifiques, d’ingénieurs et d’économistes dans ce secteur. Nous devons disposer de cette main-d’œuvre pour favoriser la transition.
Je ne suis pas en train de dire que l’hydrogène est la solution miracle. Il fera partie du portefeuille d’énergies à faible émission de carbone, mais on peut en faire un usage précis dans des secteurs spécifiques, comme je l’ai dit précédemment, les secteurs « sans regrets ». Le point le plus important au sujet des goulots d’étranglement, c’est que nous avons besoin d’aide. L’industrie a besoin d’aide pour passer à l’étape suivante, au niveau suivant, afin d’être super compétitive sur le marché. Le marché est très actif en ce moment. Depuis l’adoption de la loi sur la réduction de l’inflation aux États-Unis, je peux voir les choses bouillonner à la surface et les investisseurs se demander s’ils doivent vraiment investir au Canada ou s’ils doivent aller directement aux États-Unis ou dans les pays de l’Union européenne. Ce sont des moments critiques.
La sénatrice Seidman : C’est intéressant parce que je pense que, pour la plupart d’entre nous, vous nous dites des choses qui nous sont assez familières et que nous avons beaucoup entendues au fil des ans, à savoir que le Canada est très bon dans la recherche, dans le monde universitaire et dans le développement, mais qu’il est beaucoup moins doué dans la commercialisation, et que nous perdons assez rapidement au profit des États-Unis. Vous dites que nous avons beaucoup d’innovations au Canada lorsqu’il s’agit de l’hydrogène, mais que nous devons vraiment investir dans les petites entreprises qui utilisent peut-être des technologies très novatrices. Est-ce bien ce que vous dites?
M. Pollet : Absolument. Nous en avons besoin.
La sénatrice Seidman : Merci. Monsieur Larmer, comme vous le savez si vous avez suivi nos réunions antérieures, nous sommes très préoccupés par les couleurs de l’hydrogène. On nous a dit que nous devrions oublier cela et ne pas autant nous concentrer sur le bleu, le gris et le vert. Comme nous le constatons, les opinions divergent grandement à ce sujet.
Permettez-moi de changer un peu de sujet. Si je ne me trompe pas, votre association travaille beaucoup sur les objectifs de carboneutralité du Canada et a laissé entendre que les lois provinciales et territoriales régissant les services publics empêchent les services publics d’atteindre les objectifs de carboneutralité d’ici 2050. Pourriez-vous nous aider à comprendre quelles sont ces préoccupations et nous dire quelles solutions vous pourriez proposer?
M. Larmer : Je vous remercie, sénatrice. Oui, les services publics membres de l’association sont réglementés par une commission de l’énergie. En Ontario, l’industrie est réglementée par la Commission de l’énergie de l’Ontario. Son rôle est de protéger les intérêts des clients, de veiller à un certain contrôle des coûts. Il faut savoir que l’hydrogène et le gaz naturel renouvelable coûtent plus cher que le gaz naturel conventionnel. Nous souhaitons une modernisation de la réglementation dans l’ensemble du Canada, dans chacune des provinces, afin que les services publics puissent introduire ces combustibles gazeux et les inclure dans leur tarification.
Cela se produit déjà, notamment en Colombie-Britannique et au Québec. Ces deux provinces sont tenues d’atteindre un taux de contenu renouvelable dans leurs pipelines avant des dates données. Cela leur permet d’obtenir l’approbation réglementaire afin d’introduire ces gaz et de les intégrer dans leurs bases de tarification.
Actuellement, notre rôle se limite à des discussions avec nos services publics, car ce sont eux qui traitent avec les organismes de réglementation provinciaux. Cependant, notre message pour le gouvernement fédéral est que l’atteinte de la carboneutralité est tributaire de l’achèvement de la réforme de la réglementation applicable aux services publics. C’est un long processus. Il faut des années pour revoir les textes législatifs et faire ce travail, mais je pense qu’actuellement, à mesure que nos services publics intensifient leurs activités dans le secteur renouvelable, c’est-à-dire l’hydrogène et les gaz naturels renouvelables, presque toutes les provinces commencent à envisager cela et à entendre ce message. Ce que nous aimerions entendre, de la part du gouvernement fédéral, c’est un signal aux provinces qu’il s’agit d’une priorité à laquelle tous doivent travailler afin de contribuer à l’atteinte de l’objectif de carboneutralité.
La sénatrice Seidman : C’est un processus très long, évidemment, comme vous l’avez indiqué. Il n’est jamais facile de modifier les règlements.
M. Larmer : En effet.
La sénatrice Seidman : Puisque c’est si critique, avez-vous des idées précises sur la façon d’accélérer le processus? Vous avez beaucoup parlé de normes également. Nous sommes en pleine transition et il est évident qu’il y a un travail de base à faire. Aviez-vous des idées précises sur la façon d’accélérer ce processus?
M. Larmer : Je pense que des discussions s’imposent. Je sais que les services publics ont de telles discussions avec leurs organismes de réglementation provinciaux. Lorsque nous parlons de carboneutralité, tout le monde sait de quoi il s’agit et ce que cela signifie. Cependant, leur rôle est de protéger les consommateurs de la hausse des prix de l’énergie. Je pense que les coûts sont appelés à augmenter, comme pour toute mesure liée à la carboneutralité. Il faut garder cela à l’esprit, et les organismes de réglementation ne font que leur travail. Je pense qu’ils sont conscients et sensibilisés. Ces discussions ont lieu et elles vont dans la bonne direction.
Pour ce qui est des codes et des normes, beaucoup de travaux sont en cours. Encore une fois, c’est un long processus. La CSA, avec laquelle nous travaillons en étroite collaboration, a divers comités qui examinent les normes appropriées qu’il faut modifier. Pour les pipelines, par exemple, il y a la norme CSA Z662 qui porte sur la sécurité de nos pipelines. La CSA examine certaines normes dans lesquelles notre hydrogène peut être inclus afin que le mélange d’hydrogène soit autorisé. Ces mêmes discussions ont lieu au sujet des appareils pour utilisation finale, et comme nous utilisons les mêmes appareils de part et d’autre de la frontière, la CSA travaille avec de nombreux groupes en Amérique du Nord. Nous examinons ces questions avec les fabricants des appareils, ici et à l’échelle mondiale, car d’autres pays ont élaboré des codes et des normes à cet égard. Il n’est pas nécessaire de réinventer la roue. Il s’agit simplement de communiquer et de discuter avec nos collègues pour savoir ce qu’ils ont fait à cet égard et voir comment faire de même.
La sénatrice Seidman : Existe-t-il des modèles internationaux desquels nous pouvons nous inspirer et qui nous aideraient à accélérer le processus?
M. Larmer : Oui.
Le sénateur Harder : Je remercie le comité de son travail. Je ne suis pas membre permanent du comité, mais je m’intéresse vivement à ses travaux.
Je suis heureux que M. Larmer ait affirmé que toutes les options doivent être prises en considération. À mon avis, le problème entourant ce débat au Canada est en partie que nous nous sommes concentrés sur certains secteurs sans voir la contribution générale potentielle des autres volets du secteur de l’énergie. L’autre problème, c’est que nous sommes un peu trop concentrés sur les émissions de CO2 plutôt que sur la décarbonisation. L’objectif est de décarboniser nos sources d’énergie, ce qui sous-entend un éventail plus large de produits, à mon avis. Toutes les options doivent être envisagées, évidemment, y compris l’hydrogène.
Monsieur Pollet, je suis un peu préoccupé par vos références à l’Inflation Reduction Act, aux États-Unis, et à ce que fait l’Union européenne. Comparativement à eux, et même à la Chine, nous sommes un très petit acteur. Comment pouvons-nous trouver notre créneau, étant donné que nous ne faisons pas partie de l’équation énergétique nord-américaine, avec les États-Unis, ni de l’espace européen ou chinois? Où est notre créneau? Notre marché intérieur ne justifiera pas à lui seul les investissements que nous demandons au secteur privé. Donc, il me semble que nous devons nous concentrer sur le marché d’exportation et chercher à déterminer quels seront nos partenaires d’exportation dans ce secteur. J’aimerais avoir vos commentaires à ce sujet.
Plus particulièrement, j’étais présent lors de la visite du chancelier Scholz au cours de laquelle le chancelier allemand a signé un accord très important, ou du moins un accord qui a du potentiel, selon moi. J’aimerais avoir votre avis. Selon vous, quels sont les secteurs à cibler et les priorités d’exportation dont le secteur privé pourrait ensuite tirer parti aux fins d’investissement, étant donné les ressources que nous avons au pays? Je pense que cela m’aiderait beaucoup à comprendre, en tout cas.
M. Pollet : Nous excellons dans la conception de technologies. En outre, au fil des ans, nous avons très bien fait sur le plan du développement de produits. Il y a Ballard, évidemment, sur le marché des piles à combustible. C’est notre force. Nous avons été très bons dans ce domaine. Nous avons repoussé les limites de ces technologies. Nous devrions nous concentrer là-dessus et essayer d’alimenter ce secteur, encore une fois, afin de passer au prochain niveau. Pour ce faire, nous ne devons pas seulement exporter une technologie, mais aussi exporter des électrolyseurs, des piles à combustible, etc.
Nous avons aussi d’excellentes méthodes ou technologies pour produire de l’hydrogène à faibles émissions de carbone. C’est un aspect que nous devrions aussi maintenir et faire progresser, ce qui passe par l’examen des mécanismes et la mise en place de centres d’hydrogène dans les diverses régions du Canada, avec des objectifs précis pour l’écosystème de l’hydrogène.
Nous avons là une occasion unique. Si nous le voulions, nous pourrions avoir une chaîne d’approvisionnement complète pour les électrolyseurs, de l’extraction de nos minéraux à la production de ces électrolyseurs, en passant par la construction de gigantesques usines dans le but d’exporter ces grands systèmes d’électrolyseurs dans divers marchés à l’échelle mondiale. Il en va de même pour les piles à combustible.
C’est quelque chose que nous pourrions faire. Nous avons nos vastes territoires et une abondance de minéraux — essentiels et stratégiques — pour cette chaîne d’approvisionnement.
Ce sont les principaux points à retenir pour le Canada dans ce domaine, à mon avis.
Nous pouvons non seulement produire cet hydrogène... qu’il soit bleu ou vert. Je sais qu’on met beaucoup l’accent sur ce code de couleurs. Je suis tout à fait d’accord avec vous : nous devons nous concentrer sur la décarbonisation. C’est notre principal objectif dans tout cela. De manière générale, nous devons décarboniser [Difficultés techniques] à 100 % d’ici 2050.
À ce sujet, nous devons fixer un objectif à moyen terme — un objectif à moyen terme très ambitieux d’ici 2030 — pour les sept prochaines années environ.
Nous avons tous les éléments nécessaires pour exercer un leadership fort, non seulement pour produire de l’hydrogène au pays, mais aussi pour produire une technologie pouvant exportée vers d’autres marchés.
Le président : Nous allons maintenant laisser M. Larmer se joindre à la discussion.
M. Pollet : Je suis désolé.
M. Larmer : Je vous remercie. Merci aussi à vous, monsieur Pollet.
Je me concentre sur le marché intérieur auquel les services publics de gaz fournissent de l’énergie. Quant au marché d’exportation, je pense que cela suscite de l’intérêt. Je sais que des représentants de l’Union européenne sont ici. Nous avons eu l’occasion de discuter avec plusieurs ambassadeurs de l’Union européenne ces derniers mois, car ils sont à la recherche d’hydrogène vert, et aussi d’hydrogène à faibles émissions.
Je suis d’accord pour dire que les centres d’hydrogène, que nous appelons des îles d’hydrogène, dans notre industrie, étant donné la façon dont cela doit être construit... Prenons le projet de Markham, dans la région de Toronto. Il s’agit d’un électrolyseur qui fournit un mélange à faible teneur en hydrogène — c’est un projet pilote — dans un quartier. Le but est que ce projet soit un point de départ. Est-il possible d’avoir la participation de l’industrie ou, pour les véhicules, d’un transporteur? Ces projets peuvent s’étendre lentement au Canada.
Je pense qu’ils ont leur place. Pour notre marché intérieur, nous pouvons trouver des façons d’en faire des solutions économiques au fil du temps.
Je me permets d’insister sur l’importance de continuer à innover, à développer nos technologies et à les utiliser ici, au Canada. Le marché d’exportation suivra.
M. Pollet : Je suis tout à fait d’accord.
Le sénateur Harder : J’aimerais aussi savoir d’où viendront les investisseurs internationaux dont nous avons besoin pour développer notre marché d’exportation. Nous avons toutes les ressources dont vous avez parlé. Nous n’avons tout simplement pas les capitaux, et le gouvernement ne peut combler ce manque à lui seul. Comment pouvons-nous stimuler l’injection de capitaux du secteur privé et cerner les avantages liés aux exportations grâce aux capitaux investis ici?
Le président : Monsieur Pollet, voulez-vous faire un bref commentaire?
M. Pollet : Il nous faut un utilisateur national pour cet hydrogène. Nous pourrons alors dire qu’il y a un marché, puis faire croître ce marché à partir de là.
Il faut avoir des clients. Dire que nous produirons de l’hydrogène, c’est très bien, mais il faut des clients qui l’utilisent. Voilà ce qu’il nous faut. Nous avons des industries qui veulent cet hydrogène parce qu’elles doivent décarboniser leurs activités. En outre, nous avons un secteur des transports qui a un poids important, en fait, surtout au Canada.
La sénatrice Sorensen : Ma question s’adresse à M. Larmer. Mes connaissances sont très limitées sur ce sujet. Tout ce que j’ai appris me vient de quelques rencontres individuelles, de témoins que nous avons accueillis ici et de recherches sporadiques sur Google.
En toute logique, j’ai tendance à être d’accord avec l’idée que nous devons miser sur tous les outils à notre disposition pour progresser le plus rapidement possible.
Cela dit, pouvez-vous m’expliquer, à la façon d’un enseignant de maternelle, en quoi consiste ce mélange d’hydrogène et de gaz? Je sais que nous sommes censés arrêter de parler de couleurs, mais voilà qu’on en rajoute. De quelle couleur est celui-ci?
C’est différent de l’hydrogène vert et de l’hydrogène bleu. Est-ce un autre produit, ou est-ce davantage une question de transport?
M. Larmer : C’est davantage une question de transport. La couleur de cette molécule d’hydrogène n’a pas d’importance. Nous pouvons mélanger cette molécule d’hydrogène avec nos molécules de gaz naturel. Chaque fois que nous introduisons une molécule d’hydrogène, nous déplaçons une molécule de gaz naturel conventionnel. Voilà ce qui permet une diminution de nos émissions.
Au Canada, nos infrastructures sont surtout constituées de tuyaux en polyéthylène, de tuyaux en plastique jaune. Voilà ce que nous utilisons. En général, nous avons des systèmes de distribution à plus faible pression capables de transporter ce mélange d’hydrogène. Nous cherchons actuellement à déterminer la teneur du mélange que nous pouvons mettre dans ces tuyaux, pour nous assurer que les tuyaux peuvent supporter la charge et que le produit est utilisable dans les appareils au domicile de l’utilisateur final. On parle d’une teneur d’environ 20 % d’hydrogène dans le gaz naturel, soit 20 % d’hydrogène et 80 % de gaz naturel.
La sénatrice Sorensen : Cela le rend utilisable pour le consommateur, et transportable.
M. Larmer : Exactement. En outre, nous pouvons aussi mettre du gaz naturel renouvelable dans nos gazoducs. On parle ici de biométhane capté dans les sites d’enfouissement, le fumier et les matières organiques provenant du site. Les animaux libèrent du méthane lors de la digestion. Nous pouvons capter ce méthane, le nettoyer et l’injecter dans notre pipeline.
La sénatrice Sorensen : Cela fait-il partie des 80 %?
M. Larmer : Oui, cela fait partie des 80 %. On peut faire un mélange de 80 % d’hydrogène et 5 % ou 10 % de GNR, et...
La sénatrice Sorensen : Est-ce la première fois que nous entendons parler de cela, ou est-ce que je n’ai pas écouté les autres témoins?
Le président : Lorsqu’on parle d’hydrogène bleu, il s’agit essentiellement d’une combinaison avec du gaz naturel, n’est-ce pas?
M. Larmer : C’est la source à partir de laquelle l’hydrogène est fabriqué. L’hydrogène bleu est produit à partir du gaz naturel par reformage du méthane à la vapeur, puis par capture du carbone.
La sénatrice Sorensen : J’aime bien la couleur taupe. Merci. Cela a été utile. Ce vocabulaire était tout nouveau pour moi.
M. Larmer : Sénatrice, je serai ravi de vous faire parvenir tout renseignement qui pourrait vous aider. Je peux les transmettre au comité.
La sénatrice Sorensen : Avec des images.
M. Larmer : Avec des images et des couleurs.
[Français]
La sénatrice Audette : Écoutez, je le dis avec autant d’humilité que mes collègues : pour moi, c’est un monde scientifique complexe. Tant mieux, on a des experts et expertes qui nous guident là-dedans, mais en même temps, on a aussi des relations avec des territoires, avec des communautés, avec des nations — des relations avec mon campement annuel. Une fois par année, je pars quatre à cinq semaines dans une tente loin de tout le monde. Je suis sûre que plusieurs compagnies et gouvernements voient dans ces beaux territoires du potentiel économique.
Dans votre travail, dans votre association, jusqu’à quel point avez-vous mobilisé les premiers peuples, les nations dans lesquelles on ira extraire, exploiter ou collaborer? J’écoute le professeur attentivement. Peut-être qu’il manque aussi les premiers peuples dans vos conversations ou positions. Il faut faire certaines choses avec les gouvernements, avec le secteur privé, à l’international; rassurez-moi et dites-moi qu’il y a un dialogue en cours avec les premiers peuples.
Ensuite, j’aurai une deuxième question.
M. Pollet : Tout à fait, absolument, en fait, nous tentons d’inclure les Premières Nations dans notre vision et c’est pour cela qu’on essaie de voir vraiment si on peut produire cet hydrogène renouvelable pour qu’il puisse être utilisé localement ou à l’échelle nationale. Bien sûr, on inclut les Premières Nations dans notre vision de cet hydrogène, je l’appelle l’hydrogène vert — excusez-moi, je reviens sur le code, enfin sur la couleur de l’hydrogène. Oui, tout à fait, absolument, on a des projets qui se penchent sur la production de cet hydrogène vert au moyen des éoliennes, par exemple, et de l’énergie photovoltaïque, mais aussi d’autres composés importants, justement comme l’ammoniac, qui en fait partie, et des engrais pour les terres — tout à fait, madame la sénatrice.
[Traduction]
M. Larmer : Je vous remercie de la question. Nos entreprises membres de l’Association canadienne du gaz s’affairent à établir les partenariats de collaboration nécessaires pour aller de l’avant. Nous sommes extrêmement préoccupés par les communautés nordiques et la façon de réaliser la décarbonisation. Comment pouvons-nous réduire les émissions au sein de ces communautés? Elles n’ont pas de réseaux de gaz naturel ni tout le luxe qu’on trouve dans les centres urbains comme celui-ci. Nous devons donc continuer à établir ces relations, ces partenariats, pour contribuer à décarboniser l’ensemble du Canada.
Le président : J’ai quelques questions pour vous. Je veux juste m’assurer que je comprends bien. Veuillez donner des réponses courtes, s’il vous plaît.
Monsieur Larmer, je comprends que dans votre secteur, vous parlez essentiellement du gaz naturel du point de vue du transport par gazoduc jusqu’au client. Comme vous le savez, la plupart des gens considèrent le gaz naturel comme une solution à moyen terme, et non comme une solution à long terme. Comme vous le savez, nous sommes très préoccupés par la solution à l’horizon de 2050. Le gaz naturel a-t-il un avenir sur ce marché? Qu’arrivera-t-il à ce produit?
Mon autre question porte les énergies éolienne et solaire. On constate dans ces secteurs, le coût du kilowattheure est d’environ 3 ou 4 ¢ ce qui est incroyablement bas. Dans ce cas, pourquoi s’intéresse-t-on à ce genre de choses au lieu de concentrer pleinement nos investissements dans le solaire et l’éolien? Cela a été fait en Chine, comme vous le savez, et les États-Unis seront bientôt un concurrent majeur. Pourriez-vous faire des commentaires sur ces deux points, s’il vous plaît?
M. Larmer : Premièrement, regardez le coût du gaz naturel. Un des défis, c’est que le gaz naturel est vraiment bon marché, soit 2 ¢ le kilowattheure actuellement, ce qui est extrêmement bas. Quant au gaz naturel renouvelable, comme je l’ai déjà indiqué, il coûte environ 25 $ le gigajoule, ce qui représente environ 8 ¢ le kilowattheure. Donc, c’est encore très bon marché. On prévoit une baisse du prix de l’hydrogène, de sorte qu’il pourra concurrencer l’électricité renouvelable.
Je pense que la carboneutralité est un défi énorme, colossal, que nous devons relever. Le réseau de gaz naturel fournit une quantité d’énergie immense qui équivaut à près du double de l’énergie provenant actuellement de l’électricité. Je ne suis pas venu dire que l’électrification est une mauvaise chose et que nous ne devrions pas continuer en ce sens. Absolument pas. Nous avons besoin de canalisations et de fils pour atteindre nos objectifs. Comme indiqué précédemment, nous devons nous concentrer sur la décarbonisation en réduisant les émissions de l’industrie du gaz naturel et du produit qui se trouve dans les canalisations.
Nos membres sont des distributeurs de gaz naturel. Donc, nous avons ces tuyaux jaunes qui acheminent le gaz jusqu’à votre domicile. Ce que nous cherchons à changer, c’est la molécule qui se trouve à l’intérieur de ce gaz. Quant à savoir si j’estime que nous abandonnerons complètement le gaz naturel d’ici 2050, je dirais que non, et je pense que l’Agence internationale de l’énergie est du même avis. Le gaz naturel sera utilisé pendant encore de nombreuses décennies. Toutefois, je pense que nous devons nous concentrer sur les façons de réduire les émissions liées à la consommation de gaz naturel.
Le président : Monsieur Pollet, avez-vous des commentaires?
M. Pollet : Absolument. Cela nous ramène là encore à la nécessité de diversifier les technologies. L’électrification et l’hydrogène — évidemment — auront un rôle important, mais nous devons être conscients que l’hydrogène servira dans les régions difficiles à électrifier. Prenons l’exemple de l’industrie sidérurgique, de l’industrie de l’aluminium, etc., qu’il serait difficile d’alimenter à l’aide d’un système électrique. L’hydrogène devient donc le choix logique. Il en va de même pour le transport lourd, les gros camions de classe 8. Je ne pense pas que la technologie des batteries au lithium-ion soit la solution gagnante dans ce secteur. Les piles à combustible et à hydrogène sont des choix logiques.
Permettez-moi de revenir sur ce que j’ai dit précédemment. L’hydrogène n’est pas la solution miracle. Il fera partie du portefeuille énergétique dans ce cheminement vers la décarbonisation.
[Français]
Le président : Monsieur Pollet, du point de vue de l’entente signée avec l’Allemagne pour l’exportation de l’hydrogène. Pouvez-vous m’expliquer plus en détail? Qu’exportons-nous? Pourquoi les Allemands sont-ils si intéressés à notre hydrogène? Jusqu’à quel point est-ce mutuel? Est-ce qu’on convertit l’hydrogène en liquide avant le transport?
M. Pollet : C’est une très bonne question. L’Allemagne connaît une difficulté assez importante du point de vue énergétique, comme on le sait tous. À l’heure actuelle, il y a beaucoup d’alliances avec des pays stratégiques, des pays où il y aura vraiment un potentiel de production d’hydrogène aux fins d’exportation. Alors, je pense qu’en ce moment, on tente de voir qui peut vraiment produire cet hydrogène à des coûts assez intéressants pour qu’il soit utilisé dans leur secteur industriel, entre autres. Donc, d’une part, il y a le transport, et d’abord, il y a différentes façons de le transporter. Bien sûr, la liquéfaction de l’hydrogène est très énergivore et très chère, mais l’autre option pour le transport est l’ammoniac. Il y a non seulement des avantages, mais aussi des désavantages : ce n’est pas facile à transporter.
Pour l’instant, il y a des discussions sur la forme sous laquelle cet hydrogène pourrait être transporté dans l’Atlantique. Le plus important, c’est que nous avons mis au point une entente avec l’Allemagne pour produire un million ou admettons 10 millions de tonnes d’hydrogène; c’est un défi. Pour l’instant, nous n’avons pas assez d’infrastructure pour fournir cet hydrogène dans deux, trois ou quatre ans. Il faut mettre en place toute cette infrastructure maintenant — je dirais même plus, il fallait le faire hier. Nous en sommes à un point assez critique.
Effectivement, il est possible que nous puissions vraiment produire cet hydrogène massivement et le transporter chez nos amis allemands dans le futur. Ces mécanismes sont nécessaires, mais une fois de plus, pour l’instant, on a l’ambition, on veut, mais on n’a pas vraiment de mécanismes pour soutenir tout cela. Quand je parle de l’industrie, c’est ce qu’ils veulent.
Le président : Merci.
[Traduction]
Monsieur Larmer, permettez-moi de poser une dernière question. Plus tôt, nous avons parlé de captage et stockage du carbone qui, comme vous le savez, est un élément fondamental et très important de notre position tous azimuts, pour ainsi dire. Toutefois, selon les informations que nous avons obtenues d’un acteur privé au sujet du coût ou de la subvention que nous consacrons à cette chose, à combien cela s’élève-t-il? Parlons-nous de 150 $ la tonne? Quel est le coût du captage et stockage du carbone? Si cela ne fonctionne pas, nous aurons un énorme problème. À ma connaissance, il n’y a rien qui fonctionne extrêmement bien. Pourriez-vous faire un commentaire à ce sujet?
M. Larmer : Encore une fois, le captage et stockage du carbone n’est pas mon domaine d’expertise. Je recommande au comité de consulter les gens de l’International CCS Knowledge Centre, en Saskatchewan. De plus, la BMO a fait un travail considérable sur le captage et stockage du carbone. C’est avec plaisir que je vous mettrai en contact avec ces gens. Ils sont probablement bien mieux placés que moi pour en parler.
Le président : Monsieur Pollet, avez-vous des commentaires?
M. Pollet : Je ne connais pas ce domaine. Donc, je n’ai pas de commentaires.
Le président : Je vous remercie beaucoup d’avoir été des nôtres en cette fin d’après-midi et ce début de soirée. C’est très apprécié. Nous avons appris beaucoup de choses, et devons en apprendre bien davantage. Nous vous remercions tous les deux de votre présence. Nous vous en sommes reconnaissants. Merci beaucoup.
(La séance est levée.)