LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 28 novembre 2024
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 11 h 31 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier, pour en faire rapport, le rapport sur la Loi sur l’abrogation des lois pour l’année 2024.
Le sénateur Brent Cotter (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bonjour, honorables sénatrices et sénateurs.
[Traduction]
Je m’appelle Brent Cotter. Je suis sénateur de la Saskatchewan et président du comité. J’invite mes collègues à se présenter.
Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l’Alberta.
Le sénateur Prosper : Paul Prosper, de la Nouvelle-Écosse, territoire mi’kma’ki.
La sénatrice Simons : Paula Simons, de l’Alberta, territoire visé par le Traité no 6.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Bonjour et bienvenue. Patti LaBoucane-Benson, territoire du Traité no 6, en Alberta.
La sénatrice Pate : Bienvenue à ce groupe très nombreux. Je m’appelle Kim Pate et je vis ici sur le territoire non cédé des Algonquins Anichinabés.
[Français]
Le sénateur Moreau : Pierre Moreau, division des Laurentides, au Québec.
La sénatrice Audette : [mots prononcés en innu-aimun]. Michèle Audette, pour le Nitassinan, Québec.
La sénatrice Clement : Bonjour, tout le monde. Bernadette Clement, de l’Ontario.
[Traduction]
Le président : Merci, chers collègues.
Je vous invite à prendre garde au phénomène d’écho acoustique et à l’éviter, surtout que nous aurons beaucoup de témoins. Veuillez, s’il vous plaît, commencer par consulter les cartes qui sont sur la table et garder vos écouteurs loin de tous les micros en tout temps. Quand vous n’utilisez pas votre oreillette, veuillez la placer face vers le bas sur l’autocollant qui se trouve devant vous. Merci de votre collaboration. Ces mesures vont aider ceux qui essaient d’interpréter nos propos.
Chers collègues, nous nous réunissons pour examiner le rapport révisé de la Loi sur l’abrogation des lois pour l’année 2024, déposé au Sénat le 22 mai 2024, ainsi que la liste des lois ou dispositions de lois que l’on propose de ne pas abroger en vertu de la même loi, déposée au Sénat le 5 novembre 2024. La motion adoptée stipule que le comité doit présenter son rapport au Sénat au plus tard le 5 décembre de cette année. C’est-à-dire au milieu de la semaine prochaine.
À titre de rappel, nous sommes en train de nous livrer à un exercice dans le cadre duquel une série de lois devant être abrogées ne le seront pas à la suite de notre discussion et du rapport. Ce mécanisme est déclenché aux 10 ans, et nous avons l’intention de prendre connaissance et de procéder à l’examen des projets de loi qui ne devraient pas être assujettis à ce mécanisme pour être abrogés. C’est un peu inhabituel. Nous l’avons fait l’an dernier sous cette forme.
Avant de vous présenter l’avocate du ministère de la Justice, je tiens à dire que, l’an dernier, nous avons vécu une expérience merveilleuse et instructive à entendre les descriptions de ces divers projets de loi et du rôle qu’ils ont joué dans notre cadre législatif et dans le fonctionnement de notre gouvernement. En tout respect, je dois dire que c’était agréable, mais long. Comme vous le savez, nous accueillerons encore une fois des centaines, voire des milliers de personnes qui vont nous aider dans nos délibérations. Mais, cette fois, nous avons aussi une brève description écrite de l’objet de ces propositions. Je crois que cela nous facilitera la tâche. Par conséquent, en dehors des exposés préliminaires que nous entendrons sous peu, nous n’inviterons pas les représentants des différents ministères à nous parler des propositions proprement dites, puisque nous les avons déjà par écrit, mais je vous inviterai à leur poser des questions. Cela devrait être un peu plus simple, mais j’espère que nous aurons des délibérations tout aussi valables qui nous permettront de prendre des décisions aujourd’hui. J’espère que cela vous convient. Cela étant, je tiens à remercier — et je le répéterai peut-être à la fin — les fonctionnaires qui ont préparé ces petits résumés. Ils nous ont été très utiles. Nous vous sommes également très reconnaissants de votre présence et du temps de travail dont vous vous privez pour nous aider dans nos délibérations.
Cela dit, je souhaite la bienvenue à Carolina Mingarelli, sous-ministre adjointe par intérim, Direction des services législatifs, à Josée Filion, directrice adjointe et avocate-conseil, Direction des services législatifs, et à Fabien Vadnais, conseiller juridique, Direction des services législatifs. Comme vous le savez, un grand nombre de fonctionnaires du ministère les accompagnent pour répondre à vos questions. Chacun d’entre eux a sa propre carte nominative et, le moment venu, nous inviterons un groupe à se joindre à nous ici ou à se rendre disponible. La production de ces cartes nominatives a fait sauter le budget du comité, mais c’est toujours ainsi.
Maître Mingarelli ou maître Filion, je vous invite à faire votre exposé préliminaire.
Me Carolina Mingarelli, sous-ministre adjointe par intérim, Direction des services législatifs, ministère de la Justice du Canada : Monsieur le président et distingués membres du comité, merci de votre invitation. Je m’appelle Carolina Mingarelli et je suis sous-ministre adjointe par intérim du Secteur du droit public et des services législatifs au ministère de la Justice.
Je vais commencer par reconnaître que nous sommes sur le territoire du peuple algonquin anichinabé.
Je suis heureuse de participer à votre étude des reports d’abrogation en vertu de la Loi sur l’abrogation des lois, que j’appellerai « la LAL » ou « la Loi ».
Permettez-moi de vous donner quelques renseignements généraux sur la LAL. Cette loi vise à garantir l’efficacité des lois fédérales en abrogeant régulièrement les dispositions qui ne sont pas en vigueur et dont on n’a plus besoin.
L’article 2 prévoit que le ministre de la Justice dépose un rapport annuel auprès des deux chambres du Parlement dans les cinq premiers jours de séance de chaque année civile. Dans ce rapport sont énumérées les lois et dispositions de loi du Parlement non exécutées qui ont été promulguées neuf ans ou plus avant le 31 décembre de l’année civile précédente.
En vertu de la LAL, toute loi ou disposition énumérée dans le rapport sera automatiquement abrogée le 31 décembre de l’année au cours de laquelle le rapport est déposé, à moins qu’elle n’entre en vigueur au plus tard à cette date ou à moins que, au cours de cette année-là, l’une ou l’autre chambre du Parlement adopte une résolution les exemptant d’abrogation pour l’année à venir.
Le quatorzième rapport annuel produit en vertu de la LAL a été déposé le 31 janvier 2024 auprès de la Chambre des communes et le 7 février 2024 auprès du Sénat. Une version révisée incluant l’article 399 de la Loi d’exécution du budget de 2009 en a été déposée auprès des deux Chambres le 22 mai 2024.
À la suite du dépôt du rapport annuel, les ministères fédéraux sont invités à présenter leur recommandation et à justifier le report de l’abrogation ou l’abrogation de la loi ou de dispositions relevant de leur ministre. Les ministères doivent prendre des mesures pour confirmer l’abrogation ou l’entrée en vigueur des lois et des dispositions énumérées dans le rapport annuel, surtout si le report est demandé depuis plusieurs années.
La décision finale de reporter ou non l’abrogation revient au ministère responsable. Elle ne relève pas du ministère de la Justice, à moins que la loi ou la disposition en cause relève du ministre de la Justice.
[Français]
L’une ou l’autre des situations suivantes peuvent constituer un motif permettant de reporter l’abrogation d’une loi ou d’une disposition se retrouvant dans le rapport annuel : lorsqu’un événement extérieur doit se produire avant que la loi et les dispositions législatives ne puissent entrer en vigueur ou être abrogées; lorsque des projets de loi abrogeant, remplaçant ou mettant en vigueur les dispositions non en vigueur sont en cours; parfois, des délais supplémentaires sont requis, par exemple pour mener à terme les travaux concernant des orientations ou pour tenir des consultations; enfin, quand l’omission de reporter l’abrogation pourrait avoir des répercussions sur les relations entre le gouvernement fédéral et les provinces et les territoires ou pourrait affecter les relations internationales du Canada, ou encore les relations avec les peuples autochtones.
Cette année, les ministres responsables prévoient le report de l’abrogation d’une loi complète et des dispositions de 24 autres lois apparaissant au rapport annuel de 2024. Des 25 éléments contenus dans le rapport annuel de 2024, 4 y apparaissent pour la première fois et 21 ont déjà fait l’objet d’un report d’abrogation en 2023.
Il est crucial d’adopter la résolution avant le 31 décembre 2024. Autrement, les éléments visés par la motion seront automatiquement abrogés par application de la Loi sur l’abrogation des lois. Cela pourrait entraîner des incohérences dans la législation fédérale, compromettre certaines relations avec les peuples autochtones, les provinces et territoires, de même qu’à l’international, car de nombreux éléments exigent de mener à terme les travaux concernant les orientations.
De plus, si les éléments énumérés dans la motion sont abrogés le 31 décembre, les ministères responsables devront nécessairement combler les lacunes législatives qui en découleront, par exemple, en présentant de nouveaux projets de loi, ce qui représente un exercice long et coûteux.
Puisque la motion demandant les reports d’abrogation pour l’année 2024 a fait l’objet d’un préavis, les représentants des ministères assistant à cette comparution seront en mesure de parler de son contenu et de répondre à vos questions portant sur les éléments individuels.
[Traduction]
Monsieur le président, je crois savoir que vous et le comité allez examiner les articles du rapport annuel dans l’ordre où ils y apparaissent. Des délégués des ministères responsables de ces articles sont présents ici pour répondre à vos questions.
[Français]
Cela étant dit, Me Filion, Me Vadnais et moi pouvons répondre à vos questions sur le processus annuel d’abrogation des lois que je viens de décrire.
Honorables sénateurs, voilà mes observations préliminaires. Je vous remercie.
[Traduction]
Le président : Merci. Voilà qui met la table pour notre examen des 25 mesures.
Si vous avez une question à poser à Me Mingarelli ou à Me Filion non pas sur un projet de loi quelconque, mais sur la situation générale, ce serait peut-être le bon moment. Pas de question.
Nous envisagions d’examiner les articles par groupes de cinq. C’est pourquoi nous allons inviter les représentants des cinq premiers groupes à se présenter à la table où siègent Me Mingarelli et Me Filion. Pourriez-vous nommer les personnes qui devraient se joindre à nous, ou est-ce vous deux?
Me Josée Filion, directrice adjointe et avocate-conseil, Direction des services législatifs, ministère de la Justice du Canada : Non, nous avons effectivement une liste qui a été transmise à la greffière. Pour le premier article, Sarah Stinson représentera le Bureau du Conseil privé.
Le président : Merci, madame Stinson.
[Français]
Le sénateur Moreau : On a deux documents : l’un qui s’appelle « Annexe », qui indique dans l’ordre le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, le ministre des Relations Couronne-Autochtones et le ministre des Finances, et un autre document qui est un composé des lois. Quand vous faites référence à un ordre de fonctionnement, est-on au tableau A-1, sur les reports recommandés, ou à l’Annexe?
[Traduction]
Le président : Nous en sommes maintenant à l’appendice ou à l’annexe?
Le sénateur Moreau : À l’annexe A-1.
Me Filion : Je croyais que vous vouliez suivre l’ordre du rapport annuel, parce que, comme vous le savez peut-être, l’annexe ne contient que les lois ou dispositions dont nous demandons le report d’abrogation, tandis que le rapport annuel contient l’ensemble. Nous pensions que le comité souhaitait examiner chacun de ces articles.
Le premier serait l’article 1 du rapport annuel. Puis ils s’enchaînent à un moment donné.
Le président : Ne suivent-ils pas l’ordre de l’annexe?
Me Filion : Non, c’est l’ordre dans lequel ils apparaissent dans le rapport annuel. Si vous le désirez, je peux passer en revue les différents articles et vous renvoyer à la motion dont vous êtes saisis pour l’annexe.
[Français]
Le sénateur Moreau : Nous avons le document « Annexe — Explication des reports recommandés », et le premier numéro est « Ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire ».
[Traduction]
Est-ce l’ordre que vous voulez suivre?
Me Filion : C’est l’ordre dans lequel le rapport annuel est présenté. Sauf erreur de ma part, vous devriez aussi en avoir un exemplaire.
La sénatrice Simons : Autrement dit, nous commencerions par la Loi sur les relations de travail au Parlement.
Me Filion : Effectivement.
Le président : Voilà qui nous met tous sur la même longueur d’onde.
Le sénateur Tannas : Il y a cinq articles.
Me Filion : C’est bien cela.
Le sénateur Tannas : Pour rappel, vous ne voulez pas qu’elles soient abrogées, n’est-ce pas?
Me Filion : Non, il y en a quatre qui seront abrogées et une qui entrera en vigueur.
Le sénateur Tannas : Merci.
Le président : Nous savons à peu près où nous en sommes maintenant. Nous allons commencer par vous poser des questions sur les cinq premiers articles, dont une question de ma part, si je peux me permettre.
Concernant la Loi sur les contraventions, j’aimerais comprendre pourquoi, au bout de neuf ans, nous n’avons toujours pas d’entente avec l’Alberta, la Saskatchewan et les territoires. Comment cela se fait-il? Quelles mesures faudra-t-il finalement prendre si aucun accord n’est conclu d’ici peu?
Me Marie-Claude Gervais, avocate-conseil et directrice adjointe, Division des services juridiques, Direction générale des programmes, ministère de la Justice du Canada : Merci de votre accueil, monsieur le président et distingués membres du comité, et merci de la question.
La réponse a beaucoup à voir avec la nature et les objectifs des modalités d’attribution des amendes de la Loi sur les contraventions.
Comme nous vous l’avons expliqué l’an dernier, nous avons communiqué à de multiples reprises avec les deux administrations, en rappelant l’importance de la primauté du droit et d’un meilleur accès à la justice pour les citoyens de ces deux provinces. Nous avons souligné les avantages importants de l’attribution d’amendes pour les infractions fédérales par opposition à la comparution des délinquants devant les tribunaux. Nous n’avons jamais réussi à les convaincre.
Je peux vous dire aujourd’hui que notre ministère a pour ainsi dire épuisé toutes les possibilités offertes par la loi dans sa forme actuelle. Nous nous sommes tournés vers les municipalités, sachant que des ententes pourraient être signées avec elles. Tout cela pour dire que nous sommes presque au bout du rouleau.
Cela dit, d’autres solutions juridiques existent peut-être. Notre ministère reste convaincu que nous sommes en mesure de les explorer pour voir si, dans un proche avenir, nous pourrions encore envisager d’offrir un meilleur accès à la justice à ces citoyens. À l’heure actuelle, le régime fédéral n’est pas appliqué dans ces deux provinces.
Le président : Dans ce cas, savez-vous combien de centaines de causes sont censées être entendues par les tribunaux à cet égard chaque année?
Me Gervais : Merci de la question, monsieur le président.
C’est effectivement une question très pertinente. Malheureusement, les données auxquelles nous avons accès sont insuffisantes. Y aurait-il un lien avec les causes dont les tribunaux sont saisis par voie de convocation en vertu de la procédure sommaire prévue dans la partie 27 du Code criminel? Si le régime de contraventions était la solution privilégiée, pourrait-on éviter toutes ces causes? Nous n’avons pas accès aux tenants et aboutissants de ces causes.
Ce que nous savons, cependant — et cela se fait tout au long du cycle d’évaluation parce que, comme vous le savez, tous les cinq ans, le Programme de la Loi sur les contraventions est examiné et évalué par notre consultant. C’est dans ce contexte que se déroulent des entrevues auprès d’agents fédéraux d’application de la loi. Depuis des années, ils nous disent qu’ils ont très peu de choix et qu’ils délivrent souvent des avertissements vides de sens. Comparativement à d’autres administrations semblables, on sait que, certaines années, un nombre important de contraventions pourraient ou non être données.
Ce que je peux vous dire ce matin, c’est que, l’an dernier, d’après ce que nous savons jusqu’à présent sur les provinces participantes, 40 000 contraventions fédérales ont été données dans tout le pays, si l’on s’en tient aux régimes de contraventions provinciaux.
Le président : Y a-t-il d’autres questions sur ces diverses dispositions qui ne sont pas censées être abrogées?
Le sénateur Tannas : J’en avais une. Je voudrais mieux comprendre. Peut-être en a-t-on parlé l’an dernier — je n’étais pas ici — au sujet de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes. C’est l’un des cinq premiers articles, n’est-ce pas? Non, je crois que c’est dans la série suivante.
Le président : Nous allons suspendre la séance quelques instants, si vous voulez bien.
Le sénateur Arnot : J’ai une question au sujet de l’article 5 pour Lisa Hitch.
Maître Hitch, d’après ce que je comprends de la loi et plus précisément de cet article, les dispositions viendront renforcer les prestations de congé parental partout au Canada et ne seront pas abrogées. C’est bien cela?
Me Lisa Hitch, avocate-conseil, Section de la politique en matière du droit de la famille et de la justice pour les jeunes, Secteur des politiques, ministère de la Justice du Canada : Non. Désolée, sénateur, mais cette année, il sera possible de l’abroger.
Le sénateur Arnot : D’accord.
Me Hitch : Le ministère a maintenant terminé l’examen de la modernisation des prestations d’assurance-emploi. Comme nous l’avons expliqué l’an dernier, c’est par excès de prudence que l’abrogation n’a pas eu lieu, pour le cas où l’on s’apercevrait, au cours de ces consultations, que ce pouvoir réglementaire était nécessaire, mais rien de tel n’est arrivé.
Ma collègue du ministère peut aussi répondre à d’autres questions.
Le sénateur Arnot : Cela veut-il dire que les prestations de congé parental sont uniformes partout au Canada?
Me Hitch : Cela veut effectivement dire que les prestations de congé parental sont uniformes partout au Canada, et aucune préoccupation n’a été soulevée au cours de la consultation.
Le sénateur Arnot : Merci. Je comprends.
La sénatrice Clement : J’avais une question au sujet de l’article 3, si nous pouvons revenir au Traité d’interdiction complète des essais nucléaires.
Le président : Ce n’est pas un retour en arrière. Nous examinons les articles un à cinq.
La sénatrice Clement : Un à cinq. Merci.
Le président : Au sujet de l’article 3 de la liste, monsieur Tremblay et madame Grant?
La sénatrice Clement : Je suis en train de lire le résumé qui nous a été fourni. La loi entrera en vigueur dès que le traité entrera lui-même en vigueur. Mais, auparavant, celui-ci doit être ratifié par 44 États, et, à l’heure actuelle, 9 États ne l’ont pas encore ratifié. Je suppose que c’est un résultat positif, mais sommes-nous au point mort? Pourriez-vous nous dire quels sont ces neuf États et ce qui est problématique?
Alison Grant, directrice générale, Direction générale de la politique de sécurité internationale et des affaires stratégiques, Affaires mondiales Canada : Merci de la question.
Les neuf pays qui n’ont pas encore terminé le processus de ratification sont la Chine, la Corée du Nord, l’Égypte, l’Inde, l’Iran, Israël, le Pakistan, les États-Unis, mais aussi la Russie, parce qu’elle a révoqué sa ratification du traité l’an dernier.
Comme vous pouvez le constater, c’est toujours difficile. Il est difficile d’obtenir la ratification du traité par ce groupe d’États. Ils ont tous leurs raisons de ne pas vouloir le ratifier. Le Canada entretient des relations difficiles avec bon nombre d’entre eux, même s’il fait partie d’un petit groupe de pays qui militent activement en faveur de la ratification du traité. Nous faisons partie du groupe des Amis du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires, et, chaque année, nous participons à des activités diplomatiques. Nous obtenons des résultats. Un certain nombre de pays l’ont ratifié au cours des dernières années. Ce n’est pas totalement exclu, mais j’avoue qu’il sera difficile de convaincre ces pays, en effet.
La sénatrice Clement : Donc c’est difficile pour les neuf que vous avez énumérés. Quand vous parlez du groupe des Amis du Traité, de quels pays s’agit-il, ou comment cela fonctionne-t-il?
Mme Grant : Il s’agit d’un regroupement diplomatique informel de pays comprenant l’Australie, l’Allemagne, la Finlande, le Japon et les Pays-Bas.
La sénatrice Clement : Je vois.
Mme Grant : Je dois ajouter que de nombreux autres pays partenaires du Canada appuient la ratification du traité. Chaque année, nous travaillons au sein des Nations unies pour faire adopter une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies préconisant la ratification universelle du traité. Presque tous les partenaires du Canada participent à cet effort et sont favorables à cette résolution.
La sénatrice Clement : Merci. C’est clair.
Le président : Madame Grant, est-ce que, à un moment donné, on abandonne tout simplement et on fait abroger ce projet de loi?
Mme Grant : Mon meilleur conseil comme fonctionnaire serait de ne pas le faire. Il y a de nombreux avantages à l’infrastructure actuelle du traité et du travail qui se fait à l’échelle internationale, notamment grâce à la Commission préparatoire. À mon sens, les deux principaux avantages sont, premièrement, l’enchâssement de la norme mondiale contre les essais nucléaires et, deuxièmement, le système de surveillance internationale que dirige la Commission préparatoire du traité. Il existe 337 sites de surveillance internationale dans le monde, dont 16 ici, au Canada. Ils sont soutenus par la Commission préparatoire et peuvent détecter n’importe quel essai nucléaire. Ils ont réussi à détecter tous les essais nucléaires au XXIe siècle. Une partie de notre contribution, grâce à la ratification de la loi, vise à soutenir cette infrastructure.
Le président : Merci. Voilà qui est instructif.
Chers collègues, y a-t-il d’autres questions au sujet des cinq premiers articles? Puisqu’il n’y en a pas, nous allons passer à la série suivante de cinq articles.
Sénateur Tannas, vous vouliez poser une question au sujet de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes. J’inviterais M. Irwin à se joindre à nous.
Le sénateur Tannas : Bienvenue à vous, monsieur Irwin. J’aimerais comprendre un peu mieux. Il est question ici des prestations supplémentaires de décès et des règles relatives au service accompagné d’option. Cela remonte à une vingtaine d’années, semble-t-il. On en est au vingt et unième anniversaire. De quoi s’agit-il ici? Quelles sont les mesures qui sont prises ou pas, et pourquoi ne les prend-on pas?
Steve Irwin, directeur, Pensions et programmes sociaux, Commandement du personnel militaire, ministère de la Défense nationale : Merci de la question. Je vais répondre en deux parties.
Le projet de loi vise à déplacer une grande partie de la capacité de réglementation de la loi vers les règlements. Concernant l’administration des pensions, pour y apporter une modification, il fallait auparavant modifier la loi habilitante. Les changements proposés permettraient de déplacer ce pouvoir vers les domaines dont vous avez parlé, à savoir la prestation supplémentaire de décès et la possibilité d’inclure des choix dans la réglementation, ce qui en faciliterait la modernisation.
L’avantage ici tient à la nature fluide et plus souple de l’emploi dans les forces armées, où, comparativement à la fonction publique, il y a des gens qui ont des carrières plus courtes. Ils ne font que passer. Beaucoup des règlements établis depuis longtemps ne sont pas aussi souples que nous le voudrions. Par exemple, les modifications nous permettraient de mettre à jour la possibilité de choisir la prestation supplémentaire de décès, c’est-à-dire de la répartir, comme dans la fonction publique, entre cinq bénéficiaires potentiels. À l’heure actuelle, cela se limite à une seule personne. C’est de cela qu’il s’agit. Ce sont des mesures d’anticipation plutôt que de réelles exigences pour aujourd’hui.
Le sénateur Tannas : Quel est le processus ici? Chaque fois qu’il y a un nouveau chef des forces armées, est-ce que quelqu’un s’introduit dans son bureau pour lui dire : « Voulez-vous que ceci soit adopté? » Qui finira par le retirer de la liste, d’une façon ou d’une autre? Qui prend cette décision?
M. Irwin : Bonne question. Ce ne serait pas le chef d’état-major de la Défense. C’est un processus. Je suis heureux de dire que nous en sommes au stade de la rédaction. Cela relève du ministère de la Justice. C’est une mesure législative étonnamment compliquée.
Le ministère s’est lui-même attaqué à ce qui était considéré comme une faiblesse antérieure concernant sa capacité de réglementation en général. Il y a quelques années, le sous-ministre de l’époque s’est rendu compte qu’il fallait créer cette capacité. La plupart des règlements produits pour le ministère de la Défense nationale le sont maintenant par l’entremise des Ordonnances et règlements royaux, qui suivent un processus différent de sorte que, comme ministère, il avait peu de capacité de réglementation. Cette lacune a été corrigée et a donné lieu à des mesures beaucoup plus importantes pour modifier la réglementation et pour améliorer la capacité de le faire.
Le sénateur Tannas : Au fait, cette loi a été créée par le Sénat, sous la houlette du sénateur Tommy Banks, de l’Alberta. C’était censé faire exactement ce que nous faisons en ce moment même. C’est un processus relativement nouveau.
Allez-vous retourner voir vos gens pour leur dire : « Écoutez, je suis obligé d’expliquer quelque chose dont, quand j’en parle, ils doivent penser que cela fait 21 ans que cela dure et que, par conséquent, il doit y avoir quelqu’un de terriblement incompétent ou que la situation est coincée quelque part et que cela ne mène nulle part »? À un moment donné, puis-je espérer que vous n’aurez pas à revenir et à m’entendre de nouveau vous poser la question?
M. Irwin : Je peux vous assurer que je suis très optimiste.
Le sénateur Tannas : Bien, monsieur. Merci. C’est tout ce dont j’ai besoin pour l’instant.
M. Irwin : Je peux également vous assurer que nous avons discuté de mon insatisfaction à l’idée de devoir revenir ici cette année, et cela stimule vraiment les gens qui y travaillent.
Le sénateur Tannas : C’était l’intention de la loi. Merci.
Le président : Y a-t-il d’autres questions pour M. Irwin?
[Français]
Le sénateur Moreau : Je veux souligner que j’appuie le sénateur Tannas. Je calculais que les dispositions de la loi font l’objet d’un report d’abrogation depuis 2013, c’est-à-dire neuf ans plus tôt, alors qu’on est en 2024. Votre explication sur le fait que les lois relatives au fonds de pension sont complexes ne m’ébranle pas beaucoup. Comme président du Conseil du trésor au Québec, j’ai vu des réformes des fonds de pension. Nous avons réussi à tout faire cela à l’intérieur d’un délai de 21 ans, voire à l’intérieur d’une période de 2 ans.
Ce n’est pas une question de compétence, mais de volonté de mettre en œuvre les dispositions de cette loi. Je comprends bien que vous n’êtes pas le seul responsable, mais j’aimerais que vous fassiez part de l’exaspération des membres du comité aux personnes responsables à l’intérieur du ministère. J’y suis pour la première année et je compte y être l’an prochain. Je veux prendre une note sur cette disposition. Il est inconcevable — particulièrement lorsqu’il s’agit d’ajouter de la souplesse dans un régime de pensions qui s’adresse à des gens qui ont défendu le Canada sur des plateaux de guerre, qui sont des vétérans ou qui sont dans les forces actives — que ces gens soient à la merci de contemplation pendant 20 ans. C’est tout à fait inacceptable. L’objectif de la loi ici ce matin me semble clair.
L’objectif d’une loi est d’être mise en application. C’est très difficile d’expliquer à mes filles — qui n’étaient pas nées quand la loi a été adoptée alors qu’aujourd’hui, elles ont terminé l’université — que cette loi n’est pas encore en vigueur. C’est encore plus difficile de le faire à l’égard des gens des forces armées qui s’attendent à plus de souplesse dans leur domaine d’activité. Je comprends que cela n’a rien à voir avec la volonté politique, puisque celle-ci est exprimée par l’adoption d’une loi.
Au deuxième élément de la deuxième recommandation, vous dites que le report de l’abrogation des articles 13 et 46 est recommandé pour compléter l’examen des recommandations du rapport de l’autorité du troisième examen indépendant. Pouvez-vous dire au comité quand le rapport du comité du troisième examen a été déposé au ministère?
M. Irwin : Si j’ai bien compris la question, elle porte sur la loi qui concerne la modernisation des —
Le sénateur Moreau : Je parle du service d’avocats de la défense. L’article 13 vise à prévoir que les taux et conditions de versement de la solde du directeur des poursuites militaires et du directeur du service d’avocats de la défense soient prévus par règlement. L’article 46 prévoit l’autorité législative nécessaire pour créer un régime réglementaire afin de verser des dépens aux juges militaires lorsqu’ils se représentent à une enquête devant le comité d’examen de la rémunération des juges militaires.
Vous dites que vous voulez mettre en œuvre le report de l’abrogation des articles 13 et 46, afin de compléter l’examen des recommandations du rapport de l’autorité. Quand le rapport de l’autorité a-t-il été déposé au ministère?
M. Irwin : Je peux vous assurer que ce projet de loi est une très grande priorité au sein du ministère de la Défense nationale. C’est encore une question complexe. Le retour en service touche plusieurs autres règlements. Il est nécessaire d’avoir une très vaste consultation entre plusieurs comités et secteurs de notre ministère. Pour la raison que j’ai expliquée, il y avait un manque de capacité pour la modernisation et la rédaction des règlements, mais le problème est bien identifié maintenant. Nous faisons de gros efforts pour nous adapter à ce changement.
Le sénateur Moreau : Vous n’avez peut-être pas l’information, mais j’aimerais que vous transmettiez au greffier du comité la date à laquelle le rapport de l’autorité du troisième examen indépendant au ministère de la Défense nationale a été déposé auprès du ministère.
M. Irwin : Malheureusement, je n’ai pas cette date.
Le sénateur Moreau : Pourriez-vous nous la fournir?
M. Irwin : Oui.
Le sénateur Moreau : Merci.
[Traduction]
Le président : Vous pouvez vous en occuper, monsieur Irwin?
M. Irwin : Oui.
Le président : Merci.
Y a-t-il d’autres questions pour M. Irwin? Puisqu’il n’y en a pas, vous pouvez vous retirer, monsieur Irwin. Il est rare que quelqu’un vienne ici et nous dise assez directement qu’il aimerait ne pas y être. Je vous remercie de votre franchise, monsieur. Je crois que le sénateur Tannas a, lui aussi, exprimé le même désir que vous ne soyez pas ici, si je puis dire.
La sénatrice Simons : Je voudrais parler de l’article 8, qui est l’article 11 de l’annexe. Il s’agit du ministère des Services publics et de l’Approvisionnement et de la Loi d’exécution du budget de 2005.
C’est étrange, parce que, à première vue, cela ne semble pas si compliqué. La Loi d’exécution du budget de 2005 a permis d’apporter des modifications à la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux pour conférer au ministre des Services publics et de l’Approvisionnement le pouvoir d’approvisionnement exclusif en matière de services.
Ce budget a été adopté par le gouvernement de Paul Martin. Son abrogation est reportée depuis 2015, ce qui veut dire que cela ne fait pas 21 ans, mais 19, et bientôt 20 ans. La seule explication est qu’un report d’abrogation est recommandé parce qu’il faut plus de temps pour terminer les consultations. J’aurais pensé que, même au Canada, 19 ans devraient suffire pour mener des consultations et élaborer un plan de mise en œuvre solide. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi quelque chose d’apparemment simple traîne depuis 19 ans?
Levent Özmutlu, directeur général, Secteur de la politique stratégique, Services publics et Approvisionnements Canada : Merci de la question.
Je vais peut-être commencer par expliquer rapidement que, à l’heure actuelle, le ministre des Services publics et de l’Approvisionnement a des pouvoirs exclusifs en matière d’acquisition de biens. Cette disposition aurait, en gros, pour effet d’unifier les pouvoirs du ministre en matière de services. Compte tenu du travail en cours pour accroître la reddition de comptes et la gérance de la fonction d’approvisionnement, nous estimons que ces dispositions pourraient être utiles à cet égard.
La sénatrice Simons : J’en suis sûre. Alors pourquoi ne les avons-nous pas?
M. Özmutlu : Au départ, quand ces mesures ont été adoptées, on accordait davantage d’importance aux économies et à la rationalisation de l’approvisionnement. Si j’ai bien compris, on a, pendant un certain nombre d’années — c’était avant moi aussi, comme vous pouvez le comprendre —, fait beaucoup de travail pour mettre au point beaucoup des outils dont on avait besoin. Après quoi, il y a eu des consultations, mais il n’a pas été possible, semble-t-il, d’en arriver à un consensus avec les ministères sur l’approche à adopter. Mais, je le répète, il me semble qu’il y a peut-être maintenant un plus grand désir d’adopter quelque chose de ce genre.
La sénatrice Simons : Pourriez-vous confirmer s’il est vrai que la consultation ne se fait pas avec des intervenants de l’extérieur du gouvernement, mais bien avec d’autres ministères?
M. Özmutlu : C’est exact, oui.
La sénatrice Simons : Que se passerait-il si nous n’acceptions pas de reporter cette mesure?
M. Özmutlu : Le risque, dans ce cas, est que nous pourrions perdre l’occasion de conférer tous ces pouvoirs à un seul ministre. Compte tenu du contexte actuel, cela pourrait être un outil utile pour simplifier le système d’approvisionnement à l’échelle du gouvernement.
La sénatrice Simons : On ne peut rien faire au sujet du Traité d’interdiction des essais nucléaires parce que l’Iran ne le ratifiera pas. La question des pensions est compliquée parce qu’il y a toutes sortes de calculs actuariels et qu’il y a différentes catégories de personnes à charge. Je peux donc comprendre que cela prenne beaucoup de temps. Quant à cette disposition, j’avoue que je suis perplexe. Depuis que le gouvernement de Paul Martin a décrété que l’approvisionnement en services devrait incomber au ministre, nous avons été incapables, sous trois premiers ministres, de le faire advenir.
Je ne sais pas si vous pouvez répondre à cette question, mais y a-t-il des gens qui estiment que c’est une mauvaise idée et que le ministre ne devrait pas être le seul responsable? Où est la résistance?
M. Özmutlu : Merci de la question.
Je vais peut-être vous donner une réponse légèrement décalée. Les fonctionnaires, eux, y voient effectivement un avantage. Sans aborder d’autres aspects de votre question, je peux également vous dire que des travaux sont en cours pour déterminer comment mettre ces mesures en œuvre.
La sénatrice Simons : J’ai déjà rédigé des articles pour un quotidien, et l’idée que 19 ans ne suffisent pas pour consulter d’autres ministères sur une priorité gouvernementale me laisse perplexe.
La sénatrice Batters : Mon mari était député en 2005, et je me rappelle très bien que cette époque du gouvernement de Paul Martin était celle du scandale des commandites et de la Commission Gomery. Je suppose que ce type d’approvisionnement était probablement un enjeu et que cela a provoqué de multiples ondes de choc au sein du gouvernement.
On nous répond maintenant qu’il n’a pas été possible d’en arriver à un consensus avec les ministères. Pourquoi le gouvernement fédéral ne dit-il pas simplement à ces ministères de se ressaisir et de trouver une véritable solution après 19 ans, comme l’a souligné la sénatrice Simons? Je ne comprends vraiment pas ce qui retarde les consultations avec les ministères. On nous dit : « Eh bien, si nous ne reportons pas cette mesure, le ministre susceptible de prendre la relève pourrait ne pas être tenu responsable. » Je ne comprends pas. Que se passe-t-il vraiment? Pourquoi le Conseil privé n’intervient-il pas pour dire : « Voilà qui est très embarrassant. Réglons cela. »
M. Özmutlu : Merci de la question.
Je crains de ne pas pouvoir répondre à certains aspects de votre question concernant le gouvernement, mais je peux vous dire que des travaux sont en cours pour déterminer comment mettre ces mesures en œuvre. Nous sommes effectivement d’accord pour dire que l’entrée en vigueur de ces dispositions permettrait d’instaurer une meilleure imputabilité en conférant ces pouvoirs à un seul ministre. Je ne peux pas parler du contexte dont vous avez parlé, mais nous estimons effectivement qu’il s’agit d’un outil très utile pour l’avenir.
La sénatrice Batters : Je crois qu’il y a ici des représentants du Conseil privé pour l’un des articles de cette série. L’un d’eux peut-il nous dire pourquoi le Conseil n’interviendrait pas pour que cela se concrétise et qu’un ministère ne retarde pas ce qui devrait être fait? C’est important dans ce genre de situations d’approvisionnement. Nous avons été témoins de beaucoup de mauvaises situations d’approvisionnement avec le gouvernement actuel. Si ce genre de mesure était en place, peut-être aurait-on pu régler certains problèmes avant qu’ils ne se transforment en scandales. L’un des représentants du Bureau du Conseil privé peut-il répondre?
Sarah Stinson, directrice des opérations, Institutions démocratiques, Bureau du Conseil privé : Ce n’est pas mon domaine d’expertise. Nous appuyons le ministre LeBlanc, ministre de la Sécurité publique, des Institutions démocratiques et des Affaires intergouvernementales. Je ne sais pas qui, au Bureau du Conseil privé, serait responsable de cela. Je représente le Bureau du Conseil privé dans un autre dossier.
Le président : Il se peut bien que personne ne se porte volontaire pour répondre directement à la question de la sénatrice Batters. J’imagine que, de façon informelle et fort probablement dans les remarques que nous ferons à la fin du rapport, un message nous reviendra en lien avec d’autres éléments concernant le Conseil privé. Il me semble juste de dire que nous sommes déçus.
La sénatrice Batters : Déçus, en effet.
Le président : La sénatrice Batters exprimera dans le rapport la gravité de ses préoccupations.
La sénatrice Batters : C’est donc la seule représentante du Conseil privé?
Le président : Il y en a deux ou trois autres ici, sénatrice Batters, mais leur expertise n’a absolument rien à voir.
La sénatrice Batters : Ce n’est pas leur domaine. Merci.
Le président : Y a-t-il d’autres questions dans ce segment de dispositions qui ne seront pas abrogées?
[Français]
Le sénateur Moreau : Le numéro 10 porte sur la Loi sur l’exécution du budget de 2009.
[Traduction]
Le président : Mme Lemieux et Me Nielsen sont les personnes qui s’en occupent.
[Français]
Le sénateur Moreau : Monsieur le président, étant donné l’importance des gens qui assistent à notre réunion aujourd’hui, je crois qu’ils ne sont pas là pour le plaisir d’être là. Nos questions sont assez dures. Il est important de bien comprendre pourquoi les dispositions devraient être abrogées et de voir s’il n’y a pas d’autres mécanismes. Je veux m’excuser d’avance auprès des gens qui viennent témoigner au comité, car ce ne sont pas eux qui sont responsables de tous les délais encourus. Je le comprends bien.
Vous demandez de sauvegarder notamment les articles 401 et 404 de la Loi d’exécution du budget de 2009, qui ont pour objet de soutenir la mise en œuvre de la Loi sur l’équité dans la rémunération du secteur public, de manière à ce que ces dispositions ne soient abrogées qu’après la dernière plainte basée sur les anciennes dispositions. Ma question est la suivante : n’y aurait-il pas lieu de remplacer cette demande par une disposition transitoire, qui ferait en sorte que les plaintes toujours en cours soient soumises à l’ancien régime, plutôt que de maintenir une loi ou des dispositions en vigueur jusqu’à ce que la dernière plainte soit entendue? Cela risque de prendre un certain temps, à moins que vous ayez des dates prévues pour l’audition de ces dernières plaintes, ce qui me surprendrait beaucoup.
Julie Lemieux, directrice, Développement et intégration des politiques, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Je vous remercie de votre question. Je suis heureuse de partager avec vous que nous faisons des progrès en ce qui concerne cette plainte. C’est une plainte qui a été déposée par un agent négociateur du secteur public en février 2016. En 2017, le gouvernement du Canada a entamé des pourparlers avec cet agent négociateur pour travailler à une étude conjointe sur la plainte.
Je peux dire que les négociations sur les principaux aspects techniques de l’étude sont déjà terminées. La deuxième phase de l’étude a été lancée. Cette phase consiste à achever les évaluations de la valeur du travail dans un échantillon de postes et à recueillir des renseignements sur la rémunération qui seront analysés par un fournisseur de service.
Bientôt, on commencera la troisième phase, soit le choix d’une méthode de comparaison des salaires pour déterminer s’il existe un écart salarial. Dans l’éventualité où l’étude révèle un écart salarial, les parties ont convenu de mettre en place un processus visant à éliminer cet écart. On fait du progrès. On espère terminer l’étude d’ici quelques années.
Le sénateur Moreau : Quelques années?
Mme Lemieux : Oui.
Le sénateur Moreau : La plainte dont on parle date d’environ sept ou huit ans?
Mme Lemieux : Oui.
Le sénateur Moreau : On n’aura pas terminé de traiter une seule plainte, ce qui fait en sorte de maintenir ces dispositions pour encore huit ans?
Mme Lemieux : Oui. Malheureusement, les plaintes d’équité salariale sont vraiment complexes et prennent beaucoup de temps. Nous travaillons de près avec l’agent négociateur pour continuer le travail, pendant que le travail se fait aussi sur l’implantation de l’équité salariale partout au sein du gouvernement en vertu de la loi actuelle.
Le sénateur Moreau : Je vous remercie.
[Traduction]
Le président : Y a-t-il d’autres questions pour Mme Lemieux ou Me Nielsen? Puisqu’il n’y en a pas, y a-t-il d’autres questions concernant la série des articles 6 à 10? Puisqu’il n’y en a pas, merci à tous.
Nous allons passer à la série des articles 11 à 15. Le sénateur Arnot voudrait poser une question au sujet de l’article 12. Nous invitons Mme Runa Angus à se joindre à nous. Merci.
Le sénateur Arnot : Merci, madame Angus et monsieur Rogers. La loi et le rapport, et plus précisément l’article 12, me portent à croire que ce qui n’est pas entré en vigueur, c’est le droit privé de présenter une demande d’indemnisation aux tribunaux dans ce qui pourrait être décrit comme une situation de piratage. Je vois que cette loi est entrée en vigueur en 2010, et c’est donc la quatorzième fois qu’on vient nous en parler. Il me semble aussi que 14 ans, c’est une éternité dans le monde de la technologie. La technologie semble changer de façon géométrique tous les deux jours. N’ai-je pas raison? J’aurai ensuite une deuxième question pour obtenir des précisions.
Runa Angus, directrice principale, Secteur des stratégies et politiques d’innovation, Innovation, Sciences et Développement économique Canada : Merci beaucoup de la question.
La Loi canadienne anti-pourriel a été adoptée en 2010 et est entrée en vigueur en 2014. En 2017, le gouvernement a décidé de suspendre l’entrée en vigueur des dispositions relatives au droit de recours privé parce qu’il s’agissait d’un nouveau système réglementaire. Industrie a exprimé certaines préoccupations quant à la portée de ses obligations en vertu de ce système. On voulait vraiment faciliter une transition en douceur vers un nouveau système de réglementation qui lui permettrait de mieux comprendre ses obligations à cet égard, et ce dans le cadre, je le rappelle, d’un système très nouveau et novateur à l’époque.
Depuis, le Comité INDU, le Comité permanent de l’industrie et de la technologie de la Chambre des communes, a procédé à un examen législatif. Le comité INDU a, entre autres, recommandé au gouvernement d’examiner les répercussions de la mise en œuvre des dispositions relatives au droit de recours privé. Le gouvernement a répondu qu’il examinerait la question dans le cadre de vastes consultations avec les intervenants au sujet de la loi et qu’il clarifierait la loi, notamment ces dispositions.
Depuis 2017, le gouvernement a déposé son rapport dans le cadre de l’étude du Comité INDU en 2018. Il a également entrepris un certain nombre d’examens dans des domaines que je qualifierais de très connexes. Il y a eu un examen de la concurrence. Un examen de la cybersécurité est en cours, sous la forme du projet de loi C-26. La Chambre est également saisie d’un projet de loi sur les renseignements personnels et l’intelligence artificielle, le projet de loi C-27.
Nous sommes convaincus que l’examen de la Loi canadienne anti-pourriel et la réflexion sur la mise en œuvre de ces dispositions et sur son impact bénéficieraient de l’achèvement de ces autres examens sur des enjeux étroitement liés au marché électronique et de l’établissement d’un climat de confiance dans le marché électronique.
Le sénateur Arnot : Si cette disposition n’est pas adoptée, un citoyen a-t-il le droit privé de demander une indemnisation en vertu d’une autre loi?
Mme Angus : Non. Mais il y a encore des mesures d’application de la Loi canadienne anti‑pourriel. Des sanctions administratives pécuniaires peuvent être imposées. À ce jour, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, par exemple, a imposé des sanctions administratives pécuniaires de plus de 3 millions de dollars en vertu de la LCAP.
Le sénateur Arnot : Vous voulez donc que ce soit renouvelé, en fait, pour que d’autres études permettent de sensibiliser le gouvernement à d’autres enjeux, n’est-ce pas? D’accord. Merci.
Mme Angus : En effet.
La sénatrice Simons : J’avais une question différente, mais je vais d’abord reprendre là où le sénateur Arnot s’est arrêté. Vous parlez d’« autres études », mais ce sont, en fait, des projets de loi. Le projet de loi C-26, à ce qu’on nous a dit, soulève d’importantes préoccupations sur le plan de la rédaction. Il n’a pas été possible d’en faire l’étude article par article au moment prévu cette semaine. Compte tenu de la précarité du gouvernement, le projet de loi C-27 pourrait ne pas se rendre au Sénat avant les élections. Cette loi a été adoptée en 2010 et est entrée en vigueur en 2014, bien avant que les projets de loi C-26 et C-27 ne soient même envisagés. Je ne vois pas en quoi ils peuvent justifier l’inaction actuelle.
Mme Angus : Merci beaucoup de la question.
Vous avez tout à fait raison. Cette loi est effectivement entrée en vigueur avant les projets de loi C-26 et C-27. Je rappelle que le projet de loi C-26 porte sur la cybersécurité et le projet de loi C-27, sur les renseignements personnels. La Loi canadienne anti-pourriel a permis d’apporter des modifications corrélatives à la loi précédente, la loi actuellement en vigueur sur les renseignements personnels, c’est-à-dire la LPRPDE, que le projet de loi C-27 vise à remplacer.
Les pourriels, le piratage, la modification ou la transmission de données sont des enjeux étroitement liés à la cybersécurité, aux renseignements personnels et à l’intelligence artificielle, qui font également partie du projet de loi C-27. L’intelligence artificielle sera un vecteur de l’hameçonnage, par exemple.
La justification est qu’il serait bon de voir à quoi ces mesures législatives aboutissent ou non. Cela permettra d’en éclairer l’orientation et de contextualiser l’examen ou la consultation avec les intervenants. Nous parlons ici d’un élément très important du dispositif d’application de la loi canadienne anti-pourriel. Nous nous sommes engagés à discuter de la mise en œuvre de ce dispositif avec les intervenants. Elle sera influencée par ce qui se passe dans d’autres espaces connexes, notamment la cybersécurité, les renseignements personnels et l’intelligence artificielle. Les intervenants s’occupent de tous ces enjeux.
La sénatrice Simons : Entretemps, les gens ne peuvent pas demander d’indemnisation pour les dommages subis, et ils ne le pourront pas non plus dans un avenir prévisible.
Pour revenir à la question que j’allais poser, vous dites ici que l’interprétation de plusieurs de ses dispositions est incertaine. Pourriez-vous nous en donner des exemples?
Mme Angus : C’est la conclusion de l’étude du Comité INDU en 2017 : Le comité a estimé que certaines définitions de la loi, notamment celle des messages électroniques commerciaux, n’étaient pas tout à fait claires. Il y a 13 recommandations à ce sujet. En fait, le titre du rapport est Des précisions s’imposent. Il y est notamment question, justement, de l’incidence qu’aurait le droit de recours privé, ainsi que de certaines définitions dans la loi. Je pourrai évidemment fournir plus d’information au Comité ou lui transmettre plus d’information à partir du rapport du comité INDU. Il s’agissait surtout de certaines définitions et de l’impact de certaines dispositions sur le secteur privé.
La sénatrice Simons : Le problème est que, depuis que le projet de loi a été mis en veilleuse, le nombre d’attaques par pourriel a augmenté — de façon géométrique, comme l’a dit le sénateur Arnot, mais je dirais plutôt de façon exponentielle. Il ne se passe pas un jour sans que nous soyons bombardés de pourriels dans nos téléphones cellulaires. Les lignes terrestres en sont rendues complètement inutilisables. Il est honteux que nous n’ayons pas fait davantage pour nous attaquer à ce problème en attendant l’entrée en vigueur de ces dispositions.
Mme Angus : Je précise que la LCAP est entrée en vigueur en 2014. Selon un rapport publié en 2015, depuis l’entrée en vigueur de la LCAP, les pourriels répandus au Canada — qui, évidemment, ne proviennent pas tous du Canada — ont été réduits de 37 %.
La sénatrice Simons : C’était pour cette année-là, mais qu’en est-il aujourd’hui en comparaison?
Mme Angus : Je n’ai pas les chiffres. Mais je rappelle que le Canada était alors l’une des principales origines de pourriels dans le monde. Ce n’est plus le cas, parce que nous avons l’une des lois anti-pourriel les plus sévères au monde, comparativement aux États-Unis par exemple.
La sénatrice Simons : Merci.
La sénatrice Batters : Pour les gens ordinaires qui nous regardent, je suppose que, quand vous parlez du Comité INDU, vous parlez du Comité permanent de l’industrie et de la technologie de la Chambre des communes, n’est-ce pas?
Mme Angus : En effet.
La sénatrice Batters : Merci.
Je suis porte-parole pour le projet de loi C-26 sur la cybersécurité. Quelle incidence les dispositions dont vous parlez ici ont-elles sur le projet de loi C-26, en lien avec les dispositions dont vous souhaitez reporter l’abrogation?
Mme Angus : Je ne peux pas vraiment parler directement du projet de loi C-26. Ce n’est pas mon domaine d’expertise. Je peux cependant dire qu’il traite de la question générale de la cybersécurité, qui est également visée par la Loi canadienne anti‑pourriel au regard des messages électroniques commerciaux non sollicités, de la modification des données de transmission et de l’installation de programmes informatiques comme les maliciels sur les ordinateurs. Ce sont des questions étroitement liées.
La sénatrice Batters : En effet. Mais est-ce que les dispositions dont vous voulez reporter l’abrogation — les dispositions du projet de loi C-26, que le comité étudie actuellement et dont le Sénat est en train de débattre — ont une incidence sur ce projet de loi? Si vous ne le savez pas, quelqu’un d’autre de votre ministère pourrait-il répondre à ces questions? Pourrions-nous obtenir des réponses?
Mme Angus : Je peux apporter des précisions concernant les dispositions dont nous demandons le report. Elles sont évidemment liées au droit de recours privé en cas de violation de la Loi canadienne anti-pourriel — rien dans le projet de loi C-26, mais les violations décrites dans la Loi canadienne anti-pourriel. Il n’y a pas d’impact direct.
La sénatrice Batters : Le projet de loi C-26 prévoit des peines sévères pour les personnes qui enfreignent les dispositions relatives à la cybersécurité. Comme je n’ai pas ce projet de loi sous les yeux, je ne sais pas en quoi cela pourrait être lié, mais êtes-vous en train de me dire que les dispositions dont vous parlez n’ont aucune incidence à cet égard?
Mme Angus : Elles ne sont pas directement liées au projet de loi C-26. Elles portent précisément sur les violations de la Loi canadienne anti-pourriel. Il pourrait y avoir d’autres motifs de recours dans d’autres projets de loi sur des questions connexes, mais, concrètement, le droit de recours privé vise les violations énumérées dans la Loi canadienne anti-pourriel.
La sénatrice Batters : C’est vrai que le projet de loi C-26 ne vise pas tant à énoncer des motifs de recours qu’à prévoir des sanctions, peut-être sous forme d’amendes importantes, de plusieurs millions de dollars, et éventuellement de peines d’emprisonnement, etc. En effet, nous parlons ici de droits de recours éventuels pour ce genre de violations, mais n’est-ce pas qu’une éventualité — puisque nous ne savons pas encore. Il faut encore que le gouverneur en conseil et le Cabinet prennent des décisions à l’égard de beaucoup de ces mesures quand ils s’occuperont du processus réglementaire au cours des prochaines années. N’est-ce pas le genre de mesures susceptibles de faire l’objet de ce genre de réglementation, de ce genre de dispositions? Je ne parle pas des actions en justice — pas des motifs de recours, mais des mesures éventuelles en matière de cybersécurité. Comprenez-vous ce que je veux dire?
Mme Angus : Je le répète, je ne peux pas parler précisément du projet de loi C-26. Je peux dire qu’il est tout à fait possible que ces questions soient liées et que telle ou telle entreprise puisse faire l’objet de poursuites ou d’amendes en vertu de plusieurs lois différentes. C’est possible, en effet. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles nous aimerions que ces examens soient terminés afin d’éclairer la mise en œuvre des dispositions de la LCAP.
La sénatrice Batters : C’est en fait l’une des raisons pour lesquelles vous demandez ce report, pour examiner si le projet de loi C-26, qui est étudié en comité sénatorial, et le projet de loi C-27, dont le Sénat n’est même pas encore saisi, pourraient avoir une incidence?
Mme Angus : C’est exact.
La sénatrice Batters : Merci.
Le président : Puis-je poser une question, madame Angus, pour m’assurer d’avoir bien compris? Il y a, dans ce projet de loi, une disposition qui rendrait possible un droit de recours privé. C’est là depuis longtemps. Et l’entrée en vigueur de cette disposition a été suspendue par décret.
Mme Angus : C’est bien cela, oui.
Le président : Si nous ne faisons rien, si nous n’autorisons pas le report de l’abrogation, cette disposition serait abrogée et il n’y aurait plus de motif de recours privé en vertu de cette loi? Autrement dit, on veut actuellement qu’elle soit suspendue au cas où il conviendrait de la faire entrer en vigueur à un moment donné, c’est bien cela?
Mme Angus : Oui. Vous avez tout à fait raison quant au fonctionnement du processus. Je rappelle que le gouvernement s’était engagé en 2018 à consulter les intervenants sur la mise en œuvre de cette loi. Comme fonctionnaire, je dirais qu’il faudrait engager des consultations sur les répercussions de cette mesure à la lumière des autres études, examens et projets de loi connexes en cours avant d’éliminer cette partie très importante du régime d’application de la LCAP.
Le président : Il s’agit d’au moins préserver sa disponibilité si cela se révèle être la bonne politique à adopter à l’avenir?
Mme Angus : En effet.
Le président : Si nous rejetons la demande de report de l’abrogation, cette disposition sera mise à la poubelle?
Mme Angus : C’est bien cela.
Le président : Y a-t-il d’autres questions sur cette série de demandes de reports d’abrogation? Excellent. Dans ce cas, nous pouvons passer à la série des articles 16 à 20.
Excusez-moi. J’ai une question au sujet de l’article 13. Elle s’adresse à M. Burnett ou à M. Begg. Elle concerne les dispositions de la Loi sur les banques et les filiales étrangères.
Steven Begg, directeur par intérim, Concurrence et initiatives stratégiques, Division des institutions financières, ministère des Finances Canada : Je suis ici au sujet de quelques articles. Vous avez dit qu’il s’agissait des filiales étrangères?
Le président : Il s’agit des filiales étrangères des grandes banques. Pourriez-vous, en deux minutes, me dire ce qu’il se passe? Cela ne semble pas si difficile. Ou nous le faisons, ou nous ne le faisons pas, et 9 ou 10 ans semblent être une bien longue période pour régler le problème. Pourriez-vous nous donner un aperçu de la situation?
M. Begg : Excusez-moi, je suis malentendant et je n’ai pas très bien compris. Pourquoi a-t-il fallu autant de temps, c’est cela?
Le président : Il me semble qu’il s’agit d’une série de décisions simples, surtout dans le secteur financier, par opposition au secteur gouvernemental. J’aurais cru que les choses se régleraient rapidement d’une façon ou d’une autre.
M. Begg : La partie 12 de la loi traite des filiales de banques étrangères exploitant au Canada. Il y a une disposition d’exclusion pour les filiales étrangères de banques canadiennes afin qu’elles puissent exploiter au Canada dans certaines circonstances.
Les dispositions en question ont été proposées en réponse à une éventualité vers 2012, lorsqu’une banque canadienne a envisagé d’acheter la filiale financière d’un fabricant d’automobiles américain. La situation révélait la possibilité que cette filiale puisse servir à offrir des prêts automobiles au Canada, ce que la banque n’aurait pas eu le droit de faire. Mais cela ne s’est pas concrétisé.
À l’époque, certaines banques canadiennes ont craint que l’entrée en vigueur de ces modifications les empêche de prendre certaines mesures bénéfiques. Dans certains cas, les banques canadiennes peuvent, par l’entremise de leurs filiales, offrir des comptes bancaires américains aux snowbirds ou aux gens qui vivent une partie de l’année aux États-Unis.
Pourquoi cela prend si longtemp? Nous procédons actuellement à un examen législatif des lois financières. Dans le cadre de cet examen, nous prendrons une décision définitive au début de 2025 sur la nécessité de ces dispositions, et nous les modifierons, les abrogerons ou les mettrons en vigueur selon le cas.
Le président : Merci.
M. Begg : Merci.
La sénatrice Batters : Monsieur Begg, vous avez dit être malentendant. Je voulais vous dire que, à ma connaissance, il n’y a pas d’oreillettes permettant également d’amplifier le son aux sièges de l’arrière. Si vous pouviez vous asseoir sur l’un des côtés, il y en a, et vous pouvez utiliser l’oreillette pour entendre plus facilement les échanges.
M. Begg : Merci.
La sénatrice Batters : Je vous en prie. Je voulais m’assurer de vous faciliter les choses.
La sénatrice Simons : Article 14. Je ne vois pas l’explication. Il s’agit d’une loi modifiant la Loi sur la sécurité ferroviaire. Je voudrais savoir ce qu’il y a à faire avec l’article 14. Je ne vois rien dans l’annexe. Est-ce que je suis le seul?
Me Mingarelli : L’annexe explique la demande de report de l’appel.
La sénatrice Simons : Pourriez-vous me dire quel est le numéro dans l’annexe?
Me Mingarelli : Ce n’est pas dans l’annexe, parce que ces dispositions seront abrogées à la fin de l’année. On ne demande donc pas de reporter l’abrogation.
La sénatrice Simons : Toutes mes excuses.
Me Mingarelli : Pas de problème.
Le président : Merci, maître Mingarelli.
Nous allons passer à la série suivante. Sénateur Tannas, vous aviez une question au sujet de l’article 19, qui concerne la Loi sur l’accord définitif concernant la Première Nation de Yale?
Le sénateur Tannas : Oui.
Le président : M. Kennedy peut-il se joindre à nous?
Le sénateur Tannas : Bonjour, monsieur Kennedy. J’ai été surpris de voir cette loi. C’est moi qui l’ai parrainée il y a 12 ans. Je m’en souviens très bien. C’était le premier projet de loi d’initiative ministérielle que je parrainais et c’est l’un des deux seuls que j’aie parrainés. Je ne savais pas qu’elle n’est jamais entrée en vigueur, exception faite d’une disposition accessoire.
Ici, on dit qu’il y a d’autres consultations. Si je me souviens bien, la Première Nation de Yale compte 300 personnes. Vous auriez pu consulter chaque membre pendant une semaine, et il vous serait resté des centaines de jours. Il ne peut donc pas s’agir de consultations. Il y a autre chose.
Je me suis dit que la Première Nation de Yale avait peut-être changé d’idée et que c’était là le problème. Ce doit être le cas. Pourriez-vous m’éclairer? Si ce n’est pas le cas, nous avons besoin de plus que des consultations.
Jake Kennedy, directeur général, Direction générale des politiques et des partenariats, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada : Merci, monsieur le président.
Ma barbe était beaucoup moins grise à l’époque. Je travaillais dans ce domaine et je me souviens que c’était vous qui parrainiez ce projet de loi.
La communauté a changé d’avis avant la date d’entrée en vigueur, et le Canada et la Colombie-Britannique n’ont donc jamais adopté la loi intégralement.
De plus, compte tenu de la séparation ministérielle entre Services aux Autochtones Canada et Relations Couronne-Autochtones, la relation principale avec la bande indienne de Yale passe par SAC en raison de la relation de financement. Nous communiquons continuellement avec la communauté pour essayer de la consulter et de la faire participer. Pas plus tard qu’en mars dernier, nous lui avons envoyé une lettre officielle demandant de discuter de cette question. Mais, nous n’avons toujours pas de réponse, malheureusement.
Le sénateur Tannas : Merci. Je pensais bien que c’était quelque chose de ce genre-là.
Si je me souviens bien, la Première Nation n’a jamais reçu les millions de dollars en espèces ni les titres fonciers correspondant à des milliers d’acres. Elle n’a toujours pas obtenu ces compensations, n’est-ce pas?
M. Kennedy : Effectivement.
Le sénateur Tannas : Bonté divine. Merci.
Le président : Sénateur Tannas, combien de temps reste-t-il avant votre retraite du Sénat? Je me demande si quelques-uns de ces projets de loi seront réglés avant que vous...
Le sénateur Tannas : Pour ma part, je m’étais dit que, si j’obtenais cette réponse, j’irais sur place voir ce qu’il se passe.
Le président : Merci de votre intervention. Il est décevant de constater que le bon travail d’il y a dix ans semble avoir été mis en suspens.
[Français]
La sénatrice Audette : Je vous remercie. Maintenant, je sais qui est la personne derrière ce projet de loi, qui est presque devenu une loi.
Qui sont les personnes qui ont été consultées? Je comprends que c’est la nation même. Est-ce possible d’avoir ce qui est public de leur part? Peut-on avoir accès à cela?
Je comprends que nous sommes en consultation.
Cela peut-il avoir un effet positif si on accepte les recommandations du ministère, sachant qu’il y aura peut-être un changement politique, avec une vision de poursuivre le travail par rapport à la loi ou au projet de loi? Cela leur donnerait une chance de ne pas recommencer à zéro. Pouvez-vous nous répondre? S’il n’y a plus de temps, cela peut se faire par écrit. Je vous remercie.
M. Kennedy : Je vous remercie, monsieur le président.
[Traduction]
Je vais devoir vous envoyer la réponse quand j’aurai vérifié ces dossiers. Ils datent d’assez longtemps, et je ne sais pas lesquels sont disponibles au public. Il y a eu des élections. Après ces élections, le nouveau chef et son conseil ont décidé de ne pas poursuivre cette initiative. Je suppose qu’ils ont indiqué cela par écrit d’une façon ou d’une autre. Il faut que je vérifie.
Quant à la capacité à ne pas perdre les progrès réalisés pendant cette période, il est certain que le gouvernement fédéral a procédé à un certain nombre de changements politiques et adopté différentes approches depuis lors sur sa façon de négocier les accords. Cela ferait partie de la consultation à tenir. S’ils désirent repartir à zéro et renégocier cet accord avant de le présenter, nous devrons abroger le projet de loi. On pourrait aussi présenter l’accord, promulguer le projet de loi, puis modifier l’accord avec eux.
[Français]
La sénatrice Audette : Il est important d’avoir les faits. Cela sonne comme si on était bonne foi et que l’on continue de consulter. Il y a peut-être des défis de la part de la province, du gouvernement fédéral ou de la nation. Pour nous, ce sont des éléments importants pour faire en sorte qu’on n’ait pas à vous revoir à ce comité lors de prochaines négociations ou de prochains projets de loi et pour que les ententes soient signées. Avez-vous des documents publics qui nous permettraient de comprendre pourquoi on en est là?
[Traduction]
M. Kennedy : Oui, bien sûr. Je vais examiner la question et vous soumettre la réponse.
[Français]
La sénatrice Audette : Je vous remercie.
[Traduction]
Le président : Vous pouvez la soumettre au comité par l’entremise du greffier, monsieur Kennedy.
M. Kennedy : Parfait.
Le président : Merci. Nous veillerons à ce que le sénateur Tannas la lise attentivement.
[Français]
La sénatrice Audette : Cette semaine, le protocole est un peu difficile pour moi. Je suis désolée.
Est-ce que les sommes allouées à l’époque sont toujours disponibles, et les intérêts suivent-ils leur cours?
M. Kennedy : Je vous remercie de votre question.
[Traduction]
C’est une très bonne question. Il faudrait que je vérifie. Je ne suis pas tout à fait sûr. Je crois que ce serait inscrit dans le cadre financier, mais il faut que je vérifie.
La sénatrice Audette : Vous allez nous donner la réponse?
M. Kennedy : Oui, bien sûr.
La sénatrice Audette : Merci.
Le président : Y a-t-il d’autres questions sur ce groupement?
Quel numéro, sénatrice Clement?
La sénatrice Clement : C’est le 16e projet de loi de la liste du rapport annuel. Il s’intitule Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable.
Le président : Monsieur Wagdin, je vous remercie de vous être joint à nous.
La sénatrice Clement : Ces changements se sont produits plus rapidement que ceux que des collègues ont mentionnés pour d’autres projets de loi. Je me souviens de cela. C’était à l’époque où l’on créait un régime d’inscription proactif qui éliminait la nécessité, pour de nombreux aînés, de faire leur demande de Sécurité de la vieillesse et d’allocation. Je m’en souviens, parce que je travaillais encore à la clinique d’aide juridique de ma collectivité, où j’offrais des services aux aînés. C’était un soulagement pour beaucoup de gens, surtout pour les aînés vulnérables.
Ce régime est entré en vigueur pour la Sécurité de la vieillesse, puis pour le Supplément de revenu garanti. Vous vous êtes arrêtés juste avant de l’appliquer à l’Allocation au survivant. Je ne comprends par pourquoi.
C’est la troisième année que vous demandez ce report. Ce n’est pas long, comparativement à d’autres reports, mais un grand nombre de personnes vulnérables en auraient besoin. Vous parlez ensuite de « travaux d’élaboration ». Je ne comprends pas ce que vous voulez dire par là.
Kevin Wagdin, directeur, Division des politiques et de la législation sur la sécurité de la vieillesse, Emploi et Développement social Canada : Je vous remercie pour cette question.
Comme vous l’avez dit, nous avons déployé l’inscription automatique par étapes, essentiellement pour que nos efforts soient aussi rentables que possible. La première étape visait l’inscription automatique au régime de retraite complet, puis, en 2017, nous avons étendu ce régime au Supplément de revenu garanti.
Nous comptons en tout temps 7,1 millions de pensionnés de la Sécurité de la vieillesse. Nous n’avons que 70 000 bénéficiaires d’allocations. Dans l’ordre des priorités, c’est la raison pour laquelle les allocations sont traitées en dernier.
La sénatrice Clement : Je comprends.
M. Wagdin : Nous analysons tout cela pour déterminer si le régime actuel et les dispositions législatives en vigueur constituent encore le modèle le plus efficace.
En 2012, quand nous avons mis en œuvre tous ces changements, cette approche était novatrice. Nous avons tiré quelques leçons et amélioré notre modèle, car nous voulons être sûrs que c’est le meilleur modèle possible. Pendant chacune de ces étapes, nous devons coordonner quelques autres éléments, comme la réglementation et l’échange de renseignements. Nous devons aussi vérifier si les renseignements sur l’admissibilité dont nous disposons correspondent bien à ceux que les gens fourniraient dans leur formulaire de demande.
Il faut surtout que nos systèmes soutiennent toutes les étapes de l’inscription automatique. En ce moment, la plupart de nos grands projets attendent la migration des comptes de la Sécurité de la vieillesse vers un nouveau système informatique. Ce système devrait être en ligne au mois de mars. Une fois que ce dernier navire arrivera au port, si l’on peut dire, nous pourrons aller de l’avant.
Une fois que l’inscription automatique à ces versements fonctionnera bien, nous devrons déterminer s’il sera plus efficace de passer à celle des allocations ou si nous devrions étendre encore celles de la Sécurité de la vieillesse ou du Supplément de revenu garanti afin de servir un plus grand nombre d’aînés. Nous y réfléchissons.
La sénatrice Clement : Ces 70 000 personnes sont des survivants, n’est-ce pas? Ce sont des veuves et des veufs?
M. Wagdin : Il y a deux types d’allocation. La première est versée pendant une période déterminée aux personnes qui ont entre 60 et 64 ans et qui résident au Canada depuis au moins 10 ans. Les époux ou les conjoints de fait de ces bénéficiaires sont eux aussi admissibles au Supplément de revenu garanti. La deuxième allocation est versée aux survivants, aux veuves et aux veufs. Si la répartition de ces deux allocations est d’environ 50 %, nous en versons à environ 37 000 personnes en tout temps. À la fin de la période fixée, ces allocations s’intègrent dans les programmes de la Sécurité de la vieillesse et du Supplément de revenu garanti, que nous versons à vie.
La sénatrice Clement : Vous avez dit avoir tiré de bonnes leçons de cette approche novatrice, qui aide beaucoup les personnes vulnérables. S’agit-il de leçons apprises qui vous obligeront à corriger le tir, ou s’agit-il seulement d’améliorations informatiques?
M. Wagdin : Maintenant, avec le modèle d’inscription automatique — je vais utiliser le régime de retraite comme exemple —, nous examinons les renseignements que nous tirons d’Emploi et Développement social Canada et de l’Agence du revenu afin de déterminer quelles personnes seront admissibles à la pension dans un an. Nous les informons de notre intention de les inscrire automatiquement, et ensuite elles corrigent les renseignements que nous leur montrons. Les gens qui ne veulent pas retarder leurs versements de la Sécurité de la vieillesse — ils pourraient vouloir, par exemple, reporter ces versements pour tirer parti de facteurs actuariels plus élevés — doivent prendre l’initiative de nous dire qu’ils ne veulent pas ces versements, sinon nous déclenchons les versements.
Les choses ne sont pas aussi faciles dans le cas du Supplément de revenu garanti et des allocations à cause de l’élément matrimonial. Nous devons aussi communiquer avec les époux ou les conjoints de fait.
La sénatrice Clement : Je comprends.
M. Wagdin : L’autre aspect intéressant, surtout dans le cas de l’Allocation au survivant, est que nous ne disposons pas d’une bonne méthode d’approximation suggérant qu’une personne est veuve et que, depuis que son état matrimonial a pris fin, elle n’a plus été veuve, elle n’a plus vécu en union libre ou elle ne s’est pas remariée. Nous tenons à ce que nos données d’approximation soient vraiment exactes.
En attendant, nous nous efforçons de simplifier nos procédures de demande autant que possible. Nous devons pour cela cibler les personnes auxquelles nous nous adressons. Nous leur disons que même si nous ne pouvons pas déclencher automatiquement leurs versements, nous pensons qu’elles pourraient avoir droit à une allocation. Soulignons que rien de tout cela n’empêche ces personnes de recevoir leurs allocations. Elles peuvent toujours en faire la demande de leur propre chef.
La sénatrice Clement : En effet. Merci.
Le président : Y a-t-il d’autres commentaires sur ce regroupement?
Le sénateur Tannas : Je suis un peu perdu. Où en sommes-nous? Sommes-nous encore au groupe 18?
Le président : Oui, 18.
Le sénateur Tannas : D’accord, excellent.
Le président : Nous avons la colonelle Lortie, et nous allons traiter de la question du renforcement de la justice militaire. Je vois que M. Irwin est de retour, peut-être même à contrecœur?
Le sénateur Tannas : Oui. Notre ami est de retour.
Tout d’abord, je veux être sûr d’avoir bien compris. Je suppose que l’autorité du troisième examen indépendant a lancé un examen quelconque. Quand a-t-il commencé? Nous n’adoptons pas ces articles à cause de cela, mais vous voulez les conserver, si je comprends bien?
Le président : Pourriez-vous commencer par répondre à cette question, colonelle Lortie?
Le sénateur Tannas : On mentionne un examen, et vous voulez reporter ces articles en attendant les résultats de l’examen.
Colonelle Geneviève Lortie, juge-avocate générale adjointe, Modernisation de la justice militaire, ministère de la Défense nationale : Je vous remercie pour cette question.
Le Rapport de l’autorité du troisième examen indépendant a été déposé devant les deux Chambres le 1er juin 2021. En fait, c’est la date qu’un autre sénateur demandait à mon collègue, qui ne le savait pas, et il a promis de la fournir au comité. Cette date est le 1er juin 2021.
Depuis, le ministère a examiné toutes les recommandations. Il y en avait plus de 107. Elles portaient principalement sur la modernisation du système de justice militaire.
Le sénateur Tannas : Dans ces recommandations, mentionnait-on les articles 12 et 13, ou plus précisément l’intention des articles 12 et 13 il y a 11 ans?
M. Irwin : Je serai heureux de vous en parler.
L’article 12 porte sur la réintégration des membres des forces armées libérés qui demandent d’être réintégrés parce que leur libération a été jugée fautive. Du point de vue de la réglementation, c’est assez complexe. Cela touche surtout la rémunération, les pensions ainsi que d’autres règlements connexes. À l’heure actuelle, on ne peut réintégrer pleinement une personne qu’en modifiant une décision de la cour martiale. Cette démarche devient beaucoup plus ambiguë si la libération est jugée fautive. Il est toujours difficile de définir ce qui est fautif, mais nous y accordons beaucoup d’attention en cherchant à mettre en place tous les mécanismes et processus réglementaires requis.
Le sénateur Tannas : Je me souviens de cela en 2013. À l’époque, on parlait beaucoup des anciens combattants qui étaient traités injustement et qui tentaient d’obtenir réparation. Il me semble qu’il est tout à fait normal que le chef d’état-major de la Défense s’en occupe. Un subalterne ne pourrait pas prendre une telle décision. Elle relèverait du chef d’état-major de la Défense, ou alors je suppose qu’il pourrait déléguer ce pouvoir. Je ne sais pas ce qu’il en est de la délégation, mais est-ce que la chef d’état-major de la Défense actuelle sait qu’elle a ce pouvoir, mais qu’il est en suspens dans l’attente d’une révision d’un rapport rédigé il y a trois ans? Sait-elle qu’elle a ce pouvoir? Je me demande pourquoi cela dure depuis si longtemps alors que le Parlement a demandé qu’on le fasse. Qui retient cela?
Bon, ma question est la suivante : quand on nomme un nouveau chef d’état-major de la Défense, est-ce qu’on lui montre une liste en lui disant : « Vous détenez ce pouvoir depuis un certain temps. Quelqu’un, quelque part, a décidé que vous devriez vous en charger. Vous n’avez qu’à le demander, et vous l’aurez. » Est-ce que cela fait partie du processus? Je n’en suis pas entièrement sûr. Le Cabinet a décidé de ne pas adopter ces articles? Qui a décidé de ne pas adopter ces deux articles?
Col Lortie : Je vous remercie pour cette question.
De nombreuses dispositions de cette loi sont entrées en vigueur. Les dernières ont été adoptées en 2018. Ensuite, après avoir établi les priorités en fonction des ressources disponibles, le ministère a travaillé très fort pour insérer les droits des victimes et la déclaration des droits des victimes dans la Loi sur la défense nationale et aussi pour abroger le procès sommaire et modifier l’audience sommaire. Nous avons travaillé pendant de nombreuses années pour mettre ces dispositions en vigueur et pour modifier un grand nombre de règlements. Nous avons ensuite dû nous occuper du groupe de règlements suivant.
Depuis, en plus du troisième examen indépendant, la Défense nationale a reçu de nombreux autres rapports. Le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes ont publié un plan de mise en œuvre exhaustif. Ils ont ainsi pu élaborer une feuille de route quinquennale détaillée pour 2023 à 2028 afin de mettre en œuvre 206 recommandations issues de quatre importants rapports externes, dont celles du troisième examen indépendant.
Le sénateur Tannas : Donc le ministère s’occupera après tout cela des articles 12 et 13 et de leur promulgation, si je comprends bien? Si cela fait partie de la feuille de route, en quelle année pense-t-on le faire?
Col Lortie : À l’heure actuelle, nous nous penchons sur deux articles, l’article 13 et l’article 46, qui visent à renforcer la justice militaire pour la défense du Canada. Ils ne sont pas encore en vigueur et ils contiennent des recommandations communes du rapport Fish, qui est le troisième examen indépendant portant sur ce même sujet.
L’article 46 concerne le comité de la rémunération des juges militaires. Il crée un cadre législatif pour la création d’un régime de réglementation. Il est lié à certaines recommandations du rapport Fish sur la création d’une cour militaire permanente et sur la transformation des juges militaires en juges civils. Le juge Fish a recommandé la création d’un groupe de travail militaire permanent. Ce groupe a tenu sa première réunion en janvier 2024. Il s’occupe de concevoir le cadre le plus efficace pour la création d’une cour militaire permanente au Canada. Ce groupe comprend une autorité indépendante ainsi que des représentants du ministère de la Justice et du Cabinet du juge-avocat général. Il met la dernière main à un document de consultation, puis il lancera la consultation. Il remettra son rapport final au ministre de la Défense nationale et au ministre de la Justice pour leur présenter des options ainsi que des recommandations sur la création d’une cour militaire permanente et sur la transformation des juges militaires en juges civils. Cela pourrait avoir une incidence sur l’article 46, qui n’est pas encore en vigueur. Par conséquent, nous attendons la version définitive de ces rapports pour élaborer d’autres règlements.
Le sénateur Tannas : L’article 12 m’intéresse particulièrement. Il vise les anciens combattants. Le rapport indique-t-il quelque part que cet article figure dans la feuille de route quinquennale? Non, il ne s’y trouve pas. Qui a décidé de ne pas s’occuper de cette question? Une loi est votée au Parlement, un gouvernement majoritaire fait une déclaration, et quelqu’un décide — nous ne savons pas qui, et peut-être pourrez-vous nous le dire — quelqu’un décide de ne pas le faire. Qui est cette personne, et pendant encore combien de temps pourra-t-elle bloquer cette initiative?
M. Irwin : Monsieur le président, je ne me suis peut-être pas exprimé clairement. L’examen de l’article 12 est hautement prioritaire, et un nombre considérable de personnes s’en occupent à l’heure actuelle. Je m’attends à ce qu’il entre en vigueur dans deux à cinq ans.
Le sénateur Tannas : Il a fallu 17 ans pour obtenir une chose aussi simple que de donner au chef d’état-major le pouvoir de décider qu’une personne a été congédiée ou libérée de façon inappropriée et de prévoir une méthode d’indemnisation. Je ne comprends pas. Qui a retenu cette initiative? Il doit s’agir d’un blocage institutionnel, rien de moins. Cela semble évident. Comment peut-il en être autrement? Si le reste du monde fonctionnait de cette façon, nous utiliserions encore des marteaux et des pics pour tailler la pierre. C’est de la folie.
Au lieu d’encaisser nos regards furieux, pourriez-vous expliquer au comité la raison pour laquelle l’article 12, qui a été proposé il y a 11 ou 12 ans, n’est pas encore adopté? Comme tous les rapports et la feuille de route ne le mentionnent pas, il semble que personne n’ait l’intention de l’adopter. Je pense que nous devrions approfondir cela, parce qu’il est très possible que nous ayons là un exemple d’inaction découlant d’une intention consciente de s’opposer à la volonté du Parlement. Avant que nous ne présentions cela dans notre rapport, je voudrais être sûr que notre perception est solide et qu’il n’y a pas une explication raisonnable qui m’a échappé en vous écoutant. Merci.
Le président : Monsieur Irwin, ou peut-être colonelle Lortie, puis-je vous demander si, dans l’esprit du temps, il y a un nombre important de membres des forces armées qui ont été libérés et qui se retrouvent en quelque sorte dans les limbes, qui se demandent et qui espèrent que leur situation se réglera et qu’on annulera leur libération?
Puis, en essayant de répondre à la question du sénateur Tannas, je me dis qu’il s’agit d’une situation que la cheffe d’état-major de la Défense aurait pu régler en demandant l’autorisation de le faire. Malheureusement, il semble que cela ne se soit pas produit. Pourriez-vous répondre à ces deux questions?
M. Irwin : À ma connaissance, aucun ancien combattant n’attend d’être réinscrit à la suite d’une libération fautive. Il est évident que ce n’est pas mon domaine d’expertise, mais si je trouve que quelqu’un se trouve dans cette situation, je me ferai un plaisir de le signaler au comité.
Je peux à nouveau vous assurer que le ministère s’en occupe. J’ai mentionné précédemment que le ministère de la Défense nationale élabore une capacité de développement réglementaire, principalement pour traiter les dossiers qui se sont enlisés. Je peux vous assurer qu’un bon nombre de personnes s’efforcent d’accomplir cela le plus rapidement possible.
Le président : Puis-je simplement vous demander, à cet égard, que s’il s’avère que vos renseignements sur les anciens combattants libérés qui désirent être réintégrés sont inexacts, vous le signaliez au comité? Je vous dirai que nous nous faisons face à un dilemme, car si nous décidons de rejeter la recommandation, nous aggraverons la situation en permettant l’abrogation de cet article. Je m’exprime avec prudence, parce que je ne sais pas quelle sera la teneur du débat. Pour faire valoir notre point de vue de parlementaires, il ne nous est pas nécessaire de changer le monde. Nous devons simplement indiquer que nous ne sommes pas très satisfaits du rythme auquel ces enjeux sont traités.
Le sénateur Tannas : Si j’ai bien compris, monsieur le président, nous traiterons à nouveau le report de cet article l’année prochaine, n’est-ce pas? Est-ce un report annuel, ou va-t-il disparaître pendant 10 ans? Non, l’année prochaine à la même époque, nous devrons veiller à ce qu’il ne disparaisse pas.
Le président : Je ne pense pas qu’il puisse disparaître, parce qu’il sera soit mis en œuvre, soit abrogé, soit prolongé, ce qui nous permettra de le surveiller.
La sénatrice Pate : Merci, sénateurs Cotter et Tannas, de poursuivre cet enjeu. J’aimerais ajouter de l’information qu’il serait utile que nous ayons à ce sujet, je crois : si, en fait, personne n’en fait la demande à l’heure actuelle, est-ce en partie à cause du passage du temps et parce que cet article n’est pas en vigueur? Nous parlons là d’anciens combattants. Certains d’entre eux sont peut-être décédés avant la mise en œuvre de cet article. J’ai vu des cas plus anciens que ceux-ci. Un certain nombre d’anciens combattants, notamment dans les rangs subalternes, ont été libérés de façon fautive et ont dû se présenter devant les tribunaux. Ce processus est très long et ardu pour les anciens combattants libérés qui n’ont pas de ressources. Je voudrais bien savoir combien de procédures judiciaires il a fallu intenter avant que l’on propose cette initiative, et je voudrais savoir à combien d’anciens combattants elle s’appliquerait dès le départ. Pourquoi est-ce que personne n’en fait la demande aujourd’hui? Quel a été le taux d’attrition?
M. Irwin : Monsieur le président, nous nous ferons un plaisir de trouver cette information.
Le président : Merci. Peut-être pourriez-vous nous en faire part par l’entremise du greffier, monsieur Irwin.
M. Irwin : Merci beaucoup.
[Français]
Le sénateur Moreau : Je vais poser ma question à la colonelle Lortie. Vous avez peut-être des informations que M. Irwin n’avait pas. Ma question a trait à l’inquiétude du sénateur Tannas selon laquelle on a quand même l’obligation de s’assurer que l’intention du législateur n’est pas volontairement contournée par le défaut d’agir. À quel moment le rapport de l’autorité du troisième examen indépendant a-t-il été déposé au ministère? Est-ce que vous le savez?
Col Lortie : Il a été déposé dans les deux Chambres du Parlement le 1er juin 2021.
Le sénateur Moreau : En 2021. Donc, depuis 2021, vous en êtes à compléter l’examen des recommandations, c’est bien ce que vous nous dites?
Col Lortie : Effectivement. Il y a eu 107 recommandations qui ont toutes été acceptées en principe par le ministère et les Forces armées canadiennes et, depuis ce temps, on s’occupe activement de la mise en œuvre de certaines des recommandations, de l’ensemble des recommandations. Certaines ont besoin de changement législatif, et le ministre de la Défense nationale a déposé cette année un projet de loi, le projet de loi C-66, qui en est à l’étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes, pour moderniser le système de justice militaire. Le projet de loi inclut certaines des recommandations du juge Fish; depuis, nous avons également eu le rapport de la juge Arbour, qui a fait certaines recommandations, dont la principale, qui touche la justice militaire et qui est également incluse dans ce projet de loi. Il y a énormément de travail qui se fait par le ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes pour mettre en œuvre l’ensemble de ces recommandations.
Le sénateur Moreau : Vous nous dites à quelle date il a été déposé dans les deux Chambres, mais à quel moment le ministère a-t-il reçu ce rapport?
Col Lortie : Le rapport date de quelques mois auparavant. Je n’ai pas la date exacte.
Le sénateur Moreau : Donc, ce serait 2021 ou autour de cela?
Col Lortie : Oui, 2021, certainement.
Le sénateur Moreau : Merci.
[Traduction]
Le président : Je pense que nous allons passer au dernier groupement. Dans le cas des cinq points qui suivent, si vous avez des questions fondamentales, je vous invite à les poser, mais nous sommes un peu pressés par le temps, et je ne veux pas que nous dépassions trop l’heure habituelle de la réunion. Nous devrons réfléchir un peu aux observations que nous allons présenter sur ce que nous avons appris au cours de cette réunion.
Dans le groupement suivant, avez-vous des questions sur les articles 21 à 25? Sur quel article, sénatrice Clement?
La sénatrice Clement : Le numéro 23.
Le président : La Loi sur le plan d’action économique?
La sénatrice Clement : Oui.
Le président : Vous étiez prêt, monsieur Leblanc. Merci.
La sénatrice Clement : Ma question porte sur le parrainage. Il semble que ces dispositions entreront en vigueur le 31 décembre 2024. Le traitement de cet enjeu semble donc bien progresser.
M. Wagdin : Il progresse bien. La date d’entrée en vigueur sera fixée en 2025. Nous préparons une trousse pour le gouverneur en conseil. Nous avons l’intention de mettre ces dispositions en vigueur au cours de l’année qui vient.
Ces retards s’expliquent, d’abord, par le fait que ces dispositions toucheraient la première cohorte en 2026, de sorte que nous disposions d’une certaine marge de manœuvre. Nous devions aussi coordonner nos activités avec celles d’IRCC afin d’établir de bons mécanismes d’échange de renseignements pour faciliter les choses. Ces mesures sont maintenant en place, et nous en avons lancé la mise en œuvre.
La sénatrice Clement : Je m’interroge sur les difficultés qu’éprouve IRCC en général. Nous sommes conscients que la question de l’immigration suscite des tensions au Canada, et je me demande si cela cause aussi ce report.
M. Wagdin : Je ne le crois pas. À l’heure actuelle, nos échanges de renseignements avec IRCC sont limités et ponctuels. Je ne crois pas que nos systèmes aient été conçus pour échanger tout naturellement les données comme avec ceux de l’Agence du revenu, par exemple. C’est une approche plus novatrice et un nouvel échange de données qui nous aidera beaucoup.
Comme je l’ai dit, ce travail progresse bien, et nous nous attendons à ce que ces dispositions entrent en vigueur au cours de l’année à venir.
La sénatrice Clement : Merci.
Le président : Si je ne m’abuse, vous vous ménagez en fait une marge de manœuvre.
M. Wagdin : Oui, c’est cela. Nous voulions nous présenter à une réunion du Conseil du Trésor cette année, mais nous n’y avons pas été invités. Dès que nous serons inscrits à l’ordre du jour, nous réglerons cette question.
Le président : Nous ne vous reverrons probablement pas l’an prochain.
M. Wagdin : Pas sur cet article.
Le président : Merci, monsieur Wagdin.
La sénatrice Simons : J’avais une question au sujet du point 24, qui traite de la Convention internationale sur la responsabilité et l’indemnisation pour les dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses.
Le président : Nous allons inviter M. Marier à se joindre à nous, puis vous pourrez poser votre question, sénatrice Simons.
La sénatrice Simons : Cette convention n’entrera pas en vigueur avant de l’être à l’échelle internationale. Est-ce qu’elle partagera le sort de l’interdiction des essais nucléaires, en ce sens qu’elle n’entrera jamais en vigueur? Qui d’autre s’en charge? Quand pensez-vous qu’elle entrera en vigueur?
François Marier, directeur, Politiques maritimes internationales, Transports Canada : Je vous remercie pour cette question.
Depuis 2014, nous avons fait de grands progrès à cet égard. Nous avons trois conditions à remplir. L’une d’elles est déjà remplie. Huit États qui l’ont ratifiée, y compris le Canada. Il nous faut la ratification de 12 États. L’autre condition importante est qu’un certain nombre d’États doivent avoir reçu une certaine quantité de substances dangereuses et nocives.
La sénatrice Simons : Quand vous dites qu’il vous faut 12 États, vous voulez dire qu’il vous en faut 4 en plus des 8, ou qu’il vous en faut encore 12?
M. Marier : Il nous en faut quatre autres.
La sénatrice Simons : Quels États l’ont déjà ratifiée, et qui allez-vous inviter à ce beau party?
M. Marier : Le Canada, la France, la Norvège, le Danemark, l’Afrique du Sud, la Turquie, l’Estonie et la Slovaquie l’ont ratifiée.
La sénatrice Simons : Je ne crois pas que la Slovaquie ait une forte économie maritime.
M. Marier : Non, en effet. Nous avons reçu de très bonnes nouvelles il y a moins d’un mois. Cinq États européens qui sont d’importants importateurs de marchandises dangereuses et qui ont des ports importants se sont engagés par écrit à ratifier la convention en 2025. Cela marquera le début du compte à rebours de 18 mois avant son entrée en vigueur en 2027.
La sénatrice Simons : Très bien. Pouvez-vous nous dire qui sont ces cinq pays, ou est-ce confidentiel?
M. Marier : Je peux vous le dire. Il s’agit de la Belgique, de l’Allemagne, des Pays-Bas, de la Finlande et de la Suède.
La sénatrice Simons : Très bien. Et il y a aussi...
M. Marier : Il y a aussi, par exemple, le port de Rotterdam, qui est le plus grand port de distribution de produits chimiques en Europe.
La sénatrice Simons : C’est une bonne nouvelle. Merci.
Le président : Y a-t-il d’autres questions ou commentaires?
Je pense que cela met fin à notre examen de tous les reports. Nous avons quelques questions à mettre aux voix, chers collègues, mais avant de le faire, je tiens à remercier tous nos témoins d’avoir pris le temps de venir répondre à nos questions. Je tiens à souligner que nos préoccupations ne vous visent pas toujours personnellement. Elles visent plutôt le système, qui ne fait pas avancer les choses aussi rapidement qu’il le devrait. Nous savons bien que la plupart du temps, vous n’avez aucun contrôle sur cela.
Chers collègues, nous avons le mandat de présenter un rapport au Sénat d’ici au 5 décembre. J’espère que notre rapport se composera d’un bref résumé des personnes invitées et de ce que nous avons entendu. Il serait utile qu’un analyste fournisse une petite explication de la loi. La sénatrice LaBoucane-Benson nous a beaucoup aidés à cet égard, et son travail s’est avéré très précieux.
J’aimerais maintenant ouvrir la discussion en prévision de l’adoption du rapport et sur les observations que nous allons présenter. Je vous invite à présenter vos commentaires. Ai-je bien résumé ce que nous désirons faire? Nous devrons surtout déterminer dans quelle mesure nos observations seront acerbes. Cela vous semble-t-il acceptable?
La sénatrice Batters : Tout d’abord, je tiens à dire qu’en effet, les fonctionnaires ne sont pas responsables de ces 19 ans de retard. Toutefois, le gouvernement du Canada choisit de les envoyer ici pour répondre à nos questions. Par conséquent, à qui d’autre devrions-nous faire part de notre frustration?
Je ne pense pas que nous devrions nous excuser. Je pense que tout le monde a agi de façon professionnelle. Notre frustration est tout à fait justifiée quand nous traitons de certains enjeux. Par exemple, dans le domaine de l’approvisionnement, le gouvernement a continué à causer des scandales pendant neuf ans. Pourtant, il y avait des lacunes importantes qu’il aurait pu combler très facilement.
Il est évident que je voudrais que ce rapport présente les raisons légitimes de notre profonde frustration face aux retards qui nous reviennent sans cesse. D’autant plus qu’il ne nous semble pas nécessiter des années et des années, dans certains cas une vingtaine d’années, pour résoudre ces situations. C’est le principal argument que je voulais faire valoir à ce sujet.
Le sénateur Tannas : J’ai trouvé cette étude fascinante. C’est la première fois que j’y participe. Nous n’avons fait cela que deux fois. En général, je crois que nous ne nous attardions pas sur ce rapport. Nous nous contentions de cocher des cases, si l’on peut dire, parce qu’un Sénat agaçant a proposé ce projet de loi quand un sénateur a souligné que ce qui se passe est insensé, tous ces projets de loi qui n’ont pas encore été adoptés, comme celui sur la Première Nation de Yale. On nous a toutefois donné une explication raisonnable, alors tout va bien de ce côté-là.
Autrement dit, nous avons vu de bons exemples et reçu d’excellentes explications, mais dans d’autres cas, nous percevons le spectre d’une obstruction délibérée de la volonté du Parlement. Nous avons un tout autre comité pour cela. Si vous voulez vraiment observer tout cela, allez voir le Comité mixte permanent d’examen de la réglementation. Il se compose de juristes du gouvernement. Ils font partie de la bureaucratie, mais leurs examens sont indépendants. Ils examinent les règlements et les comparent à la loi. Ils découvrent des dizaines et des dizaines de règlements qui ne sont pas conformes à la loi. Ensuite, ils nous aident à envoyer d’innombrables lettres au sujet de ces règlements. Certains ministères apparaissent beaucoup plus souvent que d’autres. Certains dossiers que nous avons examinés aujourd’hui m’ont donné une impression de déjà vu.
Nous devrions donc indiquer dans le rapport que nous sommes préoccupés par le fait que, dans certains cas, il pourrait y avoir une sorte de suppression institutionnelle, bureaucratique, ou autre, de la volonté du Parlement, et qu’il faut maintenir une certaine vigilance. C’est tout.
Le président : Y a-t-il d’autres commentaires?
[Français]
La sénatrice Audette : Oui, j’ai un commentaire à faire. Ce qui me fascine, c’est l’expérience de mes collègues qui ne sont pas des avocats, mais qui ont une grande connaissance de l’institution. Je dis un gros merci à ceux et celles qui connaissent le monde législatif comme avocats.
Là où je me positionne, c’est quand on a un projet de loi sur lequel on travaille, on y met des ressources, on l’étudie, on se mobilise, cela finit par faire son chemin et il est adopté ou non. Une chance qu’il y a une équipe qui regarde ce qui se fait pour s’assurer qu’il y a une certaine cohérence avec la Charte et la Constitution, par exemple.
En même temps, je crois que la complexité vient du fait que quand il y a un changement de gouvernement, ce sont des gens qui ont fait progresser un projet de loi, et il peut être adopté quand même, mais je réalise que certains projets de loi, plusieurs même, n’ont pas été honorés, et rien ne bouge.
Comment pouvons-nous faire, comme législateurs, pour faire en sorte que peu importe le gouvernement en place, il y ait une reddition de comptes, afin que les lois qui ont été adoptées soient réellement mises en œuvre? On nous répond parfois que c’est attribuable à un manque de ressources humaines ou d’infrastructure. Cela a aussi un impact. Comment faire pour que des lois soient appliquées une fois qu’elles ont été adoptées?
Est-ce que le côté politique subit une pression, ou est-ce qu’il y a quelqu’un qui ne nous dit pas tout? On adopte des projets de loi, mais on aurait peut-être dû attendre, parce qu’il n’y a pas le budget nécessaire. C’est compliqué ce que j’essaie de dire, mais c’est surprenant de voir qu’on a adopté un projet de loi en 2013, par exemple, et qu’il n’est pas encore mis en œuvre. C’est encore pire quand cela date de 2009.
Cela a été très formateur pour moi aujourd’hui. Comment pouvons-nous être meilleurs pour les prochains projets de loi qu’on devra étudier?
Le sénateur Moreau : Je suis au premier exercice d’application de cette disposition de la Loi sur l’abrogation des lois, et je regardais les motifs qui ont été rappelés au début de nos travaux qui donnent une ouverture à l’application de ces dispositions.
Dans certains cas, je pense notamment à deux dossiers parmi ceux que nous avons étudiés ce matin, il s’agit de dossiers qui ne répondent à aucun autre critère que celui d’une demande de délai supplémentaire qui est nécessaire pour traiter les dossiers.
Comment peut-on justifier de demander un délai supplémentaire lorsqu’on parle de 10, 15 ou 20 ans? À un moment donné, ce critère ne voudra plus rien dire. Ma crainte, je l’exprime alors que j’en suis à mon premier exercice d’examen de cette disposition de la Loi sur l’abrogation des lois, c’est que l’on cautionne — et je pèse mes mots —, comme membres du Sénat, l’intention de contourner l’esprit d’une loi adoptée par les deux Chambres, par l’administration. Ce n’est certainement pas l’objectif qui était poursuivi lorsque cette disposition a été mise en vigueur.
J’ai l’impression, comme certains de mes collègues, dont la sénatrice Batters, le recommandent, qu’on devrait avoir des commentaires à la fin du rapport pour indiquer qu’au nombre des motifs, celui qui est lié au délai supplémentaire requiert des précisions beaucoup plus importantes que celles qu’on a pu obtenir ce matin. Sinon, un ministère pourrait toujours justifier une demande de non-abrogation d’une disposition 50 ans après l’adoption de la loi. Et qui sommes-nous pour dire que le seul écoulement du temps ne justifie pas l’abrogation de la disposition?
Je suis d’accord avec la sénatrice Batters : les gens qui nous sont suggérés pour répondre à nos questions devraient être en mesure d’anticiper, lorsqu’il s’agit de délais qui dépassent 10 ans, que nos questions seront beaucoup plus précises et peut-être même insidieuses, et de nous dire quelles sont les conséquences de ne pas donner suite à ces dispositions dans certains cas.
Vous l’avez souligné : cela arrivera dans certains cas où, si on ne se rend pas à l’obligation, on rendra la situation encore plus chaotique qu’elle ne l’est à l’heure actuelle. Ce n’est certainement pas notre intention. D’un autre côté, on ne peut pas non plus approuver n’importe quoi sans aucune discussion, ce qui, par ailleurs, est injustifiable.
[Traduction]
Le président : Je sais que nous sommes pressés par le temps, mais permettez-moi de dire que les gens qui comparaissent devant nous n’ont pas de comptes à nous rendre. Ils relèvent des cadres supérieurs de l’exécutif. Il me semble que nous devrions souligner que nous aimerions que les cadres supérieurs fournissent des explications plus complètes sur les raisons des retards en particulier, des années de consultations et autres. À cet égard, l’obligation de faire avancer ces dossiers ou d’expliquer pourquoi ils ne progressent pas se trouve en fait au niveau de la chaîne de commandement de l’exécutif, jusqu’aux sous-ministres et aux ministres. Je pense que ce message serait utile.
Je comprends la frustration de la sénatrice Batters, qui estime que nous n’avons pas obtenu de très bonnes réponses à de nombreuses questions. Nous avons obtenu de très bonnes réponses à certaines questions du sénateur Tannas, et elles ont été utiles, sinon nous n’aurions jamais appris ce que nous voulions savoir. Notre gouvernement est immense. Nous ne pouvons pas soulever toutes les roches du gouvernement pour y trouver les anguilles, mais ce processus est utile.
Son message, je pense, souligne qu’il doit y avoir une communication et une reddition de comptes de la haute direction. Ces témoins nous rendent des comptes pendant deux heures chaque année, et le reste du temps, ils rendent des comptes à l’intérieur à leur ministère. Nous devrions entendre les hauts fonctionnaires nous expliquer pourquoi ces responsabilités ne sont pas remplies.
Je pense que nous devrions transmettre un message qui va dans le même sens, si vous voulez bien. Je vais vous inviter à participer à la rédaction d’une note au comité directeur soulignant que certaines des réponses étaient inacceptables et que les retards sont inacceptables. Soulignons aussi que nous voudrions voir plus de reddition de comptes au sein de l’exécutif et envers nous.
Je ne sais pas exactement comment nous allons procéder, mais si vous êtes à l’aise avec ce type de message, nous essaierons de préparer quelque chose. Nous demanderons ensuite au comité directeur de l’examiner, puis de vous présenter très brièvement ses commentaires mercredi prochain, à notre réunion du 4 décembre, parce que nous devons renvoyer le projet de loi au Sénat le 5 décembre. Êtes-vous d’accord avec cette façon de procéder?
Le sénateur Tannas : Êtes-vous sûr que nous nous réunissons mercredi prochain?
Le président : Je pense que oui. Ce sera le 4 décembre n’est‑ce pas? Je ne crois pas que notre réunion ait été annulée. Nous ne sommes pas assujettis à cette culture d’annulation. Oui.
Sénatrice Batters, êtes-vous d’accord? Si vous le voulez bien, je vous invite à rédiger un paragraphe que nous distribuerons aux membres du comité directeur. Nous inviterons les membres du comité directeur à se pencher sur la question et nous aurons quelque chose à vous proposer mercredi prochain.
La sénatrice Batters : Tout d’abord, oui, la direction administrative n’est pas seule responsable de ces dossiers. En fin de compte, elle reçoit ses directives de l’exécutif, c’est évident.
Je fais un peu le parallèle avec ce que le sénateur Tannas a dit au sujet du Comité mixte permanent d’examen de la réglementation. J’ai coprésidé ce comité de 2013 à 2015 sous le gouvernement précédent. À ce moment-là, nous nous réunissions régulièrement pendant deux heures toutes les deux semaines. Nous faisions du travail sérieux. C’était une séance régulière de reddition de comptes pour certains de ces ministères qui avaient mis des années à répondre à des lettres et à d’autres obligations.
Ce que j’ai vu se produire — parce que j’ai un peu suivi les travaux de ce comité ces neuf dernières années —, c’est que parfois, ce comité a passé des semaines et des mois sans jamais tenir une seule réunion. Parfois, il ne s’est réuni qu’une ou deux fois pendant toute une législature, essentiellement pour élire un coprésident afin que cette personne, je suppose, puisse commencer à recevoir un chèque de paie. Il n’a pas tenu d’autres réunions pendant des mois. Ce n’est pas bon. Son travail est important pour ce genre de problème.
Ce que nous faisions parfois, quand notre gouvernement était au pouvoir et pendant une brève période après cela, c’est que...
Le président : En fait, c’était aussi mon gouvernement, sénatrice Batters.
La sénatrice Batters : Oui, je parlais du gouvernement conservateur de l’époque.
Quand certains ministères tardaient continuellement à répondre, le Comité mixte d’examen de la réglementation finissait par convoquer un sous-ministre pour qu’il témoigne à cet égard. Si nous constations que certains reports nous revenaient année après année, nous portions une attention particulière à certaines directions générales ou nous leur en parlions. C’est une voie que nous pourrions suivre aussi.
Enfin, la sénatrice Audette a suggéré qu’il s’agissait peut-être d’un manque de ressources humaines. Peut-être que l’on n’affecte pas les ressources humaines nécessaires. Cependant, le gouvernement fédéral actuel a augmenté sa composante de ressources humaines par des dizaines de milliers de personnes, de sorte qu’il ne peut pas s’agir d’un manque global de ressources humaines. Peut-être qu’il ne les affecte pas à ce genre de problèmes.
Le président : Si vous me permettez, au sujet de...
La sénatrice Audette : J’aimerais préciser une chose. J’apprends énormément de la sénatrice Batters, mais je veux être sûre d’avoir bien compris. Je croyais avoir entendu un des témoins parler d’un manque de ressources humaines. D’accord. Merci.
Le président : J’ai été sous-ministre pendant une douzaine d’années dans un gouvernement provincial, et il me semble que c’est à ce niveau que réside la responsabilité. Je suis d’accord avec la sénatrice Batters. Si nous observons une tendance de ce genre, j’exhorte le comité à transmettre le message suivant pour le prochain exercice : nous ne devrions peut-être pas entendre tous les sous-ministres, mais au moins ceux des ministères où nous percevons des activités récalcitrantes.
La sénatrice Simons : Ils sont pris entre l’arbre et l’écorce. Que peuvent-ils nous dire?
Le président : Vous avez raison.
Je vais demander le vote. Oh, pardonnez-moi, je pensais que vous étiez...
Le sénateur Arnot : Je serai bref. Si nous sommes vraiment sérieux à ce sujet, je me demande si le comité directeur ne devrait pas être un peu plus rigoureux sur la reddition de comptes que vous demandez. Peut-être devrions-nous nous réunir deux ou trois fois par année à ce sujet. Comme cela, s’il y a un problème, ses membres pourront revenir une deuxième fois. Nous sommes en quelque sorte en fin de parcours. C’est vraiment la dernière minute. Je pense que nous obtiendrions une bien meilleure reddition de comptes si nous cernons le problème et que nous tenons une réunion en juin, en mai ou en septembre, puis une en décembre. Le comité directeur pourrait en décider. Je crois que nous pourrions forcer l’application plus rigoureuse de la reddition de comptes.
La sénatrice Batters : Cela n’est-il pas lié à une motion? N’est-ce pas la raison pour laquelle nous examinons cela?
Le président : Exactement.
La sénatrice Batters : C’est la raison pour laquelle nous le faisons annuellement. Cet examen est lié à une motion, et je crois qu’on ne présente que ces...
Le sénateur Tannas : Une motion de qui?
La sénatrice Batters : Du gouvernement.
Le président : Il nous faut un rapport à étudier, et en général, nous le recevons à la fin de l’année.
Le sénateur Arnot : Nous n’avons aucun contrôle sur cela.
Le président : Pas encore.
Puis-je vous inviter à adopter une motion, chers collègues? Il s’agit précisément, si je puis m’exprimer ainsi, d’adopter le rapport, mais d’y annexer des observations.
Des voix : D’accord.
Le président : La motion est adoptée.
Je me sentirai plus à l’aise mercredi prochain si tous les membres du comité réfléchissent aux observations que nous pourrions présenter, de sorte que nous n’aurons pas à demander la bénédiction du comité directeur pour achever le rapport. Nous voterons sur le dépôt du rapport quand nous nous réunirons mercredi prochain.
Cela met fin à nos travaux d’aujourd’hui. Merci d’y avoir participé avec tant de patience. Cette expérience nous en apprend beaucoup, mais parfois, elle nous frustre. Merci à tous.
(La séance est levée.)