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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 11 décembre 2024

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 16 h 20 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-320, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (communication de renseignements à la victime).

La sénatrice Denise Batters (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La vice-présidente : Bonjour. Je m’appelle Denise Batters. Je suis sénatrice de la Saskatchewan et vice-présidente du comité. Aujourd’hui, j’ai le plaisir d’agir à titre de présidente puisque notre collègue, le sénateur Cotter, est absent pour cette réunion.

J’invite mes collègues à se présenter.

[Français]

Le sénateur Carignan : Bonjour. Claude Carignan, sénateur conservateur du Québec.

La sénatrice Oudar : Manuelle Oudar, sénatrice indépendante pour le Québec.

[Traduction]

Le sénateur Prosper : Paul Prosper, de la Nouvelle-Écosse, territoire mi’kma’ki.

La sénatrice Pate : Kim Pate, et j’habite ici sur le territoire non cédé, non abandonné et non restitué du peuple algonquin anishinabe. Soyez les bienvenus.

[Français]

Le sénateur Moreau : Bonjour. Pierre Moreau, de la division des Laurentides, au Québec.

La sénatrice Audette : Kuei. Michelle Audette, Nitassinan, au Québec.

[Traduction]

La vice-présidente : Merci beaucoup.

Chers collègues, nous nous réunissons aujourd’hui pour entreprendre notre étude sur le projet de loi C-320, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (communication de renseignements à la victime).

Pour notre premier groupe de témoins, nous sommes heureux d’accueillir une personne que je connais depuis 20 ans — depuis que mon mari Dave Batters et lui ont été élus au Parlement la même année —, Colin Carrie, député d’Oshawa et parrain du projet de loi C-320; et Lisa Freeman, militante pour les droits des victimes, auteure et inspiration pour ce projet de loi d’initiative parlementaire.

Merci beaucoup à vous deux d’être là aujourd’hui. Nous allons commencer par vos déclarations liminaires, puis nous passerons aux questions des sénateurs. Vous aurez la parole pendant environ cinq minutes chacun.

Lorsque vous serez prêts, nous commencerons par M. Carrie, puis nous laisserons Mme Freeman conclure.

Colin Carrie, député, Oshawa, Ontario, parrain du projet de loi, à titre personnel : Bonjour, madame la présidente, distingués membres du comité, mesdames et messieurs les témoins.

Je m’appelle Colin Carrie, et j’ai l’honneur de servir les gens d’Oshawa à titre de député depuis 2004, et c’est toujours un plaisir de témoigner devant votre comité sénatorial. Il me tarde de répondre à vos questions.

Je suis ici aujourd’hui pour parler d’une question qui est non seulement très importante pour la sécurité de nos collectivités, mais aussi pour les victimes de crimes violents.

Chers collègues, j’ai examiné aujourd’hui les données de Statistique Canada : au cours des dernières années, les crimes violents ont augmenté de 50 %, les crimes violents commis à l’aide d’une arme à feu ont augmenté de 116 %, et 34 % de tous les homicides ont été commis par un criminel qui était en liberté sous caution ou qui bénéficiait d’une autre forme de mise en liberté.

Au cours des quatre dernières années, le nombre d’homicides n’a jamais été aussi élevé depuis 1961, année où ces données ont été compilées pour la première fois. La semaine dernière encore, deux meurtres horribles ont été commis. L’une des victimes était Harshandeep Singh, d’Edmonton, et l’autre, Alisha Brooks, de Toronto. J’estime donc que ce projet de loi arrive à point nommé, et je vous remercie de nous accueillir ici aujourd’hui.

C’est pour moi un privilège de discuter du projet de loi C-320, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (communication de renseignements à la victime), qui a été adopté à l’unanimité à la Chambre.

Je tiens à informer les sénateurs qu’il s’agit en fait de mon premier projet de loi d’initiative parlementaire à aller aussi loin. Je suis donc très optimiste et enthousiaste à l’idée qu’il soit adopté.

J’ai présenté le projet de loi C-320 à la Chambre des communes pour la première fois le 28 mars 2023. Le projet de loi apporterait une simple modification à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, ou LSCMLC, mais cette modification aurait un effet bénéfique durable sur les droits des victimes.

Le projet de loi C-320 vise à modifier la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition afin de communiquer aux victimes des renseignements sur les dates d’admissibilité et d’examen applicables au délinquant relativement aux permissions de sortir, aux placements à l’extérieur ou aux libérations conditionnelles. Il faut notamment fournir une explication sur la manière dont ces dates ont été déterminées et aider les victimes à comprendre le raisonnement derrière les décisions de la Commission des libérations conditionnelles du Canada.

Pendant trop longtemps, le système de justice de notre pays a fait passer les droits des délinquants violents avant ceux de leurs victimes et de leurs survivants; c’est le monde à l’envers. Les répercussions d’un crime sur une victime sont profondes et peuvent toucher tous les aspects de sa vie. Des traumatismes émotionnels aux préjudices physiques, les conséquences d’un crime se font sentir longtemps après la fin de la peine. Alors que les délinquants ont la possibilité de suivre un programme de réadaptation, les victimes, elles, sont parfois laissées pour compte et n’ont que peu ou pas accès aux renseignements sur les progrès réalisés par le délinquant ou sur les circonstances entourant sa mise en liberté. Le projet de loi C-320 vise à changer cette situation.

L’objectif du projet de loi C-320 n’est pas de punir davantage les délinquants, mais plutôt de veiller à ce que les victimes soient correctement soutenues et informées, tout en maintenant un processus juste et équitable pour toutes les parties concernées. Le processus de réinsertion sociale des délinquants est essentiel pour assurer la sécurité publique. Toutefois, ce processus ne peut pas faire abstraction des besoins de ceux qui ont déjà souffert. Les victimes ont le droit de savoir si un délinquant est remis en liberté dans leur collectivité. Les victimes méritent au moins des droits équivalents à ceux accordés aux délinquants dans le cadre du processus de libération conditionnelle.

Je conclurai en réaffirmant que le projet de loi C-320 représente un important pas en avant dans la reconnaissance des droits et des besoins des victimes de crimes violents au sein de notre système de justice. En veillant à ce que les victimes soient informées et habilitées, nous créons un système qui est non seulement équitable pour les délinquants, mais aussi compatissant et réceptif à l’égard de ceux qui ont souffert de leurs crimes. Il est temps pour nous de reconnaître que la justice ne s’arrête pas aux portes des prisons. Elle se poursuit grâce au soutien et à la considération que nous accordons aux victimes.

Le projet de loi C-320 témoigne de cet engagement, et j’exhorte tous les membres du comité à appuyer son adoption afin que, ensemble, nous puissions adopter une approche plus transparente, plus compatissante et plus axée sur les victimes au sein de notre système de justice.

Je vous remercie, et je cède maintenant la parole à Mme Freeman, qui est l’inspiration du projet de loi C-320.

Lisa Freeman, militante pour les droits des victimes, auteure, inspiration pour le projet de loi C-320, à titre personnel : Merci beaucoup, monsieur Carrie.

Bonjour à tous. J’ai préparé quelques mots.

Le système de justice doit faire preuve d’un minimum de décence et de dignité en informant les familles des victimes des décisions qu’il prend et de la façon dont ces décisions sont approuvées. Faute de quoi, le système de justice aggrave le traumatisme des familles des victimes lorsque celles-ci sont prises au dépourvu par des audiences de libération conditionnelle anticipée ou des transfèrements dans des établissements correctionnels à sécurité minimale sans aucun préavis.

Beaucoup de Canadiens présument que lorsqu’un délinquant est condamné à une peine d’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans, il purgera 25 ans avant que le processus de libération conditionnelle ne se mette en branle. Le système utilise des mots qui évoquent la sévérité et la punition. Pour le commun des mortels, la peine semble lourde et dure.

En ce qui concerne le meurtrier de mon père, qui était en liberté conditionnelle lorsqu’il a tué mon père, l’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle pendant 25 ans aurait dû signifier exactement cela, mais ce n’est pas ce qui s’est passé. Il s’agit d’une fausseté : cela donne un faux sentiment de réconfort aux familles et une fausse information au public canadien. Lorsque le citoyen moyen entend parler d’une peine, il ne pense pas à la libération conditionnelle; il se dit que le délinquant purgera forcément la totalité de sa peine.

La réalité est, bien entendu, loin de correspondre aux attentes des victimes et de leur famille. Au lieu de cela, nous subissons un nouveau traumatisme en étant tenus dans l’ignorance au sujet de la justification des décisions prises dans le système de libération conditionnelle. Le projet de loi C-320 serait essentiel pour que les victimes puissent se sentir en sécurité et protégées. Savoir, c’est pouvoir; plus on sait, plus on peut se préparer.

Si ma famille avait été informée avant le transfèrement, lorsque le meurtrier de mon père a été transféré dans un établissement situé à seulement 10 kilomètres de la maison de ma sœur, nous aurions été mieux préparés émotionnellement et mentalement. Au lieu de cela, nous avons sombré dans la peur, la confusion et l’insécurité. Personnellement, je me suis sentie démoralisée et insignifiante, comme si la seule personne qui comptait était le délinquant.

Les familles des victimes ne méritent pas d’être victimisées à nouveau par le système de libération conditionnelle. Quand quelqu’un tue un homme innocent à coups de hache, on s’attend à ce que le meurtrier soit incarcéré à perpétuité dans un établissement à sécurité maximale, mais la réalité est tout autre. Autre fait choquant et dévastateur pour ma famille et moi, nous avons été avisés du transfèrement seulement 24 heures plus tard parce que les droits du délinquant devaient être soutenus avant que l’information nous soit transmise.

Comme j’ai fini par l’apprendre, le niveau de sécurité ne correspond en rien à la gravité du crime. J’ai rencontré de nombreuses familles partout au pays qui ont été endeuillées par un homicide ou qui sont victimes d’autres crimes graves, et je peux vous dire que les traumatismes répétés laissent de graves séquelles chez les personnes touchées qui doivent composer avec le système de justice pénale année après année.

Au Canada, les droits des meurtriers ont tendance à avoir préséance sur ceux des victimes de crimes violents. La plupart des Canadiens doivent s’en remettre aux manchettes du jour pour s’informer au sujet de meurtriers tristement célèbres qu’ils considèrent comme l’incarnation du mal. Paul Bernardo en est un exemple; la dernière infraction aux droits de ses victimes a enragé les Canadiens d’un océan à l’autre.

Je suis ici pour vous dire que beaucoup d’autres victimes ont vécu la même chose, mais leur voix n’est pas entendue. Les mesures ne devraient pas être réservées aux gens qui peuvent se faire entendre. Elles devraient être équitables et égales pour toutes les victimes d’actes criminels au pays.

Le processus de libération conditionnelle du meurtrier de mon père s’est amorcé en 2011. J’ai été présente à toutes les étapes. J’ai vu les programmes qui ont été mis à la disposition du délinquant et les possibilités qui lui ont été offertes pour se réadapter. Je me suis demandé : « Où est ma place dans tout cela? » J’ai été plongée dans un cauchemar sans fin, qui a commencé avec le meurtre de mon père à Oshawa il y a de cela bien des années. Ce cauchemar se poursuit encore aujourd’hui, alors que le processus de libération conditionnelle suit son cours.

Chaque occasion donnée à un délinquant au pays signifie que les victimes devront vivre à nouveau l’expérience traumatisante, alors qu’elles disposent de peu de mesures de soutien. À chaque interaction avec le système, on rappelle aux victimes la violence qu’elles ont subie. Comme je l’ai souvent dit, si vous vous tenez encore debout après le crime initial, le système vous mettra à genoux. Je le sais parce que cela m’est arrivé à maintes reprises.

Dernièrement, j’ai reçu un avis de la Commission des libérations conditionnelles du Canada pour me dire que l’homme qui a tué mon père à coups de hache n’aurait pas d’audience pour la prolongation de sa semi-liberté ni pour sa libération conditionnelle totale. Il s’agissait plutôt d’une décision interne, et on m’a tenue à l’écart. J’ai dû supplier la Commission des libérations conditionnelles, comme je l’ai fait l’an dernier, de tenir une audience à laquelle je pouvais assister pour faire ma déclaration à titre de victime. C’est la seule façon, à mon avis, de bien représenter ma famille et d’honorer la mémoire de mon père. J’attends toujours une réponse.

Cette lettre de la Commission des libérations conditionnelles m’a avisée que toutes les conditions que je propose pour la libération conditionnelle peuvent être levées à tout moment, même celles visant à protéger ma famille et moi-même. C’est tout simplement inacceptable. C’est ce à quoi je fais allusion lorsque je dis que la Commission des libérations conditionnelles vous mettra à genoux si vous vous tenez encore debout après la chose la plus horrible qui vous soit jamais arrivée.

Les victimes d’actes criminels en ont assez à endurer comme c’est là, à cause du poids du crime. Notre poids est déjà assez lourd. Le système ne fonctionne pas; il est défectueux. Par le fait même, nous nous retrouvons avec plus de choses à gérer, à porter, à déchiffrer et à surmonter. Tout cela a le potentiel de nous briser.

Ce simple projet de loi modifierait la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition afin de redonner un certain degré de sécurité, de dignité et de respect aux familles des victimes. Le projet de loi C-320 est une mesure législative sensée qui permettrait d’accroître la transparence du gouvernement et du système de justice. Il faut rééquilibrer le système, en commençant par améliorer la transparence et mieux respecter les besoins des victimes d’actes criminels au Canada. Ce n’est qu’alors que notre fardeau pourra être allégé et que nous pourrons nous libérer d’une partie du poids que nous devons porter.

Dans notre système actuel, à l’instar d’autres victimes d’actes criminels, je suis reléguée au rôle d’observatrice passive, en étant tenue très à l’écart du processus. Le projet de loi C-320 nous aiderait à délaisser ce rôle pour nous rapprocher au moins du rôle de participants estimés. C’est tout ce que j’ai toujours voulu pour ma famille et moi et pour ceux qui se trouvent dans des situations similaires — être traités avec le respect que nous méritons. Merci.

La vice-présidente : Je vous remercie tous les deux de vos observations. Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs.

Le sénateur Prosper : Merci à vous deux d’être venus ici, d’avoir présenté le projet de loi et d’avoir contribué à sa création.

Madame Freeman, je vous suis vraiment reconnaissant de votre témoignage passionné. Je ne peux qu’imaginer ce que cela signifie pour vous et votre famille et, de toute évidence, non seulement pour vous, mais pour toutes les victimes d’actes criminels.

Vers la fin de votre témoignage, vous avez dit que ce projet de loi aiderait les victimes de ces crimes, comme vous, à passer du statut d’observateur passif à celui de participant estimé. À cet égard, vous avez mentionné que savoir, c’est pouvoir.

Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet et faire une comparaison entre un observateur passif et un participant estimé?

Mme Freeman : Oui, certainement. Je vous remercie de votre question.

J’ai l’impression que, sur le coup — et à mesure que le processus de libération conditionnelle a progressé —, j’ai été laissée pour compte. Je n’ai pas été informée; j’ai été mise au courant une journée complète après les faits. Je n’ai pas été avisée. Concernant la lettre que j’ai évoquée au sujet de la prolongation de la semi-liberté et de la libération conditionnelle totale — même la décision interne —, on n’a pas eu la courtoisie de me faire part de la date. Dans la lettre, on me dit que je serai informée du résultat à un moment donné en décembre. Je suis donc tout à fait mise à l’écart.

J’ai l’impression de ne pas faire partie intégrante de cet aspect du système. Je suis littéralement sur la touche, à attendre. Il est tout simplement inacceptable de devoir quémander des audiences pour quelque chose d’aussi grave qu’un homicide. Cela dépasse l’entendement.

Alors, oui, après les années que j’ai passées à participer activement au processus de libération conditionnelle et selon ce que me disent d’autres personnes avec qui je m’entretiens et que je côtoie presque tous les jours, j’ai l’impression que les victimes se sentent, elles aussi, laissées pour compte et exclues.

Ce projet de loi est un pas en avant. Nous serions reconnus et nos voix seraient entendues; le résultat ne peut être que positif. Quelque chose de bon peut ressortir de ce projet de loi.

Le sénateur Prosper : Je vous remercie.

Mme Freeman : Il n’y a pas de quoi.

La vice-présidente : Nous recevons en fait le sénateur Carignan, qui est le parrain du projet de loi, alors si le sénateur Moreau n’y voit pas d’inconvénient, je demanderai au sénateur Carignan de poser ses questions en premier. Toutefois, le sénateur Moreau suivra. Est-ce que cela vous convient? Je vous remercie de votre coopération.

[Français]

Le sénateur Carignan : Ma question s’adresse à M. Carrie.

Pouvez-vous nous expliquer ce qui vous a motivé à présenter ce projet de loi ainsi que le travail qui a été accompli durant toutes ces années pour faire cheminer le projet de loi jusqu’ici, y compris le partage avec d’autres personnes ou victimes qui ont vécu des situations similaires?

[Traduction]

M. Carrie : Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur.

Ce qui m’a motivé, c’est Mme Freeman. Lorsque ce meurtre a été commis à Oshawa, il a été très médiatisé. Le père de Mme Freeman était un vétéran de la Marine royale canadienne, tout comme mon père. En fait, son père vendait du poisson à Oshawa, et mon père avait l’habitude d’aller discuter avec lui. Ils partageaient un esprit de camaraderie.

Lorsque son père est mort, la population d’Oshawa l’a considéré comme un héros. Je ne sais pas si vous avez eu l’occasion d’examiner le contexte, mais cet agresseur était venu chercher son ex-petite amie. Compte tenu de la sensibilisation à la violence fondée sur le sexe dont nous parlons et de l’excellent travail que les sénateurs ont réalisé pour sensibiliser les gens à cet égard, son père n’a pas voulu lui dire où elle se trouvait. Ce type a brutalement assassiné son père.

Lorsque Mme Freeman est entrée dans mon bureau après avoir rencontré des difficultés liées au système, j’ai fait le lien et cela m’a frappé — oh, mon Dieu —, et depuis, elle a vraiment été ma motivation. C’est un travail qu’elle accomplit depuis 20 ans et dont elle ne devrait pas être responsable. Elle ne l’accomplit pas pour elle-même; elle le fait pour les victimes à venir.

Mme Freeman est entrée dans mon bureau pour la première fois il y a maintenant 12 ans. À l’origine, nous voulions apporter d’énormes changements au système, mais nous avons commencé à nous rendre compte de ce que nous pouvions faire adopter à la Chambre. Il y a eu plusieurs tentatives de faire adopter des changements. La première fois que nous l’avons fait, il s’agissait du projet de loi C-466, qui était parrainé par Lisa Raitt à la Chambre. Le sénateur Boisvenu a parrainé le projet de loi S-219. Mme Freeman est arrivée à mon bureau, et cela m’a fait réaliser que quelqu’un écoutait réellement les voix des victimes.

Au fil des ans, nous avons rencontré des groupes de victimes. Sénatrice Batters, je pense que vous avez participé à l’une des tables rondes que nous avons organisées. Nous nous sommes attachés à écouter les victimes.

Elle m’inspire. Quand je dis que son père était considéré comme un héros, je sais qu’il la considérerait aujourd’hui comme une héroïne. J’ai beaucoup de respect pour elle et pour le travail désintéressé qu’elle a accompli pour les victimes au fil des ans. Nous avons travaillé ensemble, et elle a aidé de nombreux électeurs de ma circonscription à se préparer au système et à ce à quoi ils allaient faire face. Elle les a aidés à gérer les situations.

Elle m’inspire et me rend très fier. Comme je l’ai déclaré, cela fait 20 ans que nous travaillons ensemble. J’ai présenté de nombreux projets de loi d’initiative parlementaire, et je crois que le projet de loi qui nous occupe sera le plus susceptible d’apporter un changement. Il ne s’agit que de 10 mots, mais ces mots auront un immense effet bénéfique.

[Français]

Le sénateur Moreau : Madame Freeman, je ne connais personne qui ne serait pas impressionné et attendri par le récit que vous nous faites des circonstances dramatiques qui ont conduit au décès de votre père.

Ma question s’adresse à vous.

Vous dites que le système manque de compassion. Vous êtes une victime, tout autant que la personne qui a perdu la vie. Vous nous dites que les victimes apprennent après-coup ce que fait le système correctionnel. Vous dites aussi que si vous l’aviez su avant, cela vous aurait permis de mieux vous préparer.

J’aimerais que vous nous indiquiez ceci : comment peut-on se préparer à une telle mauvaise nouvelle? En effet, pour une victime, lorsque le criminel est libéré, il s’agit essentiellement d’une mauvaise nouvelle. Comment vous seriez-vous préparée si le projet de loi avait été adopté et si vous aviez été informée de sa mise en liberté ou de la procédure liée à son dossier conduisant à une libération éventuelle?

J’aurai une autre question pour le député Carrie.

[Traduction]

Mme Freeman : Pour répondre à votre question dont je vous remercie, lorsque j’ai reçu le certificat de condamnation en 1992, après le procès... ma sœur aînée et moi-même étions présentes au tribunal tous les jours, et on nous l’a remis. Le certificat indiquait clairement qu’il s’agissait d’une condamnation à vie sans possibilité de libération conditionnelle pendant 25 ans. Nous avons projeté ces 25 années aussi loin que nous le pouvions dans l’avenir, et nous avons tenté de rebâtir notre vie. Nous n’avons jamais oublié ce qui est arrivé; cette pensée ne nous a jamais quittés. Cependant, nous avions en tête cette date de 1992, à laquelle s’ajoutaient 25 années.

Puis, tout à coup, j’ai reçu une lettre de la Commission des libérations conditionnelles dans laquelle on m’informait que, même si seulement 22 années s’étaient écoulées, le coupable était admissible à des sorties avec escorte, une forme de libération dont nous ne soupçonnions même pas l’existence. Pendant tous nos échanges avec la Commission des libérations conditionnelles, on ne nous avait parlé que de 25 années à l’époque.

Aussi impossible que cela puisse paraître, même aujourd’hui, alors que je suis sur le point d’être informée d’une décision probable de libération conditionnelle totale, il est difficile de se faire à cette idée. Son incarcération a fait partie de ma vie d’adulte, depuis que j’ai eu 21 ans.

Il est presque impossible pour moi de comprendre que nous sommes arrivés au stade de la libération conditionnelle totale. Le fait qu’on m’ait indiqué qu’il y avait d’autres types de libération conditionnelle — autres que la libération conditionnelle totale —, qu’il y avait une audience dans un mois à Kingston et que si je voulais y aller pour représenter ma famille, je devais prendre les mesures suivantes. Rien ne nous avait préparés à cette situation.

Dans l’autre cas, lorsque le délinquant a été transféré dans un autre établissement ayant un niveau de sécurité moindre et que nous en avons été informés 24 heures plus tard, cela nous a plongés dans le chaos. Ma plus jeune sœur vivait tout près de cet établissement, qui se trouvait dans une autre province. Comment pouvions-nous imaginer qu’il serait transféré à une distance de trois provinces de l’Ontario et qu’il se retrouverait littéralement au bout de sa rue?

Si nous l’avions su ne serait-ce qu’un certain temps avant, nous n’aurions peut-être pas été en mesure d’accepter le transfert, mais cela nous aurait certainement donner le temps de réfléchir à ce qu’il fallait faire, à qui nous pouvions écrire pour déterminer s’il était possible de faire annuler le transfert, au lieu d’en être informé littéralement le jour suivant au moyen d’une lettre ou d’un appel téléphonique.

Je dis toujours que la préparation, même si elle n’aide pas tout le monde, me permet de sortir des sentiers battus. Que puis-je faire? Comment puis-je aborder ce problème? Comment puis-je influer sur le cours des choses? Un peu de préavis nous aurait grandement aidés ma famille et moi. Je m’occupe d’un grand nombre de victimes de la criminalité, et elles disent exactement la même chose.

[Français]

Le sénateur Moreau : Je vous remercie, madame Freeman.

Monsieur Carrie, j’ai pris connaissance du projet de loi. Je me demande s’il n’est pas un peu court pour ce que Mme Freeman souhaite obtenir. Elle nous dit qu’elle est marquée à vie par le crime dont elle et sa famille ont été victimes. Avec ce projet de loi, les gens pourront se préparer aux audiences.

Ce qui la révolte, à juste titre, c’est de n’avoir jamais été informée qu’une sentence d’emprisonnement à vie sans possibilité de remise en liberté avant 25 ans, cela existe très peu dans le système actuel. Cela n’est possible que pour quelques crimes. Cet élément n’est pas considéré dans le projet de loi actuel. Essentiellement, on ajoute une explication sur la manière dont les dates ont été déterminées. Cela ne correspond pas aux critères d’implication que Mme Freeman souhaite obtenir. En quoi les victimes seraient-elles mieux réconfortées?

[Traduction]

M. Carrie : Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur, car je m’entends avec vous pour dire que le projet de loi est un peu court.

La difficulté, c’est qu’au sein d’un système parlementaire dont le gouvernement est minoritaire... j’ai consulté des collègues de différents partis, et je suis en fait très fier que le projet de loi ait été soutenu à l’unanimité par la Chambre des communes.

J’ai également constaté que les sénateurs ont fait du bon travail à cet égard. J’ai apporté ceci, c’est-à-dire 65 pages du rapport intitulé Améliorer le soutien aux victimes d’actes criminels, que certains d’entre vous ont peut-être eu l’occasion de consulter.

Vous avez tout à fait raison. Je trouve simplement que l’histoire de Mme Freeman... pouvez-vous imaginer sa sœur allant faire ses courses, se retournant et découvrant le meurtrier de son père? Ces histoires ne sont pas propres à Mme Freeman. Si elle en a l’occasion, elle pourra vous raconter certaines des histoires qu’elle a vécues en aidant d’autres victimes.

Les connaissances institutionnelles sont l’un des aspects positifs du Sénat, et quoi qu’il arrive aux députés élus, les personnes assises à votre table sauront quels étaient les objectifs du projet de loi, et nous pourrons peut-être même l’améliorer encore davantage à l’avenir.

Je vous remercie de votre attention et de vos commentaires.

La vice-présidente : Je vous remercie.

Monsieur Carrie, cette expérience montre également... vous êtes député depuis 20 ans, et c’est la première fois que l’un de vos projets de loi d’initiative parlementaire franchit autant d’étapes du processus. Ce projet de loi montre également à ceux d’entre nous qui siègent au Sénat, parce qu’ils ont la possibilité... cela montre à quel point il est rare que, dans le cadre de votre système de loterie, un projet de loi émanant d’un député soit adopté.

Vous avez déjà essayé à plusieurs reprises. Cette fois-ci, vous avez vraiment adapté le projet de loi pour restreindre sa portée, et cela nous montre... parce que nous, les sénateurs, pouvons proposer des projets de loi d’initiative parlementaire de notre propre chef plus fréquemment que cela.

C’est la raison pour laquelle vous voulez vous assurer que ce projet de loi d’initiative parlementaire — même s’il s’agit d’une version plus restreinte — est vraiment utile à cet égard.

J’aimerais vous poser une question : comment ce projet de loi pourrait-il contribuer à restaurer la confiance des familles de victimes dans le système de justice pénale, notamment en ce qui concerne la transparence de la Commission des libérations conditionnelles du Canada et la communication avec elle?

M. Carrie : Je ne crois pas que ce projet de loi rétablisse la confiance. Je pense qu’il s’agit d’un petit pas. Comme je l’ai dit, il s’agit de dix mots après dix ans de travail — soit un mot par an.

La transparence est très importante. Comme le disait Mme Freeman, les victimes peuvent présenter des déclarations, et imaginez que vous n’ayez pas cette possibilité. Lorsqu’un agent de libération conditionnelle s’occupe d’une personne dans le système, il peut être en contact avec ce délinquant pendant six mois, alors qu’elle est en contact avec lui depuis des dizaines d’années, et il est extrêmement décevant pour une telle victime de ne pas avoir cette possibilité de s’exprimer ses sentiments.

La Commission des libérations conditionnelles est légalement tenue de divulguer ces informations au délinquant, mais pas à la victime.

À mon humble avis, il y a à l’heure actuelle les droits du délinquant et des droits de la victime. Voici ce qu’accomplit le projet de loi, et il ne fait pas avancer les choses au stade où elles devraient être.

Cependant, compte tenu du système que nous avons, je considère que cette mesure législative va dans la bonne direction. Elle est bien accueillie par les groupes de défense des droits des victimes et j’estime que c’est quelque chose que la Commission des libérations conditionnelles peut faire.

En tant que parlementaires, nous estimons qu’ils envoient des lettres de toute façon, alors il suffit d’y ajouter un peu plus d’informations pour que les victimes soient au courant. Avec de la transparence et de la compassion, je pense que c’est quelque chose que nous pouvons tous faire et dont nous pouvons nous féliciter.

La vice-présidente : Je me souviens que mon mari me disait qu’en tant que député, on avait de la chance si on réussissait à faire adopter un seul projet de loi d’initiative parlementaire pendant toute la durée de son mandat. C’est ainsi que les gens voyaient les choses, et c’est ce qu’il a pris en compte lorsqu’il a décidé ce qu’il voulait faire.

Lorsque vous dites cela à propos de ces lettres, oui, un peu de préavis seraient également une bonne chose, ainsi que l’envoi de renseignements réels. Car, madame Freeman, lorsque vous avez mentionné au cours de votre déclaration préliminaire qu’on vous a juste dit que vous seriez informée du résultat de cette décision prise au bureau au cours du mois de décembre... je veux dire que le fait qu’on vous dit cela, pendant la période des réunions de famille de Noël et du temps de Fêtes, et le fait de ne pas savoir quand cette information arrivera rendent les choses difficiles. Est-ce que cette information arrivera le 24 décembre? Comment cette information arrivera-t-elle compte tenu de la grève des services postaux? S’assurera-t-on qu’elle nous parvienne, ou sera-t-elle simplement envoyée par la poste? Comment en serez-vous informés maintenant? Toutes ces informations sont importantes à connaître.

Comme l’a dit M. Carrie, il est absolument choquant de penser qu’en tant que membre de la famille d’une victime, on puisse rencontrer un délinquant à l’épicerie à quelques provinces de là.

Madame Freeman, vous pourriez peut-être nous en dire un peu plus à propos des répercussions directes que ce manque de transparence a eu sur votre processus de guérison et celui de votre famille?

Mme Freeman : Je vous remercie de votre question.

En ce qui concerne le processus de guérison — et je parle au nom de toutes les victimes de crimes que j’ai rencontrées, et j’en ai rencontré un grand nombre au fil des ans —, je ne sais pas si on atteint un jour ce stade. Il y a de mauvais jours, et des jours meilleurs, mais vous portez ce fardeau chaque jour. Ce n’est pas quelque chose que l’on peut déposer. C’est quelque chose qui fait presque partie de votre ADN.

C’est en particulier mon cas, car j’avais une vingtaine d’années lorsque ce crime a été commis. Comme je l’ai déclaré, j’ai été aux prises avec ce délinquant pendant toute ma vie d’adulte, puis avec la Commission des libérations conditionnelles à mesure que la procédure de libération conditionnelle avançait.

Quand vous avez une bonne journée et que vous découvrez quelque chose comme cela, cela vous détruit, car cela vous ramène à un endroit où vous ne voulez jamais aller. En ce qui me concerne, je dis toujours que je mets les choses vraiment négatives sur une étagère tout au fond de ma tête — tout au fond, pour qu’elles ne figurent pas au premier plan. Ainsi, les gens ne les voient pas souvent. Mais lorsque vous traversez de mauvaises journées, elles reviennent au premier plan, et vous ne pouvez rien y faire. C’est comme une blessure qui ne guérit pas complètement.

Nous savons qu’elle ne guérira pas. Mais le fait de devoir gérer un stress supplémentaire pour des aspects qui peuvent vraiment être contrôlés... il est simple de vous informer que cela va se produire. Vous n’aimerez peut-être pas la nouvelle, mais au moins vous saurez que cela va arriver, au lieu de faire face à une surprise lorsque vous décrochez le téléphone, que vous consultez le Portail des victimes de la Commission des libérations conditionnelles ou que vous ouvrez votre courrier. Pour moi, la connaissance préalable a toujours été et sera toujours la bienvenue — vous pouvez vous préparer un peu mieux à la situation et préparer votre famille.

À l’époque, on m’a dit qu’il n’y avait rien à faire pour faire annuler la décision. J’ai pensé qu’il devait y avoir quelque chose à faire. On m’a dit : « Vous pouvez écrire une lettre au directeur de l’établissement d’origine et au directeur de l’établissement d’accueil. » Je pense qu’il faut que je me donne à fond pour pouvoir dire, à la fin, que j’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir.

Il s’agit d’une journée, et ce sont les droits du délinquant qui ont empêché que cela se produise. Comme l’a affirmé le député Carrie, je précise encore une fois que les droits des délinquants représentent une pile très haute. En revanche, mes droits en tant que victime d’un crime occupent très peu d’espace, et je n’ai rien fait de mal. C’est un fardeau qui m’a été imposé.

La vice-présidente : Vous avez d’abord dit qu’en ce qui concerne la condamnation, vous comptiez sur le fait qu’il s’agissait de 25 années à partir de cette date. Puis, trois ans avant la fin de cette période, on vous a tout d’un coup parlé de cela. Vous ne pouviez même pas vous préparer en allant voir un conseiller ou en prenant une mesure comme celle-là. Vous ne pouviez prendre aucune mesure de ce genre. Je vous remercie beaucoup de vos réponses.

La sénatrice Pate : Je vous remercie, madame Freeman, de tout le travail que vous avez réalisé, et je vous présente mes sincères condoléances. En tant que personne dont un membre de la famille a également été assassiné, je confirme que c’est une épreuve qui ne vous quitte jamais. Elle est toujours présente.

D’après le travail que j’ai effectué en collaboration avec des victimes, j’estime qu’il y a souvent beaucoup plus de mesures à prendre bien avant ce processus. Je voulais savoir si des efforts avaient été déployés pour envisager d’autres types d’approches, qui ont été discutés avec vous, plutôt que la réforme du droit.

Je m’adresse maintenant à M. Carrie. Comme j’ai lu le projet de loi, dont je connais assez bien les dispositions, je ne vois pas le problème qu’il rectifie. Tout ce qu’il permet est déjà autorisé. Il semble qu’il tente de corriger des problèmes plus administratifs ou procéduraux liés à la façon dont les fonctions sont assumées ou exercées au sein de la Commission des libérations conditionnelles ou peut-être au sein du Service correctionnel du Canada, ou SCC.

Je suis curieuse de savoir quels aspects de la politique ou de la législation, en particulier, nécessitaient d’être rectifiés selon vous. Pouvez-vous nous indiquer ce qu’il en est?

Mme Freeman : Merci pour votre question. Personnellement, personne ne m’a approché pour d’autres choses. Ce que je fais, c’est que je fais partie d’un groupe de soutien aux victimes d’homicide à l’extérieur de Toronto. Je soutiens les victimes de la criminalité grâce notamment à notre séance d’information sur la veillée aux chandelles, que je finance moi-même chaque année. Pour des choses plus importantes, non. J’ai l’impression de mener mes activités dans mon coin. J’aide là où je peux, là où l’on a besoin de moi, et j’aide ceux et celles qui viennent vers moi.

J’aide les gens à rédiger des déclarations d’impact sur la victime parce qu’il y a très peu de soutien. Après la tenue du procès, la condamnation de l’accusé, puis son éventuelle libération conditionnelle, les victimes reçoivent très peu de soutien. Les services d’aide aux victimes que nous avons mis en place font de leur mieux, mais il ne semble pas que l’on s’intéresse aux personnes endeuillées par un homicide pour les effets à long terme et les services dont elles ont besoin. Je ne travaille pas beaucoup dans le domaine juridique et dans les autres domaines que vous avez évoqués.

M. Carrie : Madame la sénatrice, je vous remercie pour votre question. Le projet de loi en question traite de ce volet, et je cite : « […] et une explication de la manière dont ces dates ont été déterminées. »

Vous avez parlé d’un problème administratif. Cela fait 10 ans qu’ils n’ont pas changé. Ce projet de loi permettra de l’inscrire dans la législation. Je pense que vous aurez l’occasion de vous entretenir avec des représentants de la Commission des libérations conditionnelles et du Service correctionnel du Canada. Il s’agit d’un élément dont ils peuvent parler avec vous, mais cette mesure est inscrite dans la loi apporte davantage de transparence et de sécurité pour les victimes.

Comme vous le savez, parce que vous avez fait un excellent travail avec les victimes dans le passé, lorsque quelque chose comme cela se produit, le délinquant est condamné à une peine, et la victime et les familles des victimes sont condamnées à la prison à vie. Comme le disait Mme Freeman, c’est quelque chose qu’elle n’a jamais demandé. En ajoutant ces 10 mots, on montrera que l’échange d’informations est une nécessité, à moins qu’il n’y ait un véritable problème susceptible de se produire dans le public. Je pense qu’il s’agit d’un petit changement qui réconfortera les victimes et les familles des victimes, en leur permettant de savoir que lorsque ces décisions sont prises, elles comprendront au moins comment, pourquoi et quand les dates ont été déterminées de manière spécifique.

La sénatrice Pate : Rien dans la loi ne l’empêche actuellement, alors je suis curieuse : avez-vous eu des discussions avec la Commission des libérations conditionnelles, le Service correctionnel du Canada ou le ministre de la Sécurité publique au sujet de leurs procédures habituelles? Parce que rien n’empêche que cette situation se produise en l’état actuel des choses.

M. Carrie : Je tiens à vous en remercier. Peut-être que Mme Freeman souhaiterait également apporter des précisions. Pendant la crise du COVID, j’en avais discuté avec le ministre Blair, qui m’a répondu : « Oui, tout à fait. Nous pouvons faire en sorte que cela se produise. » Cela s’est-il produit?

Mme Freeman : Non, jamais.

M. Carrie : C’est vrai. Donc, encore une fois, cela fait longtemps. L’administration pénitentiaire est au courant des changements que j’ai demandés au fil des différentes versions du projet de loi. Parfois, il suffit de l’inclure pour que les victimes sachent que le SCC y donnera suite.

Pour une raison ou une autre, et je vous encourage à leur demander pourquoi, cela ne s’est pas produit. Je suis très confiant et très heureux que ce projet de loi ait reçu un soutien unanime. Il a été évalué en comité au sein de la Chambre des communes. Tous les parlementaires semblaient alors convaincus qu’il s’agissait d’une bonne façon d’aller de l’avant.

La vice-présidente : Monsieur Carrie, vous venez de dire que la Chambre avait fini par adopter le projet de loi à l’unanimité. Le ministre de la Sécurité publique de l’époque a-t-il voté en sa faveur? Tous les membres du cabinet ont-ils également voté en sa faveur?

M. Carrie : Oui, bien sûr.

La vice-présidente : Je vous remercie.

[Français]

La sénatrice Oudar : Merci d’être là. On ne peut pas rester insensible à tout ce que vous avez évoqué. Merci, madame Freeman, pour votre courage, et merci de continuer à porter ce dossier. Grâce à vous, on pourra franchir des pas importants. Merci également à vous, monsieur Carrie, d’avoir proposé le projet de loi.

Je pense que nous sommes tous extrêmement sensibles à la situation que vous avez vécue. Vous aurez certainement mon soutien dans le contexte de ce projet de loi. J’ai passé une partie de mes dernières années avant d’arriver au Sénat à travailler pour l’indemnisation des victimes d’actes criminels au Québec. Quand je me suis préparée pour lire le projet de loi, je me suis dit : « Mais c’est la moindre des choses d’informer les victimes. » Je ne m’attendais pas à cette modification. C’est peut-être la raison pour laquelle mes collègues posent des questions sur le droit à l’information pour les victimes. Pour moi, c’est la moindre des choses. Naïvement, je pensais que c’était déjà le cas. Merci, monsieur Carrie. J’espère que nous aurons l’occasion d’entendre les gens aux libérations conditionnelles et de demander pourquoi ce ne serait pas actuellement le cas.

Ma question porte sur la Charte canadienne des droits des victimes, et j’ai ensuite une sous-question sur la définition d’une victime, particulièrement dans le cas d’un enfant. Mme Freeman est l’enfant de la personne qui a été assassinée. Je voudrais qu’on arrive à bien définir ce qu’est une victime.

Ma première question est la suivante : pourquoi modifier la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition plutôt que de modifier la Loi sur la Charte des droits des victimes? Vous allez peut-être me dire que vous ne voulez pas y toucher, car elle est quasi constitutionnelle, mais cette charte est plus large. Elle prévoit déjà le droit à l’information et une définition de victime plus large que celle à laquelle votre projet de loi fait référence. Je veux vous entendre sur votre choix d’aller vers ces modifications plutôt que d’aller vers la Charte canadienne des droits des victimes. Vous avez certainement pensé à cela et vous devez sûrement avoir une raison.

On parlera ensuite de la deuxième partie de ma question sur ce qu’est exactement une victime. Mon but est justement d’avoir une notion élargie de la définition de victime et d’inclure aussi les familles, pas seulement la victime au premier degré, mais toute personne qui a le droit d’être informée de ce qui se passe dans un dossier. Je voudrais vous entendre sur la notion de victime qui, pour moi, doit inclure de façon élargie la famille, notamment les enfants. Ce n’est pas ce que je comprends de la définition de « victime » figurant dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, contrairement à la définition figurant dans la Charte canadienne des droits des victimes.

Je m’arrête là. Merci pour vos réponses.

[Traduction]

M. Carrie : Merci, il s’agit d’une excellente question.

Je pense que la définition des victimes devrait être élargie. En parlant avec des victimes depuis de nombreuses années, et en lisant les témoignages des victimes dans le cadre de cette étude, il est tout à fait compréhensible que les membres de la famille soient traumatisés lorsqu’un événement de ce type se produit. Lorsqu’ils sont contactés par la Commission des libérations conditionnelles, celle-ci leur demande s’ils souhaitent réellement enregistrer. Mme Freeman pourrait probablement expliquer comment cela se passe. Mais certaines victimes sont tellement traumatisées qu’elles n’ont plus la force d’entamer la moindre démarche. Madame la sénatrice, cela peut changer au fil des ans. Quelle est l’étape suivante si une victime se dit : « Non, je ne veux pas m’occuper de ça. Je ne veux pas avoir affaire à vous. C’est horrible. Je ne peux pas m’occuper de ça maintenant. » Ces victimes ne souhaitent donc pas participer au système injuste tel qu’il existe à l’heure actuelle. Quel est le suivi par rapport aux victimes? Y a-t-il même un suivi? Jusqu’où va la victimisation?

Dans la situation de Mme Freeman, vous avez un père, vous avez des gens qui l’aimaient et qui étaient ses amis, des membres de sa famille. Je ne sais pas vraiment, et ce n’est pas mon expertise, comment définir cela, mais je pense que nous pourrons trouver une meilleure définition si nous commençons à écouter les victimes réelles et à voir ce qu’elles ont à dire. Cela a-t-il répondu à vos deux questions?

[Français]

La sénatrice Oudar : J’aimerais vous entendre aussi sur la notion du choix du véhicule législatif, soit la Charte canadienne des droits des victimes, par rapport à la modification de la loi que vous avez choisie. Qu’est-ce qui vous a amené à choisir de modifier la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition?

[Traduction]

M. Carrie : À l’origine, je voulais en faire beaucoup plus parce que j’ai commencé à écouter les victimes, et elles voulaient parler, elles cherchaient quelqu’un. Je voulais tout remettre à plat, mais la réalité a commencé à s’imposer, car même autour de cette table, si nous commencions à parler de ces réformes, je parie que nous aurions des opinions différentes et que nous serions d’accord sur beaucoup de choses, mais cela se résume à des votes. C’est ainsi que fonctionne malheureusement notre système judiciaire.

En écoutant les victimes pendant plusieurs années et en discutant avec mes collègues d’en face, je me suis demandé ce que nous pouvions faire maintenant. Ce rapport a été rédigé en décembre 2022, soit il y a deux ans. Où en sommes-nous? Nous avons reçu quoi, 15 recommandations? Connaissant le fonctionnement de ce Parlement, et connaissant Mme Freeman, je répète qu’elle a été l’inspiratrice qui a voulu faire quelque chose qui ferait une différence non pas nécessairement pour elle, mais pour les familles à l’avenir. Nous avons donc décidé de restreindre ce que nous demandions, et je pense que le fait qu’elle soit ici avec moi aujourd’hui témoigne de l’efficacité de cette stratégie.

[Français]

La sénatrice Audette : [mots prononcés en innu-aimun]. Je vous remercie de votre courage et de partager vos vérités avec nous. Maintenant que votre message est arrivé autour de cette table, on devient responsable. Dans ma culture innue, c’est ainsi.

Il a fallu que je vive certaines expériences auprès de femmes autochtones pour comprendre la complexité de ce qu’on appelle le Québec, le gouvernement du Québec, son système de justice ou de prise de décision, comment les différents cas seront traités, comment vont vivre les victimes et les décisions des juges. Par la suite, j’apprends qu’au fédéral, il n’y a pas d’information qui est communiquée lorsqu’une décision est prise et que la personne est incarcérée dans une institution. C’est le néant total. Je pensais que les victimes avaient ce droit, qui est un droit nécessaire.

Au cours des années, avez-vous appris si d’autres provinces ou territoires ont des approches pour informer les victimes d’acte criminel? Ma question est très large. Il est dommage de travailler ainsi en silo. On aimerait faire de grands changements. Toutefois, on nous apporte quelque chose de très précis. Vous méritez la guérison. Maintenant, il existe une loi au Québec que l’on appelle « family of the heart ». C’est pour les gens qui ne sont pas un enfant, mais une sœur, un frère ou un cousin d’une victime. Avez-vous fait ce genre de réflexion qui pourrait amener des recommandations? C’est ma première question.

Madame Freeman, je trouve dommage que ce soit les victimes qui doivent faire de la pédagogie pour aider d’autres victimes à comprendre ce système complexe. J’aimerais que ce soit noté dans notre procès-verbal. Nous devrions voir plus grand et agir dans les prochains mois pour soutenir ce système qui doit faire son travail; cela ne devrait pas être la responsabilité de toutes ces femmes et tous ces hommes qui ont perdu des êtres chers. J’en ai vu trop souvent. Je vous remercie.

[Traduction]

Mme Freeman : Il s’agit de questions fort pertinentes. Je vais commencer par répondre à votre dernière question, qui est plus fraîche dans ma mémoire.

C’est tout à fait exact. Je participe à des ateliers, et je fais ce que je peux. Je travaille dans le secteur des soins infirmiers, étant très travaillante de nature, et mes enfants me tiennent très occupée. J’organise des ateliers sur la manière de rédiger des déclarations d’impact plus solides. Mes trois mots d’ordre sont les suivants : Engagement, sensibilisation et responsabilisation. Les professionnels avec qui je fais affaire se montrent particulièrement sensibles aux défis auxquels les victimes font face. C’est la population canadienne dans son ensemble qu’il faut sensibiliser davantage, car beaucoup de gens pourtant bien intentionnés n’ont aucune idée de ce que c’est que d’être victime d’un crime.

Je suis prête à organiser tout ce que je peux avec ceux qui peuvent m’aider à le faire à plus grande échelle, mais je ne suis qu’une seule personne, et je tends à disperser mes énergies dans toutes sortes de projets, ce qui n’est pas grave, je ne me plains pas parce que j’aide beaucoup de gens tout le temps. Je comble simplement un vide qui n’existe pas. Il faut s’intéresser sincèrement à ce genre d’enjeux. Qu’est-ce qui nous manque?

La Commission des libérations conditionnelles du Canada dit aux victimes d’actes criminels qu’elle les écoute, mais ce n’est pas le cas. Parce que j’ai dû sortir du système pour me faire entendre. Je me tiens devant vous aujourd’hui. J’ai dû sortir de ce système. Et ils aident les gens avec des déclarations d’impact sur les victimes. Et je leur réponds de ne pas emprunter ce chemin, que ce ne sont pas les bonnes personnes parce qu’elles ne comprennent pas réellement les souffrances des victimes. Tout ce que je vous dis ne provient d’aucun manuel, cela vient du cœur et des expériences douloureuses que j’ai vécues.

Je suis donc toujours prête à conseiller n’importe quel comité pour aider les gens, parce que je souhaite honorer mon héritage et la mémoire de mon père, bien entendu. Tout ce que nous demandons, tout ce dont je vous ai parlé aujourd’hui, rien ne m’aidera. Je suis à la fin de la procédure de libération conditionnelle, à moins qu’elle ne soit à nouveau refusée. Elle a déjà été refusée deux fois. Je suis rendue à la fin du processus, mais cela ne veut pas dire que je vais m’arrêter parce qu’il y a encore beaucoup de travail à faire.

Vous avez mentionné la déclaration des droits des victimes, qui a besoin d’une révision complète. C’est sur elle que je comptais pour me protéger. Depuis que la libération conditionnelle est en cours depuis 2012, je n’ai eu aucun droit à l’information, aucun droit à la participation. En raison des restrictions mises en place pendant la pandémie, je n’avais aucun droit. Le délinquant avait tous les droits. Il a pu avoir des audiences avec son équipe de soutien. Je n’ai pas pu participer à ces auditions. Et je me suis dit la chose suivante : « Je travaille dans le domaine des soins infirmiers. Je peux porter des équipements de protection individuelle et me tenir à une distance de deux mètres de n’importe qui. Je sais comment faire. » Ils n’ont toujours pas voulu me laisser partir, mais les auditions se sont poursuivies. Mon combat pour le droit à l’information explique donc ma présence parmi vous aujourd’hui.

Je suis ouverte à tout, et je suis prête à faire tout ce que je peux pour que les gens n’aient pas à emprunter cet horrible chemin comme je l’ai fait. En 1991, lorsque mon père a été tué, il n’y avait pas de services d’aide aux victimes. J’ai eu la chance d’avoir une sœur aînée formidable et un détective très investi qui nous a pris sous son aile. Aujourd’hui, il y a beaucoup d’endroits où l’on peut trouver de l’aide. Mais en même temps, ils ne semblent pas avoir les bons outils parce qu’il leur manque des choses que les victimes de la criminalité et moi-même connaissons. Nous le savons; nous marchons ensemble tous les jours.

Voilà donc ma réponse à la seconde question, mais je ne me souviens pas de la première.

Ah oui, il s’agit de la question des autres provinces. Je ne sais pas, je n’ai aucune idée des autres provinces. Il est certain qu’il existe des groupes de soutien aux victimes d’homicide. J’ai dirigé le premier de ces groupes en Ontario avec les services d’aide aux victimes de la région de York, qui n’était pas financée par le gouvernement; c’est un donateur qui a donné l’argent nécessaire à son fonctionnement. Ils sont peu nombreux et très éloignés les uns des autres. Il existe des communautés de survivants, de personnes touchées par un homicide, qui se réunissent. J’apporte mon aide là où je peux, mais je ne connais pas d’autres provinces qui aient mis en place quelque chose pour aider les gens.

La vice-présidente : Merci beaucoup.

Avant de céder la parole au prochain intervenant sur la liste, je souhaite moi-même vous poser une question, madame Freeman. Pourriez-vous nous parler de votre père? Il semble vous avoir énormément inspiré dans vos combats. Vous êtes vous-même une grande source d’inspiration pour M. Carrie, mais d’après ce qui ressort de votre témoignage, c’est votre père qui est votre source d’inspiration.

Mme Freeman : Mon père s’appelait Roland Slingerland. Ayant servi dans la marine, il était à bord du premier navire à avoir contourné le passage du Nord-Ouest. En grandissant, nous pensions toujours qu’il racontait des histoires à dormir debout, mais elles étaient toutes vraies et elles figurent dans les livres d’histoire. J’aurais aimé l’avoir plus longtemps, mais je l’ai eu jusqu’à l’âge de 21 ans. Mon père a eu quatre filles. Nous sommes une famille de filles.

Comme indiqué, le crime était centré sur une femme qu’il avait aidé à déplacer parce que l’auteur de l’infraction la battait. Bien entendu, il n’allait pas abandonner l’endroit où elle avait été déplacée. Il avait quatre filles et n’aurait jamais fait cela.

Mon père était un homme serein et intelligent. Il nous manque énormément. Il a eu un impact important sur la ville d’Oshawa parce qu’il travaillait pour la ville. Tout le monde le connaissait. Ma mère dirigeait l’hôtel local et tout le monde connaissait mes parents. Ce fut une perte énorme pour la communauté, une perte qui se fait d’ailleurs encore sentir aujourd’hui. Lorsque je suis arrivée pour prendre le train, il y avait un bâtiment appelé PK Welding. Il était tôlier lui aussi, et l’enseigne de l’entreprise qu’il avait installée il y a des décennies tient toujours en place. Je me suis alors dit: « D’accord, papa. Je vais à Ottawa. ».

La vice-présidente : Je suis également issue d’une famille de quatre filles, tout comme la sénatrice Pate. Drôle de coïncidence.

La sénatrice Clement : Il est important que les gens disent leur nom, et je vous en remercie. Je vous remercie.

Je suis devenue avocate en 1991 et je me souviens de cette époque. Je travaillais alors comme avocate à l’aide juridique. Il n’y avait pas de services aux victimes à l’époque. Je représentais les gens devant la Commission d’indemnisation des victimes d’actes criminels, avec toutes les limitations que cela comportait et comporte encore. Beaucoup de mes clients n’avaient pas les moyens de faire grand-chose.

J’aimerais vous poser une autre question, sur vos livres, car vous êtes également auteure. Vous avez écrit deux livres. Il s’est écoulé un certain temps entre ces deux ouvrages. Pourriez-vous expliquer en quoi ils ont contribué à répondre à certaines des questions auxquelles vous avez répondu aujourd’hui?

Mme Freeman : Mon premier livre a été publié en 2016, et s’intitule She Won’t Be Silenced. En fait, c’est ma mère qui a trouvé ce titre. Entre le moment du crime et le début de la libération conditionnelle, je n’en parlais à personne. Les personnes les plus proches de moi ne savaient pas que mon père avait été assassiné. Je ne voulais pas qu’ils le sachent. Je suis une personne très discrète. C’était jusqu’à ce que je me rende à la première audience de libération conditionnelle pour les permissions de sortir sous escorte. C’était la première fois que je voyais le meurtrier depuis le procès. La Commission des libérations conditionnelles du Canada m’a présenté à deux reprises par mon nom complet devant cet homme.

À mon retour à Oshawa, je me suis plaint. J’ai dit: « Je suis désolée, ce n’est pas bien. Vous ne devriez pas faire cela. Vous devriez me demander comment je veux être présentée. » On m’a répondu que c’était son droit de savoir qui se plaignait de lui. Et maintenant? Je ne veux pas faire ça, mais je vais devoir aller sur le terrain et essayer de changer les choses. Les choses ont changé par l’intermédiaire du bureau du médiateur. Selon la loi, ils doivent maintenant vous demander comment vous voulez qu’on s’adresse à vous. Il s’agit en fait d’un progrès considérable.

En ce qui concerne l’intervalle de temps, l’histoire était toujours active. La procédure de libération conditionnelle a été longue.

J’ai publié le deuxième livre cette année.

La sénatrice Clement : Récemment?

Mme Freeman : Je crois que c’était au mois d’avril. Mon second livre s’intitule Time Served parce que j’ai purgé une peine pour un crime que je n’ai pas commis. J’ai purgé ma peine. Et l’histoire n’est pas terminée.

Un troisième livre sortira probablement au printemps, intitulé The Pearl Necklace and Other Accessories of Grief, et qui porte principalement sur la rédaction de déclarations d’impact. La plupart des victimes ne savent malheureusement pas comment rédiger une déclaration d’impact. Il y a aussi des histoires que j’ai rassemblées. J’ai également inclus un manuel sur la façon de rédiger une déclaration d’impact en bonne et due forme.

Le décalage entre la publication de mes livres est dû au fait que je dois travailler pour gagner ma vie, et que j’ai jugé bon d’attendre le bon moment. L’année dernière, j’ai commencé à l’écrire, et le livre a pu être publié dès le début de cette année.

La sénatrice Clement : Merci beaucoup de nous avoir parlé.

La vice-présidente : Ce fut une heure très instructive. Je tiens à remercier nos témoins d’avoir pris le temps d’être avec nous aujourd’hui et d’avoir répondu à nos questions.

Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-320, avec notre deuxième groupe de témoins. Premièrement, du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, nous accueillons M. Chad Westmacott, directeur général de la sécurité communautaire, des services correctionnels et de la justice pénale au Secteur de la prévention du crime. Deuxièmement, du Service correctionnel du Canada, nous accueillons Mme Kirstan Gagnon, commissaire adjointe au Secteur des affaires publiques, culture et engagement; Mme Katherine Belhumeur, directrice générale de la Direction des programmes pour délinquants et de la réinsertion sociale, Secteur des opérations et des programmes correctionnels; Mme Katherine Cole, directrice principale, Victimes, inclusion et engagement, Secteur des affaires publiques, culture et engagement. Enfin, de la Commission des libérations conditionnelles du Canada, nous avons M. Lawrence Chow, directeur général de la Division des politiques, de la planification et des opérations. Merci beaucoup de votre présence aujourd’hui.

Nous commençons par Mme Kirstan Gagnon, qui fera sa déclaration préliminaire. La parole est à vous pour cinq minutes. Commencez quand vous serez prête.

[Français]

Kirstan Gagnon, commissaire adjointe, Secteur des affaires publiques, de la culture et de l’engagement, Service correctionnel Canada : Je vous remercie de me permettre de comparaître devant vous aujourd’hui pour discuter du projet de loi C-320.

Je m’appelle Kirstan Gagnon et je suis commissaire adjointe des affaires publiques, de la culture et de l’engagement au Service correctionnel du Canada. Je suis responsable du Programme national des services aux victimes et du programme Possibilités de justice réparatrice.

Je tiens tout d’abord à reconnaître que nous sommes réunis sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.

Je suis heureuse d’être accompagnée aujourd’hui de Katherine Cole, Katherine Belhumeur, Lawrence Chow et Chad Westmacott.

Ensemble, nous contribuons tous et toutes à soutenir les victimes et les survivants d’actes criminels.

[Traduction]

Les victimes ont été et continuent d’être un élément important du travail du Service correctionnel du Canada alors que nous faisons respecter la loi et nous nous acquittons de notre mandat. Dans ce contexte, le SCC s’efforce tous les jours de veiller à ce que les victimes et survivants d’actes criminels, ainsi que leurs familles, soient traités avec équité, dignité et respect.

À l’heure actuelle, nous comptons plus de 9 000 victimes inscrites qui reçoivent des renseignements au sujet du délinquant qui leur a causé du tort. Je suis fière de notre programme ainsi que de nos agents des services aux victimes qui, partout au Canada, utilisent chaque jour une approche tenant compte des traumatismes pour assurer la liaison avec les victimes.

Ce travail peut être difficile et ils font de l’excellent travail. Ils aident à fournir des renseignements, à répondre aux questions, à chercher à obtenir des commentaires et à faciliter la participation des victimes. Chaque victime a des demandes et des besoins qui lui sont propres, et nous travaillons avec chacune d’entre elles pour veiller à ce que leurs droits soient respectés à toutes les étapes du processus. Plus important encore, les victimes peuvent décider des renseignements dont elles ont besoin, quand elles souhaitent les recevoir et comment. Elles peuvent modifier leurs préférences en tout temps.

L’an dernier, nous avons effectué plus de 46 000 notifications à des victimes, leur fournissant différents renseignements, y compris des renseignements sur les transfèrements, les permissions de sortir, les placements à l’extérieur, les mises en liberté sous condition, les dates de libération et les conditions. Les victimes sont aussi invitées à exercer leur droit à la participation en exprimant leurs préoccupations au sujet de transfèrements potentiels. Cela contribue à orienter la prise de décisions.

Le SCC traite environ 1 500 déclarations de la victime chaque année. Les victimes sont aussi invitées à mettre à jour leur déclaration en fonction des changements dans leur vie. Le nombre de victimes qui choisissent de recevoir des renseignements du SCC continue de croître, et nous croyons que le nombre d’inscriptions continuera d’augmenter à la suite de l’entrée en vigueur récente d’un article révisé du Code criminel. Les tribunaux devront maintenant envoyer au SCC le nom et les coordonnées de toutes les victimes qui souhaitent recevoir des renseignements au sujet du délinquant qui leur a causé du tort.

Ce changement résulte de l’adoption de l’ancien projet de loi S-12, et permettra d’assurer une plus grande continuité des services aux victimes, car auparavant, nous n’avions aucun moyen de communiquer avec les victimes de façon proactive après la détermination de la peine.

Il y a un an aujourd’hui, nous comparaissions devant un différent comité parlementaire pour répondre à des questions au sujet de ce même projet de loi. Nous sommes heureux de souligner que depuis, le SCC a mis en œuvre diverses nouvelles initiatives liées à notre mode de prestation des services aux victimes. Par exemple, nous avons déployé des efforts pour assurer une participation accrue des victimes avant la prise de décisions concernant le transfèrement de délinquants. Nous avons également mis en place un nouveau formulaire comme solution de rechange à la déclaration de la victime. Il est donc plus facile pour les victimes d’exprimer leurs principales préoccupations et leurs restrictions géographiques. En outre, nous avons assuré une communication plus directe avec les victimes au sujet de leurs plaintes au SCC. Cela comprend souvent la tenue de plusieurs rencontres avec les victimes pour mieux comprendre leurs préoccupations et y répondre. Cela nous aide beaucoup à leur offrir un service plus personnalisé.

Nous avons tenu plusieurs rencontres avec tous les services aux victimes et les services des poursuites des provinces et territoires pour renforcer la continuité des services aux victimes et mettre en œuvre l’article révisé du Code criminel.

Je suis également ravie de souligner que nous avons intensifié nos efforts de sensibilisation auprès des communautés autochtones, noires et autres communautés racisées pour veiller à ce que leurs membres connaissent nos services ainsi que leurs droits en tant que victimes d’actes criminels.

En outre, le SCC entretient des liens continus avec les victimes par l’intermédiaire de ses comités consultatifs régionaux sur les victimes. Il s’agit de victimes d’actes criminels qui nous fournissent des conseils en permanence sur nos programmes et nos services.

Au début de cette année, nous avons lancé le Comité multidisciplinaire sur les victimes, qui est composé de victimes et de survivants d’actes criminels. L’ombudsman des victimes d’actes criminels a agi à titre d’observateur au sein de ce comité. Nous avons eu des discussions très productives et le comité multidisciplinaire a formulé une série de recommandations et d’observations sur nos services. Nous avons établi un plan d’action pluriannuel pour répondre à toutes ces recommandations. Le rapport complet est disponible sur notre site Web, si cela vous intéresse.

Sécurité publique Canada continue d’organiser des tables rondes nationales sur les victimes. Ces tables rondes offrent à nos partenaires d’importantes occasions de rencontrer les victimes et les organismes d’aide aux victimes. Cela peut comprendre la tenue de discussions approfondies sur la façon d’améliorer la capacité des victimes d’exercer leurs droits au sein du système correctionnel fédéral et du système de mise en liberté sous condition, et de renforcer la sensibilisation à la Charte canadienne des droits des victimes.

Nous tirons parti de ces occasions pour en apprendre davantage afin de veiller à ce que le Service correctionnel du Canada offre aux victimes des services adaptés à la culture et tenant compte des traumatismes.

En conclusion, le Service correctionnel du Canada est déterminé à soutenir les victimes d’actes criminels. Nous sommes également déterminés et ouverts à apporter continuellement des améliorations pour accroître la transparence et la participation. C’est avec plaisir que nous répondrons à vos questions. Merci.

La vice-présidente : Merci beaucoup pour votre déclaration préliminaire, madame Gagnon.

Le sénateur Prosper : Je vous remercie toutes et tous de votre présence. Je voudrais poursuivre avec vous, madame Gagnon. Vous avez donné beaucoup de détails sur les services que vous offrez et sur les améliorations notables que vous avez faites dans la dernière année. Pouvez-vous me donner votre avis sur le projet de loi C-320? Êtes-vous d’accord avec ce projet de loi? Selon vous, améliorera-t-il la transparence pour les victimes et répondra-t-il à leurs besoins?

Mme Gagnon : Actuellement, nous respectons les dispositions de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. La sénatrice Pate a raison de dire qu’actuellement, nous fournissons des renseignements sur le calcul de la peine et les dates d’admissibilité. Il existe un livret à ce sujet pour aider les victimes. Je pense que cela ne peut pas faire de tort de fournir des explications plus approfondies aux victimes qui le souhaitent. C’est un aspect très technique. Nous sommes tout à fait disposés à renseigner les gens qui souhaitent en savoir davantage.

Le sénateur Prosper : Simplement à partir de ce témoignage, à savoir que cela ne peut pas faire de tort, puis-je déduire que vous êtes d’accord avec l’objet du projet de loi?

Mme Gagnon : Oui, certainement.

Le sénateur Prosper : Merci.

La vice-présidente : Madame Gagnon, dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit avoir témoigné au sujet de ce projet de loi il y a un an. Je suppose que c’était au comité de la Chambre des communes. Est-ce dans la foulée de ce projet de loi que vous avez mis en place les mesures supplémentaires dont vous avez parlé pour la participation accrue des victimes et la communication plus directe avec les victimes? Veuillez nous en dire davantage à ce sujet, notamment si ces mesures sont en réponse au projet de loi.

Mme Gagnon : Notre programme est relativement petit. Nous cherchons toujours à améliorer le processus. Nous recevons beaucoup de commentaires des victimes et des groupes de victimes. Nous avons mis en place un mécanisme de plainte. Chaque année, nous ne recevons pas des tonnes de plaintes, mais plutôt 10 ou 14, environ, et nous en tirons des enseignements. Nous prenons des mesures s’il existe une tendance ou un problème systémique qui touche les victimes, et nous œuvrons pour y remédier.

L’été dernier, bien franchement, nous avons constaté une méconnaissance de la classification de sécurité et des transfèrements chez les Canadiens et les victimes, notamment du fonctionnement, du déroulement et de la signification du processus, et de la façon dont nous assurons la sécurité publique dans ce contexte plus large.

Nous avons fait énormément de travail sur ce plan. À partir de là, nous avons mis en place les comités sur les victimes, auxquels siègent des victimes, pour connaître les mesures supplémentaires à prendre pour clarifier les choses pour les victimes, leur fournir des explications et communiquer de manière plus précoce avec les victimes avant qu’un transfèrement ait lieu. Nous avons entrepris ces mesures, et c’est à cela que nous œuvrons actuellement.

La vice-présidente : Très bien.

Mme Gagnon : Je montrais à la sénatrice Pate le nouveau livret sur les niveaux de sécurité des établissements que nous avons élaboré en réponse à une demande des victimes, car elles ne comprenaient pas vraiment ce qu’était la sécurité minimale. Qu’est-ce que la sécurité moyenne et la sécurité maximale? Quelles sont les conditions à l’intérieur de l’établissement? Comment cela fonctionne-t-il? Nous voulions mieux renseigner les victimes à ce sujet. Voilà quelques exemples.

La vice-présidente : Pourriez-vous fournir ce livret au greffier du comité, afin que les membres du comité puissent en avoir un exemplaire?

Mme Gagnon : Avec plaisir.

La vice-présidente : Je ne sais pas si vous avez assisté à la première heure de témoignages, mais Mme Freeman a mentionné qu’elle a récemment été informée d’une décision interne et qu’elle sera informée du résultat au cours du mois de décembre. Je sais que vous ne pouvez pas commenter des cas précis, mais cela fait-il partie des améliorations à apporter sur le plan de la communication avec les victimes, dont vous venez de parler? Est-ce une question distincte?

Mme Gagnon : Je pense qu’elle faisait référence à une audience de la Commission des libérations conditionnelles, alors je vais laisser mon collègue répondre à cette question.

Lawrence Chow, directeur général, Division des politiques, de la planification et des opérations, Commission des libérations conditionnelles du Canada : Oui, nous sommes conscients de l’importance d’informer les victimes des dates et des décisions, etc., en temps opportun. Notre travail auprès des victimes se fait selon une approche tenant compte des traumatismes. La Commission des libérations conditionnelles du Canada a une équipe d’agents régionaux des communications très dévoués et bien formés qui travaillent avec les victimes.

Lorsque nous communiquons avec les victimes par courrier, téléphone ou tout autre moyen, nous tenons compte de ce que l’on appelle les dates ayant une signification particulière, comme les périodes de vacances, les dates auxquelles le crime a eu lieu, ou d’autres dates significatives pour la victime avec laquelle nous communiquons. Oui, tous ces facteurs sont absolument pris en compte.

La vice-présidente : Comment une approche tenant compte des traumatismes peut-elle fonctionner lorsque la famille de la victime, comme nous l’avons entendu, vient d’apprendre qu’elle sera informée du résultat d’une décision interne au mois de décembre? C’est en plein dans la période des fêtes de fin d’année, la période de Noël. En plus, c’est la seule information qui a été reçue. Cela vous semble-t-il conforme à votre approche tenant compte de traumatismes, ou non?

M. Chow : Oui, en un sens. Pouvons-nous faire mieux? Absolument. Nous poursuivons nos efforts en ce sens, en essayant de trouver un équilibre entre la nécessité de tenir les victimes informées pour qu’elles aient tous les renseignements longtemps à l’avance, le plus tôt possible, mais nous tenons également compte des dates pouvant avoir une signification particulière. Pourrions-nous faire mieux? Absolument.

De notre côté, nous cherchons à trouver le juste équilibre entre la nécessité d’informer les victimes informées des progrès ou des échéances législatives que nous devons respecter et le moment où nous devons communiquer avec les victimes pour leur donner les informations dont elles ont besoin au préalable pour mieux se préparer.

[Français]

Le sénateur Moreau : Madame Gagnon, j’écoute votre témoignage et j’ai l’impression d’être sur une planète totalement différente que celle sur laquelle s’est malheureusement retrouvée Mme Freeman. Est-ce que vous entrez systématiquement en communication avec les victimes associées à chaque crime pour lequel les gens sont détenus à l’intérieur du système correctionnel dans le cas de l’admissibilité aux libérations conditionnelles, ou à la date de remise en liberté, ou à la date d’admissibilité d’examen applicable aux permissions de sortir? Est-ce que vous communiquez systématiquement ces informations aux victimes?

Mme Gagnon : Oui, je peux vous confirmer qu’on communique systématiquement ces informations aux victimes enregistrées avec nous. Des lettres sont envoyées aux victimes et contiennent toutes ces informations. Ce qui est important et primordial, c’est d’utiliser la déclaration des victimes afin qu’on sache s’il y a des restrictions géographiques, par exemple. On partage plus de communication pour que les victimes soient au courant, parce que parfois, le crime a eu lieu il y a 30 ans et les victimes n’ont peut-être jamais mis leur déclaration à jour. C’est très important de le faire. Avec le nouveau processus, on peut recueillir toutes les nouvelles informations. C’est une amélioration importante au processus.

Le sénateur Moreau : Quels sont les efforts que vous déployez pour vous assurer, par exemple, de communiquer l’importance de cette déclaration auprès des victimes? Quelles sont vos ressources pour cela?

Mme Gagnon : On le fait à plusieurs reprises. Le système est conçu de manière à respecter ce que les victimes veulent. Par exemple, certaines victimes ne veulent pas recevoir d’information, alors que d’autres en veulent beaucoup. J’ai parlé avec Mme Freeman. Il est important pour elle d’avoir beaucoup d’information. Certaines autres victimes se situent au milieu.

Certaines victimes veulent obtenir ces informations par téléphone, d’autres par lettre, d’autres par portail. On tente d’accommoder ce que souhaitent les victimes en ce qui a trait à leur participation dans le processus. L’information est assez détaillée. Lorsque les victimes ont subi des traumatismes, cela peut prendre plusieurs tentatives avant de communiquer l’information. Nous avons des agents pour les soutenir dans ce processus; ils leur parlent au téléphone, leur donnent des précisions sur les informations ou leur rappellent les faits importants. C’est un travail qui se fait de multiples façons, selon les besoins des victimes.

Le sénateur Moreau : Le député Carrie nous disait qu’on ajoute 10 mots. Est-ce que le fait d’ajouter ces 10 mots va changer d’une manière quelconque l’approche que vous avez? Cette modification imposera-t-elle des obligations que vous n’avez pas à l’heure actuelle?

Mme Gagnon : Non.

Le sénateur Moreau : Pensez-vous que ces modifications risquent de vous imposer de transmettre à des victimes des communications qu’elles ne souhaitent pas recevoir?

Mme Gagnon : La loi est rédigée en précisant « sur demande » dans toute la section.

De plus, une lettre leur est envoyée avant que les victimes ne soient enregistrées, car elles sont peut-être venues nous voir et elles étaient peut-être intéressées à mieux connaître certains services. La lettre est assez détaillée. Elle donne beaucoup d’informations par rapport aux détenus.

Le sénateur Moreau : Pourriez-vous remettre au greffier du comité un exemple de cette lettre?

Mme Gagnon : Tout à fait. Il y a trois gabarits.

Une autre lettre leur est envoyée après qu’elles se sont enregistrées avec des informations similaires. Finalement, une troisième lettre leur est envoyée si jamais la situation du détenu change. Par exemple, d’autres chefs d’accusation peuvent s’ajouter à leur dossier et cela pourrait augmenter la durée de leur sentence. Dans cette lettre, on peut préciser s’il y a des changements dans le calcul de leur date d’admissibilité, par exemple.

Le sénateur Moreau : Très bien. Pourriez-vous fournir les trois gabarits?

Mme Gagnon : Absolument.

Le sénateur Moreau : Je vous remercie.

Mme Gagnon : J’aimerais ajouter un commentaire.

On essaie de garder un langage assez simple et familier pour que ce soit facile à comprendre. Toutefois, comme je l’ai dit, si certaines victimes veulent comprendre tous les calculs et comment tout cela fonctionne, on a des gens qui travaillent aux opérations qui font ces calculs. C’est assez technique, mais il y a des gens qui peuvent le faire au besoin.

Le sénateur Moreau : Je vous remercie, madame Gagnon.

La sénatrice Audette : Je vous remercie de votre présentation en français. Je l’apprécie énormément.

Je viens avec beaucoup de bonne volonté. Si j’utilise des mots qui vous blessent, je m’en excuse d’avance.

Pour moi, vouloir de l’information est un droit. La personne avant nous est dans son droit de recevoir des informations. Votre collègue M. Chow a parlé de l’approche tenant compte des traumatismes.

Au Québec, après une décision de la cour, lorsqu’une victime discute avec une équipe au bout du fil ou en cour pour qu’on lui explique ses droits en tant que victime, les programmes et les services disponibles, l’approche est délicate et sensible. Lorsqu’on m’informe de mes droits, des programmes et des services, je peux accepter ou refuser.

Lorsque cette victime revit cette situation, mais qu’elle a affaire avec le fédéral, personne ne l’informe. Elle ne saura même pas qu’elle doit s’enregistrer sur le site Web de Service correctionnel Canada pour recevoir l’information. De plus, il s’agit d’un formulaire de six pages, alors que le CAVAC utilise un formulaire d’une seule page où la victime partage sa vérité. Est-ce loin de l’approche tenant compte des traumatismes? Les personnes doivent réexpliquer dans des formulaires compliqués ce qu’elles ont vécu pour qu’elles puissent être enregistrées ensuite dans le registre des victimes. Il y a là un effort qui manque et on pourrait changer les choses, ce qui permettrait d’avoir un plus grand bassin de personnes ayant le droit d’avoir de l’information sur le cheminement d’un dossier.

Mme Gagnon : Le projet de loi S-12 changera les choses. C’est souvent difficile pour nous de joindre des victimes.

La sénatrice Audette : Les victimes, vous savez où elles sont : en cour. Il y a une décision. On sait très bien quelle personne a reçu une décision. On a trouvé ces femmes à la Cour du Québec.

Mme Gagnon : À Service correctionnel Canada, il est sûr qu’on les rejoint une fois qu’elles sont dans le système. Cela vient peut-être avec les rôles. Toutefois, on travaille avec les provinces et territoires pour apprendre d’eux et simplifier les procédures là où c’est possible.

Il y a aussi les services aux victimes municipaux, provinciaux et fédéraux. Il existe plusieurs niveaux. On essaie de faire ce qu’on peut pour simplifier les procédures et faciliter le processus.

Le projet de loi nous aidera, parce que nous communiquerons plus facilement avec les victimes et nous leur ferons connaître nos services plus efficacement. Si on doit les aider encore plus, on est ouvert à le faire. Le nouveau formulaire nous aidera. Elles ne seront pas obligées de décrire le crime.

Parfois, il s’agit d’une considération particulière. Par exemple, le détenu a déménagé, il habite maintenant à Kingston et il ne peut plus venir à l’établissement de l’autre côté de la rue. Il est important pour nous de le savoir pour prendre cela en considération lors des transferts.

La sénatrice Audette : Je vous remercie.

[Traduction]

La vice-présidente : J’aimerais simplement poser une question à M. Chow, de la Commission des libérations conditionnelles du Canada. Dans quelle mesure le ministre porte-t-il attention à cette question? Quelles directives, le cas échéant, ont été données afin que les pratiques de la Commission des libérations conditionnelles du Canada soient mieux adaptées au bien-être et aux besoins des victimes?

M. Chow : Madame la présidente, je ne peux pas me prononcer sur ce que pense le ministre en ce moment. Je peux toutefois dire que la Commission des libérations conditionnelles du Canada est, par définition, un tribunal administratif indépendant, de sorte que le ministre ne peut pas lui donner des directives quant à la prise de décisions, etc. Nous rappelons souvent au public que la commission agit en toute indépendance.

La vice-présidente : Oui, pour ce qui est des décisions, mais qu’en est-il pour les aspects que j’ai mentionnés dans ma question?

Je suppose, puisque vous dites ne pas pouvoir vous prononcer sur ce que pense le ministre, que cela signifie qu’aucune directive concernant les victimes n’a été émise, même si ces problèmes récurrents continuent d’être signalés.

M. Chow : Je peux dire que sur le plan des politiques, nous cherchons toujours des façons d’améliorer la reddition de comptes, la transparence, nos communications avec le public et l’obtention des commentaires des victimes.

Comme Mme Gagnon l’a mentionné plus tôt, nous travaillons en étroite collaboration avec le SCC et avec Sécurité publique Canada pour bon nombre de ces initiatives, notamment le comité multidisciplinaire sur les victimes dans le but d’obtenir des commentaires directement auprès des victimes et de personnes comme Mme Freeman. Nous cherchons à savoir où nous en sommes et à connaître nos lacunes pour améliorer notre système de manière proactive.

Par exemple, pour revenir au projet de loi dont nous sommes saisis, depuis les délibérations à ce sujet au Parlement, nous avons examiné nos pratiques afin de déterminer comment fournir ces renseignements et ces explications aux victimes de façon proactive avant toutes ces procédures, car rien ne nous en empêche pour le moment.

La vice-présidente : Fournissez-vous ces renseignements de manière proactive, ou non?

M. Chow : Nous n’en sommes pas encore là, mais nous travaillons à la communication de ces renseignements.

La vice-présidente : J’ai aussi une question pour M. Westmacott. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé des tables rondes qui sont organisées avec les victimes et les groupes de victimes par Sécurité publique Canada, ce que vous avez aussi mentionné lors de votre témoignage à la Chambre des communes à ce sujet.

Malgré cela, ces préoccupations se font persistantes, pas seulement par rapport à ce projet de loi, mais aussi concernant d’autres questions. Les victimes et les familles — dont Mme Freeman, aujourd’hui — disent avoir fortement l’impression de ne pas être entendues et informées comme elles le devraient. Si de telles tables rondes ont lieu régulièrement, comment expliquez-vous les préoccupations persistantes des victimes et de leurs familles? Elles ont l’impression d’être ignorées ou de ne pas être suffisamment informées.

Toujours à ce sujet, les préoccupations et les recommandations issues de ces tables rondes se rendent-elles au ministre? Quelles mesures concrètes à cet égard le ministre considère-t-il comme prioritaires?

Chad Westmacott, directeur général, Sécurité communautaire, des services correctionnels et de la justice pénale, Secteur de la prévention du crime, ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile du Canada : Merci beaucoup de votre question. Oui, absolument, le Bureau national pour les victimes d’actes criminels, qui relève de Sécurité publique Canada, tient ces tables rondes nationales. Nous en avons tenues plusieurs avant la COVID et avons recommencé à en organiser depuis.

Ces tables rondes sont l’occasion pour les victimes et les groupes de victimes de discuter avec nous de la façon dont la Charte canadienne des droits des victimes devrait être mise en œuvre et de la manière dont ils pourraient recevoir de l’information et mieux la recevoir. Nous avons pris un certain nombre de mesures à la suite des tables rondes, notamment en améliorant les publications et en facilitant la communication grâce au Portail des victimes et aux sites Web des victimes, qui sont hébergés sur le site du gouvernement du Canada.

Par exemple, une des publications, le document sur le calcul de la peine — c’est la version française parce que j’ai donné la version anglaise à Mme Freeman — qui a été publié, fournit beaucoup d’information sur divers scénarios de calcul des peines pour déterminer si une personne pourrait être admissible à diverses formes de libération conditionnelle et être libérée. Voilà un exemple d’initiatives qui ont découlé des tables rondes et des mesures que nous avons prises à ce chapitre.

La vice-présidente : Les rapports que vous recevez lors des tables rondes et les préoccupations et recommandations qui y sont exprimées sont-ils considérés comme une priorité pour le ministre? Comment cette information lui est-elle transmise?

M. Westmacott : Je dirais que cela dépend en fait de la mesure dont il est question. Si quelque chose nécessite l’attention du ministre, que ce soit par l’entremise d’information ou d’une décision, nous pourrions l’informer au moyen des divers mécanismes dont nous disposons, que ce soit une note de service ou des discussions bilatérales, et nous pourrions ainsi informer le ministre.

La vice-présidente : À quelle fréquence le faites-vous? Combien de fois les préoccupations ont-elles été suffisamment importantes pour que vous informiez le ministre de ce genre de choses?

M. Westmacott : Je dirais que nous le faisons quand il convient de le faire. Je pense que cela dépend... il y a toujours des documents qui sont transmis au ministre...

La vice-présidente : Sur les victimes. L’année dernière, combien de fois avez-vous informé le ministre de questions relatives aux victimes?

M. Westmacott : Je n’ai pas cette information en main, mais je dirais qu’au cours de la dernière année, nous l’avons informé un certain nombre de fois à propos de questions relatives aux victimes.

La vice-présidente : D’accord. Merci.

La sénatrice Pate : Merci, monsieur Westmacott, d’avoir produit le livret sur le calcul des peines pour informer les victimes. Je suis un peu mêlée maintenant parce que vous avez dit que l’information est venue des tables rondes, mais un tel livret a été publié il y a des décennies quand l’implication des victimes a été proposée pour la première fois dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Donc, cette mesure n’était-elle pas en vigueur depuis un certain temps? J’essaie de comprendre ce qui s’est passé. Ce n’était pas là que je devais commencer. Cette question m’est venue après que vous ayez répondu à la présidente.

Je m’intéresse à deux ou trois choses. Premièrement, d’après mon expérience avec les victimes, elles sont souvent très favorables à un processus de libération progressive quand elles comprennent que les gens seront supervisés dans la communauté pour les faire passer par le système. Il est toutefois compréhensible que si elles apprennent que la personne qui a fait du mal à leur être cher ou qui est responsable des blessures ou de la mort de quelqu’un sera libérée un jour donné, cette nouvelle engendre énormément de crainte, de confusion, de colère et d’autres émotions.

Il me semble qu’on pourrait procéder d’un certain nombre de manières. Par le passé, je sais qu’il y a eu des vidéocassettes et certainement des séances d’information, auxquelles des victimes et d’anciens détenus ayant fait du travail de réadaptation ont déjà participé. Je suis curieuse. Il semble que vous soyez nombreux à travailler à cet égard, mais je me demande quelle somme d’information est réellement communiquée aux gens.

Ma deuxième question, à laquelle vous pouvez ajouter quelque chose, est la suivante : selon ce que je vois dans ce projet de loi, bien qu’il soit bien intentionné et que ce soit important, car les choses ne se font pas, il ne contient rien que la loi actuelle ne permet pas déjà.

A-t-on envisagé de mettre en œuvre des mesures supplémentaires?

Mme Gagnon : Pour répondre à votre première question, nous comptons, parmi nos outils, le rapport d’étape du plan correctionnel, qui est envoyé aux victimes. Cela leur permet de voir le programme que suit le délinquant et les progrès qu’il réalise, et nous apportons des améliorations à la fin du document dans la section sur les prochaines étapes possibles. Par exemple, si un délinquant doit faire l’objet d’une réévaluation de sa cote de sécurité, les victimes peuvent savoir si une rencontre ou une audience de la Commission des libérations conditionnelles s’en vient. Elles savent donc qu’il y a une autre étape dans le processus. Cela les aide beaucoup.

Votre deuxième question concernait des séances de sensibilisation supplémentaires?

Katherine Cole, directrice principale, victimes, inclusion et engagement, Secteur des affaires publiques, culture et l’engagement, Service correctionnel Canada : Merci de votre question. Nous avons cinq bureaux régionaux de services aux victimes à l’échelle du pays et un bureau national de services aux victimes, pour un total de 50. Tous les bureaux participent à la sensibilisation de la communauté. Nous faisons également de la sensibilisation dans les établissements et les bureaux des libérations conditionnelles pour que tout le monde connaisse les droits des victimes et les services qu’offre SCC.

Nous avons une base de données de plus de 1 000 organisations et organismes qui offrent des services aux victimes, et nous envoyons régulièrement toutes nos publications pour que les gens soient informés. Nous misons vraiment sur d’autres acteurs du système pour diriger les victimes vers nos services. C’est pourquoi nous veillons à ce qu’ils aient accès à ces renseignements et nous offrons souvent des séances de sensibilisation. Nous faisons souvent des exposés sur notre programme à la Commission des libérations conditionnelles du Canada à l’échelle régionale et nationale pour réunir tout le monde afin de parler des services que nous offrons.

C’est vraiment l’ensemble du système qui aide les victimes dans le cadre du processus, et nous voulons nous assurer que d’autres parties du système peuvent diriger des victimes vers nous. Cela répond-il à votre question?

La sénatrice Pate : En partie, mais ce projet de loi contient-il quelque chose que vous ne pouvez pas déjà faire?

Mme Gagnon : Je vois cela comme une explication supplémentaire quand les victimes la veulent. Je pense que c’est une bonne chose, si les victimes veulent l’information et si cela rend les choses plus claires pour elles.

La sénatrice Pate : Vous pourriez le faire présentement avec la loi actuelle.

Mme Gagnon : Nous le ferions si une victime nous le demandait.

M. Westmacott : Sénatrice Pate, juste pour vous répondre, oui. Vous avez raison, ce document existait déjà. La version la plus récente a été publiée en 2021, et la mise à jour rend les choses plus claires. Nous avons utilisé un langage plus clair pour que l’information soit plus facile à comprendre et plus accessible. C’est un correctif qui a été demandé lors des tables rondes.

Le sénateur Moreau : Pourriez-vous nous fournir ce document?

M. Westmacott : Nous le pouvons, oui.

La sénatrice Pate : Les documents sont-ils publiés en ligne?

M. Westmacott : Ils sont publiés en ligne et en version papier. En fait, nous avons distribué 90 000 publications depuis 2005 à des personnes qui s’intéressent à ce document et à d’autres documents que nous offrons. Sachez qu’ils sont aussi traduits en 21 langues.

La vice-présidente : Pour faire suite à la question de la sénatrice Pate, si vous pouvez fournir cette information maintenant, pourquoi ne le faites-vous pas? Je présume que Mme Freeman est exactement le genre de personne qui pose des questions sur ce genre de choses.

Mme Gagnon : Nous le faisons dans les lettres qui sont envoyées aux victimes inscrites. Une lettre leur est également envoyée avant qu’elles ne s’inscrivent si elles communiquent avec nous. Je me ferai un plaisir de la fournir à tout le monde pour que vous voyiez le modèle. On y trouve les infractions à l’origine de la peine, le tribunal ayant prononcé la condamnation, la date de la condamnation, la durée de la peine, la date de début, les dates d’admissibilité, les dates des permissions de sortir avec escorte, les dates des permissions de sortir sans escorte — le cas échéant, la semi-liberté, la libération conditionnelle totale, les infractions à l’origine de la peine, le tribunal ayant prononcé la condamnation, et la liste continue.

Je pense que le projet de loi réfère aux situations où quelqu’un veut une explication plus exhaustive sur la manière dont les dates d’admissibilité sont calculées, car cela devient un peu technique. Nous fournirions alors quelqu’un qui pourrait expliquer le tout.

La vice-présidente : D’accord. Oui, c’est ce que les victimes réclament, en fait. Comme vous le disiez, êtes-vous favorables à ce projet de loi au nom du gouvernement? Le gouvernement est prêt à fournir cette information, n’est-ce pas?

Mme Gagnon : Bien sûr.

La sénatrice Pate : Je suis désolée, madame la présidente, mais votre question soulève des questions supplémentaires.

Pendant que vous expliquez cela, ce qui manque, à mon avis, c’est ce que signifient et ce qui justifie ces dates. Si on indique simplement que les délinquants sont admissibles, vous et moi savons — et Mme Freeman le sait aussi sans doute maintenant — que pour les personnes qui purgent une peine d’emprisonnement à perpétuité ou autre, la date d’admissibilité à la libération conditionnelle correspond à la date d’admissibilité à la libération conditionnelle totale. Il faut expliquer qu’il y a une raison pour laquelle on prévoit une date trois ans avant la libération conditionnelle pour les permissions de sortir avec escorte. La présomption est que ce n’est pas une bonne idée de libérer quelqu’un dans la communauté après 25 ans de prison. On commence à prévoir la suite trois ans avant. Les délinquants n’obtiennent pas nécessairement la libération conditionnelle, mais on commence à envisager leur mise en liberté progressive. Les recherches et les données montrent que c’est la meilleure façon d’évaluer et de rendre à la communauté une personne admissible qui est jugée appropriée par la Commission des libérations conditionnelles.

Je n’ai pas regardé le nouveau document, mais je ne vois pas où se trouve ce genre d’explication. Il faut montrer que ce n’est pas une date qui est sortie de nulle part ou qu’un législateur a décidé de fixer au hasard, mais expliquer comment elle est établie.

Il me semble que ce genre d’information serait importante. D’après mon expérience de travail auprès des victimes, c’est extrêmement important. On ne décide pas au hasard qu’une personne passera un tel nombre d’années en prison et pourra sortir à telle ou telle date. Il y a une méthode derrière cela.

Mme Cole : Nous avons une infographie sur ce sujet, car c’est si important. Les agents des services aux victimes et les agents de communication régionaux de la Commission des libérations conditionnelles expliquent cela aux victimes par téléphone.

La vice-présidente : Je vous remercie.

[Français]

La sénatrice Oudar : Merci pour vos explications. Ma question s’adresse à Mme Gagnon. Vous n’êtes pas sans savoir que toutes les études ont montré qu’être une victime, c’est l’équivalent de subir un choc post-traumatique. On ne peut pas prendre de décisions. Je ne pense pas que l’on puisse exiger d’une victime qu’elle passe par un dédale de formulaires de six pages et qu’elle tienne son registre à jour.

Je suis allée sur votre site. En passant, pour mes collègues, il y a un très bon site du gouvernement du Canada, Info GC. Il publie vos indicateurs et vos cibles. J’ai été étonnée de voir que la cible que vous vouliez atteindre est de seulement 350 par année pour le nombre de victimes nouvellement inscrites au système de registre du Service correctionnel du Canada, quand on connaît l’ampleur des crimes commis.

Je vous ramène en arrière, au rapport auquel vous faisiez référence plus tôt et qui a justifié la conclusion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes selon laquelle les informations aux victimes devraient être fournies non pas sur demande, mais automatiquement. C’était une des recommandations qui ont été faites dans le rapport en 2022. J’aimerais vous entendre là‑dessus. J’ai l’impression que cette recommandation n’a pas été suivie. Vous semblez prôner plutôt que les victimes doivent faire tout le travail.

Je répète : vous ne pouvez pas exiger des victimes autant de démarches administratives ni qu’elles maintiennent leur dossier à jour. Je ne pense pas que ce soit leur opinion non plus. Cela devrait être un droit. Il ne devrait pas être soumis à une demande ni à un formulaire de six pages; il devrait simplement exister, comme l’a recommandé le Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Je suis mal à l’aise parce que non seulement cette recommandation n’a pas été suivie, mais vous semblez prôner que c’est aux victimes de faire le travail.

D’ailleurs, sur votre site Internet, on voit que vous vous êtes fixé une cible qui n’est pas ambitieuse; 350, ce n’est rien. Je vois que vous avez augmenté vos budgets. Lorsque je regarde seulement cette section, il y avait 16 millions de dollars, quand même. Ce n’était pas rien. C’était consacré avec 63 équivalents temps plein en 2022. Aujourd’hui — j’ai seulement les données qui sont publiées —, on parle d’un budget de 35 millions. J’aimerais vous entendre à ce sujet. Si vous poursuivez avec cette philosophie de demander aux victimes de faire tout ce travail, est-ce que vous avez des partenariats avec des organismes communautaires qui joignent les victimes? Où vont ces sommes? Est-ce qu’elles sont justement utilisées en partenariat avec des organismes, ou est-ce que vous nous dites aujourd’hui que vous êtes prêts à changer votre fusil d’épaule pour que les victimes n’aient plus besoin de faire de demande, donc que ce soit fait de façon automatique?

Je vous écoute depuis tout à l’heure et je suis sidérée d’entendre que c’est aux victimes de faire ce travail. J’aimerais d’abord vous entendre sur les objectifs, puis sur les moyens.

Mme Gagnon : Je pense que c’est un équilibre qui existe dans le système. Il faut considérer plusieurs facteurs dans toutes les décisions. De plus, nous nous conformons à la loi et dans la loi, on indique que c’est sur demande. C’est la même chose dans la Charte canadienne des droits des victimes.

Il y a un aspect très important pour moi depuis que j’occupe ce poste, et c’est le respect des victimes qui ne veulent pas recevoir l’information. C’est important par rapport à leur traumatisme. Il faut aussi tenir compte du fait qu’il y a des victimes qui ne veulent pas qu’on leur donne l’information. Il faut respecter cela.

Cependant, je pense qu’avec les changements qui ont été apportés... Oui, les victimes ont droit à l’information, et l’information est là.

La sénatrice Oudar : Je n’ai pas compris cela tout à l’heure. Je serais d’accord avec vous si toutes les victimes avaient le choix au début et si elles n’avaient à s’inscrire qu’une seule fois, ou si elles pouvaient renouveler leur inscription dans l’éventualité où elles changent d’avis, même si vous ne les joignez pas.

Mme Gagnon : Pas toutes.

La sénatrice Oudar : Cet indicateur de 350 par année seulement n’est rien par rapport au nombre de crimes qui sont commis. Je ne sais pas qui a décidé de cette cible chez vous, mais ce n’est pas du tout ambitieux.

Mme Gagnon : J’aimerais ajouter que pour nous, il est souvent difficile de savoir qui et où sont les victimes ou quel est leur numéro.

La sénatrice Oudar : C’est ce qu’on disait plus tôt. Vous pouvez les joindre, elles sont à l’audience.

Mme Gagnon : Il faudrait envoyer des gens aux audiences. Notre rôle est de prendre en charge les victimes une fois qu’elles sont dans le système carcéral fédéral, mais c’est sûr qu’il y a plus de travail à faire avec le projet de loi S-12. Nous pouvons être plus proactifs quand les cours nous donnent l’information. C’est ce que nous voulons. Nous pouvons trouver les victimes et leur faire une offre. Si elles nous disent non, nous nous arrêtons là, mais elles peuvent revenir à n’importe quel moment et nous dire qu’elles sont maintenant intéressées. Peut-être que dans un an, deux ans, trois ans ou cinq ans, elles seront prêtes. Je pense que cela va changer des choses.

La sénatrice Oudar : Étant donné que vous semblez avoir de la difficulté à joindre les victimes, êtes-vous ouverts à établir des partenariats avec des organismes communautaires et à utiliser ces millions de dollars que vous avez dans votre budget pour offrir des subventions pour les joindre là où elles sont? Au Québec, on a le BAVAC et le CAVAC, des organismes communautaires qui sont physiquement avec les victimes. Rien n’empêche qu’un employé du gouvernement du Canada soit présent aussi. Vous pouvez parler aux gens, être joignable auprès des victimes et offrir un service à l’échelle humaine.

Mme Gagnon : Nous travaillons avec plusieurs organisations — Katherine peut en parler —, mais je ne pense pas que vous parlez de mon budget, parce que je n’ai pas autant d’argent que cela. Nous travaillons avec des organismes. De plus, en ce qui concerne les victimes autochtones, il y a les unités de liaison pour l’information à l’intention des familles qui donnent de l’information aux victimes avec les provinces et territoires. Nous donnons de l’information aux procureurs de la Couronne pour qu’ils joignent leurs clients.

Nous tentons de joindre les victimes par l’intermédiaire de plusieurs voies.

Par contre, oui, cela suppose que les victimes doivent venir nous voir et nous contacter pour faire les démarches, mais je crois que les choses vont changer avec le nouveau processus qu’on est en train de mettre en place avec les provinces et territoires et avec Justice Canada.

[Traduction]

La vice-présidente : ... réponse, si vous voulez fournir quelque chose.

M. Westmacott : Je voulais simplement ajouter que le ministère de la Justice a aussi le Fonds d’aide aux victimes. Cet argent peut être versé aux provinces, aux territoires et aux organisations non gouvernementales pour soutenir les victimes, leur communiquer de l’information et travailler avec elles par l’intermédiaire de ces organisations. Ce fonds de quelque 30 millions de dollars par année est géré par le ministère de la Justice.

La vice-présidente : Merci beaucoup à tous d’avoir témoigné et d’avoir répondu à toutes nos questions. Chers collègues, merci de votre excellente participation aujourd’hui.

(La séance est levée.)

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