LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, mercredi 6 avril 2022
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 16 h 16 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi S-210, Loi limitant l’accès en ligne des jeunes au matériel sexuellement explicite.
La sénatrice Mobina S.B. Jaffer (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, je me présente, Mobina Jaffer, sénatrice de la Colombie-Britannique, et j’ai le plaisir de présider ce comité. La séance d’aujourd’hui du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles sera hybride.
[Français]
En cas de difficultés techniques, notamment en ce qui concerne l’interprétation, veuillez le signaler à la présidente ou au greffier et nous nous efforcerons de résoudre le problème.
Je voudrais prendre quelques minutes pour vous présenter les membres du comité qui participent à la réunion aujourd’hui.
[Traduction]
Se joignent à nous le sénateur Boisvenu, vice-président, la sénatrice Batters, le sénateur Campbell, la sénatrice Clément, le sénateur Cotter, le sénateur Dalphond, la sénatrice Dupuis, le sénateur Harder, la sénatrice Pate, le sénateur White, et le sénateur Wetston. À titre de rappel, je vous prierais d’aviser le greffier si vous ne désirez pas poser de questions, faute de quoi je vous nommerai.
Mesdames et messieurs les sénateurs, nous poursuivons aujourd’hui notre étude du projet de loi S-210, Loi limitant l’accès en ligne des jeunes au matériel sexuellement explicite. Nous sommes heureux d’accueillir aujourd’hui les témoins suivants : Kevin Westell, membre de la Section du droit pénal de l’Association du Barreau canadien — et j’aimerais remercier M. Westell de tous les efforts qu’il a déployés pour être ici aujourd’hui —; Pierre Trudel, professeur au Centre de recherche en droit public à la Faculté de droit de l’Université de Montréal, à titre personnel; et Colin McKay, chef des Politiques publiques et relations gouvernementales chez Google Canada. Monsieur McKay, nous vous sommes grandement reconnaissants de la rapidité avec laquelle vous avez accepté notre invitation à comparaître et nous vous en remercions chaleureusement.
Je vais maintenant demander à nos témoins de livrer leurs remarques liminaires, puis nous passerons à la période de questions.
Kevin Westell, membre, Droit pénal, Association du Barreau canadien : Merci beaucoup.
Je comparais aujourd’hui au nom de la Section du droit pénal de l’Association du Barreau canadien. L’ABC est une association nationale qui comprend 36 000 membres, dont des avocats, des notaires, des universitaires et des étudiants partout au Canada. Nous estimons offrir un point de vue unique, n’étant pas seulement un groupe d’avocats de la défense ou de la Couronne. Nos membres englobent les deux côtés du système judiciaire. Je continue moi-même à travailler sur les deux fronts, à savoir à titre de procureur de la Couronne et d’avocat de la défense.
En tant que section, nous appuyons l’objectif général du projet de loi, qui est de protéger les enfants contre les torts considérables résultant d’un accès accru à la pornographie sur Internet. Nous savons que le Sénat a reçu d’autres experts pour traiter de cet enjeu et qu’il existe un risque réel, surtout en matière d’exposition prolongée des enfants à ce type de matériel. Cela dit, bien que nous soyons généralement en faveur du projet de loi et de son objectif, nous avons quelques préoccupations en ce qui concerne sa mise en application et souhaitons vous proposer des recommandations pour l’améliorer.
Tout d’abord, nous estimons que la limite d’âge est arbitraire. Dans le projet de loi S-210, un jeune signifie un individu âgé de moins de 18 ans, mais l’âge minimal du consentement à des activités sexuelles est de 16 ans au Canada, et notre Code autorise les enfants à s’engager dans des activités sexuelles dans certaines circonstances dès l’âge de 12 ans. Nous croyons donc que cela ne concorde pas avec le plan législatif global du Code, qui est d’empêcher un jeune plus âgé de s’engager dans une activité sexuelle tout en rendant simultanément illégale la distribution de documents dépeignant une activité sexuelle à ces mêmes jeunes. L’ABC propose donc d’abaisser l’âge de 18 à 16 ans dans le projet de loi S-210.
Ensuite, nous estimons que le moyen de défense décrit dans le projet de loi, à savoir le « but légitime », a une portée excessive et prête à confusion. Le paragraphe 6(2) décrit le moyen de défense fondé sur le but légitime en stipulant ce qui suit :
Nulle organisation ne peut être déclarée coupable d’une infraction prévue à l’article 5 si les actes qui constitueraient l’infraction ont un but légitime lié à la science, à la médecine, à l’éducation ou aux arts.
Nous estimons que ce libellé a une portée trop large et prête à confusion. Le mot « légitime » n’est en fait qu’un synonyme du mot « légal », en fin de compte. En réalité, l’utilisation du mot « légitime » n’aide pas les procureurs ou la population qui tentent d’interpréter la loi à comprendre où le projet de loi cherche à en venir à cet égard.
De plus, la liste des descripteurs admissibles, soit la « science, la médecine, l’éducation ou les arts », comprend énormément d’éléments de l’expérience humaine. Bien que nous soyons d’accord avec l’affirmation générale qu’une exposition, et, surtout, une exposition prolongée, à la pornographie est nocive pour les enfants, nous observons des problèmes pratiques d’interprétation potentiels liés au libellé dans cet article. Par exemple, dans de nombreux cas, un document peut à la fois être artistique et pornographique. S’il est les deux, sa légitimité peut alors devenir complètement subjective. Cela rend difficile, voire presque impossible, l’application de cette loi. L’interaction laisse le public avec peu ou pas d’information sur le comportement précis qui est défendable par la loi.
Étant donné que le mot « légitime » n’offre aucune indication quant à la bonne application de ces dispositions et que les descripteurs admissibles sont vastes et touchent des sujets qui sont à la fois interprétés de façon large et perçus de façon très subjective, nous croyons que le moyen de défense fondé sur le but légitime tel qu’énoncé dans le projet de loi devrait être remplacé. Nous recommandons d’amender le projet de loi pour rendre le tout plus précis. Nous proposons que le projet de loi précise que le moyen de défense fondé sur le but légitime ne pourrait jamais s’appliquer à la transmission, pour le divertissement ou la gratification sexuelle du spectateur, de matériel pornographique démontrant un comportement sexuellement abusif. Cela réduirait la portée de la défense et permettrait d’avoir une norme plus claire — pas encore une norme parfaite, mais plus claire que celle que nous avons actuellement.
Enfin, l’un des effets désirés du projet de loi est d’obliger les distributeurs de pornographie à mettre en place des méthodes de vérification de l’âge pour limiter l’accès à du matériel sexuellement explicite rendu disponible à des fins commerciales aux personnes âgées d’au moins 18 ans. Le préambule du projet de loi stipule que la technologie de vérification de l’âge en ligne est de plus en plus sophistiquée et peut maintenant vérifier efficacement l’âge des utilisateurs sans violer leur droit à la vie privée. Cela dit, le projet de loi n’offre aucun détail sur la façon dont le gouvernement a l’intention de concilier vie privée et protection. On parle plutôt de l’élaboration de réglementations pour réaliser les objectifs et les dispositions du projet de loi.
Les membres de notre section de l’ABC sont de fervents défenseurs de la protection de la vie privée des Canadiens, et peinent à croire qu’il est possible de trouver un équilibre, sauf preuve du contraire. Les exigences en matière de vérification de l’âge peuvent autoriser le gouvernement à recueillir ou à superviser la collecte de données privées et sensibles.
Je vois que j’arrive à la fin du temps qui m’est imparti. Ce qui nous préoccupe, pour conclure, c’est de savoir si nous avons réellement les preuves que la technologie peut suffisamment protéger la vie privée des Canadiens, afin d’éviter que des personnes innocentes ne deviennent des victimes de ce projet de loi au lieu d’être protégées.
Voilà ce qui conclut mes remarques liminaires. Merci.
La présidente : Merci beaucoup, monsieur Westell.
[Français]
Pierre Trudel, professeur au Centre de recherche en droit public, Faculté de droit, Université de Montréal, à titre personnel : Honorables sénatrices et sénateurs, dans un nombre croissant de pays, on reconnaît la nécessité de mettre à niveau le régime juridique applicable aux contenus en ligne afin de limiter les effets néfastes avérés de l’accessibilité instantanée à des contenus qui sont notoirement problématiques.
Le projet de loi S-210 s’inscrit dans la ligne des initiatives qui se manifestent ailleurs dans le monde afin de traiter les enjeux liés à la circulation de certains types de contenus considérés comme présentant un potentiel significatif de causer des préjudices.
Plusieurs associations — dont certaines ont déposé des mémoires dont j’ai eu l’occasion de prendre connaissance — constatent que le matériel comportant des représentations explicites d’activités sexuelles présente un potentiel de risque qu’il importe de gérer. C’est d’ailleurs ce que font de nombreuses législations dans les différentes administrations canadiennes; elles limitent déjà l’accès des enfants à ce type de matériel en dehors d’Internet. Il paraît tout à fait logique que l’on cherche à mettre en place des mesures pour limiter pareillement l’accès à ce matériel dans les environnements d’Internet.
Il ne s’agit pas, dans ce projet de loi, de prohiber le matériel sexuellement explicite, mais plutôt d’en limiter l’accès aux personnes qui démontrent qu’elles sont âgées de 18 ans et plus. C’est une obligation de prendre des mesures raisonnables afin de vérifier l’âge des personnes qui accèdent à du contenu sexuellement explicite. Envisagé sous un tel angle, le projet de loi S-210 contribue à mettre en place et à expliciter des obligations de diligence pour les plateformes en ligne, qui sont celles qui bénéficient des revenus significatifs générés par la circulation de vidéos et autres informations en ligne.
Le projet de loi exclut de sa portée le matériel sexuellement explicite ayant un but légitime lié à la science, à la médecine, à l’éducation ou aux arts. Les tribunaux ont bien établi que cette notion de « matériel sexuellement explicite », déjà prévue au Code criminel, ne vise pas n’importe quelle scène de nudité ou de contact sexuel anodin. Par conséquent, il paraît excessif de prétendre que la notion serait si large qu’elle viserait tout contenu comportant de la nudité, comme cela a pu parfois être affirmé.
Dans l’arrêt Sharpe, la Cour suprême du Canada a précisé que l’expression « activités sexuelles explicites » renvoie à des activités sexuelles intimes représentées de manière détaillée et non équivoque, et visant à stimuler sexuellement les personnes qui consomment ce type de matériel. Par conséquent, le projet de loi S-210, tel que je le comprends, reprend et s’appuie sur ces définitions dans lesquelles la Cour suprême du Canada a bien circonscrit le matériel qui pouvait être réglementé, notamment au titre de la protection des enfants.
Le projet de loi S-210 vise les distributeurs commerciaux de pornographie. Il s’applique aux « organisations » au sens de l’article 2 du Code criminel. Là aussi, la notion est relativement bien établie et balisée par la jurisprudence. La grande innovation du projet de loi S-210, c’est l’introduction d’un mécanisme qui permet une sorte de dialogue avec les entreprises et l’autorité chargée d’aviser ces entreprises. En effet, l’infraction introduite par le projet de loi S-210 est conditionnée par un mécanisme destiné à aviser l’entreprise en ligne afin qu’elle prenne les mesures nécessaires pour limiter l’accès au matériel sexuellement explicite. C’est uniquement lorsque les entreprises négligent ou refusent de prendre les mesures requises pour assurer la vérification de l’âge qu’elles sont susceptibles, en pratique, d’être obligées de répondre à l’infraction.
Le projet de loi prévoit également que les contenus de sites qui contreviennent à la loi et qui ne vérifient pas l’âge peuvent faire l’objet de mesures de blocage. Or, il se trouve en effet que le blocage des sites ou des contenus sur Internet est reconnu au Canada. La Cour suprême du Canada a récemment refusé d’entendre l’appel logé contre la décision unanime de la Cour fédérale qui validait l’émission d’une ordonnance de blocage pour empêcher des activités de violation caractérisée. Dans ce cas, il s’agissait de la législation sur le droit d’auteur.
Par conséquent, il paraît désormais clair qu’en matière de droit canadien, les tribunaux peuvent ordonner le blocage de sites illégaux, à la condition qu’on ait établi le caractère illégal de l’activité. Dans le projet de loi S-210, ce qui deviendrait illégal, c’est le fait de négliger de mettre en place un mécanisme de vérification de l’âge des personnes qui accèdent au matériel.
Comme le montrent les décisions de la Cour suprême, ce n’est pas à la légère que les tribunaux ordonnent le blocage des sites ou des contenus. Les Canadiens peuvent être sûrs que le blocage des sites ou des contenus n’intervient que lorsqu’il est clairement démontré, dans le cadre d’un processus judiciaire, que le contenu contrevient à la loi.
En conclusion, le projet de loi S-210 propose d’introduire dans le droit canadien des mécanismes juridiques pertinents qui garantiront que les conditions auxquelles est assujetti hors-ligne l’accès à des contenus qui se révèlent problématiques pour les enfants seront aussi applicables aux plateformes en ligne. En ce sens, le projet de loi vient en quelque sorte mettre à niveau la législation canadienne, de façon à assurer que ce qui est interdit hors ligne l’est aussi en ligne.
[Traduction]
Colin McKay, chef, Politiques publiques et relations gouvernementales, Google Canada : Je vous remercie de m’avoir invité à comparaître devant vous aujourd’hui.
Chez Google, nous nous engageons à créer des produits sécurisés par défaut, pouvant être de nature privée et qui donnent le contrôle aux utilisateurs. Les moteurs de recherche tels que Google Search n’offrent pas d’accès direct au contenu. Nous cherchons plutôt à organiser les informations du monde entier et à les rendre universellement accessibles et utiles. Nous disposons d’un éventail de systèmes, d’outils et de politiques visant à aider les internautes à découvrir du contenu sur Internet tout en ne les surprenant pas avec du contenu adulte qu’ils n’ont pas cherché.
Pendant la pandémie, la technologie a aidé les enfants et les adolescents à poursuivre leurs études en dépit des confinements et de rester connecté avec des membres de la famille et des amis. Les jeunes passent plus de temps en ligne, et les parents, les éducateurs, les experts en matière de sécurité des enfants, les experts en matière de vie privée et les décideurs s’inquiètent, à juste titre, de leur sécurité. Nous avons des contacts réguliers avec chacun de ces groupes, et nous partageons leurs préoccupations.
Bien que nos politiques ne permettent pas à des enfants de moins de 13 ans de créer un compte Google standard, nous avons travaillé fort afin de concevoir des produits enrichissants spécialement pour eux, ainsi que pour les adolescents et les familles. L’un de ces produits, développé par notre équipe à Montréal, est un outil de protection appelé SafeSearch, qui permet de filtrer les résultats explicites lorsqu’activé. De plus, au cours des dernières années, nous avons beaucoup investi dans la création de politiques visant à mieux protéger les enfants sur nos plateformes, dont des politiques qui régissent les publicités et le contenu commercial que les enfants voient. Nous avons créé Family Link, qui permet aux parents de créer un compte Google pour leur enfant. Nous avons des règles strictes concernant le type d’annonces qui peuvent être diffusées sur les comptes Family Link et la façon dont elles peuvent l’être; l’objectif est de protéger la vie privée des utilisateurs et de filtrer le contenu qui n’est pas approprié pour les enfants.
Pour en revenir au sujet qui nous occupe aujourd’hui, il existe des préoccupations compréhensibles quant à la facilité avec laquelle certains jeunes accèdent à du contenu pornographique en ligne et sur les médias sociaux. Nous croyons que les fournisseurs de contenu sont les mieux placés pour établir le risque associé à leur service et mettre en place la bonne méthode pour limiter l’accès des utilisateurs mineurs à celui-ci. À l’instar de ce comité, d’autres pays examinent et mettent même en place des réglementations en la matière. Tout en nous conformant à ces réglementations, nous cherchons à développer des produits et des contrôles d’utilisateur cohérents pour les enfants et les adolescents dans le monde entier.
D’abord, nous appliquons d’importantes mesures de protection pour aborder le problème. Les conditions d’utilisation qui façonnent l’expérience des utilisateurs de YouTube interdisent la diffusion de contenu pornographique et sexuellement explicite sur la plateforme. YouTube bloque déjà le contenu que nous jugeons inapproprié pour les personnes de moins de 18 ans ou qui est désigné comme tel par les créateurs. La fonction SafeSearch est activée par défaut pour les utilisateurs de moins de 18 ans et permet de filtrer le contenu violent ou sexuellement explicite. On ne montre pas aux personnes de moins de 18 ans des publicités destinées aux adultes. De plus, les mineurs ne peuvent pas télécharger d’applications destinées aux personnes de 18 ans et plus dans Google Play.
La loi à l’étude aujourd’hui vise à créer l’obligation de vérifier l’âge d’une personne avant qu’elle puisse accéder à la pornographie en ligne. Le fait de connaître l’âge d’un utilisateur peut nous permettre de lui offrir une expérience qui correspond à ses besoins. Toutefois, il s’avère difficile de connaître l’âge exact des utilisateurs de plusieurs produits et services, tout en respectant leur vie privée — comme l’ont fait valoir d’autres témoins aujourd’hui — et en veillant à ce que nos services demeurent accessibles.
Lorsque nous reconnaissons qu’un utilisateur n’a peut-être pas l’âge de consentement, nous avons recours à un processus pour les comptes des personnes mineures. Par exemple, la date de naissance ou la pièce d’identité d’un utilisateur peut nous montrer qu’il n’a pas l’âge de consentement. S’il n’est pas en mesure de démontrer que le compte est contrôlé par utilisateur qui a l’âge du consentement numérique, alors il peut ajouter la supervision au compte. S’il ne le fait pas, son compte est désactivé. Nous désactivons des dizaines de milliers de comptes chaque semaine dans le cadre de ce processus, à l’échelle mondiale.
Je sais que certains membres du comité ont posé des questions sur la publicité de façon particulière. Il est important que l’expérience publicitaire associée aux produits Google soit pratique, instructive et surtout sécuritaire pour tous les utilisateurs. Nous avons une série de politiques exhaustives sur les publicités qui énoncent les attentes et les obligations des entreprises et des particuliers qui souhaitent acheter de la publicité sur Google. Ces politiques interdisent le contenu associé à des produits ou services dangereux, le contenu inapproprié — qui fait la promotion de l’intimidation, des propos de groupes haineux ou de comportements d’automutilation —, le contenu associé à des produits de contrefaçon et le contenu qui fait la promotion d’un comportement malhonnête, et ce pour tous les utilisateurs, sans égard à leur âge.
Nos politiques sur la publicité interdisent également le contenu sexuellement explicite, par l’entremise du volet sur le contenu inapproprié. En vertu de ce volet, les publicités ne peuvent présenter du contenu explicite, que ce soit du texte, des photos, de l’audio ou des vidéos. Les recherches à l’aide de termes sexuellement explicites ne devraient pas donner lieu à des annonces ciblées. De façon similaire, ce volet s’applique aussi au site de destination auquel la publicité fait référence. Ainsi, nous ne permettons pas que les publicités renvoient les utilisateurs vers des sites Web explicites.
Nous avons récemment mis à jour nos politiques d’application de la loi afin de faire de la violation de la politique sur le contenu sexuellement explicite une infraction flagrante, ce qui signifie que les auteurs de ces violations verront leur compte publicitaire Google suspendu dès la détection de l’infraction et sans avertissement. Ils ne pourront plus diffuser leurs publicités sur Google.
En plus d’appliquer des politiques normalisées sur les publicités dans Google, nous nous assurons que le contenu publicitaire diffusé sur les produits de Google soit associé à des mesures de sécurité supplémentaires pour les enfants et les familles.
Je n’ai fait qu’effleurer la question à l’étude et les mesures prises par Google pour veiller à ce que ses produits et services soient sécuritaires pour les utilisateurs. Pour régler le problème dont nous discutons aujourd’hui de manière efficace, il faudra aussi la participation des organismes de réglementation, des avocats, des membres de l’industrie, des fournisseurs des technologies, des experts en matière de sécurité des enfants et d’autres intervenants pour accroître la sécurité d’Internet pour nos enfants et nos familles.
Je vous remercie une fois de plus de m’avoir donné l’occasion de témoigner devant vous aujourd’hui. Je serai heureux de poursuivre la discussion avec vous.
La présidente : Merci, monsieur McKay.
J’ai une question pour vous, monsieur Westell, au sujet de la limite d’âge. Je vois dans le mémoire que vous avez transmis au comité — et aussi d’après votre témoignage aujourd’hui — que vous proposez de modifier le projet de loi afin d’interdire aux organisations de distribuer de la pornographie aux jeunes de moins de 16 ans, plutôt qu’à ceux de moins de 18 ans, ce qui représente la limite actuelle prévue dans le projet de loi. Vous dites qu’en règle générale, l’âge du consentement est de 16 ans et peut même être aussi bas que 12 ans au Canada. Pouvez-vous nous expliquer plus en détail pourquoi vous croyez que l’âge limite devrait être abaissé de deux ans?
M. Westell : Je vous remercie beaucoup pour votre question, madame la présidente.
C’est une question d’ordre pratique. Il faut se demander si le projet de loi doit être aussi restrictif, puisqu’on a déterminé que les personnes de moins de 18 ans pouvaient s’adonner aux activités sexuelles qui peuvent être présentées dans le matériel pornographique qu’ils n’ont pas le droit de regarder. À notre avis, cela ne correspond pas à l’objectif de la loi. Si les personnes ont l’âge d’avoir des rapports sexuels, elles devraient avoir le droit de visionner du matériel sexuellement explicite. Nous ne voyons pas pourquoi une telle restriction devrait être mise en place. Je ne dis pas qu’une exposition prolongée ou malsaine à la pornographie est une bonne chose — que ce soit pour une personne de 16 ans ou pour une personne de 20 ans — et qu’elle ne mène pas à certains problèmes comme la dépendance, mais nous croyons qu’il n’est tout simplement pas nécessaire d’en interdire l’utilisation aux personnes de moins de 16 ans, puisque la loi les considère à titre d’acteurs sexuels valides.
La présidente : Merci beaucoup.
Nous allons maintenant entendre la marraine du projet de loi. Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous rappelle que vous disposez de quatre minutes pour poser vos questions.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Ma question fait suite à celle de la sénatrice Jaffer et concerne l’âge. Monsieur Westell, j’essaie de comprendre cette recommandation du barreau, car on ne retrouve nulle part ailleurs, dans la législation des provinces et des autres pays, ce que vous proposez. Dans toutes les provinces, l’âge du consentement sexuel est de 16 ans. Or, l’âge pour visionner du matériel pornographique hors ligne est de 18 ans.
Dans les autres pays, prenons par exemple l’Allemagne, l’âge du consentement est de 14 ans et l’âge pour visionner du matériel pornographique est de 18 ans. C’est la même chose pour la France où c’est 15 ans pour le consentement et 18 ans pour le visionnement de la pornographie.
Donc, nous serions le seul pays qui considérerait que les moins de 18 ans, les jeunes de 16 ans et 17 ans peuvent avoir accès à du matériel pornographique qui, comme vous le savez, est de plus en plus hardcore. Le consentement sexuel est quelque chose qui a trait au corps du jeune, donc c’est son pouvoir sur son corps, un peu comme le consentement médical pour les mineurs, alors que le visionnement de la pornographie implique une industrie et une entreprise. Ce sont donc deux choses différentes. Sur quoi vous basez-vous exactement, comme on serait les seuls au monde?
[Traduction]
M. Westell : La seule chose que je peux dire, c’est qu’à notre avis, si l’on permet à des jeunes de 16 ans de prendre la grande décision de consentir à ce qu’on utilise leur corps à des fins sexuelles, alors on devrait aussi leur permettre de visionner du matériel pornographique. Si la loi leur permet de décider de s’adonner à des activités sexuelles, ce qui est une chose très importante, nous ne voyons pas pourquoi ils ne pourraient pas avoir le droit de regarder du contenu sexuel. Je ne vois pas la logique ici.
Il est vrai que les autres pays ne permettent pas non plus à ces jeunes de visionner un tel contenu. Nous faisons une suggestion. Nous ne disons pas que cet écart d’âge est très grave, mais nous avons jugé bon de le souligner, à titre de critique valide.
La sénatrice Miville-Dechêne : J’aimerais vous poser une autre question, rapidement : la limite imposée n’a-t-elle pas de lien avec le nombre de plus en plus important de recherches qui démontrent que la pornographie en ligne est préjudiciable, surtout pour les jeunes, et qui établissent un lien entre la consommation de pornographie et le comportement agressif des garçons?
M. Westell : Je reconnais ce que vous dites sur ces études. Ce que nous disons, c’est que ce ne sont pas toutes les personnes qui consomment de la pornographie qui deviendront dépendantes ou qui réagiront de la manière décrite dans ces études. J’aimerais savoir si ces études démontrent que le problème se situe chez les jeunes de 16 à 18 ans de façon précise. Nous tenons compte de votre point de vue, mais le nôtre est différent et nous voulions l’exprimer de la meilleure façon possible.
La sénatrice Miville-Dechêne : Merci.
Le sénateur White : Merci beaucoup.
J’allais moi aussi poser des questions au sujet de l’âge. J’ai étudié la question de l’âge du consentement. Vous misez sur la réponse du ministère de la Justice au sujet de l’âge du consentement.
M. Westell : Oui.
Le sénateur White : Croyez-vous qu’en gardant la limite à 18 ans, nous serions perdants en cas de contestation judiciaire? Est-ce que c’est ce que vous suggérez ou vous n’y avez pas vraiment songé?
M. Westell : Je ne suis pas ici pour parler du résultat possible d’une contestation judiciaire, mais de telles divergences dans la loi peuvent entraîner une certaine vulnérabilité à cet égard.
Nous voulions présenter la question au comité, mais nous ne sommes pas ici pour dire que les jeunes de 16 ans doivent absolument pouvoir regarder la pornographie sans aucune restriction. Ce n’est pas notre objectif. Nous voulions souligner la question et demander au comité de l’examiner en tenant compte des études, des résultats et des préoccupations de l’Association du Barreau canadien et des autres témoins au sujet de la nocivité de la pornographie et de la logique derrière le fait de permettre aux personnes de 16 ans de pratiquer des activités sexuelles, mais pas de les regarder.
Le sénateur White : Merci beaucoup.
Les documents du ministère de la Justice évoquent des exceptions relatives à la proximité d’âge dans d’autres domaines également. Est-ce que vous craignez que certains puissent évoquer l’exemption de la proximité d’âge pour les personnes de 18 ans ou même celles de 16 ans? Croyez-vous qu’en abaissant la limite à 16 ans, comme le fait le gouvernement fédéral, ce serait plus sécuritaire?
M. Westell : Je ne crois pas qu’on doive réduire la limite en deçà de 16 ans ou qu’il serait approprié de le faire. L’exemption de la proximité d’âge vise uniquement à reconnaître la réalité voulant que certains enfants d’un très jeune âge aient des relations sexuelles entre eux dans certaines circonstances, que nous le voulions ou non. Nous ne croyons pas qu’un jeune de 12, 13, 14 ou 15 ans devrait pouvoir regarder de la pornographie librement, sans aucune restriction.
Ce que nous disons, c’est qu’une fois que les jeunes ont 16 ans et qu’ils ne sont plus visés par ces exemptions relatives à la proximité d’âge, ils se rapprochent de plus en plus des activités sexuelles d’adultes. Dans les faits, on leur confère une grande responsabilité en ce qui a trait au comportement qu’ils adoptent avec leur propre corps. Il est légitime de se demander si un jeune de 16 ans est capable de gérer sa consommation de manière appropriée.
Le sénateur White : Cela signifie, donc, qu’un jeune de 16 ans pourrait consommer de la pornographie juvénile. Si un jeune regarde de la pornographie qui met en scène d’autres jeunes de 16 à 18 ans, est-ce qu’on considérera qu’il s’agit de pornographie juvénile?
M. Westell : C’est vrai. Nous ne voulons en aucun cas que la pornographie juvénile soit impliquée. Nous croyons que personne ne devrait regarder de la pornographie juvénile, même s’il s’agit d’un jeune de 16 ans qui regarde un autre jeune de 16 ans. Il serait dangereux de permettre une telle pratique et dans les faits, il est impossible d’effectuer une surveillance. Quel âge a la personne que vous regardez? Si vous avez 16 ans, est-ce que vous avez droit à une exemption? Ce n’est pas possible, sur le plan pratique.
Nous croyons aussi que cela donne lieu à se demander si une personne de 16 ans devrait pouvoir décider de participer au contenu pornographique. Nous ne voulons pas du tout aller là. Nous croyons que cela ne devrait jamais être permis.
Le sénateur White : Merci beaucoup, monsieur Westell, pour vos réponses.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Bienvenue à nos témoins. Ma première question sera pour M. Kevin Westell. Dans votre mémoire, j’ai pu prendre connaissance que vous émettiez des inquiétudes par rapport à la protection des données personnelles des citoyens et le risque des données collectées par le gouvernement. Vous écrivez ce qui suit :
Les exigences en matière de la vérification de l’âge sont susceptibles de permettre au gouvernement canadien d’effectuer ou de superviser la collecte de renseignements privés de nature sensible.
Pouvez-vous me dire comment le gouvernement pourrait faire cette collecte de données et quelles en seraient les conséquences?
[Traduction]
M. Westell : Merci.
Pour répondre à la première partie de votre question, nous ne savons pas comment le gouvernement obtiendrait certains renseignements en particulier. Toutefois, si les gens utilisent leur adresse IP pour passer les étapes de vérification de l’âge, alors le lien se fait naturellement. Il y a des gens qui surveillent et qui réglementent cela. Il faut se demander si le gouvernement a tout à coup la capacité d’examiner et de savoir ce que les Canadiens regardent... le type de pornographie qu’ils regardent ou non. Ces renseignements pourraient être recueillis, que ce soit l’objectif du gouvernement ou non.
Ce qui nous préoccupe, c’est que le gouvernement se retrouve avec un dépôt de renseignements de nature très délicate — qui risquent de compromettre la réputation —, qu’il a recueillis intentionnellement ou non par l’entremise de cette vérification technologique, et que ces renseignements pourraient tomber entre de mauvaises mains. Nous ne prétendons pas savoir comment le gouvernement entend procéder, mais nous nous préoccupons du droit à l’oubli et du droit à la vie privée, et des mesures qui seront prises. Lorsque le gouvernement prend des mesures pour savoir qui visite quel site pornographique, comment ces renseignements sont-ils protégés?
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Je comprends bien votre réponse. Cependant, vous dites dans votre mémoire qu’il y a un risque. Ce que je veux savoir, c’est la manière dont ce risque peut être exploité par le gouvernement?
[Traduction]
M. Westell : Il peut gérer ce risque en étant pleinement transparent avec les Canadiens au sujet des mesures exactes qui sont prises. Quelle est la technologie utilisée? Quelles sont les mesures de sécurité appliquées? Comment le gouvernement conserve-t-il les données? Quelles sont les données stockées? Quelles sont les données ignorées? Si le gouvernement procède à une telle vérification et donc à une collecte de données de grande envergure, il est très important qu’il soit pleinement transparent au sujet des données recueillies, de l’endroit où elles sont stockées et du moment où elles seront supprimées. Tout commence par la transparence.
Je ne prétends pas avoir de grandes connaissances techniques et savoir comment fonctionnerait la technologie, mais cela m’amène au point que je veux faire valoir : il faudra que le gouvernement explique sa procédure de manière à ce que le Canadien moyen la comprenne et sache ce qui arrivera lorsqu’il cliquera sur le bouton de vérification de l’âge, et ce qui adviendra de ces renseignements. À quels renseignements le gouvernement a-t-il accès lorsqu’on clique sur ce bouton? Où va l’information? Voilà ma réponse.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Merci, monsieur Westell.
[Traduction]
Le sénateur Dalphond : Je remercie tous les témoins qui comparaissent devant nous aujourd’hui.
Ma question s’adresse à M. McKay. En fait, j’ai deux questions. Premièrement, avez-vous des données sur l’utilisation des réseaux privés virtuels par les consommateurs de matériel pornographique, surtout les jeunes? Deuxièmement, considérez‑vous que vous faites partie des organisations potentiellement ciblées par la définition d’une organisation et par la définition de l’infraction? Croyez-vous qu’on pourrait considérer que Google offre du matériel pornographique ou en facilite la diffusion?
M. McKay : Merci, sénateur.
Pour répondre à votre première question, je crains que nous n’ayons pas de données sur l’utilisation des réseaux privés virtuels. Vous auriez plus de chances d’obtenir des renseignements à ce sujet auprès des fournisseurs de services Internet.
Par ailleurs, nous reconnaissons qu’il y a une ambiguïté dans la définition et qu’il faut discuter de l’intention et des attentes du Parlement en ce qui concerne cette mesure législative. Selon notre interprétation du libellé actuel de l’obligation, le fournisseur du contenu pornographique en ligne, c’est-à-dire le site, doit assurer la vérification de l’âge et respecter toutes les lois locales et fédérales. Bien que cette question nous intéresse — et nous comparaissons aujourd’hui justement pour vous décrire les mesures que nous prenons afin de créer un environnement sûr pour nos utilisateurs —, nous fonctionnerions de plusieurs façons différentes, mais notre produit principal serait un moteur de recherche.
Le sénateur Dalphond : Ma prochaine question s’adresse à M. Westell de l’Association du Barreau canadien. Je comprends la proposition de restriction d’âge. Vous avez également exprimé des préoccupations au sujet de la protection de la vie privée, mais je m’intéresse au moyen de défense. Ai-je raison de comprendre que vous nous recommandez de reformuler le paragraphe 6(2) et d’y ajouter la phrase que vous avez proposée? Je rappelle que cette disposition se lit comme suit : « [...] si les actes qui constitueraient l’infraction ont un but [...] lié à la science, à la médecine, à l’éducation ou aux arts. »
M. Westell : Le libellé actuel de la disposition ne me pose aucun problème, mais on pourrait y ajouter une précision. Ce n’est pas toujours le cas dans les lois, mais il arrive parfois qu’un texte législatif contienne des dispositions de clarification qui, à mon avis, servent simplement à en préciser la portée et la visée. Nous estimons qu’un tel ajout serait utile. Je comprends que, de l’avis de certains, cela devrait être évident. Or, je doute qu’il en soit toujours ainsi, et les choses ne sont certainement pas assez évidentes pour que nous soyons à l’abri des contestations judiciaires, que nous préférerions éviter. En ajoutant une petite disposition de ce genre, nous assurons la clarté et l’intention du projet de loi, en plus de préciser les préjudices qui sont visés et ceux qui ne le sont pas.
Le sénateur Dalphond : Merci.
La sénatrice Pate : Merci à tous les témoins d’être des nôtres.
Ma question s’adresse à M. McKay. Pendant que vous parliez, j’ai cru bon de faire une recherche sur un acte sexuel dans Google et de voir quels en seraient les résultats. Le premier lien qui est apparu était celui de Pornhub. Faut-il comprendre par là que Pornhub fait de la publicité ou tire un avantage quelconque du fait que son site apparaît en premier dans la liste des résultats de cette recherche?
M. McKay : Il s’agit simplement d’un résultat qui dépend de votre recherche et de l’intérêt exprimé en fonction des termes utilisés. Ces résultats s’afficheront si vous n’êtes pas identifiée comme une mineure ou si vous ne faites pas partie d’un groupe familial inscrit sur Google.
Comme j’ai commencé à l’expliquer, de nombreux autres détails entrent en ligne de compte. Nous offrons aux adultes, ainsi qu’aux utilisateurs que nous avons identifiés comme des mineurs, des environnements qui ne produisent pas de tels résultats pour ce genre de termes de recherche. En tout cas, ce n’était pas un résultat commandité, et Google n’en a tiré aucun revenu.
La sénatrice Pate : Je trouve utile de mentionner qu’un message automatique est apparu en guise de mesure de sécurité. J’oublie le terme que vous avez utilisé. Ce message s’est affiché, mais il n’y avait aucune question sur mon âge ou mon identité. Je suis passée par le site général.
Vous dites que cela ne signifie pas qu’il s’agit d’un annonceur. Le fait qu’un site apparaît en premier ne veut pas dire qu’il a payé pour obtenir cette position. Avez-vous une liste des annonceurs, des frais que vous imposez et des politiques en la matière? Quelle serait l’incidence du projet de loi s’il était adopté?
Ensuite, vous avez dit employer des vérificateurs de contenu. Pourriez-vous transmettre le matériel de formation à notre comité, ainsi que la liste des annonceurs, le barème des frais et les politiques qui sont mises en œuvre pour assurer la présence d’un contenu approprié sur les sites?
M. McKay : Je pourrais certainement fournir au comité des renseignements sur nos politiques en matière de publicité, surtout en ce qui concerne le matériel sexuellement explicite, ainsi que les directives et les politiques qui sont appliquées dans ce genre de circonstances.
Dans le cas que vous venez de me décrire, il ne s’agit pas d’un contenu vérifié. Nous avons fourni un résultat pertinent uniquement à partir des renseignements limités dont nous disposons, c’est-à-dire votre identité et l’objet de votre recherche. Dans ce type de requête, nous nous attendons à ce que le site sur lequel vous cliquez soit celui qui vérifie votre âge avant de vous permettre d’accéder à son contenu. Dans le cas de Pornhub, je suppose qu’il s’agit de pornographie en ligne.
La sénatrice Pate : Voici ce que dit le message : « Certains résultats peuvent être explicites. Activez SafeSearch pour masquer les résultats explicites. » On peut donc présumer que c’est à la personne qui effectue la recherche sur Google d’entreprendre ces démarches. Aux termes du projet de loi, vous seriez vraisemblablement tenu de procéder à cette vérification de l’âge.
Vous avez dit que vous seriez en mesure de nous faire parvenir des renseignements sur les politiques. C’est très bien. Pourriez‑vous également nous transmettre la liste des annonceurs, le barème des frais et une explication de la façon dont vous établissez si quelqu’un a enfreint les politiques, ainsi que le matériel de formation relatif au contenu?
M. McKay : Nous n’acceptons aucune publicité sexuellement explicite; je peux donc répondre par écrit en donnant des détails sur cette politique.
La sénatrice Pate : D’accord. Offrez-vous une formation à vos vérificateurs de contenu?
M. McKay : Dans le cas qui nous occupe, lorsque nous parlons de publicité et de résultats de recherche, il s’agit de l’application de nos politiques et directives. Il n’y a pas de vérification du contenu du résultat qui vous est proposé, mis à part une vérification automatisée confirmant qu’il répond aux attentes liées aux termes de recherche que vous nous avez fournis.
La sénatrice Pate : D’accord. Donc, si vous pouviez nous communiquer des renseignements sur vos politiques sur la vérification du contenu et sur la protection des enfants, ce serait extrêmement utile. Merci.
M. McKay : Je serai heureux de vous faire parvenir cette information.
[Français]
Le sénateur Carignan : Ma question s’adresse au représentant de Google. En toute transparence, j’ai envoyé la question par écrit au témoin avant notre réunion — ce que je fais très rarement —, mais je veux le préciser par souci de transparence.
Ma question est la suivante : quels sont les revenus publicitaires tirés par Google lorsque les gens écrivent des mots à caractère pornographique sur Google Images, tels que « XXX » ou autres? Est-ce que Google rémunère certains producteurs de contenu?
[Traduction]
M. McKay : Je vous remercie, sénateur, de vos questions, et merci aussi de les avoir soumises à l’avance.
Comme je l’ai dit, selon nos politiques en matière de contenu explicite et de contenu sexuel, nous n’achetons pas de publicité et nous ne générons pas de revenus, en particulier pour la recherche d’images. Si vous effectuez une recherche sur Google Images pour des termes précis et que vous voyez des résultats, il s’agit simplement d’un index de résultats pertinents basés sur les renseignements que vous avez fournis et sur votre profil, d’après ce que nous en comprenons. Nous dégageons cette information, entre autres, à partir d’une déduction de votre âge et d’une vérification de votre compte Google pour confirmer que vous n’êtes pas identifié comme un mineur.
En ce qui concerne votre deuxième point, non, nous ne payons pas les producteurs de contenu explicite parce que nous essayons de concevoir, grâce à nos services, un environnement en ligne où, premièrement, les utilisateurs ne sont pas surpris par les résultats qu’ils trouvent et, deuxièmement, où ils se sentent en sécurité. Le Parlement a d’ailleurs entamé hier une conversation active sur la rémunération pour un élément précis du contenu, mais en l’occurrence, il n’y a aucune transaction.
[Français]
Le sénateur Carignan : Pouvez-vous nous expliquer l’avantage pour Google de permettre la production ou la distribution de ce genre d’images si vous n’en tirez pas de bénéfices ou de revenus quelconques? Vous n’êtes quand même pas un organisme à but non lucratif.
[Traduction]
M. McKay : Il faut remonter à notre fondation et à la création de Google Search, qui vise à mettre à contribution la technologie afin de rendre les informations plus universellement accessibles et utiles. Depuis nos premiers travaux de recherche et de développement en la matière, notre mandat est de fournir à nos utilisateurs un accès aux informations disponibles en ligne.
Ces informations comportent certainement des facteurs limitatifs, si les renseignements et le contenu sont illégaux et expressément interdits par le Code criminel du Canada et d’autres lois en vigueur ailleurs dans le monde. Dans de telles conditions, nous limitons l’accès à certains documents, mais autrement, nous fournissons les renseignements que nous jugeons les plus pertinents et les plus instructifs par rapport aux questions que vous posez par l’entremise de nos divers services. En fonction de vos termes de recherche, vous pouvez obtenir des résultats très précis et très pertinents en provenance de diverses sources. Nous ne faisons pas d’argent parce que, l’essentiel pour nous, en offrant tous ces produits et services, c’est d’essayer de répondre aux objectifs initiaux de nos utilisateurs. Dans bien des cas, nous ne générons pas de revenu. Merci.
Le sénateur Wetston : Il y a beaucoup d’activités en Europe et aux États-Unis dans le domaine des grandes entreprises technologiques — et je pense, monsieur McKay, que vous seriez évidemment d’accord là-dessus. Mentionnons plus précisément la Loi sur les marchés numériques de l’Union européenne, la Loi sur les services numériques et le Règlement général sur la protection des données en Europe. En quoi l’une ou l’autre de ces mesures législatives influerait-elle sur votre opinion ou votre point de vue concernant l’accès à la pornographie par les jeunes adultes, et est-ce que ces mesures législatives ont une incidence quelconque sur votre point de vue?
M. McKay : Je vous remercie de la question, sénateur.
Comme point de départ, lorsque n’importe quel pays dans le monde adopte une loi pour encadrer une conversation en ligne ou pour orienter la façon dont un groupe interagit en ligne, nous nous réunissons et nous cherchons à appliquer une technologie qui répond à nos obligations aussi efficacement que possible et qui respecte l’intention des législateurs, ainsi que celle de la collectivité.
Dans le cas d’une législation — et vous avez évoqué quelques cadres européens, assortis d’objectifs différents —, voici l’incidence que cela aurait au Canada. Ces mesures sont souvent d’envergure mondiale sur le plan de leur portée et de leur champ d’application. Le défi que cela représente pour une entreprise comme Google, mais aussi pour toute autre entreprise technologique, c’est de savoir comment appliquer les outils dont nous disposons pour répondre aux attentes des législateurs et de la collectivité en question. Puis, surtout, devons-nous continuer à respecter et à satisfaire les obligations et les exigences du pays où nous menons nos activités? Autrement dit, le respect des attentes en Europe crée-t-il un conflit au Canada?
En ce qui concerne la question à l’étude aujourd’hui, en particulier à la lumière de la conversation que les membres du comité ont eue avec M. Westell au sujet de la vérification de l’âge, il existe des mécanismes qui nous permettent de vérifier l’âge des utilisateurs, et ce, de la manière la moins intrusive possible sur le plan de la vie privée. C’est donc ainsi que nous nous y prenons pour procéder à la vérification de l’âge tout en respectant non seulement les attentes de nos utilisateurs en matière de protection de la vie privée, mais aussi les obligations connexes des organismes de réglementation du monde entier, que ce soit en Europe ou au Canada. Par conséquent, les délibérations, puis l’adoption de lois dans différents domaines ailleurs dans le monde conduisent à des améliorations technologiques qui améliorent l’expérience pour les Canadiens.
Permettez-moi de mentionner un exemple qui n’a été que brièvement abordé aujourd’hui, à savoir les images d’exploitation sexuelle des enfants. Tous les pays s’entendent de manière uniforme sur le caractère répréhensible de telles images et la nécessité d’en interdire la distribution et la création. Voilà un exemple où la technologie est appliquée à l’échelle mondiale, non seulement pour la détection des images, mais aussi en guise d’intervention lorsqu’une personne manifeste un intérêt pour ce genre d’images.
J’espère que cela répond à votre question.
Le sénateur Wetston : Je pense que c’est très utile et très éclairant du point de vue de la nécessité de comprendre les répercussions, parce que, comme vous le savez, l’Europe est beaucoup plus avancée que le Canada pour ce qui est de résoudre ces problèmes. On peut ne pas aimer les mesures qui y sont prises, mais l’Europe a nettement une longueur d’avance. En effet, nous n’avons même pas notre loi sur la protection de la vie privée. Elle a été modifiée. Nous en parlons depuis un bon moment, mais nous ne l’avons toujours pas adoptée. C’est un élément très important pour être au diapason des avancées de la technologie numérique. L’Europe dispose du Règlement général sur la protection des données depuis maintenant un certain nombre d’années — en tout cas, depuis quelques années.
Je pense que vos observations sont très intéressantes, et je suppose que j’en aurais une à ajouter, moi aussi. Nous profiterions de ces avancées technologiques, du moins dans ce domaine, parce que l’Europe est susceptible de les appliquer ou les applique déjà. Bref, en raison de la nature mondiale de ce secteur, nous pourrions en bénéficier, nous aussi, même si le projet de loi n’était pas adopté. Est-ce, en gros, ce que vous dites?
M. McKay : En fait, je dis que c’est déjà en train de se produire. Les Canadiens sont protégés par ce qui constitue, à nos yeux, le plus solide régime de protection des données pour les utilisateurs d’un service en ligne offert par Google, non seulement grâce au travail pionnier des experts et des législateurs canadiens en matière de protection de la vie privée il y a 20 ans, mais aussi grâce aux travaux complémentaires des défenseurs du droit à la vie privée et des législateurs du monde entier, travaux qui ont abouti à la production du Règlement général sur la protection des données en Europe.
Dans le cas précis du projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui, les recherches qui ont dû être menées sur la vérification de l’âge, en partie avant que l’Europe ne prenne des mesures à cet égard, se reflètent dans la façon dont nous tentons — nous et d’autres entreprises — d’établir si une personne a moins de 18 ans ou plus de 18 ans grâce à des indices très simples. Comme l’a souligné M. Westell, il existe des exigences très précises en matière de renseignements personnels identifiables, et ces exigences créent une série d’obligations non seulement pour les gouvernements, mais aussi pour les entreprises lorsque ces renseignements sont recueillis. En l’absence d’un besoin explicite et d’un cadre explicite pour la collecte de ces renseignements, nous essayons de recourir à la technologie pour relever les défis stratégiques et, ensuite, pour remplir l’obligation législative, sachant qu’il est absolument impératif de respecter cette obligation législative ou légale une fois qu’elle est adoptée.
Le sénateur Wetston : Merci, monsieur McKay.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Je remercie les témoins d’être avec nous. J’ai une question pour vous, M. McKay, d’abord, et une autre ensuite pour le professeur Trudel.
Monsieur McKay, j’ai fait l’exercice que la sénatrice Pate a fait tout à l’heure. Je n’ai jamais fait de recherche Google avec le terme « site pornographique ». J’ai cherché en français, il y a peut-être une réponse différente selon qu’on utilise le français ou l’anglais et je comprends cela. J’ai cherché un peu en haut de la page et je suis arrivée à Safe Search. Il a fallu que je le cherche. J’ai essayé de le mettre à jour, cela ne m’a menée nulle part et ensuite, j’ai cliqué sur « fermer » et cela me donne un accès à 13,5 millions de résultats en 35 secondes. Je peux avoir accès à un éventail de sites pornographiques.
Ce n’est pas une question que je vous pose. Je me suis demandée, est-ce parce que nous étions deux sénatrices à faire cette recherche que tout à coup, nous avons eu cette panoplie de sites pornos qui nous apparaît à l’écran? Vous avez dit quelque chose d’intéressant tantôt. Quand vous dites que ce sont ceux qui inscrivent du contenu, donc les content providers qui devraient avoir des mécanismes de vérification — et je ne parle pas de vérification d’âge, mais des barrières efficaces —, selon vous quelles seraient les barrières efficaces qui pourraient être instaurées sur les sites et qui pourraient vous protéger indirectement d’accusations, parce que l’on dirait que vous entrez dans la définition du projet de loi ou d’un autre projet de loi? Pour vous, quelles seraient les barrières efficaces qu’on devrait exiger de ces content providers?
[Traduction]
M. McKay : Merci. Je dois avouer que j’ai du mal à faire le lien entre, d’une part, l’expérience que vous venez de décrire — c’est-à-dire les résultats que vous avez obtenus après avoir fait une recherche en utilisant un terme — et, d’autre part, la mise en place de barrières éventuelles. Entendez-vous par là une barrière qui empêcherait la personne de voir le résultat ou plutôt une barrière qui l’empêcherait de savoir ce qui se trouve dans le résultat avant d’aller sur un site?
[Français]
La sénatrice Dupuis : Je ne veux pas vous empêcher de répondre, mais ce que vous nous avez dit, c’est que ceux qui devraient dresser des barrières pour bloquer l’accès aux enfants, ce sont les content providers. Alors, je vous demande : quelles seraient des barrières efficaces, à votre avis?
[Traduction]
M. McKay : Eh bien, je pense que, pour l’instant, l’obligation concerne la vérification de l’âge. Je ne suis pas un expert en la matière, mais je crois comprendre que l’on demande une certaine conformité aux obligations locales, et je sais que beaucoup de sites ne le font pas. C’est l’exigence de base : cette vérification doit être effectuée avant l’accès au contenu du site.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Donc, vous n’avez pas d’autres barrières à part ce mécanisme à nous suggérer, c’est cela?
[Traduction]
M. McKay : C’est la solution la plus immédiate et la plus pratique qui répond au problème que vous avez cerné.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Merci. Professeur Trudel, dans le projet de loi, on parle de 18 ans. Est-ce que vous auriez examiné la question du mineur émancipé? Dans le Code civil du Québec, la question du mineur émancipé prévoit qu’à 16 ans, selon que l’on est émancipé partiellement ou totalement, on peut accomplir l’ensemble des actes juridiques. Avez-vous eu l’occasion d’examiner cette question par rapport à la définition de l’âge, dans le projet de loi, qui est fixée à 18 ans?
M. Trudel : Non, honnêtement je n’ai pas examiné cette question. Je n’ai pas évalué l’incidence de cette notion de mineur émancipé.
La sénatrice Dupuis : Si je vous demandais de la considérer maintenant, est-ce que vous auriez des réflexions qui vous viennent, spontanément?
Je comprends que vous ne pouvez pas prévoir toutes les questions, mais je me suis vraiment posé cette question. Avez‑vous des éléments de réflexion qui pourraient nous aider?
M. Trudel : À mon avis, le fait que les législateurs imposent une limite d’âge pour accéder à du matériel peut répondre à toutes sortes de considérations. Par exemple, ce n’est pas parce qu’un mineur peut s’adonner à des activités sexuelles à partir, finalement, d’un très jeune âge, que cela signifie automatiquement qu’il devrait avoir le droit d’accéder à tout matériel qui représente des activités sexuelles.
Ma compréhension de la logique qui sous-tend le projet de loi c’est que cela présuppose un choix, qu’il y a plus d’inconvénients que d’avantages à établir l’âge légal d’accès à ce matériel à un âge comme 16 ans plutôt que 18 ans; mais fondamentalement, il y a toujours une certaine part de choix qui va généralement résulter d’une analyse de risques.
La finalité d’une législation comme celle-ci est de contribuer à la lutte contre le développement de comportements qui mènent aux violences sexuelles et qui mènent à des comportements qui peuvent se révéler très dommageables à long terme. Alors, le fait d’interdire aux personnes de moins de 18 ans l’accès à un contenu, personnellement, cela ne m’apparaît pas contradictoire si l’on reconnaît que, dans leur vie intime, des personnes de moins de 18 ans peuvent s’adonner à des activités sexuelles.
La sénatrice Dupuis : Je comprends très bien. Je voulais vérifier s’il pouvait y avoir un problème avec le critère qu’on choisit, parce que l’on fixe l’âge et qu’on essaie de rassembler tous ceux qui ont moins de 18 ans, mais que l’on n’y arrive pas parce qu’il y a un élément technique comme le fait d’être un mineur émancipé. C’est un problème aussi. On ne parle pas du tout de l’objet du projet de loi, on parle de questions techniques, puisqu’en général, dans les projets de loi, il y a toujours des éléments techniques comme celui-là.
Merci.
M. Trudel : Merci à vous.
La sénatrice Clement : Je remercie tous nos témoins.
Ma question s’adresse au professeur Trudel, et j’en aurai une autre pour M. McKay. Monsieur Trudel, la technologie, évidemment, avance à un rythme fulgurant ainsi que les façons de contourner la technologie, surtout par les jeunes. Donc, cette loi est-elle en mesure de demeurer utile dans ce contexte?
M. Trudel : Je pense que toutes les lois peuvent être contournées et à mon avis, ce n’est pas un critère approprié. On ne peut pas invoquer le fait qu’une loi peut être contournée pour dire qu’elle n’a pas sa raison d’être. Sinon, il faudrait abolir le Code criminel dans son entièreté, car malheureusement, beaucoup de dispositions du Code criminel sont contournées ou ignorées au Canada, et ce, tous les jours. Donc, je pense que le véritable enjeu est de faire en sorte que les lois soient mises à jour pour promouvoir le déploiement de technologies comme la vérification d’âge.
En fait, le meilleur incitatif au développement de ces technologies, c’est précisément de mettre en place une obligation comme celle que propose le projet de loi. On peut faire l’hypothèse que lorsque ce type d’obligation est imposé, cela incite l’industrie à développer et à raffiner la technologie. Donc, cela permet de diminuer le risque que des personnes contournent les interdictions.
Cependant, il serait irréaliste de s’imaginer que cette loi, comme toutes les autres, ne sera jamais contournée. Toutes les lois, et singulièrement dans un environnement comme Internet, peuvent être contournées. D’après moi, ce n’est pas le bon critère puisqu’on peut trouver que c’est important, ou à tout le moins faire tout ce que l’on peut, pour limiter l’accès à du matériel lorsqu’on considère qu’il est néfaste, tout en sachant qu’il y aura un certain degré de contournement. Justement, l’observation de ce degré de contournement permet aussi de déterminer le type de technologies non intrusives, protectrices de la vie privée, qui pourraient aussi être développées pour limiter les possibles activités de contournement qui pourraient se déployer une fois qu’une loi comme celle-là entre en vigueur.
J’ajouterais, pour faire écho à certains autres commentaires, que cette loi doit aussi s’appliquer dans un contexte où il existe une loi sur la protection des renseignements personnels. Alors, il y a déjà là plusieurs mécanismes sous la responsabilité du commissaire à la vie privée, qui vont nécessairement devoir fonctionner en conjonction avec le développement des technologies qui pourraient être requises en vertu du pouvoir réglementaire prévu dans la loi.
Donc, selon ma compréhension du projet de loi, on devrait le mettre en œuvre en se concertant avec le commissaire à la vie privée, mais également en incitant l’industrie à faire ce qu’il faut en matière de recherche et de développement pour s’engager dans une démarche de perfectionnement continu de ces technologies.
La sénatrice Clement : C’est ça, le problème; c’est le travail de concertation.
M. Trudel : Si on veut véritablement faire en sorte que les droits des Canadiens sont respectés sur Internet, je crois qu’on n’a pas le choix : il faut promouvoir une plus grande concertation entre les univers, les développeurs de technologies et les législateurs.
[Traduction]
La sénatrice Clement : Merci.
Monsieur McKay, des témoins nous ont dit que les sites pornographiques résisteront à ce genre de loi parce que, s’ils doivent procéder à une vérification de l’âge, ils perdront du terrain quant à leur classement dans les moteurs de recherche. Est-ce un argument valable?
M. McKay : Je ne suis pas certain de l’exemple et de la circonstance particulière que vous décrivez, mais je répondrai d’une manière très générale. Des milliers de signaux différents sont évalués lorsque nous fournissons un résultat à quelqu’un comme produit de sa recherche. Nous examinons de nombreux éléments différents, notamment la pertinence du site par rapport aux termes saisis. Nous regardons aussi si d’autres utilisateurs cliquent ou non sur ce résultat, car cela indique que ce site est pertinent par rapport à ce qu’ils ont demandé, surtout s’ils y reviennent. S’il y a un obstacle — pour un site moyen, il peut s’agir d’une mauvaise conception graphique ou d’un contenu médiocre — et que nous constatons que les internautes ne reviennent pas après avoir cliqué sur ce résultat, nous considérons que ce n’est pas le meilleur résultat pour ces termes de recherche et pour cette requête. Je crois que cela pourrait s’appliquer dans cette circonstance.
La sénatrice Clement : Exact. Donc s’il y a un processus de vérification de l’âge, cela va créer un taux de rebond. Les gens vont « rebondir » des sites où l’on vérifie l’âge vers ceux où l’âge n’est pas vérifié.
M. McKay : Comprenant ce que je sais du comportement humain, je présume que oui.
La sénatrice Clement : Y a-t-il un moyen pour un moteur de recherche, comme Google, d’évaluer les choses différemment? Je veux dire, les sites pornographiques disent : « Nous n’allons pas imposer la vérification de l’âge à moins que tout le monde le fasse. » Vous voyez ce que je veux dire? C’est leur façon de résister. Si Google disait : « Eh bien, nous allons vous attribuer une meilleure note si vous ajoutez la vérification de l’âge », cela pourrait-il aider?
M. McKay : Je pense qu’il est préférable d’examiner cette question dans le contexte de ce que le comité et le Parlement essaient de faire, c’est-à-dire de créer des limites juridiques pour ce comportement. S’il y a des limites légales pour ce comportement, comme pour tout autre comportement, cela créera une obligation pour ces sites, mais, par ailleurs, cela créera aussi une attente au sujet des résultats fournis aux personnes du territoire où cette demande est faite.
Pour nous, la collecte de ces données sur les taux de rebond n’est pas aussi pertinente que le système juridique qui identifie les sites Web qui ne se conforment pas à la loi existante et qui cherchent ensuite à obtenir ce qu’ils veulent des fournisseurs de services Internet ou des sites Web eux-mêmes — ou encore dans le cadre de l’application du droit d’auteur, comme l’a souligné le professeur Trudel —, et qui crée ensuite un processus uniformisé qui intervient auprès d’entreprises comme la nôtre et d’autres.
La sénatrice Clement : Quelle est votre opinion sur cette loi?
La présidente : Sénatrice Clement, je vous ai vraiment laissé parler pendant plus de sept minutes.
La sénatrice Clement : C’est très bien. Je vous remercie.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : J’aimerais poser une brève question à M. Westell.
[Traduction]
En abordant la question des données privées, vous avez aussi parlé d’un registre du gouvernement. C’est ce que j’ai entendu. Y a-t-il un endroit dans le projet de loi S-210 où l’on fait référence à un registre du gouvernement?
M. Westell : Le souci est que nous ne savons pas exactement comment le régime fonctionnera et comment les règlements seront appliqués. J’ai cru comprendre qu’un organisme gouvernemental allait être mis en place pour surveiller la façon dont les processus de vérification de l’âge se déroulent et si ces processus respectent ou non les règlements de la loi qui est établie ici. Ce qui m’inquiète, c’est que le gouvernement sera partie prenante, qu’il surveillera cela de près et qu’il pourrait participer à la collecte, à distance, des informations provenant de ces procédures de vérification.
La sénatrice Miville-Dechêne : D’accord, parce qu’il n’y a pas de registre du gouvernement. Évidemment, comme vous l’avez probablement vu, ce sont les règlements qui s’occuperont de toutes ces questions concernant les lois dont M. Trudel parlait. C’est ma question. Merci.
Le sénateur Dalphond : Ma question s’adresse à M. McKay. Dois-je comprendre de certaines de vos réponses que Google est en train de définir un profil de chaque personne qui fait une recherche sur Internet? Donc, si l’internaute cherche de la musique pour adolescents, il est probablement plus jeune que moi. Il cherche peut-être des restaurants ou des hôtels chers. Avec ce genre de choses, vous seriez, semble-t-il, capable de définir une sorte de profil d’utilisateur. Si c’est le cas, pouvez‑vous alors avoir une idée de son âge?
M. McKay : Il y a plusieurs scénarios distincts en fonction desquels nous comprenons des éléments d’information individuels sur un utilisateur.
Dans la perspective la plus large, si vous êtes un utilisateur régulier de Google, nous avons une idée générale de votre tranche d’âge en nous basant sur ce que vous avez recherché, sur les sites que vous avez visités et sur d’autres éléments d’information que vous partagez en utilisant nos produits et services. Nous faisons une estimation d’autres aspects de ce qui vous intéresse. Nous utilisons ces renseignements pour répondre à vos demandes, quel que soit le produit utilisé. Il est très rare que nous disposions de renseignements précis sur une personne, de renseignements qui nous permettraient de la localiser. En fait, toute notre structure est construite autour de la capacité à fournir les résultats les plus précis et les plus pertinents sans pour autant avoir une compréhension complète de l’internaute en tant que personne.
Il est important de noter que, que vous ayez ou non un compte Google, vous avez également la possibilité, en vous rendant sur myaccount.google.com, de voir ce que nous savons de vous en fonction de l’utilisation que vous faites de nos produits et services. Quand je dis « nos produits et services », nous identifions aussi exactement ce que cela signifie : vous pouvez voir que nous savons où vous avez voyagé et à qui vous vous êtes adressé pour avoir des directions, des choses comme cela.
Le sénateur Dalphond : Disons que quelqu’un utilise Internet à la maison et qu’il y a trois ou quatre utilisateurs sur la ligne. Vous vous retrouvez avec différents profils entremêlés. Vous est-il possible de dire qu’à telle heure de la journée, il s’agit de quelqu’un de jeune, qui regarde de la musique jeune et des vedettes populaires auprès des adolescents, et donc d’avoir un profil vous indiquant que cette personne n’est probablement pas un adulte?
M. McKay : Non. Si nous décrivons un environnement où toutes les personnes dans cette maison utilisent nos produits et qu’elles ne sont pas connectées à un compte Google et qu’elles n’ont pas une identité suffisamment poussée pour nous permettre de distinguer les utilisateurs les uns des autres, alors nous allons voir un mélange de signaux et de données sur toutes les personnes dans cette maison. Il se peut donc que vous receviez des informations sur les vedettes de la pop du moment au même titre que vos enfants.
Dans mon exposé, j’ai parlé d’un outil appelé Family Link. Family Link est un effort manifeste de notre part pour gérer la situation que vous décrivez, c’est-à-dire un foyer avec des parents, des tuteurs ou des adultes qui veulent avoir un certain degré de contrôle et de compréhension au sujet de ce que les jeunes membres de leur famille font en ligne. Cela leur permet de mieux encadrer cette activité et leur fournit des outils pour restreindre encore plus cette activité.
Le sénateur Dalphond : Je vous remercie.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Ma question s’adresse à M. Colin McKay. Je comprends les différences dans les technologies, mais on sait très bien que les cartes de crédit suivent à la trace chaque transaction qui est faite. Cela existe depuis des décennies et on est habitué à cela. Quand notre carte est fraudée, on nous avise pour nous dire que l’une de nos transactions ne correspond pas du tout à notre profil de consommateur, et on nous demande de confirmer si c’est bien le cas. Donc, ça fait longtemps qu’on est suivi dans nos transactions bancaires au moyen des cartes de crédit.
Qu’est-ce qui a changé chez Google qui vous permet d’être plus précis quand vous me suivez, moi, comme sénatrice, aujourd’hui?
[Traduction]
M. McKay : Merci de votre question.
Ce que vous décrivez se rattache à deux environnements très différents, parce que votre banque et l’émetteur de votre carte de crédit ont des renseignements très précis sur vous, à savoir ceux que vous leur avez donnés au moment d’ouvrir votre compte. Ils ont également des informations très précises à votre sujet...
[Difficultés techniques]
La présidente : Sénatrice Dupuis, je pense que nous avons perdu le témoin.
[Français]
La sénatrice Dupuis : En effet, j’ai l’impression que nous avons perdu la connexion avec le témoin. L’écran est gelé.
À ce moment-là, est-ce possible, madame la présidente, de lui demander de nous faire parvenir la réponse par écrit à cette question? Je ne veux pas retarder nos travaux inutilement.
La présidente : Oui.
La sénatrice Dupuis : Merci beaucoup.
La présidente : La greffière va se charger de lui écrire.
[Traduction]
Monsieur Westell, professeur Trudell et monsieur McKay, merci beaucoup. Nous avons beaucoup appris de vous. Vous pouvez voir que ce sujet suscite un intérêt marqué et que nous pourrions vous poser encore bien des questions. Merci beaucoup d’avoir été là.
Sénateurs, nous allons poursuivre à huis clos.
(La séance se poursuit à huis clos.)