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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 16 mai 2023

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 18 h 30 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la teneur des éléments des sections 20 et 36 de la partie 4 du projet de loi C-47, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023.

La sénatrice Rosa Galvez (président) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Bienvenue à tous. Je m’appelle Rosa Galvez. Je suis une sénatrice du Québec et je suis présidente du comité.

Aujourd’hui, nous tenons une séance du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.

Avant de commencer, j’aimerais faire un petit rappel. Avant de poser des questions ou d’y répondre, je demanderais aux membres du comité et aux témoins présents dans la salle de s’abstenir de se pencher trop près du microphone ou de retirer leur oreillette lorsqu’ils le font. Cela permettra d’éviter tout retour sonore qui pourrait avoir un impact négatif sur le personnel du comité se trouvant dans la salle.

Je demanderais à mes collègues du comité de se présenter.

La sénatrice Verner : Bonsoir. Josée Verner, du Québec.

Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Sorensen : Karen Sorensen, de l’Alberta.

La sénatrice McCallum : Mary Jane McCallum, du Manitoba.

Le sénateur Arnot : David Arnot, de la Saskatchewan.

[Français]

La présidente : Je vous souhaite la bienvenue, chers collègues, ainsi qu’à tous les téléspectateurs de partout au pays qui regardent nos délibérations.

[Traduction]

Conformément à la motion adoptée au Sénat le 27 avril 2023, nous poursuivons l’étude préalable de la teneur des éléments des sections 20 et 36 de la partie 4 du projet de loi C-47, Loi no 1 d’exécution du budget de 2023.

Pour notre premier groupe de témoins, nous recevons en personne Bob Larocque, président et chef de la direction, Association canadienne des carburants et, par vidéoconférence, Carolyn Kim, directrice principale, Groupe des communautés et de la décarbonisation, Institut Pembina, ainsi que Don O’Connor, d’Industries renouvelables Canada.

Bienvenue et merci d’être parmi nous. Chacun de vous dispose de cinq minutes pour faire sa déclaration liminaire. Nous commencerons par M. Larocque.

Bob Larocque, président et chef de la direction, Association canadienne des carburants : Bonsoir, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du comité. Je vous remercie de nous avoir invités à participer à l’étude du projet de loi C-47, loi d’exécution du budget.

J’aimerais tout d’abord souligner que je me trouve aujourd’hui sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.

[Français]

Nos membres emploient plus de 111 000 ouvriers partout au Canada. Ceux-ci opèrent 15 raffineries, 75 terminaux et plus de 12 000 stations-service.

Notre secteur produit 95 % de la gazoline, du diésel et des carburants marins, ferroviaires et d’aviation qui sont utilisés tous les jours. Juste pour vous donner une idée, cela représente plus de 100 milliards de litres par année. Nos membres fabriquent aussi plus de 35 % des biocarburants produits au Canada.

[Traduction]

Il y a trois ans, nous avons publié En route vers 2050, qui soulignait la contribution fondamentale que notre industrie peut apporter pour soutenir nos objectifs en matière de climat. Notre dernière mise à jour fait état de 8 milliards de dollars d’investissements de la part de nos membres pour réduire de 10 millions de tonnes les émissions de gaz à effet de serre par an et créer et soutenir plus de 10 000 emplois.

En ce qui concerne le sujet qui nous occupe aujourd’hui, j’aimerais commencer par souligner que nous soutenons le Règlement sur les combustibles propres, RCP, et que nous avons travaillé en étroite collaboration avec le gouvernement à la conception et à la mise en œuvre de ce règlement depuis qu’il a été annoncé pour la première fois. Le RCP est neutre sur le plan technologique. Il ne désigne pas de gagnants ou de perdants. Tous les projets de réduction des émissions de gaz à effet de serre, y compris les biocarburants, sont fondés sur l’analyse du cycle de vie. En ce qui concerne les biocarburants, on prévoit que le Canada aura besoin de 600 millions de litres supplémentaires d’éthanol et de plus de 2,3 milliards de litres de diésel renouvelable d’ici 2030, et ce n’est que le minimum. La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si nous produirons ces carburants au Canada ou si nous les importerons des États‑Unis.

Comme le comité le sait, l’Inflation Reduction Act des États‑Unis, l’IRA, a changé la donne. L’IRA a introduit un crédit d’impôt pour la production pour les biocarburants tels que l’éthanol, le diésel renouvelable et le carburant d’aviation durable, ainsi que l’hydrogène. Le marché nord-américain des carburants est totalement intégré et le Canada est en concurrence avec les États-Unis pour les investissements. L’IRA a intensifié cette concurrence, et nous voyons déjà des matières premières agricoles canadiennes se diriger directement vers les États-Unis pour profiter du crédit d’impôt. En outre, la production de carburants propres aux États-Unis pourrait générer des crédits de carbone au Canada dans le cadre du Règlement sur les combustibles propres. La demande augmentant avec le RCP, si le Canada ne produit pas de carburant à faible teneur en carbone sur son territoire, nous devrons compter sur les importations américaines, ce qui nuira à notre sécurité énergétique et climatique.

Le budget de 2023 a apporté une réponse à l’IRA pour l’hydrogène sous forme de crédits d’impôt à l’investissement, mais ne contenait aucune mesure précise pour combler le manque de biocarburants. Il reconnaît l’importance des biocarburants et s’engage à mener des consultations sur des mesures ciblées. Nous comprenons que ce processus va bientôt commencer et nous nous engageons à soutenir ces consultations. Nous nous trouvons à un moment critique pour la production de carburants propres au Canada. Les entreprises membres prennent des décisions finales en matière d’investissement sur des projets avant la fin de l’année. Il est impératif qu’une politique comparable à un crédit d’impôt pour la production soit annoncée dans l’énoncé économique de l’automne 2023.

Le budget de 2023 fait référence à une clause — la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd’hui — visant à créer un Fonds de mesures économiques pour l’environnement en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, ou LCPE, afin d’établir un fonds de mise en conformité pour recueillir les contributions auprès des parties réglementées par le Règlement sur les combustibles propres, ou RCP. Je voudrais souligner que le RCP prévoit cinq options possibles pour se conformer à la réglementation. La première catégorie de conformité concerne les projets qui réduisent les émissions de gaz à effet de serre dans la production de combustibles fossiles liquides. La deuxième catégorie de conformité concerne la production de carburants à faible teneur en carbone, tels que l’éthanol et le diésel renouvelable. Il existe également une autre catégorie de conformité pour les projets qui remplacent les liquides d’utilisation finale, comme les stations de recharge électrique et d’hydrogène. Les entreprises peuvent également acheter des crédits sur le marché des crédits du RCP, qui est alimenté par des générateurs de crédits. Enfin, et c’est la raison de notre présence ici aujourd’hui, il existe un Fonds de réduction des émissions qui permet aux entreprises de payer jusqu’à 350 $ la tonne pour un maximum de 10 % de leurs exigences de conformité.

Bien que nous n’ayons pas beaucoup de renseignements à l’heure actuelle sur le processus de distribution de ces fonds dans le cadre du Fonds de réduction des émissions du RCP, je voudrais suggérer au comité que le fonds adhère au principe visant à garantir la transparence, l’équité, la rapidité et l’efficacité. Le fonds doit soutenir des projets qui entrent dans la catégorie de conformité mentionnée ci-dessus, qui est systématiquement soutenue par l’outil d’analyse du cycle de vie dans le cadre du RCP. Le fonds doit également permettre d’obtenir des réductions d’émissions dans un délai de cinq ans. Par conséquent, le financement devrait être alloué dans un délai de six mois à un an après la demande. Il ne devrait pas falloir deux ou trois ans pour allouer ces fonds. Un grand projet peut prendre jusqu’à quatre ans, de l’ingénierie jusqu’à l’exploitation. Le processus de demande doit être simple, rapide et efficace afin que les promoteurs soient informés et en mesure de prendre les décisions finales en matière d’investissement. Le financement devrait être autorisé si les promoteurs reçoivent également des fonds d’autres programmes. Étant donné que n’importe qui peut demander la création d’un fonds, le programme de financement doit être fondé sur les données scientifiques, neutre sur le plan technologique, solide, efficace et conforme aux principes énumérés ci-dessus.

Le budget de 2023 est crucial pour le secteur des carburants de transport. Nous devons nous assurer de bien faire les choses. Nous devons envoyer un signal dans l’énoncé économique d’automne pour la production de biocarburants au Canada, nous devons veiller à ce que les crédits d’impôt à l’investissement pour l’hydrogène soient finalisés et nous devons nous assurer que le Fonds de réduction des émissions du RCP est mis en place correctement.

[Français]

Merci beaucoup de m’avoir donné l’occasion de comparaître devant vous aujourd’hui. Je suis prêt à répondre à vos questions.

La présidente : Merci.

[Traduction]

Carolyn Kim, directrice principale, Groupe des communautés et de la décarbonation, Institut Pembina : Bonsoir, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du comité. Je vous remercie de l’invitation à prendre la parole dans ce groupe de témoins aujourd’hui.

Je parle au nom de l’Institut Pembina, un organisme de bienfaisance à but non lucratif national non partisan qui milite en faveur de l’élaboration de politiques sur le climat et les énergies propres au Canada. Nous faisons également partie d’une coalition d’organisations non gouvernementales environnementales et de l’industrie des carburants propres qui soutiennent le RCP depuis 2016.

L’objectif de mes déclarations d’aujourd’hui est double : premièrement, communiquer notre soutien aux règlements et, deuxièmement, fournir des recommandations sur la façon dont le gouvernement fédéral peut clarifier l’intention et la portée de tout fonds admissible établi par différents acteurs en vertu du règlement. Il existe un risque que les fonds soient involontairement utilisés pour des activités qui dépassent le champ d’application de la politique. Il s’agit d’une occasion pour le gouvernement fédéral de créer un cadre de conformité, qui fonctionne correctement et de garantir ainsi que le règlement produit les réductions d’émissions de gaz à effet de serre escomptées.

Premièrement, le RCP est un outil efficace pour réaliser le plan de lutte contre les changements climatiques de 2030 et atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Il s’est avéré être un moyen rentable d’inciter les producteurs et les fournisseurs de pétrole et de gaz à réduire les émissions liées au cycle de vie de la production de carburant et d’attirer de nouveaux investissements dans les technologies de carburants propres. Lorsqu’il sera pleinement mis en œuvre, le règlement devrait permettre de réduire les émissions de 204 mégatonnes d’équivalent en dioxyde de carbone d’ici 2040. La réussite de cet objectif dépend d’un cadre de conformité objectif.

Conformément au règlement, le ministre de l’Environnement et du Changement climatique peut créer un fonds de mise en conformité fédéral ou autoriser des fonds admissibles. Les fournisseurs primaires peuvent contribuer à un fonds de mise en conformité à hauteur de 10 % de leur exigence de réduction annuelle. Bien que cette disposition soit louable, l’intention et la portée d’un fonds admissible restent vagues. Pour plus de clarté, nous recommandons ce qui suit :

Premièrement, il faut fournir une orientation stratégique globale pour les fonds admissibles. Bien que cette étude préalable concerne le Fonds de mesures économiques pour l’environnement, veuillez prendre note que le règlement offre la possibilité d’établir plus d’un fonds de mise en conformité. Les gouvernements provinciaux ou les organismes canadiens à but non lucratif peuvent également demander la création d’un fonds admissible. Une plus grande clarté est nécessaire pour s’assurer que les fonds de mise en conformité multiples ne nuisent pas à l’intégrité environnementale du règlement.

Deuxièmement, il faut établir que les fonds seront utilisés pour des réductions d’émissions à court terme. Les contributions versées au fonds de mise en conformité doivent être utilisées pour soutenir des projets qui permettront de réduire les émissions à court terme. Pour ce faire, les fonds doivent investir en priorité dans des projets dans un délai d’un à trois ans à compter de la réception du financement. Les fonds doivent être exclusivement consacrés à la réduction des émissions associées aux carburants utilisés dans les transports au Canada. Le ministre doit accorder la priorité aux investissements qui réduisent directement les émissions provenant des combustibles brûlés et remplacent l’utilisation des combustibles fossiles. Les fonds ne doivent pas être utilisés pour atteindre les objectifs d’un autre règlement. Il convient également de veiller à ce que les fonds soient utilisés de manière efficace pour encourager les réductions d’émissions qui peuvent démontrer la nécessité d’un soutien financier.

La dernière recommandation que je vais vous faire est de veiller à ce que le fonds de mise en conformité soit le dernier recours pour assurer la conformité. Il doit être clair qu’une partie obligée doit acheter tous les crédits disponibles promis au mécanisme de compensation du marché. Si elle est toujours en situation de non-conformité, elle peut acheter des crédits auprès du fonds de mise en conformité. Le fonds représente un plafond pour les coûts de mise en conformité qui entre en vigueur lorsque les options moins coûteuses ont été épuisées.

Pour conclure, j’aimerais remercier le comité de m’avoir invité à prendre la parole aujourd’hui. Nous félicitons le gouvernement du Canada d’avoir rendu opérationnel un élément clé du Règlement sur les combustibles propres, ou RCP, et nous espérons que le comité tiendra compte de nos recommandations visant à renforcer le Fonds de mesures économiques pour l’environnement afin de s’assurer que l’objectif visé reste intact et transparent.

La présidente : Je vous remercie.

Don O’Connor, Industries renouvelables Canada : Merci à la présidente et aux membres du comité de me recevoir aujourd’hui pour parler au nom d’Industries renouvelables Canada, ou IRCanada, le représentant national des plus importants producteurs de carburants renouvelables au Canada.

Je suis conseiller technique depuis longtemps auprès d’Industries renouvelables Canada sur la politique sur le carbone. Par ailleurs, je suis le président de Consultants S&T2. Il s’agit d’une société spécialisée dans la compréhension des questions énergétiques et environnementales dans le monde entier, y compris l’évaluation du cycle de vie du carbone, qui est un mécanisme important dans le nouveau Règlement sur les combustibles propres, que je désignerai par le sigle RCP. De plus, j’ai de l’expérience dans d’autres instances dotées de programmes semblables, telles que la Colombie-Britannique, la Californie et l’Oregon.

IRCanada représente les producteurs de biocarburants qui fournissent des produits de remplacement du pétrole à faible teneur en carbone, tels que l’éthanol, les carburants diésel à base de biomasse, le biogaz, l’hydrogène et le carburant d’aviation durable. Grâce à la technologie actuelle, ces carburants peuvent atteindre ou ont déjà atteint une intensité de carbone nette nulle sur l’ensemble de leur cycle de vie.

Le comité étudie un aspect précis du RCP, à savoir la création d’un fonds de mise en conformité qui permet d’acheter des crédits lorsqu’un fournisseur de combustibles fossiles n’a pas suffisamment atteint ses objectifs de réduction de l’intensité en carbone. Il est important de comprendre ce que cet aspect du RCP signifie pour atteindre le marché global du carbone que la politique crée.

Le marché du carbone est créé lorsqu’une politique permet de mesurer les réductions d’émissions de gaz à effet de serre pour les comptabiliser et les échanger contre des obligations de réduction des émissions. La création de ce fonds de mise en conformité aura donc une incidence sur la santé du marché du carbone et vice versa. Un marché du crédit dysfonctionnel dans le RCP exercera une pression indue sur le fonds de mise en conformité dont nous sommes en train de parler. Ce fonds aidera les entreprises réglementées par le RCP à se conformer aux réductions de l’intensité des émissions requises, si le marché ne parvient pas à fournir des crédits de conformité adéquats, agissant comme une soupape de surpression plutôt que d’une voie de conformité. Le fonds est conçu pour garantir que, si le marché n’est pas en mesure de fournir des crédits suffisants, les entreprises pourront toujours se conformer au règlement.

J’ai deux recommandations pour le fonds. Premièrement, étant donné que le fonds est conçu pour servir de mécanisme de conformité de dernier recours, l’argent qui y est versé doit servir à corriger le déséquilibre du marché qui a amené les entreprises à y cotiser dans un premier temps. À ce titre, Industries renouvelables Canada recommande que l’argent versé dans le fonds de mise en conformité soit utilisé pour soutenir les activités qui permettront de générer davantage de crédits pour le Règlement sur les combustibles propres. Que ce financement soutienne la production d’hydrogène à faible teneur en carbone, le diésel renouvelable, la recharge des véhicules électriques ou la production accrue ou le mélange accru d’éthanol, il permettra de réduire les émissions et de générer davantage de crédits au titre du Règlement sur les combustibles propres. Cela permettra d’atteindre l’objectif de la réglementation sur les carburants propres et de corriger le déséquilibre du marché.

Deuxièmement, ces objectifs ne peuvent être atteints que si les capitaux versés au fonds de mise en conformité sont faciles d’accès et rapidement déployés. De nombreux fonds mis à la disposition par le gouvernement pour soutenir le déploiement de carburants à faible teneur en carbone, comme le Fonds pour les combustibles propres, ont été lents à déployer les capitaux, ce qui a retardé les projets. Lorsque ces projets essentiels sont retardés, les Canadiens disposent de moins de carburants à faible teneur en carbone pour réduire leurs émissions et les entreprises sont moins en mesure de respecter les dispositions du Fonds pour les combustibles propres. Par conséquent, je recommande que tous les fonds fournis au mécanisme de conformité proposé soient acheminés par l’entremise d’une entité expérimentée dans le financement de projets en temps opportun, même si cette entité ne relève pas directement du ministre de l’Environnement et du Changement climatique. Des entités comme la Banque de développement du Canada ou Technologies du développement durable Canada, ou TDDC, ont fait leurs preuves pour ce qui est de déployer des capitaux en suivant le rythme du monde des affaires. Par conséquent, je recommande que le gouvernement se tourne vers des entités comme celles-ci pour déployer tout financement reçu par l’entremise du mécanisme de mise en conformité.

Ce mécanisme de mise en conformité est un outil nécessaire de dernier recours et doit être traité de la sorte. C’est la raison pour laquelle les fonds reçus doivent être utilisés pour atténuer les conditions du marché qui ont nécessité son utilisation au départ.

Je vous remercie du temps que vous m’avez accordé, et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

[Français]

La présidente : Merci à nos témoins. Nous allons passer à la période de questions.

[Traduction]

La sénatrice Sorensen : Bienvenue aux témoins.

Je vais adresser ma première question à M. Larocque. J’aimerais savoir si le Fonds de mesures économiques incitera les sociétés énergétiques à réduire leurs émissions. Je me demande si cela aura une incidence importante ou si le travail est déjà en cours et, pour ajouter à cela, je suppose que le fonds permettra d’accélérer les choses.

M. Larocque : Je trouve que ce n’est qu’une autre occasion d’accélérer le financement, à vrai dire. Je suis d’accord avec les autres témoins pour dire qu’il s’agit d’une solution de dernier recours, alors nous examinerons toutes les options.

Je pense qu’il est vraiment important — pour répondre à votre question — que ce soit orienté vers les trois mécanismes de conformité dont nous disposons déjà. Il s’agit de projets au niveau des raffineries, de la production de carburants à faible teneur en carbone, de la recharge électrique ou des stations électriques. Si nous pouvions nous en tenir à cela, ce fonds pourrait être utile dans les dernières années du Règlement sur les combustibles propres, ou RCP, entre 2028 et 2030, par exemple.

La sénatrice Sorensen : J’adresse ma question à tous les témoins. Dans un article paru dans le Globe and Mail en août 2022, Kendall Dilling, d’Alliance nouvelles voies, a soutenu que le gouvernement devrait étendre les crédits au titre du Règlement sur les combustibles propres au pétrole à faible teneur en carbone ou au carburant destiné à l’exportation, affirmant que la décision du gouvernement de ne pas inclure ces carburants pourrait nuire à la viabilité économique du captage, de l’utilisation et du stockage du carbone. Je suis ouvert aux commentaires à ce sujet. L’un des autres témoins voudra peut‑être intervenir en premier.

M. O’Connor : Je vais répondre.

Le captage du carbone dans les projets de sables bitumineux serait principalement utilisé pour la production de bitume, et la majeure partie du bitume canadien est exportée. Cela pourrait créer un grand nombre de crédits et ralentirait la mise en place de carburants à faible teneur en carbone dans l’ensemble du Canada. Si cela avait fait partie du programme, l’objectif aurait dû être fixé à un niveau plus élevé. Je pense qu’il faut examiner les deux côtés, le bâton et la carotte, pour veiller à ce qu’ils soient équilibrés afin d’atteindre les objectifs fixés.

La sénatrice Sorensen : Merci.

Madame Kim, avez-vous des commentaires?

Mme Kim : Oui. Je vous remercie.

Je suis aussi d’accord pour dire qu’il était judicieux d’exclure les carburants exportés de cette politique.

Je tiens à souligner que diverses politiques sont offertes aux producteurs de sables bitumineux en amont de l’Alberta : le crédit général, le crédit du RCP et le CII, lorsqu’il sera finalisé. Nous estimons que ces mesures incitatives cumulées représenteraient au moins 350 tonnes séquestrées pour les installations d’exploitation de sables bitumineux. Autrement dit, il y a assez de mesures incitatives pour réduire les émissions et décarboniser le secteur des sables bitumineux au Canada.

M. Larocque : Je suis d’accord avec Mme Kim et M. O’Connor.

[Français]

La sénatrice Verner : Je remercie les témoins d’être avec nous ce soir. Je voulais faire une petite précision. On s’entend pour dire que créer un fonds de cette sorte... On ne peut pas être contre la vertu, évidemment. De mon côté, j’ai quand même des questions qui demeurent en matière de reddition de comptes aux Canadiens et aux parlementaires, mais ce n’est pas de votre ressort. Je poserai la question en temps et lieu aux bonnes personnes. Monsieur Larocque, ma question s’adresse à vous : est-ce que j’ai bien compris que votre secteur de l’industrie ne se qualifie pas pour certains programmes? Est-ce que j’ai mal compris ce que vous avez dit dans votre présentation?

M. Larocque : Ma présentation initiale portait sur la loi sur la réduction de l’inflation des États-Unis, qui a tout changé. Avant cela, il y avait des carburants pour aller au Canada et aux États‑Unis, mais à partir de 2025, il faut que tous les biocarburants soient produits aux États-Unis. Tous les biocarburants produits au Canada ne sont pas admissibles. Les États-Unis ont 31 cents par litre, et quand ils envoient leurs biocarburants au Canada, ils ont accès aux mêmes programmes que nous. Ils ont accès aux crédits relatifs au Règlement sur les combustibles propres et ils auraient accès aux crédits du Fonds de réduction des émissions. Il y a une déconnexion qui se produit entre le Canada et les États-Unis à cause de la décision de M. Biden au mois d’août 2022.

La sénatrice Verner : Il n’y a rien que nous pouvons corriger?

M. Larocque : Si vous voulez parler avec les comités pour dire que nous y travaillons... Il y a des consultations qui se font actuellement, mais il faut absolument que le gouvernement fédéral prenne une décision d’ici le mois de septembre ou octobre, sinon on perdra des milliards de dollars d’investissements au Canada.

La sénatrice Verner : Merci. C’est important de le noter.

[Traduction]

Le sénateur Arnot : Merci aux témoins. J’ai une question générale, puis des questions plus précises.

La question générale est la suivante : il y a des similitudes dans vos propos à tous les trois. Vos organismes ont-ils contribué directement aux changements apportés à la Loi canadienne sur la protection de l’environnement et à la création du Fonds de mesures économiques pour l’environnement? Si oui, vos observations ont-elles été prises en compte par le gouvernement et se retrouvent-elles dans la mesure législative?

Des préoccupations ont été exprimées sur la possible utilisation du financement du Fonds de mesures économiques pour l’environnement à des fins qui dépassent la portée de la politique. J’aimerais entendre vos commentaires sur la façon dont cela pourrait être corrigé.

Madame Kim, vous avez également indiqué que l’intention et la portée sont vagues et doivent, en général, être plus précises. Vous avez évoqué un problème de transparence par rapport au ministre, et l’incapacité de savoir de quelle façon ces fonds peuvent être utilisés pour être en conformité.

J’ai bien compris le point soulevé par M. O’Connor — et par M. Larocque — sur le fait que les fonds injectés, le cas échéant, doivent être déployés et versés rapidement.

Est-ce que quelqu’un parmi vous a une estimation du montant qui sera versé dans ce fonds? Je suppose qu’on parle de millions de dollars.

En outre, dans quelle mesure les membres de vos organismes sont-ils susceptibles de verser de l’argent dans ce fonds? Avez‑vous des commentaires à ce sujet? Comment voyez-vous les choses?

M. Larocque : Cela fait beaucoup de questions.

Concernant l’utilisation du Fonds de réduction des émissions comme voie de conformité dans le cadre du Règlement sur les combustibles propres, oui, nous étions au courant. Nous avons travaillé sur cet aspect avec Environnement Canada. Lors des consultations, on a beaucoup parlé de 10 % — ou de plus ou de moins — ainsi que de limites dans la Loi canadienne sur la protection de l’environnement. Donc, pour ce qui est du 10 %, nous le savions depuis le début.

Quant au fonctionnement du fonds, il n’y a pas beaucoup d’informations. Je suis du même avis que Mme Kim sur ce point. C’est très vague et incertain. C’est une des raisons pour lesquelles je suis heureux que nous soyons ici aujourd’hui, car nous sommes préoccupés par la portée. D’ailleurs, les commentaires que vous avez entendus à cet égard sont unanimes : vous devriez utiliser les outils du RCP afin de garantir la viabilité accrue du marché des crédits.

Pour donner une idée de la projection, on parle de 30 millions de crédits d’ici 2030. En supposant que ce soit 10 % — et je ne pense pas que ce sera utilisé à 10 %, sénateur, mais dans le pire des cas —, cela représente trois millions de crédits à 350 $ la tonne, ce qui donne un fonds d’un milliard de dollars. On ne parle pas de 50 000 $ ou d’un million de dollars.

Pour être franc, je ne pense pas que ce sera pleinement utilisé. Nous avons confiance dans le marché des crédits, mais c’est une soupape de sécurité, comme M. O’Connor l’a indiqué. Cela existe en Californie, mais pas en Colombie-Britannique, à ma connaissance, et nous avons vu le prix monter jusqu’à 600 $ ou 500 $ la tonne, par exemple. Je pense qu’on y aura recours, mais pas à hauteur de 10 %, à mon avis.

Le sénateur Arnot : Madame Kim ou monsieur O’Connor, avez-vous d’autres commentaires sur ces questions?

Mme Kim : Je vous remercie de la question.

Je reprendrais les propos de M. O’Connor. Je pense qu’il est juste de décrire le fonds de conformité comme un outil de dernier recours nécessaire.

Le point que j’ai soulevé sur la nécessité de clarifier l’intention et la portée du fonds de conformité est simplement lié au fait que le RCP est unique, en ce sens qu’il est possible de créer plus d’un fonds de conformité. Comme on l’a mentionné, les gouvernements provinciaux ou les organismes canadiens à but non lucratif peuvent aussi présenter une demande pour la création d’un fonds admissible. Étant donné la multiplicité des fonds, nous recommandons la définition de modalités supplémentaires sur l’utilisation des investissements.

De notre point de vue, nous voudrions que les fonds soient utilisés à court terme. J’ai proposé qu’ils soient utilisés d’ici un à deux ou trois ans, tandis que d’autres témoins ont même recommandé un délai plus court. Un autre témoin a évoqué un délai de six mois, je crois.

Nous recommandons aussi que cela serve uniquement à réduire les émissions de carbone associées aux carburants de transport au Canada, et non investi dans des projets qui ne sont pas liés au règlement. Nous voulons que cela demeure lié au règlement.

La présidente : Monsieur O’Connor, souhaitez-vous compléter la réponse?

M. O’Connor : Oui. Je suis d’accord avec ce qui a été dit.

Je pense que ces fonds peuvent être très utiles. Nous avons quelque chose de semblable en Colombie-Britannique — la norme sur les carburants à faible teneur en carbone —, sauf que cela fonctionne à l’envers, en quelque sorte. Dans le cadre de ce mécanisme, le gouvernement a pu accorder des crédits aux entreprises souhaitant accroître la production ou l’offre de carburants à faible teneur en carbone. Les entreprises peuvent ensuite revendre ces crédits sur le marché des carburants à faible teneur en carbone pour obtenir des liquidités. Ce programme a joué un rôle déterminant dans la construction de la première usine de production de diésel renouvelable au Canada. L’usine, située à Prince George, en Colombie-Britannique, est presque rendue à l’étape de la mise en service. Donc, ces fonds peuvent être très utiles pour mobiliser des capitaux au Canada.

Le sénateur Arnot : Je vous remercie.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Je pose ma question à M. O’Connor, mais peut-être que les autres témoins voudront y répondre. Le rapport de la vérificatrice générale d’avril dernier nous apprenait que le ministère a pris beaucoup trop de temps en ce qui a trait à l’élaboration du Règlement sur les combustibles propres. La vérificatrice générale précisait d’ailleurs qu’il était fondamental d’accélérer les efforts pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre et en amoindrir les dommages. Selon vous, est-ce que le fonds proposé dans le budget constitue ou non un moyen efficace d’atteindre nos objectifs climatiques et de réduire les émissions de gaz à effet de serre?

[Traduction]

M. O’Connor : Le fonds est requis à la fin du processus. Il sera uniquement mis en œuvre si les entreprises ne parviennent pas à réduire leurs émissions. Si les entreprises parviennent à mélanger les biocarburants en quantité suffisante et à avoir assez de véhicules électriques, elles n’auront pas besoin de ce fonds de conformité.

Lors de l’élaboration du règlement, des discussions ont eu lieu afin de déterminer s’il convenait d’utiliser une approche en amont, de façon à exiger une réduction plus importante dans les premières années, lorsque c’est plus facile, ou une approche en aval. Le gouvernement a opté pour un compromis, avec une progression linéaire, démontrant qu’on avait au moins appris des erreurs commises en Californie et en Colombie-Britannique, où il était beaucoup trop facile de générer des crédits durant les premières années, ratant ainsi une occasion d’accélérer la réduction des émissions. De ce point de vue, le système aurait pu être meilleur et permettre d’obtenir des réductions rapidement, mais il aurait aussi pu être bien pire.

M. Larocque : Il s’agit d’un dernier recours. Par conséquent, je m’attends à ce qu’on utilise d’abord toutes les autres catégories de conformité. Je pense qu’on parle davantage d’un horizon 2028 à 2030 que d’un horizon 2025.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci.

Le sénateur Massicotte : Je remercie les témoins d’être avec nous ce soir.

On parle de la Colombie-Britannique et de la Californie, mais je pense qu’on peut acheter des crédits au Québec également. Au début, on a acheté des crédits et les gens étaient insatisfaits parce qu’ils trouvaient que l’on abusait.

Si je comprends bien, dans notre cas, comme vous l’avez dit, on a dit au début qu’on allait essayer d’investir dans les programmes. Cependant, si on manque de crédits, on a l’option d’en acheter pour 350 $ la tonne.

Où peut-on acheter ces crédits, et combien cela peut-il coûter? Ce prix de 350 $ la tonne est quand même élevé, et je suis surpris que cela puisse être nécessaire. En Saskatchewan, on a annoncé qu’on allait accorder la priorité à la capture et au commerce du carbone, et c’était peut-être 150 $ ou 175 $ la tonne. Est-ce vraiment un chiffre qui est pertinent? Évidemment, cela aura un impact majeur. Y aura-t-il des compagnies qui arriveront à ce point à l’année 8 ou à l’année 9? Elles ne seront peut-être pas capables de le faire et n’auront pas l’argent pour le faire; cela pourrait causer des faillites.

M. Larocque : J’aimerais clarifier certaines choses. Au Québec, par exemple, il y a un marché du carbone; ce sont des échanges. Ici, on parle plutôt d’un crédit sur l’enveloppe des biocarburants. Si on se base sur une analyse d’Environnement Canada, le prix moyen en 2028-2030 sera de 200 $ la tonne. Ce sont les chiffres que la plupart des compagnies prennent en compte pour voir si cela vaut la peine d’investir. Donc, si on parle de 350 $ la tonne, on n’est pas très loin de ce chiffre; on ne parle pas de 50 $ la tonne. C’est le coût pour se rendre où l’on veut aller, en plus des 15 % de réduction que l’on prévoit dans le règlement.

En Californie, c’est 250 $ US plus l’inflation, donc on sera très proche de 350 $ la tonne. Au Québec, vous avez un bon point en ce qui concerne les échanges. J’aimerais cependant ajouter qu’au Québec, en ce qui a trait à l’éthanol et à d’autres produits, c’est l’un ou l’autre. Il est possible d’obtenir cet argent auprès du Québec ou du Règlement sur les combustibles propres; on ne peut pas avoir les deux. Donc, dans certains cas, selon l’endroit où sont situés les programmes, même s’il est possible d’obtenir de l’argent pour les programmes de carbone ou les programmes provinciaux, il faut aussi permettre à ces compagnies d’utiliser le fonds. Sinon, c’est l’un ou l’autre, et cela n’aide pas vraiment plus.

Le sénateur Massicotte : Y a-t-il un autre témoin qui aimerait faire un commentaire?

[Traduction]

M. O’Connor : Sur le marché des carburants de transport de la Colombie-Britannique, les crédits se vendent 450 $ la tonne. Essentiellement, cela représente le coût marginal de la conformité. Il y a donc des façons moins coûteuses d’y arriver. Ce n’est pas le coût moyen. Toutefois, contrairement à des choses comme le mécanisme de plafonnement et d’échange, il s’agit d’un coût par tonne de réduction, et non d’un coût par tonne d’émissions. Si nous parvenons à réduire nos émissions de 10 % au coût de 350 $, cela représente seulement 35 $ la tonne pour notre quantité totale d’émissions de carbone.

Mme Kim : M. O’Connor a dit exactement ce que je pense. En Colombie-Britannique, le prix des crédits sur le marché est d’environ 450 $ la tonne. On a vu que le gouvernement de la Colombie-Britannique a augmenté le prix de la pénalité à 600 $ la tonne parce qu’il a constaté que les parties visées par une obligation trouvaient qu’il était moins coûteux de payer la pénalité que de réduire les émissions en investissant dans des efforts de décarbonisation. À l’origine, on aurait été porté à croire qu’un prix de 350 $ la tonne était trop élevé, mais lorsqu’on examine d’autres normes sur les carburants à faible teneur en carbone et le fonctionnement d’autres marchés, nous sommes d’avis qu’il s’agit d’un bon point de départ.

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie.

La présidente : J’aimerais poursuivre dans la veine des questions du sénateur Massicotte et revenir sur l’outil de dernier recours nécessaire, les prévisions sur les recettes potentielles et la durée de vie de ces fonds. Nous mettons en place de tels mécanismes, mais qu’arrive-t-il ensuite à ces fonds lors d’un changement de gouvernement? Vous dites qu’il s’agit d’un dernier recours. J’aimerais avoir votre avis sur l’avenir de cette mesure, s’il vous plaît. Nous devons comprendre ce qu’il en est, et nous devons être efficaces afin d’accélérer l’atteinte de l’objectif. J’ai des doutes à ce sujet, pour le moment.

M. Larocque : Je pense que nous croyons tous que l’exigence du RCP — la réduction de 15 % — sera atteinte. Nous y arriverons. Ce que j’ai de la difficulté à prédire, c’est de savoir si ce sera davantage lié à la production d’électricité ou aux combustibles à faible teneur en carbone.

Je ne saurais trop insister sur l’importance de la question des importations et des exportations. Actuellement, nos membres regardent la situation et constatent qu’il est possible de s’approvisionner en carburant à faible teneur en carbone à coût moindre aux États-Unis, étant donné qu’il est subventionné par l’intermédiaire de la loi américaine sur la réduction de l’inflation. Donc, nous pourrions décider de ne pas en produire au Canada et de simplement en importer. Nous obtiendrions les mêmes réductions, ici au Canada.

Cela dit, sénatrice Galvez, qu’arrivera-t-il si, en 2028 ou 2029, un problème géopolitique survenait et entraînait la fermeture de la frontière et des restrictions sur les exportations? L’offre de carburant à faible teneur en carbone diminuerait, poussant les prix à la hausse. Aurons-nous davantage recours au fonds de conformité?

Nous le considérons comme un dernier recours. Je vois plutôt cela dans cinq ans. À mon avis, on n’y aura pas beaucoup recours dans les cinq prochaines années, ou sinon très peu. Cependant, il est primordial de déterminer d’ici les deux prochaines années si nous produirons ces carburants au Canada. C’est notre plus grand enjeu actuellement.

La présidente : Merci beaucoup.

La sénatrice McCallum : Je vous remercie de vos exposés.

Je dois admettre que je ne comprends pas cet aspect aussi bien que d’autres. Donc, mes questions ne s’appliqueront peut-être pas. Vous avez dit que si le Canada ne produisait pas de carburant à faible teneur en carbone, la production irait aux États-Unis. Comment en sommes-nous arrivés là? Comment ces entreprises qui ont fait autant d’argent en sont-elles arrivées là? Pourquoi les entreprises n’ont-elles pas commencé plus tôt à s’attaquer à ce problème? Cela ne fait-il pas l’objet de discussions depuis de nombreuses années? Je vous regarde, parce que c’est vous qui êtes là.

Lorsque M. O’Connor a dit qu’ils peuvent atteindre la carboneutralité sur le cycle de vie, je suppose qu’il est question de la combustion. Pourquoi faut-il aller vers cela? N’avait-on pas la technologie nécessaire pour garantir que nous n’aurions pas à suivre cette voie? Il semble que le gouvernement ne cesse d’offrir de l’aide, encore et encore. Pourquoi les entreprises ont‑elles besoin de fonds pour se conformer aux exigences? Ne devrait-on ou ne pourrait-on pas s’attendre à ce que les entreprises cherchent à réduire les émissions de gaz à effet de serre de leur propre chef?

M. Larocque : Je vais laisser M. O’Connor répondre à votre question sur l’intensité du cycle de vie du carbone, car c’est lui l’expert au Canada, et il explique cela bien mieux que moi.

Concernant le RCP, il convient de souligner qu’à l’origine, cela s’appliquait à tous les combustibles au Canada. Il s’appliquait au gaz naturel ou à toute autre industrie. Tout était possible; il y avait beaucoup d’incertitude sur ce que cela signifierait. Cela a pris environ quatre années de consultations. Si ma mémoire est bonne, c’est en 2019 que le gouvernement fédéral a enfin décidé de limiter le champ d’application aux carburants de transport. Pendant ces trois années, l’industrie n’avait aucune idée précise de la politique sous-jacente et des règles et n’avait aucune certitude. Il était difficile de prendre des décisions sur les investissements. De 2019 à 2022, des travaux ont été menés pour commencer à réduire cette incertitude.

Le RCP vise aussi à s’assurer que nous brûlons des carburants à faible teneur en carbone au Canada. On n’y retrouve rien sur le lieu de production. Oui, beaucoup de nos entreprises ont fait beaucoup d’argent, mais il est possible d’investir aux États-Unis, de faire la production là-bas avec la matière première canadienne, puis d’importer le produit au Canada. La question est de savoir si nous voulons tirer parti des retombées économiques de cette production au Canada. La question du climat se posera d’une façon ou d’une autre, mais voulons-nous que ces emplois et cette activité économique soient au Canada? C’est la façon la plus simple de décrire ce qui a changé depuis le mois d’août dernier. Avant, il y avait le libre-échange nord‑américain. Pour les entreprises, investir au Canada et aux États‑Unis ne faisait pas de différence : il n’y avait pas d’avantage. Aujourd’hui, par contre, il y a un énorme avantage à investir aux États-Unis.

Mme Kim : J’aimerais faire un commentaire d’ordre plus général pour réitérer un point important, à savoir que le Règlement sur les combustibles propres joue un rôle dans la réalisation des engagements du Canada en matière de changements climatiques. J’aimerais aussi réitérer qu’il s’agit d’un pilier essentiel pour attirer les investissements dans nos économies et attirer les technologies de l’énergie propre.

Nous avons parlé des parties réglementées, mais le RCP offre également aux organisations ou entités bénévoles des occasions de participer au mécanisme du marché des crédits. Cela signifie, par exemple, que les entreprises et les services publics ou les exploitants de flottes de véhicules peuvent obtenir des crédits en utilisant des carburants à faible teneur en carbone pour leurs propres véhicules. On se trouve ainsi à favoriser davantage le développement des infrastructures, la croissance économique et le développement des sources d’énergie à faible teneur en carbone.

Je tenais à répéter que nous avons mené des consultations sur le Règlement sur les combustibles propres durant de nombreuses années, depuis 2016. J’appuie l’application et la mise en œuvre complète du RPC afin que nous puissions passer à une économie carboneutre d’ici 2050.

M. O’Connor : Pour répondre à la question sur la façon d’atteindre la carboneutralité, je dirai que l’éthanol actuellement produit au Canada est associé à une intensité carbonique — selon le modèle d’Environnement et Changement climatique Canada, ou ECCC — de 35 à 40 grammes par mégajoule. Or, ces chiffres s’appuient sur des calculs où le dioxyde de carbone sortant des fermenteurs est rejeté dans l’atmosphère. En capturant le dioxyde de carbone qui sort des fermenteurs, le CO2 biogène — qui n’est pas considéré comme une émission — et en le séquestrant, on réduit le nombre de grammes de 40 à 10. À ce stade, il ne reste qu’à trouver d’autres moyens de réduire ces 10 grammes, par exemple en nous servant de bioénergie plutôt que de gaz naturel fossile pour alimenter les usines. Nous avons déjà une usine au Canada qui utilise du biogaz. Le gaz naturel renouvelable est produit en macérant les déchets solides des municipalités. Du biogaz est utilisé et — comme je le disais —, puisqu’il est biogénique, il ne rejette pas d’émissions dont il faut tenir compte dans les calculs. Cette pratique nous permet de faire passer notre bilan en deçà de zéro sans même devoir réfléchir à des façons de changer les pratiques agricoles pour réduire le N2O et accroître le taux de carbone dans le sol.

Il existe des possibilités, mais elles demandent toutes de l’argent. Comme M. Larocque l’a dit, nous nous trouvons dans un marché nord-américain et nous devons être concurrentiels par rapport aux carburants importés des États-Unis. Nous sommes en fait désavantagés parce que toutes nos usines au Canada doivent payer des frais pour une partie de leurs émissions en vertu du système de tarification fondé sur le rendement. Même avant de ressentir les effets de la loi américaine sur la réduction de l’inflation, nous sommes un peu désavantagés par rapport aux Américains.

La sénatrice McCallum : Lorsque vous séquestrez le carbone, vous arrive-t-il de le réutiliser?

M. O’Connor : On peut le réutiliser, mais l’inconvénient de la plupart des applications qui réutilisent le dioxyde de carbone est que ce dernier finit par se retrouver dans l’atmosphère. Le fait de le séquestrer sous terre permet de le retirer du système. Des technologies, qu’on appelle les e-carburants, sont en train d’être conçues; elles utilisent de l’électricité renouvelable pour produire de l’hydrogène. Elles combinent l’hydrogène au dioxyde de carbone pour produire du méthanol, du gaz naturel et de l’essence à partir de ces éléments. On peut se servir du CO2 fossile et du CO2 biogène, mais quelqu’un doit assumer la responsabilité du rejet du CO2 dans l’atmosphère quand c’est ce type qui est utilisé. En effet, la combustion de ce carburant émet du dioxyde de carbone dans l’atmosphère.

La présidente : Comme nous n’avons plus de questions pour cette séance, je vais donner congé à nos témoins, mais j’aimerais discuter de notre rapport avec vous puisque nous disposons de 15 minutes. Merci beaucoup.

Pour la deuxième partie, nous accueillons par vidéoconférence un représentant du gouvernement du Yukon, Stephen Mead, sous-ministre adjoint de la division des Ressources minérales et des Services géoscientifiques du ministère de l’Énergie, des Mines et des Ressources. J’aimerais vous présenter mes excuses pour ce qui s’est passé la semaine dernière avec vos écouteurs. Je suis vraiment ravie de vous revoir parmi nous. Bienvenue. Nous vous donnons cinq minutes pour votre déclaration liminaire, puis mes collègues vous poseront des questions.

Stephen Mead, sous-ministre adjoint, division des Ressources minérales et des Services géoscientifiques, ministère de l’Énergie, des Mines et des Ressources, gouvernement du Yukon : Merci. Je suis content que la grande aventure des écouteurs soit derrière nous.

Madame la présidente, mesdames et messieurs, bonjour. Je vous parle aujourd’hui depuis la belle capitale du Yukon, Whitehorse, dans les territoires ancestraux de la Première Nation des Kwanlin Dün et du Conseil des Ta’an Kwäch’än.

Je vous remercie de m’avoir invité à vous parler au nom du gouvernement du Yukon dans le cadre de l’étude préalable du projet de loi C-47, qui vise à modifier la Loi sur le Yukon afin de conférer au ministre fédéral des Affaires du Nord des pouvoirs semblables à ceux du ministre responsable du Yukon en vertu de l’article 37 de la Loi sur les eaux du territoire.

En 2020, le gouvernement du Yukon et le gouvernement du Canada ont conclu une entente de transition pour faire passer l’administration et le contrôle du site de la mine Faro, abandonnée, du gouvernement du Yukon au gouvernement du Canada. C’est dans le cadre de cette entente que le gouvernement du Canada s’est engagé pour la première fois à proposer cette modification à la Loi sur le Yukon.

En l’absence de cet amendement, et depuis 2018, le gouvernement du Canada exécute directement des travaux d’assainissement au site de la mine Faro grâce à une délégation de pouvoir conférée par le ministère yukonnais de l’Environnement en vertu de la Loi sur les eaux du Yukon.

La modification est nécessaire pour satisfaire au principe fondamental de droit public voulant que toute action du gouvernement doive être appuyée par un pouvoir juridique. La modification confère au Canada le pouvoir de prendre des mesures raisonnables pour remédier à tout effet négatif sur les personnes, les biens ou l’environnement à la mine Faro ou en provenance de celle-ci. En d’autres mots, la modification permet au gouvernement fédéral d’entreprendre des travaux critiques d’assainissement. La modification étudiée éliminerait le besoin de recourir à la délégation actuelle et créerait une responsabilité unique et claire entourant les travaux nécessaires au site de la mine Faro.

Il importe de savoir que le gouvernement du Yukon ne considère pas que cette modification réduit, effrite ou dilue les pouvoirs transférés au territoire pendant le processus de transfert d’attributions. La modification ne s’appliquera que dans les cas où le Yukon aura d’abord renoncé à la gestion de dossiers en faveur du Canada, ce qui garantira au territoire de conserver sa capacité à gérer ses terres et ses cours d’eau. Cette renonciation se fait conformément au paragraphe 46 de la Loi sur le Yukon. Le commissaire peut, avec le consentement du Conseil exécutif et l’agrément du gouverneur en conseil, renoncer à la gestion et à la maîtrise de biens réels domaniaux.

Pour terminer, la modification ne s’applique qu’aux sites de type II tels que définis dans l’Accord de transfert d’attributions auxquels le Yukon a renoncé en faveur du Canada au moyen d’un règlement. Aucun changement ne peut être mis en œuvre sans l’accord préalable des deux gouvernements.

Cette modification éliminera non seulement la nécessité de recourir à la délégation de pouvoir actuelle, mais fournira aussi au gouvernement du Canada les outils nécessaires pour réagir de façon optimale aux défis actuels qui se posent à la mine Faro et pour veiller à la protection pérenne de l’environnement au Yukon. Par conséquent, le gouvernement du Yukon appuie pleinement la modification proposée.

Merci.

La présidente : Merci beaucoup.

La sénatrice Duncan : Je suis ici en renfort. Merci.

Monsieur Mead, nous ne nous sommes jamais rencontrés auparavant. Je m’appelle Pat Duncan et je suis la sénatrice du Yukon. Je suis ravie de vous rencontrer et je suis contente que nous ayons pu régler les problèmes d’écouteurs.

Je vous remercie de votre excellente explication de cette modification à la Loi sur le Yukon. J’assiste à la réunion pour aider mes collègues, de quelque manière que ce soit, à saisir la modification et à comprendre les efforts d’assainissement du gouvernement du Canada à la mine Faro, entre autres. Je suis ici en renfort. Je vous remercie énormément de votre explication.

La présidente : Merci beaucoup.

J’ai une question, monsieur Mead. Vous dites que cette modification ne touchera que les sites de type II. Nous savons que l’initiative mentionnée sera un projet de longue haleine qui durera plus de 15 ans. Lorsque le site sera assaini et qu’il pourra à nouveau être utilisé, aurez-vous besoin d’une nouvelle modification? Comment vous réapproprierez-vous le site? Que se passera-t-il? Merci.

M. Mead : Au moment de l’Accord de transfert d’attributions, et probablement aussi il y a 15 ans, nul ne savait précisément combien de temps serait nécessaire pour l’assainissement de la mine Faro. À l’époque, on croyait qu’il fallait effectuer un peu de travail, que les travailleurs s’affaireraient, que le travail se terminerait et qu’il n’y aurait plus de risques. Au fil du temps, on s’est rendu compte que la période nécessaire pour gérer activement les travaux à la mine Faro — c’est-à-dire le temps où des travailleurs doivent œuvrer à protéger l’environnement — se calculera en siècles. Pour l’instant, c’est ainsi que nous calculons la période nécessaire avant qu’on n’ait plus besoin de gestion active et continue. Pour cette raison, nous n’avons pas vraiment réfléchi au besoin ou non de nous doter d’un mécanisme pour reprendre le contrôle de ce site pendant cette période.

La présidente : La semaine dernière, un témoin nous a parlé de la naissance d’une économie de l’assainissement. Pouvez‑vous nous dire combien de travailleurs seront nécessaires et nous décrire les effets du projet sur la ville ou le village?

M. Mead : Nous croyons comprendre que le plan du gouvernement fédéral pour l’assainissement du site représente des coûts en capitaux à hauteur de 1,4 milliard de dollars. Le projet s’échelonnera sur un certain nombre d’années. Le début du projet se caractérisera par un programme d’immobilisations intensif : il faudra mener beaucoup de travaux de construction et déplacer beaucoup de terre. Au fil du temps, ces travaux iront en diminuant et feront place à du traitement d’eau et à de la surveillance en continu pendant une période de 50, 100 ou 200 ans. Les répercussions sur l’économie du Yukon seront considérables. Le projet stimulera grandement l’économie. Je ne sais pas à combien s’élèveront les flux de trésorerie annuels puisqu’il s’agit d’un programme ou d’une stratégie du gouvernement du Canada, mais il est inévitable qu’une initiative de cette ampleur aura un effet positif considérable sur l’économie, tant au niveau local dans les environs de Faro qu’au niveau du territoire.

Le sénateur Arnot : Merci, monsieur Mead.

J’ai deux questions. Vous inquiétez-vous des répercussions humaines et environnementales permanentes étant donné la durée prévue de l’assainissement? On a parlé de plus de 15 ans. Je crois savoir que ces sites miniers complexes, en particulier Faro, ont le potentiel d’entraîner des effets négatifs sur l’environnement.

Ma deuxième question porte sur un élément qu’a entendu ce comité de la part d’autres témoins : certains des contaminants environnementaux les plus néfastes, les résidus, seront toujours présents une fois l’assainissement terminé. Avez-vous des inquiétudes à long terme à ce sujet? Quels renseignements, études, recherches ou tests effectués pourraient apaiser vos inquiétudes?

M. Mead : Je vais répondre à la première question. Nous sommes très au fait des risques associés au site de la mine Faro, surtout en raison des grandes quantités de déchets — principalement des résidus — qui ont été déposés dans la vallée, et de la possibilité qu’ils génèrent de l’acide. Si ces déchets ne sont pas contrôlés, ils laisseront des métaux dans l’environnement. L’importance de la modification législative et les travaux actuels et futurs représentent un tout. Ils sont tous nécessaires pour éviter des dommages dans l’environnement. Le gouvernement du Canada a élaboré un plan qui garantira une protection permanente de l’environnement grâce au traitement de l’eau en continu, à l’entretien du site et à l’exécution de travaux d’assainissement majeurs. Ces travaux assainiront de plus grandes zones du site qui suscitent des risques, changeront leur état et atténueront les risques qu’elles représentent pour l’environnement. Si les travaux n’avaient pas lieu en ce moment, nous aurions de graves inquiétudes au Yukon. Pourvu que les travaux soient menés adéquatement et dans les bonnes conditions, nous avons confiance que l’environnement sera bien protégé.

Vous avez parlé de préoccupations en lien avec les résidus qui seront toujours présents. Ma réponse est semblable. Monsieur le sénateur, si vous me le permettez, je préciserais que, à condition que les structures qui retiennent les résidus dans la vallée soient maintenues... Tout d’abord, elles doivent être mises à niveau pour résister aux séismes et aux inondations. Si les structures demeurent en place et font l’objet d’une surveillance appropriée, elles retiendront les résidus dans la vallée. Voilà pourquoi il est essentiel que les travaux se poursuivent et que la modification soit apportée pour permettre au gouvernement fédéral de se doter des outils pour poursuivre ces travaux à long terme.

Le sénateur Arnot : Merci.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Je vais vous poser ma question en français.

J’ai vu les photos de cette mine. C’est plutôt effarant. Évidemment, je ne suis pas une spécialiste de ces questions, mais 6,9 milliards de dollars, c’est énormément d’argent. Ma question est la suivante : comment allez-vous procéder? Soyez plus concret. Allez-vous excaver, retirer tous ces produits dangereux, les entrer plus profondément dans le sol et essayer de les mettre ailleurs? Qu’est-ce que vous allez faire pour essayer de décontaminer ce site qui, ma foi, me semble terriblement pollué? Quels sont les moyens utilisés, si on emploie des termes vulgarisés, bien sûr?

[Traduction]

M. Mead : Je serai heureux de vulgariser ma réponse. À l’heure actuelle, il s’agit d’une responsabilité du gouvernement du Canada. Je travaille pour le gouvernement du Yukon. Nous n’avons pas la responsabilité directe de nettoyer le site. Avant le transfert des responsabilités au gouvernement du Canada, j’ai eu le plaisir, il y a environ 16 ans, d’être le directeur de l’assainissement pendant près de 7 ans. Je m’y connais en la matière étant donné mon expérience. Je vais traduire ma réponse en « langage de non-initiés » pour vous.

Essentiellement, le risque à Faro est attribuable aux matériaux résiduels contaminés qui ont été montés à la surface, qui se répandent à la superficie et qui réagissent avec l’oxygène et l’eau. Ils réagissent au contact de l’eau et de l’oxygène et créent de l’acide. Cet acide se déplace dans le roc et dissout les métaux qui s’y trouvent, qui sont ensuite rejetés dans l’eau. En résulte l’écoulement d’une eau à forte concentration en métaux. Fondamentalement, en langage simplifié, voilà le grand risque à Faro.

Afin de gérer ce risque, il faut tenter de réduire la quantité d’oxygène et d’eau qui ont une incidence sur ces matériaux. L’interaction ne cessera pas, mais les efforts ralentiront la production d’acide. En ralentissant la production d’acide, nous serons plus susceptibles d’intercepter l’eau contaminée et de l’empêcher de quitter le site pour qu’elle s’infiltre dans l’environnement. Quand on intercepte l’eau, on peut la traiter dans une usine de traitement afin que sa qualité soit suffisante pour être évacuée dans l’environnement.

L’autre enjeu est que ces déchets doivent être physiquement stables. Ils ne doivent pas se déplacer. Il faut les laisser là où ils se trouvent. Si des événements fâcheux surviennent, comme des tempêtes, des tremblements de terre et des précipitations de pluie, les déchets doivent rester en place. Ils doivent rester immobiles. Différents barrages sont érigés. Il est important que ces barrages soient stables afin que les déchets ne bougent pas, ce qui nous permet de récolter l’eau riche en acide qui circule d’un barrage à l’autre.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci, la réponse est très claire.

[Traduction]

La présidente : Pour poursuivre dans la même veine, je dirai qu’un ingénieur nous a appris que la zone serait recouverte. Quelqu’un a demandé si elle serait recouverte de béton ou d’un revêtement végétal. On a répondu que ce serait un revêtement végétal. Vous dites que vous ne voulez pas que la pluie ou l’oxygène atteigne les résidus; comment un revêtement végétal empêchera-t-il la pluie de s’infiltrer?

M. Mead : Je peux répondre à cette question.

La présidente : Bien.

M. Mead : Certaines matières qui sont recouvertes présentent un petit risque de libérer de l’acide. Ces matières ne sont pas très réactives ou contaminées. D’autres présentent un fort potentiel de libérer de l’acide et des métaux. Les revêtements diffèrent selon le type de matières à recouvrir.

Certaines matières qui sont très susceptibles de libérer des métaux seront recouvertes de sol ou de matière végétale, mais un revêtement les couvrira aussi. Un revêtement qui ressemble beaucoup à ce qu’on emploie pour recouvrir un étang dans un jardin sera utilisé. Celui qui sera utilisé pour le projet d’assainissement sera plus épais et de plus grande taille, mais il aura la même utilité : il empêchera l’eau de s’infiltrer. Il sera étanche. Un tel revêtement sera installé dans différentes sections du site.

D’autres sections n’auront qu’une couverture végétale. Selon sa construction, elle peut réduire la quantité d’eau. Elle ne l’éliminera pas entièrement, mais elle peut réduire la quantité d’eau et d’oxygène, ce qui importe pour ralentir le processus. Lorsque le processus est ralenti, on peut intercepter l’eau et la traiter.

Madame la présidente, différentes combinaisons de techniques peuvent être employées selon les matières à couvrir. Ensemble, elles permettent soit d’arrêter les réactions ou de les ralentir afin de recueillir la totalité de l’eau contaminée.

La présidente : Merci.

La sénatrice Sorensen : Notre comité traite souvent d’enjeux compliqués, que je ne comprends pas toujours entièrement. Je vous remercie de votre excellente explication vernaculaire. Je vous remercie également de vos deux réponses; elles étaient fort intéressantes.

Vous avez déjà essentiellement répondu à ma question. J’allais poser une question sur le point de vue des diverses parties. Quel serait le résultat positif du processus de la mine Faro, selon elles? Peut-être pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet.

J’ai dit à d’autres témoins que j’étais fort intriguée. Tout le monde semble aimer cet amendement, et ce n’est pas toujours le cas. Ce n’est pas tous les jours que le gouvernement fédéral, les provinces, les territoires et les communautés s’entendent sur un dossier. C’est beau à voir. Comment cela se passe-t-il à l’échelle supérieure, au-delà de votre projet? Je sais qu’il a été question de Clinton Creek et de la mine de la rivière Ketza; on a évoqué la possibilité que ce projet serve de modèle ou de projet-pilote pour d’autres projets à l’avenir. Pourriez-vous nous en dire plus à cet égard? De mon point de vue, toutes les parties semblent sortir gagnantes de ce projet, que ce soit à l’échelle environnementale ou économique. Je présume que c’est la raison pour laquelle tout le monde semble satisfait.

M. Mead : Je vous remercie de vos commentaires. Je vous dirais que je suis ingénieur chimiste de formation et enseignant au secondaire par passion.

La sénatrice Sorensen : J’allais dire enseignant à la maternelle.

M. Mead : On m’a demandé d’être grand public, alors j’ai choisi le chemin de la maternelle.

Commençons par les résultats positifs du projet. Nous avons établi des objectifs pour le projet en général en 2007. Je faisais déjà partie du groupe à ce moment-là. Nous avons établi une série d’objectifs importants en collaboration avec le gouvernement du Canada et les gouvernements des Premières Nations. La priorité est toujours d’assurer la sécurité de tout un chacun. Nous devons ensuite veiller à protéger l’environnement. Ce sont les deux pierres angulaires. Nous voulions aussi que les communautés locales bénéficient des retombées économiques du projet. À l’époque, nous voulions également voir s’il était possible de transformer le site minier pour travailler la terre à l’avenir.

Au fil des ans, nous avons continué à travailler en étroite collaboration avec le gouvernement fédéral et les gouvernements des Premières Nations pour trouver des solutions, des idées et des stratégies. C’est grâce à cette collaboration que nous avons réussi à nous entendre. Comme vous l’avez dit, cela n’est pas toujours le cas. C’est le véritable moteur de notre réussite jusqu’à présent.

Malheureusement, d’autres sites miniers ont été abandonnés au Yukon. Ils relèvent maintenant du gouvernement fédéral pour la plupart. Cela dit, à l’heure actuelle, le gouvernement du Yukon s’implique encore beaucoup plus directement dans ces sites, comme il le faisait à la mine Faro avant 2018. Nous avons tiré des leçons à Faro qui nous permettent d’envisager réellement ce modèle pour les autres sites. Lorsque nous avons effectué la transition en 2018, nous avons constaté que les travaux de nettoyage du site sont devenus beaucoup plus expéditifs. Il y a eu beaucoup plus d’activité. Je pense qu’à peu près tout le monde s’entend pour dire que c’était un succès. Je crois qu’il est très probable que nous explorions la possibilité d’instaurer ce modèle à Ketza et à Clinton Creek — dont vous avez parlé — au cours des 12 prochains mois pour améliorer l’assainissement, le soutien social et communautaire et mettre en place une approche uniforme sur l’ensemble du territoire.

La sénatrice Sorensen : Merci.

La sénatrice McCallum : Je vous remercie de votre exposé.

Je voulais revenir au commentaire de la sénatrice Galvez à propos des bassins de résidus. J’ai déjà demandé ce qui allait se passer avec ces bassins, parce qu’ils contiennent 70 millions de tonnes de résidus. Il y a également 320 millions de tonnes de stériles.

On nous a dit que les bassins allaient rester, mais qu’on les couvrirait. Vous avez dit que les structures seraient mises à niveau. Les effets indésirables des changements climatiques se font de plus en plus sentir; plus personne ne peut garantir la sécurité d’un site. Les barrages construits en Alberta pour les bassins de résidus fuient. Il y aura toujours des fuites. Personne ne peut garantir le contraire. Pourquoi ne traite-t-on pas l’eau contaminée dans les bassins? Il y a de l’érosion même avec les barrages. Il y aura des fuites. Pourquoi n’y a-t-il pas de solution permanente pour les bassins de résidus?

Je voulais également vous poser une autre question. La mine Faro rouvrira-t-elle ses portes bientôt? J’ai cru comprendre que des investisseurs britanno-colombiens s’y intéressaient. Comment entrevoyez-vous les mesures d’atténuation et la réouverture de la mine? Comment cela fonctionnerait-il?

M. Mead : Je répondrais à la dernière question en premier, si vous me le permettez.

La mine est divisée en deux. Vous pouvez penser à un haltère et à une route qui en relie les deux extrémités. D’un côté, il y a la mine Faro, et de l’autre, la mine Vangorda. Elles chevauchent ce qu’on appelle une ligne de partage des eaux, de sorte que l’eau du côté de Faro s’écoule d’un côté et celle du côté de Vangorda s’écoule de l’autre côté. On envisage de permettre à une entreprise en partenariat avec la Première Nation locale, le Conseil des Dénés de Ross River, d’exploiter Vangorda. Elle est séparée de la mine Faro. Ces deux mines ne se chevauchent pas; l’eau ne passe pas d’un côté à l’autre. La seule chose qui les relie est la route. Il est donc tout à fait possible de diviser le site en deux. Il est possible d’exploiter la mine Vangorda indépendamment de la mine Faro. C’est ce qu’on envisage à l’heure actuelle.

L’idée d’exploiter le site de Vangorda découle du fait que de nombreuses réserves de minerai ont été laissées sur place lors des derniers jours d’exploitation de l’ensemble de la mine. Certains désirent désormais revenir sur cette propriété et y exploiter une mine au-dessus de l’ancienne empreinte contaminée. L’idée serait de profiter de l’exploitation minière pour réaliser des travaux d’assainissement. On considère que c’est une façon efficace de corriger le tir en matière de responsabilités historiques tout en développant et en extrayant de nouvelles ressources. C’est le plan qui s’offre à nous à l’heure actuelle.

Je reviens maintenant aux questions sur les bassins, les solutions permanentes, le traitement et l’eau. Les bassins sont sablonneux à l’heure actuelle. Ils sont remplis d’un matériau solide. Comme vous l’avez dit, il y en a pour 70 millions de tonnes. Ils se trouvent dans une vallée fluviale naturelle. On a détourné la rivière autour de la rive pour déposer les bassins à même la vallée fluviale. Ils sont maintenus en place derrière une série de barrages. L’eau circule autour des résidus, et elle est propre. On la garde propre et on l’évacue. L’eau de pluie ou la neige qui tombe sur les résidus s’accumule, les submerge et s’écoule lentement à travers ces derniers. Comme vous l’avez dit, l’eau s’écoule. On la récupère et on la traite constamment avant qu’elle ne soit relâchée dans la nature. Un dernier bassin se trouve en aval de la structure. Cette dernière comprend plusieurs étapes, dont un bassin tout en bas où on récupère et traite l’eau contaminée.

Les changements climatiques sont un enjeu réel. Nous savons que le climat change rapidement au Yukon et que nous y constatons de nouveaux événements climatiques. Il incombe au gouvernement fédéral de concevoir ces structures en tenant compte de ce que l’on peut modéliser et prévoir à l’avenir en matière de quantité et d’intensité des pluies, de quantité de neige et de vitesse de fonte des neiges. Nos structures doivent pouvoir s’adapter aux changements climatiques. Je sais que le gouvernement fédéral travaille présentement en ce sens, et nous l’encourageons à continuer.

La solution permanente, c’est ce qui est proposé à l’heure actuelle, c’est-à-dire garder les barrages, couvrir les résidus, veiller à ce que le canal de dérivation qui contourne le site soit suffisamment large et stable à long terme et enfin s’assurer de continuer à collecter et à traiter l’eau contaminée qui arrive en aval de la structure.

La seule autre option serait de retirer les résidus et de les transférer ailleurs, mais c’est très difficile à faire lorsqu’il y en a pour 70 millions de tonnes. De plus, les résidus sont saturés. Il est très risqué de les déplacer, parce qu’on augmente considérablement le risque de contamination. Si on les remue, il est beaucoup plus probable d’engendrer une lixiviation rapide de ces métaux. Si je ne m’abuse, les gouvernements des Premières Nations, le gouvernement du Yukon et le gouvernement fédéral ont convenu en 2010 que laisser les résidus en place était la solution la plus sûre et la meilleure option possible à l’époque.

La sénatrice McCallum : Avez-vous dit que l’exploitation de la prochaine mine se fera au-dessus du site contaminé?

M. Mead : Oui. Il y a ce qu’on appelle la mine Vangorda sur la propriété. C’est là que l’exploitation minière se faisait autrefois. On y a déposé des déchets. On recueille l’eau et on la traite selon les besoins, à l’instar de ce qui se fait de l’autre côté de la propriété, quoique à plus petite échelle, puisqu’il s’agit d’une portion nettement plus petite du site. On installerait la mine au-dessus de cette empreinte.

Cela permet entre autres de stocker et de couvrir le nouveau matériau au-dessus de l’ancien. On se retrouve donc avec une couverture pour les deux. Une seule suffit. Il s’agit d’une méthode nettement plus efficace de gérer ce qui reste sur le site. En l’intégrant à une mine en exploitation, le plan d’exploitation de la mine peut tenir compte des matériaux qui s’y trouvent déjà.

La sénatrice McCallum : Merci.

[Français]

La sénatrice Audette : Si vous me le permettez, je vais m’exprimer en français.

C’était une présentation très intéressante. Je vous écouterais encore longtemps. C’est rare, parce que c’est un sujet très complexe. Je vous remercie beaucoup.

Comme mes collègues, le côté technique de ce sujet n’est pas naturel pour moi. Toutefois, j’ai vécu toute mon enfance dans une région minière. C’était mon terrain de jeu quand j’étais petite.

Selon votre expertise, êtes-vous en mesure de me dire s’il y a d’autres plans d’assainissement au Canada qui ressemblent à celui-ci? On sait qu’une mine a un début et une fin, qu’elle soit en faillite ou en fin de vie. Avec la Stratégie canadienne sur les minéraux critiques, y aura-t-il quelque chose de plus intelligent ou de plus responsable pour les générations futures quand le projet minier atteindra la fin de sa carrière?

[Traduction]

M. Mead : Je peux vous répondre.

On a commencé à exploiter la mine Faro à la fin des années 1960, et l’exploitation minière s’est poursuivie au cours des années 1970 et 1980. Le permis d’exploitation a été approuvé conformément aux réglementations et aux normes de l’époque. Il serait impossible d’obtenir un permis avec le même plan d’exploitation minière au Yukon de nos jours. On ne peut tout simplement plus exploiter les mines de la même façon. Les exigences sont beaucoup plus strictes, non seulement en matière d’exploitation minière, mais aussi en ce qui concerne les garanties à mettre en place avant et pendant l’exploitation, dont la remise en état progressive à effectuer pendant la durée des activités. Il faut également mobiliser et impliquer les communautés locales et les Premières Nations.

La mine Faro est heureusement un vestige historique. C’est un exemple d’un système qui était jugé adéquat à l’époque. Lorsque l’on y a autorisé l’exploitation, on l’a fait conformément au régime de permis de l’époque. Or, nous sommes maintenant 50 à 60 ans plus tard, et nous avons appris qu’il était nécessaire d’exploiter des mines différemment, pas seulement au Yukon, mais partout au Canada également. Il existe désormais de nouvelles réglementations et exigences. L’exploitation minière de nos jours diffère donc grandement des débuts de l’exploitation minière à la fin des années 1960.

La sénatrice Audette : Merci beaucoup.

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie d’être parmi nous.

Je sais que c’est chose du passé, mais vous avez dit qu’on ne fonctionnerait plus de la même façon aujourd’hui. Une entreprise qui exploite une mine aujourd’hui doit-elle fournir une lettre de crédit ou une garantie quelconque qu’elle ne peut pas quitter le site sans s’être assurée qu’elle paie les coûts de remise en état du site? Qu’en est-il? Comment éviter qu’une telle situation se reproduise? Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?

M. Mead : Oui, bien sûr. Je peux vous parler du contexte au Yukon, puisque c’est le système réglementaire que je connais et dans lequel nous travaillons.

Au Yukon, une entreprise doit fournir au gouvernement provincial une garantie équivalant à ce que coûterait l’assainissement du site si elle manque à ses obligations. Nous percevons des garanties sur tous les sites miniers en exploitation. La garantie dépend de ce que nous coûterait l’assainissement si l’entreprise quittait le site au cours des deux prochaines années selon nos estimations. Nous la révisons tous les deux ans. Nous demandons aux entreprises de nous donner cette garantie avant de les autoriser à exploiter le site.

Le sénateur Massicotte : On le fait vraiment? Ce ne sont pas seulement des paroles en l’air? On perçoit réellement de l’argent de l’entreprise minière?

M. Mead : Absolument. Je n’ai pas les chiffres sous les yeux, mais je sais que notre gouvernement détient notamment une garantie de 73 millions de dollars pour une mine en exploitation. Il y en a trois au Yukon à l’heure actuelle. Je suis prudent, parce que nous avons appris vendredi la fermeture d’une des mines. Nous nous penchons là-dessus en ce moment. La garantie que cette entreprise nous a versée pourrait être importante pour le Yukon. Nous y travaillons présentement. C’est quelque chose que nous percevons. Nous avons mis en place un processus qui fait partie intégrante du cadre réglementaire du Yukon.

Le sénateur Massicotte : Merci.

La sénatrice Duncan : Nous vous remercions pour votre exposé, monsieur Mead.

Vous parliez du travail d’assainissement de la mine Faro et du processus en cours. Pourriez-vous aussi nous parler du projet de détournement du ruisseau Rose Creek réalisé dans le cadre de ce processus et de ses résultats?

M. Mead : Bien sûr. Le projet a été lancé il y a environ 15 ans, un 4 janvier, à une température de 35 sous zéro. Je me tenais face à un barrage où l’eau coulait à travers des roches, pour la première fois. C’est un souvenir personnel.

Pour ceux qui ne connaissent pas bien le projet de détournement de Rose Creek ou le site, j’ai dit tout à l’heure qu’il y avait eu des résidus dans un ruisseau ou une rivière. La rivière avait été détournée. Il s’agit du ruisseau Rose Creek. Ses eaux d’amont se trouvent à environ un kilomètre du site de la mine. C’est le tout début du système de détournement de Rose Creek.

Il y a un certain temps, on a découvert de nouveaux déchets de roche. Il fallait donc procéder à des mises à niveau de grande envergure, apporter des changements et des améliorations au système de détournement du ruisseau Rose Creek, afin de veiller à ce que l’eau qui traversait le site soit propre. Nous avons séparé l’eau contaminée de l’eau saine et nous l’avons traitée. Le Canada a fait un travail important au cours des dernières années. Il faut assurer un contrôle environnemental continu sur le site. C’est un exemple des travaux de génie civil qui seront nécessaires dans diverses zones de ce site au fil du temps.

La sénatrice Duncan : Ce projet de détournement du ruisseau Rose Creek n’était-il pas d’une importance particulière pour le Conseil de la bande dénée de Ross River?

M. Mead : Oui. Je crois qu’il est juste de dire que le site dans son ensemble est particulièrement important pour le Conseil de la bande dénée de Ross River. Pour ceux qui ne le savent pas, les Dénés de Ross River utilisent ce site depuis des milliers d’années. Il servait principalement à la chasse, à la cueillette de plantes médicinales et aux réunions culturelles. Le site en soi a une très grande valeur historique et est toujours très important pour le peuple de Ross River. La protection environnementale est d’une importance capitale pour les gens qui sont étroitement liés à la terre. Le Conseil de la bande dénée de Ross River participe activement au projet depuis de nombreuses années. Il joue un rôle essentiel en vue d’orienter les décisions que nous prenons au sujet de ce site. Pour les membres du Conseil, la rivière et Rose Creek revêtent une importance particulière. Selon la tradition orale, les gens se réunissaient à un certain endroit le long du ruisseau pour recueillir de l’eau et préparer une infusion médicinale spéciale. Cet endroit se trouve exactement dans le système de détournement du ruisseau Rose Creek. Il fallait absolument en tenir compte dans le cadre de notre travail.

La sénatrice Duncan : Diriez-vous, donc, que ce projet est une réussite en vue de l’assainissement de la mine Faro?

M. Mead : Je crois qu’il s’agit d’un volet d’un large éventail de projets qui doivent être réalisés au cours des prochaines décennies, et je crois que ce volet est une réussite, oui.

La sénatrice Duncan : Merci.

Le sénateur Arnot : Je me demande si vous ou quelqu’un au gouvernement du Yukon a déjà comparé les profits cumulatifs de la mine Faro aux coûts associés à son assainissement. Est-ce que le coût de l’assainissement pour les contribuables du Canada ou du Yukon est plus élevé que tous les profits réunis?

M. Mead : Cette question a été soulevée à maintes reprises au fil des années. Je ne sais pas si le gouvernement fédéral a terminé cette étude. L’exploitation de la mine relevait largement de la compétence fédérale. Les profits de la mine auraient fait partie d’un système fédéral avant le transfert des responsabilités.

Je sais que M. Tony Hodge, de l’Université Queens, a réalisé une importante étude de recherche sur le sujet. Il a procédé à un examen historique de la mine Faro. Bien que je n’aie pas encore lu son étude — elle vient d’être publiée —, je crois qu’elle comporte un volet financier, mais je ne sais pas si les coûts associés au nettoyage seront plus importants que les profits réalisés par la mine.

La présidente : C’est une très bonne question.

La sénatrice McCallum : Dans le cadre du projet d’assainissement, les Premières Nations avaient demandé une surveillance indépendante. Comment cette demande a-t-elle été traitée?

M. Mead : Dans le cas de la mine Faro, le gouvernement fédéral a mis en place ce qu’il appelle le comité indépendant d’évaluation par les pairs, composé d’experts du domaine de l’assainissement qui ont donné des conseils et leur point de vue sur les stratégies et les plans proposés par le Canada. Le comité est en place depuis près de 15 ans maintenant. Je ne sais pas exactement à quel moment il a été créé. Il s’agit donc d’une tribune ou d’un organisme qui assure une certaine surveillance indépendante d’un point de vue technique. Le comité compte des experts de l’assainissement des mines, et d’autres qui se centrent sur les répercussions sur la santé ou sur les gouvernements et les droits autochtones. C’est ainsi que le gouvernement fédéral a choisi d’assurer une surveillance indépendante.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur Mead. Nous n’avons plus de questions.

Nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes, puis nous poursuivrons à huis clos.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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