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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 7 novembre 2024

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), avec vidéoconférence, pour étudier de nouvelles questions concernant le mandat du comité.

La sénatrice Josée Verner (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La vice-présidente : Honorables sénateurs, je m’appelle Josée Verner, je suis une sénatrice du Québec et je suis vice‑présidente du comité.

Aujourd’hui, nous tenons une séance du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.

Je vais demander à mes collègues du comité de se présenter, en commençant par ma gauche.

[Traduction]

Le sénateur Arnot : Bonjour. Je m’appelle David Arnot, et je viens de la Saskatchewan.

[Français]

La sénatrice Galvez : Bonjour. Rosa Galvez, de Bedford, au Québec.

[Traduction]

Le sénateur D. M. Wells : Bonjour. Je suis David Wells, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Fridhandler : Je m’appelle Daryl Fridhandler, et je viens de l’Alberta.

La sénatrice Robinson : Bonjour. Je suis Mary Robinson, de l’Île-du-Prince-Édouard.

La sénatrice McCallum : Bonjour. Mary Jane McCallum, du Manitoba.

Le sénateur Cardozo : Je suis Andrew Cardozo, de l’Ontario.

[Français]

Le sénateur Moreau : Pierre Moreau, du Québec.

La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.

La vice-présidente : Aujourd’hui, le comité a invité des témoins à comparaître afin d’examiner deux rapports du Groupe consultatif pour la carboneutralité intitulés Combler l’écart : Atteindre la cible d’émissions du Canada pour 2030 et Des résultats pour le climat : budget carbone et cible du Canada pour 2035, qui ont été publiés en septembre 2024.

[Traduction]

Pour notre premier groupe de témoins, nous accueillons, par vidéoconférence, Simon Donner, coprésident du Groupe consultatif pour la carboneutralité, ainsi qu’Anna Kanduth, directrice, 440 mégatonnes, Institut climatique du Canada.

Bienvenue, et merci d’être avec nous. Vous avez cinq minutes pour vos remarques liminaires.

La parole est à vous, monsieur Donner. Ce sera ensuite au tour de Mme Kanduth.

Simon Donner, coprésident, Groupe consultatif pour la carboneutralité : Je vous remercie. Je m’adresse à vous ce matin depuis les territoires traditionnels non cédés des nations Musqueam, Squamish et Tsleil-Waututh à Vancouver, en Colombie-Britannique. Au nom du Groupe consultatif pour la carboneutralité, ou GCPC, je tiens à remercier les sénateurs de nous avoir invités à discuter de nos rapports annuels.

Le GCPC a été créé en vertu de la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité. Il est chargé de fournir au ministre de l’Environnement et du Changement climatique des conseils indépendants sur l’atteinte de la carboneutralité d’ici 2050 et sur les principales étapes à franchir.

L’an dernier, le ministre a demandé des conseils sur la manière d’atteindre l’objectif 2030 du Canada et de fixer l’objectif 2035 du Canada. Pour ce faire, nous avons demandé l’avis d’experts de l’industrie, d’universitaires, de représentants du monde du travail, d’organisations autochtones et d’organisations non gouvernementales. Nous avons également travaillé en étroite collaboration avec l’Institut climatique du Canada, qui nous a apporté son soutien en matière d’analyse et de modélisation.

Dans notre premier rapport, intitulé Des résultats pour le climat : budget carbone et cible du Canada pour 2035, nous offrons trois conseils. Tout d’abord, nous conseillons au gouvernement d’élaborer un budget carbone national qui reflète les émissions totales de gaz à effet de serre que le Canada émettra au fil du temps. Les budgets carbone sont utilisés par des pays comme le Royaume-Uni et la France, ainsi que par des villes comme Montréal et Edmonton, pour mieux suivre l’impact de leurs émissions sur la planète. Les objectifs annuels sont utiles, mais ils ne mesurent que la quantité d’émissions d’une année. Ce qui importe pour le climat, c’est le total des émissions au fil du temps.

En établissant un budget carbone, le Canada peut mieux faire le lien entre ses objectifs à court terme et son objectif à long terme de carboneutralité. Il s’agit également d’un moyen intuitif de représenter l’impact des choix que nous faisons aujourd’hui. Je pense que les Canadiens savent tous que ce qu’ils gagnent et dépensent aujourd’hui détermine ce qu’il leur restera plus tard.

Le deuxième conseil est que le gouvernement adopte un objectif de réduction de 50 à 55 % en 2035 par rapport aux niveaux de 2005. Cette fourchette d’objectifs découle de notre analyse du budget carbone et permet au Canada de rester en phase avec ses partenaires commerciaux. Par exemple, bien que les États-Unis soient en train de changer de gouvernement et n’aient pas encore annoncé leur objectif pour 2035, ils ont déjà fixé un objectif pour 2030 de 50 à 52 % de réduction par rapport aux niveaux de 2005, et la modélisation suggère qu’ils pourraient s’en approcher. D’autres pays, dont le Royaume-Uni et les pays de l’Union européenne, ont annoncé ou sont en train d’élaborer des objectifs encore plus ambitieux que celui que nous proposons pour le Canada.

Troisièmement, le GCPC encourage le gouvernement fédéral à s’attaquer aux émissions excédentaires du Canada par des moyens tels que le soutien international à l’action climatique et l’élimination du dioxyde de carbone de l’atmosphère. Qu’entendons-nous par « émissions excédentaires »? Le Canada est déjà l’un des 10 principaux émetteurs au monde, tant par personne qu’en termes d’émissions totales ou absolues. Cela signifie que nous avons déjà consommé notre part équitable du budget carbone mondial restant pour éviter les limites de température que le monde a acceptées dans l’Accord de Paris. En plus d’adopter le budget carbone que nous proposons, nous recommandons que le Canada reconnaisse que le budget sera supérieur à notre part équitable et élabore un plan pour aider à traiter ces émissions excédentaires.

Dans notre deuxième rapport, intitulé Combler l’écart : Atteindre la cible d’émissions du Canada pour 2030, nous constatons qu’il sera difficile d’atteindre l’objectif actuel pour 2030, mais que c’est possible. Pour élaborer ces conseils, nous avons travaillé à partir de l’ensemble des politiques existantes. Nous l’avons fait parce que l’histoire nous enseigne que l’ajustement des politiques existantes est moins coûteux, plus rapide et plus équitable que la refonte de l’ensemble de l’architecture de la politique.

Nous recommandons ici cinq séries d’actions. Il s’agit tout d’abord d’achever le travail politique en cours en mettant en œuvre les mesures annoncées, telles que les réglementations sur l’électricité propre, et ensuite de réduire les éventuelles interactions négatives entre les différentes politiques. Nous recommandons également de renforcer le système de tarification industrielle afin d’offrir une certitude aux investisseurs et de garantir des réductions absolues des émissions du secteur pétrolier et gazier, qui est responsable de près d’un tiers des émissions nationales.

Après ces séries d’actions, nous déterminons une petite série d’actions supplémentaires qui peuvent aider à combler l’écart par rapport à l’objectif de 2030. Il s’agit notamment de renforcer la réglementation sur le méthane provenant du pétrole et du gaz et de promouvoir des modes de transport à faibles émissions.

Nous sommes conscients que nos conseils peuvent sembler ambitieux, mais les études démontrent que les actions et les objectifs recommandés sont réalisables et peuvent contribuer à la croissance économique. Le gouvernement fédéral ne peut toutefois pas agir seul. Pour y parvenir, les provinces, les territoires, les municipalités et le secteur privé devront prendre des mesures.

Le Canada est engagé dans une course pour lutter contre les changements climatiques et pour obtenir l’économie carboneutre de l’avenir, mais il ne s’agit pas de n’importe quelle course. Il s’agit d’un relais. Si nous courons trop lentement lors de la première étape ou si nous nous trompons de direction, nous laisserons à nos coéquipiers une tâche encore plus difficile.

Nous espérons que nos conseils seront entendus et que des mesures ambitieuses seront mises en place pour éviter de laisser tomber le témoin. Merci.

[Français]

La vice-présidente : Merci, monsieur Donner.

[Traduction]

Anna Kanduth, directrice, 440 mégatonnes, Institut climatique du Canada : Bonjour, membres du comité. Je m’appelle Anna Kanduth et je suis directrice de l’initiative 440 mégatonnes à l’Institut climatique du Canada. Je vous remercie de m’avoir invitée à discuter de notre récente analyse pour le Groupe consultatif pour la carboneutralité.

Notre tâche consistait à contribuer à éclairer l’avis que le Groupe consultatif pour la carboneutralité donne au ministre de l’Environnement et du Changement climatique sur deux questions : premièrement, trouver des stratégies pour combler l’écart par rapport à l’objectif de réduction des émissions du Canada pour 2030 et, deuxièmement, fixer l’objectif de réduction des émissions du Canada pour 2035.

Il est clair que les politiques climatiques du Canada fonctionnent. Notre analyse montre que les émissions seraient 41 % plus élevées en 2030 sans les politiques mises en œuvre à ce jour par tous les niveaux de gouvernement. En outre, les politiques en cours d’élaboration et annoncées permettront de réduire encore davantage les émissions au cours de cette décennie, ce qui rapprochera le Canada de son objectif pour 2030. Cependant, l’analyse indépendante du Plan de réduction des émissions pour 2030 du gouvernement fédéral et les projections d’Environnement et Changement climatique Canada ont mis en évidence un écart entre les plans politiques actuels et l’objectif de 2030.

Le Groupe consultatif pour la carboneutralité a demandé à l’Institut d’évaluer les politiques susceptibles de combler cet écart. En collaboration avec Navius Research, nous avons relevé une série de politiques que le gouvernement fédéral pourrait mettre en œuvre pour atteindre l’objectif 2030 du Canada. Notre analyse a montré qu’il est techniquement possible d’atteindre l’objectif du Canada pour 2030. Toutefois, le succès dépendra de la rapidité et de l’efficacité avec lesquelles les gouvernements mettront en œuvre les politiques. Nous avons établi trois étapes à suivre pour atteindre l’objectif de 2030.

Notre modélisation indique que la majorité des réductions d’émissions nécessaires pour atteindre l’objectif de 2030 proviendront des politiques actuelles et proposées. Les projets de règlement visant à réduire de 75 % les émissions de méthane du secteur pétrolier et gazier en amont en sont un exemple.

La deuxième plus grande part des réductions d’émissions dans notre analyse provient du renforcement des politiques existantes et proposées, y compris en abordant les interactions négatives entre elles. Une analyse précédente de l’Institut a montré que les systèmes industriels de tarification du carbone sont le principal moteur des réductions d’émissions en 2030, fournissant entre 20 % et 48 % des réductions prévues par le plan climatique du Canada pour l’avenir. Toutefois, les interactions avec d’autres politiques risquent d’affaiblir les signaux de prix sur les marchés canadiens des crédits carbone, ce qui réduit l’impact des systèmes de tarification du carbone industriel. Notre recherche montre que le resserrement des critères dans ces systèmes peut minimiser l’impact négatif des interactions politiques et entraîner une réduction supplémentaire de 15 mégatonnes d’émissions par rapport à l’ensemble des politiques actuelles du Canada d’ici 2030.

Enfin, si les deux premières étapes peuvent permettre au Canada de se rapprocher de l’objectif de 2030, combler l’écart peut nécessiter un nombre limité de nouvelles mesures ciblées. Toutefois, l’introduction de nouvelles politiques dès maintenant pour atteindre l’objectif du Canada pour 2030 présente des défis pratiques, car il faut du temps pour élaborer des politiques, les mettre en œuvre et en mesurer l’impact.

Nous avons également fourni une analyse pour éclairer l’avis que le Groupe consultatif pour la carboneutralité a donné au ministre sur l’établissement de la cible du Canada pour 2035. Nous avons abordé cette analyse en partant du principe que la définition d’un objectif consiste à trouver un équilibre entre différentes considérations et qu’en fin de compte, l’objectif du Canada pour 2035 devrait constituer une prochaine étape ambitieuse mais réalisable pour le pays. Nous avons à nouveau collaboré avec Navius Research pour évaluer six objectifs potentiels en fonction d’un ensemble de critères, notamment les émissions, l’accessibilité financière, la compétitivité, la croissance économique et la mise en œuvre des politiques.

La définition d’un objectif nécessite de faire des compromis entre ces considérations. Si les objectifs de réduction des émissions les plus ambitieux sont plus performants pour certains indicateurs tels que les émissions cumulées et la compétitivité à long terme, ils obtiennent des résultats relativement moins bons dans d’autres domaines tels que l’accessibilité financière, la croissance économique et la mise en œuvre des politiques.

Par ailleurs, si la fixation d’un objectif relativement moins ambitieux peut être plus réalisable à court terme, elle présente également des risques. Retarder l’action pourrait rendre les objectifs futurs plus difficiles à atteindre, tout en augmentant le risque d’actifs échoués ou en retardant les investissements dans la transition vers une économie à faible intensité de carbone au Canada. Retarder l’action à court terme ne fera qu’amplifier les répercussions sur le climat mondial.

Notre analyse a révélé qu’une fourchette d’objectifs de 47 % à 50 % sous les niveaux de 2005 d’ici 2035 permet d’atteindre un équilibre entre les indicateurs que nous avons évalués. Cependant, il n’existe pas d’objectif parfait pour le Canada, et le fait de mettre l’accent sur différentes considérations, y compris celles qui vont au-delà des indicateurs que nous avons évalués, pourrait conduire à des conclusions différentes.

En conclusion, ces objectifs sont importants. Ils renforcent la certitude et la reddition de comptes, et ils guident la prise de décision du gouvernement. Cependant, il est important d’aller au-delà des perceptions de réussite ou d’échec des objectifs. Chaque mégatonne de réduction des émissions compte, et le plus important est que les gouvernements mettent en œuvre des politiques efficaces pour réduire durablement les émissions et mettre le Canada sur la voie vers la carboneutralité.

Merci de m’avoir donné l’occasion de discuter de ces rapports. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

[Français]

La vice-présidente : Je vous remercie. Nous allons maintenant procéder avec la période des questions.

[Traduction]

Le sénateur Arnot : J’aurais une question pour M. Donner et une autre pour Mme Kanduth.

Monsieur Donner, en tant que membre du Groupe consultatif pour la carboneutralité, qu’est-ce qui empêche nos politiques publiques d’être déterminées par les preuves scientifiques recueillies? Dans quelle mesure le gouvernement fédéral s’est-il montré réceptif à vos recommandations scientifiques? Et nos politiques climatiques peuvent-elles préserver nos écosystèmes marins, tels les récifs de corail dans les régions côtières, tout en visant la carboneutralité?

J’aurais également une question pour Mme Kanduth. À la lumière de vos analyses, quelles sont les principales faiblesses des politiques climatiques canadiennes, et en quoi ces faiblesses pourraient-elles nous empêcher d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050? Comment les décideurs peuvent-ils s’assurer que les provinces et les secteurs industriels assumeront leurs responsabilités, de façon à atteindre nos objectifs de réduction de GES?

M. Donner : Merci, sénateur, pour ces questions.

Votre première question portait sur l’accueil qui est réservé à nos conseils scientifiques et sur l’intégration de la science dans les décisions qui sont prises. En général, je n’aurais que de bonnes choses à dire là-dessus.

Je suis climatologue de formation. J’ai un doctorat en sciences atmosphériques et océaniques, ce qui est de la physique, en somme. Au fil des ans, et en particulier dans mes fonctions au Groupe consultatif pour la carboneutralité, j’ai compris que la science ne représentait que l’un des éléments qui inspirent les politiques publiques. En effet, il n’y a pas que la science. Les scientifiques ne devraient pas décider seuls des politiques à mener.

Je pense que les choses se sont bien passées jusqu’à maintenant. Le groupe consultatif a en partie pour mandat de s’appuyer sur les meilleures recherches scientifiques, à la fois celles en sciences physiques, mon domaine à moi, et en sciences sociales, etc.

Je ferais remarquer que, dans notre dernier rapport annuel, nous conseillons au Canada d’adopter un budget carbone. Ce conseil est fondé en grande partie sur l’avis de la communauté scientifique. Étant donné que les émissions s’accumulent dans l’atmosphère au fil du temps, le budget carbone nous offre le portrait le plus précis du problème. On est porté à fixer des objectifs climatiques comme nous le faisons pour d’autres problèmes environnementaux. Je pense aux cibles annuelles sur les émissions ou la pollution. Or, le changement climatique est un problème cumulatif parce que le dioxyde de carbone reste dans l’atmosphère pendant très longtemps.

Le fait que le Groupe consultatif pour la carboneutralité ait conseillé l’adoption d’un budget carbone est en quelque sorte la preuve que le groupe prend bel et bien la science en considération. C’est ce que je vous dirais en réponse à votre première question.

Vous avez également posé une question sur la protection des écosystèmes marins, des récifs de corails et des régions côtières, etc. Je m’intéresse tout particulièrement à ces enjeux. Les travaux du groupe consultatif portent toutefois sur les mesures à prendre pour atteindre la carboneutralité plutôt que sur l’adaptation des écosystèmes aux changements climatiques.

Je soulignerais encore une fois le budget carbone et nos réflexions sur les émissions en trop. Le gouvernement canadien n’a jamais reconnu clairement que nos émissions par habitant étaient élevées et que nos émissions historiques totales l’étaient aussi. Le Canada contribue en effet plus au réchauffement climatique que le reste du monde. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a énuméré les conséquences d’une hausse de 1,5 degré Celsius ou 2 degrés Celsius sur les écosystèmes marins. Il conviendrait, d’après ce groupe d’experts, d’éviter une telle hausse des températures.

C’est pour cette raison que nous préconisons l’idée d’un budget carbone. Il importe également de comparer nos émissions actuelles avec ce que serait la juste part du Canada, pour que nous apportions notre contribution à la lutte contre les changements climatiques et ainsi éviter que nos écosystèmes, qui nous sont chers, ne subissent de graves conséquences.

Le sénateur Arnot : Merci.

J’ai également posé une question à Mme Kanduth.

Mme Kanduth : Merci, sénateur. Le Canada met du temps à mettre en œuvre ses politiques. On ne sait pas non plus ce qu’elles seront exactement. C’est surtout cela, à mon avis, qui empêche le Canada de se mettre sur la bonne voie.

Les solutions et les politiques à mener sont déjà connues. Il reste maintenant à mettre ces politiques en œuvre, de façon à accélérer le déploiement des solutions.

Nous avons fait des analyses pour le Groupe consultatif pour la carboneutralité. Nous avons recensé plusieurs politiques qui permettraient au Canada d’atteindre les objectifs de 2030, mais aussi de réduire ses émissions au-delà de 2030, de façon à diminuer encore plus nos GES d’ici 2050. Il est essentiel à la fois d’adopter ces politiques et de les maintenir pour que la population, le secteur privé et les autres niveaux de gouvernement ne s’interrogent pas sur les orientations du pays.

Je vous remercie pour votre question sur le rôle des provinces et territoires. Pour que le Canada atteigne ses objectifs de réduction de GES et jouisse d’une prospérité à long terme dans cette course mondiale vers la carboneutralité, il faudra que tout le monde mette la main à la pâte. Le gouvernement fédéral a son rôle à jouer, les provinces, les territoires et les municipalités aussi.

Je dirais que les provinces prennent des mesures pour faire avancer la politique climatique. Les secteurs de l’électricité et du bâtiment sont deux bons exemples que nous avons vus jusqu’à présent et où il y a de la place pour la croissance. Dans le secteur de l’électricité, nous avons assisté à l’abandon progressif du charbon en Alberta et en Ontario. Nous constatons également que la plupart des provinces développent leurs réseaux électriques en investissant massivement dans la production d’électricité sans émissions.

En ce qui concerne les bâtiments, je pense que la modification des codes du bâtiment est un moyen de s’assurer que les constructions de l’avenir ne dépendent pas de l’infrastructure des combustibles fossiles pour les décennies à venir.

Le sénateur Arnot : Je vous remercie.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Je souhaite vous parler d’un sujet plus d’actualité. Lundi dernier, le gouvernement a annoncé que le secteur du pétrole et du gaz devra réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 35 % sous les niveaux de 2019, et ce, avant 2030. Selon vous qui étudiez ces questions, cette mesure est-elle juste? Vous avez l’air de dire que cela prendra un ensemble de mesures. Que pensez-vous de cette mesure? On demande de réduire les émissions, mais pas la production. On recourt à la capture de carbone, qui n’est pas un moyen universellement accepté. À titre de comité consultatif, que pensez-vous de cette mesure face à vos longs rapports? Est-ce la bonne mesure pour arriver à atteindre nos objectifs?

[Traduction]

M. Donner : Je vous remercie de votre question très importante et opportune.

Le groupe consultatif a beaucoup travaillé sur les hydrocarbures, et pas seulement cette année. Dans les rapports annuels précédents, nous avons prodigué des conseils sur le secteur pétrolier et gazier.

La première chose que tout le monde doit reconnaître, ce sont tout simplement les données. Le secteur pétrolier et gazier est responsable d’environ 31 % des émissions du Canada, selon les dernières données disponibles. Ce qui est remarquable, c’est qu’il s’agit du seul grand secteur de l’économie dans lequel les émissions ont augmenté. Les émissions du Canada seraient inférieures de 16 % aux niveaux de 2005, et non de 8 %, si on ne tenait pas compte de ce secteur.

À mon avis, la raison pour laquelle le gouvernement fédéral et le groupe consultatif ont accordé tant d’attention au pétrole et au gaz découle du fait que l’absence de réductions absolues d’émissions dans ce secteur empêche actuellement le Canada d’atteindre ses objectifs et continuera à l’en empêcher.

C’est pourquoi le groupe consultatif est tout à fait d’accord pour dire qu’il faut faire davantage pour réduire les émissions du secteur et nous assurer que nous obtenons des réductions d’émissions absolues, et pas seulement des réductions par unité de production.

La sénatrice Miville-Dechêne : Mais s’agit-il de la bonne solution? Le gouvernement affirme qu’avec cette solution, la production continuera d’augmenter. Est-ce la bonne chose à faire?

M. Donner : Je vous dirais deux choses. Dans le rapport, notre groupe consultatif a proposé deux manières différentes de procéder : soit travailler en fonction des plafonds d’émissions proposés pour le secteur pétrolier et gazier, soit se conformer au système de tarification industrielle et élargir le programme des contrats sur différence pour le carbone.

Concernant les plafonds d’émissions pour le secteur pétrolier et gazier, si c’est l’option que vous choisissez, et le gouvernement semble pencher vers cette option, certains ajustements pourraient être apportés afin de rendre leur application plus rigoureuse et aussi efficace que possible.

L’un des défis, c’est qu’étant donné qu’il existe d’autres politiques visant à lutter contre les émissions de méthane, les réductions d’émissions de méthane qui se produiront pour d’autres raisons dans le secteur pétrolier et gazier pourraient mener à une plus grande disponibilité des crédits et ainsi compromettre l’efficacité de cette mesure.

À notre avis, cette voie pourrait être la bonne, mais la mise en œuvre doit se faire de manière rigoureuse. Nous avons d’ailleurs fourni plusieurs propositions à cet égard.

J’ajouterai une petite chose. Je pense qu’il est important que le Sénat et tous les Canadiens gardent à l’esprit que tous les rapports internationaux rédigés par des organismes tels que l’Agence internationale de l’énergie avertissent le Canada et la communauté internationale que dans le monde vers lequel nous nous dirigeons, où les pays visent une décarbonisation profonde, la demande de pétrole lourd diminue, en particulier la demande de produits canadiens.

Nous devons penser non seulement à la prochaine décennie, mais aussi à ce à quoi ressemblera le paysage dans 50 ans. L’un des conseils du groupe consultatif est de toujours nous assurer que nous pensons au long terme.

Le sénateur Cardozo : Merci aux témoins d’être ici.

J’ai eu la chance d’assister à la COP 16 sur la biodiversité la semaine dernière, en compagnie de la sénatrice Rosa Galvez. J’ai été frappé de voir qu’il y avait là 21 000 personnes qui en savaient beaucoup sur l’environnement, qui comprenaient la terminologie et les acronymes, et qui avaient un sens commun des vérités, mais beaucoup de gens dans le reste du monde ne le comprennent pas.

J’ai le sentiment que les écologistes sont en train de perdre le fil et que nous sommes allés loin dans l’acceptation de certaines vérités, et que nous en sommes arrivés à tous ces acronymes et à cette terminologie que le reste du monde ne comprend pas. Alors que vous pensiez avoir tout compris, voilà qu’apparaît l’information séquentielle numérique, ou ISN, qui est une question tout à fait différente sur laquelle je ne m’étendrai pas.

Pour le grand public qui nous regarde et qui n’en sait pas beaucoup sur l’environnement ou qui est quelque peu sceptique, j’aimerais revenir à la case départ et poser quelques questions de base sur ce dont nous parlons, puis j’aborderai la question de la carboneutralité.

Monsieur Donner, je vais vous demander de commencer. En ce qui concerne le carbone, nous parlons du dioxyde de carbone, qui est un élément essentiel de la planète Terre. Quand et où le carbone est-il bon, et quand est-il mauvais?

M. Donner : Merci de la question. J’ai l’impression d’être de retour à l’université aujourd’hui, alors c’est super.

Le sénateur Cardozo : Je parle de l’école secondaire ou de l’école primaire.

M. Donner : Le dioxyde de carbone est un élément naturel de la vie sur la planète. Tous les organismes et toutes les formes de vie sur la planète sont constitués de carbone. Mais comme d’autres éléments, trop de carbone au mauvais endroit peut être néfaste.

En gros, depuis la révolution industrielle, le monde prend le carbone qui est enfermé dans les réservoirs profonds de la planète et l’utilise pour extraire de l’énergie, sous la forme de combustibles fossiles. Ce faisant, il libère du carbone sous forme de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Il en résulte que les niveaux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère sont aujourd’hui 50 % plus élevés qu’ils ne l’étaient dans les années 1800.

La physique et la chimie fondamentales découvertes dans les années 1800 nous indiquent que plus il y a de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, plus la planète va se réchauffer. Il n’y a pas de controverse à ce sujet au sein de la communauté scientifique, car il ne s’agit pas d’une nouvelle forme de science. La science qui montre que le dioxyde de carbone affecte les changements climatiques s’appuie sur les principes fondamentaux de la physique et de la chimie. Pour que les scientifiques se trompent sur ce sujet, il faudrait en fait jeter tous les manuels de physique et de chimie du monde entier.

Le sénateur Cardozo : Vous parlez du réchauffement climatique. En hiver, nous avons des tempêtes insensées, et les gens rient et disent : « Et le réchauffement climatique? ». Comment expliquez-vous ces tempêtes en hiver et en été?

M. Donner : Un vieux dicton circule dans la communauté des chercheurs en météorologie et en climatologie : le climat est ce à quoi on s’attend et le temps est ce que l’on obtient. Ce que nous voulons dire par là, c’est que le terme « climat » fait référence à l’éventail moyen des conditions possibles à un endroit et à un moment donnés. Le temps qu’il fait est ce que l’on vit au jour le jour.

Même si le climat change, nous parlons essentiellement d’une propriété statistique selon laquelle la météo moyenne change au fil du temps. Sur une planète plus chaude, il y aura toujours une gamme d’expériences météorologiques. Il y aura donc toujours des journées froides, mais plus de journées chaudes. C’est la distribution des événements météorologiques qui changerait au fil du temps.

Nous aurons toujours des hivers, mais ils seront probablement plus chauds, et les étés seront probablement plus chauds. Nous en ressentirons les effets au fil du temps, comme c’est déjà le cas.

Le sénateur Cardozo : Est-ce la raison pour laquelle nous connaissons de nombreux phénomènes météorologiques extrêmes, des tempêtes hivernales aux incendies de forêt?

M. Donner : Absolument. À mesure que la planète se réchauffe, de nombreux phénomènes prévisibles se produisent. De toute évidence, nous nous attendons à voir davantage de vagues de chaleur. Nous nous attendons également à voir, en même temps que des vagues de chaleur, davantage de ce que les scientifiques appellent une météo d’incendies, c’est-à-dire des conditions météorologiques qui sont propices aux incendies de forêt qui se déclenchent à cause de la foudre, mais qui se propagent également et s’étendent de plus en plus.

Le sénateur Cardozo : J’ai encore quelques questions rapides, si vous le permettez. Qu’est-ce que les GES et quelles en sont les principales sources?

M. Donner : Il existe de nombreux acronymes dans le monde de la science du climat. GES signifie gaz à effet de serre. Le dioxyde de carbone est l’un des principaux gaz à effet de serre. Parmi les autres gaz à effet de serre, on trouve le méthane, qui provient de certaines activités industrielles, mais aussi de l’agriculture. Ce sont ces gaz qui peuvent entraîner le réchauffement de la planète. L’analogie que l’on entend parfois est que c’est comme si nous ajoutions une couverture à l’atmosphère. Ces gaz à effet de serre absorbent une partie du rayonnement et de l’énergie émis par la surface de la planète et les empêchent de s’échapper dans l’espace. Au lieu de cela, ils l’absorbent et en émettent une partie vers le bas. C’est de la physique élémentaire.

Le sénateur Cardozo : Merci.

La sénatrice McCallum : Merci de vos exposés.

Dans le rapport de septembre 2024 intitulé Combler l’écart : Atteindre la cible d’émissions du Canada pour 2030, on dit ceci : « Même avec une mise en œuvre idéale des politiques annoncées et l’atteinte des cibles sectorielles, le Canada n’atteindra pas sa cible pour 2030. » Et c’est en dépit de la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité.

Quelles sont les raisons pour lesquelles le Canada n’est pas à la hauteur? Si l’industrie pétrolière refuse de réduire sa production, ce qu’elle a fait, et si elle investit dans l’intelligence artificielle pour augmenter cette production — lorsque nous sommes allés en Alberta, nous avons vu les machines qui ne seront pas conduites par des humains. Elles fonctionneront 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et augmenteront réellement la production. Quel sera l’impact sur les solutions et les conseils? Comment pensez-vous que ces conseils — fondés sur des valeurs et des principes pour guider une action progressive vers un changement transformateur — modifieront d’une manière ou d’une autre le comportement des industries qui ont un souci d’économie?

M. Donner : Je vous remercie. Je suppose que cette question s’adressait à moi. Je vous remercie, madame la sénatrice.

Pour répondre à la première partie de votre question, sachez que le Canada a pour objectif d’atteindre une réduction de 40 à 45 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030. Parmi toutes les politiques déjà planifiées et mises en œuvre, ou qui ont été annoncées et mises en place, la modélisation du gouvernement montre qu’il pourrait obtenir une réduction de 36 %, ce qui est proche de l’objectif, mais ne l’atteint pas tout à fait.

Le ministre nous a demandé comment nous allions combler cet écart et obtenir ces quelques points de pourcentage supplémentaires. C’est vraiment l’essentiel des conseils contenus dans notre rapport 2030, sur lequel nous avons travaillé avec l’Institut climatique du Canada.

Je pense qu’il est important de déterminer comment il convient d’interpréter la modélisation du gouvernement. Pour obtenir cette réduction de 36 %, il faudrait que toutes les politiques soient finalisées et mises en œuvre. Comme l’a mentionné ma collègue, la mise en œuvre en temps voulu a été l’un des obstacles. Toutes ces mesures devraient être mises en œuvre et fonctionner exactement comme prévu. Je pense que nous savons tous que, quelle que soit la qualité de la conception d’une politique, il arrive qu’elle n’ait pas tout à fait l’impact que l’on avait nécessairement prévu — elle en a parfois plus et parfois moins.

Nos conseils portaient non seulement sur la manière de combler l’écart entre la modélisation du gouvernement et son objectif, mais aussi sur la manière de s’assurer que les politiques mises en place et annoncées permettront effectivement d’atteindre les objectifs fixés par la modélisation.

La Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité est utile, car elle indique au Canada que nous ne nous contentons pas d’atteindre l’objectif de 2030. En effet, nous veillons également à dépasser cet objectif et à atteindre l’objectif à long terme, soit l’atteinte de la carboneutralité. Cela signifie également que le gouvernement dispose de groupes comme le Groupe consultatif pour la carboneutralité. Il s’agit d’une entité externe qui lui prodigue des conseils sur la manière de s’assurer qu’il parvient à réaliser ses objectifs. C’est la meilleure réponse que je puisse vous fournir.

En ce qui concerne la question de la production de pétrole et de gaz, comme nous le savons tous ici, les émissions associées au secteur du pétrole et du gaz et la manière dont la comptabilité est effectuée, proviennent de la production, et évidemment non pas de la combustion du pétrole et du gaz. Il est possible de réduire les émissions liées à la production de pétrole et de gaz, même si l’on en produit davantage. C’est ce que prévoit le secteur, mais cela nécessite de réels investissements. Le problème, à ce jour, est que les efforts de réduction des émissions liées à la production n’ont pas été suffisants. Il y a eu des réductions des émissions par baril, mais ce n’est pas suffisant. Nous avons besoin de réductions absolues. Il existe des moyens d’y parvenir. L’industrie parle de mettre en œuvre des méthodes de captage et de stockage du carbone. Cette solution n’est pas parfaite. Cela ne permettra pas de capter chaque molécule de dioxyde de carbone et de l’enfouir dans le sol pour toujours. En revanche, il existe des réglementations supplémentaires, comme les réglementations sur le méthane qui, nous l’espérons, pourront avoir un impact.

Je dirai que dans nos conseils, nous poussons le gouvernement à renforcer la mise en œuvre du plafond d’émissions pour le pétrole et le gaz afin de s’assurer qu’il fonctionne aussi bien que possible.

La sénatrice McCallum : Je souhaite examiner la manière dont vous avez préconisé le passage à l’électricité et la recommandation de véhicules électriques. Pourtant, aucune étude n’a été réalisée pour s’assurer que cela est réellement réalisable.

J’ai regardé des voitures la semaine dernière. Les véhicules fiables n’existent pas encore. La batterie de la voiture qui m’intéressait coûtait 20 000 $. Tous les ménages n’auront pas accès à des prises électriques, car il n’y en a que quatre par rue, sous peine de faire sauter les circuits.

Pourquoi prôner le recours à l’électricité comme solution?

M. Donner : Merci. C’est une question importante. Elle comporte deux aspects. Tout d’abord, en ce qui concerne les véhicules, pourquoi recommande-t-on les véhicules électriques? Parce qu’il a été prouvé qu’il nous faut trouver un moyen de cesser l’utilisation de carburants liquides qui contribuent aux émissions de CO2 dans l’atmosphère. La meilleure technologie disponible pour y parvenir est l’électrification des véhicules.

On peut dire la même chose du chauffage et de la climatisation dans une grande partie du Canada, mais pas partout au Canada, où la meilleure solution pour le chauffage et la climatisation serait de faire la transition du gaz naturel à l’électricité. C’est un aspect de la question.

D’un autre côté, il y a des conséquences pour le système électrique. Nous devons augmenter la production d’électricité au pays. Selon certaines estimations, il faudrait potentiellement doubler la production d’électricité d’ici 2050 en raison de l’augmentation de la population et de la demande d’électrification.

Nous ne parlons pas beaucoup de ces détails dans les rapports, mais c’est un sujet sur lequel nous nous sommes penchés séparément pour nos recommandations dans les années précédentes. Comment faire en sorte que les provinces communiquent entre elles? Comment assurer une meilleure communication entre les exploitants de réseaux électriques? Il y a beaucoup de travail à faire dans ce domaine au Canada. Le plan du gouvernement concernant la réglementation sur l’électricité propre est un moyen d’encourager le Canada dans cette direction.

En ce qui concerne les véhicules, je suis d’accord avec vous pour dire qu’il est évident — les signes sont là partout dans le monde — que les véhicules électriques représentent l’avenir du transport de passagers. À l’heure actuelle, le défi du Canada ne consiste pas seulement à établir un mandat pour dire, « Vous ne vendrez que des véhicules électriques à zéro émission d’ici une telle année ». Nous avons également besoin d’avoir en place toutes les politiques complémentaires pour nous assurer que ces véhicules seront abordables et disponibles et que la recharge sera disponible au Canada. C’est la raison derrière la recommandation sur la réduction de l’écart par rapport à l’objectif de 2030. Il ne s’agit pas seulement de fixer un mandat pour la vente de véhicules, mais d’aussi considérer toutes les politiques complémentaires.

À l’heure actuelle, cela dépend beaucoup de la province dans laquelle vous vous trouvez. Par exemple, en Colombie-Britannique, il est beaucoup plus facile d’acquérir un véhicule électrique grâce à la politique provinciale.

Le sénateur D. M. Wells : Merci aux témoins de leur présence.

Monsieur Donner, dans votre exposé, vous avez indiqué que le Canada est l’un des pires émetteurs au monde. Vous avez mentionné le chiffre par habitant. J’ai toujours contesté cette donnée parce que notre pays a une petite population par rapport à d’autres pays plus peuplés et dont les émissions absolues sont beaucoup plus élevées.

Je voudrais vous demander à quel point la situation du Canada est mauvaise. Je comprends l’utilisation du chiffre par habitant. Cependant, la Chine possède 1 200 centrales au charbon et plus de 300 sont en construction. Les États-Unis comptent 214 centrales au charbon et d’autres sont en cours de construction. De plus, ce chiffre sera probablement beaucoup plus élevé compte tenu de la tournure récente des événements aux États‑Unis. L’Inde compte près de 300 centrales au charbon. Le Canada en a huit.

Étant originaire de Terre-Neuve-et-Labrador et ayant déjà travaillé comme responsable de la réglementation environnementale pour les émissions extracôtières, je veux souligner que les émissions extracôtières provenant de Terre-Neuve-et-Labrador sont insignifiantes par rapport aux émissions du secteur pétrolier et gazier au Canada.

Je comprends l’intention derrière l’utilisation des émissions par habitant. Lorsque c’est plus pratique de le faire, vous semblez parler d’émissions absolues. Le Canada affiche moins de 1,5 % des émissions mondiales, et ce chiffre ne fait que diminuer que parce que d’autres augmentent.

Pouvez-vous nous parler de ces chiffres et nous dire en quoi ils confirment le fait que le Canada se classe parmi les pires pays au monde? Vous avez dit que nous faisions partie des 10 pires pays. Je suppose que dans ces 10 régions, on retrouve l’Union européenne, qui compte 27 pays, qui ne sont pas pris en compte dans ce calcul.

M. Donner : Non, j’apprécie le commentaire et la question. Essentiellement, le Canada figure dans les 10 premiers pays dans deux catégories. Nous sommes parmi les 10 premiers par habitant. Nous sommes aussi dans les 10 premiers en matière d’émissions totales. C’est une façon de voir les choses. Il s’agit uniquement des émissions totales. Nous sommes l’un des plus petits pays du monde en termes de population; vous avez raison sur ce point. Nous ne devrions donc pas figurer parmi les 10 premiers émetteurs mondiaux pour ce qui est des émissions totales, et pas seulement pour les émissions par habitant.

Premièrement, il faut noter que nos émissions par habitant sont beaucoup plus élevées que celles de la Chine. Il faudrait que je vérifie les données, mais je crois que nos émissions par habitant sont deux à trois fois plus élevées que celles de la Chine. Nos émissions par habitant sont également plus élevées que celles des États-Unis, n’est-ce pas? Le fait est qu’en tant que Canadiens, nous sommes responsables du problème de manière disproportionnée, personne par personne. En ce qui concerne les émissions totales, notre responsabilité est disproportionnée compte tenu de la population du Canada. Il n’y a pas de réel désaccord à ce sujet. Les chiffres sont assez clairs.

Deuxièmement, vous avez raison : le Canada demeure un petit pays et ne représente que 1,5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

Je ne pense pas que l’un de nos collègues membres du groupe consultatif dirait que c’est une raison pour ne pas agir. Pourquoi allons-nous voter ? Les gens votent parce qu’il s’agit d’un enjeu collectif, n’est-ce pas? Il s’agit d’un défi collectif. Le Canada doit participer.

L’argument concernant le charbon est vraiment crucial par rapport à ce que vous dites. Le Canada dispose d’un réseau électrique à très faibles émissions. Il s’agit là d’un avantage potentiel considérable pour notre pays à l’avenir. Le Canada pourrait être un chef de file dans le domaine de l’électrification de l’économie, n’est-ce pas?

Cela nous donne une réelle occasion de gagner l’un de ces marchés du futur carboneutres ou à faibles émissions de carbone, dotés de véhicules électriques et de systèmes de chauffage et de refroidissement électriques, parce que nous avons le potentiel de produire une très grande quantité d’électricité propre.

Il ne s’agit pas seulement de réduire nos émissions. Cela concerne également les questions posées précédemment. Nos conseils ne concernent pas seulement les émissions. Ils concernent l’économie, l’emploi et l’abordabilité. Les mesures que nous suggérons sont bonnes pour le Canada, non seulement parce qu’elles vont réduire notre contribution au changement climatique, mais aussi parce qu’elles aideront le Canada à s’adapter à la voie dans laquelle le monde entier s’engage, à savoir la voie vers un système énergétique à faibles émissions de carbone.

Le sénateur D. M. Wells : Je vous remercie de vos réponses. Lorsque j’ai posé ma question et formulé mon observation concernant les émissions par habitant, vous avez mis directement l’accent sur les émissions par habitant, dans votre réponse, afin d’étayer votre affirmation. Vous avez aussi mentionné l’emploi et l’abordabilité, et c’est là où je voulais en venir ensuite.

Je voudrais m’adresser à Mme Kanduth à ce sujet. Je sais que vous êtes la directrice de l’initiative 440 mégatonnes, mais au cours d’une réunion du comité antérieure, nous avons posé les questions suivantes : « Qu’est-ce qu’il en coûtera aux Canadiens? Quel sera le coût de ce projet de réduction des émissions pour les Canadiens? ».

On nous a dit que son coût s’élèverait à 2 000 milliards de dollars. Cela aura évidemment un effet sur l’abordabilité. Il s’agit d’un projet coûteux pour le Canada, qui est un faible émetteur absolu. Avez-vous des observations à formuler à propos du rapport coûts-avantages de ce projet de réduction des émissions pour un pays dont l’empreinte carbone est très faible?

Mme Kanduth : Oui, je vais également répéter certaines des observations du professeur Donner. Il y a deux éléments à prendre en considération en ce moment.

En ce qui concerne la question de l’abordabilité, l’analyse menée par l’Institut climatique du Canada a montré que l’adoption de systèmes énergétiques à faibles émissions de carbone peut permettre aux Canadiens d’économiser de l’argent au fil du temps. Nous savons que les ménages à faible revenu auront évidemment du mal à adopter des appareils comme les véhicules électriques et les thermopompes, mais en apportant un soutien à ces ménages, les Canadiens pourront économiser de l’argent. La transition présente des avantages en matière d’abordabilité.

Pour reprendre les propos du professeur Donner, nous faisons face à une transition énergétique mondiale, et le Canada a un choix à faire. Nous pouvons soit prendre du retard pendant cette transition et courir des risques à long terme considérables pour l’économie canadienne, soit prospérer pendant cette transition en commençant dès maintenant à réfléchir à la manière dont le Canada peut bénéficier d’un avantage concurrentiel dans le cadre de cette transition énergétique mondiale.

Nous n’avons pas étudié les répercussions économiques en particulier dans le cadre de l’analyse intitulée Combler l’écart. Cela ne faisait pas partie de notre travail, mais c’est une bonne question.

Le sénateur D. M. Wells : Je vous remercie de vos réponses.

La sénatrice Galvez : Je remercie nos témoins d’avoir accepté de comparaître ce matin pour répondre à nos questions.

Ma première question porte davantage sur la compréhension de votre relation avec le gouvernement et sur la manière dont le gouvernement répond à vos recommandations. J’aurai ensuite une autre question plus précise à vous poser au sujet du méthane.

Professeur Donner, le budget carbone fait l’objet de discussions de la part des scientifiques depuis 10 ans, voire plus longtemps, mais les gouvernements ne l’entendent pas de cette oreille. Ils se concentrent sur le dénombrement des émissions, et non sur le carbone total.

Plus important encore, vous conseillez le gouvernement, mais vous le conseillez en fonction des décisions qui ont été prises précédemment. Par exemple, le gouvernement a décidé d’acheter un pipeline pour favoriser l’exploitation des sables bitumineux, de sorte que lorsque nous devrons produire du pétrole, celui-ci sera acheminé vers mon collègue de Terre-Neuve, où l’empreinte carbone est beaucoup plus faible que celle de la région des sables bitumineux.

Lorsqu’on vous demande de donner des conseils, les conditions de départ sont fixées par le gouvernement. Comment cela fonctionne-t-il? Le gouvernement entend-il vos conseils?

M. Donner : Je vous suis très reconnaissant de votre question.

Tout d’abord, j’évoquerai la manière dont nous choisissons les sujets sur lesquels nous travaillons. Ce choix comporte deux aspects.

Le premier, c’est que nous disposons de sujets d’enquête que le Groupe consultatif sur la carboneutralité peut définir au cours de l’année, de sorte que nous pouvons choisir les sujets sur lesquels nous travaillerons. Voilà pourquoi, ces dernières années, nous nous sommes concentrés sur les systèmes énergétiques carboneutres du futur, sur la gouvernance et sur la politique industrielle. Il s’agit là de nos propres choix.

En même temps — et c’est inscrit dans la loi —, le ministre peut nous poser des questions. L’année dernière, nous avons passé le plus clair de notre temps à répondre à deux questions : quels conseils nous donneriez-vous au sujet de la cible de 2035, et comment pouvons-nous combler l’écart qui nous sépare de l’objectif 2030?

Dans une certaine mesure, il n’y a pas beaucoup de sujets sur lesquels nous pouvons travailler à un moment donné, et c’est donc là que nous avons concentré notre énergie au cours de l’année écoulée. C’est ainsi que nous choisissons ce sur quoi nous allons travailler.

Le deuxième aspect est bien sûr le suivant : le gouvernement tient-il compte de ces conseils? Comme nous le savons tous d’après la loi, le gouvernement doit légalement répondre à nos conseils. Dans les 120 jours suivant la présentation du conseil, le gouvernement doit y répondre.

Lorsque nous comparons les réponses précédentes aux conseils donnés, nous constatons que le gouvernement suit certains d’entre eux, mais peut-être pas complètement, et que d’autres éléments ne sont pas nécessairement suivis. Je dirais qu’en général, cela tient en grande partie au fait qu’il signale ce qu’il sait à l’avance. Si nous suggérons une mesure qui n’a pas été planifiée, il sera très difficile pour le gouvernement de suivre ce conseil. C’est simplement une question de réalisme.

En outre, je dirais qu’en ce qui concerne les conseils concernant le budget carbone et ces rapports en particulier, c’est le plus d’intérêt que nous avons vu le gouvernement manifester jusqu’à maintenant, et je ne veux pas dire le cabinet du ministre parce qu’il fait ce qu’il est obligé de faire — je veux dire d’autres parties du gouvernement. Le ministère concerné, mais aussi d’autres ministères et d’autres parties du gouvernement nous posent des questions au sujet de ces conseils particuliers.

La sénatrice Galvez : Je vous remercie de vos réponses. Il me reste à poser ma deuxième question qui porte sur le méthane.

Pour compléter l’éducation du public, je précise que, si l’on compare le CO2 au méthane, on constate que le méthane est 80 fois plus puissant en tant que gaz à effet de serre, et il a un effet très néfaste sur le réchauffement climatique.

Le méthane est une cible facile à laquelle nous devrions nous attaquer, car le méthane est une source de gaz à effet de serre ponctuelle, et nous le savons compte tenu du méthane qui provient des gaz d’échappement des exploitations pétrolières et gazières, mais aussi des sites d’enfouissement et, bien sûr, des terres agricoles. Pourquoi ne déployons-nous pas assez d’efforts pour lutter contre le méthane? Nous savons depuis toujours que le méthane est plus puissant et qu’il peut être neutralisé ou réutilisé.

Au Québec, nous avons deux biométhaniseurs qui traitent nos déchets agricoles et nos eaux usées, ce qui nous a permis de résoudre ce problème particulier. Pourquoi ne le faisons-nous pas à l’échelle nationale?

M. Donner : Je dirai deux choses à propos de l’échelle nationale : les principales sources de méthane au Canada sont les fuites de l’industrie pétrolière et gazière, les fuites des anciens puits, les émissions provenant des sites d’enfouissement et les sources agricoles de gaz à effet de serre qui sont, il est vrai, plus difficiles à traiter.

Les fuites de méthane provenant des sites d’enfouissement et les émissions du secteur pétrolier et gazier sont très faciles à régler, et c’est l’une des raisons pour lesquelles nous encourageons le gouvernement à hausser l’objectif de réduction des émissions de méthane du secteur pétrolier et gazier à 80 % par rapport aux niveaux de 2012, d’ici l’année 2030.

Pourquoi cela ne se produit-il pas? Une grande partie de la logistique consiste à savoir si le gouvernement fédéral ou la province applique réellement la réglementation, mais il s’agit là de la cible la plus facile de la politique climatique canadienne. Je suis entièrement d’accord avec vous. La réduction du méthane est tout à fait faisable. Dans de nombreux cas, l’origine du méthane est inégalement répartie. Si l’on s’attaque aux quelques sources de méthane du secteur pétrolier et gazier qui sont responsables de la plupart des fuites, nous pourrions accomplir beaucoup de choses. Pour ce faire, il faudra que les gouvernements provinciaux — en particulier celui de l’Alberta et un peu celui de la Saskatchewan — soient vraiment disposés à travailler avec le gouvernement fédéral à cet égard, car les gouvernements provinciaux assurent une partie de l’application de la réglementation.

La sénatrice Galvez : Je vous remercie de vos réponses.

[Français]

La vice-présidente : Si je peux me permettre, monsieur Donner, dans votre rapport, vous proposez de réduire progressivement la vente de nouveaux appareils et d’appareils de remplacement de chauffage et de refroidissement à combustible fossile dans les bâtiments résidentiels et commerciaux en 2030 au plus tard. Avez-vous évalué les impacts économiques potentiels de cette proposition sur les entreprises, les commerçants, les consommateurs et les contribuables canadiens?

[Traduction]

M. Donner : Je vous remercie de votre question.

Nous ne l’avons pas fait directement, mais nous l’avons fait indirectement dans le cadre de la modélisation réalisée avec l’Institut climatique du Canada.

Je tiens à préciser en quoi consiste le conseil et en quoi il ne consiste pas. Nous ne soutenons pas que nous devrions commencer à interdire la vente d’appareils de chauffage et de refroidissement à combustible fossile dès demain. Nous avons conseillé au gouvernement de commencer au plus tard en 2030 à réduire progressivement la vente de ces appareils. Ce n’est pas la même chose que de dire « Arrêtez de faire quelque chose immédiatement ». Et il y a une raison particulière pour laquelle nous donnons ce conseil.

Nous devons signaler les possibilités aux Canadiens et en particulier à l’industrie. Il existe un énorme potentiel de développement industriel pour les Canadiens dans le domaine de l’élaboration de thermopompes électriques, et pas seulement du point de vue de l’élaboration et de la vente de ces thermopompes. Il y a aussi la question de l’installation de ces pompes. Il n’y a pas assez d’installateurs dans notre pays. Si vous parlez à des gens qui construisent des maisons et travaillent dans l’industrie de la construction carboneutre, ils vous diront : « Nous avons simplement besoin de suivre davantage de cours de formation; nous aimerions entreprendre un plus grand nombre de projets de ce genre ».

Ce conseil porte autant sur la réduction des émissions que sur le développement de l’industrie de l’avenir. Nous voulons que le gouvernement signale que c’est la voie dans laquelle le Canada s’engage à long terme. Nous devrons suivre cette voie d’une manière ou d’une autre. Soyons honnêtes à ce sujet et disons-le à tout le monde dès maintenant, afin que nous puissions commencer à planifier l’avenir.

[Français]

La vice-présidente : Je vous remercie.

Avez-vous évalué dans quelle proportion cette mesure pourrait réduire les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030? La cible du gouvernement prévoit une baisse de 40 à 45 %.

[Traduction]

Mme Kanduth : Dans le cadre de la présente analyse, nous n’avons pas attribué de résultats en matière de réduction des émissions aux différentes politiques climatiques. Nous avons effectué cette analyse plus tôt dans l’année pour un autre ensemble de politiques qui n’incluait pas cette réglementation du secteur du bâtiment. En raison du calendrier de mise en œuvre de la politique, celle-ci n’aurait qu’un effet minime sur les réductions d’émissions en 2030. Toutefois, pour donner suite à l’argument du professeur Donner, il s’agit de préparer le Canada à ces réductions d’émissions à plus long terme, en reconnaissant que les systèmes de chauffage ont des durées de vie très longues. Il s’agit d’un stock de capital qui se renouvelle lentement. Lors du remplacement de ces systèmes, si un ménage installe un nouveau système de chauffage doté d’une thermopompe, cela permettra de garantir que nous n’installerons pas encore ces systèmes de chauffage pendant les 15 à 20 prochaines années. Il s’agit en fait de réductions d’émissions plus substantielles et à plus long terme.

[Français]

Le sénateur Moreau : J’ai constaté dans votre rapport que vous concluez que les mesures qui sont mises en place... La question s’adresse peut-être davantage à Mme Kanduth, qui a abordé la question du temps nécessaire pour mettre en place les nouvelles mesures que vous estimez essentielles. On est à six ans de l’objectif de 2030 et on sait que les mesures actuelles sont insuffisantes. Vous parlez d’une série de mesures additionnelles qui sont nécessaires pour atteindre ces cibles.

En présumant que la volonté politique existe, est-ce que vous avez évalué le temps nécessaire pour mettre en œuvre les mesures additionnelles que vous proposez et qui, à mon point de vue, relèvent à la fois de la compétence du fédéral et, pour bien des mesures, notamment la question du transport, des provinces?

Est-ce que vous avez dans votre étude une évaluation approximative du temps nécessaire pour mettre en place les mesures additionnelles sur le plan législatif ou réglementaire?

[Traduction]

Mme Kanduth : Je vous remercie de votre question. Tout d’abord, je reconnais que la majorité des réductions d’émissions nécessaires pour atteindre la cible de 2030 découleront soit de politiques déjà en place, soit du renforcement de politiques déjà en place. La majeure partie des réductions d’émissions provient de l’architecture des politiques existantes, et la dernière partie des réductions d’émissions proviendrait de ces nouvelles politiques.

Bien entendu, tout retard dans la mise en place de nouvelles politiques élargira l’écart à combler pour atteindre la cible de 2030 du Canada et rendra ces objectifs plus difficiles à atteindre. Il est vraiment urgent que tous les ordres de gouvernement fassent avancer la mise en œuvre des politiques. Nous n’avons pas examiné cet aspect particulier de la question, car il y a différents délais de mise en œuvre pour différentes politiques. Toutefois, le rapport que nous avons préparé pour le Groupe consultatif sur la carboneutralité comporte une annexe qui indique quand nous nous attendons à ce que ces politiques soient mises en place. Par exemple, dans le cas du plafonnement des émissions du secteur pétrolier et gazier, nous nous basons sur ce qu’a dit le gouvernement fédéral, à savoir qu’il commencerait en 2026, et le calendrier des différentes politiques variera en fonction de ce que nous avons modélisé. Là encore, je reviens sur le fait qu’il est vraiment urgent de mettre en œuvre les politiques, et que tout retard mettra en péril l’atteinte de ces objectifs.

[Français]

Le sénateur Moreau : Dans les mesures additionnelles dont vous parlez, pour votre cinquième conseil, je vois que l’opposition à la mise en place de mesures additionnelles est basée notamment sur des questions d’économie, c’est-à-dire que les gens qui travaillent, par exemple, dans le secteur du pétrole et du gaz ne veulent pas perdre leur emploi demain parce qu’on met en place de nouvelles mesures.

Est-ce qu’il y a une raison pour laquelle vous ne suggérez aucune mesure relative à la requalification de la main-d’œuvre qui travaille dans le secteur du pétrole et du gaz? Et est-ce que la mise en place de mesures ou de crédits supplémentaires pour la requalification de cette main-d’œuvre ne serait pas une bonne mesure à mettre en place pour faciliter l’acceptabilité des mesures additionnelles et le retrait des opérations liées au pétrole et au gaz?

[Traduction]

M. Donner : Je vous remercie de votre observation, et je l’approuve entièrement. La simple raison pour laquelle cela ne figure pas dans le rapport, c’est que le rapport est conçu précisément pour présenter ce qui peut être fait pour réduire l’écart en matière d’émissions. Mais dans les rapports annuels précédents, c’est exactement le conseil que nous avons donné lorsque nous nous sommes concentrés sur le secteur pétrolier et gazier. Nous avons notamment mis l’accent sur les transitions professionnelles et la formation axée sur les compétences. Le groupe consultatif appuie votre argument.

La sénatrice Robinson : J’adresse ma question au professeur Donner. En 2021, le Canada était le douzième plus grand émetteur de gaz à effet de serre du monde, lesquels représentaient 1,4 % des émissions mondiales. En 2022, le Canada a exporté des produits dont la valeur totalisait 587 milliards de dollars, ce qui en faisait le neuvième pays exportateur en importance à l’échelle mondiale. Comment peut‑on concilier le fait que le Canada soit l’un des plus grands exportateurs du monde et qu’il soit également l’un des plus grands émetteurs du monde? Le fait qu’on nous félicite pour notre économie axée sur les exportations, tout en dénonçant le fait que nous sommes l’un des principaux contributeurs aux émissions de gaz à effet de serre, me semble presque ironique.

M. Donner : Eh bien, je formulerai deux observations à ce sujet. Premièrement, pour être clair, je précise que, selon les données les plus récentes, le Canada est en dixième position à l’échelle mondiale en ce qui concerne ses émissions totales. Cela représente plus d’émissions totales que le Mexique et plus d’émissions totales que l’Allemagne, qui sont beaucoup plus populeux.

Pourquoi sommes-nous une source importante d’émissions de gaz à effet de serre? Eh bien, c’est en raison de la nature de notre économie et de la taille de notre pays, mais aussi parce que nous avons tardé à agir et que d’autres pays ont pris de l’avance sur nous en tentant de résoudre ce problème. Nous pouvons continuer d’avoir une économie axée sur les exportations tout en réduisant nos émissions. Cela ne pose pas de problèmes. Cependant, il faut réfléchir aux industries de l’avenir qui aideront le Canada à réduire ses émissions de gaz à effet de serre, tout en reconnaissant que le monde entier s’oriente vers la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Une grande partie de nos conseils sont axés non seulement sur la réduction des émissions, mais aussi sur la nécessité de veiller à ce que le Canada soit compétitif à l’avenir. Nous craignons que si nous continuons de faire tout ce que nous avons toujours fait dans le passé, nous ne manquions de nombreuses perspectives d’avenir.

Voilà pourquoi nos conseils de l’année dernière — et vous en verrez d’autres dans les mois à venir — mettaient beaucoup l’accent sur la politique industrielle et sur la nécessité de garantir que nous investissons dans les bons domaines à l’avenir.

La sénatrice Robinson : Quand je vois les statistiques sur les émissions d’autres pays, j’essaie inévitablement de concilier le fait que le Canada, qui fournit au monde quantité de biens dont il a besoin, doit assumer ce coût des GES parce qu’il est riche en ressources naturelles et qu’il a la capacité de le faire. C’est notre obligation. En tant que Canadiens, c’est notre honneur, notre devoir et notre privilège de produire pour le monde. Je pense néanmoins que nous ne réconcilions pas vraiment les choses, et que nous n’attribuons pas les émissions au consommateur. Je trouve cela ironique, car nous continuons... En agriculture, vous savez, nos émissions sont stables depuis 20 ans, alors que notre production a doublé. Considérant l’intensification et la productivité accrue avec le même nombre d’intrants, j’ai l’impression que nous ne reconnaissons et ne récompensons pas à leur juste valeur les efforts de ces secteurs de notre économie et que nous ne les incitons pas à en faire encore plus.

M. Donner : Je ne suis pas nécessairement en désaccord avec vous sur ce point. Je vous conseille simplement de ne pas vous concentrer uniquement sur un côté de l’équation, car si l’on regarde les exportations, il faut aussi tenir compte des importations. Nous importons également beaucoup de biens qui produisent des émissions dans d’autres pays. Les méthodes traditionnelles de comptabilisation des gaz à effet de serre sont uniquement fondées sur les émissions nationales. C’est d’ailleurs l’aspect sur lequel le Groupe consultatif pour la carboneutralité est légalement censé se concentrer : les émissions à l’intérieur du Canada.

Il existe une méthode de comptabilisation basée sur la consommation. Elle est utilisée par des chercheurs dans le monde entier. Au Canada, si l’on utilise cette méthode et que l’on tient compte à la fois des exportations et des importations, sur le plan des émissions, les deux s’équilibrent en quelque sorte. Je comprends votre argument, et je ne veux pas être en désaccord avec votre propos, mais il faut aussi penser à nos importations et aux émissions qu’elles génèrent ailleurs dans le monde. Je vous encourage simplement à considérer les deux côtés.

La sénatrice Robinson : Pouvez-vous fournir cette comptabilisation?

M. Donner : Je ne l’ai pas consultée depuis un certain temps, mais je pourrais le faire, certainement.

La sénatrice Robinson : Très bien. Si vous pouviez la transmettre à la greffière, ce serait formidable. Merci.

Le sénateur Cardozo : Merci, chers collègues, de me permettre de poser une autre question. Monsieur Donner, j’ai remarqué que la luminosité a changé derrière vous depuis que vous avez commencé. De toute évidence, vous avez commencé à 6 heures du matin alors qu’il faisait noir à Vancouver, et nous vous en sommes très reconnaissants.

J’ai une brève question pour terminer. Elle résume la discussion que nous avons eue aujourd’hui. Cela se rapporte à votre organisme consultatif. La carboneutralité... qu’est-ce que c’est?

M. Donner : Je vous remercie de la question. La carboneutralité signifie que nous n’ajoutons pas de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Cela signifie que les émissions d’origine anthropique moins l’élimination attribuable à l’activité humaine sont égales à zéro. Par exemple, lorsque nous réduisons les émissions, mais sans les réduire complètement, nous pouvons prendre d’autres mesures, notamment la plantation d’arbres, pour éliminer le dioxyde de carbone de l’atmosphère et ainsi compenser les émissions restantes. L’idée de carboneutralité n’est pas de l’écoblanchiment, comme beaucoup peuvent le croire. C’est littéralement ce que conseille la communauté scientifique : les gouvernements du monde devraient viser à atteindre la carboneutralité.

Le sénateur Cardozo : [Difficultés techniques] des émissions, mais net, ce serait zéro?

M. Donner : Oui.

La vice-présidente : Je vous remercie.

[Français]

Vos interventions seront prises en considération par les sénateurs.

Pour notre deuxième groupe de témoins, nous accueillons M. Vincent Ngan, sous-ministre adjoint, Direction générale des changements climatiques, et Mme Judy Meltzer, sous-ministre adjointe déléguée, Direction générale de la protection de l’environnement, Environnement et Changement climatique Canada.

[Traduction]

Bienvenue. Merci de votre présence. Vous avez cinq minutes pour votre déclaration liminaire. La parole est à vous, monsieur Ngan.

Vincent Ngan, sous-ministre adjoint, Direction générale des changements climatiques, Environnement et Changement climatique Canada : Madame la présidente, honorables membres du comité sénatorial, bonjour.

[Français]

Ma collègue Judy Meltzer, sous-ministre adjointe déléguée, Direction générale de la protection de l’environnement, et moi sommes très heureux d’être ici aujourd’hui pour vous parler des deux récents rapports du Groupe consultatif pour la carboneutralité au sujet de la budgétisation carbone pour l’objectif 2035 du Canada et des stratégies visant à combler l’écart par rapport à l’objectif de réduction des émissions du Canada pour 2030. Je tiens également à remercier le Groupe consultatif pour la carboneutralité et l’Institut climatique du Canada pour leur engagement envers ces enjeux et pour leur présence ici ce matin.

[Traduction]

Tout d’abord, je tiens à reconnaître que je m’adresse à vous depuis le territoire traditionnel, non cédé et non abandonné du peuple algonquin Anishinabe. Nous honorons la relation durable des peuples algonquins avec ces terres et exprimons notre gratitude pour leur garde.

Comme beaucoup d’entre vous le savent, le Groupe consultatif pour la carboneutralité a été créé en vertu de la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, avec le mandat de fournir des conseils indépendants et spécialisés au ministre de l’Environnement et du Changement climatique sur la façon dont le Canada peut atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Le groupe consultatif offre une perspective précieuse et indépendante, et contribue à façonner les politiques climatiques du Canada.

Dans son rapport intitulé Combler l’écart : atteindre l’objectif de réduction des émissions du Canada pour 2030, le groupe consultatif présente des recommandations pour aider le Canada à atteindre son engagement de réduire ses émissions de 40 à 45 % sous les niveaux de 2005 d’ici 2030. Ce rapport répond à une demande du ministre de l’Environnement et du Changement climatique, cherchant des conseils sur des mesures supplémentaires pour appuyer nos efforts vers l’atteinte de nos objectifs pour 2030. Bien que le Plan de réduction des émissions du Canada pour 2030, publié en mars 2022, établisse une feuille de route exhaustive avec des mesures propres à chaque secteur, y compris des mesures fédérales dans les domaines des transports, du pétrole et du gaz, des industries lourdes, de l’agriculture, du bâtiment et des déchets, les données récentes indiquent qu’une accélération accrue est nécessaire pour atteindre nos cibles. Le rapport du groupe consultatif souligne le besoin de collaboration entre les divers ordres de gouvernement, les partenaires autochtones et la société civile, ainsi que le rôle de l’innovation et des technologies propres pour combler l’écart et atteindre nos objectifs pour 2030.

[Français]

Le second rapport, Des résultats pour le climat : budget carbone et cible du Canada pour 2035, fournit des recommandations sur l’établissement du budget carbone afin d’assurer une approche structurée et transparente pour réduire les émissions, ce qui sera essentiel pour fixer l’objectif du Canada pour 2035. Le Groupe consultatif pour la carboneutralité souligne que les budgets carbone peuvent servir d’outils essentiels pour la reddition de comptes et pour l’évaluation des progrès au fil du temps. Leurs perspectives éclaireront le gouvernement dans notre travail en vue d’établir l’objectif de 2035 du Canada d’ici le 1er décembre 2024.

En vertu de la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, des objectifs de plus en plus ambitieux sont exigés tous les cinq ans pour maintenir le Canada sur la voie de la carboneutralité d’ici 2050. Les conseils du Groupe consultatif pour la carboneutralité seront essentiels pour façonner cet objectif, en parallèle avec la consultation avec les provinces, les territoires, les peuples autochtones et tous les Canadiens.

[Traduction]

Depuis le lancement du Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques, en 2016, le Canada a réalisé des progrès importants vers la réduction des émissions, et le gouvernement a effectué des investissements historiques pour appuyer cette démarche. Le budget de 2024 comprend un engagement de 800 millions de dollars pour le Programme canadien pour des logements abordables plus verts. Comme indiqué plus tôt ce matin, le but est d’accélérer les efforts et d’offrir des mesures incitatives pour favoriser les progrès dans le secteur du bâtiment. Nous avons également créé quatre crédits d’impôt à l’investissement pour stimuler l’innovation et faire progresser notre économie vers la carboneutralité. Il s’agit de quelques exemples parmi la centaine de mesures annoncées dans le cadre du plan de réduction des émissions.

Ensemble, ces initiatives renforcent notre engagement envers une économie durable et un avenir résilient. À mesure que nous avancerons, le gouvernement examinera attentivement les recommandations du groupe consultatif et consultera les parties prenantes et partenaires au besoin.

Atteindre nos objectifs climatiques nécessite des mesures immédiates et une planification à long terme, et les perspectives fournies par le groupe consultatif reflètent la complexité de l’équilibre entre la croissance économique, l’intendance environnementale et l’équité sociale. Cela comprend la nécessité de mobiliser les Canadiens tout au long de cette transition et d’appuyer les collectivités, y compris les communautés autochtones et les secteurs économiques clés, alors que nous avançons vers un avenir carboneutre.

[Français]

En conclusion, je tiens à remercier une fois de plus le Groupe consultatif pour la carboneutralité et son secrétariat pour leur travail sur les différents rapports ainsi que pour leur contribution au parcours du Canada vers la carboneutralité. Certains collègues sont présents aujourd’hui. Leurs conseils offrent un cadre précieux. Toutefois, la transformation de ce cadre en actions nécessitera un effort collectif, une réflexion et une collaboration partout dans la société.

Nous nous réjouissons de poursuivre notre travail avec le Groupe consultatif pour la carboneutralité et tous les partenaires pour faire progresser les objectifs climatiques du Canada de manière responsable, ambitieuse et inclusive.

[Traduction]

Honorables sénatrices et sénateurs, je vous remercie de votre temps et de votre attention. Mme Meltzer et moi sommes impatients de discuter avec vous ce matin.

[Français]

La vice-présidente : Je vous remercie.

[Traduction]

Le sénateur Arnot : Merci, monsieur Ngan. Votre travail a toujours souligné l’importance de la coopération intergouvernementale en matière de politiques environnementales. Quels sont les principaux défis liés à la mise en œuvre du Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques? Comment peut-on composer avec ces défis afin d’accroître l’efficacité du cadre?

J’ai aussi une question pour Mme Meltzer en particulier. En tant que responsable des initiatives de tarification du carbone, comment composez-vous avec les disparités régionales et l’opposition à la tarification du carbone dans des provinces comme la Saskatchewan et l’Alberta tout en maintenant l’engagement du Canada à l’égard du marché national du carbone? Quels progrès ont été réalisés quant à l’élaboration d’une approche normalisée pour un régime pancanadien pour les crédits compensatoires de gaz à effet de serre? Quelle incidence cela aura-t-il sur les objectifs généraux du Canada en matière de réduction des émissions?

M. Ngan : Sénateur, je vous remercie beaucoup de la question. Je vais répondre à la partie sur les efforts et la collaboration, à ce jour, entre le gouvernement fédéral et tous les ordres de gouvernement dans le cadre de la mise en œuvre des plans climatiques du Canada, notamment le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques, en 2016; le plan climatique renforcé, en 2020; le Plan de réduction des émissions pour 2030, en 2022.

Premièrement, le gouvernement du Canada ne peut absolument pas y arriver seul. Aucun ordre de gouvernement ne peut régler ce problème à lui seul, car les changements climatiques sont un problème mondial qui nécessite des mesures locales et régionales. Des mécanismes ont été créés et des travaux ont été menés dès l’adoption de l’Accord de Paris. Nous travaillons dans le cadre des mécanismes de collaboration existants avec les provinces et les territoires, mais nous avons créé d’autres mécanismes, car nous savions qu’il fallait prendre tous les moyens nécessaires et avoir la participation de tous, comme cela a été mentionné ce matin.

À titre d’exemple d’un mécanisme favorisant la collaboration, soulignons le Conseil canadien des ministres de l’Environnement, qui fait partie du portefeuille de l’Environnement. Dans mes fonctions précédentes de directeur général des politiques horizontales, de l’engagement et de la coordination, j’ai coprésidé ce comité avec la Colombie-Britannique, puis avec la Saskatchewan. Nous avions un plan de travail. Nous avons discuté des façons de mettre l’accent sur certains secteurs fortement harmonisés, mais aussi des façons d’approfondir notre compréhension de certains domaines. C’est le point de départ.

En outre, comme nous le savons tous, lorsque nous lançons des initiatives axées sur des secteurs précis — secteur pétrolier et gazier, logement, agriculture, gestion des déchets, et cetera —, nous sommes également conscients que chaque région, province et territoire joue un rôle très différent et a des préoccupations et des considérations qui lui sont propres. Ces initiatives ont été créées soit sous forme de projets, soit sous la forme de table ronde, comme dans le secteur de l’énergie. Ressources naturelles Canada a créé une table régionale sur l’énergie pour examiner certains avancements de manière ciblée et holistique, comme la réglementation, les investissements, l’état de préparation des projets, le cadre réglementaire, et cetera. Ce sont quelques exemples des efforts que nous avons déployés pour reconnaître ces ambitieux objectifs, mais aussi l’importance de la collaboration entre tous les ordres de gouvernement.

Il en va de même avec la Fédération canadienne des municipalités et les gouvernements autochtones. J’espère que cela vous sera utile.

Judy Meltzer, sous-ministre adjointe déléguée, Direction générale de la protection de l’environnement, Environnement et Changement climatique Canada : Merci beaucoup, sénateur. C’est un plaisir d’être ici aujourd’hui. Je vais aborder certains points de la deuxième partie de votre question au sujet de la mise en œuvre de la tarification du carbone dans les différentes régions et du rôle des mesures compensatoires.

Concernant la mise en œuvre de la tarification du carbone dans l’ensemble du pays, l’approche est conçue pour prendre en compte les différences régionales et offrir une certaine souplesse. Les gens le savent probablement, mais en guise de contexte, le gouvernement fédéral a choisi, pour la mise en œuvre de la tarification du carbone, d’accorder aux provinces et aux territoires la souplesse nécessaire pour mettre en œuvre les mécanismes qui conviennent à leur situation respective. Pour garantir la mise en place de régimes comparables sur le plan de la rigueur et d’efficacité, nous avons établi ce qu’on appelle l’indice de référence fédéral, c’est-à-dire l’établissement de critères de rigueur communs à l’échelle nationale pour l’ensemble des régimes. Cela offre une certaine marge de manœuvre aux diverses administrations quant à la conception de leurs mécanismes.

Il est probablement utile de considérer la tarification du carbone comme un système de tarification du carbone industriel. Actuellement, la plupart des provinces mettent en œuvre leur propre système de tarification du carbone industriel adapté à leur situation. Vous aviez une question sur la normalisation. Nous veillons à ce que ces systèmes soient comparables, dans l’ensemble, en nous assurant qu’ils respectent ces normes nationales minimales communes. Donc, nous leur donnons une certaine latitude pour adapter le mécanisme en fonction des spécificités de leur région, mais dans l’ensemble, nous assurons une uniformité sur les plans de la couverture, de la rigueur et de l’efficacité.

C’est le deuxième volet de la tarification du carbone : habituellement, la redevance fédérale sur les combustibles s’applique dans la plupart des administrations. Je pense qu’une des façons dont le gouvernement cherche à apaiser les préoccupations, par exemple les préoccupations liées à l’abordabilité, c’est de veiller à retourner les recettes de la redevance fédérale sur les combustibles à la province où elle a été perçue à l’origine, en particulier aux ménages, pour veiller à ce qu’ils n’aient rien à débourser. Je mentionne ces deux aspects en guise de contexte.

Les provinces et les territoires sont libres de mettre en œuvre leurs propres systèmes, mais si ce n’est pas le cas, le gouvernement fédéral met alors en œuvre un régime de remplacement, un système fédéral de tarification du carbone. Par exemple, cela pourrait être des administrations qui préfèrent que le gouvernement fédéral s’en charge, comme le Yukon et le Nunavut, et notre régime industriel, par exemple, s’applique au Manitoba, à l’Île-du-Prince-Édouard, au Yukon et au Nunavut. En outre, lorsqu’une province ou un territoire choisit de ne pas mettre un système en œuvre, c’est le système fédéral qui s’applique.

Concernant votre deuxième question sur les mesures compensatoires fédérales, je vous suis très reconnaissante de l’avoir posée. Je vais en parler brièvement, et je pourrai y revenir si vous avez besoin d’une réponse plus détaillée. Encore une fois, pour mettre les choses en contexte, les mesures compensatoires sont les mesures volontaires d’élimination ou de réduction des émissions qui sont prises dans des secteurs qui ne sont pas déjà incités à le faire par l’intermédiaire de la tarification du carbone. On parle de réductions dans des secteurs comme l’agriculture, la foresterie et le secteur des déchets, qui vont au-delà des pratiques habituelles.

En 2022, le gouvernement fédéral a lancé un système de crédits compensatoires fédéral très solide, le Régime de crédits compensatoires pour les gaz à effet de serre du Canada. Il s’agit d’un régime incitatif qui consiste à offrir des crédits compensatoires pour des projets mis en œuvre volontairement par le secteur privé. Nous avons des projets et des protocoles qui définissent essentiellement les exigences pour l’obtention de crédits compensatoires. Cela touche des aspects comme le méthane des sites d’enfouissement, les émissions des bovins de boucherie, et l’amélioration des pratiques d’aménagement forestier. L’élaboration se fait en continu; nous travaillons actuellement sur un projet de captage direct du carbone dans l’air. Elles peuvent être utilisées pour les entités visées par la réglementation afin de favoriser la conformité et offrir une certaine souplesse, mais aussi pour écologiser le gouvernement et pour les entreprises qui cherchent à atteindre leurs propres objectifs de carboneutralité. Donc, il n’y a pas de limite, mais permettez-moi d’y revenir plus tard. Les provinces ont aussi leurs propres régimes de crédits compensatoires. Je suis désolée. Je tâcherai d’être plus succincte dans mes prochaines réponses.

[Français]

La vice-présidente : Je vous remercie.

[Traduction]

La sénatrice Galvez : Je vous remercie beaucoup de votre présence ici ce matin. Ma première question portera encore une fois sur l’interaction entre vous et le groupe consultatif, mais pour commencer, je dirai que nous exportons et importons des choses, certes, mais il y a une énorme différence entre l’exportation de produits non renouvelables et l’exportation de produits renouvelables. Dans le cas présent, le pétrole, le gaz et le charbon ne sont pas renouvelables. Nous devrions avoir une responsabilité, non seulement envers la génération actuelle, mais aussi envers les générations futures.

J’aimerais savoir sur quels critères le ministre se base pour poser des questions. Les représentants du groupe consultatif ont indiqué que vous les teniez occupés en leur posant des questions et, par conséquent, qu’ils ne peuvent pas formuler d’opinions indépendantes sur certains sujets. Oui, vous avez demandé comment combler l’écart. J’aimerais savoir pourquoi vous n’avez pas posé de questions au sujet du projet d’expansion du réseau Trans Mountain, ou projet TMX. Pourquoi? Comme vous le savez, pour le TMX, économiquement, les promoteurs ont disparu. Il y a 12 compagnies d’assurances qui ne veulent pas être nommées parce que le projet est en voie de devenir un actif délaissé.

Pouvez-vous faire une comparaison des profits de l’industrie avec les mesures compensatoires et les allégements fiscaux accordés à l’industrie, ainsi qu’avec le montant estimé pour le nettoyage de ce site? Comment cela se compare-t-il, par exemple, avec un autre site situé à Terre-Neuve?

M. Ngan : Merci, sénatrice Galvez. Votre question est très pertinente.

Je vais y répondre sous différents angles. Je n’ai probablement pas les connaissances nécessaires pour comparer les avantages et les coûts de l’oléoduc, mais je parlerai volontiers de la relation avec le groupe consultatif au point de vue législatif et opérationnel, ainsi que des circonstances qui ont mené à la situation actuelle.

Comme tout le monde le sait, la relation a été établie en vertu de deux dispositions de la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité. La loi prévoit une consultation annuelle du Groupe consultatif pour la carboneutralité. Le ministre doit rendre public le rapport annuel du groupe dans les 30 jours suivant sa réception et il doit y répondre officiellement dans les 120 jours.

En ce qui concerne les questions — les champs d’enquête — que le ministre peut demander au groupe consultatif d’examiner, il y a deux façons de procéder. D’abord, les champs d’enquête sont énoncés dans le mandat du Groupe consultatif pour la carboneutralité. Ce mandat, qui est aussi publié sur le site Web du groupe consultatif, lui laisse une grande marge de manœuvre quant aux enquêtes qu’il peut choisir lui-même de mener afin d’aider et de conseiller le gouvernement du Canada.

Bien entendu, le ministre a aussi soumis des questions au Groupe consultatif pour la carboneutralité qu’il doit examiner en plus des enquêtes qu’il choisit lui-même de mener. Comme vous l’avez dit, l’atteinte de la cible de 2030 et les conseils touchant la définition des nouvelles cibles de réduction des émissions pour 2035 en sont deux exemples.

Vous vous demandez peut-être : pourquoi ces deux questions? La réponse, c’est qu’elles tombent à point. Selon la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, le ministre de l’Environnement et du Changement climatique doit établir la nouvelle cible en matière d’émissions pour 2035 au plus tard le 1er décembre. Pour ce faire, nous devons aussi savoir quelles autres mesures et méthodes peuvent nous aider à atteindre cette cible.

C’est la raison pour laquelle il a posé ces deux questions complémentaires à l’atteinte de nos objectifs pour 2050.

La sénatrice Galvez : Le ministre n’a pas non plus posé de question au groupe consultatif sur l’augmentation des subventions accordées au secteur pétrolier et gazier dans les sables bitumineux pour la capture et le stockage du carbone. On travaille à la conception de cette technologie depuis 40 ans. Quand j’ai commencé mon doctorat en 1985, c’était un sujet à l’étude. On sait qu’elle a atteint un plateau; elle n’évolue plus.

Si l’industrie croit en cette technologie, n’est-ce pas elle qui devrait la financer? On vient de lui octroyer plus de subventions pour la capture et le stockage du carbone.

Il y a aussi la question du total des émissions : faut-il réduire la production ou les émissions? Comment cette décision a‑t‑elle été prise? L’industrie a déjà reçu entre 12 milliards et 20 milliards de dollars en subventions par année, en plus de celles‑ci.

Mme Meltzer : Je ne vais pas parler spécifiquement des subventions parce qu’elles ne relèvent pas d’Environnement et Changement climatique Canada, mais c’est une question très importante. Comme on l’a mentionné durant la première partie de la réunion, nous venons de publier un projet de règlement pour plafonner les émissions du secteur pétrolier et gazier. Ce projet de règlement vise notamment à encourager le réinvestissement des profits dans les technologies essentielles à la décarbonation du secteur, ainsi qu’à assurer l’imposition d’une limite absolue sur les émissions du secteur.

Il y a consensus, et nous attendons avec impatience les commentaires sur le projet de règlement. L’un des objectifs est d’encourager le secteur à faire des investissements en veillant à lui offrir de puissants incitatifs et des récompenses.

On le voit déjà; le secteur a déjà commencé à réaliser des progrès en ce sens. Le plafonnement des émissions du secteur pétrolier et gazier est un élément important de la dynamique que vous avez décrite.

Le sénateur Cardozo : Merci aux témoins. J’ai une question sur le rapport que le Groupe consultatif pour la carboneutralité a publié en septembre 2024, le sujet à l’étude aujourd’hui.

Il comprend cinq sections. Le conseil 1B porte sur la finalisation des mesures annoncées, en l’occurrence le plafonnement des émissions du secteur pétrolier et gazier. Vous avez commencé à en parler. Je présume que l’annonce que le ministre Guilbeault a faite le 4 novembre est liée directement à cela.

Pouvez-vous nous fournir plus de détails sur l’annonce? Quelle est la différence entre un plafond d’émissions et un plafond de production, une question qui semble soulever la controverse? Que peut faire le gouvernement fédéral lorsqu’un gouvernement provincial — dans ce cas-ci, le gouvernement de l’Alberta — déclare qu’il ne participera pas à une mesure? Comment peut-on y arriver?

Mme Meltzer : Merci pour la question.

Effectivement, au début de la semaine, le 4 novembre, le gouvernement a annoncé et publié le projet de règlement sur les plafonds d’émissions du secteur pétrolier et gazier. La période de commentaires se terminera autour du 8 janvier.

Le projet de règlement propose un système de plafonnement et d’échange. Il limitera les émissions des installations en amont et de la production de gaz naturel liquéfié. Je peux vous fournir plus de détails sur le fonctionnement des systèmes de plafonnement et d’échange si vous voulez, mais en un mot, les installations assujetties au système recevront un nombre d’unités établi en fonction du montant maximal du plafond. Aux termes du projet de règlement, elles devront remettre une unité pour chaque tonne d’émissions qu’elles génèrent.

Pour répondre à votre deuxième question, la mesure aura plusieurs effets. Vous avez demandé la différence entre les émissions et la production; c’est un point très important. Ce sont les émissions qui sont plafonnées. Le projet de règlement a été conçu de manière à permettre la croissance de la production afin de pouvoir répondre aux besoins du marché mondial et à l’évolution de la demande. Comme les témoins précédents l’ont dit, nous voulons faire en sorte que le secteur réduise ses émissions et assainisse ses méthodes de production. C’est important de savoir que ce sont les émissions qui sont plafonnées. Pour revenir à la question précédente, le projet de règlement est aussi conçu pour encourager les investissements dans les technologies nécessaires pour décarboner le secteur au fil du temps en vue d’atteindre la carboneutralité.

En ce qui concerne son application et les désaccords, il s’agit d’un système de plafonnement et d’échange national; il sera mis en œuvre en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement de 1999. Il s’appliquera à l’ensemble du pays. Il touche particulièrement les provinces qui ont des installations en amont et qui produisent du gaz naturel liquéfié, soit la Colombie-Britannique, Terre-Neuve-et-Labrador, la Saskatchewan et l’Alberta.

Le sénateur Cardozo : Si vous me permettez, il s’agit d’un projet de règlement. Si une province est prête à y adhérer à condition que certaines modifications y soient apportées, quelle marge de manœuvre avez-vous pour l’adapter? Quelle est la différence... Comment le système de plafonnement et d’échange fonctionne-t-il en conjonction avec la taxe sur le carbone?

Mme Meltzer : Je vous remercie pour la question.

Effectivement, c’est un projet de règlement. Nous menons une période de consultation de 60 jours. Nous attendons les commentaires avec impatience. Nous allons consulter les provinces, les territoires, les intervenants de l’industrie, les organisations autochtones et la population canadienne. Nous allons examiner tous les commentaires et nous les prendrons en considération pour mettre au point la version définitive du règlement. C’est le même processus que nous suivons normalement pour élaborer, rédiger et mettre au point un règlement.

Quelle était votre deuxième question?

Le sénateur Cardozo : Elle portait sur la relation.

Mme Meltzer : Oui, la relation. C’est une bonne question.

Elle nous ramène en quelque sorte aux recommandations du Groupe consultatif pour la carboneutralité concernant l’importance de minimiser les interactions négatives entre les différentes mesures. On nous pose souvent la question. Nous avons pris soin de concevoir le système de plafonnement et d’échange proposé pour les émissions du secteur pétrolier et gazier de façon à ce qu’il marche bien avec la tarification du carbone, en ce sens que les incitatifs vont dans la même direction. Par exemple, en réduisant ses émissions, une installation assujettie à un système provincial de tarification du carbone industriel respectera à la fois les obligations de ce système et le plafond d’émissions. Les installations n’ont pas à doubler leurs réductions pour se conformer à différents règlements. C’est la même chose pour le règlement sur le méthane. Nous voulons que les incitatifs marchent ensemble. Le système de plafonnement et d’échange et la tarification du carbone — un système axé sur le marché — favorisent l’amélioration continue parce qu’ils offrent des récompenses économiques. Les installations qui arrivent à réduire leurs émissions sont continuellement récompensées. En même temps, les installations pour lesquelles il est plus coûteux et plus long de réduire les émissions ont la flexibilité d’échanger des unités avec d’autres installations.

Nous travaillons fort pour que les différentes mesures marchent bien ensemble. Nous attendons les commentaires avec impatience. Bien entendu, c’est l’avantage de publier un projet de règlement.

[Français]

La vice-présidente : Le Groupe consultatif pour la carboneutralité recommande dans son rapport de réduire progressivement la vente d’appareils nouveaux et de remplacement de chauffage et de refroidissement à combustible fossile dans les bâtiments résidentiels et commerciaux à compter de 2030 au plus tard. Est-ce que cette recommandation est envisagée actuellement par votre ministère comme mesure additionnelle?

M. Ngan : Merci beaucoup.

[Traduction]

C’est une très bonne question.

Le remplacement du mazout domestique et de l’équipement de chauffage domestique à combustible fossile fait partie des mesures à prendre en considération. Comme vous le savez, Ressources naturelles Canada a publié la Stratégie canadienne pour les bâtiments verts. Cette stratégie comprend des incitatifs visant à soutenir l’accélération de l’installation d’appareils qui dépendent moins des combustibles fossiles d’ici à 2030. Nous sommes encore en train d’examiner les conseils du Groupe consultatif pour la carboneutralité, mais nous collaborons aussi avec l’industrie et les municipalités en vue de parfaire et d’atteindre les objectifs de la Stratégie canadienne pour les bâtiments verts.

En un mot, nous accueillons favorablement les conseils du groupe consultatif. Nous sommes en train de les examiner attentivement et sérieusement dans le cadre des mesures globales.

La sénatrice McCallum : Je vous remercie pour votre déclaration et pour votre présence.

On peut lire dans le rapport que « [l]es peuples autochtones subissent de façon disproportionnée les impacts des changements climatiques et exigent en conséquence une stratégie d’intervention ciblée et autodéterminée. » Le rapport souligne aussi que « [t]ous les gouvernements doivent mettre en œuvre de manière cohérente et significative la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, en particulier en ce qui concerne le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. »

Pourquoi ne recommande-t-on pas que les principes du pollueur-payeur, de prévention et de consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, soient mis en œuvre, de sorte à mettre un terme à la violation des droits et à la destruction des terres, de l’eau, de l’air et des vies, et à réduire le besoin d’avoir continuellement recours à des mesures d’atténuation? Nos vies, notre culture et nos systèmes de connaissances ne peuvent pas se perpétuer dans le contexte actuel parce que l’on continue d’ignorer les principes d’intendance environnementale. Si ces principes ne sont pas mis en œuvre, est-ce que cela signifie que le gouvernement laissera encore les Premières Nations dans un état déplorable dans sa mission de réduire les émissions?

M. Ngan : Merci, sénatrice McCallum. Tout ce que vous avez dit est très juste : les effets des changements climatiques touchent les communautés autochtones de façon disproportionnée parce que le Canada se réchauffe deux fois plus vite que les autres pays et la région nordique se réchauffe trois fois plus vite que les autres régions. Par conséquent, les communautés situées dans les régions nordiques et éloignées portent le poids des répercussions extrêmes des changements climatiques, ainsi que de l’augmentation de l’intensité de ces répercussions.

Après l’adoption en 2016 de l’Accord de Paris, en 2017, le premier ministre et les trois dirigeants nationaux des organisations fondées sur les distinctions — l’Assemblée des Premières Nations, le Ralliement national des Métis et l’Inuit Tapiriit Kanatami — ont établi trois tables bilatérales fondées sur les distinctions pour parler d’actions climatiques conjointes et pour soutenir les priorités établies par les partenaires autochtones, soit les Premières Nations, les Métis et les Inuits. Je copréside les trois tables fondées sur les distinctions. La table des Premières Nations se réunit quatre fois par année, la table des Métis se réunit deux fois par année et la table des Inuits se réunit une fois par année. Nous reconnaissons pleinement que les pas que nous prenons sont petits. Nous ne répondons pas aux attentes et nos actions ne sont pas à la hauteur des défis auxquels nos partenaires autochtones font face.

Cela étant dit, nous avons entendu que les quelque 100 programmes liés au climat ne répondent pas vraiment aux besoins de nos partenaires autochtones parce qu’ils doivent passer par tout l’appareil fédéral pour accéder au financement. Nous l’avons entendu. Depuis deux ans, nous consultons nos partenaires autochtones partout au pays afin de trouver des moyens d’accroître leur accès au financement pour le climat en fonction d’une approche fondée sur les distinctions et en fonction de leur région, ainsi que pour trouver des façons de soutenir les priorités qu’ils définissent eux-mêmes.

Comme vous le savez, au cours de la dernière année, les trois groupes — les Premières Nations, les Métis et les Inuits — ont publié leurs stratégies sur le climat. L’ensemble de l’appareil fédéral examine ces stratégies pour trouver comment les soutenir et les faire avancer dans le cadre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

Je pourrais en dire beaucoup plus, mais comme le temps file, je vais m’arrêter là. Je remercie la sénatrice McCallum pour la question. J’ajoute qu’il faut en faire plus.

La sénatrice McCallum : On dit que la réglementation environnementale nuit à l’économie, mais c’est faux. Selon une étude réalisée en 1999, les charges fiscales des entreprises au Canada sont les plus faibles de tous les pays du G7. L’étude a constaté que le Canada a le fardeau administratif le plus léger de tous les pays examinés et que les industries canadiennes ont moins d’obstacles réglementaires à surmonter dans le domaine de l’environnement que leurs concurrents américains. Dans tous les cas, les études ne montrent pas que les politiques environnementales minent la compétitivité des entreprises. Au contraire, les lois environnementales sont susceptibles de stimuler le progrès technologique, qui accroît l’efficacité et qui donne des avantages concurrentiels. Par exemple, les normes strictes en matière de pollution de l’air imposées par l’Allemagne ont contribué à faire de ce pays un chef de file mondial dans le domaine des technologies utilisées pour réduire la pollution de l’air. C’est aussi un fait que la stratégie consistant à se servir de la réglementation environnementale pour favoriser la compétitivité industrielle fonctionne. De nombreuses études américaines ont démontré que les États qui ont les lois et les politiques environnementales les plus strictes obtiennent les meilleurs résultats en matière de croissance économique et de création d’emplois.

Pourtant, on ne cesse d’entendre que la transition vers la carboneutralité causera d’énormes dégâts au pays. Pourquoi de telles observations ne sont-elles pas mises de l’avant pour montrer que ce ne sera pas le cas?

M. Ngan : Je peux essayer de donner quelques éléments de réponse. Il est judicieux de réfléchir aux mesures choisies par le gouvernement et à la manière dont elles se conjuguent dans le but de créer les conditions optimales pour réduire les émissions de gaz à effet de serre tout en stimulant la croissance économique et l’innovation. C’est exactement l’équilibre que nous cherchions à atteindre dans le Plan de réduction des émissions pour 2030 déposé au Parlement en 2022. Nous n’avons pas recours à un seul type d’instrument de politique, comme un règlement.

Il faut également des mesures complémentaires comme des instruments d’investissement et des mesures fiscales, par exemple des crédits d’impôt. Nous avons aussi un rôle à jouer pour faire avancer la recherche et pour favoriser la conception de technologies climatiques, ainsi que pour accélérer la mise en œuvre de ces technologies dans certains secteurs. Comment arrive-t-on à trouver l’équilibre idéal entre les répercussions et les résultats de chaque mesure? C’est à la fois un perpétuel débat et un sujet de discussion important parce que les données évoluent. De nouvelles technologies sont mises au point. Le marché change. Les situations géopolitiques évoluent. Il est très juste de se demander comment créer les conditions optimales.

Cela étant dit, je ne suis pas vraiment spécialiste de la réglementation. Je ne sais pas si Mme Meltzer a quelque chose à ajouter.

Mme Meltzer : Pour ne pas monopoliser trop de temps, je soulignerais simplement l’importance de cette réflexion. Vous avez probablement tout à fait raison. Il faut continuer à analyser les différents paramètres. La réglementation peut certainement aider à concilier d’une part, les coûts économiques des changements climatiques au fil du temps, et d’autre part, la possibilité d’accroître à long terme la compétitivité des nouvelles industries et le développement économique. Je suis entièrement d’accord. Je vous remercie de ce commentaire.

[Français]

Le sénateur Moreau : Merci de votre présence ici aujourd’hui. L’honorable sénatrice Galvez a demandé avec beaucoup d’acuité ce matin quelle était la relation entre le Groupe consultatif pour la carboneutralité et le gouvernement et à quel point les recommandations de ce groupe étaient prises en considération par celui-ci.

J’ai demandé à M. Donner ce matin pourquoi il n’y avait pas de dispositions portant sur certaines mesures additionnelles dans le rapport, notamment en ce qui concerne la requalification des personnes qui œuvrent dans le secteur du pétrole et du gaz, qui est le secteur le plus important sur le plan des émissions de gaz à effet de serre et de carbone au Canada. Le professeur m’a indiqué que cette recommandation se trouvait dans un rapport précédent.

Est-ce que vous pouvez nous dire si le gouvernement a mis en place des programmes liés à la requalification de la main-d’œuvre? Si oui, quels sont-ils?

Aussi, de quelle façon le gouvernement fédéral travaille-t-il avec les différentes provinces qui seraient touchées par des mesures semblables, notamment Terre-Neuve-et-Labrador ou l’Alberta? Il est clair que lorsque votre économie ou votre subsistance est dépendante de votre travail dans l’industrie du pétrole et du gaz, même si vous partagez les bonnes intentions des environnementalistes visant à réduire ces émissions, vous ne voulez pas être le premier à vous sacrifier sur l’autel de l’économie.

Dans quelle mesure est-ce que les recommandations faites par le groupe du professeur Donner ont été suivies en ce qui a trait à la requalification de la main-d’œuvre, et quelles sont les sommes investies par le gouvernement du Canada pour aider les provinces à contribuer à cette requalification?

M. Ngan : Je vous remercie de votre question, car c’est un sujet très important.

[Traduction]

Nous venons de recevoir des informations de la part du Groupe consultatif pour la carboneutralité, et le rapport annuel sera déposé en temps et lieu. Le gouvernement fournira bientôt une réponse plus formelle.

Cela dit, je peux parler des efforts déployés actuellement en ce sens et de la réflexion sur le fait que la mise en œuvre de la transition et du cheminement vers la carboneutralité se passera différemment d’une région et d’un secteur à l’autre. Il y a quelques mois, en juin 2024, le Parlement du Canada a adopté la Loi canadienne sur les emplois durables. Cette loi encouragera la création d’emplois durables et soutiendra les industries et les localités dans toutes les régions au Canada en aidant les travailleurs à acquérir les compétences, la formation et les outils dont ils auront besoin pour profiter des nouveaux débouchés. Cette mesure holistique constitue une avancée inédite et historique qui placera les travailleurs canadiens au centre du plan d’action pour des emplois durables au pays et aidera à faire converger les investissements mondiaux vers les possibilités économiques à faibles émissions de carbone dans l’industrie canadienne.

Par exemple, le gouvernement du Canada soutiendra les efforts concrets mis en place pour que les travailleurs développent des compétences qui leur permettront de décrocher des emplois issus de l’économie à faibles émissions de carbone et de profiter des multiples autres avantages qui en découleront. Le plan d’action renferme 10 mesures clés, qui ont été annoncées en février 2023. Des discussions se tiennent aussi avec les provinces et les territoires, puisque certaines compétences sur la formation et la main-d’œuvre relèvent des partenaires des provinces. Il est important de travailler avec ces partenaires à la création d’emplois durables, mais aussi de saisir les occasions économiques qui se présenteront.

Le sénateur Moreau : Pourriez-vous fournir au comité le budget affecté au plan d’action que vous venez de mentionner? Quel sera le niveau d’investissement?

M. Ngan : Oui. Nous vous fournirons avec plaisir ce que vous demandez en nous appuyant sur le budget et les autres informations rendues publiques.

Le sénateur Moreau : Si je comprends bien, il y aura des variations d’une région à l’autre. Est-ce exact?

M. Ngan : Je n’ai pas cette information. Le programme est géré par Ressources naturelles Canada. Je peux vous transmettre la loi, le plan d’action et d’autres informations telles que le rôle des agences de développement régional et ainsi de suite.

Le sénateur Moreau : Merci.

La sénatrice Robinson : J’essaie de ne pas trop cultiver d’espoir même si vous avez dit dans votre déclaration liminaire que le gouvernement allait examiner attentivement les recommandations du groupe de travail de même que consulter les parties prenantes et les partenaires s’il le juge approprié. Le commissaire à l’environnement et au développement durable, M. Jerry DeMarco, a livré un témoignage au comité qui s’appuyait sur le rapport de la vérificatrice générale sur l’agriculture et l’atténuation des changements climatiques.

Le rapport indique qu’Agriculture et Agroalimentaire Canada n’a pas consulté les parties prenantes, les agriculteurs ou les experts de l’industrie à propos des engrais avant de fixer des cibles de réduction des émissions attribuables à ce produit.

La taxe sur le carbone — si je comprends bien — a pour objet d’encourager l’adoption de technologies plus efficaces qui amèneront les consommateurs à délaisser les produits énergivores pour en adopter d’autres, moins énergivores, afin de réduire les émissions au pays. Pourriez-vous nous expliquer comment, dans le secteur agricole, la taxe sur le carbone appliquée aux combustibles utilisés pour le chauffage et la climatisation des bâtiments agricoles et pour la culture en serre va entraîner l’adoption de nouvelles technologies qui n’existent même pas?

Mme Meltzer : Merci de la question, sénatrice.

Pour mettre les choses en contexte, je crois que vous parlez de la redevance fédérale sur les combustibles. Plus de 95 % des émissions du secteur agricole ne sont pas visées par la tarification du carbone. Elles sont exemptées.

C’est le cas des émissions biologiques du bétail et de l’utilisation de gaz et de diésel pour l’exploitation de la machinerie agricole. Différentes technologies permettant de chauffer et de climatiser plus efficacement les bâtiments sont offertes progressivement sur le marché. Ces technologies sont populaires. Nous constatons un certain taux d’adoption par les agriculteurs. Outre les mesures incitatives, en l’occurrence le signal de prix, le gouvernement doit aussi offrir du soutien. Il existe à cet effet toute une gamme de programmes d’aide financière. Monsieur Ngan, accepteriez-vous d’en parler? C’est une question importante. Il y a les diverses mesures incitatives, mais aussi diverses formes de soutien financier pour aider les agriculteurs à déployer les technologies en question. Ces deux éléments sont importants.

M. Ngan : Pour ajouter à ce que vient de dire Mme Meltzer, la vaste majorité des utilisations de combustibles sont exemptées, mais le gouvernement du Canada offre aussi aux agriculteurs qui utilisent le gaz naturel ou le propane un crédit d’impôt pour la remise des produits issus de la redevance sur les combustibles. Les répercussions sur les agriculteurs et sur les exploitations agricoles font partie des priorités liées non seulement à l’abordabilité, mais aussi à l’importance d’assurer un soutien au secteur agricole. Voilà les précisions que je voulais apporter.

En complément au système de tarification, le programme a pour finalité de réduire au minimum les répercussions en étant attentif aux caractéristiques du secteur. La Stratégie pour une agriculture durable dirigée par Agriculture et Agroalimentaire Canada fournit une approche holistique qui tient compte des changements climatiques, mais qui favorise aussi la croissance durable et la prospérité économique du secteur. Des informations supplémentaires peuvent être obtenues auprès de nos collègues.

La sénatrice Robinson : Je suis contente que vous ayez mentionné la Stratégie pour une agriculture durable, qui a donné lieu à des consultations auprès de l’industrie, mais qui malheureusement, refile une immense partie du travail à des groupes de produits et de services dont les ressources sont limitées.

J’aurais deux questions pour vous. Premièrement, que voulez‑vous dire lorsque vous parlez des nouvelles technologies qui seront offertes progressivement sur le marché? Deuxièmement, les crédits d’impôt remboursables permettront-ils aux producteurs de récupérer la totalité ou seulement une partie de la taxe?

M. Ngan : Il existe une formule pour calculer les crédits d’impôt remboursables pour les agriculteurs.

La sénatrice Robinson : Les agriculteurs récupèrent-ils tout leur argent ou seulement une partie?

Mme Meltzer : C’est une question qu’il faudrait poser à l’Agence du revenu du Canada.

La sénatrice Robinson : Ce serait bien si vous pouvez remettre la réponse à la greffière.

Mme Meltzer : Oui. J’aimerais mentionner à ce propos quelques exemples d’utilisation du programme. Une portion des produits de la redevance fédérale sur les combustibles est remise aux agriculteurs pour soutenir le déploiement de nouvelles technologies. Je vous transmettrai plus tard les exemples par écrit.

Je tiens à souligner un exemple qui s’applique à une bonne partie du secteur. Une des choses qui suscitent un fort intérêt et que le secteur a toujours fait valoir, à juste titre, c’est son statut de premier de classe dans la mise en œuvre de moyens d’accroître l’efficacité énergétique et de réduire les émissions.

La sénatrice Robinson : J’en arrive à ma deuxième question. Pourriez-vous expliquer en quoi consistent pour vous les nouvelles technologies offertes progressivement sur le marché comparativement à celles qui sont offertes en ce moment? Parlez-vous des technologies futures?

Mme Meltzer : Je veux parler des deux, mais les technologies...

La sénatrice Robinson : Je vais passer à mon autre question. Vous avez mentionné qu’une portion de la taxe sur les combustibles était remise aux agriculteurs. Quelle portion de cette taxe prélevée dans le secteur est-elle redonnée aux agriculteurs?

Mme Meltzer : Il existe deux formes de remise. La première consiste à envoyer l’argent directement aux ménages.

La sénatrice Robinson : La portion qui fait l’objet d’une remise est-elle de 50 % ou de 80 %?

Mme Meltzer : Une portion de 90 % est remise aux ménages agricoles et aux ménages en milieu rural. La portion restante d’environ 10 % est affectée à un bouquet de programmes destinés entre autres au secteur agricole.

La sénatrice Robinson : Conservez-vous des données sur la taxe sur les combustibles agricoles en particulier?

Mme Meltzer : La portion de la remise dont nous parlons concernant le soutien au déploiement de technologies s’inscrit dans le programme. Ce n’est pas...

La sénatrice Robinson : Des données sont-elles conservées concernant précisément la taxe prélevée sur les combustibles agricoles?

Mme Meltzer : L’Agence du revenu du Canada pourrait mieux répondre à la question, puisque c’est elle qui s’occupe de la redevance fédérale sur les combustibles.

La sénatrice Robinson : Pourriez-vous trouver pour le comité quelle portion de la taxe prélevée sur les pratiques agricoles est remise aux agriculteurs? Je ne veux pas prendre plus de temps, mais si vous pouviez dénicher ces données et les remettre à la greffière, ce serait formidable.

M. Ngan : Parlons-nous des taxes en général ou seulement de la tarification du carbone?

La sénatrice Robinson : Je parle de la taxe carbone sur les combustibles utilisés pour chauffer et climatiser les bâtiments agricoles et pour la culture en serre.

M. Ngan : Nous allons vous revenir avec les données.

La sénatrice Robinson : Merci.

[Français]

La vice-présidente : La réunion est terminée. Cependant, deux autres sénateurs souhaitaient poser des questions. Vous pourriez les poser aux témoins, et les témoins pourraient envoyer leurs réponses à la greffière du comité.

[Traduction]

La sénatrice Galvez : Je déduis avec certitude selon ce que vous avez dit que le gouvernement allait imposer un plafond, non pas à la production, mais bien aux émissions. Vous pariez que les émissions n’augmenteront pas grâce aux nouvelles technologies ou au captage du carbone, mais cela n’annihilera pas la pollution émanant des bassins de résidus. Il faut 30 barils d’eau pour produire 1 baril de pétrole. L’empreinte des bassins de résidus ne cesse de grandir, et il y a ce nouveau projet d’envoyer le tout par pipeline vers le nord de l’Alberta.

Tout cela produit des émissions également. Pourriez-vous envoyer votre réponse à la greffière?

[Français]

La vice-présidente : Vous pourrez envoyer votre réponse à la greffière du comité.

[Traduction]

Le sénateur Cardozo : Madame Meltzer, vous avez offert d’expliquer certaines notions. J’aimerais que vous exposiez encore une fois, en vulgarisant, le régime de plafonnement et d’échange et le régime de tarification du carbone ou de remise sur le carbone. Quelle est la différence entre les deux? Les deux régimes s’appliquent-ils aux mêmes provinces ou aux mêmes entreprises? Voilà en somme ce que je voudrais savoir. Merci beaucoup.

[Français]

La vice-présidente : Je remercie les sénateurs et les témoins de leur participation aujourd’hui.

(La séance est levée.)

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