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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 12 décembre 2024

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), avec vidéoconférence, pour étudier de nouvelles questions concernant le mandat du comité.

Le sénateur Paul J. Massicotte (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bonjour, honorables sénateurs. Je m’appelle Paul J. Massicotte, je suis un sénateur du Québec et je suis président du comité.

Aujourd’hui, nous tenons une séance du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.

Je demanderais à mes collègues du comité de se présenter, en commençant par ma droite.

La sénatrice Youance : Suze Youance, du Québec.

La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Anderson : Margaret Dawn Anderson, des Territoires du Nord-Ouest.

Le sénateur Fridhandler : Daryl Fridhandler, de l’Alberta.

Le sénateur D. M. Wells : David Wells, de Terre-Neuve-et-Labrador.

[Français]

La sénatrice Galvez : Rosa Galvez, du Québec.

La sénatrice Verner : Josée Verner, du Québec.

Le président : Aujourd’hui, des scientifiques et des fonctionnaires du gouvernement nous présenteront une séance d’information scientifique sur les phénomènes météorologiques extrêmes au Canada qui portera sur les points suivants : le changement climatique et l’évolution des phénomènes extrêmes, des exemples d’événements extrêmes, la manière dont nous émettons des alertes et les conséquences pour les parties prenantes, comme les banques, les assurances et autres.

D’Environnement et Changement climatique Canada, nous accueillons Doris Fortin, directrice générale, Direction des politiques, planification et partenariats, Service météorologique du Canada, Sébastien Chouinard, directeur exécutif intérimaire, Programmes nationaux et développement des affaires, par vidéoconférence et Greg Flato, directeur, Recherche climatique, par vidéoconférence.

Je vous souhaite la bienvenue et vous remercie d’avoir accepté notre invitation.

Comme il s’agit d’une séance d’information scientifique, la réunion d’aujourd’hui ne se déroulera pas de la même manière que d’habitude. Trente minutes sont réservées pour votre présentation, qui sera suivie d’une période de questions et de réponses. La parole est à vous, monsieur Flato.

[Traduction]

Greg Flato, directeur, Recherche climatique, Environnement et Changement climatique Canada : Merci beaucoup.

J’aimerais commencer par donner un peu de contexte. Le climat mondial change. Nous l’observons depuis longtemps, et nous savons pourquoi il change. Il change surtout à cause des émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine, principalement le dioxyde de carbone. Vous avez ici la raison pour laquelle c’est aussi bien compris, et le changement de température que vous voyez dans la partie inférieure gauche est le changement de la température moyenne annuelle mondiale de l’air en surface de 1850 à aujourd’hui. Il y a plusieurs lignes provenant de différents établissements qui font ce genre d’estimations de la température mondiale. Elles se ressemblent beaucoup. Il y a une variabilité à mesure que la température augmente et descend d’une année à l’autre, mais au fil du temps, au cours des 170 dernières années environ, on peut observer une hausse inexorable de la température. Nous sommes actuellement à environ 1,1 ou 1,2 degré au-dessus de ce que nous appelons la « période préindustrielle », mais à vrai dire, c’est la moyenne de la période allant de 1850 à 1900.

Le réchauffement n’est pas uniforme sur la planète; il est plus important à des latitudes élevées et plus important sur les terres par rapport aux océans. Même dans des régions plus petites, ce n’est pas uniforme. Le tableau à droite montre la période allant de 1948 à 2020. La ligne rouge indique la hausse de température dans le monde entier. Les lignes droites indiquent la tendance, et la ligne bleue montre la tendance pour le Canada. Le Canada se réchauffe à peu près deux fois plus rapidement que la moyenne mondiale. Le pays s’est réchauffé d’environ deux degrés pendant cette période.

Si vous prenez l’Arctique canadien, c’est-à-dire la ligne grise, vous verrez qu’il s’est réchauffé d’environ 3 degrés par rapport à la période préindustrielle.

La prochaine diapositive montre cette information sur une carte. Dans la partie supérieure droite, on voit cette tendance au Canada de 1948 à 2023. Les couleurs allant du jaune à l’orange indiquent les grandes tendances, comme on le voit sur l’échelle en dessous, qui montre le nombre de degrés par décennie. On peut voir que le réchauffement n’est pas uniforme au pays. En fait, il est plus important au Yukon, dans les Territoires du Nord‑Ouest et au Nunavut, et il l’est moins dans les régions maritimes. Ce n’est pas uniforme.

Les images au bas de la diapositive représentent les résultats des projections des modèles des changements climatiques futurs en fonction de différentes émissions de gaz à effet de serre et d’autres scénarios : un scénario à faible émission et un autre à émissions élevées. Une fois de plus, nous voyons que la tendance n’est pas uniforme au Canada. Le réchauffement est plus important dans le Nord du pays que dans le Sud. Dans un scénario d’émissions élevées, où les températures mondiales augmentent de quelque cinq degrés d’ici la fin du siècle, l’Arctique canadien se réchaufferait d’environ 10 degrés.

La prochaine diapositive montre que les changements climatiques ne se limitent pas à la température. À mesure que la température augmente, beaucoup d’autres choses changent en parallèle, comme les précipitations, l’importance du cisaillement combiné, le niveau de la mer et beaucoup d’autres choses. Je vous montre maintenant une image qui porte sur la neige. Il est question ici de l’équivalent en eau de la neige, c’est-à-dire la quantité d’eau qui serait l’équivalent de la neige au sol, et nous observons déjà un déclin, plus particulièrement dans le Sud du Canada. Les zones brunes indiquent une tendance à la baisse de la quantité de neige, ce qui va se poursuivre, sans surprise, à mesure que le climat se réchauffe.

La quantité maximale de neige au sol chaque année est un indicateur important de la quantité d’eau qui sera ensuite disponible pendant l’été pour des choses comme l’agriculture, la production hydroélectrique, l’approvisionnement en eau des villes, etc. C’est une autre quantité importante qui est directement associée aux changements climatiques.

Une fois combinées, ces choses, à savoir le réchauffement, les changements dans les modèles de précipitations et dans la quantité de neige, le dessèchement accru du sol l’été, etc., peuvent toutes mener à des effets supplémentaires comme une augmentation du risque d’incendie de forêt. En 2023, nous avons connu une année extrême pour ce qui est des incendies de forêt, qui ont été beaucoup plus intenses que tout ce que nous avons vu dans le passé, et nous pouvons faire des analyses pour déterminer à quel point l’année aurait été plus extrême si les activités humaines n’étaient pas en train de changer le climat. Le résultat de ces analyses est que la saison des incendies que nous avons connue en 2023 a été cinq fois plus longue qu’elle ne l’aurait été dans les conditions préindustrielles. Donc, les changements climatiques que nous observons ont fait en sorte que c’était cinq fois plus susceptible de se produire.

C’est un exemple de ce que nous appelons une « analyse d’événement extrême ».

À la sixième diapositive, c’est décrit de manière un peu plus détaillée. C’est un peu plus technique, mais l’essentiel, c’est qu’à mesure que le climat change, ce qui est important, ce n’est pas seulement les valeurs moyennes, le changement de la température moyenne et des précipitations moyennes et ce genre de choses. En fait, ce qui est beaucoup plus important, c’est le changement concernant les événements extrêmes, la probabilité, l’ampleur ou l’intensité de ces événements. C’est ce qui cause des dommages et ce qui entraîne des conséquences auxquelles nous devons nous adapter et réagir.

Nous pouvons faire une analyse semblable à ce que je viens tout juste de décrire pour différentes sortes d’extrêmes, et au cours de la dernière année, nous avons déployé un nouveau système mis au point à Environnement et Changement climatique Canada qui s’appelle le système d’attribution rapide des événements extrêmes. Grâce à ce système, qui se sert de modèles informatiques, nous comparons la probabilité d’un événement que nous voyons, comme une vague de chaleur, et nous déterminons à quel point il est plus susceptible de se produire à cause des changements climatiques. De plus, quelle est la probabilité que cet événement ait eu lieu dans un climat préindustriel avant les activités qui ont modifié le climat?

Nous obtenons ainsi deux fonctions différentes de distribution de probabilités. C’est ce que vous voyez à droite, c’est-à-dire les courbes qu’on voit habituellement lorsqu’on établit les notes des élèves au secondaire.

Sans la contribution humaine au climat, nous obtiendrions une courbe semblable à la courbe bleue. Avec la contribution humaine au changement climatique, lorsque le climat est plus chaud, nous obtenons une courbe semblable à la courbe rouge. Cette courbe s’est déplacée, ce qui signifie que la moyenne a augmenté, mais il est intéressant de noter que toutes les autres statistiques connexes ont également augmenté. La probabilité d’un phénomène extrême dépassant un certain seuil, indiqué par cette ligne en pointillé, est donc beaucoup plus élevée dans un climat chaud que dans un climat froid.

Nous pouvons donc le faire presque immédiatement, dans les jours qui suivent un phénomène. Je vais donner quelques exemples dans les prochaines diapositives. C’est important parce que nous pouvons ainsi décrire et quantifier la mesure dans laquelle le changement climatique a augmenté la probabilité du phénomène — il s’agissait ici d’une vague de chaleur — immédiatement après qu’il se soit produit. Lorsqu’une infrastructure est endommagée par un phénomène extrême, qu’il s’agisse d’une route, d’un pont, d’un ponceau, etc., elle doit être reconstruite, mais elle doit l’être de manière à résister au climat futur, qui sera différent du climat passé. C’est la manière dont la conception a toujours été effectuée.

Dans ce but, nous travaillons avec le Conseil national de recherches Canada pour intégrer des renseignements dans les codes nationaux du bâtiment et les codes de la route. Nous pouvons ainsi également mieux communiquer les répercussions du changement climatique.

La diapositive suivante, la diapositive 7, montre le résultat de l’analyse que nous avons effectuée au cours de l’été dernier à l’aide de ce système d’attribution rapide des phénomènes météorologiques. Nous avons divisé le pays en 17 régions. Dans chaque région, nous avons examiné la vague de chaleur la plus chaude survenue au cours de l’été 2024 et lui avons attribué un code de couleur en fonction de la probabilité qu’elle ait été due au changement climatique par rapport aux conditions qui auraient prévalu si le climat n’avait pas changé. Nous comparons ainsi le climat actuel avec le climat de l’ère préindustrielle.

Le code de couleurs est le suivant : la couleur jaune, plus probable, signifie que la probabilité est au moins deux fois plus élevée qu’elle ne l’aurait été si le climat n’avait pas changé. La couleur orange, beaucoup plus probable, signifie que la probabilité est au moins deux à dix fois plus élevée, et la couleur rouge, encore plus probable, signifie que la probabilité est au moins dix fois plus élevée. Vous constaterez que les vagues de chaleur, les vagues de chaleur les plus chaudes que nous avons connues dans le Nord du Canada, étaient au moins dix fois plus susceptibles de se produire dans le contexte du climat actuel qu’elles ne l’auraient été dans le contexte d’un climat préindustriel inchangé.

La diapositive suivante, la diapositive 8, est un résumé des 17 régions dont nous avons parlé dans la diapositive précédente. Au cours de l’année écoulée, nous avons analysé 37 vagues de chaleur : quatre ont été jugées encore plus probables, 28 beaucoup plus probables, cinq plus probables et aucune n’a été jugée moins probable, comme on pouvait s’y attendre. Le phénomène le plus long a eu lieu dans un endroit dont je ne peux pas prononcer le nom, et je ne veux insulter personne en essayant de le prononcer et en le prononçant mal, mais c’était dans l’est de l’Arctique, et il a duré 25 jours entre septembre et octobre. Le phénomène le plus chaud a été la moyenne sur l’ensemble de l’Alberta en juillet, avec 31,5 degrés, et le phénomène extrême le plus chaud en termes d’anomalie, c’est-à-dire la différence entre un jour normal et un jour de vague de chaleur, s’est produit à Inuvik en août, où il a fait 13 degrés de plus que la moyenne.

Je vais donc passer la parole à ma collègue, Mme Fortin, pour qu’elle parle de certaines des conséquences de cette situation. Merci.

Doris Fortin, Direction des politiques, de la planification et des partenariats, Service météorologique du Canada, Environnement et Changement climatique Canada : Comme l’a mentionné M. Flato, et j’espère que vous en êtes conscients, les conditions météorologiques et les phénomènes météorologiques extrêmes sont l’une des manifestations quotidiennes du changement climatique. Sur la diapositive 9, vous pouvez voir un certain nombre de phénomènes marquants qui se sont produits dans le passé. Je vais parler de certains de ceux-ci. Je pense que nous les connaissons tous, soit parce que nous les avons vécus directement, soit parce que des membres de notre famille ou de notre collectivité les ont vécus.

Par exemple, en juillet, la conjugaison de chaleurs extrêmes, de faibles précipitations et d’éclairs a déclenché des incendies de forêt dans l’Ouest du pays. La ville emblématique de Jasper, en Alberta, a été ravagée par un incendie qui a entraîné la destruction de 30 % de ses structures. L’incendie s’est propagé très rapidement et Parcs Canada estime que le vent avait atteint une vitesse de 150 à 180 kilomètres heure. Certaines données indiquent qu’un phénomène très rare, appelé tornade de feu, s’est produit en même temps que l’incendie; cette question fait encore l’objet d’une enquête. Nos phénomènes extrêmes créent donc leur propre type d’extrême.

À Jasper, on estime que l’incendie a causé des sinistres d’une valeur de plus de 882 millions de dollars. Il ne s’agit là que des sinistres assurés. Ce chiffre ne tient pas compte des infrastructures appartenant à Parcs Canada qui ont été perdues, ni des autres coûts socio-économiques, et j’y reviendrai dans un instant. Évidemment, un pompier a tragiquement perdu la vie au cours de cet incendie.

Par ailleurs, l’été dernier, et M. Flato vient de le mentionner, une vague de chaleur de plusieurs jours a frappé le Nord du Canada. À Inuvik, le 7 août, la température a atteint 34,8 degrés. Si je me souviens bien, M. Flato a indiqué que la température était supérieure de 13 degrés Celsius à la moyenne normale. Étant donné que la lumière du jour était constante, la température a à peine baissé la nuit, ce qui a eu des répercussions importantes sur la collectivité. De nombreuses autres collectivités du Nord du Canada ont enregistré des températures similaires.

Les phénomènes météorologiques extrêmes ne se limitent pas à la chaleur. En 2024, nous avons également observé des pluies torrentielles sporadiques qui ont eu des effets dévastateurs, par exemple dans le Sud de l’Ontario, où des routes, des sous-sols et des stations de métro ont été inondés dans les villes de London, Hamilton, Burlington et Toronto. Le 16 juillet, le sol était tellement saturé que lorsqu’une nouvelle averse s’est abattue sur la région du Grand Toronto, nous avons assisté à des crues soudaines spectaculaires et au chaos. Les dégâts ont été estimés à près de 950 millions de dollars pour ce seul phénomène.

Ce type de phénomènes va continuer de se produire. Les modèles climatiques prévoient que d’ici la fin du siècle, les épisodes de précipitations extrêmes qui se produisent aujourd’hui tous les 20 ans environ au Canada pourraient se produire tous les cinq ans, et que la quantité de pluie sera également plus importante.

Un rapport récent de la Fédération canadienne des municipalités et du Bureau d’assurance du Canada a estimé que pour éviter les pires effets du changement climatique, les municipalités nécessiteraient des investissements de l’ordre de 5,3 milliards de dollars par an, répartis entre les différents niveaux de gouvernement.

[Français]

Sur le transparent no 10, les coûts associés aux phénomènes météorologiques extrêmes augmentent à mesure que ces événements deviennent de plus en plus fréquents et plus intenses. Selon les estimations de CatIQ, l’été dernier, quatre événements catastrophiques ont entraîné des dommages assurés d’une valeur de 7 milliards de dollars. C’est deux fois plus que le total en 2023. De plus, 2024 est en train de devenir l’année la plus coûteuse jamais enregistrée au Canada, avec des pertes assurées de plus de 8 milliards de dollars.

Cependant, les pertes assurées ne représentent qu’une partie du coût total des phénomènes météorologiques extrêmes violents. Ceux-ci entraînent également des pertes économiques croissantes, des perturbations sociales, des dommages environnementaux, des effets négatifs sur la santé et des pertes en vies humaines. De nombreux rapports indiquent que les Premières Nations, les Inuits et les Métis subissent de manière disproportionnée les conséquences de l’évolution du climat, car leur vie et leurs moyens de subsistance sont liés à la terre, à l’eau et à la glace.

Les impacts comprennent généralement des changements observés dans la faune, l’immigration des espèces, la variation des niveaux des eaux, l’intensité et la fréquence accrues des incendies de forêt, l’évolution des conditions de la glace de mer, les impacts sur la santé et le bien-être, les effets sur les infrastructures naturelles et construites et bien d’autres choses encore.

[Traduction]

Sur la diapositive 11, vous verrez que nous prévoyons que dans un avenir proche, les températures resteront élevées au Canada. À gauche, vous pouvez voir les prévisions relatives à la température moyenne sur cinq ans — de 2024 à 2028 — et c’est l’un des types de produits qui nous indiquent que les températures seront élevées. À droite, vous trouverez un autre type de produit dans lequel nous examinons les températures d’un point de vue saisonnier. Il s’agit donc des prévisions saisonnières établies par Environnement et Changement climatique Canada relatives aux températures moyennes au Canada pour la période allant de décembre 2024 à 2025, c’est‑à‑dire l’hiver. Vous pouvez voir, les couleurs allant du jaune au rouge — le rouge représentant la différence la plus importante — que les températures seront plus élevées que la normale au cours de cette période.

Nous utilisons assez souvent ces outils — avec les prévisions saisonnières à droite — avec la communauté de la gestion des urgences et de la préparation aux situations d’urgence. Nous fournissons ces prévisions saisonnières au Centre des opérations du gouvernement de Sécurité publique Canada, ainsi qu’à d’autres partenaires, notamment à nos homologues provinciaux et territoriaux, ainsi qu’aux organismes de gestion des urgences et aux autorités de santé publique. Ces produits aident les autorités publiques à soutenir la planification, la préparation et la réponse aux événements météorologiques extrêmes.

Sur la diapositive 12, à mesure que le climat continue de se réchauffer, les personnes et les collectivités continueront de subir des perturbations de leur mode de vie et de leurs moyens de subsistance. Cette diapositive est très chargée, mais je vais vous en présenter les points saillants.

Nous savons que les effets du changement climatique se font déjà sentir. J’ai cité quelques phénomènes météorologiques graves et M. Flato a montré que le changement climatique avait rendu une récente vague de chaleur plus probable. Même si nous arrêtions d’émettre du carbone demain, nous continuerions de ressentir les effets du changement climatique pendant plusieurs années, et comme je l’ai déjà dit, ces effets ne sont pas abstraits. Le changement climatique ne connaît pas de frontières et ne fait pas de discrimination en fonction de la géographie, du revenu, de l’appartenance ethnique ou de tout autre critère; nous sommes tous concernés. Chez nous, la hausse des températures a déjà eu de profondes répercussions sur nos vies, notre santé, nos communautés, notre économie et notre sécurité.

Par exemple, la mauvaise qualité de l’air due à la pollution et aux incendies de forêt a eu un coût important. Elle a eu des répercussions directes sur la santé des personnes et a causé des décès. Rien que l’année dernière, entre le 1er avril et le 30 septembre, le Canada a connu 870 jours de mauvaise qualité de l’air à différents endroits du pays, le plus souvent à cause de la fumée des incendies de forêt.

Le Nord du Canada a changé. Il pleut dans des régions où la pluie n’était jamais tombée auparavant, et la glace se transforme. Cette situation a des répercussions sur les communautés autochtones et leurs modes de vie traditionnels, et pose un certain nombre de problèmes liés à la sécurité, à l’économie et à la souveraineté. Ce phénomène survient alors que l’intérêt et les risques dans le Nord augmentent en raison des activités géopolitiques et économiques.

Comme je l’ai mentionné, les communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis continueront d’être touchées par les phénomènes météorologiques violents, qui viennent s’ajouter aux nombreuses autres crises auxquelles elles sont confrontées. Les agriculteurs canadiens ont dû composer avec une baisse des précipitations et de la quantité de neige nécessaire à l’irrigation de leurs terres et de leurs cultures, et c’est particulièrement vrai dans les Prairies. La fréquence et l’intensité des inondations, des chaleurs extrêmes et des tempêtes continueront d’augmenter, mettant en péril les vies et les infrastructures des Canadiens. Les gouvernements et les autorités publiques seront de plus en plus sollicités pour la préparation aux situations d’urgence, les interventions, les opérations de sauvetage et de récupération, et la productivité du Canada en subira les conséquences, car de nombreux secteurs économiques, sinon la plupart, dépendent d’une manière ou d’une autre des conditions météorologiques.

[Français]

Dans ce contexte, il est plus important que jamais de pouvoir prévoir les conditions météorologiques et les événements météorologiques afin de réduire les impacts sur les vies et les moyens de subsistance. Nous savons que les alertes précoces sauvent des vies. De nombreuses études ont montré que, pour chaque dollar investi dans les services météorologiques et les services climatiques, on obtient un retour pouvant aller jusqu’à 22 $ généré dans l’économie en général.

Nous devons continuer d’améliorer nos modèles pour être en mesure de prédire à plus long terme et adopter de nouvelles approches et de nouvelles technologies, comme l’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique, qui évoluent extrêmement rapidement dans le domaine des prévisions météorologiques.

Il faut penser aux informations dont les Canadiens, les autorités publiques, les communautés et d’autres ont besoin pour prendre des décisions concernant leur vie, leurs moyens de subsistance. Il faut penser également à de nombreuses échelles temporelles : du temps réel à des prédictions plus grandes, par saison, par année et au-delà.

Les effets des conditions météorologiques et des phénomènes météorologiques violents peuvent se cumuler dans le temps, dans l’espace et, bien entendu, ils se croisent avec d’autres conditions et d’autres vulnérabilités socioéconomiques.

C’est pourquoi nous devons collaborer entre les secteurs, les acteurs et les administrations pour fournir des informations fondées sur les risques et prendre des mesures d’action.

[Traduction]

Le gouvernement du Canada a dévoilé sa première Stratégie nationale d’adaptation. Celle-ci définit une approche commune en vue de rendre le Canada plus résilient face au changement climatique grâce à des solutions d’adaptation qui nous permettront de mieux nous préparer à faire face aux catastrophes plus fréquentes, plus graves et sans précédent auxquelles nous sommes déjà confrontés.

La réalisation de l’objectif de la Stratégie exige la collaboration et l’action de l’ensemble de la société. Des plans d’adaptation locaux, régionaux et sectoriels sont en place dans de nombreuses régions du pays. Ils établissent des priorités et prévoient des mesures visant à répondre aux risques les plus élevés et aux circonstances uniques.

Sur la diapositive 14, vous pouvez voir une capture d’écran montrant les services Web fournis par Environnement et Changement climatique Canada et par ses nombreux partenaires par l’entremise du Centre canadien des services climatiques.

[Français]

Pour favoriser une société résiliente aux changements climatiques, les Canadiens doivent avoir accès à des projections climatiques solides, en particulier celles qui sont liées aux phénomènes météorologiques extrêmes. Par exemple, les conditions climatiques futures doivent être explicitement prises en compte dans la conception et la planification des infrastructures, les nouvelles et celles que l’on répare ou reconstruit, comme Greg l’a mentionné tout à l’heure. On doit inclure ces conditions climatiques futures afin d’évaluer les risques et les vulnérabilités liés au changement climatique que l’on peut prédire.

La mission du Centre canadien des services climatiques d’Environnement et Changement climatique Canada est de fournir aux Canadiens les informations et le soutien nécessaires pour prendre en compte les changements climatiques dans leurs décisions.

Le centre est fondé sur une approche axée sur l’utilisateur et donne accès à des données climatiques à haute résolution par l’intermédiaire du site Web ClimateData.ca, que vous voyez ici. Ce portail collaboratif fournit des données climatiques à l’échelle du Canada, y compris des projections modèles climatiques futures et des données historiques.

[Traduction]

Enfin, permettez-moi de conclure avec la diapositive 15. La communauté scientifique internationale est unanime et les signes sont clairs : notre climat s’est réchauffé. Nous en voyons les effets. Il va continuer de se réchauffer. Les phénomènes ou conditions météorologiques violents, autrefois rares, seront plus fréquemment observés à l’avenir. Les pouvoirs publics continueront d’être mis à l’épreuve, et devront fournir des services en vue de sauver des vies et intervenir en cas de phénomènes météorologiques extrêmes. Les répercussions économiques seront considérables dans tous les secteurs de notre économie, qu’il s’agisse des primes d’assurance, des coûts de transport ou des risques liés à l’infrastructure. Je vais conclure sur ce point.

Les coûts des soins de santé augmenteront également en raison des effets directs sur la santé et des efforts que nous devons déployer pour adapter notre infrastructure de soins de santé au changement climatique.

Aucun secteur ne sera épargné. Toutes les composantes de notre société seront touchées et soumises à des pressions qui se traduiront par une augmentation du coût de la vie et des changements auxquels nous devrons faire face au quotidien.

Je vais m’arrêter ici. Merci.

[Français]

Le président : Merci beaucoup.

[Traduction]

Le sénateur D. M. Wells : Merci, monsieur Flato et madame Fortin, pour vos exposés. Ils étaient très intéressants.

Je souhaite établir une base de référence pour mes questions. Monsieur Flato, vous avez parlé de l’ère préindustrielle. Pouvez‑vous m’indiquer les années de l’ère à laquelle vous faites référence, afin que je puisse comprendre si l’ère préindustrielle correspond au XXe siècle?

M. Flato : Lorsque nous parlons de l’ère préindustrielle, nous parlons en fait de la période allant de l’année 1850 à l’année 1900. Nous sommes conscients qu’il y avait une activité industrielle avant 1850, mais à partir de cette année, la plupart des observations dont nous disposons relativement à des éléments comme la température deviennent suffisamment vastes pour que nous puissions faire des estimations. Nous utilisons la période allant de 1850 à 1900 comme approximation de la période préindustrielle qui a précédé cette époque.

Le sénateur D. M. Wells : Merci pour cette réponse. J’aimerais parler des codes du bâtiment et des codes de l’infrastructure civique. En cas de phénomène météorologique extrême lié à la pluie, le problème est-il qu’il y a beaucoup de pluie ou que l’activité humaine n’a pas tenu compte de l’augmentation possible des chutes de pluie, de la neige ou des tempêtes?

Si nous recevons 20 centimètres de pluie en forêt à l’intérieur du Québec, les conséquences seront évidemment moindres que si ces 20 centimètres de pluie tombaient dans le centre-ville de Toronto ou de St. John’s. Le problème n’est-il pas en partie dû au fait que les codes ne sont pas actualisés en fonction des phénomènes météorologiques qui se produisent ou qui existent?

M. Flato : Oui, c’est une combinaison de ces deux facteurs. Nous sommes davantage exposés à des phénomènes extrêmes et ceux-ci sont de plus en plus fréquents.

Du point de vue de la conception, les phénomènes extrêmes ont toujours existé. Nous avons toujours connu des précipitations extrêmes et des vagues de chaleur. Prenons l’exemple d’un réseau d’égouts pluviaux. Lorsque l’on conçoit un réseau d’égouts pluvial, on tient compte du fait qu’il n’est pas possible de le concevoir pour qu’il soit totalement résilient. Il y aura toujours un phénomène extrême qui provoquera une surcharge et des inondations, mais on conçoit le système en fonction d’un certain niveau de risque, de sorte que les défaillances du système d’évacuation des eaux pluviales ne se produiront qu’une fois tous les 20 ans, par exemple. Vous acceptez qu’il en découlera des coûts.

Avec le réchauffement du climat et parce qu’une atmosphère plus chaude peut contenir plus d’eau qui tombe ensuite sous forme de pluie, la probabilité de ces phénomènes extrêmes augmente et ils deviennent plus fréquents. Le système qui avait été conçu pour ne tomber en panne qu’une fois tous les 20 ans est donc désormais susceptible de tomber en panne une fois tous les cinq ans ou tous les deux ans, par exemple. Par conséquent, le coût que vous pensiez pouvoir tolérer est maintenant trop élevé.

À l’avenir, lorsque vous devrez remplacer une infrastructure de ce type, vous devrez la concevoir en fonction des phénomènes météorologiques extrêmes qui sont susceptibles de se produire au cours des 50 prochaines années — c’est-à-dire pendant le cycle de vie de l’infrastructure — plutôt qu’en fonction des phénomènes météorologiques extrêmes qui se sont produits au cours des 50 dernières années. C’est le genre de renseignements que nous apportons au Code national du bâtiment afin qu’il nous permette de concevoir des infrastructures qui résistent au climat à venir plutôt qu’au climat que nous avons connu dans le passé.

Le sénateur D. M. Wells : Je vous remercie de votre réponse. Comme j’ai encore un grand nombre de questions à poser, je vais poursuivre mon interrogation au cours de la deuxième série de questions. Mais j’ai encore une question à poser pour l’instant.

Comment le Centre canadien des services climatiques aide-t-il les Canadiens, les gouvernements ou les entreprises à exercer leurs activités? Fournissez-vous des conseils qui aboutissent tôt ou tard à des modifications du Code du bâtiment ou du code de l’infrastructure municipale? Que se passe-t-il réellement en dehors de la communication de renseignements?

M. Flato : En ce qui concerne les codes nationaux du bâtiment et les codes de la route nationaux, nous travaillons directement avec le Conseil national de recherches du Canada, qui a pour mandat de superviser l’élaboration des codes et des normes, et les comités des codes sont établis dans ce cadre. Ces comités, qui ont un équivalent provincial dans chaque province, se réunissent et décident des renseignements dont ils ont besoin. Ensuite, nous élaborons les renseignements qui soutiennent les changements à apporter aux codes du bâtiment.

Les codes de bâtiment sont mis à jour tous les cinq ans. Le Code du bâtiment vient d’être mis à jour, et une version de 2025 sera bientôt publiée. C’est la première version qui contient des renseignements qui permettront aux concepteurs de prendre en compte les projections climatiques au cours de la conception des infrastructures. Nous collaborons avec les comités des codes du bâtiment et le Conseil national des recherches du Canada pour élaborer les renseignements qui leur sont destinés.

Les concepteurs ont alors accès à des renseignements qu’ils peuvent utiliser pour concevoir des projets et établir des critères de conception pour les futures infrastructures. Voilà comment cela fonctionne. Cette information est en fait intégrée maintenant dans les codes du bâtiment.

[Français]

La sénatrice Youance : Ma question fait suite à celles du sénateur Wells. Je suis ingénieure civile et je pense que je vais laisser tomber ma profession. Le sénateur Wells disait que, dans le cas des infrastructures — si l’on pense aux nouvelles constructions, on pourra tout intégrer —, on fait face à des structures de routes ou de ponts et à des barrages qui sont sous‑dimensionnés. D’autre part, actuellement, dans le cas des bâtiments, quand on calcule les charges de neige, selon le code de 2015 ou de 2020, on a des augmentations de charge. En génie, on est en train de recommander à des gestionnaires d’immeuble de renforcer leurs structures pour soutenir plus de neige, mais en fait, il y aura moins de neige. C’est un casse-tête qu’on devra résoudre. Que doivent faire les ingénieurs? On est quasiment en train de faire des recommandations contraires à ce que vous venez de présenter.

[Traduction]

M. Flato : Il est vrai que les différents types d’extrêmes évoluent de manière différente. Nous avons parlé des chaleurs extrêmes, dont la fréquence augmente à mesure que le climat se réchauffe. La quantité totale de neige accumulée diminue à mesure que le climat se réchauffe. Dans de nombreux cas, la quantité de précipitations augmente dans la plupart des régions du Canada; la quantité de précipitations liée à un événement particulier augmente.

Deux choses peuvent se produire en même temps. Les précipitations peuvent être plus intenses, mais les précipitations cumulées pendant l’année, et en particulier la quantité de neige cumulée, diminuent. C’est ce que nous constatons, en particulier aux latitudes plus élevées, où les précipitations tombent davantage sous forme de pluie que de neige, ce qui a des répercussions différentes sur les infrastructures.

Il s’agit d’une difficulté interne qui dépend de la période de l’année. Il peut y avoir des précipitations plus intenses, mais à d’autres moments de l’année, comme en été, la quantité de neige accumulée pendant l’hiver fond plus tôt et n’est plus disponible pour humidifier les sols et alimenter les cours d’eau. Ces deux facteurs sont uniformes au niveau interne, mais ils dépendent de la saison et de la quantité observée.

Le sénateur Fridhandler : Je vous remercie de votre exposé. J’aimerais comprendre que ces extrêmes ne se produisent pas uniquement au Canada, comme c’est le cas pour toutes les questions relatives au changement climatique. Je me demande à quelle analyse des latitudes semblables vous vous êtes livrés à l’échelle mondiale. Les phénomènes sont-ils semblables, ou ceux observés au Canada présentent-ils des différences ou un caractère unique?

Mme Fortin : Monsieur Flato, voulez-vous commencer par parler du climat, et je pourrai parler un peu de certains phénomènes extrêmes?

M. Flato : Bien sûr. Comme je l’ai mentionné, il est vrai que les changements climatiques ne sont pas uniformes, mais ils ont une sorte de structure latitudinale. Les changements que nous connaissons au Canada sont très similaires à ceux que l’on observe en Europe du Nord et en Eurasie du Nord. D’un bout à l’autre du Nord, ces changements sont assez semblables. Le Canada n’est pas un cas unique. Les types de changements que nous observons ici sont également observés en Alaska, en Eurasie et en Europe du Nord. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

Le sénateur Fridhandler : C’est le cas, mais une question complémentaire serait de savoir si vos systèmes de surveillance et de coordination de ce qui se passe à tout moment en matière de changement climatique supposent une coopération avec d’autres pays, afin que vous puissiez mieux prévoir les fluctuations?

M. Flato : Je pourrais peut-être demander à Mme Fortin de parler un peu de l’Organisation météorologique mondiale et du fait que c’est l’organisme qui coordonne les observations dans le monde entier, lesquelles alimentent ensuite notre analyse.

Mme Fortin : Donc, ce que M. Flato a déclaré est vrai. Sous l’égide des Nations unies, il y a une organisation appelée Organisation météorologique mondiale qui compte quelque 150 membres, dont le Canada fait partie. Elle rassemble tous les services météorologiques, les services de prévision hydrométéorologique de ces 150 pays. Nous mettons en commun nos observations.

En utilisant des observations provenant du monde entier, nous sommes en mesure de prévoir les conditions à plus long terme. Cette coordination et cette collaboration sont essentielles pour nous permettre de faire des prévisions plus de deux ou trois jours à l’avance. Nous avons besoin de ces données qui circulent.

L’Organisation météorologique mondiale coordonne également différentes activités de recherche et différents essais technologiques et autres, qui nous permettent d’apprendre constamment de nouvelles choses et d’apporter des améliorations à nos systèmes. Elle publie également différents rapports importants qui traitent un peu de la question que vous avez posée, à savoir les changements et les phénomènes météorologiques extrêmes que les différents pays observent sur leur propre territoire, par exemple? Le Canada participe donc à cela.

Le sénateur Fridhandler : Je voudrais revenir à la 10e diapositive, qui montre la valeur en dollars des coûts associés aux phénomènes météorologiques extrêmes. Ce qui m’a sauté aux yeux, c’est qu’il y a quelques sommets entre le milieu des années 1990 et aujourd’hui, mais ces chiffres ne sont pas ajustés pour tenir compte de l’inflation.

Lorsque j’examine les 8,1 milliards de dollars dépensés en 2024 et que je me demande à quoi correspondent les 2,9 milliards de dollars dépensés en 1994, j’estime que certains de ces sommets sont peut-être équivalents, ou que certains sommets antérieurs sont en fait plus extrêmes une fois ajustés que les 8,1 milliards de dollars. Je le mentionne pour que nous ayons une meilleure compréhension des données.

Mme Fortin : Ces données proviennent de CatIQ. En fait, je ne sais pas si les chiffres sont ajustés, et ce n’est pas indiqué sur la diapositive. Pour savoir s’ils ont été ajustés pour tenir compte de l’inflation, il faudrait que je me renseigne et que je vous communique l’information plus tard. Mais je sais que le ministère de la Sécurité publique tient à jour une base de données des phénomènes qui sont survenus au Canada, et je sais que cette base de données est ajustée en fonction de l’inflation.

Le sénateur Fridhandler : Je crois que c’est très important pour comprendre cette diapositive.

Mme Fortin : Oui. Je vous remercie de votre avis à cet égard.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci pour vos présentations.

Je veux revenir sur deux points. Je veux revenir sur les systèmes d’égout dans les villes, parce que c’est quand même un des endroits où l’on voit, de façon la plus visible, les impacts quand il y a des pluies torrentielles. Vous semblez dire que les égouts ne sont pas faits pour des événements extrêmes, mais n’est-ce pas plutôt à cause de la vétusté de tout notre système d’égout, qui est trop vieux et brisé par endroits? On sait ce qui se passe en dessous. On ne le sait pas toujours — seulement quand cela éclate. Est-ce que ce n’est pas ça, le problème? Vous parlez de climat, mais au-delà des constatations et des réparations, avez-vous des données sur ce qui est fait, par exemple, sur les systèmes d’égout dans les grandes villes pour limiter les dégâts? J’étais à deux endroits où il y a des fleuves, cet été. En Allemagne et en France, on a bâti des systèmes d’égout absolument extraordinaires pour essayer de limiter ces phénomènes. Où en est-on au Canada où, si je comprends bien, les changements climatiques sont trois fois pires qu’ailleurs?

Le président : À qui s’adresse la question?

La sénatrice Miville-Dechêne : Qui peut y répondre? Vous ne pouvez peut-être pas y répondre. J’essaie juste de faire un saut entre la théorie et la pratique.

Mme Fortin : Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question. On peut en discuter avec d’autres gens qui pourraient y répondre et vous revenir.

[Traduction]

Monsieur Flato, je ne sais pas si vous avez des renseignements précisément à ce sujet.

La sénatrice Miville-Dechêne : C’est une mauvaise question. D’accord. Je devrais me limiter au climat.

Le président : Pourquoi n’en restons-nous pas là?

[Français]

Si possible, pouvez-vous nous envoyer la réponse par écrit par l’intermédiaire de votre expert? Ce serait apprécié.

La sénatrice Galvez : Premièrement, merci beaucoup, parce que c’est une très bonne présentation qui couvre beaucoup de choses. C’est très instructif.

[Traduction]

Cela nous sensibilise à la question.

Madame Fortin, vous avez dit que les phénomènes météorologiques extrêmes nuisent à la société de différentes manières, l’une d’entre elles étant la destruction des infrastructures. Et pour répondre à la question de mon collègue, il s’agit d’effets combinés. Bien entendu, les infrastructures en Europe sont beaucoup plus anciennes qu’au Canada, mais le Canada a beaucoup plus d’eau que l’Europe. Et la neige se transforme en eau, ce qui complique vraiment les choses.

Ma question porte sur les coûts. Les coûts indiqués dans votre graphique sont déjà ajustés pour tenir compte de l’inflation, et nous pouvons voir qu’ils augmentent de manière exponentielle. Toutefois, il ne s’agit que d’un tiers des coûts. Je le constate pendant les séances du Comité des finances nationales, et nous parlons au ministère de la Sécurité publique et à la GRC, qui demandent tous des fonds. Au total, je pense qu’il s’agit d’environ un tiers des coûts totaux. Les coûts augmentent donc.

Cela a une incidence sur les municipalités et sur les assurances. Nous savons que les assureurs quittent certaines régions. Je comprends les recommandations relatives aux codes du bâtiment, et elles sont fantastiques. Je suis heureuse de constater qu’elles existent. J’ai exercé des pressions pour qu’elles soient formulées, ce qui est génial. Mais qu’en est-il des coûts? Le Canada a-t-il l’argent nécessaire pour continuer à fonctionner de la sorte à raison de 3 ou 4 milliards de dollars par an? Où allons-nous trouver l’argent nécessaire?

Mme Fortin : Je vais peut-être confirmer au sénateur qui a posé la question tout à l’heure que le graphique de la 10e diapositive est ajusté en fonction de la valeur du dollar en 2023. C’est inscrit en très petits caractères. Je ne pouvais même pas le voir quand j’ai jeté un coup d’œil rapide après que vous avez posé la question. Cependant, mon collègue, M. Flato, m’a envoyé un message texte à ce sujet, et la sénatrice Galvez vient de le confirmer. Il y a une toute petite ligne sur la diapositive qui indique que les coûts sont ajustés en fonction de la valeur du dollar en 2023.

Vous avez tout à fait raison, sénatrice Galvez, ces coûts ne représentent que les pertes assurées. Un système nous permet essentiellement de les signaler et de les quantifier. Et nous les utilisons souvent pour montrer l’incidence croissante des phénomènes météorologiques extrêmes. Ce que nous n’avons pas quantifié aussi bien, ce sont les autres coûts, parce qu’ils sont plus dilués. Ils touchent de nombreux éléments différents, et certains d’entre eux sont plus difficiles à quantifier. Par exemple, comment peut-on quantifier l’incidence des phénomènes météorologiques extrêmes sur la santé d’une collectivité? Je ne sais pas s’il s’agit d’un tiers ou non. Je m’en remettrais certainement à mes collègues de Sécurité publique Canada et à d’autres collègues.

Nous savons également que le coût des programmes fédéraux d’aide en cas de catastrophe, qui permettent aux provinces d’être remboursées pour certains dommages, augmente et devient inabordable très rapidement. C’est tout à fait vrai.

En ce qui concerne la question de savoir si le Canada peut continuer ainsi ou non, une partie de la réponse, c’est que le Canada continuera de connaître ce type de phénomènes. Les répercussions seront toujours là. C’est une question à laquelle je n’ai certainement pas de réponse à vous donner.

La sénatrice Galvez : Il y a quelques semaines, j’ai participé à une réunion avec l’OTAN. Les chercheurs discutaient de l’incidence des phénomènes météorologiques extrêmes sur la sécurité. Il s’agit là d’une autre préoccupation. Ma question était la suivante : pouvons-nous continuer de nous adapter éternellement?

Cette année, l’augmentation de la température a atteint 1,5 degré. C’était l’objectif pour 2050, et nous l’avons déjà atteint. Cela signifie que les situations vont s’aggraver de plus en plus vite. Je crains qu’il y ait des troubles sociaux, des procès et des combats, car au Canada, la plupart de nos villes sont situées le long de cours d’eau. Vous avez parlé, entre autres, de la crue des eaux. Envisagez-vous ces enjeux ainsi que l’incidence qu’ils auront d’un point de vue social? Je sais que le nombre de procès augmente également. J’ai mentionné les assurances. Comment pouvons-nous nous préparer à cela?

Mme Fortin : Notre rôle à Environnement et Changement climatique Canada ne consiste pas à examiner directement la question que vous avez posée. Nous pouvons faire des projections. Mon collègue, Greg Flato, peut parler de cette question bien mieux que moi.

Dans le cadre de l’étude des conditions climatiques des années à venir, nous examinons, par exemple, l’augmentation du niveau des mers. Nous pouvons prévoir l’effet que cela aura sur les zones continentales. Je cède la parole à M. Flato à ce sujet. Mais cela ne fait pas nécessairement partie du travail que nous réalisons à Environnement et Changement climatique Canada, à savoir l’évaluation des coûts sociaux. Il faudrait que nous fassions des recherches, car de nombreux rapports ont été publiés à ce sujet.

La sénatrice Galvez : Par exemple, nous sommes allés à l’Île-du-Prince-Édouard, et le maire d’une des villes nous a emmenés sur les côtes. Il y avait de très belles grandes maisons là-bas, et il nous a dit que la moitié de leur terrain était déjà couvert d’eau, mais que personne ne voulait en parler et qu’ils continuaient de payer des taxes sur l’ensemble de leur terrain, parce qu’ils ne voulaient pas que cela nuise à la valeur de leur maison.

Vous dites que vous ne vous penchez pas sur ces questions. Ce qui se passe, c’est que nous examinons ces enjeux en vase clos. Comme vous l’avez dit, nous devons adopter une approche horizontale et transversale.

Nous allons entreprendre une étude à ce sujet. Quelles pourraient être les recommandations que vous adressez à notre comité pour qu’il réalise une étude très approfondie et minutieuse de cet enjeu?

Mme Fortin : Il s’agit là d’une excellente question. L’une des choses que je voudrais dire, et que vous avez mentionnées, c’est que nous ne pouvons pas continuer à nous adapter éternellement. Le climat a changé, nous nous sommes adaptés dans une certaine mesure, et nous devons continuer à nous adapter. Le fait que ces changements vont se poursuivre est un argument en faveur de tentatives de réduction ou d’interruption des émissions de gaz à effet de serre. Comme vous l’avez dit, nous ne pouvons pas envisager les choses d’une seule façon. Nous devons déployer des efforts axés sur l’atténuation et aussi sur l’adaptation.

En ce qui concerne votre étude, la question que vous posez est incroyable, et elle apportera des réponses indispensables, en particulier si vous vous engagez dans la voie de l’horizontalité. Je pense que nous avons de plus en plus besoin d’adopter une telle approche.

Je viens d’un monde où nous prévoyons les conditions climatiques à avenir. Nous sommes en train de prévoir un nombre de plus en plus important de répercussions, mais j’estime que ces répercussions vont devenir plus complexes et plus difficiles à examiner, et qu’elles vont s’ajouter les unes aux autres ou que différentes vulnérabilités vont être exposées par différents événements.

La sénatrice Galvez : Je vous remercie beaucoup de vos réponses. Si vous pouviez formuler quelques recommandations à notre intention, en gardant à l’esprit que notre comité est celui de l’énergie, des ressources naturelles et de l’environnement. Nous devrions examiner ces trois enjeux horizontalement. Je vous remercie infiniment encore une fois.

La sénatrice Anderson : Je remercie les témoins de leur participation. Vous avez tous deux parlé de la chaleur sans précédent qui sévit dans le Nord du Canada. Madame Fortin, vous avez déclaré que l’information est communiquée à Sécurité publique Canada et aux autorités provinciales, territoriales et publiques qui sont responsables de la planification et de la préparation de mesures d’intervention d’urgence. Je suis originaire de Tuktoyaktuk, et je représente les Territoires-du-Nord-Ouest. Je vois et je vis les changements attribuables à la crue des eaux, à la fonte du pergélisol, à la perte de terres, aux incendies, à la baisse des niveaux d’eau et au réchauffement des températures.

Il incombe en grande partie aux gouvernements municipaux et autochtones de gérer les problèmes liés au changement climatique et de lutter contre ces problèmes et de défendre les intérêts des Autochtones à cet égard par l’intermédiaire des gouvernements territoriaux et fédéral. Ce travail n’est pas facile. Notre bureau a travaillé et continue de travailler avec les communautés du Nord, et nous sommes en contact direct avec un grand nombre de ces communautés qui sont directement touchées par ces problèmes. Qu’il s’agisse de la météo à Tuktoyaktuk, où nous perdons un mètre de terre par an, du réchauffement des températures, de la perte de pergélisol ou de Norman Wells, une localité qui a été très touchée par les faibles niveaux d’eau du fleuve Mackenzie.

Pouvez-vous préciser si ces renseignements sont directement communiqués aux communautés locales et aux gouvernements autochtones, et comment ils le sont? J’adresse cette question à Mme Fortin, car elle a abordé directement ces sujets.

Mme Fortin : Je sais que les renseignements sont communiqués aux organisations provinciales et territoriales. Je ne sais pas comment ils le sont ou s’ils sont communiqués aux gouvernements locaux ou autochtones.

Un autre de mes collègues, Sébastien Chouinard, est en ligne, et il travaille avec le Centre des opérations du gouvernement. Je ne sais pas non plus comment ce centre et Sécurité publique Canada échangent des renseignements au-delà... c’est une sorte de chaîne d’information, malheureusement. Je ne connais pas la réponse à votre question.

[Français]

Sébastien Chouinard, directeur exécutif intérimaire, Programmes nationaux et développement des affaires, Environnement et Changement climatique Canada : Des communications sont faites avec le Centre des opérations du gouvernement (COG) de Sécurité publique Canada. C’est un peu plus compliqué de savoir comment cette information est transférée de Sécurité publique Canada au ministère qui s’occupe des affaires autochtones. Je n’ai pas cette information, mais habituellement, ils sont à la même table quand on discute des feux de forêt ou des incidences des différents systèmes météorologiques qui peuvent affecter ces communautés; ces gens sont à la table et on leur fait part de l’information. Je ne pourrais pas vous dire comment elle est partagée avec des institutions plus locales. Je ne prends pas part à ce mécanisme.

Le président : Monsieur Chouinard, pourriez-vous confirmer cette information et nous envoyer votre réponse par écrit?

M. Chouinard : Oui, absolument.

Le président : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Anderson : Je tiens à préciser que je ne parle pas d’un ministère particulier ou de Relations Couronne‑Autochtones et Affaires du Nord Canada; je parle directement des collectivités. Ce sont de plus en plus les collectivités elles‑mêmes, les maires et les habitants qui défendent leurs propres intérêts et qui essaient de s’y retrouver dans un système territorial, provincial ou fédéral très complexe. Ils n’ont pas les moyens ni les renseignements nécessaires, sauf qu’ils ont une expérience vécue et ils en subissent les effets aujourd’hui. Pourriez-vous nous dire par écrit si ces renseignements leur sont communiqués, ou comment ils pourraient l’être? Je vous remercie.

La sénatrice McCallum : Je vous remercie de vos exposés. Voici ma première question : vous revenez sans cesse sur les dommages assurés, mais qu’en est-il des personnes non assurées? Comment les phénomènes météorologiques extrêmes touchent-ils les infrastructures essentielles comme les systèmes de transport, d’énergie et de soins de santé dans les communautés des Premières Nations, des Métis et des Inuits? C’est surtout une question de partage des compétences avec laquelle nous devons toujours composer, parce que le gouvernement fédéral et la province refusent de travailler ensemble pour résoudre les problèmes qui surgissent.

Pour répondre à la question du sénateur Wells, les infrastructures existantes sont terribles, et elles seront maintenant encore plus sollicitées.

Les groupes qui s’occupent des codes du bâtiment ne relèveraient-ils pas du Conseil national de recherches du Canada? Je travaille dans le Nord depuis une quarantaine d’années et j’ai constaté que les postes de soins infirmiers construits il y a longtemps sont encore en bon état, mais que les plus récents tombent déjà en ruine. C’est la même chose pour les écoles et les maisons.

En raison du pergélisol, il est de plus en plus difficile de faire atterrir des avions aux aéroports, surtout dans les collectivités isolées. Ce que la province veut faire, c’est transférer l’administration des aéroports aux Premières Nations.

La sénatrice Anderson a posé la même question. Il existe des lacunes, qui continueront de prendre de l’ampleur. Nous en avons assez de soulever cette question et de ne jamais obtenir de réponses ou de solutions.

Le président : Qui est le mieux placé pour répondre à la question de la sénatrice?

Madame Fortin, voulez-vous répondre à cette question?

Mme Fortin : Je vais commencer par la partie facile de la question.

Vous avez dit que j’ai mentionné les dommages assurés, mais que je n’ai pas donné de chiffre pour les dommages non assurés, et c’est parce que ce chiffre n’existe pas.

La sénatrice McCallum : Ce sont les gens les plus pauvres qui n’ont pas les moyens de se payer une assurance, n’est-ce pas?

Mme Fortin : C’est cela, oui, mais ce sont aussi des choses que nous n’assurons pas.

Par exemple, si un pont se brise à cause d’un emportement par les eaux, ou si une route est détruite à cause d’un emportement par les eaux, cela ne fait pas partie des pertes assurées. Ce n’est pas quelque chose que nous assurons.

La sénatrice McCallum : Où se trouvent ces données? Où en tient-on compte?

Mme Fortin : Eh bien, ce n’est tout simplement pas assuré, et je ne sais pas si c’est quantifié, à vrai dire.

Il en va de même pour la quantification des répercussions sur une collectivité dont les habitants sont évacués de leur lieu de résidence pendant un certain nombre de semaines à la suite d’un incendie de forêt. Là encore, c’est difficile.

C’est ce que je veux dire quand je parle de pertes non assurées, parce que nous savons que les coûts sont beaucoup plus élevés que cela. Je ne connais aucune source qui les quantifie.

En ce qui a trait aux répercussions sur les infrastructures essentielles, y compris pour les Premières Nations, les Métis et les Inuits, vous en avez déjà mentionné quelques-unes. En raison des changements dans le pergélisol, les routes subissent des dommages, et les atterrissages dans les aéroports deviennent difficiles — comme vous l’avez dit —, et les routes de glace sont également très touchées par les changements climatiques.

Par contre, je ne sais pas si je peux parler des postes de soins infirmiers et des codes du bâtiment.

J’ai malheureusement perdu le fil de la question.

Je sais que Ressources naturelles Canada a récemment produit un excellent rapport, en collaboration avec des communautés autochtones et leurs dirigeants. Le rapport traite des répercussions des changements climatiques sur les communautés autochtones et de la solution que ces dernières peuvent apporter au problème des changements climatiques.

Je peux certainement vous envoyer la référence à ce document, parce que cela pourrait vous être utile dans le cadre de votre étude.

Le président : Si vous pouvez nous l’envoyer, nous la distribuerons aux membres du comité. Ce serait une très bonne information à avoir.

Mme Fortin : Oui.

Le président : Avant de passer au deuxième tour, je dois faire une observation sur les codes du bâtiment. Je vois tous ces nouveaux immeubles de bureaux et condos qui sont construits avec beaucoup de vitrage. Il semble y avoir un décalage entre ce qui est nécessaire et ce qui se fait. Je n’en dirai pas plus, car je laisse à mes collègues le soin d’en parler.

Vous avez dit que, si on cesse de polluer, même si on remédie à la situation, les effets ne se feront pas sentir avant plusieurs années. Je suis surpris que ce soit plusieurs années. Je pensais que ce serait au moins une période de 200 ans. À cause des effets du CO2, il est facile de polluer, mais les émissions restent longtemps dans l’atmosphère, sauf si elles sont causées par des polluants un peu plus rapides que le CO2.

Vous avez utilisé les mots « plusieurs années ». Est-ce vraiment le cas? Est-ce seulement pour plusieurs années, et non pour 200 ans?

Mme Fortin : Non, je pense qu’il s’agit de décennies. C’était un mauvais choix de mots de ma part. Greg Flato est beaucoup mieux placé que moi pour en parler. J’avais inscrit « des décennies » dans mes notes, et je ne sais pas pourquoi, au lieu de lire « des décennies », j’ai dit « plusieurs années ».

Le président : Quelqu’un d’autre veut-il faire une observation à ce sujet?

M. Flato : Je peux en parler un peu. Vous avez tout à fait raison de dire que le dioxyde de carbone a une très longue durée de vie dans l’atmosphère. En fait, cela se mesure en siècles.

Si nous atteignions la carboneutralité à l’échelle mondiale, cela mettrait fin au réchauffement, et les températures se stabiliseraient, mais elles se stabiliseraient essentiellement au niveau que nous avons atteint. Elles persisteraient ainsi pendant des décennies, voire des siècles. Cette température s’étend sur une très longue échelle de temps — elle est essentiellement irréversible à l’échelle des générations humaines.

L’atteinte de la carboneutralité permet d’arrêter le réchauffement, mais elle ne le renverse pas. Elle permet en gros de stabiliser les températures au niveau que l’on a atteint au moment de la carboneutralité.

Lorsque nous faisons des projections climatiques, nous examinons de nombreux scénarios d’émissions — faibles, moyennes et élevées —, et nous nous posons la question suivante : à quel point le climat changera-t-il? Ce sont les voies à faibles émissions qui permettent une stabilisation à de basses températures, ce qui a ensuite pour effet de réduire les changements continus en cas de phénomènes extrêmes et dans d’autres circonstances dommageables.

Il est vrai que si nous ne mettons pas fin aux changements climatiques, ces répercussions continueront de s’aggraver; en revanche, si nous atteignons la carboneutralité et stabilisons le climat, les répercussions seront importantes, mais elles seront stabilisées au niveau correspondant à la température à laquelle s’effectuera la stabilisation.

Le président : Évidemment, il y a beaucoup de mauvaises nouvelles. Nous avons de la difficulté à accepter cela, et ces mauvaises nouvelles seront là pendant très longtemps.

Cela dit, il doit y avoir tout de même certains avantages, n’est‑ce pas? Je viens de Montréal. Je vois des vignobles dans les Cantons-de-l’Est et les banlieues de Montréal. Il y a sûrement d’autres avantages. Certaines personnes préfèrent la chaleur à notre climat froid.

Quels en seraient les effets positifs? Quels sont les avantages, le cas échéant, des changements climatiques?

M. Flato : Comme vous l’avez mentionné, il y a certains avantages quant aux différents types d’agriculture qui pourraient être mis en place.

J’ai grandi sur une ferme en Alberta. Lorsque j’étais enfant, là où nous vivions, nous ne cultivions que de l’orge. C’était la seule chose qui pouvait être cultivée dans notre région, mais les gens y cultivent aujourd’hui d’autres produits comme les pois et des choses qui n’étaient jamais cultivées à l’époque.

Je ne sais pas si ces aliments ont une plus grande valeur économique que d’autres, mais cela ouvre la porte à de nouvelles cultures.

Je n’ai pas en tête une liste des diverses autres répercussions positives éventuelles, mais les personnes qui étudient les effets des changements climatiques s’entendent pour dire que les conséquences négatives l’emportent de loin sur les conséquences positives.

Le président : Aux États-Unis, les poursuites judiciaires sont en hausse, et même les sociétés pétrolières et gazières sont poursuivies — pensons à Shell, entre autres — en raison de leur responsabilité à l’égard des changements climatiques.

Y a-t-il un risque que cela se produise au Canada? On voit ce qui se passe dans le Nord : les gens là-bas souffrent énormément des changements climatiques et, pourtant, ils n’y ont pas du tout contribué ou, du moins, pas de façon significative. Y a-t-il un risque important que les gens essaient peut-être de faire payer les responsables de certaines des conséquences des changements climatiques?

M. Flato : Je ne sais pas si ma collègue veut intervenir à ce sujet, mais pour ma part, comme je suis climatologue et non pas avocat, je n’ai vraiment rien à dire sur les répercussions juridiques éventuelles.

Le président : Madame Fortin, qu’en pensez-vous?

Mme Fortin : Je suis désolée, mais je dirais la même chose. Je suis d’avis qu’il y a des poursuites judiciaires, du moins au Canada, de la part de gens qui essaient de faire bouger les choses dans ce domaine. J’ai lu cela dans les médias. Moi non plus, je n’ai pas de formation juridique, alors je ne me prononcerai pas davantage là-dessus.

Le président : Passons au deuxième tour. Sénateur Wells, vous avez la parole.

Le sénateur D. M. Wells : À ce sujet, parce que je m’y connais un peu, contrairement à l’industrie du tabac, par exemple, où les fabricants ont dissimilé les résultats des études et, par conséquent, la responsabilité connexe, je crois comprendre que, dans le secteur pétrolier et gazier, les entreprises suivent les règles et les règlements établis par les organismes de réglementation.

Monsieur Flato, le sénateur Fridhandler a posé une question sur les autres climats nordiques, les émissions et les changements climatiques qui se produisent ou qui pourraient se produire là‑bas, parce que je ne sais pas ce qui se passe. Par exemple, dans un pays comme la Russie, qui a une taille similaire à celle du Canada et qui est un producteur de pétrole beaucoup plus important que notre pays, les gens subissent-ils les mêmes effets liés au climat que nous? Dans quelle mesure les changements climatiques sont-ils liés géographiquement aux activités qui se déroulent dans un pays, ou est-ce davantage à l’échelle mondiale?

M. Flato : C’est davantage à l’échelle mondiale. Comme je l’ai mentionné dans une de mes réponses précédentes, le dioxyde de carbone en particulier, qui est la principale cause du réchauffement, est bien mélangé dans l’atmosphère en raison de sa très longue durée de vie. Si une molécule de dioxyde de carbone est libérée dans l’atmosphère aujourd’hui, elle y restera pendant des siècles. C’est ce qui explique sa dispersion homogène dans l’atmosphère.

Que les émissions de dioxyde de carbone proviennent du Canada, de la Russie ou du Venezuela, cela importe peu. Cela ne fait aucune différence. Le tout se retrouve dans l’atmosphère et entraîne des changements d’envergure mondiale, bien que ceux‑ci ne se manifestent pas de façon uniforme, comme je l’ai mentionné dans mon exposé.

Les changements qui se produisent en Russie sont très semblables à ceux qui surviennent au Canada, en Scandinavie et ailleurs. Cela ne dépend pas vraiment de leur activité économique ou de leur industrie pétrolière et gazière. C’est une conséquence des émissions mondiales.

Certains effets sont plus localisés. Par exemple, lorsqu’on brûle certains types de combustibles, on obtient de la suie, c’est‑à-dire du carbone noir qui provient de la combustion de matières comme le charbon, qui a une durée de vie plus courte dans l’atmosphère. Les particules sont emportées par les précipitations en quelques jours ou quelques semaines.

Lorsque cette suie noire se dépose sur la neige, elle réduit la réflectivité de la neige, ce qui entraîne l’absorption d’une plus grande quantité de lumière et de rayons solaires, faisant ainsi fondre la neige ou la glace. Cela a des effets à l’échelle locale, mais les conséquences sont assez faibles par rapport à celles des gaz à effet de serre au mélange homogène et à grande échelle.

Le sénateur D. M. Wells : Je vous remercie. Le Canada contribue à 1,4 % des émissions mondiales, et des pays comme la Chine, l’Inde, les États-Unis et la Russie y contribuent à près de 50 %. Est-ce une cause perdue? Nous observons une hausse en Chine, selon un site Web du gouvernement canadien. Les émissions chinoises ont augmenté de 87 % depuis 2005. Sommes-nous sur un tapis roulant qui nous fait reculer?

Sachant que les émissions du Canada sont déjà très faibles et qu’elles diminuent de plus en plus, dans quelle mesure la situation est-elle désespérée si d’autres pays n’en font pas autant que le Canada?

M. Flato : J’ai une formation en sciences, et non en politique climatique internationale, alors j’hésite un peu à trop me prononcer là-dessus. Il serait préférable de poser la question à quelqu’un qui a plus d’expertise en la matière.

Bien entendu, la situation varie en fonction du nombre d’habitants. Il est vrai que chaque fois que l’on rejette des émissions dans l’atmosphère, cela entraîne un effet.

Les accords internationaux, comme la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et l’Accord de Paris, visent à ce que tous les pays contribuent aux mesures d’atténuation, à la planification de l’adaptation, au financement, et cetera. Il incombe à tout le monde de faire un effort.

Il y a un contre-argument, soit le concept de la tragédie des biens communs : si tout le monde dit qu’il ne fera rien à moins que les autres n’agissent, nous resterons les bras croisés, et personne ne fera quoi que ce soit. C’est un contre-argument.

Quoi qu’il en soit, je ne suis pas vraiment un spécialiste de la politique climatique internationale. Je ne pense pas que je voudrais en dire plus que je ne l’ai déjà fait.

Le sénateur D. M. Wells : Merci beaucoup. Nous pourrions peut-être envisager de tenir une autre réunion du comité.

[Français]

La sénatrice Youance : Ma question concerne le Centre canadien des services climatiques. Ce centre évalue les quantités hydriques au Canada, ce qui est très important quand on parle du Québec et de Terre-Neuve. Aujourd’hui, il y a des ententes qui valent des milliards de dollars qui seront signées. Est-ce que c’est une bonne idée de signer ces ententes de nouveau? Quelles seraient vos recommandations?

Mme Fortin : Je n’ai pas de commentaires à faire à ce sujet; je devrai vous référer à d’autres collègues qui sont mieux placés que moi pour parler de ces ententes.

La sénatrice Youance : D’accord, merci. Donc, vous pouvez me revenir avec des réponses écrites.

J’ai une deuxième question, et j’accepte aussi que vous nous envoyiez les réponses par écrit. Il y a certaines études qui lient les changements climatiques à l’occurrence des tremblements de terre. Dans quelle mesure le Centre canadien des services climatiques a-t-il fait une analyse à ce sujet? Est-ce que cela repose sur des bases scientifiques réelles? Comme je vous le disais, étant donné que vous n’avez pas abordé ce point, vous pouvez nous envoyer des informations à ce sujet par écrit.

Le président : Avez-vous des commentaires à faire sur cette question, madame Fortin?

Mme Fortin : En fait, je céderais la parole à mon collègue M. Flato, parce que je ne connais pas suffisamment le sujet.

[Traduction]

M. Flato : Je n’ai vu aucune preuve scientifique d’un lien convaincant entre les changements climatiques et les tremblements de terre. Je suis certain que le Centre canadien des services climatiques n’a aucune information sur les tremblements de terre. Il se concentre strictement sur les données liées au climat.

[Français]

La sénatrice Youance : Essayez d’examiner aussi certains aspects, pas les tremblements de terre de manière générale, mais ceux qui sont provoqués par l’activité humaine. Est-ce qu’il y aurait un accroissement de la fréquence ou de la force de ces tremblements de terre à cause du changement climatique?

Le président : Vous pouvez vérifier et nous envoyer une réponse écrite à cette question. Merci beaucoup.

[Traduction]

La sénatrice McCallum : Quels sont les obstacles auxquels se heurtent les communautés des Premières Nations, des Métis et des Inuits pour avoir accès aux alertes d’urgence et aux ordres d’évacuation de manière rapide et efficace? Certaines communautés ne disposent pas d’un accès stable à Internet, de sorte que les habitants ne peuvent pas consulter le site Web dont vous avez parlé, et en raison de la barrière linguistique, c’est plus difficile pour eux.

Mme Fortin : Je suis d’accord. Il y a des obstacles à l’obtention des renseignements. À l’heure actuelle, les téléphones cellulaires constituent notre principal moyen d’envoyer des alertes; il faut donc une réception cellulaire et un accès aux sites Web. Il existe un autre mécanisme, appelé la radio-météo, qui est une radio à basse fréquence, je crois. À Environnement et Changement climatique Canada, nous essayons d’utiliser un certain nombre de mécanismes pour transmettre des alertes, mais je pense qu’il y a des défis à relever dans les communautés éloignées de cette région. La langue est un autre obstacle.

Je sais que nous avons participé à certains travaux il y a quelques années pour mettre en place un produit — et je crois qu’il s’agit d’une application pour téléphone — afin de fournir des renseignements sur les conditions de glace à l’aide d’un pictogramme dans les langues respectives des communautés. C’est un exemple. Il y en a peut-être d’autres. En tout cas, vous avez raison de dire qu’il existe des obstacles et des défis.

Le président : Y a-t-il des solutions aux obstacles? Vous avez reconnu les obstacles, mais faisons-nous des progrès pour les éliminer?

Mme Fortin : La solution pour les glaces était un exemple. C’en est une que je connais, mais il peut y en avoir d’autres. Il me faudrait vous revenir là-dessus. Toutefois, je ne dirais pas que le problème est résolu.

[Français]

Monsieur Chouinard, êtes-vous au courant d’autres choses?

M. Chouinard : Avec la venue de l’intelligence artificielle, d’autres mécanismes sont explorés pour couvrir plus de langues et différents dialectes pour rejoindre les communautés du Grand Nord. Déjà, des tests sont effectués aux États-Unis et des projets conjoints sont mis de l’avant pour tester ces technologies pour rejoindre le plus grand nombre de personnes possible, en fonction des différentes langues et différents dialectes utilisés tant au Canada qu’aux États-Unis.

[Traduction]

La sénatrice McCallum : On n’a pas répondu à ma question. On a simplement dit qu’il y en avait. Pouvez-vous recommander quelqu’un qui pourrait répondre à la question? Si la personne se présente, est-ce qu’elle aura la même information que vous et ne pourra pas répondre et dira que quelqu’un d’autre doit le faire? C’est qu’il faut une approche pangouvernementale. De plus, cela relève aussi de la compétence des provinces. J’entame ma huitième année au Sénat et je n’ai toujours rien vu... C’est très décourageant. Nous avons besoin de réponses, surtout maintenant. Comme le sénateur Wells, je ne suis même pas certaine de ce qui se passe ici en ce qui concerne les changements climatiques.

Mme Fortin : Je peux certainement vous suggérer des références et les noms de collègues pour vous aider à obtenir une réponse à votre question.

Le président : Nous pourrions les inviter à témoigner, en fait. Ce serait probablement plus utile.

La sénatrice Galvez : Ma question s’adresse à M. Flato. J’aimerais que vous nous expliquiez ce qu’est la science de l’attribution dans le contexte des évaluations originales.

Ce comité s’est penché sur la modernisation de la Loi sur l’évaluation d’impact. À l’époque, nous avons beaucoup mis l’accent sur l’évaluation régionale. La science de l’attribution est utilisée pour déterminer qui est responsable dans le contexte des litiges, mais elle peut aider à déterminer les vulnérabilités régionales et, par conséquent, à accélérer la préparation.

Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?

M. Flato : Le terme « attribution » est utilisé différemment d’une collectivité à l’autre et il se peut que le terme « science de l’attribution » ait une signification différente d’une collectivité à l’autre. Dans le milieu de la climatologie, l’attribution fait référence à la capacité de poser la question : dans quelle mesure les changements climatiques d’origine humaine ont-ils modifié un aspect du climat, qu’il s’agisse du climat moyen ou de la fréquence d’un phénomène extrême? C’est ce que nous entendons par « science de l’attribution ». Il s’agit d’utiliser des méthodes statistiques et des modèles climatiques et de pouvoir se demander si quelque chose a changé, et si un changement observé dans l’atmosphère ou dans l’océan peut être attribué aux changements climatiques d’origine humaine. C’est ce que nous entendons par là.

Nous le faisons à l’échelle mondiale et régionale. Dans la diapositive que j’ai montrée et qui traite de l’attribution des vagues de chaleur, nous avons divisé le Canada en 17 régions différentes pour effectuer cette analyse. C’est ce que nous entendons par là, mais j’imagine que, dans d’autres communautés et d’autres domaines de pratique, le terme peut avoir une signification différente. Je ne suis pas au courant, car c’est le seul domaine dans lequel je travaille et dans lequel j’ai de l’expertise.

La sénatrice McCallum : Je voulais poser une question sur l’intelligence artificielle. L’utilisez-vous actuellement pour les prévisions météorologiques, ou allez-vous le faire?

Mme Fortin : Mon collègue, Sébastien Chouinard, peut en parler. Je sais que nous sommes en train de faire des tests et qu’il y a beaucoup de changements et de progrès dans ce domaine en ce moment. On compte de nombreux nouveaux joueurs, mais pour ce qui est de l’utilisation que nous en faisons à Environnement et Changement climatique Canada, je dois céder la parole à M. Chouinard.

M. Chouinard : De nombreux pays étudient la possibilité d’utiliser l’intelligence artificielle. Le Canada est l’un d’entre eux. Pour l’instant, elle n’est pas utilisée en tant que telle dans le programme qui fournit les prévisions météorologiques aux Canadiens, mais nous examinons des façons de l’intégrer dans le système de prévision météorologique numérique. C’est le système qui fournit aux météorologues les renseignements nécessaires à la production des prévisions. Bien que nous n’en soyons qu’au début, cela semble prometteur. Cependant, nous n’en sommes pas encore au stade où nous pouvons l’intégrer au système.

[Français]

On est à l’étape des tests à l’heure actuelle et on souhaite fortement, d’ici quelques mois ou quelques années, être en mesure de l’intégrer à même nos systèmes pour améliorer les systèmes de prévision.

[Traduction]

Je ne sais pas si M. Flato a quelque chose à ajouter.

M. Flato : Non, je pense que vous avez fait le tour de la question. Je n’ai rien à ajouter.

[Français]

Le président : Merci beaucoup à nos trois témoins; nous vous sommes très reconnaissants. Nous avons beaucoup appris ce matin et il nous en reste encore beaucoup à apprendre. Merci de votre présence et merci d’avoir partagé vos connaissances.

[Traduction]

Comme vous le savez, il s’agit d’une période d’au moins un an. Mon mandat à la présidence de votre comité est terminé. La sénatrice Galvez présidera le comité au cours des 12 prochains mois. Bonne chance et merci beaucoup. Ce sont des gens turbulents, mais je suis sûr que vous vous en sortirez bien et que vous saurez les diriger.

La sénatrice McCallum : Je vous remercie de nous avoir guidés jusqu’ici. Nous vous sommes reconnaissants du travail que vous avez accompli.

Le président : Merci beaucoup, je ne vais pas aller très loin. Je vais vérifier et m’assurer que tout le monde fait ses devoirs. Merci beaucoup. À la prochaine. Je vous souhaite de joyeuses Fêtes si je ne vous revois pas.

(La séance est levée.)

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