LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 28 novembre 2024
Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), avec vidéoconférence, pour étudier de nouvelles questions concernant le mandat du comité.
Le sénateur Paul J. Massicotte (président) occupe le fauteuil.
Le président : Bonjour, honorables sénateurs. Je m’appelle Paul Massicotte, je suis un sénateur du Québec et je suis président du comité.
Aujourd’hui, nous tenons une séance du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Je vais demander à mes collègues du comité de se présenter, en commençant par ma droite.
La sénatrice Verner : Josée Verner, du Québec.
La sénatrice Youance : Suze Youance, du Québec.
La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec. Nous avons un fort et fier contingent du Québec.
[Traduction]
Le sénateur D. M. Wells : David Wells, de Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice Robinson : Bonjour. Mary Robinson, de l’Île-du-Prince-Édouard.
La sénatrice McCallum : Bienvenue. Mary Jane McCallum, du Manitoba.
[Français]
Le président : Merci beaucoup. Je félicite la sénatrice Youance, qui se joint à nous à titre de membre permanent.
Avant de commencer, nous devons adopter une motion concernant la présidence du comité. Vous vous souviendrez peut-être que nous avons convenu, au début de la session parlementaire, que le poste de président alternerait chaque année entre la sénatrice Galvez et moi. Puisque nous approchons des dernières réunions de l’année, j’aimerais proposer la motion qui suit.
Je propose :
Que l’honorable sénatrice Galvez assume la présidence du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles à compter du 1er janvier 2025.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Le président : La motion est adoptée. Merci beaucoup.
Aujourd’hui, le comité a invité des témoins à comparaître dans le cadre de son étude spéciale sur le changement climatique dans l’industrie canadienne du pétrole et du gaz.
Nous accueillons Paola Mellow, directrice générale, Bureau des marchés du carbone, Magda Little, directrice, Pétrole, gaz et énergie de remplacement, Lindsay Pratt, directeur, Inventaires et rapports sur les polluants, et Matthew Watkinson, directeur, Analyse et évaluation réglementaires, Environnement et Changement climatique Canada.
Nous accueillons également Erin O’Brien, sous-ministre adjointe, Secteur des carburants, Drew Leyburne, sous-ministre adjoint, Secteur de l’efficacité énergétique et de la technologie de l’énergie, et Scott Clausen, directeur, Direction de l’analyse et des opérations, Ressources naturelles Canada.
Enfin, nous recevons Jennifer Withington, statisticienne en chef adjointe, Statistique économique, Augustine Akuoko-Asibey, directeur général, Direction de la statistique de l’agriculture, de l’énergie et de l’environnement, Heidi Ertl, directrice, Centre de statistiques de l’énergie et des transports, et Ziad Ghanem, directeur général intérimaire, Comptes macroéconomiques, Statistique Canada.
Je vous souhaite la bienvenue et vous remercie d’avoir accepté notre invitation. Cinq minutes sont réservées pour vos allocutions d’ouverture. La parole est à vous, madame Withington.
[Traduction]
Jennifer Withington, statisticienne en chef adjointe par intérim, Statistiques économiques, Statistique Canada : Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de m’avoir invitée à prendre la parole aujourd’hui.
C’est un plaisir de comparaître devant ce comité dans le cadre de son étude sur les changements climatiques et l’industrie canadienne du pétrole et du gaz. Je tiens d’abord à reconnaître que nous sommes réunis sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.
Je m’appelle Jennifer Withington. Je suis statisticienne en chef adjointe par intérim aux Statistiques économiques à Statistique Canada. Je suis accompagnée des directeurs généraux Augustine Akuoko-Asibey et Ziad Ghanem, ainsi que de Mme Heidi Ertl, directrice du Centre de statistiques de l’énergie et des transports.
Statistique Canada a pour mandat de fournir des renseignements fiables sur tous les aspects de notre pays et de ses collectivités, notamment la population, l’économie, la société et l’environnement. Pour ce faire, nous travaillons en étroite collaboration avec nos homologues fédéraux, provinciaux et territoriaux et avec la coopération des particuliers, des entreprises et des institutions du Canada.
J’ai été invitée à comparaître devant l’estimé Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles parce que Statistique Canada recueille et publie un riche ensemble de données et de perspectives sur l’industrie pétrolière et gazière. L’industrie pétrolière et gazière est un moteur essentiel de l’économie canadienne et de la place que nous occupons dans le monde, que ce soit en raison de sa contribution au PIB et à l’emploi, ses activités commerciales, ou son harmonisation avec les objectifs climatiques du Canada. Dans la perspective d’un avenir durable, j’aimerais souligner divers aspects clés pour lesquels Statistique Canada peut contribuer à orienter les politiques et les décisions qui ont une incidence sur l’industrie pétrolière et gazière.
Premièrement, Statistique Canada — en partenariat avec Ressources naturelles Canada, Environnement et Changement climatique Canada et la Régie de l’énergie du Canada — héberge le Centre canadien d’information sur l’énergie. Ce centre virtuel facilite la recherche de renseignements sur le secteur de l’énergie et offre aux Canadiens un accès aux données, outils et ressources les plus récents et précis au sujet de l’énergie. On y trouve des données qui démontrent que le Canada est le quatrième producteur et exportateur de pétrole au monde. Le Canada atlantique possède d’importants gisements de gaz naturel en mer, ce qui fait du Canada le cinquième plus important producteur de gaz au monde.
Quant à l’importance économique du secteur pétrolier, le secteur représentait 7,7 % du produit intérieur brut, ou PIB, soit 209 milliards de dollars, en 2023. Le secteur employait directement et indirectement environ 446 000 personnes en 2023, dont environ 10 800 Autochtones.
La production de pétrole brut continue d’augmenter chaque année, et la production, la consommation et le stockage de gaz naturel atteignent actuellement des niveaux record. Les exportations canadiennes de pétrole et de gaz se sont élevées à 177 milliards de dollars en 2023, dont 97 % vers les États-Unis. Le secteur a reçu un peu plus de 1 milliard de dollars en subventions fédérales en 2021. Nous n’avons pas de données détaillées plus récentes. La Subvention salariale d’urgence du Canada représente plus de 91 % du montant des subventions. Les subventions provinciales totalisaient 554 millions de dollars, principalement en raison du Programme de fermeture accélérée des sites.
Les données de Statistique Canada et du Centre canadien d’information sur l’énergie sont des intrants clés du Cahier d’information sur l’énergie, publié par Ressources naturelles Canada, ainsi que des rapports sur l’avenir énergétique du Canada, publiés par la Régie de l’énergie du Canada.
Deuxièmement, Statistique Canada travaille en étroite collaboration avec Environnement et Changement climatique Canada pour faire un suivi et rendre compte des progrès accomplis vers l’atteinte des objectifs climatiques, notamment le Rapport d’inventaire national, qui comprend des estimations des émissions de gaz à effet de serre, ou GES, pour divers pays. Le Bulletin sur la disponibilité et écoulement d’énergie au Canada : Information Explicative de Statistique Canada est une source importante de données pour ces travaux. On estime que le secteur pétrolier et gazier canadien représente environ 31 % des émissions de GES du pays.
Troisièmement, le Canada a l’occasion d’effectuer un virage vers un bouquet énergétique plus durable qui comprend des énergies renouvelables comme l’énergie solaire, l’énergie éolienne et l’hydroélectricité. L’innovation technologique, les technologies propres et le piégeage du carbone joueront également un rôle déterminant dans la progression du Canada vers l’atteinte de ses objectifs climatiques. En 2022, les entreprises canadiennes ont consacré 2,8 milliards de dollars aux activités de recherche et développement énergétiques, dont 1,9 milliard de dollars en R-D pour les technologies propres. Le financement gouvernemental aux entreprises pour la R-D liée à l’énergie a augmenté de 13 % en 2022 pour atteindre 211 millions de dollars.
Enfin, Statistique Canada publie des analyses sur des enjeux importants auxquels le Canada est confronté, comme le déplacement des travailleurs pendant la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Une étude réalisée en 2020 a révélé que de 1995 à 2016, 81,2 % des travailleurs déplacés du secteur de l’extraction pétrolière et gazière ont trouvé un nouvel emploi à l’extérieur de cette industrie dans l’année suivant la perte de leur emploi. En outre, de 2009 à 2011, la moitié des travailleurs ont connu, à court terme, une diminution de leur revenu annuel réel d’au moins 30 %.
À Statistique Canada, nous sommes déterminés à fournir des renseignements exacts et opportuns sur les questions qui importent le plus aux Canadiens. Alors que le Canada négocie le virage vers un avenir carboneutre, il sera essentiel d’avoir des données solides pour appuyer la modélisation, l’élaboration de politiques et la prise de décisions pour composer avec la complexité de l’équilibre entre préoccupations environnementales et intérêts économiques.
Je vous remercie encore une fois de nous donner l’occasion de discuter des fonds de données de Statistique Canada sur l’industrie pétrolière et gazière. C’est avec plaisir que mes collègues et moi répondrons à vos questions. Merci.
Le président : Est-ce que quelqu’un d’autre souhaite ajouter à la présentation? Très bien. Nous passons donc aux questions. La sénatrice Verner, la vice-présidente de notre comité, va commencer.
[Français]
La sénatrice Verner : J’imagine, madame Withington, que ma question s’adressera à vous. Vous avez donné toute une série de chiffres et il faudra peut-être les répéter au besoin. Depuis le début de notre étude, plusieurs témoins ont abordé l’enjeu très large des subventions fédérales à l’industrie pétrolière et gazière, sans toutefois bien définir ce qui constituait une subvention. En juillet 2023, le ministre Guilbeault a annoncé un cadre d’évaluation afin d’éliminer les subventions fédérales dites inefficaces d’ici 2025.
Pouvez-vous définir pour nous ce qu’est une subvention inefficace et ce qu’est une subvention efficace?
[Traduction]
Mme Withington : À Statistique Canada, nous ne classons pas les subventions selon qu’elles sont inefficaces ou efficaces. Dans la classification de dépenses des administrations publiques, le terme « subventions » réfère aux paiements courants sans contrepartie que les unités d’administration publique effectuent en faveur d’entreprises selon les niveaux de leurs activités productives ou selon le volume ou la valeur des biens ou services qu’elles produisent, vendent ou importent.
En résumé, nous ne prenons pas en considération les subventions indirectes. Il s’agit uniquement de subventions pour la production ou la vente de biens.
[Français]
La sénatrice Verner : Parmi les témoins présents aujourd’hui, y a-t-il quelqu’un d’autre qui est en mesure de définir pour moi ce qu’est une subvention inefficace, puisqu’on doit les abolir d’ici quelques mois?
[Traduction]
Erin O’Brien, sous-ministre adjointe, Secteur des carburants, Ressources naturelles Canada : Je vous remercie beaucoup de la question, sénatrice. Vous avez raison : le gouvernement a fait énormément de travail à cet égard ces deux dernières années. Vous avez mentionné l’initiative sur les subventions inefficaces aux combustibles fossiles. Le gouvernement a publié une approche sur l’élimination des subventions inefficaces aux combustibles fossiles il y a un an environ.
Un cadre est en place. Le gouvernement a évalué l’ensemble des politiques gouvernementales fédérales en fonction de ce cadre pour déterminer quelles subventions pourraient être considérées comme inefficaces.
En vertu de ce cadre, une mesure est jugée inefficace si elle bénéficie de manière disproportionnée au secteur des combustibles fossiles, soutient uniquement les activités liées aux combustibles fossiles ou appuie la consommation de combustibles fossiles, et si elle est considérée comme une subvention d’entrée de jeu. Toutes les mesures sont considérées comme des subventions aux combustibles fossiles et sont jugées inefficaces si elles ne satisfont pas à certains critères.
Le cadre comprend divers critères sur lesquels se fonde la détermination qu’une subvention n’est pas inefficace. Il s’agirait, par exemple, d’une subvention qui permet une réduction significative des émissions de GES; qui soutient les énergies propres ou les technologies propres; qui permet de fournir des services énergétiques essentiels à des collectivités éloignées, par exemple; qui soutient la participation économique des Autochtones à des projets énergétiques, par exemple. Il y a une liste. Nous serions ravis de vous transmettre des renseignements, dont le lien vers cette politique sur le site Web du gouvernement.
[Français]
La sénatrice Verner : De façon générale, êtes-vous en mesure de chiffrer l’ensemble des subventions, les subventions efficaces et les subventions jugées inefficaces? Aussi, êtes-vous en mesure de déterminer le pourcentage des subventions inefficaces — quels montants d’argent sont dirigés vers les subventions inefficaces et lesquels sont dirigés vers les subventions efficaces?
[Traduction]
Mme O’Brien : Je ne peux pas vous fournir ces détails en ce moment. Le gouvernement a effectué une partie de cette analyse. À ma connaissance, très peu de programmes ont été identifiés comme étant des subventions inefficaces aux combustibles fossiles. Cependant, nous pouvons certainement nous engager à vous fournir ces détails après la réunion.
[Français]
La sénatrice Verner : Quel est le montant total des subventions si l’on ne le subdivise pas? Quelqu’un parmi vous doit savoir combien on donne à l’industrie pétrolière et gazière.
[Traduction]
Mme Withington : Comme je l’ai mentionné, en 2021, les subventions fédérales au secteur pétrolier et gazier se sont élevées à 1 milliard de dollars, et les subventions provinciales à 554 millions de dollars. Les subventions provinciales sont principalement liées au programme de fermeture accélérée de sites.
[Français]
La sénatrice Verner : Merci.
[Traduction]
Le président : Sont-elles toutes inefficaces?
Mme Withington : Comme je l’ai dit plus tôt, nous n’utilisons pas le même processus de catégorisation. Nous examinons simplement le total des subventions.
Le président : Toutefois, le montant total des subventions s’élevait à 1 milliard de dollars. Ai-je bien compris?
Mme Withington : Pour le fédéral, oui. C’était en 2021. Ce sont nos plus récentes données pour l’industrie pétrolière et gazière.
Le président : Mais peut-on généraliser et dire que 50 % des subventions sont inefficaces? Le montant de 1 milliard de dollars est le montant total des subventions, qu’elles soient inefficaces ou efficaces?
Mme Withington : C’est exact. La majeure partie du montant de 1 milliard de dollars est allée à la Subvention salariale d’urgence du Canada.
Le président : Qu’est-ce que c’est?
Mme Withington : Pendant la pandémie, c’était une subvention pour soutenir les salaires.
Le président : Et c’est terminé?
Mme Withington : Oui.
Le président : Je présume que le montant de 1 milliard de dollars diminuera considérablement, puisque, le programme est terminé.
Mme Withington : Oui. Nous n’avons pas de données propres au secteur pétrolier et gazier, mais nous savons, à titre de comparaison, qu’en 2023, les subventions pour l’ensemble des industries se sont élevées à 43,6 milliards de dollars, contre 119,4 milliards de dollars en 2020 et 67,5 milliards de dollars en 2021.
Le président : Cela me porte à croire que le montant total des subventions diminuera de manière importante, étant donné que la pandémie est terminée. Est-ce exact?
Mme Withington : Oui.
Le président : On ne parle probablement pas de milliards. C’est 1 milliard de dollars si on l’utilise au complet; donc, on parle d’une fraction de 1 milliard de dollars. Est-ce une affirmation juste?
Mme Withington : Donc, 9 % du montant n’était pas lié à la subvention salariale. En 2021, 91 % du montant de 1 milliard de dollars était lié à la Subvention salariale d’urgence du Canada. Environ 9 % ne l’étaient pas; cela provenait d’autres subventions.
Le président : Cela va donc diminuer significativement, puisque le programme lié à la pandémie est terminé, n’est-ce pas?
Mme Withington : Oui, c’est fort plausible.
Le président : Dans un an, nous nous demanderons pourquoi cela a suscité tant de débats, puisque le montant est négligeable.
La sénatrice Miville-Dechêne : Je suis désolée, mais ce sont de vieilles données. Cela remonte à trois ans.
Le président : La pandémie est terminée. C’est du passé. Donc, je suppose que cela va diminuer.
Mme Withington : Je dirais qu’il est raisonnable de penser que ces mêmes tendances se maintiendront en 2023.
Le sénateur D. M. Wells : Je remercie les témoins. Nous sommes rendus à 90 millions de dollars, ce qui représente 9 % de 1 milliard.
Lors de leur comparution, il y a quelques semaines, les représentants de l’Association canadienne des producteurs pétroliers ont déclaré qu’ils ne recevaient aucune subvention. J’aimerais revenir à la discussion liée aux questions de la sénatrice Verner. Qu’est-ce qui est considéré comme une subvention?
Madame O’Brien, vous avez mentionné trois choses. La première était liée à la consommation, la deuxième était uniquement liée aux sociétés pétrolières, et la troisième m’échappe. Si vous pouviez me dire de quoi il s’agissait, je pourrais poser des questions.
Mme O’Brien : Sénateur, je n’ai pas donné une définition générale de ce qui constitue une subvention, mais plutôt de ce qui serait considéré comme une subvention inefficace aux combustibles fossiles.
Pour répéter ce que j’ai dit, une subvention inefficace aux combustibles fossiles est une subvention qui bénéficie de manière disproportionnée au secteur des combustibles fossiles, soutient uniquement les activités liées aux combustibles fossiles ou appuie la consommation de combustibles fossiles.
Le sénateur D. M. Wells : Merci de cette précision. J’ignore qui est le mieux placé pour répondre à ma question, alors je la pose à tout le monde. L’expédition d’un baril de diésel dans une communauté nordique isolée pour le chauffage des maisons serait-il considéré comme une subvention au secteur pétrolier et gazier?
Mme O’Brien : Sénateur, à ma connaissance, bien que l’on puisse considérer cela comme une subvention, ce ne serait pas considéré comme une subvention inefficace aux combustibles fossiles, car cela soutiendrait... En fait, je pense que cela satisferait à deux critères : fournir des services énergétiques à des collectivités rurales et soutenir les communautés autochtones.
Le sénateur D. M. Wells : D’accord, c’est bien. Un remboursement pour la recherche scientifique et le développement expérimental, ou RSDE, serait-il considéré comme une subvention de Ressources naturelles Canada, ou RNCan?
Mme O’Brien : Comme le soutien à l’innovation en R-D?
Le sénateur D. M. Wells : Oui.
Drew Leyburne, sous-ministre adjoint, Secteur de l’efficacité énergétique et de la technologie de l’énergie, Ressources naturelles Canada : S’il s’agissait d’une technologie propre comme la gestion du carbone, ou le captage, l’utilisation et le stockage du carbone, ou CUSC, par exemple, ce ne serait pas considéré comme inefficace.
Le sénateur D. M. Wells : Et si ce n’était aucune de ces choses? Et si c’était pour le pétrole et le gaz?
M. Leyburne : S’il s’agissait de R-D visant uniquement à accroître la production sans réduire les émissions, ce serait considéré comme inefficace.
Le sénateur D. M. Wells : Est-ce que ce serait considéré comme une subvention?
M. Leyburne : Oui.
Le sénateur D. M. Wells : D’accord. Cette question s’adresse peut-être à Mme Withington, ou peut-être pas : quel doit être le montant d’un versement direct aux sociétés pétrolières et gazières pour être considéré comme une subvention directe à ces sociétés, et non comme une subvention au secteur, par exemple pour le diésel servant au chauffage d’une collectivité nordique?
Mme Withington : Selon notre définition de « subventions », c’est pour la production, l’exportation ou la vente de biens ou de services. Je pense que cela serait plutôt considéré comme une subvention indirecte, qui ne serait pas prise en compte.
Le sénateur D. M. Wells : D’accord. Voici ma dernière question pour ce tour. Étant donné que le Canada est le quatrième producteur et exportateur en importance au monde, a-t-on fait une analyse sur la place qu’occupe le Canada dans le monde et sur notre PIB? On a mentionné que cela représente 7 % du PIB du Canada. A-t-on réalisé une analyse de l’incidence que cela aurait sur le PIB du Canada?
Mme Withington : Je dirais que le PIB pourrait diminuer, à moins que cela ne soit remplacé par d’autres types de production d’énergie ou d’activités économiques.
Le sénateur D. M. Wells : Quelqu’un d’autre qui serait bien renseigné aurait-il un commentaire à ce sujet? D’accord, merci.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Je vais continuer sur la question des subventions, puisque c’est le sujet de l’heure. Je suis un peu troublée par le fait que la dernière année de référence pour connaître le montant global des subventions soit 2021.
Puisque nous avons ici des représentants de plusieurs ministères, a-t-on un chiffre plus à jour des subventions qui sont accordées au secteur du pétrole et du gaz naturel? Si vous avez un chiffre plus récent, je vais peut-être reprendre la question de ma collègue et demander quel est le pourcentage de subventions efficaces et inefficaces dans ce chiffre à jour.
Aussi, j’aimerais savoir si vous avez subventionné la recherche sur la capture de carbone dans le secteur du pétrole ou du gaz ou la mise en place de projets pilotes. J’aimerais savoir ce qui, dans ces subventions, touche à l’idée de réduire les émissions polluantes. Ce sont mes trois questions.
Nous voulons connaître les chiffres, parce que depuis le début de notre recherche sur ces questions, nous flottons au-dessus des généralités et de l’inconnu.
Mme Withington : J’aimerais faire une précision. Nos données sont basées sur les subventions accordées en 2023. Ces données sont plus générales.
La sénatrice Miville-Dechêne : Vous avez dit que ce sont des données pour l’industrie au complet, n’est-ce pas?
Mme Withington : Oui, parce qu’il faut beaucoup de temps pour désagréger les données par industrie.
La sénatrice Miville-Dechêne : Vous travaillez avec un délai sur la réalité, mais nous avons ici des représentants des ministères qui, normalement, veulent avoir un sens de ce qui est dépensé dans l’année courante.
Le président : En fait, que nous disent les chiffres de 2023?
[Traduction]
Mme Withington : En général, le gouvernement du Canada avait 43,6 milliards de dollars en subventions en 2023, dont 5,3 milliards avec le gouvernement fédéral.
Le président : Le reste est avec les gouvernements provinciaux?
[Français]
C’est pour l’industrie du gaz?
Mme Withington : C’est en général, pas seulement pour l’industrie du gaz.
[Traduction]
Le président : C’est 43 milliards de dollars?
Mme Withington : Oui, c’est 43,6 milliards de dollars, donc 5,3 milliards de dollars provenant du gouvernement fédéral pour l’ensemble de l’économie.
Le président : Si cela ne vient pas du gouvernement fédéral, cela doit donc venir des gouvernements provinciaux, n’est-ce pas?
Mme Withington : C’est exact. Les 38,3 milliards de dollars provenaient des gouvernements provinciaux.
Le président : Quelle partie de ce montant représente les subventions?
Mme Withington : Ce sont les subventions.
Le président : S’agit-il de subventions inefficaces?
Mme Withington : Elles ne sont pas classées de cette manière.
Le président : D’accord. Je ne suis pas sûr d’avoir compris.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : C’est pour l’ensemble de l’industrie.
Mme Withington : Oui, pour toutes les industries. C’est juste pour donner une idée.
Le président : Le chiffre est réduit, soit parce que le programme n’existe plus ou parce que la pandémie est terminée.
Mme Withington : Oui.
Le président : Néanmoins, le montant de 43 milliards de dollars représente toute l’industrie. Cela reste quand même une information générale. Est-ce que la sénatrice Miville-Dechêne nous a déjà quittés?
La sénatrice Miville-Dechêne : Non, je veux avoir la réponse. J’ai encore des questions.
Le président : Allez-y.
[Traduction]
Mme O’Brien : Je pense avoir indiqué que le gouvernement a fait, je suppose, une étude sur les subventions efficaces par rapport aux subventions inefficaces aux combustibles fossiles, et très peu de programmes gouvernementaux ont été jugés inefficaces.
La sénatrice Miville-Dechêne : Ce n’est pas ma question. Ma question concerne le total. Quel est le total des subventions accordées à l’industrie pétrolière et gazière? Je veux des données récentes.
Mme O’Brien : Je peux parler des investissements que Ressources naturelles Canada a faits dans le secteur, ainsi que des fonds que le ministère lui a octroyés. Entre 2006 et 2024, Ressources naturelles Canada a versé environ 1 milliard de dollars au secteur pétrolier et gazier. Le but d’une grande partie de ces fonds était de soutenir les investissements dans les technologies de décarbonisation, par exemple, ou des objectifs généraux. Les fonds ne sont pas liés directement à la production de pétrole et de gaz.
À titre d’exemple, je vois, sur ma liste, que des sociétés pétrolières et gazières ont reçu des fonds dans le cadre du programme 2 milliards d’arbres de Ressources naturelles Canada pour planter des arbres. D’autres ont reçu du financement par l’intermédiaire du Programme d’innovation énergétique; mon collègue M. Leyburne peut vous en dire plus là-dessus. Beaucoup de subventions visent à soutenir les investissements dans la décarbonisation et les technologies propres. Tels sont les objectifs. Pour Ressources naturelles Canada, le montant est de 1 milliard de dollars entre 2006 et 2024, mais je ne connais pas le total.
Le président : C’est 1 milliard de dollars sur 18 ans. Est-ce exact?
La sénatrice Miville-Dechêne : Plusieurs témoins nous ont dit que le secteur pétrolier et gazier n’a pas commencé à capter le carbone malgré les subventions à la recherche parce que c’est tout simplement trop coûteux. Est-ce vrai?
M. Leyburne : Le secteur pétrolier et gazier a lancé plusieurs projets au Canada dans le domaine de la gestion du carbone, ou du CUSC. Par exemple, le projet Quest de Shell est en cours depuis près de 10 ans. Des décisions d’investissement définitives ont été rendues pour plusieurs autres projets qui iront de l’avant.
Dans le cadre de la mise en œuvre du nouveau crédit d’impôt à l’investissement pour le CUSC, nous avons déjà reçu plus de 20 demandes, dont beaucoup proviennent du secteur pétrolier et gazier. Je trouve important de souligner que bien que le secteur pétrolier et gazier compte parmi les clients industriels qui auront recours aux technologies de gestion du carbone ou de CUSC, ces technologies seront aussi utilisées dans d’autres secteurs d’activités industrielles lourdes.
La sénatrice Miville-Dechêne : Je m’intéresse toujours au secteur pétrolier et gazier en raison de notre étude. Vous dites que des projets sont en cours?
M. Leyburne : Oui, le projet Quest de Shell est en cours.
La sénatrice Miville-Dechêne : Pouvez-vous écrire qui achète les technologies?
M. Leyburne : Oui, nous pouvons vous envoyer une liste de l’ensemble des projets.
La sénatrice Miville-Dechêne : Nous avons reçu — ou du moins j’ai reçu — des renseignements contradictoires là-dessus.
M. Leyburne : D’accord, nous vous enverrons la liste complète. À l’heure actuelle, il y a huit projets actifs au Canada. J’ajouterais que durant les trois ou quatre dernières années où nous avons mené des projets de recherche, de développement et de démonstration, ou R-D-D, nous avons reçu des centaines de demandes pour des projets de CUSC viables qui seraient lancés au Canada.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Merci.
[Traduction]
Le sénateur Arnot : Merci aux témoins. Je pense que ma question s’adresse principalement à M. Leyburne, mais j’invite quiconque le souhaite à y répondre.
Monsieur Leyburne, les investissements actuels dans les technologies énergétiques propres sont-ils suffisants pour atteindre les cibles climatiques du Canada pour 2030 et 2050, compte tenu de la part importante des émissions attribuables à l’industrie pétrolière et gazière? Si la réponse est non, d’après vous, dans quel domaine les investissements sont-ils susceptibles d’avoir la plus grande incidence?
J’aimerais que vous nous fournissiez plus de détails sur les exemples de réussite des initiatives ou des programmes que vous gérez qui démontrent des améliorations importantes au chapitre de l’efficacité énergétique des activités pétrolières et gazières.
M. Leyburne : Oui, je répondrai volontiers à votre question.
Je pense que l’Agence internationale de l’énergie a déclaré qu’environ 30 à 40 % des technologies nécessaires pour atteindre la carboneutralité à l’échelle planétaire ne sont pas encore prêtes. Autrement dit, elles n’ont pas encore été inventées, ou elles existent, mais elles sont trop coûteuses. Il en va probablement de même à l’échelle du Canada.
On sait que dans le scénario de carboneutralité, la proportion est encore plus élevée. L’Institut climatique du Canada estime également qu’au Canada, les technologies commerciales joueront le plus grand rôle, mais le gros du travail reste à faire.
Je dirais que dans le domaine de la R-D-D, le Canada est relativement bien placé au chapitre des dépenses gouvernementales en R-D énergétique, comparativement aux autres pays membres de l’OCDE. Nous accusons un peu de retard par rapport à certains de nos pairs sur le plan des investissements industriels, ou de la R-D énergétique du côté des entreprises. Cela étant dit, comme vous l’avez sûrement entendu, l’industrie pétrolière et gazière est de loin la plus grande consommatrice de technologies propres, et elle poursuit ses investissements par l’intermédiaire de nombreux mécanismes. Je vais juste en énumérer quelques-uns. Vous en avez peut-être entendu parler, mais c’est pour vous donner une réponse complète.
Il y a le Réseau d’innovation pour les ressources propres. Ce réseau a été mis sur pied avec l’aide du gouvernement fédéral et d’autres partenaires, ainsi qu’avec l’appui financier de l’industrie, dans le but de soutenir l’innovation dans le secteur pétrolier et gazier. Il y a l’Alliance Nouvelles voies, une nouvelle mouture de l’Alliance canadienne pour l’innovation dans les sables bitumineux. Il y a le fonds Gaz naturel financement innovation, qui a été mis en place par l’Association canadienne du gaz. Enfin, il y a la Petroleum Technology Alliance Canada, une autre organisation qui s’intéresse particulièrement au méthane et aux enjeux relatifs au méthane. Les acteurs sont très nombreux.
Au cours des 10 dernières années surtout, Ressources naturelles Canada a réalisé des investissements importants dans la décarbonisation du secteur pétrolier et gazier. Je pense que nous avons de très bons exemples de réussite. Si vous remontez encore plus loin, vous verrez que de nombreux investissements faits par Ressources naturelles Canada ont entraîné de fortes réductions des émissions.
Le projet Quest de Shell fait partie des initiatives que nous avons financées. Quand nous dresserons la liste des projets de CUSC, nous pourrons y noter les réductions des émissions de GES et les gains d’efficacité. Le CUSC n’est pas la seule solution. Un laboratoire à Edmonton, en Alberta, travaille presque exclusivement sur la décarbonisation du secteur pétrolier et gazier depuis plus de 30 ans maintenant, en étroite collaboration avec des partenaires d’Alberta Innovates et d’InnoTech Alberta. Nous pouvons ajouter à la liste de projets les résultats concrets des investissements.
Le sénateur Arnot : D’après vous, ces investissements nous permettront-ils d’atteindre les cibles de 2030 et de 2050?
M. Leyburne : D’après moi, pour l’horizon 2030 — les acteurs industriels vous l’ont sans doute montré —, la R-D n’aura pas vraiment d’incidence sur la vaste majorité des solutions qui seront mises en place d’ici à 2030.
Les projets de démonstration de technologies qui ont atteint un niveau de maturité technologique élevé auront peut-être des effets d’ici à 2030, mais la réalité, c’est que dans la plupart des travaux que nous faisons dans le domaine de la R-D-D, nous nous projetons au-delà de 2030 vers 2050. Nous avons du pain sur la planche pour atteindre les cibles de 2030, mais le gros du travail sera fait dans les années 2030 et 2040. C’est à ce moment-là que la R-D commencera à avoir des effets réels.
La majorité de nos investissements visent à réduire considérablement le coût des technologies. Dans le cas du captage du carbone, par exemple, l’objectif est de réduire le coût du captage même. Les technologies de stockage et de transport sont relativement bien établies. Toutefois, il faudrait réussir à faire en sorte que le coût du captage suive une courbe semblable à celle du coût des technologies solaires photovoltaïques ou d’autres technologies mises au point au cours des dernières décennies. Ainsi, les technologies de CUSC deviendraient beaucoup plus viables, ce qui est absolument essentiel. Selon l’Agence internationale de l’énergie, 9 à 10 % des réductions des émissions mondiales pour atteindre la carboneutralité seront attribuables aux technologies de gestion du carbone.
Le président : Madame O’Brien, avez-vous quelque chose à ajouter?
Mme O’Brien : M. Leyburne a parlé d’un horizon un peu plus lointain. Je voulais juste ajouter qu’à l’heure actuelle, les sociétés pétrolières et gazières utilisent plusieurs technologies pour réduire leurs émissions. Aux technologies de captage et de stockage du carbone s’ajoutent les solvants, la cogénération de chaleur et d’énergie, la conservation du gaz et la réduction des émissions de méthane. Elles emploient activement ces méthodes et ces procédés pour réduire leurs émissions d’ici à 2030.
La sénatrice McCallum : Je vous souhaite la bienvenue. Pendant notre étude sur l’industrie pétrolière et gazière, les témoins ont décrit les conflits entre les avantages économiques que l’industrie procure au pays — sur le plan des emplois, du PIB et des exportations — et les dommages environnementaux causés par la hausse continue des émissions de GES. Maintenant, nous savons que l’industrie pétrolière et gazière était en train d’augmenter sa production; vous l’avez dit ce matin.
Le comité a entendu que ce sont souvent les peuples autochtones qui subissent le gros des dommages environnementaux causés par l’industrie, tout en étant privés d’une participation significative. L’une des préoccupations majeures aujourd’hui est la pollution des eaux. Un projet de loi concernant les eaux et les Premières Nations est à l’étude, et cet enjeu n’y est pas abordé. Même quand on examine la source, c’est très difficile de comprendre que les bassins de résidus rejettent de plus en plus d’effluents. Quand on dit : « Si le secteur pétrolier bénéficie de façon disproportionnée... » En tant que membre des Premières Nations, c’est ainsi que je me sens. Malgré les explications que nous avons reçues ce matin, je ne comprends toujours rien aux subventions et aux avantages. Vous dites que les données sont fiables; or elles datent d’il y a trois ans. Je me demande aussi quelle est votre définition du terme « énergies propres », compte tenu des dommages environnementaux que nous continuons de subir. Pouvez-vous nous donner votre définition des énergies propres et nous expliquer comment les dommages environnementaux qui surviennent aujourd’hui seront réparés?
Mme Withington : Je peux parler des avantages liés à l’emploi. Je crois que 10 800....
La sénatrice McCallum : Vous dites qu’il y a des avantages, mais ma question concerne les dommages environnementaux.
Mme Withington : L’industrie pétrolière et gazière emploie 10 800 Autochtones. Excusez-moi. Je comprends que ce n’est pas le cœur de votre question.
En ce qui concerne les avantages par rapport aux coûts, nous avons des études qui montrent que la contribution de l’industrie pétrolière et gazière au PIB augmente plus rapidement que les émissions de GES. Toutefois, l’industrie pétrolière et gazière demeure la plus grande émettrice de GES. Je vais laisser les autres fonctionnaires parler des GES.
En ce qui a trait aux dommages environnementaux causés aux lacs, nous n’avons pas de données spécifiques là-dessus.
La sénatrice McCallum : Quelle est votre définition du terme « énergies propres »? Durant votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné que...
Mme Withington : Je vais laisser ma collègue parler de la définition des énergies propres.
Heidi Ertl, directrice, Centre de statistiques de l’énergie et des transports, Statistique Canada : Je vous remercie pour la question. Je peux parler des carburants renouvelables. Notre définition comprend l’éthanol-carburant, le biodiésel et le diésel renouvelable. En 2020, nous avons commencé à collecter des données au moyen de l’Enquête mensuelle sur les carburants renouvelables et l’hydrogène. En janvier dernier, nous avons élargi cette enquête pour recueillir aussi des données sur les matières premières; les sucres fermentés hydrotraités; l’eau; le gaz naturel; les liquides, dont le biobrut, le carburant d’aviation de remplacement et les autres carburants renouvelables liquides; les gaz, dont le biogaz d’enfouissement, le gaz naturel renouvelable et l’hydrogène, et il y a une longue liste de produits d’hydrogène; et les solides, dont les granules de bois et les coproduits des usines de carburant renouvelable.
Nous n’avons pas encore de données parce que nous venons de commencer à les collecter, mais nous allons les publier. Elles nous donneront une meilleure idée des technologies propres que le secteur utilise.
La sénatrice McCallum : Si vous n’avez pas de données, comment pouvez-vous les qualifier d’énergies propres? Selon moi, pour qu’une énergie soit considérée comme propre, il doit y avoir un équilibre entre les dommages qu’elle cause... Par exemple, tout le monde dit que l’hydroélectricité est une énergie propre, mais c’est faux. Elle cause beaucoup de dommages dans le Nord. Comment pouvez-vous les qualifier d’énergies propres en l’absence de données?
Paola Mellow, directrice générale, Bureau des marchés du carbone, Environnement et Changement climatique Canada : Je ne crois pas que je vais répondre à toutes vos questions, mais je vous rappellerais peut-être que le secteur pétrolier et gazier est assujetti à une série de règlements environnementaux. Je peux parler, par exemple, du dernier projet de règlement, qui a été publié le 9 novembre. L’objectif de cette mesure est de permettre au secteur de croître conformément aux projections de la Régie de l’énergie du Canada par rapport à l’atteinte de la carboneutralité, tout en plafonnant ou en limitant les émissions produites en amont par l’industrie pétrolière et gazière et l’industrie du gaz naturel liquéfié. Ce n’est là qu’un exemple.
Ma collègue peut vous donner d’autres exemples de règlements environnementaux. Ce que j’essaie de dire, c’est qu’à la réglementation s’ajoute une série de règlements environnementaux qui ont été mis en place pour soutenir la transition de l’industrie pétrolière et gazière vers la décarbonisation, tout en veillant à ce qu’elle puisse soutenir la concurrence à l’échelle mondiale.
En ce qui touche les énergies propres, la seule chose que je dirais du point de vue de la réglementation, c’est qu’en général, les règlements qui concernent les énergies propres définissent ce terme. À titre d’exemple, ma collègue de Statistique Canada a parlé des combustibles propres. En vertu du Règlement sur les combustibles propres, les raffineries doivent réduire les émissions produites durant le cycle de vie de toute l’essence et de tout le diésel utilisés au Canada.
Ce règlement comprend une définition des énergies propres auxquelles les raffineries peuvent avoir recours pour atteindre cet objectif et pour produire des combustibles propres. Le règlement établit, par exemple, l’intensité en carbone de base des combustibles fossiles. Le règlement dit : « Voici l’intensité en carbone de base des combustibles fossiles utilisés au Canada. Pour vous conformer au règlement, vous devez faire la transition vers des combustibles plus propres, c’est-à-dire des combustibles dont l’intensité en carbone est inférieure à l’intensité en carbone de base des combustibles fossiles. »
C’est une réponse très large à votre question, mais je tenais à introduire dans la discussion le concept de la série de règlements qui ont été mis en place pour aider le secteur, de pair avec les subventions, à faire la transition vers la décarbonisation et les énergies propres.
Le président : Si je peux me permettre un commentaire, je pense que le problème que nous avons, c’est qu’il y a beaucoup d’information, et votre réponse est très technique, mais je ne sais pas ce qu’elle nous dit. Je comprends la question de ma collègue, qui se demande comment on peut se forger une opinion en l’absence de données ou de faits. Je vous remercie d’avoir exprimé votre point de vue, mais cela ne nous rassure pas vraiment quant à la certitude des renseignements que nous recevons et à leur signification.
La sénatrice McCallum : Ce que je trouve préoccupant entre autres est le fait que les règlements ne sont pas appliqués. Prenons la régie de l’énergie de l’Alberta. Elle pourrait avoir imposé une amende à la société Imperial Oil au moins 26 fois concernant les sables bitumineux, mais elle ne l’a pas fait. La société a seulement écopé d’une amende de 51 000 $. Il y a aussi les résidus de Kearl Lake. Environnement et Changement climatique Canada vient de lancer une enquête pour déterminer si la Imperial Oil avait enfreint les lois fédérales avec ses deux rejets de résidus, qui s’écoulent encore en ce moment. On a constaté récemment que la société avait contrevenu à la Loi sur les pêches.
Mon autre préoccupation est liée aux déversements récents de résidus toxiques provenant des sables bitumineux, qui révèlent des failles importantes dans les mesures de protection de l’environnement du Canada et de l’Alberta. Selon les lectures que j’ai faites, les lois ne sont pas appliquées à l’égard de cette pollution qui se répand dans les cours d’eau.
Je ne sais pas comment poser ma question.
Le président : Quelqu’un veut-il donner son avis sur cette question?
Mme Mellow : Je vais demander à ma collègue, Mme Little, de répondre.
Magda Little, directrice, Pétrole, gaz et énergie de remplacement, Environnement et Changement climatique Canada : Oui. Je vais poursuivre dans la foulée des commentaires de ma collègue, Mme Mellow.
Le ministère a mis en place un certain nombre de règlements qui restreignent les émissions de gaz à effet de serre et la pollution de l’environnement.
Je vais parler du règlement actuel sur les émissions de méthane produites par le secteur pétrolier et gazier. Le processus réglementaire s’est terminé en 2018 et le règlement est entré en vigueur en 2020. Il avait pour objet d’aider le Canada à atteindre d’ici 2025 sa cible de réduction des rejets de méthane issus de la production pétrolière et gazière de 40 % à 45 % sous les niveaux de 2012. Ce règlement établit des restrictions sur la quantité de méthane qui peut être ventilée et sur les émissions fugitives par installation.
Nous avons proposé des modifications il y a presque un an, en décembre 2023, pour resserrer le règlement en fonction des cibles du Canada pour 2030. Ce que nous proposons permettrait de réduire d’ici 2030 les rejets de méthane par le secteur d’au moins 75 % sous les niveaux de 2012 en imposant des restrictions sur les émissions délibérées de méthane par le secteur et en réduisant les émissions fugitives.
Le méthane est un gaz à effet de serre 25 fois plus puissant que le CO2. La réduction des émissions de méthane en particulier permettrait d’atteindre les cibles de 2030 et contribuerait à l’atteinte des objectifs de 2050. Le méthane est aussi un polluant atmosphérique qui contribue à la formation de smog dans l’atmosphère et qui affecte la santé humaine au Canada et dans le monde.
Lorsque le secteur émet du méthane, il émet également d’autres polluants atmosphériques, dont certains, comme le benzène, sont toxiques. Le règlement sur le méthane permettra de réduire ces émissions. On estime que les réductions auront des effets bénéfiques importants sur la santé partout au Canada qui varieront selon la région et qui amélioreront la santé des personnes âgées, des enfants et des personnes aux prises avec des problèmes de santé.
En outre...
Le président : Je dois vous arrêter ici. Il ne nous reste presque plus de temps. Ces informations sont intéressantes. Comment avancent les modifications que vous avez proposées il y a un an?
Mme Little : En ce moment, nous tenons plusieurs discussions avec l’industrie, les organismes non gouvernementaux et le milieu universitaire. Nous peaufinons le règlement et nous nous attendons à publier la version définitive au cours des prochains mois.
Le président : Quand le règlement entrera-t-il en vigueur?
Mme Little : Le règlement a pour objet de réduire les émissions, y compris les émissions toxiques. Parce que nous voulons donner à l’industrie le temps de faire les investissements nécessaires, le nouveau règlement s’appliquera seulement aux nouvelles installations, qui auront jusqu’à 2027 pour s’ajuster. Les installations existantes auront quant à elles jusqu’en 2030 pour se conformer au règlement.
Évidemment...
Le président : Il y a encore loin de la coupe aux lèvres. Voilà pourtant une vérité de La Palisse dont nous discutons abondamment depuis 10 ans. Cette décision tombe sous le sens, mais l’échéancier est sans cesse reporté probablement parce que l’industrie refuse de coopérer.
Je vous félicite pour cette idée, mais il faut se concentrer sur sa mise en œuvre.
[Français]
La sénatrice Youance : Merci aux invités de nous avoir fait part de leurs expériences et de leurs données. J’aimerais aller plus loin pour comprendre à quel niveau Statistique Canada recueille cette information et comment ces données sont utilisées pour orienter l’industrie canadienne du secteur pétrolier et gazier et pour développer les politiques.
Puisque Mme Little parlait du méthane, le Canada envoie de nouveaux satellites pour évaluer l’évolution de l’émission de méthane. Dans quelle mesure ces données influencent-elles les politiques publiques? Enfin, ces données sont-elles publiques?
Pour ma deuxième question, j’aimerais revenir sur les subventions. Le Canada et différentes provinces accordent des subventions à la population canadienne pour l’achat de véhicules électriques. Or, quand on revient à la logique de la production, il y a un certain paradoxe, parce que l’industrie profite des avancées de la technologie pour augmenter la production de véhicules. À ce moment-là, il y a un problème de cohérence par rapport à tout ce qui a trait à la congestion et à l’agrandissement des banlieues.
Comme nous le savons, les véhicules électriques sont moins polluants, ce qui a un impact plus global. Cependant, dans quelle mesure les données recueillies par Statistique Canada évaluent-elles les effets complémentaires des subventions pour les véhicules électriques?
Je vais m’arrêter là.
Le président : Est-ce que vous avez la réponse?
[Traduction]
Mme Withington : Très bien. Merci. C’est une longue question qui comporte plusieurs volets. Je vais essayer de répondre, mais si j’oublie quelque chose, n’hésitez pas à me relancer.
Nous consultons une grande variété de données administratives et nous puisons aussi dans les données d’enquêtes sur toutes sortes de sujets. Vous parliez des véhicules électriques. Grâce au système d’immatriculation des véhicules, nous savons qu’environ 20 % des véhicules achetés récemment sont des véhicules électriques. Comme je l’ai mentionné tout à l’heure, nous recueillons des informations sur toutes les facettes de la société, de l’environnement et de l’économie.
Quant à l’utilisation de ces données par les décideurs, nous nous attendons à ce que ceux-ci examinent les vastes ensembles de données et en arrivent eux-mêmes à des conclusions fondées sur une variété de sources. Notre travail est de leur fournir des informations et de leur indiquer lesquelles employer dans telle ou telle situation.
Nous ne fournissons pas de conseils stratégiques. Notre travail ne consiste pas à nous prononcer sur des politiques ou à suggérer des mesures à prendre. Nous écoutons les diverses parties prenantes pour déceler les lacunes dans les données. Nous cernons les manques de données ou les données un peu désuètes et nous essayons d’apporter des correctifs.
J’espère que j’ai répondu à votre question. Nous avons des informations sur tous les éléments de l’économie, du marché du travail et de l’environnement.
La sénatrice Anderson : Veuillez pardonner mon retard. Je suis passée par trois secteurs de travaux pour me rendre ici.
Je voudrais en savoir plus sur le travail de planification effectué à Ressources naturelles Canada — la question s’adresse en fait à n’importe quel représentant des ministères — en vue de composer avec les effets des changements climatiques et les incidences sur l’utilisation des combustibles et sur la hausse des coûts. Je vais vous donner deux exemples.
La source de l’énergie consommée à Yellowknife est l’hydroélectricité. Comme les niveaux d’eau sont très bas depuis des mois, les responsables se sont résolus à revenir à l’utilisation des combustibles lourds pour l’alimentation en électricité.
En ce moment, à Norman Wells, une barge a été annulée. En raison du bas niveau d’eau dans le fleuve Mackenzie — niveau prévisible qui avait d’ailleurs été prédit —, les coûts des combustibles dans la localité ont augmenté jusqu’à 4,65 $ le litre d’essence et jusqu’à 5,19 $ le litre de pétrole de chauffage.
Vos ministères suivent-ils l’évolution de la situation? Des efforts sont-ils consentis pour se préparer à y faire face? Dans le tronçon entre Yellowknife et Norman Wells — qui compte 2 communautés sur 33, en plus des autres —, le bas niveau d’eau dans le fleuve nous oblige à compter sur les combustibles lourds. Ces communautés aux prises avec le coût élevé de la vie se font livrer leur combustible par avion, ce qui augmente la production de gaz à effet de serre. Avez-vous un plan ou une stratégie pour remédier à la situation?
Mme O’Brien : Sénatrice, merci beaucoup de soulever cette question.
En fait, Ressources naturelles Canada travaille avec acharnement et directement avec les Territoires-du-Nord-Ouest et avec le géant du combustible Imperial Oil pour assurer un approvisionnement continu en combustible dans la communauté. Nous sommes très conscients des conséquences que vous venez de mentionner sur l’abordabilité.
Pour une deuxième année d’affilée, l’approvisionnement en combustible dans ces communautés est mis à mal pour les raisons que vous avez présentées. Nous amorçons l’année en essayant de nous projeter dans l’année suivante afin de ne pas nous retrouver dans un cercle vicieux. Nous essayons de trouver des moyens d’expédier dans les communautés encore plus de carburant afin de constituer des réserves qui permettraient d’en transporter davantage une fois l’hiver arrivé ou d’assurer un approvisionnement accru provenant de sources fiables par camion.
Vous avez raison lorsque vous évoquez des problèmes systémiques, mais en ce qui concerne l’approvisionnement fiable en diésel dans les communautés du Nord, des programmes sont en place au ministère.
Je vais demander à mon collègue, M. Leyburne, de nous faire part de son expertise.
M. Leyburne : Merci.
En consultation avec d’autres ministères et organismes fédéraux, Ressources naturelles Canada a mis en place un programme complet de subventions et de contributions ayant pour objectif de résoudre la dépendance au diésel des communautés éloignées et du Nord. Mon portefeuille comprend depuis quelques années l’Initiative autochtone pour réduire la dépendance au diésel, qui soutient en étroite collaboration avec les populations locales des cohortes de champions autochtones de l’énergie dans les communautés.
Une bonne partie de ces efforts ont convergé au cours des années dans un programme appelé Fonds pour une économie à faibles émissions de carbone. Plus récemment, le fonds a été converti en une initiative multiministérielle très importante qui a pour nom Wah-ila-toos, dont la mission est d’aider les communautés autochtones à préparer leur avenir énergétique en réduisant la consommation de diésel et en adoptant les énergies renouvelables.
Seulement cette semaine, le conseil consultatif autochtone affilié à cette initiative a publié un rapport capital assorti de recommandations à l’intention du gouvernement. Je serais très heureux d’en faire part au comité s’il le souhaite.
Encore une fois, nous travaillons très étroitement avec nos partenaires à Services aux Autochtones Canada et à Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada. Wah-ila-toos constitue un portail unique dont la porte est ouverte à toutes les communautés autochtones qui veulent régler les problèmes que vous avez soulevés.
Je vais seulement mentionner pour conclure qu’au-delà du déploiement de technologies, nous avons une série assez exhaustive de programmes pancanadiens de rénovations et d’efficacité écoénergétiques. Nous avons aussi des programmes adaptés aux régions situées au-delà du 60e parallèle qui nous permettent de travailler avec l’Inuit Tapiriit Kanatami et avec les communautés autochtones dans ces latitudes pour améliorer l’efficacité énergétique de leurs bâtiments et atténuer leur dépendance aux hydrocarbures ou à l’électricité.
La sénatrice Anderson : Merci beaucoup de ces informations.
Je voudrais souligner une ou deux choses. Vous avez qualifié la situation de problème systémique. À propos de la route de glace dont vous parlez, l’ouverture ou non de cette route et sa période d’ouverture sont des choses qui pourraient être débattues. Les communautés comptent sur cinq ou six semaines d’ouverture, mais au fil des ans, cette période s’est écourtée. Par conséquent, le problème à Norman Wells va demeurer insoluble.
La municipalité de Norman Wells se retrouve avec le problème. Les administrations municipales — les maires et les conseillers — sont sur la ligne de front de ces changements massifs. Elles doivent absorber les coûts immenses, soutenir les résidants aux prises avec des problèmes d’abordabilité et lutter contre l’exode de leur population.
La ville de Norman Wells a fait ce qui s’imposait. Elle a fait circuler une pétition pour que soit décrété l’état d’urgence afin de régler la crise humanitaire dans la communauté. Elle demandait des fonds de 1,84 million de dollars en remises pour compenser les coûts exorbitants d’expédition de diésel de même qu’un soutien logistique ou financier immédiat du gouvernement fédéral jusqu’à l’ouverture de la route d’hiver en février ou en mars.
Ce problème permanent pour les administrations municipales revêt des proportions énormes dans les petites communautés. Pendant ce temps, tous les ordres de gouvernement semblent agir en aval plutôt qu’en amont. Il faut s’efforcer davantage de traiter directement avec les communautés, puisque ce sont elles qui se débattent avec plusieurs de ces difficultés.
À propos de la réduction des coûts des combustibles, dans la communauté d’Aklavik, qui est déficitaire, les coûts des combustibles pour chauffer les bâtiments ont triplé au point de compromettre le fonctionnement de la municipalité.
Ces problèmes sont très réels. Le fédéral ne prend pourtant aucune mesure pour les régler. Je ne vois pas de mobilisation. Les communautés où je me rends ne constatent rien non plus.
Je voulais le mentionner, et je vous remercie de vos informations.
Le président : Madame Little, souhaitez-vous ajouter quelque chose?
Mme Little : Dans une perspective réglementaire, qui est la nôtre, il faut reconnaître de manière systémique les besoins particuliers.
Les règlements sur la production énergétique par des moteurs diésel stationnaires prévoient des exigences particulières pour la région au nord du 60e parallèle pour réduire les barrières et assurer l’accès à ces équipements. Ces exigences sont différentes de ce qui est en place dans le Sud.
Le président : Si vous le permettez, j’aimerais poser une question que je vais peut-être adresser à M. Leyburne. Comme ma collègue la sénatrice Miville-Dechêne l’a noté, selon les témoignages que nous avons entendus et les informations que nous avons obtenues, les choses ne tournent pas rond avec l’industrie.
En fait, selon ce qui est rapporté dans les journaux, Suncor indique sans aucune ambiguïté qu’à l’heure actuelle, son intention est d’ignorer le gouvernement. Sa devise est de ne jamais cesser de forer. Pourtant des témoins nous disent que les entreprises feront plus d’argent en cessant leurs activités de forage et en laissant les puits vides ou non productifs, étant donné que le système, qui n’est pas vraiment mobilisé, ne motive pas les sociétés à se dépasser.
Ce que nous avons entendu indique très clairement que le système ne fonctionne pas. Vous pouvez toujours mentionner des échéanciers en espérant que l’industrie les respecte un jour. C’est très facile d’anticiper l’avenir, mais on finit souvent par se tromper.
Plus les échéanciers sont éloignés, plus il est facile pour l’industrie de s’en tirer parce que rien ne se concrétise de toute façon.
Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez, monsieur Leyburne? Vous affirmez que tout va bien dans le meilleur des mondes. La participation est bonne et les programmes fonctionnent bien.
Est-ce bel et bien le cas? Pourquoi alors entendons-nous au comité un son de cloche différent?
M. Leyburne : Nous sommes tous d’accord pour dire qu’il reste encore beaucoup de travail à faire dans le secteur pétrolier et gazier pour atteindre les objectifs de 2030. La carboneutralité est un énorme défi à relever pour les industries à fortes émissions.
En ce qui touche la technologie CUSC — la technologie de captage, d’utilisation et de stockage du carbone est une des technologies qui revenait le plus souvent dans les discussions au comité —, il ne faut pas oublier que la courbe de coût est similaire à celle de la plupart des technologies propres. La dernière fois que je suis venu témoigner, j’ai dit, sauf erreur, que les panneaux solaires se sont vendus pour la première fois en 1959, mais que ces dispositifs devancent les autres solutions technologiques seulement depuis les cinq dernières années sur le plan des coûts.
Grâce au travail de R-D accompli dans nos laboratoires au gouvernement et au financement que nous versons aux organismes qui font de la R-D, nous nous attendons à réduire de façon substantielle les coûts non seulement de la technologie CUSC, mais aussi des autres technologies au cours de la prochaine décennie et dans les années 2030 et 2040.
Les technologies de CUSC doivent être évaluées de la même manière que les autres technologies. Il existe un certain nombre de projets au Canada et à l’étranger qui atteignent toutes les cibles qu’ils se sont fixées d’un point de vue technologique. Il y a des acteurs précoces. Boundary Dam, comme vous le savez certainement, est une centrale au charbon qui utilise le CUSC. Il s’agissait d’un projet de calibre mondial, qui a atteint un grand nombre de ses cibles, mais pas toutes, parce qu’il était le premier de son genre. Nous devons accorder le même temps aux technologies de CUSC.
Je sais qu’il est difficile de faire preuve de patience lorsqu’il est question des changements climatiques, mais ces technologies doivent être éprouvées. Le Canada est à l’avant-garde pour prouver au monde qu’il s’agit de technologies viables. Entre 20 et 25 % des projets actifs dans le monde se trouvent au Canada, et nous avons la géologie et l’expertise qui feront de notre pays un chef de file si nous continuons à aller de l’avant.
Le président : Où en est Shell? Quel est le pourcentage des émissions captées par le projet de Shell?
M. Leyburne : Cela varie. D’ailleurs, ce n’est plus le projet de Shell; nous l’appelons le projet Quest de Shell, mais ce n’est pas Shell qui l’exploite. Je devrai vous fournir les données précises sur les résultats plus tard, car les chiffres varient au fil des ans. Les résultats s’améliorent d’année en année.
Je peux vous parler d’autres projets actifs que je n’ai pas encore mentionnés. La raffinerie Sturgeon capte 99 % du CO2 généré par son unité de gazéification de l’hydrogène, et Entropy et son projet de CUSC à l’usine Glacier ont jusqu’à présent capté 90 à 95 % du CO2 généré par la combustion du gaz naturel.
Le président : Qu’en est-il du projet de Shell, approximativement?
M. Leyburne : Il capte environ 80 % des émissions, mais le tout est mesuré d’une manière un peu compliquée. Je ne sais pas si mes collègues du ministère de l’Environnement qui surveillent les résultats ont ces chiffres.
Mme Little : Oui. Le rendement du projet de Shell ressemble à ce que M. Leyburne a dit : il capte une source assez pure de CO2. Les taux de captage demeurent donc élevés.
Le président : Qu’en est-il du plafond? Ils sont tous satisfaits? Tout le monde est content?
M. Leyburne : Vous faites allusion au plafonnement des émissions du secteur pétrolier et gazier? La position du secteur est claire. Je ne sais pas si quelqu’un souhaite intervenir.
Mme Mellow : Je peux parler du plafonnement des émissions du secteur pétrolier et gazier.
Comme vous le savez, nous avons publié la réglementation proposée au début du mois de novembre. Elle se fonde sur des conversations antérieures avec les représentants du secteur. Nous entrons maintenant dans la période de consultation officielle.
J’aimerais souligner que l’établissement du plafond sur les émissions a été l’un des points saillants de notre engagement à ce jour avec l’industrie. Ce plafond repose sur une évaluation des technologies réalisables sur le plan technique. Plus précisément, cela inclut les technologies de réduction du méthane, l’hydrogène, le CUSC et quelques autres éléments; les solvants, je suppose, sont un autre élément important qui a été pris en compte. Bref, nous avons reçu des commentaires de l’industrie et d’autres intervenants pour dresser ce tableau des technologies réalisables sur le plan technique qui seront déployées dans le secteur pétrolier et gazier entre 2030 et 2032, qui correspond à la première période de conformité. La réglementation s’organise autour de l’adoption de cette technologie.
Le président : Mais elle a été préparée en collaboration avec l’industrie, ce qui explique qu’il y ait quelques plaintes, mais tout le monde est d’accord. Vous pensez que tout le monde s’adaptera dans les prochaines années. C’est bien ce que vous dites?
Mme O’Brien : Si vous me le permettez, j’aimerais prendre un peu de recul par rapport aux commentaires que M. Leyburne et Mme Mellow ont formulés au sujet du plafond sur les émissions. Mais j’entends y revenir.
Le gouvernement veut — et tout le monde le comprend — que nous décarbonisions l’économie. Le secteur pétrolier et gazier est celui qui contribue le plus aux émissions de gaz à effet de serre. Il a réalisé d’importants progrès au chapitre des émissions au cours des dernières années, tant sur le plan des émissions absolues que sur le plan de leur intensité. Il est important de reconnaître ce qu’il a accompli.
Cependant, il reste beaucoup de chemin à faire, et nous ne pouvons pas nier que la production augmente.
Si nous voulons décarboniser l’économie au rythme prescrit, il nous faut des investissements importants. En tant que gouvernement fédéral, nous essayons d’utiliser tous les leviers à notre disposition, y compris les outils réglementaires qui sont du ressort de mes collègues d’Environnement et Changement climatique Canada. À RNCan, nous disposons de quelques programmes de financement qui, ensemble, inciteront, nous l’espérons, l’industrie et le gouvernement à effectuer les investissements nécessaires et très coûteux qui nous permettront d’atteindre nos cibles.
Le président : Ce n’est pas encore le cas?
Mme O’Brien : Non, mais des engagements ont été pris dans plusieurs secteurs de l’économie. Je peux certainement parler du secteur pétrolier et gazier, où les plus grandes entreprises se sont engagées à atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Notre objectif, avec les outils dont nous disposons, est d’aller plus loin, plus vite. Le plafond d’émissions est l’un de ces outils. Le gouvernement a décidé qu’il faut en faire davantage dans le secteur pétrolier et gazier pour tendre vers la carboneutralité.
Comme l’a dit Mme Mellow, nous avons effectué de nombreuses analyses à l’aide des données de Statistique Canada lors de l’élaboration de cet outil. Nous avons fixé des cibles qui, selon nous, sont raisonnables pour ce secteur.
Cela dit, cela repose sur des modèles et des données statiques. Le projet de règlement fait l’objet de consultations. Le gouvernement a indiqué qu’il attendait avec impatience une consultation sérieuse sur le projet de règlement et sur la question de savoir si nous avons trouvé le juste équilibre.
Sénateur, pour répondre à votre question, le message du secteur est clair et unanime : nous n’avons pas trouvé le juste équilibre. Voilà pourquoi des consultations ont lieu. Les règlements ont été publiés au début du mois de novembre. La période de consultation est ouverte pendant 60 jours. Nous encourageons vivement non seulement les intervenants du secteur, mais aussi tous ceux qui s’intéressent à cette question à participer activement au processus de consultation. Cela nous permettra d’obtenir une réglementation mieux adaptée.
Nous savons qu’il est important de mettre en place les bonnes conditions pour encourager les investissements dans la décarbonisation afin d’atteindre les objectifs globaux.
J’espère que cela définit ce que nous essayons de faire avec nos différents...
[Français]
La sénatrice Verner : Je vais continuer sur le sujet de l’étude, c’est-à-dire l’industrie pétrolière et gazière.
Dans une note d’information sur l’élimination progressive du financement public dans le secteur des combustibles fossiles, il était indiqué que l’élimination progressive serait annoncée publiquement d’ici l’automne 2024. Nous sommes à la fin de l’automne 2024. À quel moment prévoyez-vous d’annoncer cette mesure? Lorsque vous parlez du financement public que vous voulez éliminer progressivement, parle-t-on toujours de l’ensemble des subventions, c’est-à-dire les subventions inefficaces et toute forme de subvention à l’industrie?
[Traduction]
Mme O’Brien : Nous allons nous renseigner pour savoir quand le gouvernement sera en mesure de publier les résultats de l’analyse menée conformément au cadre sur les subventions inefficaces aux combustibles fossiles qui a été publié. Nous ne manquerons pas de communiquer avec vous à ce sujet. Je crois que le cadre a été publié il y a environ un an.
Un autre engagement vient compléter ce cadre : la Déclaration de Glasgow. Elle a été publiée un an avant, en décembre 2022. Cet engagement concerne le financement de projets de combustibles fossiles à l’échelle internationale. Ensemble, ces mesures tentent de s’attaquer aux subventions aux combustibles fossiles de manière plus générale.
Le gouvernement est en train de mettre au point un engagement sur le financement public des combustibles fossiles. Il espère le présenter dans les mois à venir.
[Français]
La sénatrice Verner : Je ne suis pas certaine que l’on parle de la même chose.
J’ai bien compris, dans l’annonce de juillet 2023, qu’il y aurait un cadre d’évaluation pour les subventions inefficaces. Vous avez expliqué précédemment qu’il y avait un certain nombre de critères qui devaient être satisfaits ou non pour être jugés inefficaces ou efficaces. Selon la note d’information, notamment dans le communiqué de presse, on annonce également qu’il y aura un plan pour éliminer progressivement les subventions dans le secteur des combustibles fossiles. Cela devait être fait, nous disait-on, d’ici l’automne 2024. On arrive à l’hiver 2025. À quel moment prévoyez-vous de nous donner davantage d’informations sur cette mesure que vous voulez mettre en place? Contient-elle tout type de subvention d’aide à l’industrie? Si j’ai bien compris ce que vous avez dit un peu plus tôt, vous avez indiqué que, pour atteindre certains objectifs, il y aura de gros investissements à faire. Cela me semble contradictoire.
[Traduction]
Mme O’Brien : Je vous remercie de cette précision. Je m’excuse si mes commentaires n’étaient pas clairs.
Je vais replacer les choses dans leur contexte. Le gouvernement a pris trois engagements pour s’attaquer aux subventions aux combustibles fossiles. Deux de ces engagements ont été rendus publics. Le premier est la Déclaration de Glasgow qui porte sur le financement de projets d’exploitation de combustibles fossiles à l’échelle internationale. Par exemple, le soutien apporté par Exportation et développement Canada pour la création d’une usine de gaz naturel dans un pays en développement serait visé par cet engagement.
Le deuxième pilier est la stratégie sur les subventions inefficaces aux combustibles fossiles, qui a été publiée l’année dernière. Dans le cadre de cette stratégie, on examine les mesures d’aide gouvernementale de toutes sortes, comme les mesures fiscales et les dépenses au titre de programmes, pour déterminer celles qui sont inefficaces. Le gouvernement est en train d’effectuer le travail nécessaire à cette fin. Jusqu’à présent, cette analyse indique que le Canada compte très peu de programmes de subventions aux combustibles fossiles qui sont jugés inefficaces.
Le troisième engagement consiste à s’attaquer à tout le reste. Il s’agit du financement public du secteur des combustibles fossiles. Le gouvernement est en train de mettre la touche finale à l’approche qu’il adoptera pour aborder cette question — je pense que l’on pourrait simplement parler de mécanismes de soutien résiduels pour le secteur — et a l’intention de présenter ces engagements très bientôt, dans les semaines ou les mois à venir. Je pense que vous avez dit qu’il y avait un engagement politique indiquant que ce cadre serait publié avant la fin de l’année civile.
[Français]
La sénatrice Verner : Je vous remercie.
[Traduction]
Le sénateur D. M. Wells : J’aimerais aborder deux sujets. Le premier concerne les efforts mondiaux en matière de contrôle des émissions. Je sais que Statistique Canada ne recueille pas de statistiques sur les autres pays. Les plus grands producteurs de pétrole sont les États-Unis, la Russie et l’Arabie saoudite. Le Canada se classe au quatrième rang. Le Venezuela et l’Arabie saoudite possèdent les plus grandes réserves. Vient ensuite le Canada. Compte tenu de cela, je peux peut-être poser une question à l’ensemble des témoins ici présents. Comment le Canada se compare-t-il au reste du monde au chapitre de l’efficacité des efforts visant à réduire les émissions de carbone et de méthane, entre autres? Il peut s’agir de données empiriques.
Monsieur Leyburne, nous nous connaissons depuis longtemps. Je sais que vous avez une grande expérience de ce domaine. Nous nous connaissions déjà lorsque nous avions encore les cheveux bruns.
Comment le Canada se compare-t-il? Que font ces pays pour réduire leurs émissions?
Mme O’Brien : Je peux commencer et j’espère que mes collègues m’aideront. Je vous remercie de la question. Je pense qu’elle est très importante.
Pour pouvoir répondre à la question avec une certaine rigueur, il faudrait préciser le produit dont on parle. Nous sommes extrêmement privilégiés, car le Canada regorge de combustibles fossiles, de produits pétroliers et gaziers. Prenons l’exemple des sables bitumineux. Il s’agit d’un pétrole très lourd dont le taux d’émissions est généralement plus élevé que celui de produits plus légers comme le pétrole brut plus léger ou le gaz.
Tout à l’heure, j’ai indiqué que le secteur des sables bitumineux du Canada avait réalisé d’importants progrès sur le plan des émissions. Chose certaine, ils ne font pas partie des produits les plus polluants dans la catégorie du pétrole lourd. À ma connaissance, il y a des pays — le Venezuela et d’autres, par exemple — dont les produits ont des profils d’émissions plus élevés.
Si nous examinons d’autres catégories de produits et que nous comparons, par exemple, le gaz naturel canadien à celui de ses concurrents internationaux, le Canada s’en sort très bien, et ce, pour différentes raisons. Il y a d’abord les bassins dont nous disposons. Nous avons de la chance, car le produit qui est extrait du sol a tendance à être plus propre que celui qui est extrait d’autres bassins, comme le bassin Permien aux États-Unis. De plus, le Canada possède une approche réglementaire rigoureuse. Il dispose de règlements stricts sur le méthane auxquels les entreprises doivent se conformer.
Si l’on considère les produits bruts plus légers exploités dans les zones extracôtières du Canada, on constate qu’ils sont parmi les plus propres au monde, lorsque l’on tient compte de leur profil d’émissions ; cela est dû à la nature de la ressource exploitée, mais aussi au cadre réglementaire en place.
Mme Little : Pour donner suite à ces commentaires, l’Agence internationale de l’énergie, ou AIE, a réalisé des analyses pour comparer l’intensité des émissions de différents pays à l’aide d’une méthode rigoureuse qui est toujours la même, dans la mesure du possible, entre les pays.
Comme l’a souligné ma collègue, le Canada possède un pétrole lourd dont la production est à l’origine de grandes quantités d’émissions. En ce qui concerne le méthane, le Canada s’en sort très bien, en grande partie grâce aux règlements en vigueur depuis 2018 et aux exigences imposées à l’industrie pour réduire ces émissions.
Je dirais toutefois qu’il faut en faire plus. Nous devons toujours chercher des façons de nous améliorer, notamment parce que l’Union européenne examine de très près les émissions de méthane de ses fournisseurs de pétrole et de gaz. Elle exigera de tous ses fournisseurs qu’ils mettent en place des systèmes de mesure et de surveillance du méthane. D’ici 2030, elle a également l’intention d’établir des seuils d’intensité pour ces produits.
À l’échelle mondiale, les entreprises le reconnaissent. Une cinquantaine d’entre elles, dont certaines des plus grandes comme Saudi Aramco, se sont engagées à réduire pratiquement toutes les émissions de méthane d’ici 2030. Il est vraiment important que nous améliorions continuellement nos ressources et que nous décarbonisions pour rester concurrentiels à l’échelle internationale.
Le président : Madame Little, auriez-vous l’obligeance de nous envoyer un exemplaire de ce rapport de l’AIE, si possible?
Mme Little : Bien sûr.
Le président : Vous pouvez l’envoyer à ma collègue. Je vous remercie. Nous l’avons entendu à maintes reprises, et je l’ai demandé à maintes reprises, mais il serait intéressant d’avoir des explications plus scientifiques, comme vous l’avez mentionné.
Le sénateur D. M. Wells : Je vous remercie, madame O’Brien, d’avoir dit que l’industrie extracôtière à Terre-Neuve-et-Labrador est parmi les moins polluantes du monde. Il n’y a pas de pipelines, pas de fuites de pipelines et pas de bassins de décantation susceptibles de dissiper le méthane. Le produit est directement mis sur le marché. Je vous remercie de l’avoir mentionné, car je l’aurais fait.
Le secteur pétrolier, en particulier au Canada, mais aussi à l’échelle mondiale, a la mauvaise réputation d’être un gros émetteur. Or, je pense qu’il est important de souligner — j’aimerais obtenir un commentaire à ce sujet — que l’utilisation des hydrocarbures, du gaz naturel et du pétrole, sert à la production d’électricité, au transport, à la production alimentaire et à l’agriculture, à la construction, ainsi qu’au chauffage et à la climatisation des bâtiments commerciaux et résidentiels.
Existe-t-il des solutions de rechange convenables au pétrole et au gaz à l’échelle commerciale et industrielle qui peuvent répondre à ces besoins?
M. Leyburne : Je vais d’abord parler de la situation à long terme, mais votre regard se porte probablement sur le court terme. À long terme, les hydrocarbures seront toujours utilisés dans l’économie mondiale — certainement pour ce qui n’est pas remplaçable, comme les produits chimiques, les matières premières, les lubrifiants, etc.
Je pense que lorsqu’il s’agit de déterminer dans quelle mesure les combustibles sont remplaçables dans un contexte donné, la situation varie vraiment au Canada à ce stade-ci. Il existe davantage de choix maintenant qu’il y a 10 ans ou qu’à l’époque des crises de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, ou OPEP, dans les années 1970 et 1980. Ainsi, là où le marché et la physique stimulent les avancées technologiques, des solutions de remplacement entrent en jeu.
Pour ce qui est des moteurs à combustion interne, l’avantage des véhicules électriques est qu’ils ne gaspillent pas 70 ou 80 % de l’énergie en chaleur comme le ferait un moteur à essence. Je pense que la physique prévaudra avec le temps, à mesure que les technologies s’amélioreront. Or, pour l’instant, je pense que nous savons tous que le pétrole et le gaz jouent un rôle absolument essentiel. Ils font partie de l’économie canadienne et de toutes les collectivités au pays à l’heure actuelle. Si nous prétendons pouvoir fermer le robinet et disposer de solutions de rechange rentables, c’est impossible. Il n’y a aucun endroit dans le monde où c’est vrai présentement.
Mme Mellow : Si je peux ajouter quelque chose à propos du Règlement sur les combustibles propres, encore une fois, nous avons en place une réglementation très importante pour les fournisseurs d’essence et de diésel utilisés au Canada. Il les oblige essentiellement à réduire l’intensité des émissions de l’essence et du diésel utilisés au pays au cours de leur cycle de vie.
Il existe divers moyens d’assurer la conformité. Il y a l’utilisation de combustibles fossiles plus propres, mais aussi la substitution. Par exemple, le règlement va favoriser l’adoption de combustibles à faible intensité en carbone, comme les biocarburants, l’hydrogène et le diésel renouvelable, c’est-à-dire des produits issus de déchets. Il va également favoriser l’adoption de véhicules électriques, de véhicules à hydrogène et de véhicules au gaz naturel.
Il existe une série de combustibles plus propres, et ce règlement contribue à leur adoption, essentiellement parce qu’il exige une amélioration au chapitre de l’intensité des émissions de l’essence et du diésel utilisés au Canada au cours de leur cycle de vie, mais on n’y précise pas la façon de procéder. Il propose essentiellement un certain nombre de moyens que l’on peut utiliser, en travaillant avec l’industrie à mesure que de nouveaux types de technologies de combustibles font leur apparition. Il s’agit d’un incitatif permanent pour aider — du point de vue de la réglementation — à disposer en quelque sorte d’un espace pour des combustibles et des technologies plus propres, et c’est combiné aux programmes.
Le président : Merci beaucoup.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Je m’inquiète beaucoup pour l’avenir de la planète.
Étant donné que nous sommes un gros producteur de pétrole et de gaz, je ne peux faire autrement que de voir des paradoxes dans notre situation. Je comprends que nous sommes dans une économie de marché. Cependant, vous dites que nous faisons de grands efforts pour réduire la pollution causée par l’industrie, alors que nos sables bitumineux sont plus dommageables que les plateformes au large de Terre-Neuve.
Il me semble que le paradoxe est énorme. C’est comme l’éléphant dans la pièce. On vend de plus en plus de pétrole sans pour autant connaître nos propres besoins. Vous parlez de nos besoins en pétrole, mais on en vend partout.
Vous avez ce plafonnement qui arrive. Vous dites que vous faites des calculs, des projections et des graphiques. Êtes-vous en mesure de dire si le plafonnement que vous allez imposer permettra de réduire la production de pétrole, et si oui, de combien?
Je lis votre documentation et c’est très compliqué. Vous avez accordé des unités à chaque industrie, mais elles vont utiliser leurs crédits compensatoires, donc elles ne feront pas grand-chose. Si je comprends bien, les industries vont acheter ou remplacer leurs crédits compensatoires.
Je trouve donc qu’il y a beaucoup de paradoxes; je comprends que bien des efforts sont faits, mais tant et aussi longtemps que la production augmente et que l’on vend partout, c’est assez difficile de réduire nos émissions.
[Traduction]
Mme O’Brien : Je serai heureuse de préciser le contexte. Je vous remercie. Il y a beaucoup de choses dans vos observations et vos questions.
Non, non, c’est...
La sénatrice Miville-Dechêne : ... un moyen de s’en sortir, et il semble que ce soit très difficile.
Mme O’Brien : On sent que la question vous tient à cœur et vous avez parlé avec beaucoup d’éloquence des problèmes que nous essayons de résoudre.
Concernant ce que vous avez dit au sujet du rythme auquel la transition se passe, comme l’a indiqué M. Leyburne, personne dans ce groupe ne dira qu’il ne faut pas aller plus loin et plus vite pour atteindre les objectifs climatiques. Cependant, il y a un certain nombre d’aspects complexes lorsqu’il s’agit de voir jusqu’où et à quelle vitesse on peut raisonnablement aller. Par la réglementation et les programmes, nous nous concentrons sur l’offre de combustibles fossiles, et un certain nombre de ces initiatives ciblent cet aspect de l’équation.
Vous avez toutefois raison de souligner qu’il y a un élément important qui touche la demande. Les producteurs répondent aux demandes du marché. Le sénateur Wells avait indiqué un certain nombre de façons d’utiliser les combustibles fossiles qui persistent et se poursuivent.
Il est difficile de trouver cet équilibre compte tenu du temps et des problèmes posés par les changements climatiques. Nous nous concentrons là-dessus.
Une partie du défi consiste toutefois aussi à veiller à ce que, non seulement nous atteignons des objectifs climatiques importants, mais aussi à ce que nous n’oublions pas les éléments importants qui entrent en jeu pour faire en sorte que les sources d’énergie restent abordables pour les citoyens. Nous voyons ce qui se passe lorsque les prix à la pompe augmentent sous l’effet de différentes pressions. L’abordabilité demeure une grande préoccupation, tout comme la fiabilité.
Nous devons veiller à mettre en place des solutions énergétiques qui répondent aux besoins des Canadiens et des gens partout dans le monde.
Lorsque nous pensons à nos outils et à nos programmes réglementaires, nous pensons consciemment à la manière dont nous assurons l’équilibre entre les trois aspects. Voilà peut-être le contexte ou la toile de fond. Mme Mellow peut parler davantage du plafond d’émissions.
Le président : Nous devons faire vite, car nous manquons de temps.
Mme Mellow : Absolument.
Pour que les choses soient claires, le plafond d’émissions n’est rien d’autre que cela : il s’agit d’un plafond sur les émissions, et non sur la production. Nous examinons les technologies de réduction des émissions réalisables sur le plan technique, mais nous faisons un lien avec une prévision de production qui provient du scénario de carboneutralité du Canada de la Régie de l’énergie du Canada. En gros, dans ce scénario, le Canada et les autres parties à l’Accord de Paris atteignent leurs objectifs provisoires et de carboneutralité. Dans ce scénario, le secteur pétrolier et gazier du Canada augmente sa production jusqu’en 2030.
Je tiens à souligner qu’il y a un espace entre l’augmentation de la production et l’augmentation des émissions. Les choses se sont améliorées dans le secteur sur le plan de l’intensité énergétique au fil du temps. Je ne nie pas que nous avons constaté une croissance des émissions, mais dans le contexte plus large que ma collègue a très bien décrit, il y a cette séparation entre la réduction des émissions et la production d’émissions. Nous avons constaté des améliorations importantes sur le plan de l’efficacité énergétique.
La sénatrice McCallum : Selon les scénarios du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, si la température mondiale augmente de 3 à 4 degrés Celsius, le monde pourrait être confronté à de graves conséquences environnementales, sociales et économiques. La consommation de combustibles fossiles, dont le pétrole, est l’un des principaux facteurs du réchauffement.
Bien que la majeure partie de la production pétrolière canadienne soit exportée, en particulier vers les États-Unis, les émissions en aval de cette consommation contribuent de manière importante au niveau de gaz à effet de serre dans le monde, mais elles sont prises en compte ailleurs que dans les rapports du Canada sur le climat. Dans quelle mesure l’industrie pétrolière canadienne contribue-t-elle aux émissions mondiales de gaz à effet de serre, et comment devons-nous envisager les répercussions du pétrole exporté lorsque les émissions sont prises en compte par d’autres pays? Nous demeurons responsables des émissions en question. Existe-t-il des outils stratégiques ou des initiatives industrielles qui pourraient atténuer les répercussions des émissions en aval du pétrole exporté?
Je voudrais également revenir sur le commentaire du sénateur Wells sur les activités pétrolières extracôtières.
Mais, je pose ma question. Lorsque le pétrole est transporté par des pétroliers, quelle quantité d’émissions est produite par ces pétroliers?
Matthew Watkinson, directeur, Analyse et évaluation réglementaire, Environnement et Changement climatique Canada : En ce qui concerne la déclaration des émissions et les cadres stratégiques à cet égard, aux termes de l’Accord de Paris, il existe des règles de déclaration dans la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, ou CCNUCC. Elles tiennent compte de la manière dont les pays doivent déclarer leurs propres émissions. Je ne suis pas un spécialiste dans ce domaine, mais j’ai des collègues qui le sont et nous pourrions donc vous fournir des renseignements sur ce cadre de déclaration.
Le président : Veuillez les envoyer à notre greffière et nous les distribuerons aux membres du comité.
La sénatrice McCallum : Comment rendez-vous compte des émissions? Parce que nous en sommes toujours responsables.
Le président : Ce sont les 20 % qui concernent la combustion; c’est votre question, n’est-ce pas?
La sénatrice McCallum : Oui, ce sont les effets en aval : le raffinage et la distribution.
M. Watkinson : De façon très générale, étant donné que tous les pays signataires du traité déclarent leurs émissions, ils disposent d’une structure destinée à prendre en compte la totalité des émissions et à déterminer la part de chacun. Il s’agit d’un ensemble de règles bien précises qui sont utilisées pour le calcul. Je ne sais pas exactement de quoi il s’agit, mais je peux vous fournir l’information.
La sénatrice McCallum : Merci. Pour ce qui est de la question sur les pétroliers, je vous prie de nous envoyer l’information.
[Français]
La sénatrice Youance : J’aimerais revenir sur la question de ma collègue la sénatrice Miville-Dechêne. Il y a un grand débat sur l’incertitude de l’évolution de la demande et il y a deux scénarios : celui où le Canada continue d’augmenter sa production et celui où l’on parle de technologie. Évidemment, avec tout ce qu’il y a comme prix du carbone, le coût des produits deviendra un élément très important. C’est donc l’aspect qui représente l’augmentation de la production de produits pétroliers et gaziers.
On peut le voir comme une occasion, mais comment le Canada fera-t-il face à la pression de la demande mondiale, tout en cherchant à atteindre les objectifs de développement durable?
L’autre paradoxe, c’est dans le cas d’une diminution progressive de la production. Comment le Canada va-t-il accompagner les secteurs qui perdront les avantages associés à la production de pétrole? On voit qu’il s’agit là de deux grands paradoxes.
[Traduction]
Mme O’Brien : Merci. Vous avez raison. Il y a là un paradoxe auquel nous réfléchissons tous. Pour revenir à une question qu’a soulevée le sénateur Wells concernant le profil des émissions des produits canadiens, pour un certain nombre de produits, comme le gaz naturel, d’aucuns soutiennent qu’en exportant du gaz naturel vers ses pays alliés pour les aider à décarboniser leurs systèmes énergétiques, le Canada contribue à améliorer les résultats en matière d’environnement et de climat à l’échelle mondiale, même si l’augmentation de la production se traduira par une hausse des émissions à l’échelle nationale.
Nous réfléchissons certainement à ces questions et à la manière dont un cadre politique pourrait y répondre. Par exemple, un résultat d’atténuation transféré à l’échelle internationale, ou RATI, est à l’étude. Il pourrait constituer une voie à suivre, même si sa mise en œuvre n’est pas sans poser de problèmes.
Vous avez cependant raison. Il s’agit d’une question importante à laquelle nous sommes confrontés. Le Canada est sur une trajectoire pour décarboniser son économie, mais d’autres pays suivent des voies différentes et sont à des stades de préparation différents. Les producteurs canadiens de pétrole et de gaz ont un certain nombre d’occasions d’explorer les possibilités qui s’offrent à eux. Cela fait partie de l’équilibre que nous essayons d’atteindre.
Le président : Je ne poserai qu’une seule question. Je pense à toutes les difficultés auxquelles nous faisons face compte tenu de la position des États-Unis sur le pétrole et le gaz, les droits de douane, etc. Ai-je raison de dire que les Américains sont autosuffisants quant à leurs besoins en pétrole et en gaz, mais qu’ils incluent souvent nos exportations pour arriver à zéro? Mes chiffres sont-ils exacts? Lorsqu’on inclut notre produit, ils sont autosuffisants, mais si on exclut notre produit, ils seront à court de notre produit? Ai-je raison de dire cela?
Mme O’Brien : Il y a beaucoup à dire sur cette question. Il est certain que le Canada et les États-Unis ont un marché de l’énergie très privilégié et intégré. On ne peut pas sous-estimer l’importance de ce commerce. Nous avons plus de 70 oléoducs et gazoducs qui acheminent des produits du Canada vers le sud et vice versa.
Le Canada est la plus grande source d’importation de pétrole aux États-Unis. Actuellement, nous exportons environ 4 millions de barils par jour. Le Canada est à l’origine de 99 % des importations de gaz aux États-Unis. Comme je l’ai mentionné, cette relation est intégrée et certainement réciproque. Une grande partie de l’Ouest des États-Unis reçoit en fait son gaz naturel de l’Alberta et de la Colombie-Britannique.
Le président : Par conséquent, d’un point de vue économique, si nous n’avons aucun intérêt à exporter notre pétrole et notre gaz pour satisfaire les besoins des Américains, ces derniers devront se tourner vers le reste du monde — l’Europe et ainsi de suite — pour satisfaire leurs besoins. Est-ce exact?
Mme O’Brien : Si l’on se penche sur l’augmentation des exportations, par exemple, en ce qui concerne le gaz naturel liquéfié des États-Unis, un secteur qui a tout simplement explosé en quelque sorte ces dernières années, c’est en grande partie le fait des exportations de gaz naturel canadien vers les États-Unis. Les marchés sont fortement intégrés.
Le président : S’ils rompent les liens avec nous ou si nous décidons, pour des raisons économiques, qu’il n’est pas rentable d’en exporter, ils seront à court d’approvisionnement?
Mme O’Brien : Nous voyons des répercussions négatives des deux côtés de la frontière.
La sénatrice McCallum : Pour ma prochaine question, j’aimerais obtenir une réponse par écrit.
J’ai reçu une lettre d’un biochimiste de recherche à la retraite. Il y est question de la capture de carbone :
La capture de carbone est devenue une tactique dilatoire. Malgré des décennies de développement et des milliards de dollars en investissements, cette solution reste grandement inefficace et n’a pas fait ses preuves sur le plan de la réduction des émissions. Elle ne permettra pas de réduire les émissions liées à l’extraction pétrolière comme le laisse entendre l’Alliance nouvelles voies et elle n’a été déployée avec succès nulle part, y compris pour la production d’hydrogène bleu. En outre, le déploiement de la capture de carbone dans des secteurs où il est difficile de réduire les émissions, comme ceux de l’acier et du béton, est également improbable. Contrairement à la capture de carbone, ces industries innovent rapidement et avec succès et n’auront pas besoin de la capture de carbone.
Le président : Monsieur Leyburne, êtes-vous de cet avis?
M. Leyburne : Je suis ravi d’intervenir sur la question liée à la technologie de captage, d’utilisation et de stockage de carbone, ou CUSC.
Je travaille tous les jours avec des chercheurs et des ingénieurs en énergie. Ils ont tous leurs technologies préférées. J’ai le luxe de me pencher sur toutes les technologies de l’énergie et j’essaie donc de juger la technologie de CUSC selon les mêmes normes que les autres.
Il est tout simplement faux de dire qu’il n’y a pas de projets de CUSC en cours qui répondent à tous les objectifs technologiques qui ont été fixés. Il est absolument faux de dire que les industries du ciment et de l’acier ne s’appuieront pas sur la technologie de CUSC. Il en va de même pour l’industrie pétrolière et gazière.
Comme je l’ai dit, on parle d’une technologie qui est encore en train de franchir les niveaux de préparation que toutes les technologies de l’énergie doivent franchir. Nous ne pouvons pas nous permettre de l’abandonner parce qu’il y aura des émissions pour lesquelles, quelle que soit la qualité des batteries ou des combustibles de remplacement, il n’y aura pas de solution de rechange. Le ciment en est un bon exemple. Il y a des émissions liées aux procédés de l’industrie du ciment dont on ne peut pas se débarrasser, à moins de recourir à la capture du carbone.
Et c’est avant de parler des technologies d’élimination du carbone qui s’inspirent en grande partie de la capture du carbone. Elles peuvent en effet éliminer les émissions négatives au fil du temps, ce qui, chaque année, devient de plus en plus nécessaire.
Nous reconnaissons, tout comme le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et l’Agence internationale de l’énergie — toutes les organisations du secteur de l’énergie crédibles dans le monde —, qu’il s’agit d’une technologie absolument nécessaire pour atteindre les cibles de carboneutralité.
La sénatrice Miville-Dechêne : Dans le document que vous nous enverrez, pouvez-vous essayer d’indiquer un pourcentage pour le pétrole et le gaz? Combien d’entreprises, du point de vue de la production, utilisent la capture de carbone? Cela pourrait nous donner une idée. Des gens disent qu’il n’y en a pas. Vous dites que cela existe. Peut-être qu’avec quelques données, nous saurions à quel point c’est répandu.
M. Leyburne : Je peux vous donner une liste des projets nationaux et internationaux...
La sénatrice Miville-Dechêne : Et le pourcentage au Canada, comme le nombre d’entreprises...
M. Leyburne : Oui. D’emblée, ce sont les grands producteurs qui s’y intéressent le plus. Plus le projet est de petite envergure, moins c’est probable.
Le président : Veuillez écrire tout cela pour que nous puissions avoir l’information.
Merci beaucoup. Nous avons eu une bonne discussion. Nous sommes un peu plus intelligents grâce à vous. Merci à mes collègues.
(La séance est levée.)