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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 22 novembre 2022

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 18 h 32 (HE), avec vidéoconférence, pour son étude sur de nouvelles questions concernant le mandat du comité et ayant pour sujet le changement climatique dans l’industrie canadienne du pétrole et du gaz.

Le sénateur Paul J. Massicotte (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bonsoir. Je m’appelle Paul Massicotte, je suis un sénateur du Québec, et je suis président du comité.

Aujourd’hui, nous tenons une séance du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. J’aimerais commencer par un petit rappel. Avant de poser des questions et d’y répondre, j’aimerais demander aux membres et aux témoins présents dans la salle de s’abstenir de se pencher trop près du microphone ou de retirer leur oreillette lorsqu’ils le font. Cela permettra d’éviter tout retour sonore qui pourrait avoir un impact négatif sur le personnel du comité dans la salle.

J’ai quelques commentaires à partager avec vous. Comme vous le savez, nous entreprenons ce soir une étude dont le sujet est le changement climatique pour l’industrie canadienne du pétrole et du gaz. On cherche à en apprendre davantage sur l’importance de cette industrie dans notre pays et dans notre économie, ainsi que sur son lien avec l’obligation ou l’engagement qu’on a pris au point de vue du changement climatique. D’abord, la croissance économique est très importante, mais il y a un objectif très conscient et très soucieux de l’impact sur le changement climatique.

On commence notre étude en accueillant des représentants du gouvernement ce soir. Je n’ai aucun doute que vous allez trouver cela très intéressant.

J’aimerais maintenant présenter les membres du comité qui participent à la réunion ce soir : la sénatrice Denise Batters, de la Saskatchewan; la sénatrice Julie Miville-Dechêne, du Québec; la sénatrice Judith Seidman, du Québec; la sénatrice Karen Sorensen, de l’Alberta.

Ce soir, notre panel est d’une durée de deux heures, et nous accueillons les témoins suivants par vidéoconférence.

D’Environnement et Changement climatique Canada, nous recevons John Moffet, sous-ministre adjoint, Direction générale de la protection de l’environnement. C’est un témoin que l’on connaît bien à notre comité.

De Ressources naturelles Canada, nous recevons Erin O’Brien, sous-ministre adjointe; Sébastien Labelle, directeur général, Direction des carburants propres; Nada Vrany, directrice générale, Direction des ressources pétrolières; Drew Leyburne, sous-ministre adjoint, Secteur de l’efficacité énergétique et de la technologie de l’énergie.

Du ministère des Finances Canada, nous recevons Miodrag Jovanovic, sous-ministre adjoint principal, Direction de la politique de l’impôt; Michael Garrard, directeur général, Direction du développement économique et finances intégrées; Marie-Josée Lambert, directrice générale par intérim, Investissements d’État et gestion des actifs.

Enfin, d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada, nous accueillons Kendal Hembroff, directrice générale, Direction générale des technologies propres et de la croissance propre.

Bienvenue et merci d’avoir accepté notre invitation.

Sénatrice Batters, vous voulez intervenir?

[Traduction]

La sénatrice Batters : Merci, monsieur le président. Je suis nouvelle dans ce comité et dans cette nouvelle étude, mais j’aimerais simplement dire qu’il est regrettable que nous ayons reçu les notes d’information il y a quelques heures seulement, alors que le Sénat siégeait encore. Il nous a été impossible de nous préparer correctement pour cette réunion.

Nous recevons neuf hauts fonctionnaires fédéraux de quatre ministères différents aujourd’hui pour entamer cette étude. Ce n’est tout simplement pas une très bonne façon de la commencer.

De plus, nous entamons cette nouvelle étude alors que nous avons une autre étude différente encore en cours. Nous avons donc interrompu la première pour lancer cette nouvelle étude.

Voilà ce que je voulais dire. Je suis habituellement plutôt participative lors des séances de comité. Cela dit, je n’interviendrai peut-être pas beaucoup cette fois-ci, parce que je n’ai pas eu le temps de me préparer à la réunion d’aujourd’hui, et c’est malheureux.

Le président : Je tiens à dire que nous sommes majoritairement du même avis. Nous avons fait part de notre déception à l’équipe de la bibliothèque et elle s’est engagée à changer sa façon de faire, afin que cela ne se reproduise plus.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Il s’agit bien sûr d’une nouvelle étude et je vois que le sujet est décrit comme « Changement climatique : industrie canadienne du pétrole et du gaz »; c’est assez court. C’est assez court, mais, en même temps, c’est immense. Est-ce qu’on a un sujet plus précis?

Vous aviez dit qu’on allait réfléchir à l’importance de l’industrie du pétrole et du gaz; est-ce que c’est aussi dans le mandat? J’essaie de comprendre exactement quel est notre mandat.

Le président : On a déjà fait circuler à deux ou trois reprises le sujet en général avec des questions particulières que nos témoins ont reçues. Aujourd’hui, selon l’ordre du jour de la réunion, nous allons obtenir une vue d’ensemble, à savoir où en est l’industrie sur le plan économique et sur le plan du changement climatique.

La sénatrice Miville-Dechêne : Il s’agit donc du changement climatique et de la contribution de l’industrie à l’économie?

Le président : C’est fondamental, et le défi, c’est de trouver comment arriver au succès économique tout en s’assurant d’atteindre nos objectifs en ce qui a trait au changement climatique. C’est peut-être un des plus gros défis que nous avons au Canada; il s’agit du secteur économique le plus important du pays, mais il faut tout de même atteindre plusieurs objectifs.

Je souhaite la bienvenue aux témoins. Je vous remercie, au nom du comité, d’avoir accepté notre invitation. Nous allons commencer par le mot d’ouverture de la représentante de Ressources naturelles Canada.

Madame O’Brien, la parole est à vous.

[Traduction]

Erin O’Brien, sous-ministre adjointe, Ressources naturelles Canada : Bonsoir. Merci beaucoup, monsieur le président. Enchantée, chers sénateurs, et merci, chers collègues de vous joindre à moi ce soir. Je vous remercie de cette présentation et de nous avoir invités à vous parler ce soir du rôle du secteur des hydrocarbures dans le soutien à la transition énergétique du Canada et à son avenir carboneutre.

Aujourd’hui, je me joins à vous depuis Ottawa, qui a été bâtie sur le territoire non cédé du peuple algonquin anishinaabe.

Avant que la Russie n’envahisse illégalement l’Ukraine, les pays en développement s’élançaient vers leurs objectifs climatiques de 2030 et 2050. Ces pays s’étaient notamment engagés à éliminer progressivement le recours au charbon, à accélérer l’utilisation de véhicules zéro émission, et à accroître l’apport des énergies renouvelables et des carburants à faible teneur en carbone. Cependant, la guerre illégale en Ukraine et les sanctions contre la Russie qui en ont découlé ont rendu les marchés énergétiques mondiaux encore plus volatils. Cela a créé des défis et des possibilités pour le rôle des hydrocarbures canadiens dans un contexte où il demeure impératif de décarboniser les divers secteurs pour atteindre la carboneutralité tout en continuant à répondre aux besoins énergétiques nationaux et mondiaux.

Cette invasion n’aurait pas pu survenir à un pire moment. L’assouplissement des restrictions liées à la COVID-19 avait généré une nouvelle demande en pétrole. De plus, le monde n’investissait pas suffisamment dans toutes les formes d’énergie, pétrole y compris, et c’est d’ailleurs toujours le cas. Cela pose problème, car la plupart des prévisions de marché réputées prévoient que les hydrocarbures continueront à faire partie du portefeuille énergétique pendant un certain temps. Même l’Agence internationale de l’énergie prévoit dans ses prévisions sur la carboneutralité que la demande mondiale en pétrole restera constante jusqu’en 2030 environ.

Selon le scénario sur la carboneutralité d’ici 2050 de l’Agence internationale de l’énergie, la demande mondiale en pétrole devrait passer de 100 millions de barils par jour — soit la demande des dernières années — à 24 millions de barils par jour, qui seraient utilisés à des fins autres que la combustion, si les pays arrivent à atteindre les jalons du scénario. Quant aux prévisions pour le gaz naturel, elles sont un peu plus variables et dépendront de l’ampleur de l’utilisation du gaz comme carburant de transition des divers pays.

Qu’est-ce que cela signifie pour le Canada?

[Français]

Le Canada a été une source de la croissance de l’offre du pétrole à l’échelle mondiale; en effet, sa production a augmenté de 53 % au cours de la décennie précédant l’invasion russe.

Depuis l’invasion russe, le Canada a annoncé — et est en mesure de réaliser — une augmentation supplémentaire de production de pétrole et de gaz naturel de 300 000 barils d’équivalents de pétrole par jour d’ici la fin de 2022.

La plupart de nos exportations sont destinées aux États-Unis, ce qui a contribué à réduire la dépendance de ce pays à l’égard du pétrole russe et saoudien.

Les États-Unis ont reconfiguré considérablement leur complexe de raffinage de la côte du golfe du Mexique afin de pouvoir traiter les types de pétroles bruts canadiens plus lourds.

Au même moment, l’intensité des émissions de la production pétrolière canadienne a diminué de façon constante. L’intensité des émissions par baril de la production de sables bitumineux a chuté de 19 % entre 2010 et 2019, même si les émissions absolues ont augmenté.

En ce qui concerne le gaz naturel, le Canada est le cinquième producteur mondial, presque toutes nos exportations étant destinées aux États-Unis. Cela changera lorsque le projet LNG Canada sera mis en exploitation, vers 2025, ce qui nous permettra d’exporter vers l’Asie. Comme une grande partie du pétrole et du gaz du Canada est exportée, la production dépend largement de la demande mondiale.

[Traduction]

Examinons maintenant l’impact du secteur des hydrocarbures sur notre pays et notre main-d’œuvre. Fondamentalement, le secteur est un moteur essentiel de l’innovation. En tant que principal employeur dans 303 collectivités, il a contribué à créer 178 000 emplois directs et 415 000 emplois indirects en 2020, et 10 400 de ces postes sont occupés par des Autochtones. C’est aussi un moteur d’échanges commerciaux important. Le secteur a généré 140 milliards de dollars d’exportations en 2021, et a compté pour 7,2 % de notre PIB, renforçant le dollar canadien et soutenant la compétitivité d’autres secteurs.

Bien que l’industrie fasse surtout affaire en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan, et à Terre-Neuve-et-Labrador, son empreinte économique est bénéfique pour tous les Canadiens, y compris nos communautés autochtones. Les revenus tirés des impôts et des redevances maintiennent notre filet de sécurité sociale, notamment les écoles, les hôpitaux et les infrastructures. Les investisseurs et les entreprises bénéficient de dividendes, de dépenses en approvisionnement et d’autres avantages financiers, surtout à l’extérieur de l’Ouest canadien.

Ces revenus financent également les investissements dans la transition énergétique.

C’est le secteur qui contribue le plus à la recherche et au développement en matière d’énergie, investissant environ 1 milliard de dollars par an, ce qui représente en moyenne plus de la moitié de tous les investissements du secteur privé en la matière depuis une décennie. De plus, les sociétés d’hydrocarbures ont effectué des achats totalisant plus de 2,6 milliards de dollars auprès de plus de 250 entreprises autochtones en 2019, ce qui représente une hausse de 43 % par rapport à 2017.

En 2018-2019, les Premières Nations de l’Alberta, de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique ont perçu 55 millions de dollars en revenus liés aux hydrocarbures. De plus en plus, certaines communautés autochtones semblent souhaiter devenir actionnaires dans des projets liés aux hydrocarbures.

[Français]

Voyons maintenant ce que la transition énergétique et l’engagement du Canada à atteindre la carboneutralité d’ici 2050 pourraient signifier pour le secteur pétrolier et gazier. L’atteinte de la carboneutralité exigera une transformation des systèmes de distribution d’énergie, une part croissante de la demande devant être satisfaite par de l’électricité propre. Cependant, l’économie mondiale dépend à environ 80 % des combustibles fossiles. La modernisation et l’augmentation de l’utilisation des énergies renouvelables sont coûteuses et prennent du temps. En attendant, les experts affirment que le monde continuera de dépendre en grande partie du pétrole et du gaz.

[Traduction]

La question est la suivante : comment y parvenir de manière à assurer un équilibre entre la nécessité d’une transition énergétique ordonnée qui évite les flambées de prix et le besoin de réduire au minimum les émissions?

Il existe un certain nombre de technologies commerciales ou quasi commerciales qui pourraient aider à résoudre ce défi, comme le captage, l’utilisation et la séquestration du carbone, les procédés d’extraction par solvant assistée par vapeur, la cogénération de vapeur et d’électricité, l’électrification de la chaîne d’approvisionnement et les petits réacteurs modulaires. Cela nécessitera beaucoup de capital et la création d’un environnement réglementaire prévisible afin que le secteur privé puisse investir. C’est pourquoi le gouvernement collabore étroitement avec les provinces, les territoires, les peuples autochtones et les intervenants afin d’éclairer des politiques clés, comme le plafond d’émissions issues des hydrocarbures et les règlements sur le méthane.

Plus tôt cette année, le gouvernement a publié un document de travail qui décrit comment un plafond d’émissions pourrait réduire leur intensité. Son intention est d’offrir à l’industrie la souplesse nécessaire pour investir dans les solutions de réduction des émissions les plus prometteuses et les plus économiques. En même temps, le gouvernement peut aider l’industrie à couvrir le risque associé à l’investissement dans les technologies et les infrastructures de réduction des émissions. Cela comprend 15 milliards de dollars pour mettre sur pied le Fonds de croissance du Canada, un véhicule d’investissement public qui fonctionnera sans lien de dépendance avec le gouvernement fédéral et attirera des investisseurs corporatifs, le crédit d’impôt à l’investissement de 6,7 milliards de dollars qui encourage les investissements dans les technologies propres et un crédit d’impôt à l’investissement pour l’hydrogène propre avec un crédit d’impôt à l’investissement d’au moins 40 % pour les projets qui présenteraient un niveau d’intensité carbonique sous le seuil le plus exigeant. On compte également un crédit d’impôt à l’investissement pour le captage, l’utilisation et la séquestration du carbone destiné aux projets qui stockent de façon permanente le CO2 capturé dans une aire de stockage géologique réservée ou dans du béton, ainsi que près de 320 millions de dollars de financement direct pour la recherche et le développement liés au captage, à l’utilisation et à la séquestration du carbone, 8 milliards de dollars pour l’Accélérateur Net Zéro dans le cadre du Fonds stratégique pour l’innovation, qui a des incidences positives pour le secteur des hydrocarbures, 300 millions de dollars pour l’élaboration de la technologie des petits réacteurs modulaires, l’accroissement de l’influence de la Banque de l’infrastructure du Canada afin qu’elle puisse investir dans des projets d’infrastructure dirigés par le secteur privé qui accéléreront la transition du Canada vers une économie à faible émission de carbone, et 750 millions de dollars dans le cadre du Fonds de réduction des émissions pour aider les sociétés d’hydrocarbures à adopter des solutions vertes et à conserver des emplois.

[Français]

Nous élaborons également des stratégies économiques à l’échelle régionale grâce aux tables de concertation régionales sur l’énergie et les ressources nouvellement établies. Ces tables de concertation rassembleront les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux avec des partenaires autochtones, des municipalités, l’industrie, des travailleurs, des syndicats et des spécialistes pour faire progresser les principales priorités économiques dans les secteurs des ressources naturelles grâce à l’élaboration de stratégies économiques régionales adaptées comportant des programmes d’emploi durables.

[Traduction]

Toutes ces initiatives s’inscrivent dans un partenariat plus large. Ni le gouvernement — le fédéral et les entités fédérées — ni l’industrie ne peut entreprendre ou réaliser ce qui doit être fait pour atteindre nos cibles de 2030 de l’Accord de Paris ou nos objectifs de carboneutralité pour 2050 si nous ne travaillons pas ensemble. Merci.

Le président : Merci beaucoup. À votre tour, madame Hembroff?

Kendal Hembroff, directrice générale, Direction générale des technologies propres et de la croissance propre, Innovation, Sciences et Développement économique Canada : Merci, monsieur le président. Je serai ravie de vous expliquer brièvement le rôle précis d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada, ou ISDE, en matière de décarbonisation du secteur des hydrocarbures.

Le portefeuille de financement d’ISDE soutient une gamme de technologies visant à décarboniser l’économie canadienne. Cela comprend des programmes et des initiatives qui soutiennent le développement, la commercialisation et le déploiement de technologies propres visant à réduire l’intensité des émissions de la production, de la transmission et de la distribution d’hydrocarbures.

Par exemple, l’Accélérateur Net Zéro du Fonds stratégique pour l’innovation, dont ma collègue a parlé plus tôt, contribue à soutenir les objectifs de carboneutralité du Canada afin d’aider à transformer l’économie pour obtenir une croissance propre et à long terme. Cette initiative fournit jusqu’à 8 milliards de dollars pour soutenir des projets qui permettront au Canada de réduire ses émissions nationales de gaz à effet de serre, y compris dans le secteur des hydrocarbures.

Le Fonds stratégique pour l’innovation a notamment soutenu les balbutiements du développement et de la démonstration de technologies propres dans le secteur des hydrocarbures grâce à un investissement de 100 millions de dollars dans le Réseau d’innovation pour les ressources propres, aussi connu sous l’acronyme CRIN.

Plus récemment cette année, le Fonds stratégique pour l’innovation a lancé un appel à l’action aux grands émetteurs pour qu’ils ciblent des secteurs industriels clés dans l’ensemble de l’économie afin de favoriser la transition industrielle et d’obtenir d’importantes réductions des émissions de gaz à effet de serre, ou GES.

La première étape de l’appel à l’action s’est terminée le 30 juin dernier. Plus tôt ce mois-ci, le gouvernement a annoncé 10 projets qui passeront à l’étape suivante de l’évaluation, dont plusieurs projets dans le secteur des hydrocarbures.

ISDE est également responsable de Technologies du développement durable Canada, ou TDDC, qui soutient les entreprises canadiennes dans le développement et la démonstration de nouvelles technologies environnementales, notamment celles qui réduisent les émissions dans l’industrie des hydrocarbures.

Par exemple, le ministre Champagne a annoncé l’an dernier un investissement de 1,2 million de dollars dans Validere Technologies, une entreprise de Toronto, afin de l’aider à commercialiser une plateforme axée sur les données qui permet d’améliorer l’efficacité de la chaîne d’approvisionnement dans l’industrie des hydrocarbures et de réduire les émissions globales.

Les Grappes d’innovation mondiales du Canada, une initiative d’Innovation Canada qui bénéficie aussi du leadership et du co-investissement de l’industrie, jouent également un rôle clé dans le soutien à la décarbonisation du secteur des hydrocarbures.

Le projet « Adaptive AI powering the oil and gas supply chain » est un exemple de projet de l’initiative des grappes qui contribuera à la décarbonisation du secteur des hydrocarbures du Canada grâce auquel les partenaires du projet utilisent des outils de simulation pour modéliser la chaîne des opérations sur le terrain afin d’optimiser le flux des actifs le long de la chaîne d’approvisionnement en hydrocarbures et de réduire les émissions.

Enfin, ISDE soutient également l’innovation technologique par le biais de la série de programmes du Conseil national de recherches du Canada, ou CNRC, qui comprend le programme Défi « Matériaux pour combustibles propres », un programme qui vise à décarboniser les secteurs pétrolier, gazier et pétrochimique du Canada en soutenant la découverte et le développement de nouveaux matériaux pour les carburants à zéro émission et les matières premières chimiques.

Le CNRC offre également le Programme d’aide à la recherche industrielle, qui fournit des conseils, des réseaux et des fonds pour aider les petites et moyennes entreprises du milieu à accroître leur capacité d’innovation et à commercialiser leurs idées.

Je m’arrête ici. Je serai heureuse de répondre à toute autre question que les membres du comité pourraient avoir.

Le président : J’en arrive aux témoins du ministère des Finances. Souhaitiez-vous ajouter quelque chose, monsieur Jovanovic?

Miodrag Jovanovic, sous-ministre adjoint principal, Direction de la politique de l’impôt, ministère des Finances Canada : Merci, monsieur le président.

Je ne pense pas que je vais ajouter quoi que ce soit. Ma collègue, Erin O’Brien, de Ressources naturelles Canada, ou RNCan, a expliqué ce que nous faisons par le biais du système fiscal pour encourager et soutenir les entreprises du secteur des hydrocarbures dans leur décarbonisation, ainsi que par le biais du crédit d’impôt à l’investissement pour les technologies propres et les énergies renouvelables. Merci.

Le président : Souhaitiez-vous ajouter quelque chose, monsieur Moffet?

John Moffet, sous-ministre adjoint, Direction générale de la protection de l’environnement, Environnement et Changement climatique Canada : Oui, très brièvement.

Comme votre comité et vous le savez bien, Environnement et Changement climatique Canada, ou ECCC, a dirigé l’élaboration de la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité et du Plan de réduction des émissions pour 2030. Je suis responsable de la réglementation au sein du ministère. Tous nos règlements sur les gaz à effet de serre permettront de réduire la demande en hydrocarbures.

De plus, certains de nos règlements ciblent précisément le secteur des hydrocarbures.

[Français]

Cela comprend la tarification du carbone, le Règlement sur les combustibles propres, un règlement sur le méthane ainsi que le plafonnement pétrolier et gazier et le règlement sur l’électricité propre.

[Traduction]

Nous travaillons également de concert avec les autres ministères ici présents afin de les aider à concevoir leurs programmes, à la fois pour fournir une expertise technique et maximiser la complémentarité.

Comme mes collègues, je serai ravi de répondre à des questions sur notre travail. Merci, monsieur le président.

La sénatrice Sorensen : Merci beaucoup. Je vais m’adresser à M. Moffet.

Monsieur Moffet, n’hésitez pas à céder la parole à un autre témoin si jamais ma question s’adresse à quelqu’un d’autre.

L’industrie des hydrocarbures, par le biais d’initiatives telles que l’Alliance Nouvelles voies, a beaucoup investi dans l’écologisation de ses activités et dans la lutte contre les changements climatiques.

Pourriez-vous nous en dire plus sur les répercussions de ces programmes — ou peut-être serait-ce plus approprié de parler des répercussions actuelles — et sur le rôle qu’ils jouent pour nous aider à atteindre nos objectifs?

Un autre témoin désire-t-il intervenir à ce sujet? Nous pouvons mettre cette question sur pause. J’en ai une autre.

Le président : Souhaitiez-vous ajouter quelque chose, madame O’Brien?

La sénatrice Sorensen : Permettez-moi d’essayer de poser une autre question aux témoins du ministère des Finances.

Devrais-je poser ma prochaine question?

Le président : Oui, posez votre prochaine question et nous reviendrons à l’autre par la suite.

La sénatrice Sorensen : Mon autre question s’adressait davantage aux représentants du ministère des Finances, mais elle pourrait aussi s’adresser à n’importe quel autre témoin. Quelqu’un pourrait-il m’expliquer comment le crédit d’impôt à l’investissement pour le captage, l’utilisation et la séquestration du carbone — nous en avons entendu parler dans l’exposé plus tôt, mais je répète certains des points saillants — devrait promouvoir le développement de cette méthode au Canada?

Maintenant, je m’intéresse à ce qui se passera à l’échelle provinciale. Pouvez-vous me dire quels seront les avantages économiques de ce crédit d’impôt en Alberta précisément?

M. Jovanovic : Merci.

Je peux parler de la valeur et de l’effet escompté de ce crédit. Il s’agit d’un crédit d’impôt à l’investissement remboursable de 50 % pour la technologie de captage. Il existe un taux différent de 37,5 % pour le matériel de transport et d’injection. En étant remboursable, ce crédit d’impôt permet de réduire le financement et les coûts initiaux de ces projets, qui nécessitent beaucoup de capital.

À l’heure actuelle, voici les méthodes admissibles : une fois le CO2 capté, l’entreprise doit essentiellement le séquestrer dans le sol dans un aquifère salin ou dans du béton.

Ce crédit vise à réduire massivement les coûts initiaux. Sans ce crédit, ces investissements ont peu de valeur commerciale pour ces entreprises. Permettez-moi de vous donner l’exemple de la récupération assistée du pétrole. On n’est pas admissible au crédit d’impôt en utilisant cette méthode, alors que c’est la méthode de captage typique plus viable et économique. Il faut séquestrer le carbone dans le sol ou dans du béton. Cela pourrait potentiellement avoir des effets majeurs sur l’environnement.

Pour répondre à votre seconde question qui portait sur la valeur du crédit, surtout pour les provinces et particulièrement l’Alberta, nous n’avons pas d’information ou d’étude précise à ce sujet. Je crois que la valeur principale de ce crédit est liée aux avantages environnementaux, qui, bien sûr, seront bénéfiques pour tous les Canadiens. L’idée, c’est de tenter d’accélérer ces investissements conséquents. Comme je l’ai dit, ces projets nécessitent beaucoup de capital, et ils représentent aussi des risques considérables pour les investisseurs, alors voilà l’objectif de cette initiative.

La sénatrice Sorensen : La société dépense l’argent puis demande un remboursement sur 50 ou 37 %?

M. Jovanovic : D’une certaine façon, oui. Il y a un processus derrière tout cela. Il faut procéder à une validation préalable de l’investissement. Ressources naturelles Canada prend part au processus. Nous discutons également avec Environnement et Changement climatique Canada. L’Agence du revenu du Canada participe au processus plus tard, lorsque la demande a été faite. Il y a un processus de vérification, d’une certaine façon, et aussi une période d’évaluation de 20 ans. Une fois les projets en place, l’exploitant doit présenter un rapport tous les cinq ans, pendant 20 ans, pour confirmer qu’il atteint ses objectifs initiaux en matière de captage et de stockage du carbone. S’il y a une différence importante entre les projections et la réalité, et que les résultats sont beaucoup moins importants que ce qui avait été prévu, la société peut être assujettie à une récupération fiscale, en gros.

La sénatrice Sorensen : Merci.

Le président : Est-ce qu’on a répondu à vos deux questions?

La sénatrice Sorensen : Je n’ai pas entendu parler de l’Alliance Nouvelles voies, et je ne sais pas si M. Moffet peut me répondre, mais s’il veut nous revenir avec une réponse, cela me convient également.

Le président : Nous avons le temps de l’entendre.

M. Jovanovic : Ce que je peux dire au sujet de l’alliance...

La sénatrice Sorensen : Oui, cela nous serait utile.

M. Jovanovic : ... c’est que, d’après ce que nous savons, son projet comporte trois étapes. Nous savons, d’après la première étape, que la possibilité de réduction des émissions de gaz à effet de serre est d’environ 8 mégatonnes, je crois.

Le président : Ce qui signifie quoi? Nous ne sommes pas habitués à parler de mégatonnes. À quel pourcentage de CO2 ce chiffre correspond-il?

M. Jovanovic : L’alliance prévoit qu’avec un tel investissement, elle pourrait capter suffisamment de CO 2 à des fins de stockage, ce qui mènera à une réduction de 8 mégatonnes de CO2.

Le président : J’aimerais que vous m’expliquiez. Qu’est-ce que cela signifie? Est-ce qu’il s’agit de 100 % de la production de CO2, ou est-ce qu’on parle de 10 %?

M. Jovanovic : Cela signifie que le projet est important. L’objectif du crédit pour l’investissement dans le captage du carbone est d’environ 15 mégatonnes; ce qui vous donne une idée de l’importance de ce projet.

La sénatrice Seidman : Nous remercions tous les témoins d’être avec nous aujourd’hui pour entamer notre étude.

Ma première question s’adresse à M. Moffet, mais j’aimerais aussi entendre les représentants d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada et de Ressources naturelles Canada. Elle porte sur les lettres de mandat.

Les lettres de mandat des ministres d’Environnement et Changement climatique Canada, de Ressources naturelles Canada, d’Innovation, Sciences et Industrie, et de Sécurité publique et Protection civile font toutes référence à la collaboration en vue d’élaborer une stratégie sur les données climatiques dans le but d’aider le secteur privé et les collectivités à orienter la planification et les investissements en matière d’infrastructures.

J’aimerais savoir comment ces ministères s’appuient mutuellement et aussi quelles mesures ils ont prises à cet égard, parce que nous savons tous à quel point ces données seront essentielles en vue des prochaines étapes.

Si M. Moffet peut nous répondre, j’aimerais l’entendre en premier.

Le président : Monsieur Moffet, vous êtes en ligne.

M. Moffet : Maintenant que je suis enfin en ligne, je vais devoir vous présenter mes excuses. Je participe à la plupart de nos activités, mais pas à la stratégie relative aux données climatiques. Je pourrais vous transmettre avec plaisir un rapport au cours des prochains jours sur le travail associé à cette stratégie. Je suis désolé; je ne peux vous en parler personnellement.

En ce qui a trait à la question précédente, vous avez demandé, monsieur le président, quelle était la contribution relative du secteur. Pour votre information, à l’heure actuelle, les émissions des sables bitumineux sont de l’ordre de 83 mégatonnes environ; donc une réduction de 10 à 15 mégatonnes représenterait environ 15 %.

La sénatrice Seidman : Est-ce qu’Erin O’Brien de Ressources naturelles Canada ou Kendal Hembroff d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada ont des renseignements à nous transmettre à ce sujet?

La stratégie est évoquée dans la lettre de mandat de tous ces ministres et j’aimerais savoir comment ils collaborent à son élaboration. Pouvez-vous nous en dire plus?

Le président : Madame O’Brien?

Mme O’Brien : Je suis désolée, sénatrice. Comme mon collègue, M. Moffet, je ne connais pas les détails de cette stratégie. Je pourrais obtenir des renseignements et vous revenir à ce sujet.

La sénatrice Seidman : Merci.

Qu’en est-il de la représentante d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada? Je crois qu’il s’agit de Kendal Hembroff. Avez-vous quelque chose à ajouter?

Mme Hembroff : Monsieur le président, j’aimerais pouvoir vous en dire plus.

Je connais la Stratégie relative aux données sur les technologies propres, à laquelle collaborent Environnement et Changement climatique Canada et Ressources naturelles Canada, mais je ne peux malheureusement pas vous donner d’information sur la stratégie relative aux données climatiques.

La sénatrice Seidman : C’est dommage. Si vous trouvez des renseignements, vous pourrez les transmettre à notre greffière. Ils nous seraient utiles.

Le président : Monsieur Moffet, allez-vous nous transmettre un rapport sur le sujet?

M. Moffet : Oui, monsieur le président.

Le président : Merci.

La sénatrice Seidman : Je vais poser une autre question, si vous me le permettez.

Le président : Allez-y. J’espère que vous aurez plus de chance avec celle-ci.

La sénatrice Seidman : Je ne sais pas si j’aurai plus de chance, mais je vais essayer. Ma question s’adresse aux représentants de Ressources naturelles Canada, et porte sur le Centre canadien d’information sur l’énergie et la question des données.

Le Centre canadien d’information sur l’énergie est un partenariat entre Statistique Canada et Ressources naturelles Canada, en collaboration avec Environnement et Changement climatique Canada et la Régie de l’énergie du Canada. Son objectif est de recueillir des données des gouvernements et ONG du Canada.

Je m’intéresse à cette question parce que, dans le cadre de notre dernière étude, nous avons entendu Jerry DeMarco, le commissaire à l’environnement et au développement durable, qui nous a dit ceci :

... les approches en matière d’évaluation du rôle que l’hydrogène devrait jouer dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre d’Environnement et Changement climatique Canada et de Ressources naturelles Canada différaient.

Environnement et Changement climatique Canada s’attendait à une réduction des émissions équivalente à 15 mégatonnes de CO2 d’ici 2030, tandis que Ressources naturelles Canada prévoyait une réduction pouvant atteindre 45 mégatonnes d’ici 2030. C’est pourquoi la question des données est aussi importante. C’est une question de méthode de modélisation des données. Ma question est donc la suivante : est-ce que le Centre canadien d’information sur l’énergie aborde la question du cloisonnement des méthodes de modélisation des données pour veiller à ce que tous nos ministères qui travaillent au dossier de l’énergie utilisent les données de manière uniforme? Ma question s’adresse à Mme O’Brien.

Mme O’Brien : Je vous remercie pour votre question, sénatrice. Je connais bien les différences en matière de modélisation entre Ressources naturelles Canada et Environnement et Changement climatique Canada, en ce qui a trait à l’hydrogène. Je crois que dans ce cas particulier, ce n’est pas nécessairement une question de différence entre les modèles. Je crois que nous mesurons des éléments légèrement différents; c’est pourquoi les résultats le sont aussi. Mon collègue, Sébastien Labelle, pourrait vous en parler plus en détail.

En ce qui a trait à votre question plus précise sur le Centre canadien d’information sur l’énergie, je n’ai pas d’autres détails à vous donner. Le centre relève de la responsabilité d’un de mes collègues au sein du ministère. Je pourrais vous revenir au sujet de la portée du travail du centre au sujet du cloisonnement des données.

Monsieur Labelle, vouliez-vous nous parler de la question de l’hydrogène?

La sénatrice Seidman : Pas vraiment...

Sébastien Labelle, directeur général, Direction des carburants propres, Ressources naturelles Canada : Bien sûr...

La sénatrice Seidman : Je veux dire, ce serait bien. Évidemment, la question nous intéresse parce qu’il s’agissait d’un sujet très important de notre étude précédente, mais je dois dire que je suis plutôt surprise. On a fait l’annonce du Centre canadien d’information sur l’énergie dans le budget de 2019 et son mandat vise la collaboration avec un large éventail d’intervenants pour améliorer l’accessibilité et la qualité générale des données du Canada sur l’énergie. Si les gens n’ont pas accès aux données dont ils ont besoin pour prendre des décisions appropriées en matière de durabilité et de réduction des émissions de carbone dans certains domaines, cela aura une incidence sur l’industrie, les affaires, l’investissement et tout le reste. Je suis donc un peu perplexe.

Le président : Monsieur Labelle, vouliez-vous faire un commentaire?

M. Labelle : Comme vient de le dire Mme O’Brien, le centre est sous la responsabilité d’un autre groupe avec lequel j’ai travaillé. Je pourrais donc vous dire, rapidement, que la collaboration est importante, notamment avec la communauté des modélisateurs en dehors du gouvernement. Par exemple, l’Université de Montréal travaille en étroite collaboration avec le centre et avec certains membres du groupe. Nous pourrions vous revenir avec des renseignements à jour.

En ce qui a trait à la modélisation de l’hydrogène de façon précise, comme l’a fait valoir Mme O’Brien, la stratégie a modélisé l’ensemble des possibilités associées à l’hydrogène dans l’économie canadienne; Environnement et Changement climatique Canada et le Plan de réduction des émissions ont modélisé la somme des mesures qui ont été prises en compte dans le plan du gouvernement. On examine donc deux éléments distincts : un appel à l’action et un plan qui donne lieu à des réductions précises.

La sénatrice Seidman : Merci.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Vous nous avez donné beaucoup d’informations sur plusieurs programmes, beaucoup de chiffres. J’essaie de démêler tout cela.

Ce qui semble clair, c’est que la situation géopolitique en Europe entraîne une croissance de la demande de pétrole et de gaz, ce dont le Canada profite sur le plan économique. En même temps, je vois dans les discours, particulièrement celui de Mme O’Brien, que bien qu’on génère moins d’émissions par baril de pétrole, de façon absolue, on en génère plus qu’avant dans l’atmosphère. Nos émissions augmentent, et je crois comprendre que le ministre Guilbault vise un plafond des émissions de combustibles fossiles en 2023, qui sera suivi d’une décroissance.

Tout cela me semble rapide, ce qui est évidemment très bien pour l’environnement. Par contre, puisque vous parlez de différentes techniques qui sont en évolution, qui ne sont donc pas tout à fait prêtes, quel est votre degré de confiance quant à la possibilité d’arriver, l’an prochain, à un plafond d’émissions et à une décroissance par la suite?

[Traduction]

Mme O’Brien : Je vous remercie pour votre question. Je crois qu’il serait utile d’offrir plus de contexte en ce qui a trait au profil d’émissions du secteur. Comme vous l’avez fait valoir, le secteur pétrolier et gazier est celui qui produit le plus d’émissions. C’est principalement en raison de ce secteur que nous devons réduire le taux d’émissions. En 2020, le secteur a produit 27 % des émissions du Canada.

Pour revenir à votre point, nous n’atteindrons pas nos objectifs climatiques si le secteur ne contribue pas de manière importante à la réduction des émissions. Je crois que le secteur pétrolier et le secteur gazier sont déterminés à le faire dans le but d’atteindre les objectifs de 2030 et de 2050.

Vous avez raison lorsque vous dites que plusieurs éléments doivent être réunis pour que nous puissions faire de la transition et de la transformation une réussite. Comme je l’ai dit plus tôt, plusieurs technologies émergentes nous aideront à respecter nos engagements en matière de carboneutralité.

Comme nous le savons, plusieurs de ces technologies sont associées à des coûts importants. Comme je l’ai dit plus tôt, nous devons travailler ensemble et assurer la collaboration entre tous les ordres de gouvernement, l’industrie et les intervenants afin de pouvoir miser sur tous les leviers collectifs possibles pour investir dans le but de réduire l’intensité carbonique du secteur dans son ensemble.

La sénatrice Miville-Dechêne : D’accord. J’aimerais vous poser une question plus précise au sujet de ces technologies. La seule que je connaisse, c’est la technologie du captage du carbone, puisque nous en avons largement parlé, mais il existe quatre autres processus. Est-ce qu’on parle du recours à l’électricité pour une production pétrolière propre? J’aimerais que vous me donniez une réponse en termes simples, parce que je ne suis pas spécialiste. De quoi parle-t-on ici?

Mme O’Brien : Je comprends, sénatrice. En fait, j’occupe ce poste depuis peu... environ quatre mois. Je comprends donc qu’il est difficile de comprendre comment le secteur fonctionne et aussi les diverses mesures de transition et de transformation en place.

Dans mon discours, j’ai parlé de l’application des technologies de captage, de stockage et d’utilisation du carbone. Mon collègue, Drew Leyburne, qui est avec nous ce soir, pourrait vous en parler plus en détail.

J’ai évoqué d’autres technologies, comme les procédés d’extraction par solvant assistée par vapeur. Cette technologie s’applique à la production des sables bitumineux. Elle vise à extraire le produit et utilise l’eau et d’autres ressources de manière beaucoup plus judicieuse. L’application de cette technologie entraîne d’importantes réductions des émissions.

La cogénération de vapeur et d’électricité représente un autre type de technologie qui est appliquée aux processus industriels et à l’électrification. Comme vous l’avez laissé entendre dans votre question, l’une des technologies envisagées consiste en l’électrification accrue des installations de production... Je pense par exemple aux turbines qui servent à toutes sortes de processus comme la production de gaz naturel et de gaz naturel liquéfié, et la production de sables bitumineux. Plutôt que d’utiliser des turbines à gaz, on utiliserait des turbines électriques, ce qui réduirait les émissions de gaz à effet de serre de façon considérable.

Je crois qu’il existe plusieurs technologies qui peuvent s’appliquer dans l’ensemble de la chaîne de production. Certaines ont été éprouvées, tandis que d’autres en sont à l’étape du développement. Il y a toutefois beaucoup d’innovation et d’investissements dans ce domaine, ce qui est prometteur en vue de réduire davantage les émissions dans ce secteur.

La sénatrice Miville-Dechêne : Qui va payer pour tout cela? Qui paiera pour les nouvelles technologies?

Mme O’Brien : Je crois que les discussions sont en cours à ce sujet. Cette responsabilité revient principalement à l’industrie, mais comme je l’ai dit plus tôt, le gouvernement a plusieurs programmes et mécanismes de soutien en place pour aider l’industrie et favoriser le recours à ces technologies novatrices. Je pense notamment au crédit d’impôt à l’investissement annoncé dans l’Énoncé économique de l’automne. Le gouvernement offre divers programmes de financement à cet égard. Ma collègue, Kendal Hembroff, a parlé du Fonds stratégique pour l’innovation, par exemple. Il y a aussi la Banque d’infrastructure du Canada. Le gouvernement offre de nombreux outils pour faciliter la réduction des coûts et des risques associés aux investissements de grande envergure nécessaires pour rendre la production pétrolière et gazière plus responsable sur le plan environnemental.

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci.

Le président : Si je peux me permettre une question... Je sais que cela représente un défi, mais j’aimerais revenir en arrière. J’aimerais avoir une vue d’ensemble de la situation. À mon avis, il y a des enjeux en matière d’offre et de demande. Lorsqu’on propose un produit, on définit l’offre. J’aimerais que vous m’expliquiez comment vous voyez les choses. Qu’allons-nous offrir au monde? On aura encore besoin de pétrole et de gaz pendant 50 ans... La consommation sera peut-être réduite, mais le besoin sera toujours présent. Comment pourrons-nous être concurrentiels à l’échelle mondiale? Qu’allons-nous offrir à la population pour qu’elle achète notre produit et non celui de l’Arabie saoudite? Je comprends que le prix de base de l’Arabie saoudite est très bas. Il semble que le pays produise du pétrole très propre. Comment pouvons-nous faire face à cette concurrence? J’aimerais que vous me répondiez en des termes simples. Qu’allons-nous vendre?

Mme O’Brien : Je peux comprendre la question. Nous collaborons entre partenaires gouvernementaux et avec l’industrie pour créer un secteur pétrolier concurrentiel et à faibles émissions de carbone — tant pour le pétrole que le gaz. Nous aimerions offrir au monde le baril de pétrole ou de gaz le plus propre qui soit. Nous sommes en bonne voie d’atteindre ces cibles. Nous ne voulons pas minimiser les efforts qu’il faut encore déployer pour pouvoir en arriver là. Mais je crois que l’industrie est véritablement déterminée à travailler avec le gouvernement pour nous engager dans cette direction. Nous voyons des résultats. L’intensité des émissions totales par baril provenant des sables bitumineux a diminué considérablement au cours des dernières années. De plus, les émissions totales provenant du secteur du gaz naturel sont plus faibles, récemment, qu’elles ne l’étaient — malgré une hausse de la production.

À mesure que nous avançons, comme je l’ai mentionné, certaines de ces technologies qui devront servir à la production coûteront très cher et présentent un risque important. Nous sommes préoccupés par le maintien de la compétitivité du secteur canadien à mesure que nous réduisons l’intensité des émissions. Ce n’est pas nécessairement ce que nous voyons chez nos partenaires mondiaux. Pendant que nous faisons ces demandes à notre secteur, il peut y avoir des discussions sur la façon dont le gouvernement peut envisager un soutien en recourant à différents moyens pour permettre à notre industrie de demeurer concurrentielle à l’avenir.

Le président : Où en sommes-nous aujourd’hui? Lorsque vous comparez notre produit à celui de la Californie ou de l’Arabie saoudite, où en sommes-nous? Notre produit est-il plus propre? Sommes-nous loin d’atteindre notre objectif, c’est-à-dire avoir la production la plus propre au monde?

Mme O’Brien : C’est là que les choses deviennent rapidement compliquées. J’ai quelques notes, et je peux donc trouver des chiffres sur l’intensité des émissions. Je vous déconseille toutefois, monsieur le président, de faire de simples comparaisons entre les produits canadiens et, disons, les produits saoudiens ou californiens. Au Canada, nous sommes chanceux puisque nous avons une offre très diversifiée. Nous produisons une gamme complète de produits pétroliers et gaziers, du pétrole très brut au pétrole brut léger, en passant par le gaz. Il faut s’assurer de comparer des pommes avec des pommes. Il serait injuste de comparer, par exemple, du brut lourd avec du brut léger qui pourrait être produit dans un autre pays.

Cependant, lorsqu’il est question du même produit, les niveaux d’intensité des émissions du Canada se comparent très favorablement, et, à vrai dire, nous produisons un des bruts lourds qui a la plus faible intensité d’émissions au monde.

Je vois que M. Moffet a levé la main. Je pourrais profiter de son intervention pour trouver des chiffres plus précis sur l’intensité des émissions de certains produits pétroliers et gaziers canadiens.

M. Moffet : Je vais tout d’abord poursuivre dans la même veine que ma collègue. Les émissions liées à certains produits pétroliers et gaziers canadiens comptent maintenant parmi les plus faibles au monde. La nouvelle installation d’exploitation extracôtière que nous venons tout juste d’approuver à Bay du Nord sera à notre connaissance celle qui a les plus faibles émissions au monde pour produire du pétrole.

Dans l’éventualité où certaines des installations proposées de gaz naturel liquéfié en Colombie-Britannique seraient connectées au réseau de la province, qui est, bien entendu, un réseau propre, il s’agira alors, et de loin, de la production de gaz naturel liquéfié qui a la plus faible intensité de carbone au monde.

Ce n’est pas le cas d’autres produits, mais comme ma collègue l’a souligné, on apporte des améliorations considérables. À cet égard, je pense qu’il est important que le comité comprenne que du point de vue du gouvernement, les objectifs que le secteur pétrolier et gazier doit atteindre comportent au moins trois volets. Premièrement, comme ma collègue l’a expliqué, nous voulons nous assurer que tant qu’il y aura une demande pour le pétrole et le gaz, on se tournera vers le Canada. À cette fin, nous voulons que le secteur pétrolier et gazier du Canada puisse soutenir la concurrence en ce qui a trait à la teneur en carbone — autrement dit, les émissions nécessaires pour produire le pétrole et le gaz — et pour ce qui est des coûts. Pour y parvenir, l’industrie et les gouvernements devront collaborer pour apporter une contribution financière et favoriser l’innovation.

Au-delà de cet objectif, nous nous efforçons de réduire la demande pour le pétrole et le gaz au Canada. Nous déployons des véhicules zéro émission et nous essayons d’électrifier l’industrie et d’accroître son utilisation de l’hydrogène. Ces mesures vont toutes réduire la demande pour le pétrole et le gaz au Canada, et nous allons voir qu’on met également l’accent là-dessus partout dans le monde. Il faudra du temps, mais c’est le deuxième objectif.

Pour ce qui est du troisième objectif, au même moment où nous travaillons avec le secteur pour réduire ses émissions, nous collaborons aussi avec lui pour l’encourager, en lui donnant les moyens nécessaires, à diversifier ses produits de manière à tirer parti de la ressource précieuse que mon collègue a décrite et à fabriquer des produits dont l’utilisation n’émet pas de gaz à effet de serre. C’est un peu comme si nous étions sur un tabouret à trois pattes puisque nous essayons d’atteindre ces trois objectifs en même temps. De toute évidence, c’est ce qui explique pourquoi le défi est aussi compliqué et intéressant. Le moment est d’ailleurs venu pour votre comité de l’examiner.

La sénatrice Batters : Merci. Je voulais juste aborder quelques points pour défendre l’excellent bilan environnemental du secteur pétrolier et gazier du Canada. J’étais heureuse d’entendre M. Moffet défendre un peu ces choses, mais je suis un peu surprise que la haute fonctionnaire à Ressources naturelles Canada n’ait pas les mêmes chiffres à portée de la main. En voici certains que j’ai trouvés.

Parmi les 20 principaux producteurs, le Canada se classe au quatrième rang sur le plan environnemental, comme BMO Marchés des capitaux l’a indiqué. Si le reste de la planète appliquait les normes de torchage du Canada, les émissions totales de gaz à effet de serre pour chaque baril de pétrole produit diminueraient de 23 %. L’intensité des émissions de gaz à effet de serre au Canada a déjà diminué d’environ 24 % de 2012 à 2020.

Le secteur pétrolier et gazier du Canada est un chef de file mondial sur le plan environnemental et social, et en matière de gouvernance. Nous sommes devant les 10 principaux exportateurs de pétrole dans le monde.

Nous nous classons au premier rang de nombreux classements, y compris l’indice de démocratie 2020; l’indice de paix dans le monde 2020; l’indice de progrès mondial 2020; l’indice de primauté du droit 2020; l’indice de perception de la corruption 2020; l’indice relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité 2019-2020; l’indice pour un avenir vert 2021; l’indice mondial de la liberté de la presse 2020; l’indice de performance environnemental 2020; et l’indice du développement durable 2020.

Entre 2000 et 2018, l’intensité des émissions des activités pétrolières et gazières du Canada a diminué de 36 % grâce à des améliorations de la technologie et de l’efficacité, à une diminution des émissions d’évacuation et à la réduction du pourcentage de bitume transformé en pétrole brut synthétique.

On s’attend à ce que l’intensité des émissions des sables bitumineux s’améliore encore de 16 à 23 % d’ici 2030, et l’Alberta, qui représente 80 % de la production pétrolière du Canada, est une des rares administrations productrices de pétrole dans le monde qui est obligée de divulguer ces chiffres et qui a des protocoles à suivre relativement aux émissions ainsi que des taxes sur le carbone à payer pour les émissions excédentaires de gaz à effet de serre.

Nous sommes fiers de notre bilan. Je tenais à le souligner, car il est très important de le mentionner dans le cadre de cette étude.

La sénatrice Seidman : Merci. Je vais essayer à nouveau d’obtenir certaines réponses. Je comprends qu’il y a beaucoup de questions complexes alors que nous commençons cette étude. Nous essayons de nous faire une idée.

Je crois comprendre qu’il y a actuellement un décalage de deux ans dans la déclaration des émissions de gaz à effet de serre du Canada. À quel point est-il possible de publier des estimations pratiquement en temps réel des émissions de gaz à effet de serre? Comment l’absence d’estimations en temps réel des émissions nuit-elle à la capacité du Canada à élaborer des stratégies et des politiques de réduction des émissions?

M. Moffet : Nous déclarons les émissions de chaque secteur au pays conformément à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, ou CCNUCC. Il y a un décalage de deux ans pour ces données compte tenu des modélisations détaillées qui doivent être effectuées, de la vérification des données qui doit être faite et ainsi de suite. C’est fait à la même fréquence que les autres pays.

Cela dit, nous avons des renseignements beaucoup plus à jour qui sont déclarés par toutes les grandes installations pétrolières et gazières au Canada dans le cadre du Programme de déclaration des gaz à effet de serre qui a été établi conformément à la Loi canadienne sur la protection de l’environnement. Nous pouvons aussi exiger que les émetteurs nous remettent des renseignements supplémentaires sur un polluant donné, y compris les gaz à effet de serre, lorsque c’est nécessaire pour élaborer des règlements.

Je ne prétends aucunement que notre base de données est parfaite, mais nous avons de l’information qui est relativement à jour.

Lorsque nous élaborons des mesures réglementaires, plus particulièrement, nous menons de vastes consultations avec l’industrie. L’un des principaux objectifs de ces consultations n’est pas tout simplement de demander ce que nous devrions faire, mais plutôt de recueillir le plus de renseignements à jour et exacts possible pour que le gouvernement ait une base de données précises qui permet aux ministères de faire des choix éclairés relativement à la rigueur des mesures, au type de mesures à prendre et ainsi de suite.

Cela revient à faire beaucoup de détours pour dire que même si l’information n’est pas parfaite, l’accès à des renseignements à jour n’est pas un obstacle important à notre capacité d’élaborer des mesures pour réduire les émissions de ce secteur ou d’un autre secteur au Canada.

Drew Leyburne, sous-ministre adjoint, Secteur de l’efficacité énergétique et de la technologie de l’énergie, Ressources naturelles Canada : Merci. Mon collègue a raison pour ce qui est de la déclaration réglementaire, mais elle ne procure pas le tableau mis à jour quotidiennement que vous voulez peut-être pour suivre vos progrès. Il y a certaines parties de la chaîne de valeur pétrolière et gazière pour lesquelles il est possible d’obtenir une rétroaction pratiquement en temps réel. Le méthane est un bon exemple. Les gains technologiques que nous avons vus au cours des dernières années en ce qui a trait aux images satellites et à une détection améliorée sur le terrain, aux drones et à d’autres technologies permettent aux entreprises, aux organismes de réglementation et aux autorités provinciales et fédérales d’obtenir une rétroaction qui est beaucoup plus rapide dans certains domaines du profil d’émissions de gaz à effet de serre.

La sénatrice Seidman : C’est important. Sommes-nous en train de dire que nous avons les données sur les émissions qu’il nous faut pour élaborer nos stratégies et nos politiques? Nous déclarons de l’information qui remonte à deux ans, mais nous avons quelque chose qui se rapproche plus de la réalité actuelle. Il n’y a donc pas vraiment d’incidence sur notre capacité à élaborer des stratégies et des politiques de réduction des émissions. Est-ce bien ce que nous disons?

M. Moffet : Cela résume mon point de vue. Soyons clairs : les données déclarées conformément à la CCNUCC sont moins à jour puisqu’elles portent sur l’économie dans son ensemble. Nous suivons un cycle de déclaration établi par la CCNUCC, et nous produisons un rapport seulement lorsque nous avons l’ensemble de l’information au même niveau, alors que dans certains cas, nous avons des données qui sont beaucoup plus à jour. C’est toujours ainsi pour ce qui est du secteur pétrolier et gazier.

La sénatrice Seidman : Merci.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Vous nous avez dit qu’il y a plusieurs technologies qui pourraient vous aider à réduire les émissions dans l’industrie pétrolière et gazière, mais en même temps, le Canada a pris l’engagement au G20 d’éliminer les subventions aux combustibles fossiles avant 2025 et d’élaborer un plan pour éliminer progressivement le financement public du secteur des combustibles fossiles.

Comment réconcilier l’engagement du gouvernement et le fait que vous nous dites qu’il est important que l’industrie puisse recevoir des subventions pour se décarboniser? L’an 2025 est quand même relativement proche. Est-ce que tout cela est réaliste ou non?

Le président : À qui s’adresse la question?

La sénatrice Miville-Dechêne : Je ne sais pas. Qui peut y répondre?

M. Jovanovic : Je peux répondre à la question, monsieur le président.

Je pense qu’il est important de distinguer les subventions fossiles et les subventions fossiles inefficaces. Le mot « inefficace » ici prend une valeur importante dans un contexte de transition vers la carboneutralité. À l’origine, l’engagement du G20 — je m’excuse, j’ai la version anglaise ici.

[Traduction]

Cela décrit les subventions fossiles inefficaces comme étant celles qui encouragent le gaspillage, réduisent notre sécurité énergétique, nuisent aux investissements dans les sources d’énergie propre et compromettent les efforts déployés pour s’attaquer à la menace des changements climatiques.

[Français]

Ici, il est important de faire la distinction. Ce que le gouvernement fédéral fait, c’est soutenir l’industrie de façon cohérente avec la transition vers la carboneutralité. C’est ce qui distingue une subvention efficace d’une subvention inefficace.

La sénatrice Miville-Dechêne : Donc, l’engagement du gouvernement est de se débarrasser, en 2025, des subventions inefficaces, pas des subventions en général. Est-ce bien ce que vous me dites?

M. Jovanovic : Oui, il s’agit des subventions inefficaces. L’engagement a été rapproché, à la fin de 2023.

La sénatrice Miville-Dechêne : D’accord. Je vais vous poser une autre question qui rejoint peut-être celle de la sénatrice Seidman au sujet des données.

À l’heure actuelle, il existe un décalage de deux ans quant à la déclaration des émissions de GES du Canada. Pourrait-il être possible de publier ces résultats en temps réel? Il me semble que deux ans, c’est assez long pour être capable d’apporter les correctifs et d’avoir des chiffres à temps. Est-ce que ce délai nuit à notre capacité d’élaborer des stratégies?

Le président : À qui s’adresse la question?

La sénatrice Miville-Dechêne : Je m’excuse, je ne sais pas à qui l’adresser.

[Traduction]

M. Moffet : En fait, nous publions différents groupes de données, y compris certaines qui sont plus à jour que celles déclarées dans le cadre de la CCNUCC.

Le rapport dont vous parlez tous les deux est le rapport d’inventaire national pour la CCNUCC, mais nous faisons des déclarations annuelles dans le cadre du Programme de déclaration des gaz à effet de serre. Lorsque nous avons des règlements, par exemple notre règlement sur le méthane, nous devons déclarer les données beaucoup plus fréquemment. À mesure que nous élaborons ou modifions des règlements, nous allons tirer parti de nouvelles technologies comme celles dont a parlé mon collègue, M. Leyburne. Les données que nous déclarons sont beaucoup plus à jour, et les Canadiens verront de plus en plus de renseignements à jour à l’avenir.

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci de m’avoir corrigée.

Le président : Revenons au scénario que vous tentiez d’expliquer en utilisant des termes simples : l’offre et la demande. Je suis parfaitement d’accord. Je conviens que si vous pouvez vraiment assurer la qualité et avoir le produit le plus propre qui soit, ce que vous devez faire selon moi — parce qu’il y aura une énorme concurrence à mesure que nous diminuons la consommation, beaucoup de concurrents, dont l’Arabie saoudite... Pour remporter la bataille, nous devons essentiellement être très perspicaces et très efficaces.

Cela dit, quand je regarde l’exposé de Mme O’Brien, je dois admettre que vous êtes omniprésents. Il y a des subventions et de l’argent un peu partout. Pour n’importe quel gouvernement fédéral, une subvention de moins de 1 milliard de dollars n’est pas considérable. Cela me donne l’impression que nous ne savons pas où nous allons. Lorsque vous avez proposé des mesures, c’était toujours timidement. C’était toujours hypothétique. Je ne suis pas vraiment convaincu. Je souscris à l’objectif, mais je ne sais pas si nous allons l’atteindre avec ces mesures timides. Nous espérons que nous allons avoir la technologie nécessaire. Nous ne l’avons pas encore. Je dois dire que cela me préoccupe un peu.

Je suis également d’avis que, à l’échelle mondiale, il y aura encore une demande pour le pétrole et le gaz pendant des décennies. Si notre production est la plus propre, je pense que nous devons faire concurrence. Mais lorsque je dis cela, vous savez que la plupart des Canadiens — y compris des membres du Comité — ont l’impression que nous nous sommes engagés à cesser la production, que nous sommes déterminés à ne plus avoir de pétrole et de gaz. Nous parlons d’une réduction des subventions et de ce genre de choses. C’est peut-être la faute des politiciens puisque nous donnons à la plupart des Canadiens l’impression que nous diminuerons la production et que nous nous retirerons du secteur. Pourtant, pourquoi ne pas produire du pétrole et du gaz nous-mêmes si nous le voulons et que nous pouvons soutenir la concurrence? Il devrait y avoir une réduction, mais pourquoi réduire notre propre production? Si nous sommes au premier rang, nous devrions en profiter.

Comment gérez-vous le fait que la population canadienne n’est pas de la partie ainsi que le problème de la réputation et du message? Il est difficile d’être convaincu. Madame O’Brien, voulez-vous faire des observations à ce sujet?

Mme O’Brien : Merci, monsieur le président. Je pense que vous avez soulevé de nombreux points. Nous sommes certainement chanceux d’avoir les ressources que nous avons. C’est un secteur qui contribue énormément à la prospérité du Canada partout au pays, même si la production se fait principalement dans l’Ouest canadien et à Terre-Neuve-et-Labrador. Comme je l’ai dit dans mes observations, cela contribue à la prospérité économique et à la croissance partout au pays. C’est donc une importante contribution au filet de sécurité sociale du Canada.

Il est essentiel que ce secteur demeure concurrentiel à l’échelle mondiale, surtout dans le contexte géopolitique actuel. Le Canada a un rôle à jouer pour soutenir les marchés énergétiques mondiaux. Comme vous l’avez dit, nous nous efforçons de devenir le producteur le plus propre qui soit. À mesure que nous progressons vers cet objectif, il y aura des investissements importants pour soutenir la transition dans l’ensemble du secteur, ainsi que pour avoir des combustibles et des produits plus propres.

À propos de ce que vous avez dit sur le soutien de la population, les avis sont partagés d’un bout à l’autre du pays. Il y a un rôle important à jouer pour améliorer partout au pays les connaissances des gens en matière d’énergie. En général, il y a peu de Canadiens qui comprennent la complexité des systèmes énergétiques de notre pays. Savent-ils d’où provient l’électricité lorsqu’ils allument une lumière? Lorsqu’ils se servent tous de différentes technologies ou qu’ils font le plein, savent-ils d’où l’énergie provient? On pourrait améliorer grandement les connaissances des gens, ce qui contribuerait à avoir une discussion stratégique constructive et approfondie sur ces questions importantes.

Il y a de nombreuses façons de procéder, et il faudra prendre des décisions difficiles. Comme je l’ai dit, nous avons besoin de leviers et d’outils pour appuyer la transition et la transformation de manière plus générale.

Je m’excuse si mes observations semblent désordonnées. Le gouvernement a un certain nombre d’initiatives de soutien en cours, et il concilie des incitatifs ainsi que des approches réglementaires pour responsabiliser davantage le secteur en ce qui a trait aux émissions. Le gouvernement a mis en place plusieurs leviers et mesures.

La sénatrice Seidman : Je vous remercie de nous aider à essayer de comprendre les enjeux. Dans votre exposé, madame O’Brien, vous avez dit que le secteur pétrolier et gazier est un moteur essentiel de l’innovation et un moteur important des échanges commerciaux. Nous parlons beaucoup de notre volonté de devenir le producteur le plus propre qui soit afin de pouvoir soutenir la concurrence internationale. Ce sera l’un des aspects les plus importants pour progresser de manière concurrentielle, pratique et durable.

Qu’est-ce que cela signifie réellement? Si je puis me permettre, le Groupe consultatif pour la carboneutralité a recommandé au gouvernement du Canada d’accélérer la réduction des émissions dans le secteur pétrolier et gazier en rendant le régime fédéral de tarification du carbone plus strict. M. Moffet y a fait brièvement allusion. Par exemple, ce groupe consultatif a proposé au gouvernement fédéral d’appliquer la tarification intégrale du carbone dans le secteur plutôt que d’avoir recours aux allocations fondées sur la production, comme c’est le cas actuellement.

Le gouvernement fédéral envisage-t-il de rendre le régime de tarification du carbone plus strict pour le secteur pétrolier et gazier? De quelle façon le gouvernement fédéral travaille-t-il avec les provinces et les territoires qui disposent de leur propre régime de tarification du carbone applicable au secteur pétrolier et gazier, comme en Alberta?

M. Moffet : Environnement Canada est le ministère responsable de la politique de tarification du carbone, de concert avec nos collègues de Finances Canada. Votre question tombe bien, parce que le gouvernement a annoncé aujourd’hui les résultats de l’évaluation de l’exercice que nous avons récemment terminé, soit l’examen de tous les régimes provinciaux de tarification pour la période de 2023 à 2030.

En fait, nous avons considérablement augmenté la rigueur de la tarification du carbone dans tout le Canada, y compris pour l’industrie et le secteur pétrolier et gazier. Nous avons établi de nouveaux critères pour l’ensemble du Canada pour la période de 2023 à 2030. Nous l’avons fait l’an dernier. Nous avons ensuite donné à toutes les provinces l’occasion de modifier leur propre régime, si elles tenaient à le conserver, et de démontrer que leurs régimes respectifs satisferaient à ces critères. En fait, toutes les provinces dotées d’un régime de tarification industrielle se sont engagées à rendre leur régime nettement plus rigoureux.

Le ministre Guilbeault a donc annoncé aujourd’hui que le régime fédéral ne serait pas imposé aux provinces qui disposent déjà d’un régime, et cela comprend les principales provinces productrices de pétrole et de gaz — soit Terre-Neuve-et-Labrador, la Saskatchewan, l’Alberta et la Colombie-Britannique —, qui se sont toutes engagées à accroître la rigueur de leur régime de tarification pour le secteur pétrolier et gazier.

Nous ne prévoyons pas d’autres modifications à l’approche globale du Canada en matière de tarification du carbone. Cela dit, nous sommes en train de réfléchir — en collaboration avec les provinces, l’industrie, la société civile et les communautés autochtones intéressées — à la question de savoir comment imposer le plafond qui empêchera effectivement toute augmentation des émissions produites par le secteur, en chiffres absolus, et qui fera baisser les émissions au fil du temps pour atteindre l’objectif de carboneutralité d’ici 2050.

La manière d’atteindre ce plafond reste à déterminer. Cela peut nécessiter une sorte de mécanisme du marché, mais ce mécanisme n’interagira pas directement avec le régime de tarification en vigueur.

La sénatrice Seidman : Eh bien, c’est toute une nouvelle. Nous étions tellement absorbés par notre travail aujourd’hui que nous n’avons pas vu la conférence de presse ou quoi que ce soit d’autre. En tout cas, c’est du nouveau pour nous.

M. Moffet : Il faut prendre le temps de regarder la télévision, sénatrice.

La sénatrice Seidman : Vous venez de nous annoncer la nouvelle ici même ce soir, alors je vous en remercie.

Cela nous amène à un autre sujet intéressant : quelles sont les principales façons de faire qui permettront au secteur pétrolier et gazier de réduire leurs émissions, et quels sont les moyens les plus rentables pour le gouvernement fédéral d’aider le secteur pétrolier et gazier à réduire l’intensité des émissions de ses activités, maintenant que vous imposez des contrôles plus rigoureux?

M. Moffet : Je peux commencer, mais je pense qu’il s’agit d’une discussion plus large. Cela nous ramène en fait à la déclaration préliminaire d’Erin O’Brien.

Nous savons qu’il existe des technologies qui offrent d’importantes possibilités de réduction des émissions, comme le captage et le stockage du carbone. Nous savons qu’il est possible d’électrifier certaines filières du secteur.

Pourquoi est-ce important? Prenez les sables bitumineux. Bien entendu, les sables bitumineux sont différents du pétrole ordinaire. On doit extraire le pétrole du bitume et, pour ce faire, il faut beaucoup de chaleur et d’énergie. Pour l’instant, les entreprises de sables bitumineux utilisent du gaz naturel et de la vapeur. Si elles modifiaient ces processus pour utiliser de l’électricité propre au lieu du gaz naturel, elles réduiraient considérablement les émissions. De plus, si elles remplacent l’eau par divers types de solvants chimiques, elles y parviendront plus efficacement.

Autrement dit, il existe des technologies connues, qui sont déjà appliquées dans le secteur et qui permettront de réduire les émissions. L’investissement dans ces technologies prendra du temps avant que les réductions d’émissions se concrétisent. Nous nous attendons à ce que les réductions d’émissions commencent à s’accélérer, puis à s’accroître au fil du temps, à mesure que ces investissements seront pleinement mis en œuvre.

La question est donc la suivante : quel est le rôle du gouvernement? C’est justement la raison pour laquelle notre collègue a présenté tout un éventail de mesures. Il n’y a pas une seule et unique façon de permettre à l’industrie de modifier son comportement tout en restant concurrentielle. C’est pourquoi le Canada a choisi d’instaurer un ensemble de règlements, en essayant d’utiliser les mesures réglementaires les plus efficaces possible sous forme d’un mécanisme de tarification du carbone, par exemple, ainsi que divers types de mécanismes incitatifs assez bien rodés et éprouvés, notamment un crédit d’impôt à l’investissement, un soutien à la collaboration en recherche et développement, des prêts directs et des subventions visant des activités précises.

La sénatrice Seidman : Madame O’Brien, je crois que vous vouliez ajouter quelque chose.

Mme O’Brien : Merci, sénatrice. Je voulais renchérir sur les observations de M. Moffet et porter à votre attention un document publié par Ressources naturelles Canada. Il s’agit du Cahier d’information sur l’énergie, qui contient un certain nombre de faits et de renseignements intéressants concernant le secteur et qui présente plusieurs technologies et investissements visant à réduire l’intensité des émissions du secteur de l’énergie dans son ensemble. On y trouve des renseignements sur les secteurs du pétrole et du gaz et, fait intéressant, des statistiques sur les dépenses en recherche et développement dans le domaine de l’énergie, comme l’a mentionné M. Moffet, sur le captage, l’utilisation et le stockage du carbone, ainsi que sur les énergies renouvelables non émettrices. On y trouve également des détails sur les dépenses relatives aux mesures de protection de l’environnement en général. Par exemple, en 2019, le secteur de l’énergie a investi plus de 4,2 milliards de dollars dans les dépenses de protection de l’environnement. Bref, si vous cherchez des renseignements généraux dans le cadre de votre étude, ce document pourrait vous être bien utile.

Le président : Pouvez-vous l’envoyer à notre greffière pour que tous les membres du comité puissent en obtenir une copie?

Mme O’Brien : Je me ferai un plaisir de le lui transmettre, si ce n’est pas déjà fait.

Le président : Je vous remercie.

La sénatrice Seidman : Madame O’Brien, dans votre exposé, vous avez dit que le secteur pétrolier et gazier est un moteur essentiel de l’innovation. Vous avez ajouté que le secteur est celui qui contribue le plus à la recherche et au développement en matière d’énergie, investissant environ 1 milliard de dollars par an, ce qui représente en moyenne plus de la moitié de tous les investissements du secteur privé en la matière depuis la dernière décennie.

Avez-vous des renseignements plus précis? Il est important de comprendre le secteur lui-même, ses activités, ses prévisions quant aux domaines les plus prometteurs et ses dépenses en recherche et développement. Ces renseignements figurent-ils également dans votre cahier d’information?

Mme O’Brien : On trouve quelques détails dans le cahier d’information; je suis en train d’y jeter un coup d’œil. Par exemple, il est écrit que le secteur de la fabrication de produits du pétrole et du charbon a investi plus de 500 millions de dollars dans des activités de protection de l’environnement, surtout en ce qui concerne la réduction et le contrôle de la pollution. Des sommes importantes ont également été investies dans la gestion des eaux usées; la protection et l’assainissement du sol, des eaux souterraines et des eaux de surface; la gestion des déchets solides; la gestion de la pollution atmosphérique. Ces chiffres sont très révélateurs de la portée et de l’ampleur des investissements que le secteur effectue pour décarboniser ses activités afin de produire le baril le plus propre qui soit.

Je remarque que mon collègue Drew Leyburne a levé la main. Je lui cède la parole.

M. Leyburne : Monsieur le président, en plus des ressources que ma collègue a mentionnées, le Canada produit des rapports — par l’entremise de nombreuses tribunes internationales, dont l’Agence internationale de l’énergie — sur les investissements que le gouvernement et le secteur privé effectuent dans le domaine de l’énergie. Nous pouvons également vous faire parvenir les données sur les comparaisons internationales, si le comité souhaite en prendre connaissance.

Le président : C’est une très bonne idée. Veuillez transmettre le tout à la greffière, si vous le voulez bien.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Je changerai un petit peu d’angle.

À la COP 27, les pays se sont entendus pour créer un fonds de compensation pour les pays du Sud dont les populations doivent endurer les impacts des changements climatiques. Le Canada va devoir, tout comme d’autres pays, trouver les moyens d’y contribuer financièrement.

Est-ce que Ressources naturelles Canada entend imposer aux entreprises pétrolières de contribuer à ce fonds de manière substantielle pour aider les pays du Sud?

Le président : À qui adressez-vous votre question?

La sénatrice Miville-Dechêne : À celui ou celle qui peut répondre.

[Traduction]

M. Moffet : La réponse courte, c’est qu’aucune décision n’a été prise quant à l’engagement exact que prendra chaque pays signataire, dont le Canada, ni quant à la source des fonds. Il reste à déterminer tous ces détails.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : J’avais bien peur de cette réponse; cela va nous obliger à être patients.

Entre-temps, je vais vous poser une autre question. Le Plan de réduction des émissions pour 2030 prévoit que les émissions du secteur pétrolier et gazier atteindront un sommet en 2019 et diminueront chaque année après 2021. Nous ne réaliserons probablement pas cela étant donné que les émissions, comme vous l’avez dit, augmentent.

Le gouvernement fédéral prévoit-il de plafonner les émissions du secteur pétrolier et gazier afin qu’il ne dépasse pas les émissions générées en 2019? Est-ce qu’il est question d’établir un plafond en ce moment?

[Traduction]

M. Moffet : Oui, sénatrice. Le gouvernement demeure résolu à imposer un plafond qui empêchera toute augmentation des émissions, en chiffres absolus, et qui fera en sorte que les émissions diminuent au fil du temps pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Nous menons des consultations à ce sujet depuis que le premier ministre Trudeau a pris cet engagement lors de la dernière Conférence des parties, tenue en novembre 2021. Nos deux ministères — RNCan, ou Ressources naturelles Canada, et Environnement et Changement climatique Canada — ont participé à des discussions approfondies avec le secteur et avec d’autres intervenants pour déterminer la façon de s’y prendre, notamment l’année de début, les émissions visées, les cibles de réduction et le cadre juridique du plafond.

Aucune de ces décisions n’a encore été prise, mais les ministres sont très préoccupés par cette question. À la dernière Conférence des parties, le ministre Guilbeault a réitéré l’engagement, tout en déclarant que de plus amples détails seraient fournis au cours des prochains mois.

Je suis désolé, mais je ne peux pas vous en dire davantage.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je comprends. Il y a, me semble-t-il, un peu de contradiction ici, parce que nos émissions, en chiffres absolus, augmentent. Alors comment pouvons-nous y arriver?

M. Moffet : Le secteur a considérablement réduit l’intensité de ses émissions. En effet, les émissions par baril de pétrole ou par unité de gaz naturel ont diminué de beaucoup au cours des 10 ou 12 dernières années. Toutefois, la croissance de la production de pétrole et de gaz a largement contrecarré cette amélioration de l’efficacité.

Ce que nous devons faire maintenant, c’est passer à la prochaine étape pour veiller à ce que toute production — qu’elle soit de la même quantité ou même d’une quantité accrue — se fasse de manière de plus en plus efficace afin que les émissions, en chiffres absolus, n’augmentent pas et qu’elles commencent à diminuer.

Le moyen d’y parvenir, nous le savons, c’est de mettre en œuvre les quatre technologies essentielles qu’Erin O’Brien a décrites dans sa déclaration préliminaire, ainsi que d’autres innovations qui sont sans doute en cours et que nous verrons dans les décennies à venir. Toutefois, nous savons qu’il existe des technologies qui n’ont pas encore été mises en œuvre et qui pourraient, si elles l’étaient, réduire considérablement les émissions, tout en permettant de poursuivre la production.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je vous remercie.

Le président : Avant de clore la séance, j’ai deux petites questions à poser. Je vous saurais gré de me donner des réponses courtes.

Beaucoup de gens au Canada n’approuvent pas le captage et le stockage du carbone, car ils y voient une contradiction. Pourtant, nous savons que des pays comme la Norvège appliquent cette technologie avec beaucoup de succès. La Norvège est très fière de son régime, et le monde entier en parle.

Que fait la Norvège de si différent pour appliquer cette technologie, alors que nous rencontrons tant d’obstacles?

M. Leyburne : Je serai heureux de répondre à cette question, monsieur le président.

Tout d’abord, le reste du monde considère le Canada comme l’un des rares pays qui excellent en matière de captage, d’utilisation et de stockage du carbone. Nous avons mis sur pied quelques-uns des premiers projets au monde. Weyburn-Midale, qui existe depuis l’an 2000, est le premier et le plus ancien exemple de projet international en la matière au monde. Nous avons maintenant 4 des 25 plus grands projets de captage, d’utilisation et de stockage au monde. Pour un pays de notre taille, je pense que c’est un exploit digne de mention.

La Norvège a pris des mesures très vigoureuses au cours des dernières années pour accroître son rôle de chef de file dans ce domaine, et les États-Unis font de même par l’entremise du crédit d’impôt 45Q et d’autres mesures.

Comme je l’ai dit, le reste du monde considère le Canada comme un chef de file. Pour ce qui est de la controverse soulevée par le captage, l’utilisation et le stockage du carbone, certains craignent que cette technologie risque de prolonger ou d’accroître artificiellement l’utilisation des combustibles fossiles.

Notre position à ce sujet, c’est qu’il y a des émissions réelles dans le secteur du pétrole et du gaz et dans beaucoup d’industries lourdes : ciment, acier, carburant d’aviation durable. Il s’agit de véritables émissions qui se produiront tout au long de cette décennie et au-delà, à moins que nous ne disposions d’une technologie capable d’y remédier, et la technologie de captage, d’utilisation et de stockage du carbone répond à ce critère. À mesure que nous réduirons le coût du captage du carbone au cours des prochaines décennies, son utilisation se répandra dans tous les secteurs de l’économie et dans le monde entier, en plus de contribuer à ce que nous appelons la décarbonisation, qui sera une solution technologique de plus en plus nécessaire, probablement à l’approche de 2050. Nous devrons redoubler d’efforts pour non seulement atténuer, mais aussi éliminer en partie le carbone déjà présent dans l’atmosphère.

Le président : Comme nous l’avons constaté il y a environ deux mois, les Américains ont adopté un programme de dépenses très vigoureux, un programme très vert, doté d’un énorme budget. Comment nos producteurs peuvent-ils rivaliser face à des sommes aussi importantes, évidemment pour un objectif louable? Comment allons-nous être concurrentiels sur notre marché? Comment pouvons-nous en sortir gagnants?

M. Jovanovic : Merci, monsieur le président. Dans l’Énoncé économique de l’automne, le gouvernement a abordé cette question en annonçant quelques mesures pour commencer à créer des règles du jeu équitables à la suite de l’Inflation Reduction Act, soit la loi sur la réduction de l’inflation adoptée aux États-Unis. Mentionnons, entre autres, les deux crédits d’impôt remboursables à l’investissement — l’un pour les technologies propres et l’autre pour l’hydrogène.

L’Énoncé économique de l’automne précisait également que le gouvernement continue de chercher des moyens de maintenir la compétitivité du Canada et d’attirer des investissements au pays afin d’assurer notre transition vers la carboneutralité. Il est donc important d’uniformiser les règles du jeu.

Nous sommes toujours en train d’évaluer les écarts qui existent en raison de la loi sur la réduction de l’inflation.

Le président : Je vous remercie tous infiniment. Notre discussion a été fort intéressante. Nous avons beaucoup à apprendre pour nous assurer de maintenir notre compétitivité. Je sais que vous travaillez fort, et nous vous en sommes très reconnaissants. Merci de nous avoir fait profiter de vos connaissances ce soir.

(La séance est levée.)

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