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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le 12 décembre 2024

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 11 h 37 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de Loi C-320, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (communication de renseignements à la victime).

La sénatrice Denise Batters (vice-présidente) occupe le fauteuil.

La vice-présidente : Bonjour, distingués sénateurs. Je m’appelle Denise Batters, sénatrice de la Saskatchewan. Je suis normalement vice-présidente du comité, mais j’en assure aujourd’hui la présidence pendant que notre collègue, le sénateur Cotter, est absent pour au moins une partie de la réunion.

J’invite mes collègues à se présenter.

Le sénateur Arnot : Je m’appelle David M. Arnot, sénateur de la Saskatchewan.

Le sénateur Carignan : Bonjour. Je suis Claude Carignan, du Québec.

La sénatrice Oudar : Bonjour. Manuelle Oudar, du Québec. Bienvenue.

[Traduction]

Le sénateur Prosper : Paul Prosper, du territoire Mi’kma’ki, en Nouvelle-Écosse.

[Français]

La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.

[Traduction]

La sénatrice Simons : Paula Simons, du territoire visé par le Traité no 6, en Alberta.

La sénatrice Pate : Bienvenue. Kim Pate, qui vit ici sur le territoire non cédé, non abandonné et non rendu des Algonquins Anishinaabe.

[Français]

La sénatrice Audette : [mots prononcés en innu-aimun] Michèle Audette, du Nitassinan, au Québec.

Le sénateur Moreau : Bonjour. Pierre Moreau, de la division des Laurentides, au Québec.

[Traduction]

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l’Alberta.

La vice-présidente : Je vous remercie.

Dans le cadre de la réunion de ce matin, nous nous réunissons pour poursuivre et conclure notre étude du projet de loi C-320, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (communication de renseignements à la victime).

Pour notre premier groupe, nous avons le plaisir de recevoir Krista MacNeil, directrice exécutive des Services aux victimes de la région de Durham, qui est accompagnée de Sydney Marcoux, directrice clinique de l’organisme. Nous accueillons également Karine Mac Donald, criminologue et directrice générale de l’Association québécoise Plaidoyer-Victimes, et Sarah Crawford, directrice exécutive du Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes.

Merci d’être des nôtres aujourd’hui. Bienvenue. Nous vous remercions de vous joindre à nous. Nous commencerons par vos déclarations d’ouverture avant de passer aux questions des sénateurs.

Nous entendrons d’abord Mme MacNeil, puis Mme Mac Donald et enfin Mme Crawford. Vous avez la parole pour cinq minutes chacune lorsque vous êtes prêtes.

Krista MacNeil, directrice exécutive, Services aux victimes de la région de Durham : [La témoin s’exprime en langue autochtone] territoire Mi’kma’ki.

Je suis travailleuse sociale autorisée et je travaille auprès de survivants de crimes et de traumatismes depuis 22 ans. En tant que femme et prestataire de services des Premières Nations, j’ai été témoin de la retraumatisation des victimes et de leurs familles qui tentent de se débrouiller dans le système de justice pénale.

Il est compréhensible que de nombreux survivants choisissent de ne pas recevoir d’informations sur ces processus, souvent dans l’espoir d’être moins exposés aux situations qui peuvent les retraumatiser.

C’est, et devrait toujours être, leur choix. C’est un principe que le projet de loi C-320 appuie, selon moi. J’ai pu constater que de nombreuses victimes ne sont pas systématiquement informées de leur droit à l’information et sont encore moins souvent avisées des conséquences de l’exercice de ce droit ou du choix de ne pas l’exercer.

La loi et la Charte canadienne des droits des victimes imposent aux victimes le fardeau de connaître un système qui ne leur est pas familier pour prendre des décisions importantes qui pourraient avoir une incidence sur leur vie, leur guérison et leur sentiment de sécurité. Cette responsabilité devrait incomber au système. Les victimes ont suffisamment de choses à gérer.

Les décisions qui ont des répercussions sur les délinquants ont également des conséquences sur leurs victimes. Malgré la peine prononcée contre un délinquant, les victimes de traumatisme subissent souvent une peine à perpétuité, mais sans être gracié après des années de souffrance. En fait, elles poireautent sur de longues listes d’attente pour obtenir du soutien quand elles sont traumatisées par l’élimination soudaine de la responsabilité telle qu’elles l’avaient comprise, ce qui est souvent une situation à laquelle elles ne sont pas préparées. Leur victimisation n’est pas moins grave si le délinquant se comporte bien ou s’annonce prometteur lors d’une évaluation des facteurs de risque criminogènes. Les victimes méritent au moins d’être bien informées des possibilités, de recevoir des conseils et d’être préparées à des décisions qui peuvent avoir des conséquences importantes sur leur vie afin qu’elles puissent essayer de concevoir de façon proactive un plan de sécurité et de composer avec les listes d’attente pour le soutien dont elles peuvent avoir besoin.

Un système qui viole ou nie ce droit parce que ce même système ne parvient pas à assurer une éducation adéquate aux survivants est un système qui doit changer. Même s’il peut encore exister des éléments déclencheurs à l’extérieur du système, tous les efforts visant à atténuer ce risque au sein du système doivent être déployés si nous sommes vraiment déterminés à assurer le respect des droits et la protection des victimes. Pourtant, la charte des droits continue de stipuler que « La violation ou la négation d’un droit prévu par la présente loi ne donne pas ouverture à un droit d’action ni au droit d’être dédommagé. »

Le projet de loi C-320 ne corrigera pas le système. Cependant, il nous rapprochera un peu plus de l’objectif de donner aux victimes les moyens de prendre des décisions en toute connaissance de cause. Je crois que si les victimes connaissaient les répercussions réelles de leurs choix, nous aurions un système qui entendrait davantage leurs voix et qui, ainsi, serait mieux à même d’envisager ces processus d’une manière plus globale, dans le respect des droits des victimes et des délinquants.

Nous savons que la majorité des victimes sont des femmes et des filles et que les personnes marginalisées sont touchées de manière disproportionnée non seulement par la victimisation, mais aussi par la criminalisation. L’iniquité est à l’origine de ce dont nous parlons aujourd’hui. C’est pourquoi la loi doit être modifiée.

J’implore le gouvernement actuel de tenir compte des répercussions sur une victime qui vient d’une petite collectivité urbaine dont le délinquant fait également partie. Si l’on ne dispose pas des ressources nécessaires pour l’aide à la victime et la réadaptation du délinquant, les décisions que prend le système peuvent avoir des effets dévastateurs sur des collectivités entières. Le manque de soutien, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du système, crée les conditions idéales pour une revictimisation et une criminalisation alimentées par l’iniquité. Investir dans les ressources de manière proactive permettrait de remédier à ces deux problèmes.

Concernant les personnes qui ont signalé un crime, 80 % des victimes que nous aidons au sein de notre organisme sont des femmes et des filles. Ce sont des victimes de violence fondée sur le genre. Je sais que la violence à l’égard des femmes est une épidémie au pays. Lorsqu’un délinquant est libéré sans que la victime en soit informée, la sécurité de la victime, telle qu’elle est réellement et telle qu’elle est perçue, peut être menacée.

Nous avons tous vu les nouvelles. Des hommes ne s’abstiendront pas de tuer des femmes simplement parce que nous leur disons de ne pas le faire. Pour cette seule raison, nous devons faire mieux. Je tiens à exprimer ma profonde gratitude à mon amie Lisa Freeman et au député Colin Carrie pour le militantisme indéfectible et la détermination dont ils font preuve pour améliorer les droits des survivants. J’aimerais également remercier nos représentants élus et les membres du Sénat de considérer que les droits des victimes sont une question non partisane qui mérite un appui unanime au projet de loi C-320.

Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de prendre la parole aujourd’hui. Wela’lioq.

La vice-présidente : Merci. Nous allons maintenant entendre la déclaration préliminaire de Mme Mac Donald. Allez-y, s’il vous plaît.

[Français]

Karine Mac Donald, criminologue, directrice générale, Association québécoise Plaidoyer-Victimes : Bonjour, honorables sénatrices et sénateurs.

Je suis Karine Mac Donald, criminologue et directrice générale de l’Association québécoise Plaidoyer-Victimes l’AQPV. J’œuvre auprès des personnes victimes depuis maintenant 20 ans. Je vous remercie de nous accueillir aujourd’hui.

Cela fait maintenant 40 ans que l’AQPV défend les droits et intérêts des personnes victimes d’infractions criminelles et de leurs proches et veille à rendre leurs droits accessibles et effectifs.

On offre notamment des programmes d’information, on diffuse de l’information et on fait des activités de mobilisation et de représentation. On met notre expertise à profit au Québec, mais également partout au Canada. L’AQPV compte plus de 200 membres issus de différents secteurs : la justice, la sécurité publique, l’éducation et le milieu communautaire.

Avant toute chose, je veux mentionner que l’AQPV salue le projet de loi C-320. Il s’agit d’une avancée qui va notamment permettre de renforcer le droit à l’information et le droit à la protection prévus par la Charte canadienne des droits des victimes. Effectivement, on croit que, en plus d’offrir de la transparence, ceci permet d’expliquer clairement le raisonnement derrière chacune des décisions, ce qui contribue à réduire le risque de revictimisation, à humaniser le système de justice et à renforcer la confiance des personnes victimes envers ce dernier.

Aujourd’hui, nous voulons insister sur la nécessité d’une mise en œuvre efficace de la modification proposée. Selon l’AQPV, il est essentiel d’assurer une transparence par rapport au fonctionnement des peines fédérales, et donc d’expliquer la manière dont les décisions sont prises sur ces dates. L’AQPV se questionne cependant sur la forme de ces explications. Est-ce qu’elles seront succinctes ou détaillées? Il est primordial que ces informations soient claires, vulgarisées et adaptées pour les personnes victimes.

En plus de ces explications, l’AQPV estime que, dès le prononcé de la peine, la personne victime devrait être informée de ce qu’implique une peine fédérale, et notamment de l’admissibilité du contrevenant à une libération conditionnelle.

Étant donné la complexité de la documentation de Service correctionnel Canada (SCC), même pour une criminologue comme moi, l’association recommande de fournir un document simple, concis et clair, accompagné d’un possible entretien téléphonique avec une personne du Bureau national pour les victimes d’actes criminels (BNVAC) du SCC. Cela permettrait de renforcer le sentiment de sécurité des personnes victimes.

Aussi, l’AQPV se questionne sur le moyen qui sera utilisé pour transmettre ces explications et les mesures prévues pour soutenir les personnes victimes lorsqu’elles les recevront.

Selon nous, les explications doivent être transmises avec sensibilité et humanité. Les personnes victimes devraient avoir la possibilité d’être accompagnées d’une personne formée — une personne du BNVAC, par exemple — lors de la réception de ces informations, et ce, même si la personne victime avait indiqué vouloir recevoir des informations par écrit. Cela leur permettrait de poser leurs questions et de mieux comprendre les explications fournies. Un échange humain et empathique peut vraiment faire toute la différence, réduire le sentiment d’insécurité et aider à mieux vivre l’annonce des nouvelles, qui sont parfois très difficiles.

L’AQPV constate que les personnes victimes ont du mal à avoir accès aux informations nécessaires pour exercer leurs droits. Qu’il s’agisse d’obtenir les informations sur la peine fédérale ou, avec ce projet de loi, de comprendre comment certaines dates sont déterminées, les personnes victimes doivent d’abord s’inscrire auprès du SCC ou de la Commission des libérations conditionnelles, mais plusieurs ignorent cette modalité ou hésitent à le faire, comme on l’a mentionné précédemment.

Comment faire en sorte que les personnes sont minimalement informées de cette procédure? Le projet de loi S-12 permet de répondre en partie à cet enjeu en modifiant la déclaration de la victime par le biais d’une case à cocher, mais actuellement, ce formulaire n’a pas encore été établi par le ministère de la Justice au Québec. L’AQPV recommanderait qu’un appel proactif du BNVAC, par exemple, puisse se faire en complémentarité, afin d’informer les victimes de leur droit à l’information et des manières de s’en prévaloir chaque fois qu’une sentence fédérale est prononcée.

Pour conclure, le projet de loi C-320 participe à un meilleur accès à la justice pour les personnes victimes en renforçant notamment leur droit à l’information et à la protection. Cependant, pour que les modifications proposées au moyen de ce projet de loi soient vraiment efficaces, l’AQPV est d’avis qu’il est essentiel de faire en sorte que les informations soient bien vulgarisées et accessibles et que les personnes victimes soient accompagnées tout au long du processus judiciaire, même après le prononcé de la peine.

Je vous remercie de m’avoir écoutée et je veux réitérer que l’AQPV est disponible pour contribuer activement aux discussions futures et poursuivre la collaboration en vue d’assurer une meilleure accessibilité à la justice pour toutes les personnes victimes.

[Traduction]

La vice-présidente : Merci. La parole est maintenant à Mme Crawford.

Sarah Crawford, directrice générale, Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes : Bonjour, honorables sénateurs. Au Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes, ou CCRVC, nous offrons des services essentiels de défense des droits et des intérêts, d’éducation et de soutien affectif aux victimes et aux survivants d’actes criminels partout au Canada.

Nous les aidons à s’y retrouver dans les processus juridiques complexes, nous veillons à ce que leurs voix soient entendues et nous plaidons en faveur de réformes systémiques qui mettent les droits des victimes au premier plan. Qu’il s’agisse de fournir des conseils personnalisés sur le processus de libération conditionnelle ou d’aider les survivants à préparer une déclaration de la victime, notre rôle consiste à faire en sorte que les victimes soient vues, entendues et respectées dans tous les aspects du système de justice.

L’une des préoccupations les plus fréquentes et les plus déchirantes qu’expriment les victimes que nous aidons, c’est qu’elles sont laissées dans l’ignorance. Souvent, on ne les informe pas des audiences de libération conditionnelle très importantes et lorsqu’on les avise, il est souvent trop tard pour qu’elles puissent participer pleinement. Il ne s’agit pas d’un problème isolé, mais d’un problème systémique.

Les victimes indiquent souvent qu’on leur a dit qu’elles ne pouvaient pas assister en personne aux audiences de libération conditionnelle et que, lorsqu’elles présentent leur déclaration, le délinquant a le droit de la consulter. Cependant, lorsque les victimes demandent de l’information sur le délinquant, on leur dit que les droits du délinquant à la protection de la vie privée l’emportent sur leur droit de savoir.

Ce déséquilibre renforce une hiérarchie claire dans laquelle les droits du délinquant l’emportent sur ceux de la victime. L’adoption du projet de loi C-320 constituerait un pas très important dans la bonne direction. En obligeant les responsables des services correctionnels à expliquer comment sont déterminées les dates importantes relatives à la libération conditionnelle et aux permissions de sortir, le projet de loi favorise la transparence, accroît la confiance et remédie à un déséquilibre des pouvoirs majeur.

Actuellement, les renseignements fournis à une audience de libération conditionnelle proviennent principalement d’un agent correctionnel ou d’un agent de libération conditionnelle. Ils tendent à porter sur les progrès réalisés par le délinquant et sa réadaptation et ils servent souvent à appuyer sa libération.

Pendant ce temps, les points de vue, les traumatismes et les préoccupations permanentes des victimes quant à leur sécurité sont relégués au second plan. Grâce à une plus grande transparence sur la manière dont les décisions de mise en liberté sont prises, les victimes seront mieux placées pour contester les décisions qui peuvent mettre leur sécurité en danger.

À l’heure actuelle, les besoins des victimes sur le plan des restrictions géographiques ne sont souvent pas pris en compte, ce qui accroît les craintes pour leur sécurité et les risques de retraumatisation. En responsabilisant davantage les agents correctionnels, on s’assure que les décisions sont prises dans un souci d’équité et de justice plutôt que de rapidité.

Bien que le projet de loi C-320 soit une étape essentielle, d’autres mesures doivent être prises pour que la position des survivants d’actes criminels soit véritablement renforcée dans le système de justice. De plus, j’aimerais souligner trois autres priorités.

La première est l’accès aux audiences de libération conditionnelle. Les victimes ont le droit sans équivoque d’assister en personne aux audiences de libération conditionnelle si elles le souhaitent. Les options virtuelles sont utiles, mais l’expérience en personne est souvent plus pertinente pour les survivants.

La deuxième priorité concerne l’équité et le droit à la vie privée. Si les délinquants ont le droit d’accéder aux déclarations de la victime, les victimes devraient avoir le droit d’accéder aux renseignements sur l’évaluation du risque que présente le délinquant et à d’autres documents importants. L’équité, et non le privilège, doit être le principe directeur.

La troisième est le financement durable des organisations non gouvernementales, ou ONG. Notre centre est un excellent exemple de la crise de financement qui touche les organismes de soutien aux victimes. Notre organisation, qui fournit des services essentiels de défense et de soutien à tous les Canadiens, ne reçoit aucun financement de base. Le succès de réformes législatives comme le projet de loi C-320 dépend de la capacité des ONG à aider les survivants à s’y retrouver dans les nouveaux systèmes. Un financement durable des programmes est essentiel pour que les survivants bénéficient d’un soutien continu et de qualité tout au long du processus.

Le projet de loi C-320 ne se résume pas à un changement de procédure. Il s’agit d’un changement de principe. Il envoie un message clair aux survivants : leur droit de savoir compte, leur sécurité importe, et eux, les survivants, sont importants. En outre, il remet en question la priorité accordée depuis longtemps à la protection de la vie privée des délinquants au détriment des droits des victimes.

Nous devons veiller à ce que les victimes aient leur mot à dire, à ce que le déséquilibre en matière de protection de la vie privée soit corrigé et à ce que les ONG disposent d’un soutien et d’un financement durable.

Je vous remercie de votre attention et de votre engagement en faveur de la justice pour les survivants d’actes criminels. Je vous remercie également de me recevoir ici aujourd’hui.

La vice-présidente : Je vous remercie toutes de vos déclarations préliminaires.

Nous allons passer aux questions des sénateurs. Nous commençons par le sénateur Carignan, qui est le parrain du projet de loi.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je vous remercie de votre témoignage et de votre combat constant pour les droits des victimes. C’est une mission importante. Je remercie également le sénateur Boisvenu de nous avoir sensibilisés; quand on voit toutes les répercussions sur les victimes, on comprend mieux l’importance d’avoir des dispositions sur la transparence et la motivation. Le tout aide à expliquer comment fonctionne le système et pourquoi il est comme il est. Je pense que cela aide à accepter certaines décisions.

Hier, certains sénateurs ont demandé si l’on avait vraiment besoin de ce projet de loi, car il s’agit de seulement 10 mots — cela figure déjà dans des directives de toute façon, ce sont déjà des éléments qui existent dans des politiques qui doivent être faites.

J’aimerais vous entendre sur ce genre d’argument quant à l’importance du projet de loi, qui vise plutôt à insérer ces mots dans la loi plutôt que dans une circulaire, une directive ou une politique de la fonction publique. Je m’adresse aux quatre témoins.

[Traduction]

Mme MacNeil : Je dirais que les dispositions actuelles de la loi font que les droits des victimes ne sont pas respectés. Ils ne le sont pas. Voilà donc la réalité.

Si la loi en vigueur fonctionnait, nous verrions ces choses se produire. Si c’est inscrit dans la loi, c’est obligatoire. Il faut qu’elles se produisent.

C’est l’essentiel. Il faut que cela se produise et que ce soit appliqué. Pour ce faire, il faut ajouter les mots en question à la loi.

Mme Crawford : Je suis du même avis. Actuellement, chaque fois que quelque chose est écrit, nous en déduisons ce que nous voulons et, souvent, ce qui est le plus facile.

Dans l’état actuel des choses, les victimes n’ont pas la possibilité de participer pleinement au système de justice pénale, ce qui pose problème. Nous assistons à une revictimisation continue de ces personnes. Nous écrivons des lettres à la Commission des libérations conditionnelles du Canada tous les jours ou toutes les semaines au nom de victimes et de survivants d’actes criminels et pour les soutenir.

Le projet de loi est vraiment nécessaire. Son adoption garantira que leurs droits seront respectés et qu’ils bénéficieront d’un soutien dans l’ensemble du système. Même si le projet de loi est bref et qu’il ne comporte que — comme vous l’avez dit — quelques phrases, je pense que leur portée a une influence importante sur les résultats pour les victimes.

[Français]

Mme Mac Donald : Je suis d’accord avec ce que mes collègues ont dit. Le fait que cela ne figure pas dans une loi écrite laisse tout cela à la bonne volonté de la personne qui doit transmettre les informations ou non. Comme je le disais, c’est extrêmement difficile pour les victimes actuellement d’avoir accès à de l’information qui concerne le délinquant, mais aussi à de l’information sur les libérations conditionnelles, comme cela a été le cas à des audiences portant sur la libération conditionnelle de certains contrevenants. Certaines victimes appelaient en disant qu’elles avaient appris que le contrevenant avait été libéré ou qu’il avait eu une sortie avec escorte. Elles ne comprenaient pas pourquoi cela avait été autorisé et pourquoi elles n’en avaient pas été informées. Cela peut causer une nouvelle victimisation et un sentiment d’injustice chez ces personnes, qui peuvent perdre confiance dans la justice. Si elles sont de nouveau victimes d’un crime, elles vont décider de ne pas porter plainte, car elles croient qu’elles ont été abandonnées par le système. Ces quelques petits mots sont très importants, à mon avis.

Le sénateur Carignan : Comme ce que nous disait l’autre témoin, c’est une situation qui se produit fréquemment que les victimes ne sont pas avisées, même s’il s’agit d’une politique ou d’une directive de la Commission des libérations conditionnelles du Canada?

Mme Mac Donald : Tout à fait. C’est fréquent. Comme Mme MacNeil le disait, certaines personnes victimes font le choix de ne pas faire les démarches; juste faire l’appel au bureau des victimes pour s’inscrire, par exemple, est une étape de trop. Après être passées par un processus judiciaire qui a parfois duré quatre ou cinq ans, elles ont envie de décrocher ou de ne plus avoir à faire quoi que ce soit. C’est pour cela que je parlais de la proactivité dans mon allocution. Ainsi, on n’enlève pas l’habilitation de la personne; on lui tend une perche et elle est libre de la prendre ou non. Par la suite, on pourra informer la personne de la façon dont elle le souhaite et sur ce qu’elle souhaite savoir. Je pense qu’il s’agit de redonner aux victimes ce à quoi elles ont droit.

Le sénateur Carignan : Merci.

[Traduction]

Mme MacNeil : Si vous le permettez, je parlerai de la question de la fréquence.

Comme je l’ai dit, je suis travailleuse sociale depuis 22 ans. Ma famille connaît bien la justice pénale. Mon père a pris sa retraite après avoir été agent correctionnel pendant 30 ans. J’ai une sœur et un beau-frère qui travaillent pour la GRC. Je travaille pour un organisme composé uniquement de femmes, dont bon nombre — même si elles font partie du personnel — sont des survivantes de la violence fondée sur le genre. Dans ma parenté, une personne a été assassinée à cause de la violence armée et d’autres ont été touchées par la traite des personnes.

Je connais bien le système de justice pénale. Je suis très au fait de la situation.

En ce qui concerne la fréquence, pendant mes 22 années, j’ai travaillé auprès d’un grand nombre de victimes. Aucune d’entre elles ne m’a dit estimer que les renseignements qu’on lui avait donnés étaient suffisants. De même, aucune victime ne m’a dit qu’elle ne voulait pas de ces renseignements et que cela aurait des répercussions sur sa vie et sa sécurité. Je sais que des victimes choisissent de ne pas recevoir ces renseignements. Je n’ai jamais rien entendu de tel en 22 ans. Je tenais à le préciser en ce qui concerne la fréquence.

Le sénateur Prosper : Je remercie les témoins. Je ne peux qu’imaginer votre expérience. Vous vous occupez des victimes et elles vous racontent ce qu’elles vivent. Je tiens à saluer vos efforts, votre travail de défense et votre compassion.

Madame MacNeil, [mots prononcés en langue autochtone]. J’aimerais revenir sur deux ou trois choses que vous avez mentionnées et qui m’ont semblé très intéressantes. Vous avez dit que les victimes de traumatisme subissent souvent une peine à perpétuité, puis vous avez parlé du concept de plan de sécurité. J’imagine que l’information donne du pouvoir, comme on dit, mais j’imagine que dans certains cas, on se préoccupe de la sécurité des victimes.

J’aimerais en savoir plus sur les plans de sécurité et, si vous le voulez bien, vous avez dit qu’il doit y avoir une manière globale de respecter les droits des délinquants et des victimes, car il y a un risque de traumatiser et de victimiser à nouveau certaines personnes dans le système. Si possible, j’aimerais que vous parliez un peu des plans de sécurité et de cette solution globale, s’il vous plaît. Merci.

Mme MacNeil : Si je parle de « peine à perpétuité », c’est parce que lorsqu’on subit un tel traumatisme, il ne disparaît évidemment pas le jour où la peine est prononcée. Pour la victime, le traumatisme perdure jusqu’à la fin de sa vie.

En ce qui concerne le plan de sécurité, souvent, parce que les victimes ont vécu un traumatisme, qu’elles soient vraiment en danger ou qu’il y ait un risque réel pour leur sécurité lorsque le délinquant est libéré — et nous voyons les deux et nous savons que de nombreux délinquants récidivent —, elles ont souvent le sentiment que leur sécurité est en jeu, en particulier si le délinquant et la victime viennent d’une même petite collectivité. Il est parfois impossible qu’ils ne se croisent pas à l’épicerie. La Commission des libérations conditionnelles du Canada n’en tient pas compte quant aux restrictions mises en place et à l’aspect géographique — concernant les répercussions pour les deux — et c’est un élément vraiment important.

Vous avez parlé de l’équilibre entre les droits du délinquant et ceux de la victime. Souvent, nous savons que les délinquants ont également vécu des traumatismes. Il est donc important de se concentrer sur les services qui leur viennent en aide pour leur réadaptation. Pour donner un exemple qui met les choses en perspective, j’ai souvent assisté, dans des salles d’audience, à la diffusion de photos du corps nu et battu d’une femme, parce que c’est le droit du délinquant de voir cette information : il a le droit à la divulgation. Pourtant, les victimes n’ont pas ce même droit. C’est le cas, par exemple, des victimes d’un acte odieux de violence sexuelle. Souvent, le délinquant est libéré sans que la victime en soit informée. Lorsque nous demandons à la police pourquoi elle n’a pas informé la victime de la libération du délinquant, elle répond qu’elle n’est tenue d’informer la victime que si la victime et le délinquant étaient dans une relation conjugale. En quoi cela importe-t-il? Les répercussions et le traumatisme subis par la victime n’en sont pas moins importants.

Nous voulons simplement que les victimes aient des droits équivalents à ceux des délinquants. Les victimes ont le droit d’être informées au sujet de leur propre victimisation. Chaque information communiquée au délinquant concerne la victimisation de cette personne. Ne devraient-elles pas avoir le droit de recevoir des renseignements relatifs à leur propre traumatisme et à leur propre victimisation?

Le sénateur Prosper : Merci.

[Français]

Le sénateur Moreau : Madame MacNeil, lorsqu’une personne est arrêtée dans des cas de violence conjugale et qu’elle est remise en liberté par la police, vous conviendrez avec moi que le projet de loi C-320 n’y changera rien.

Je vais vous dire exactement où je me situe. J’ai énormément de compassion pour les victimes, quel que soit le crime. En 1984, mon père a été tué dans un accident de voiture par un conducteur ivre, ce qui constitue un acte criminel. J’ai énormément de compassion et je comprends très bien ce que peuvent ressentir les victimes. Je ne voudrais pas que mon intervention soit mal interprétée.

On laisse entendre que le projet de loi C-320 va changer la situation pour les victimes. Essentiellement, le projet de loi C-320 donne une motivation par rapport aux dates déjà déterminées par la Commission des libérations conditionnelles du Canada. Ma crainte est qu’on laisse entendre ou croire aux victimes que ce projet de loi corrigera le système. Il est beaucoup trop court pour corriger le système. C’est la raison pour laquelle je suis intervenu hier. Je crois que le sénateur Carignan faisait référence à mon intervention dans la question qui vous était adressée.

Qu’attendez-vous véritablement? Que pensez-vous que ce projet de loi changera véritablement pour ce qui est du traumatisme vécu par les victimes? Comment le projet de loi solutionnera-t-il le dilemme que peuvent avoir la Commission des libérations conditionnelles du Canada ou le système carcéral canadien, qui, dans certains cas, sont incapables d’identifier les victimes?

La victime, ce n’est pas que la personne qui est assassinée, c’est aussi les gens qui l’entourent. Hier, on a entendu le témoignage très émouvant de Mme Freeman à cet égard. Les gens qui sont des victimes au sens de la loi, c’est-à-dire ceux qui subissent un traumatisme même moral en raison du crime commis, ne veulent pas en réentendre parler dans certains cas, et ne seront pas identifiés dans d’autres cas. Comment peut-on changer cette situation?

Vous disiez que le fait de devoir s’inscrire est une étape de trop. Ce projet de loi ne changera rien à l’obligation de s’inscrire si les victimes veulent être identifiées et bénéficier du peu d’améliorations que le projet de loi apportera. Je ne voudrais pas que le Sénat, qui n’a pas à agir à des fins de récupération politique, laisse croire que l’adoption de ce projet de loi améliorera fondamentalement les droits des victimes. On peut commencer par l’une d’entre vous.

Mme Mac Donald : Je suis d’accord avec vous. C’est pourquoi je disais que c’est un beau premier pas. Il y a des enjeux de fond qui ont été identifiés dans nos trois allocutions et qui ne sont pas réglés par le projet de loi C-320. Toutefois, ces quelques mots sont importants pour aider la victime à comprendre.

J’ai travaillé dans l’accompagnement judiciaire auprès des victimes. Pour une victime, savoir à quoi s’attendre lorsqu’elle témoignera devant la cour et être bien préparée fait toute la différence. Une personne non préparée se retrouve devant un juge dans une salle de tribunal et en ressort traumatisée encore une fois. Le fait de savoir que la personne qu’il l’a fait souffrir et qui purge une peine à vie, comme on l’a dit... Je vais utiliser la même expression que Mme MacNeil et dire que l’important, c’est que la victime doit être informée. Dans un monde idéal, comme je le mentionnais, on expliquerait tout cela d’emblée.

Les victimes ont souvent la perception que l’agresseur va purger la durée complète de la sentence. Or, ce n’est pas le cas. Il faut leur expliquer dès le départ ce que cela implique, ce qu’est une libération conditionnelle et comment on l’obtient.

Le projet de loi ne le mentionne pas, mais si un agresseur peut bénéficier d’une sortie au tiers de sa sentence, on doit donner des explications à la victime. On diminuera le sentiment de trahison et d’abandon par le système de justice. On doit expliquer que le système est ainsi fait. Par exemple, l’agresseur a suivi ses traitements, il va mieux et c’est pour cela qu’on lui a accordé une libération conditionnelle. Voici le justificatif. La victime sentira que ce n’est pas parce qu’on l’a mis dehors, parce que le système l’a abandonnée ou que le système l’a fait parce qu’il était rendu là et qu’il est encore un danger pour la société. Il y a des raisons, car il aurait pu sortir d’office aux deux tiers de sa peine.

Le sénateur Moreau : Donc, la victime, même lorsqu’elle reçoit cette explication, va quand même continuer de ressentir un sentiment d’injustice.

Dans un témoignage que nous avons entendu hier de la part d’une témoin, cette dernière a mentionné qu’elle croyait que 25 ans voulaient vraiment dire 25 ans et elle estimait qu’une libération avant 25 ans était une injustice. On ne pourra pas corriger cette situation avec le projet de loi C-320; c’est un peu ce que je disais.

Mme Mac Donald : On amoindrit l’impact.

[Traduction]

Le sénateur Arnot : Je remercie tous les témoins de leur présence aujourd’hui. Vous avez décrit la violence entre partenaires intimes et la violence sexuelle comme une crise et une épidémie. Je pense que personne n’est en désaccord avec vous. Les victimes sont marquées à vie mentalement, émotionnellement et physiquement — sans aucun doute.

La loi permettra, autorisera et, dans un sens, rendra obligatoire l’inclusion, dans les renseignements communiqués à une victime, d’une explication sur la manière dont les dates ont été déterminées. À mon avis, ce dont vous avez parlé est quelque chose d’unique, à savoir des politiques précises et rigoureuses pour protéger et soutenir les victimes afin d’éviter une revictimisation. Il faut également de bons programmes à l’appui des politiques. Ces programmes doivent réunir des travailleurs sociaux, des psychologues et des spécialistes des traumatismes expérimentés et bien formés. Êtes-vous convaincues que Service correctionnel Canada fournira ce type de ressources? On demande que les choses soient faites correctement. Si la loi est modifiée et qu’on ne peut pas déployer les ressources, la mesure ne sera pas très efficace.

Je m’interroge. Êtes-vous convaincues que Service correctionnel Canada peut déployer ce type de ressources de manière à ce que vos demandes soient mises en œuvre de façon efficace?

Mme Crawford : Actuellement, la façon dont les victimes auprès desquelles nous travaillons interagissent avec le système de justice pénale dans son ensemble pose fondamentalement problème. Régulièrement et constamment, les victimes doivent se défendre elles-mêmes. Elles y consacrent la majeure partie de leur temps. Certaines d’entre elles travaillent déjà et voilà qu’un autre emploi à temps plein s’ajoute. Elles sont victimisées de nouveau parce qu’elles doivent continuellement se défendre et demander, par exemple, à quel moment l’audience aura lieu et si elles peuvent comparaître. Tout cela pose continuellement et systématiquement des problèmes.

Vous m’avez demandé si j’avais confiance en un système qui comporte des lacunes fondamentales. Je pense qu’il y a beaucoup de mesures à prendre pour nous assurer que nous renforçons et que nous faisons avancer les droits des victimes dans l’ensemble du système de justice pénale. À l’heure actuelle, nous ne voyons rien de tel se produire. Ce sont des organismes externes comme le nôtre qui prennent le relais et qui font ce travail présentement. Je ne sais pas si le système de justice pénale est le mécanisme approprié pour aider les victimes. Je pense toutefois que fournir un financement durable aux organismes sans but lucratif et non gouvernementaux qui aident les victimes de la manière dont nous le faisons déjà, avec un personnel déjà formé et spécialisé dans l’aide aux victimes, est peut-être une voie plus pertinente.

Mme MacNeil : Je souscris entièrement à ces commentaires. Je n’aurais pas pu mieux dire.

Le fardeau pour aider les survivants incombe en grande partie au secteur à but non lucratif qui, comme nous le savons, souffre d’un grave manque chronique de financement et de soutien. Cela dit, nous faisons déjà ce travail. Nous le faisons déjà. Ce projet de loi apportera plus de transparence et d’informations aux victimes afin que nous puissions mieux les soutenir, de façon proactive. Lorsque nous sommes appelés à soutenir une victime parce qu’elle a été traumatisée à nouveau par un système qui l’a laissée tomber, il est beaucoup plus difficile de recoller les morceaux. Si les victimes reçoivent des informations à l’avance et sont mieux préparées, nous sommes plus à même de les aider. Je conviens que ce n’est pas le système correctionnel qui devrait fournir ce soutien, mais plutôt les réseaux qui se spécialisent déjà dans ces services.

Ce projet de loi va-t-il nécessairement apporter tout le soutien nécessaire? Pour être honnête, non, je ne pense pas. Ce soutien n’est pas offert depuis de nombreuses années, et je ne pense pas que la situation changera de sitôt. Nous faisons néanmoins ce travail et nous continuerons à le faire. Ce projet de loi nous aidera et nous soutiendra dans notre mission.

Le sénateur Arnot : Je vous remercie de votre travail.

Le sénateur Tannas : Je vous remercie de votre présence. Je voudrais revenir un peu sur ce qu’a dit le sénateur Moreau à propos du témoignage d’hier. Le député M. Carrie nous a dit que les dix mots insérés à quatre endroits constituaient un modeste pas en avant. Ce n’est pas ce qu’il voulait accomplir, mais c’est un pas en avant. Cela m’a rassuré.

Puis, une femme nous a dit que, depuis qu’elle a témoigné devant le comité de la Chambre des communes il y a un an, son équipe s’est mise au travail et a considérablement amélioré tout ce qu’elle faisait; désormais, tout fonctionne comme une horloge suisse.

Je suis ici depuis assez longtemps pour savoir que ce que dit un haut fonctionnaire d’Ottawa sur ce qui se passe réellement... et ce n’est pas seulement seulement attribuable à la bureaucratie. Je ne veux pas rabaisser les hauts fonctionnaires. Le fait est que, dans les grandes organisations, tout est théorique pour les personnes au sommet. Ce ne sont pas les hauts fonctionnaires qui envoient le courrier et qui répondent aux appels téléphoniques — ou qui n’envoient pas le courrier et qui ne répondent pas aux appels téléphoniques. Alors, tout d’abord, je me demande si vous pourriez me donner votre réaction sur le commentaire voulant que le système fonctionne à merveille maintenant, telle une horloge suisse.

Deuxièmement, nous avons entendu une réponse très inquiétante de la part de la même femme, Mme Kirstan Gagnon — merci — qui est commissaire adjointe. Lorsqu’on lui a demandé si ce projet de loi changerait quoi que ce soit au travail de son équipe, elle a répondu par la négative. Alors, comment concilier les commentaires : « tout fonctionne à merveille, et il n’y aura aucun changement si ce projet de loi est adopté? » J’aimerais avoir une réaction rapide de votre part, car j’ai une autre question à poser.

Mme Crawford : C’est décourageant à entendre, parce que nous voyons les répercussions sur les victimes au quotidien et que nous plaidons régulièrement leur cause, puisque nous savons que le système est complètement et intrinsèquement inadéquat. Il ne soutient pas les victimes. Il ne tient pas compte de leurs expériences, et le fait de dire qu’il fonctionne comme une horloge suisse est problématique pour toutes les victimes et les survivants à travers le pays, qui se comptent par milliers. Il s’agit donc d’une nouvelle victimisation et d’une autre position problématique, alors que nous savons que le système est dysfonctionnel.

Mme MacNeil : Hier encore, l’une de mes employées est venue me voir. Voici ce qu’une victime avec laquelle elle travaille a dit : « Je ne sais pas pourquoi on appelle le système “système de justice” s’il ne rend pas justice aux victimes. » C’est l’expérience que nous entendons tous les jours sur le terrain.

Ce projet de loi va-t-il changer le monde et résoudre tous les problèmes que nous rencontrons dans le système de justice pénale? Non. Mais si on avait présenté un projet de loi qui apportait des changements considérables et radicaux, je ne pense pas qu’il se serait rendu aussi loin. La modification de quelques mots qui font rejeter la responsabilité sur le système plutôt que sur la victime — ne serait-ce qu’un peu — est un pas dans la bonne direction.

Le sénateur Tannas : Merci.

Dans ce cas, ma prochaine question est la suivante. Lors d’une réunion publique, les personnes chargées d’assurer l’interaction et de satisfaire à toutes les exigences ont dit que ce projet de loi n’apportera aucun changement. Cela vous donne-t-il le pouvoir d’entreprendre des démarches devant les tribunaux pour souligner le fait que les responsables ne font pas ce qu’ils prétendent faire ou ce qu’ils sont censés faire? Existe-t-il un mécanisme, ou pourriez-vous nommer une organisation qui serait suffisamment motivée pour demander des comptes à ces personnes? Ou devrions-nous prendre en compte cette réalité dans nos délibérations?

Mme MacNeil : Je répondrais par cette question au Sénat : quelle responsabilité notre gouvernement doit-il assumer lorsqu’il s’agit de demander des comptes à des personnes qui ne respectent pas la loi? Pourquoi adopter une loi si on peut l’enfreindre sans craindre de répercussions ou de reddition de comptes? Je demande à notre gouvernement de veiller à ce que la loi soit appliquée.

Le sénateur Tannas : Merci.

La vice-présidente : C’est un bon point. Je pense que l’une d’entre vous en a déjà parlé, mais croyez-vous que les avis fournis aux victimes par la Commission des libérations conditionnelles du Canada et par Service correctionnel Canada sont suffisamment détaillés pour répondre aux besoins des victimes, ou avez-vous relevé d’autres lacunes importantes? Peut-être que ce projet de loi vise l’une d’entre elles. Est-ce que chacune d’entre vous pourrait me donner très brièvement une réponse à ce sujet, s’il vous plaît?

Mme MacNeil : Les avis sont terriblement inadéquats. Les documents et les lettres envoyés aux victimes doivent être rédigés dans un langage clair. Nous devons tenir compte du profil des personnes qui sont victimisées de manière disproportionnée : ce sont souvent des personnes souffrant de déficiences intellectuelles ou cognitives — des personnes qui fonctionnent au niveau d’un enfant de 9 ou 10 ans. Il s’agit de personnes issues de milieux socioéconomiques défavorisés qui n’ont pas accès à l’éducation. L’éducation est cruellement inadéquate dans les communautés des Premières Nations de tout le pays. Les lettres et les dossiers d’information qui ne sont pas rédigés dans un langage simple sont tout à fait inadéquats pour aider les victimes.

Mme Crawford : Je suis d’accord avec le témoin. Bien souvent, les informations fournies n’abordent pas les implications géographiques. Vous avez parlé de personnes issues de petites communautés, mais même dans les communautés plus grandes, il peut n’y avoir que deux épiceries. Le fait de ne pas être informé ou de l’être de manière inappropriée a des répercussions sur les victimes. Il y a actuellement une grève du courrier, de sorte que, en ce moment, les lettres peuvent arriver six semaines après leur envoi. Toutes ces circonstances multiplient les problèmes.

Les victimes d’actes criminels souffrent beaucoup du fait qu’on ne tient pas compte des restrictions géographiques pour les personnes autorisées à bénéficier de la semi-liberté ou d’une permission de sortir sans escorte. C’est l’un des facteurs sur lesquels, selon nous, il faut mettre davantage l’accent. Ces restrictions doivent être mieux appliquées.

[Français]

Mme Mac Donald : Je l’ai mentionné dans mon allocution : il est nécessaire de le rendre accessible aux victimes. Mme MacNeil l’a dit. Les personnes qui reçoivent cela, c’est du chinois pour elles. En fait, en me préparant pour mon allocution, je suis allée visiter le site de Service correctionnel Canada, et c’est du chinois pour une personne éduquée comme moi. Quelqu’un qui reçoit une lettre indiquant que la personne a pu sortir avec escorte va se demander ce que ça veut dire, « avec escorte ». La sécurité de la personne a été assurée, mais elle n’en a probablement aucune idée. La libération conditionnelle, qu’est-ce que ça implique? On pense qu’après avoir purgé le tiers de sa peine, la personne sera libérée. La personne qui écope d’une sentence à vie, par exemple, même si la personne sort après 25 ans, il y a des conditions à respecter jusqu’à la fin de sa vie, et ce n’est pas très bien expliqué. Pour le sentiment de sécurité de la personne, il est extrêmement important que cette explication s’ajoute et elle n’est pas facile à trouver sur Internet.

[Traduction]

La vice-présidente : Merci beaucoup. Oui, si c’est une criminologue qui le dit, c’est un très bon point. J’espère que des membres de la Commission des libérations conditionnelles du Canada et de Service correctionnel Canada suivent l’étude de notre comité sur ce projet de loi et entendent certains des autres types d’excellents changements que vous suggérez. J’espère qu’ils apporteront ces changements de manière proactive.

[Français]

La sénatrice Oudar : Effectivement, hier, on a posé beaucoup de questions aux représentants du ministère de la Sécurité publique et de la Commission des libérations conditionnelles. Personnellement, je serais allée plus loin dans le projet de loi : j’aurais préféré que les victimes aient droit à l’information non seulement au prononcé de la peine, mais même bien avant. Je les ai d’ailleurs renvoyés à la Charte canadienne des droits des victimes aux articles 7 et 8, qui stipulent que les victimes ont le droit à cette information, et tout le débat a porté sur les mots « sur demande ».

Je leur ai rappelé qu’effectivement, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes avait recommandé que ce ne soit plus sur demande et que cela se fasse automatiquement, puisque c’est un droit. Je leur ai rappelé, pour avoir travaillé longtemps dans ce domaine, qu’une fois qu’on est victime, toutes les études médicales ont montré que c’est comme si la personne avait subi un choc post-traumatique qui reste pendant de nombreuses années. Un choc post-traumatique, ça vicie le jugement et ça amène à ne pas prendre des décisions éclairées; on ne peut surtout pas demander aux victimes de prendre ce fardeau sur elles, soit lire un formulaire de six pages, comprendre le site Web, mettre à jour leur dossier et se perdre dans les dédales administratifs. Je suis avocate et je comprends tout à fait ce que vous disiez lors de votre témoignage, madame Mac Donald. C’est incompréhensible.

Hier, j’ai demandé aux représentants du gouvernement s’ils étaient d’abord sur place. Ils nous ont répondu qu’ils avaient du mal à trouver les victimes. On n’a pas compris cette réponse : les victimes assistent aux audiences. On leur a demandé si c’était possible de les rejoindre et de travailler avec elles à l’échelle humaine. Il semble y avoir des modèles de lettre qui doivent être tout aussi incompréhensibles. Je ne voyais pas du tout l’approche du gouvernement de cette façon, mais le fait d’être présent à l’audience, même avant, et d’expliquer le rôle de témoin, c’est difficile. Il y a des gens qui se désistent de leurs plaintes quand on leur demande de témoigner, notamment des victimes de violence conjugale. On est bien avant le prononcé de la peine. C’est très ardu pour les victimes et je sais que vous le savez. Je m’excuse, je ne vous ai pas remerciées de votre travail au début de ma question. Merci infiniment à toutes les quatre pour votre travail auprès des victimes.

J’aimerais que vous puissiez me convaincre sur toute la question des mots « sur demande ». Ce sont les mots qui figurent dans la Charte canadienne des droits des victimes et c’est ce que nous répond le gouvernement, en nous disant : « Sur demande, je fais mon travail, si elles ne me le demandent pas... » Si vous ne les informez jamais, elles ne viendront jamais le demander; puis, je leur ai parlé de leurs cibles et indicateurs dans l’InfoBase du GC — je m’excuse, c’est plus technique. Ils se sont fixé comme cible d’avoir seulement 350 personnes qui s’inscrivent au système correctionnel fédéral. Au nombre de crimes qu’il y a, je leur ai mentionné que ce n’était pas très ambitieux pour tout ce qui a trait à la question de demander aux victimes de faire elles-mêmes la demande. Je crois que c’est aussi votre position, mais j’ai besoin de vous réentendre. Si vous me dites qu’il faut que ce soit sur demande, il y a un travail à faire en amont de la part du gouvernement pour informer les victimes, car celles-ci doivent savoir qu’elles ont une demande à faire. À l’heure actuelle, les victimes ne le savent pas.

Mme Mac Donald : En fait, il y a deux enjeux. Il y a l’aspect « sur demande », mais il y a aussi tout l’aspect lié à la Charte canadienne des droits des victimes. C’est un très beau principe, mais malheureusement, cela n’a pas force de loi. C’est un peu notre cheval de bataille à l’AQPV : on essaie de rendre ces droits de la Charte effectifs. Vous dites que c’est sur demande; oui, car c’est ainsi que ça a été écrit, mais pour certaines personnes, c’est extrêmement difficile de faire la démarche, c’est une démarche de trop. Si c’est écrit, c’est un droit qu’elle a, donc pourquoi ne pas le lui donner, tout simplement?

La sénatrice Oudar : En 2022, le rapport du Comité permanent de la justice et des droits de la personne recommandait que ce ne soit plus « sur demande », mais automatique. En 2022, aviez-vous exprimé une position? Vous n’étiez pas d’accord avec les recommandations?

Mme Mac Donald : Je n’étais pas là, donc je ne pourrais pas vous dire.

Le sénateur Carignan : J’aimerais donner quelques éléments d’information.

Je voudrais inviter les sénateurs et tout le monde à examiner le projet de loi S-265, qui a été présenté par le sénateur Boisvenu avant qu’il quitte le Sénat. Il en est à l’étape de la deuxième lecture au Sénat et il couvre à peu près tous les éléments que vous disiez qu’il manque et que nous devrions avoir. Il modifie notamment la Charte canadienne des droits des victimes à l’article 6, pour inclure les mots « sans devoir en faire la demande ». On dit que c’est un pas, mais ce sont plusieurs pas qui pourraient être faits et si l’on pouvait faire progresser ce projet de loi.

La sénatrice Oudar : Merci de l’intervention et d’éclairer notre réflexion, mais j’ai besoin d’entendre les organismes communautaires. J’aimerais savoir s’ils sont d’accord ou non avec le fait d’exiger cela — en fait, avec la recommandation disant qu’il faut que cela se fasse non plus sur demande, mais automatiquement.

Je suis très intéressée à entendre votre point de vue.

[Traduction]

Mme Crawford : Oui, je pense que la Charte canadienne des droits des victimes est une théorie. En principe, elle semble excellente. En réalité, elle n’accomplit rien, malheureusement. Elle dit essentiellement : « Voici vos droits. S’ils ne sont pas respectés, vous avez le droit de déposer une plainte. » Nous déposons des plaintes au nom de nos victimes, avec leur soutien, et il se peut qu’elles n’aient jamais de réponse. Il peut s’écouler des mois, ou bien on leur dit que, parce qu’elles ont envoyé une lettre ou une demande, elles peuvent maintenant savoir que l’audience de la Commission des libérations conditionnelles du Canada aura lieu le lendemain, mais qu’elles ne peuvent pas se présenter en personne à cause de la COVID ou d’une autre raison.

Cette charte existe en principe, mais, encore une fois, c’est le volet de défense des intérêts qui fait défaut. Les victimes devraient automatiquement avoir le droit d’être informées. Elles ne devraient pas avoir à présenter de demandes. C’est pour ne pas recevoir d’information qu’il faudrait devoir faire une demande.

Les efforts nécessaires seulement pour comprendre ce qui se passe dans le système de justice pénale représentent un travail à temps plein. Pour défendre leurs intérêts, les victimes doivent comprendre ce qu’elles sont censées faire, où elles peuvent obtenir de l’aide et s’il existe du financement — tous ces efforts prennent énormément de temps.

Mme MacNeil : Tout d’abord, je reviendrai sur le fait que vous avez mentionné le maximum de 350 victimes dans le système. Notre petite équipe de huit personnes travaillant en première ligne a aidé 35 000 victimes au cours des cinq dernières années. Moins de 30 % de notre travail est financé de manière durable. J’espère que ces nombres répondent à la question des 350 victimes.

Je pense que l’expression « sur demande » doit être supprimée des articles 7 et 8, car, encore une fois, en laissant ces mots, on fait comprendre aux victimes qu’elles doivent demander l’information. Nous voulons modifier la loi pour que la responsabilité n’incombe plus aux victimes. Je pense également qu’il faut supprimer le dernier énoncé de la Charte canadienne des droits des victimes, auquel j’ai fait référence dans ma déclaration, qui dit : « La violation ou la négation d’un droit prévu par la présente loi ne donne pas ouverture à un droit d’action [...] »

La loi informe les victimes de leurs droits et, à la toute fin, elle dit que, si leurs droits sont violés, elles n’ont aucune cause d’action. Cette disposition doit également être supprimée.

La vice-présidente : Merci.

[Français]

La sénatrice Audette : Je vais faire de mon mieux pour respecter vos propos, car je les comprends très bien.

Pour moi, le pouvoir des mots est précieux, tout comme le choix des mots. Vous comprenez que notre responsabilité est de légiférer, donc dans mon monde de femme innue, où c’est très holistique, il faut parfois que je fonctionne en silo, parce qu’on va peut-être parler de la police et on va peut-être réagir en disant que ce projet de loi ne répond pas à certaines inquiétudes. Je nous invite à nous rappeler que pour une victime, il est difficile de penser en silo.

Merci beaucoup, sénateur Carignan, de nous informer sur le projet de loi S-265. J’espère qu’on va vous revoir comme témoin.

Brièvement, de 2004 à 2007, j’ai été sous-ministre associée au gouvernement du Québec. On me donnait la chance de mettre en place une première politique pour lutter contre la violence auprès des femmes autochtones. Les 13 ministères étaient très favorables à l’idée, mais parce que nous n’avons pas mis cela dans une loi et comme il y a eu un changement de gouvernement, il n’y a plus de politique pour les femmes autochtones en 2025.

Pour moi, c’est important et vous aurez mon appui. Cependant, on sait que c’est très pointu comme projet de loi. Vous l’avez mentionné, il n’y a pas force de loi pour ce qui a été mentionné par ma collègue.

Est-ce que le projet de loi S-12 est rassurant? Est-ce que ce peut être aussi un endroit où l’on peut vous soutenir afin de pousser pour que le projet de loi S-12 soit vivant ou bouge? Il est loi, il est censé être une loi.

Comment peut-on faire en sorte que les victimes... On le sait, elles reçoivent une convocation quand il faut aller en cour; elles ne seront peut-être pas là, mais elles seront représentées. Je donne un exemple fictif : ma mère a été tuée, c’est elle la première victime, mais dans le deuxième cercle, celui de la famille du cœur, nous sommes aussi des victimes. On a parfois tendance à oublier cet aspect dans la définition de victime.

Pour le projet de loi S-12 et ce projet de loi, comment être plus forts les prochaines fois que nous allons nous mobiliser, parce qu’on réfléchit en silo ici?

Mme Mac Donald : Pour ce qui est du projet de loi S-12, je vous dirais qu’on attend encore de savoir comment tout cela va s’actualiser. C’est une petite case, mais une fois que la personne l’a cochée, qui reçoit cela? Est-ce que ce sera systématique?

Vous mentionnez quelque chose d’important par rapport à la famille, qui n’est pas nécessairement la personne victime. Je me suis spécialisée auprès des personnes décédées par acte criminel il y a quelques années. On s’est aperçu que la lettre envoyée à la personne victime par le gouvernement du Québec était adressée à la personne victime dans les dossiers d’homicides. Donc, on recevait une pile de courrier qui était au sujet de la personne et on disait « La reine contre » au lieu du nom de la personne victime.

Lorsqu’on a vu cela en 2012, on a développé un projet pour soutenir les proches des personnes. À ma connaissance, c’est encore ainsi que cela fonctionne aujourd’hui. À mon avis, il y a encore des choses à améliorer.

La sénatrice Audette : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Simons : Merci à tous nos témoins. Madame MacNeil, vous avez parlé de l’importance de la transparence et des formulations claires. Un élément qui me laisse perplexe dans le projet de loi C-320 est l’insistance à expliquer comment les dates de libération sont déterminées. J’essaie de déterminer le degré de détail que les gens attendent de cette explication, et si elle ne sera pas tout simplement plus confuse si on leur donne une explication technique sur les normes de détermination de la peine. Qu’espérez-vous obtenir d’une explication sur la manière dont une date a été déterminée?

Mme MacNeil : Il est question ici du droit de recevoir cette information. Est-ce que l’information sera parfaite? La victime sera-t-elle en mesure de tout lire et de tout comprendre dans son intégralité? Non, mais c’est déjà le cas aujourd’hui. Les victimes ont néanmoins le droit de recevoir l’information. Nous devons veiller à ce que des mesures d’appui soient offertes pour que, lorsqu’elles reçoivent l’information, elles soient en mesure de l’interpréter et de la comprendre. Nous ne pouvons pas décider de ne pas leur donner ces informations sous prétexte qu’elles pourraient prêter à confusion. Les victimes ont le droit de recevoir ces renseignements.

La sénatrice Simons : On explique comment, et non pourquoi, une date a été fixée. J’imagine que la raison derrière la démarche peut parfois être aussi simple que ceci : le détenu était absent du centre correctionnel le mardi parce qu’il avait une rencontre de libération conditionnelle. C’est une hypothèse.

Madame Mac Donald, vous avez un peu abordé cette question. J’ai du mal à comprendre pourquoi l’accent est mis sur la manière dont la date est déterminée, alors que c’est peut-être la date de la libération d’office.

Mme Crawford : La date peut aussi avoir changé. Si la peine était de 25 ans et qu’elle a été écourtée, est-ce en raison du bon comportement du détenu? Quelles raisons expliquent ces changements de dates? C’est ce que j’ai compris et interprété, mais je peux me tromper.

Les victimes nous disent souvent que ces explications manquent : elles ont l’impression, par exemple, qu’un délinquant purgeait une peine d’emprisonnement à perpétuité, alors qu’il peut maintenant bénéficier d’une libération conditionnelle au bout de 10 ans, disons.

La sénatrice Simons : C’est relativement simple. Mais nous parlons de ce type de cas de figure : la date d’une permission de sortir a peut-être été fixée parce que le détenu a un rendez-vous chez le dentiste et que c’est le jour où le dentiste est disponible.

Je comprends ce que vous dites sur le fait que, malgré les témoignages d’hier, les victimes ne reçoivent pas ces informations en temps voulu et de manière à pouvoir agir.

Cependant, j’ai du mal à comprendre pourquoi il faut savoir si quelqu’un a été libéré pour une permission de sortir en raison de funérailles d’un proche et pourquoi il faut connaître tout le raisonnement expliquant comment la période a été déterminée. C’est un puits sans fond d’informations qui n’est peut-être pas très utile pour quiconque.

Mme MacNeil : C’est une question de transparence. Si une décision est prise qui a une incidence sur ma vie entière et sur mon sentiment de sécurité — même s’il s’agit d’un rendez-vous chez le dentiste —, j’estime que j’ai le droit de savoir. Les victimes ont le droit d’être tenues au courant. La façon dont la décision a été prise prépare parfois mieux la victime à participer au processus, car, selon la situation, la victime peut avoir une réponse et être en mesure de donner son avis sur ce qui a été fait pour prendre cette décision.

Sans cette information, les victimes ne peuvent se préparer à réagir.

La vice-présidente : Je vous remercie. Ne s’agit-il pas plutôt de savoir si le délinquant est admissible à ce type d’absences à ce stade de sa peine? N’est-ce pas là le type d’informations qui serait visé par ce projet de loi? Comme vous l’avez dit, il peut arriver que la victime croie que le délinquant est en prison pour au moins 25 ans, et qu’il s’avère qu’il est libéré après 22 ans parce que ces types de remises en liberté sont possibles à partir de 22 ans; n’est-ce pas le genre de situation que le projet de loi vise?

Mme Crawford : Selon moi, il s’agit également de facteurs déterminant comment et pourquoi la décision a été prise. Je comprends ce que vous dites à propos des permissions de sortir temporaires. Néanmoins, si vous croyez que la personne qui vous a causé du tort, à vous ou à votre famille, purge une peine de 25 ans, puis qu’elle se trouve chez le dentiste et que vous la rencontrez par hasard... Si elle est, par exemple, autorisée à se rendre à Kanata parce que c’est là que son dentiste se trouve, et que vous vivez à Kanata, les circonstances sont problématiques. Les victimes ont le droit de savoir parce que la situation porte atteinte à leur sécurité et à leur sentiment de sécurité.

La vice-présidente : Merci. Je vous suis reconnaissante de votre réponse.

La sénatrice Pate : Je vous remercie toutes de votre travail et de vos efforts continus.

J’ai en fait travaillé avec les prédécesseurs de Mme Crawford et de Mme Mac Donald, en particulier pour obtenir des réexamens de dossiers de femmes qui avaient été emprisonnées pour avoir tué des partenaires violents alors qu’elles n’avaient pas bénéficié du type de soutien dont vous avez toutes parlé.

C’est en partie ce qui a conduit un certain nombre d’entre nous à travailler sur des sujets tels que le revenu de base garanti et la nécessité de prévoir des mesures de soutien pour que les gens puissent prendre des congés, bénéficier d’un soutien psychologique et faire leur deuil.

Hier, j’ai posé la question suivante à Mme Freeman : je suis curieuse de savoir si vous avez participé à des discussions sur les types de mesures nécessaires qui, au lieu d’agir après coup, portent sur la prévention et les interventions. L’objectif serait d’apporter des mesures de soutien aux personnes au moment où elles en ont besoin, et pas seulement des informations — je ne devrais pas dire « seulement », mais des informations après coup.

J’aimerais beaucoup entendre les commentaires de chacune si vous êtes à l’aise de nous en faire part.

Mme MacNeil : Comme je l’ai mentionné, notre agence reçoit un financement durable pour moins de 30 % de notre travail. Notre financement vient à 70 % de subventions et de collectes de fonds, ce qui n’est pas durable. Cela nous cause des enjeux de capacité.

En Ontario, on vient d’apporter un changement aux normes du programme d’Intervention rapide aux victimes, qui a vu une baisse radicale des indemnités pour que les victimes de violence aillent à l’hôtel, surtout les victimes de violence fondée sur le sexe. Le travail forcé a légèrement augmenté, mais la traite de personnes à des fins sexuelles et le nombre de victimes de violence d’un partenaire intime, dans une situation, représentent maintenant le tiers de ce que c’était l’an dernier.

En matière de traite de personnes à des fins sexuelles et de la violence contre un partenaire intime, les femmes sont touchées de façon disproportionnée. Pourquoi les victimes de travail forcé méritent-elles ce niveau de soutien, tandis que les autres catégories qui touchent les femmes de façon disproportionnée ne sont pas soutenues de la même manière? Nous voyons d’énormes enjeux en ce qui a trait au soutien disponible.

Nous n’avons pas accès aux refuges pour femmes. Même si nous appelons un refuge et que nous demandons une place sur la liste d’attente, nous attendons de 12 à 14 jours pour offrir un lit à une femme, mais le financement disponible dans le cadre des programmes de soutien provinciaux ne couvre que deux jours à l’hôtel. Les victimes n’ont d’autre choix que de rester dans un environnement abusif, surtout si elles ont des enfants dont elles ne pourraient pas subvenir aux besoins pendant qu’elles vivent dans la rue.

Mme Crawford : Je vais aussi parler de la prévention en réponse à votre question.

Cela est aussi sous-financé de façon chronique. Nous soutenons de 3 000 à 4 000 personnes par année. Notre personnel est composé de trois personnes, et nous n’avons pas de financement de base. Nous aimerions beaucoup faire plus de travail de prévention. Mais au bout du compte, il y a des victimes et des survivantes qui ont besoin de notre soutien. Malheureusement, on met souvent la prévention de côté, parce que les gens n’ont pas la capacité de faire ce travail.

Nous soutenons des gens couramment. Si nous demandons une subvention ou que nous l’obtenons, cela modifie notre orientation stratégique et notre planification, parce que nous appliquons des méthodes à la pièce pour soutenir ces gens. Je pense que sans financement de base, nous n’avons pas la capacité de soutenir les victimes, sans même parler de prévention.

[Français]

Mme Mac Donald : Effectivement, la prévention est un élément qu’on a évoqué à la lecture du projet de loi. On a dit que cela n’empêchera pas que des crimes soient commis et qu’il faudra continuer de prendre soin des victimes. Le financement est le nerf de la guerre. Malheureusement, tous les organismes sont des organismes sans but lucratif. Dans toutes les provinces, il y a des compressions au sein de ces organismes. Ce n’est pas considéré comme une priorité, malheureusement.

[Traduction]

La sénatrice Clement : Je n’ai pas de questions; on les a posées et vous y avez répondu. Vous avez été très claires.

[Français]

Je veux vous remercier en français, madame Mac Donald.

[Traduction]

Merci aux témoins. Pour votre travail, nia:wen. Pour revenir à ce que vous avez dit toutes les trois, les ONG ne reçoivent pas de fonds. Le personnel et la direction se composent surtout de femmes. Donc, merci à vous trois de votre travail.

La vice-présidente : Merci aux témoins de leur présence aujourd’hui, surtout que vous êtes ici en personne. C’est fantastique que vous soyez ici toutes les trois pour nous livrer des témoignages poignants en personne. Merci aussi à tous les sénateurs d’avoir posé une excellente série de questions.

Le sénateur Brent Cotter (président) occupe le fauteuil.

Le président : Je tiens à remercier la sénatrice Batters d’avoir présidé notre réunion en mon absence ce matin. Un ami cher de 50 ans est décédé, et j’ai assisté à ses funérailles ce matin.

Nous avons deux choses à faire. D’abord, il faut proposer un nouveau président pour ce comité qui entrera en poste le 18 décembre, quand votre président va partir à regret.

J’invite maintenant le sénateur Prosper à proposer une motion à cet égard.

Le sénateur Prosper : Brièvement, puisque j’ai la parole, j’aimerais faire un commentaire sur le sénateur Cotter. Je suis certain que c’est vrai pour de nombreuses personnes, mais votre présence a certainement eu un effet sur moi. J’ai tendance à observer les sénateurs dont je m’inspire. Je trouve que vos capacités de sénateur et de président sont admirables. En mi’kmaq, on dit [mot prononcé en langue autochtone]. C’est la lumière qui se reflète sur l’eau. Je tiens juste à dire que votre présence ou votre esprit dans cette institution reflète la lumière pour chacun de nous, et même si vous ne serez plus ici, votre esprit, cette lumière, est en nous. Je tiens à vous en remercier.

Le président : Merci.

Le sénateur Prosper : Poursuivons nos travaux : je propose que la sénatrice Pate soit présidente du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles à partir du 18 décembre 2024.

Le président : Y a-t-il des discussions sur la motion?

Puisqu’il n’y en a pas, vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Oui.

Le président : C’est adopté. Félicitations, sénatrice Pate, mais vous devrez attendre jusqu’à mon anniversaire.

Le sénateur Moreau : Et la motion est adoptée le jour de mon anniversaire.

Le président : Joyeux anniversaire, sénateur Moreau.

La sénatrice Batters : Félicitations à la sénatrice Pate, et je tiens également à dire quelques mots sur le sénateur Cotter, qui vient aussi de la Saskatchewan.

Sénateur Cotter, j’ai adoré travailler avec vous au comité, surtout quand nous étions membres du comité de direction. Vous avez toujours défendu la Saskatchewan, concernant la situation du Canadien Pacifique que nous avons eue dès nos débuts ici ou des enjeux liés à l’agriculture et d’autres questions importantes pour la Saskatchewan sur lesquels vous vous êtes exprimé en Chambre. Je l’ai toujours apprécié.

Quand nous avons tenu une réunion du comité juridique avant d’aller au match des Roughriders la fin de semaine, j’estimais que nous avions un bon bilan. Je ne sais pas comment nous allons faire durant la prochaine saison. À ce propos, le sénateur Arnot peut intervenir.

Merci de votre travail là-dessus. Je vous souhaite un joyeux anniversaire.

Le président : Merci, sénatrice Batters.

Sénateur Carignan, je vais vous donner la parole, mais je pensais que vous aviez dit quelque chose de gentil à propos de moi au comité de l’éthique.

Le sénateur Carignan : Mais c’était à huis clos.

[Français]

Je veux vous remercier. Je ne l’ai pas dit au Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, mais quand vous êtes arrivé, je trouvais que vous aviez tout ce qu’il faut pour être un excellent sénateur : l’expérience, le caractère, la sagesse, l’écoute, les commentaires que vous faisiez. J’étais vraiment impressionnée et je le suis toujours. Quand j’ai appris que vous étiez déjà proche de la retraite, je me suis dit : « Allons donc! C’est une recrue! Il vient d’arriver et il nous quitte déjà? » Cela a été court, malheureusement, beaucoup trop court, parce que je pense que votre apport est déjà très grand, mais aurait pu être encore plus grand. Encore une fois, vous êtes une démonstration vivante que le Parlement du Canada a fait une erreur en imposant la retraite à 75 ans.

[Traduction]

Le président : Merci, sénateur. Je comprends.

Si vous le permettez, dans mon évolution au Sénat, surtout dans le débat très difficile sur le projet de loi concernant l’aide médicale à mourir, vous étiez un modèle pour moi dans votre façon de présenter votre point de vue sur ce projet de loi. J’en ai tiré de nombreux enseignements. Je vous en remercie.

Devrions-nous passer à nos travaux?

La partie essentielle de nos activités aujourd’hui consiste à examiner le projet de loi C-320 article par article.

Est-il convenu de procéder à l’étude article par article du projet de loi C-320, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (communication de renseignements à la victime)?

Des voix : D’accord.

Le président : Êtes-vous d’accord pour suspendre l’adoption du titre?

Des voix : D’accord.

Le président : L’article 1 est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : Adopté. L’article 2 est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : Adopté. L’article 3 est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : Adopté. Le titre est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : Adopté. Le projet de loi est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : Adopté. Le comité veut-il annexer des observations au rapport?

La sénatrice Pate : On vous a remis l’observation. Tout le monde en a une copie? J’ai donné la mienne, désolée. Je vais la lire :

Les mesures proposées dans ce projet de loi sont déjà permises en vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et des politiques du Service correctionnel du Canada et de la Commission des libérations conditionnelles du Canada. Pour éviter de causer du stress et des traumatismes aux victimes, ces deux organisations doivent s’assurer de manière proactive que les victimes aient accès à de l’information sur la détermination de la peine et la mise en liberté graduelle. Au lieu de consacrer plus de ressources aux réformes répétées du droit criminel, il faudrait investir pour s’assurer que les victimes bénéficient d’un accès approprié au soutien de santé, social, économique et à d’autres services.

Le président : Voulez-vous parler de cette observation, sénatrice Pate?

La sénatrice Pate : Nous avons assurément entendu des témoignages allant en ce sens, dont ceux du dernier groupe de témoins, à propos des types d’information. Durant les témoignages hier, le gouvernement nous a indiqué — et cela se trouve certainement dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et les politiques — qu’on pouvait déjà fournir l’information recherchée dans ce projet de loi aux termes de la politique actuelle.

Il y a certainement des enjeux, comme tous les témoignages l’ont montré, à savoir si les gens reçoivent bien l’information, même s’ils y ont droit.

On a aussi parlé d’un fait dont j’étais au courant il y a un certain temps. Les représentants du gouvernement nous ont indiqué qu’ils reproduisaient encore là des choses comme les livres et les outils sur le calcul des peines et l’information communiquée aux victimes. Il semble qu’il fut un temps où l’information n’était pas disséminée, et on a certainement soulevé un enjeu de reddition de comptes.

Par ailleurs, de nombreuses victimes nous ont dit que c’est dans ce domaine du droit que nous avons la compétence d’influencer le droit fédéral, soit le Code criminel et, dans ce cas-ci, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Cependant, les victimes ont besoin de soutien supplémentaire avant qu’elles ne deviennent victimes, mais aussi dans la gestion des traumatismes pour apaiser ces craintes. C’est le contexte dans lequel s’inscrit cette observation.

Le président : Merci.

La sénatrice Batters : Merci beaucoup, sénatrice Pate. Je suis d’accord pour certaines parties de l’observation, mais ma principale préoccupation, c’est qu’à la première phrase et près de la fin, on dit au fond que ce projet de loi — que nous avons adopté à l’unanimité — est inutile.

En outre, j’ai posé la question aux fonctionnaires de la Commission des libérations conditionnelles et du Service correctionnel du Canada durant leur témoignage hier, quand on a dit que c’était déjà prévu et possible : pourquoi est-ce que cela n’arrive pas, dans ce cas? Ils ont certainement admis que cela ne se faisait pas, mais ils ont aussi dit que le gouvernement appuyait le projet de loi. La preuve, c’est le vote unanime à la Chambre des communes, y compris le vote du ministre de la Sécurité publique et ceux de tout le Cabinet.

Honnêtement, cela m’irait si l’on retirait la première phrase. À la deuxième phrase, il faudrait nommer les organisations correctement. Au lieu de parler de deux organisations, il faudrait les nommer. De plus, il faudrait changer le tout début de la dernière phrase, où nous disons : « au lieu de consacrer plus de ressources aux réformes répétées du droit criminel ». Je ne pense pas qu’il s’agit d’une réforme redondante du droit criminel, car elle n’est pas terminée. On pourrait supprimer cet article et simplement retravailler la dernière phrase un peu pour dire qu’il faut investir pour s’assurer que... C’est ce que je propose pour ce projet de loi que nous venons d’adopter à l’unanimité. Nous avons entendu des témoignages importants sur le fait que ces choses ne se font pas. C’est pourquoi ce projet de loi est nécessaire : pour que l’on applique ces mesures.

Le président : Merci. Pourrais-je suggérer un processus, sénatrice Pate? Je vais inviter les autres à prendre la parole, puis je vous demanderais de répondre à cet argument et à d’autres, possiblement. Selon la position que nous prendrons, si nous nous entendons sur une modification à apporter à l’observation, on pourrait aussi inviter la sénatrice Batters à proposer un amendement.

Cela vous convient-il? Cela vous donnera l’occasion de parler de divers points de vue, puisque vous proposez cette observation. Cela voudrait dire que nous inviterons ensuite la sénatrice Oudar à s’exprimer.

[Français]

La sénatrice Oudar : Merci à la sénatrice Pate pour les observations. Par rapport à la première phrase qui dit que les mesures du projet de loi sont déjà permises, cela rejoindra peut-être les commentaires déjà exprimés. Si on écrit cela, c’est comme si le Sénat ne faisait pas bien son travail, parce que le législateur ne parle pas pour ne rien dire. Je trouve que, comme on le dit en français, on se tire dans le pied. On ne peut pas écrire qu’elles sont déjà permises, parce qu’on est le législateur, donc c’est comme si on ne faisait pas bien notre travail et qu’on avait adopté un projet de loi superfétatoire. Il faut peut-être enlever ces mots ou dire que les mesures prévues dans ce projet de loi sont le prolongement de la Loi sur le système correctionnel ou s’inscrivent dans le cadre de la Loi sur le système correctionnel. C’est une suggestion. En effet, si c’est déjà permis, on est tous là pour rien.

À la dernière phrase aussi — je ne suis pas là depuis longtemps, mais j’ai entendu souvent qu’on souhaite faire une réforme du droit criminel et du Code criminel. Là, on parle d’une réforme du droit pénal. En passant, je ne pense pas que ce projet de loi soit une réforme. Je ne l’aurais pas qualifié de « réforme ». Je n’ai pas de solution, mais j’ai un malaise avec ce qu’on dit là. Il faut quand même rester cohérent avec les observations qu’on a faites par le passé au comité. Je voulais avoir davantage d’explications par rapport au fait qu’on qualifie ce projet de loi de réforme du droit pénal. Pour moi, ce n’en est pas une; c’est une modification. D’ailleurs, les témoins sont venus dire qu’ils auraient souhaité autre chose. Pour moi, ce n’est pas une réforme, malheureusement. J’en aurais souhaité une. Je suis aussi mal à l’aise, mais je n’ai pas regardé la version anglaise, donc j’interprète peut-être mal cette phrase.

Voilà mes deux commentaires. Merci.

La sénatrice Audette : Lorsque j’ai reçu l’observation, j’ai dit à l’équipe au bureau : « Si l’on vote en faveur du projet de loi et qu’on ajoute cette observation, j’ai comme l’impression qu’on dit oui. » Est-ce parce qu’on veut répondre à des gens qui ont eu le courage de partager leur vérité et que, après, on veut ajouter quelque chose? Je crois beaucoup aux observations. Je suis de cette école de pensée. J’avais un malaise, car dans ce cas-là, si on ajoute cela, soit on s’abstient, soit on n’est pas en faveur du projet de loi, parce que l’on croit en principe que c’est inscrit et que c’est clair dans la Loi sur le système correctionnel. Ce que j’allais proposer à ma collègue la sénatrice Pate, c’est que, au lieu de dire « rather than », ou en français « plutôt que de consacrer »... Je crois que le gouvernement fédéral et les ministères ont l’obligation de faire ces deux choses, soit s’assurer que les lois sont à jour, que les victimes sont protégées et que les ministères et les organismes qui répondent au gouvernement fédéral les soutiennent aussi. Donc, les deux peuvent se faire. J’ai un malaise avec cela. Dans ce cas, c’est comme si on avait fait ce travail et qu’on venait dire après : « sauf que ».

Le sénateur Moreau : De façon générale, je suis assez d’accord avec l’observation que suggère de faire la sénatrice Pate. Je pense que les seuls mots qui pourraient être changés dans la première phrase — parce que, effectivement, c’est déjà autorisé — seraient « sont déjà permises »; on pourrait modifier ces mots par « sont déjà autorisées par la Loi sur le système correctionnel ».

D’ailleurs, monsieur le président, j’attirerai l’attention des sénateurs sur l’article 143 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, qui prévoit ce qui suit :

(2) Après avoir pris une décision à la suite de l’examen du cas, la Commission :

a) rend sa décision par écrit et inscrit ses motifs au dossier [...]

Le fait d’inscrire les motifs au dossier, c’est exactement ce qui est prévu par l’amendement qui est suggéré par le projet de loi C-320. En indiquant dans l’observation que « les mesures demandées par le projet de loi C-320 sont déjà autorisées », je pense que nous ne faisons que traduire la réalité de la loi, d’une part.

Par ailleurs, en ce qui concerne le commentaire de la sénatrice Batters, qui faisait référence au fait que les victimes estimaient que ce n’était pas déjà fait, je ne veux pas remettre en question les témoignages entendus, mais le fait qu’une chose ne soit pas faite n’implique pas qu’elle n’est pas autorisée par la loi. C’est la raison pour laquelle je changerais simplement le mot « permise » par « autorisée ».

Sur la deuxième partie de l’observation de la sénatrice Pate, mon commentaire va dans le sens de ce qu’ont dit les victimes et de l’information que nous a donnée le sénateur Carignan sur le projet de loi qui avait été proposé par le sénateur Boisvenu. Plutôt que de parler de « réformes répétitives », je parlerais de « modifications à la pièce ».

Ce qu’on a souvent entendu dire ici, c’est qu’on essayait d’intervenir « comme une catalogne ». En anglais, on dit « patchwork », parce qu’on intervient sur un élément et un autre sans véritablement faire référence au corpus législatif général dans lequel s’inscrit la modification.

Je suis assez certain que la sénatrice Pate pourrait se rallier à cette modification, donc que l’on dise plutôt dans ce contexte « de consacrer davantage de ressources à des modifications à la pièce du droit pénal », et le reste de la phrase pourrait demeurer inchangé.

Ce sont les commentaires que je formulerais, monsieur le président.

Le sénateur Carignan : Je suis assez d’accord sur les mots identifiés par le sénateur Moreau. Or, je comprends peut-être mal le sens de l’observation de la sénatrice Pate.

Sénatrice Pate, vous nous avez habitués à des propositions indiquant qu’on devrait faire une réforme du droit criminel au complet, et ce n’est pas du tout ce que je lis actuellement; je lis complètement le contraire. Ce n’est peut-être que ma perception. Je vois un changement dans l’approche que vous avez, alors vous pourriez peut-être nous éclairer là-dessus.

Je ne suis pas contre une grande réforme du droit criminel, justement à cause de la catalogne et de la Commission de réforme du droit du Canada, sur lesquelles on peut déjà travailler, mais je voulais juste vous entendre sur vos autres observations afin d’être certain qu’elles ne sont pas en contradiction avec ce qu’on aurait pu avoir déjà adopté dans d’autres rapports.

La sénatrice Clement : Je suis d’accord avec la direction de l’observation de la sénatrice Pate, et je veux être d’accord avec celle de la sénatrice Audette. Je crois beaucoup en tout cela, et je veux que ce soit bien noté, car je trouve que c’est un travail qui vaut la peine. Merci pour le commentaire.

Sénateur Moreau, je suis d’accord avec les mots que vous avez suggérés. J’aimerais bien mettre le mot « catalogne » dans le lot également, mais n’exagérons pas. Quand on parle en anglais du « piece meal » ou du « patchwork », c’est exactement ça.

J’aimerais aussi rappeler que le Code criminel n’a pas été révisé depuis 50 ans, donc on est vraiment dans une situation absurde pour répondre à vos commentaires, sénatrice Oudar. C’est un travail que nous devons entamer et on doit trouver une façon de le faire, à ce comité ou entre gouvernements.

Ce sont mes commentaires. Merci.

[Traduction]

Le sénateur Tannas : Je dois dire deux choses. Tout d’abord, je pense que la première phrase suffit, et que la deuxième porte ombrage au projet de loi. Nous en avons parlé.

Au lieu de parler de mesures déjà permises, nous pourrions parler d’exigences claires et précises, parce que nous sommes précis. Ce n’est pas mentionné dans cette partie, ce qui règle la question.

L’observation rejette le projet de loi, en quelque sorte. Nous disons ensuite qu’au lieu de perdre notre temps à ce projet de loi, nous devrions faire autre chose. Je ne veux pas vous prêter de mauvaises intentions, mais c’est ce que j’en comprends après avoir lu votre observation.

Je pense que nous devrions séparer le reste du paragraphe sur le fait qu’il faut offrir ces services. Cela doit être séparé de l’insinuation qui déprécie le travail de tous les témoins qui nous ont accordé de leur temps et qui ont consacré plus d’un an à défendre ce projet de loi.

Je suggère que nous séparions cette observation en deux. J’aime les autres commentaires qu’on a faits.

Voilà ce que je suggère.

Le président : J’inviterais la sénatrice Pate à faire un commentaire. Deux intervenants suivront, puis je vous demanderais peut-être de réagir à leurs points de vue, mais nous en avons déjà entendu plusieurs.

La sénatrice Pate : Merci, chers collègues, de vos commentaires.

Sénateur Tannas, merci de nous indiquer directement l’impression que vous donne mon observation. Ce n’est pas mon intention, mais je crains fort que les efforts bien intentionnés pour soutenir ces gens signifient souvent que nous avons des dispositions et des processus redondants quand l’objectif du projet de loi est déjà couvert par la loi.

Merci, sénateur Moreau, de votre suggestion sur ce qui est déjà autorisé, parce que je pense qu’il est important de le souligner. Cela envoie le message que les ministères doivent rendre des comptes et respecter leurs obligations.

Cela donne peut-être l’impression que nous visons les promoteurs du projet de loi, mais il est plutôt question d’imputabilité, surtout dans les domaines comme le système correctionnel.

Je comprends qu’il faut se concentrer sur la réforme du droit correctionnel plutôt que le droit criminel. J’ai bel et bien envisagé de faire mon observation habituelle. Merci, sénateur Carignan, je suis ravie de l’ajouter. Nous connaissons le libellé, parce que nous l’avons utilisé à de multiples reprises, donc je suis ravie d’ajouter cela.

C’est très important de signaler que ces mesures sont déjà autorisées, donc merci beaucoup de cette proposition.

Je serai heureuse de scinder le projet de loi. Je pense qu’on nous a dit très clairement que la seule option, c’est de réformer le droit criminel ou le droit correctionnel, et non d’examiner les besoins. Si l’on peut en faire un paragraphe distinct dans notre observation, c’est avec plaisir que je vais accepter.

Mais je veux parler du fait que nous consacrons toujours du temps, de l’énergie et des ressources à la réforme des lois qui permettent déjà ces mesures, et que nous ne mettons pas en place des ressources pour aider les gens quand ils en ont le plus besoin et de la façon dont ils en ont besoin. Je suis ouverte à recevoir de l’aide supplémentaire pour formuler l’observation, mais je suis convaincue qu’il faut communiquer ces idées.

Je répète que je vous suis reconnaissante des suggestions que vous me faites en matière de formulation.

Le président : À moins que quelqu’un d’autre souhaite prendre la parole, nous devrions tenter de nous entendre sur la façon de régler la question, en adoptant soit un libellé donné, soit des motions d’amendement.

La sénatrice Batters : Je remercie mes collègues de leurs commentaires à ce sujet. J’ai entendu les changements proposés concernant l’utilisation du mot « autorisées » ou quelque chose de ce genre.

J’ai seulement l’impression que la première phrase... Les mots « permises » et « autorisées » ne sont pas si différents dans le libellé, et je pense que si on les utilisait, je voudrais qu’on ajoute autre chose pour préciser que nous avons entendu des témoignages selon lesquels cela ne se produit pas en réalité. Il serait important d’ajouter cela pour que les choses soient claires.

Je préférerais probablement éliminer complètement la première phrase, puis modifier la deuxième phrase pour... Au lieu de dire « les deux organismes », nous dirions « le Service correctionnel du Canada et la Commission des libérations conditionnelles du Canada ». Ensuite, j’aimerais réviser la dernière phrase pour éliminer la première partie concernant les réformes répétitives du droit pénal et commencer cette phrase par « Des investissements devraient être faits pour garantir un accès adéquat à la santé », etc.

Il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’un projet de loi d’initiative parlementaire. Il se limite à des notions très précises. Ce n’est pas comme dans le cas d’un grand projet de loi émanant du gouvernement où l’on peut faire tout ce que l’on veut, y compris engager des dépenses importantes. Cela n’est pas autorisé dans le cadre d’un projet de loi d’initiative parlementaire.

Il s’agit également d’un projet de loi d’initiative parlementaire émanant d’un député qui siège depuis 20 ans. C’est le tout premier projet de loi d’initiative parlementaire qu’il ait jamais porté aussi loin, et il profite d’un grand soutien de la part des victimes, car elles nous disent que ces choses ne se produisent pas.

En ce qui concerne l’observation générale de la sénatrice Pate, qui est souvent formulée au sein du comité, dans ce cas-ci, nous ne traitons pas du Code criminel. Je crois que cette observation générale parle d’une réforme du Code criminel. Dans ce cas-ci, nous ne traitons pas de ce texte réglementaire précis, et je ne pense donc pas que nous devrions utiliser cette formulation.

En résumé, je préférerais que l’on s’en tienne à la simplicité pour faire ressortir les parties dont les victimes ont besoin et pour supprimer le reste.

Le président : La sénatrice Oudar est l’intervenante suivante. Ensuite, je ferai une suggestion pour tenter de régler la question.

[Français]

La sénatrice Oudar : J’aimerais faire une suggestion, et je ne veux pas qu’on perde dans la catalogne le commentaire de la sénatrice Audette. Je partage tout à fait ses propos. Je ne veux pas dire à la Chambre des communes de faire autre chose plutôt que de faire des réformes législatives ou des investissements; ce n’est pas l’un ou l’autre.

Je suis mal à l’aise, car j’aurais souhaité qu’on enlève cette partie. Nous sommes le Sénat : envoyez-nous des modifications législatives et nous les étudierons. Pourquoi envoyer le message à la Chambre des communes qu’elle arrête de nous envoyer des projets de loi? Je ne pense pas qu’il faut écrire cela. Je partage tout à fait les commentaires de la sénatrice Audette; ce n’est pas l’un ou l’autre.

J’aurais même été plus sévère : au lieu de dire que « des investissements pourraient être consentis », « could be made », ce devrait plutôt être « qui doivent », des investissements doivent être consentis pour garantir l’accès aux victimes. Il ne faut pas utiliser le conditionnel, il faut que ce soit une demande envoyée dans la recommandation; ensuite, ils suivront ces recommandations ou non.

Cela va bien avec la phrase précédente, dont on n’a pas du tout parlé ce matin, mais qui est très pertinente — merci encore, sénatrice Pate — et qui mentionne que pour éviter du stress et des traumatismes, les deux organismes doivent être proactifs.

Ensuite, on pourrait dire que « des investissements doivent être consentis aux victimes ». C’était ma première suggestion.

Pour revenir au début, je partage les commentaires du sénateur Tannas : si on ne veut pas utiliser les mots « permis » ou « autorisé » — qui veulent dire la même chose —, il faut indiquer que cela permet de clarifier la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Si on utilise un autre vocabulaire, on a passé les deux dernières heures à ne rien faire. Nous allons écrire nous-mêmes que tout ce que nous avons fait ne sert à rien. Le législateur ne parle pas pour ne rien dire, donc on ne peut pas écrire que c’est déjà permis ou autorisé ou quelque autre vocabulaire que ce soit.

C’est pour cette raison que j’avais proposé que ce soit des mesures qui s’inscrivent dans le cadre de la loi; ce ne sont pas les bons mots.

Je souscris aux commentaires du sénateur Tannas et à sa suggestion d’utiliser « clarifie la Loi sur le système correctionnel », car je trouve que cela rejoint tous les commentaires qui ont été faits ici.

[Traduction]

Le président : Puis-je suggérer une solution qui pourrait encourager tout le monde à mettre un peu d’eau dans son vin? Nous pourrions peut-être parvenir à un consensus. En laissant de côté, pour l’instant, la question d’un examen plus complet du droit pénal, ma suggestion — et j’interprète peut-être mal l’intention des gens dans la salle — est de conserver la première phrase, mais de modifier la référence à ce qui est « permis », afin de clarifier des exigences précises. Cela vous convient-il? Tout le monde n’y trouvera pas complètement son compte, mais c’est un compromis, selon ce que certains d’entre vous ont déclaré.

Nous conservons la phrase suivante. Nous éliminons la référence aux réformes répétitives du droit pénal et nous commençons simplement la phrase, car honnêtement, elle s’inscrit bien à la suite de la phrase précédente de la sénatrice Pate, soit « Des investissements doivent être faits », etc. Ce serait le premier paragraphe. Si cela nous convient à peu de chose près, nous pourrions ensuite prendre un moment pour discuter de la possibilité de faire une déclaration au sujet d’une réforme plus complète du droit pénal.

Puisque c’est votre observation, j’aimerais que vous ayez l’avant-dernier mot, mais le sénateur Moreau voulait faire une brève intervention.

[Français]

Le sénateur Moreau : J’ajouterais que je suis tout à fait d’accord avec ce que vous proposez, monsieur le président. Je pense qu’il est important, si on utilise l’expression « clarifier les dispositions de la loi », conformément à ce que la sénatrice Batters suggérait, d’ajouter la phrase, parce que nous avons entendu des témoignages selon lesquels cela n’est pas fait et que les victimes ne sont pas informées.

Là, nous ne serons pas intervenus pour rien. Je rassure les sénatrices Oudar et Audette.

[Traduction]

Le président : J’ai une autre suggestion qui, encore une fois, dans la version anglaise, pourrait englober le point soulevé par le sénateur Moreau. J’aimerais savoir si ce libellé vous conviendrait. Voici ce que cela donnerait dans la version française : « Les mesures proposées par ce projet de loi, déjà autorisées, clarifient des exigences spécifiques en vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition », ce qui souligne qu’elles sont déjà en place et qu’elles clarifient des exigences.

Je propose en quelque sorte de fusionner les deux libellés. Nous pouvons garder le premier libellé sur la table, mais c’est une option.

La sénatrice Pate : Je comprends le sentiment exprimé par les sénatrices Oudar et Audette, mais la réalité, comme l’a démontré le sénateur Moreau, c’est que c’est déjà dans la loi. Nous devons mentionner que c’est déjà autorisé. Je serais d’accord pour ajouter quelque chose pour préciser que nous avons entendu des témoignages selon lesquels la loi n’est pas respectée, d’où la genèse de ce projet de loi... Ce serait acceptable. Mais je ne pense pas que nous devrions nous dérober devant le fait que c’est déjà prévu dans la loi.

Le président : Les mots « déjà autorisées » vous conviendraient-ils?

La sénatrice Audette : Non. Si vous me le permettez, la Loi sur les Indiens… Je dis que c’est hors de portée.

[Français]

On a la Charte canadienne des droits et libertés.

[Traduction]

C’est dans la loi, mais la Loi sur les Indiens ne change pas. Parfois, il convient d’utiliser un libellé qui renvoie à quelque chose, qui rappelle quelque chose, qui ajoute à quelque chose ou qui améliore quelque chose.

Dans ce cas-ci, je comprends mes amis avocats — j’en suis entourée —, mais je ne suis pas avocate. Nous comprenons la majorité, comme vous l’avez dit, sénateur Tannas, mais si nous reprenons les mêmes mots, nous donnons l’impression d’avoir déjà fait cet exercice. Ils sont venus ici — ce sont des spécialistes du droit pénal et ils ont des avocats — pour nous dire que même si la loi est rédigée de cette manière, elle ne leur donne pas les renseignements nécessaires.

Ce petit texte législatif contribuera donc à fournir un peu plus de renseignements. Si je considère la question dans une perspective étroite, c’est pour cette raison que le projet de loi et la suggestion du sénateur Tannas me conviennent.

Le sénateur Tannas : La partie sur le fait que c’est déjà « autorisé » m’inquiète parce que nous avons entendu les témoignages des représentants du Service correctionnel du Canada, qui nous ont dit qu’ils sont entièrement conformes et qu’ils se débrouillent très bien. Si nous disons que c’est déjà autorisé, on peut présumer que leur position restera exactement la même, c’est-à-dire que la loi n’a jamais changé. C’est ce que disent les observations du Sénat, et nous sommes donc satisfaits de ce que nous avons.

Ce n’est pas le cas. Ces mots ne figurent pas dans les quatre paragraphes dont nous parlons.

Monsieur le président, je pense que même s’il y a peut-être lieu de faire valoir ce point, ce texte a été examiné et rédigé avec l’aide de personnes qui fournissent ce type de conseils. Nous ne faisons donc rien de mal sur le plan juridique en adoptant ce projet de loi. Nous savons qu’il a fait l’objet d’un examen. Je crains que nous ne donnions une excuse à quelqu’un, plus tard, pour dire que ce n’est rien et qu’il n’est pas nécessaire de changer quoi que ce soit. En fait, on nous a dit que rien ne serait changé.

Le sénateur Moreau : Je suis d’accord avec le sénateur Tannas pour dire qu’il est préférable de s’en tenir au mot « clarifier » et d’ajouter une phrase qui préciserait que nous avons entendu des témoignages selon lesquels ce n’était pas le cas. Sans le dire, nous clarifions ce qui est déjà autorisé, mais nous n’avons pas besoin d’utiliser le mot « autorisées » dans l’observation.

[Français]

La sénatrice Oudar : Je vais le dire en français, parce que c’est important pour moi. Il y a peut-être des milliers de personnes qui écoutent. Ce n’est pas seulement un débat de mots. Je suis une sénatrice indépendante et ces mots sont importants. C’est le gouvernement qui est venu dire que c’est déjà autorisé, que c’est inutile. Je ne suis pas d’accord avec cela.

Les mots ont ajouté des choses dans le projet de loi. C’est très détaillé et on doit fournir aux victimes des explications sur la manière dont les dates ont été autorisées. Je ne reviendrai pas sur le projet de loi C-320, mais je suis tout à fait d’accord avec ce que vient de dire le sénateur Tannas.

Il ne s’agit pas seulement d’une question de sémantique. Je tiens à rassurer les gens. Nous ne sommes pas en train de jouer sur des mots. C’est une question liée à mon indépendance. Je ne suis pas d’accord avec la position telle qu’elle est exprimée par le gouvernement.

Je partage tout à fait les propos du sénateur Tannas, et c’est pourquoi je n’étais pas d’accord non plus avec la première phrase exprimée de cette façon.

[Traduction]

La sénatrice Pate : Voici le seul point que j’aimerais soulever. Ceux d’entre vous qui sont autour de la table depuis un certain temps savent qu’une partie du problème, dans ce cas-ci, c’est que nous savons que les ministères ne remplissent pas toujours leurs obligations juridiques. Nous avons formulé ces recommandations ailleurs.

Je pense qu’il est important de souligner que nous reconnaissons que c’est déjà prévu dans la loi. Pour moi, ce n’est pas de la sémantique. Je suis d’accord pour ajouter une phrase qui précise que nous avons entendu de nombreux témoignages selon lesquels la loi n’est pas respectée, même si la bureaucratie affirme qu’elle la respecte, d’où la nécessité de ces types d’examens. Je suis d’accord pour rédiger quelque chose en ce sens.

Je pense qu’il est très important, lorsque ces types de projets de loi sont proposés parce que la loi n’est pas respectée — que ce soit pour les victimes, les détenus ou les accusés — que nous puissions le souligner, car cela permet de faire passer un message. Il est important de le mentionner. Je serais heureuse de vous laisser le soin de trouver la formulation adéquate. Si la proposition du sénateur Tannas permet d’y arriver, cela me convient.

Le président : Permettez-moi de procéder à un vote d’essai pour déterminer si nous éliminons les mots « déjà permises » et si nous ajoutons les mots « clarifier des exigences spécifiques » dans la première phrase. Y a-t-il une intervention ou un vote?

Une voix : Oui, d’accord.

Le président : Tous ceux qui sont pour la modification — je supprime le libellé de la sénatrice Pate et je propose d’injecter le libellé suggéré par le sénateur Tannas.

La sénatrice Simons : Pourriez-vous relire le texte?

Le président : « Les mesures proposées dans ce projet de loi clarifient des exigences spécifiques en vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition… », etc.

La sénatrice Simons : Je ne comprends pas ce que cela signifie. Je ne comprends littéralement pas ce que cette phrase signifie, si nous faisons cela. Il semble manquer un mot.

Le président : Quel mot manque-t-il?

La sénatrice Simons : Si nous disions « Le projet de loi clarifie », cela aurait plus de sens.

Le président : Nous pourrions faire cela.

La sénatrice Simons : Je pense simplement que la phrase ne fonctionne pas sur le plan grammatical. Je ne suis pas en désaccord avec l’idée.

Le président : Oui, d’accord.

La sénatrice Batters : Je ne vois pas de problème sur le plan grammatical. Le libellé serait « Les mesures proposées dans ce projet de loi clarifient certaines exigences en vertu de la Loi sur le Service correctionnel et... ». Le libellé « Les mesures clarifient… » ne pose pas de problème.

On nous a dit que ces exigences se trouvaient déjà dans ces lois, mais elles sont clarifiées, afin que tout le monde reçoive les renseignements nécessaires.

Le président : C’est peut-être un peu verbeux. Y a-t-il une grande différence entre les mots « Les mesures proposées dans le projet de loi clarifient » et les mots « Le projet de loi clarifie »? Il me semble qu’il n’y a pas une grande différence entre les deux. Je sais que c’est votre domaine d’expertise, sénatrice Simons.

La sénatrice Simons : Pouvez-vous relire le libellé? Et veuillez ne pas terminer par « et cetera ». Veuillez lire la phrase complète, s’il vous plaît.

Le président : D’accord. Je ne dirais pas « et cetera ». Je ne commencerai même pas par cela.

« Les mesures proposées dans le projet de loi clarifient des exigences spécifiques de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et les politiques du Service correctionnel du Canada et de la Commission des libérations conditionnelles du Canada. »

La sénatrice Simons : Je ne comprends pas ce que cela clarifie. Je ne pense pas que le mot « clarifier » est…

Le président : C’est le mot choisi par le sénateur Tannas, et je vais donc lui demander de répondre.

Le sénateur Tannas : C’est en quelque sorte en référence au fait que les gens disent que c’est déjà dans le projet de loi. Si on le passe en revue, on peut démontrer de façon très convaincante que tout cela s’y trouve déjà.

La sénatrice Simons : Pouvons-nous dire « clarifier les mesures qui sont déjà... »?

Le sénateur Tannas : C’est ce que nous sommes en train de faire. Si nous disons qu’elles existent déjà, nous devons les clarifier. Nous pourrions utiliser le libellé « impose des exigences spécifiques ». Cela me convient.

La sénatrice Simons : Le mot « impose » convient mieux.

Le sénateur Tannas : Toutefois, le mot « clarifie » laisse entendre que c’est peut-être déjà dans le projet de loi. C’était le but. Cependant, le mot « impose » me convient aussi.

La sénatrice Simons : Je crois que le mot « clarifie » sera source de confusion pour quiconque lira ce texte sans avoir entendu la présente discussion.

Le président : Je pense qu’il y a une différence entre le mot « clarifie », qui laisse entendre, comme le faisait valoir la sénatrice Pate, que cela existe déjà, et le mot « impose », qui semble certainement indiquer quelque chose de nouveau. Je pense que nous respecterions davantage l’intention en conservant le mot « clarifie ».

Je vais inviter les participants à dire s’ils sont d’accord pour que le mot « clarifie » remplace les mots « déjà autorisées ». Tous ceux qui sont pour le mot « clarifie »? Tous ceux qui sont contre? Je pense que nous avons environ huit voix contre une dans le cadre de ce vote d’essai. Je propose que nous travaillions…

Le sénateur Arnot : Je n’ai pas assisté à la discussion, mais avez-vous entendu dire que cela clarifie les politiques du Service correctionnel du Canada? Avez-vous entendu quoi que ce soit au sujet des politiques?

La sénatrice Simons : Ce serait plus logique.

La sénatrice Pate : Oui, nous avons entendu parler des politiques.

Le président : Si vous me le permettez, je vais communiquer ces orientations au comité directeur pour l’aider lors de la rédaction. Nous devrons travailler un peu plus sur la question, mais il semble que nous sommes en voie d’adopter le mot « clarifie ».

La sénatrice Simons : Pour faire suite à l’excellent commentaire du sénateur Arnot, pourrions-nous nommer ce que nous clarifions? Il y a un sujet, mais il n’y a pas d’objet.

Le président : À un moment donné, après le vote, je pense que nous devrons aller de l’avant et annoncer que nous avons des orientations à ce sujet. La question a été, si je puis dire, clarifiée. Je suis désolé.

[Français]

Le sénateur Carignan : Un chameau, c’est un cheval rédigé et dessiné par un comité.

[Traduction]

Le président : Dans ce cas, pourrions-nous aborder l’autre question et déterminer si nous éliminons essentiellement les mots d’introduction de la dernière ligne ou la dernière phrase de ce paragraphe, et que nous commençons par les mots « Des investissements doivent être faits pour garantir un accès adéquat », etc., ce qui éliminerait de cette phrase une référence aux préoccupations concernant le droit pénal? Tous ceux qui sont pour cette modification?

Des voix : D’accord.

Le président : Je vous remercie. Tous ceux qui sont contre? Voulez-vous que nous ajoutions une autre phrase au sujet de réformes plus complètes du droit pénal?

Des voix : Non.

Le président : Tous ceux qui sont pour une autre comme celles-là, dites « oui ». Je présume que ça règle la question. Si vous êtes d’accord, nous prendrons cette observation sur les formulations, et je vous demanderai de voter.

Est-il convenu que le Sous-comité du programme et de la procédure soit autorisé à donner son approbation à la version définitive des observations annexées au rapport dans les deux langues officielles, en tenant compte de la discussion d’aujourd’hui et en apportant tout changement jugé nécessaire...

Des voix : D’accord.

Le président : D’accord. Je vous remercie.

Est-il convenu que je fasse rapport du projet de loi avec les observations au Sénat dans les deux langues officielles?

Des voix : D’accord.

Le président : Je vous remercie. Je crois que c’est ce qui met fin aux travaux d’aujourd’hui. Je remercie tout le monde et…

La sénatrice Clement : Avant votre dernier coup de maillet, je tiens à vous remercier une fois de plus. Vous venez de démontrer que vous assumez la présidence avec décorum. Je vous remercie d’être à la fois érudit et compréhensible. Je pense que nous devrions vous applaudir.

Le président : Je vous remercie. C’est très gentil.

Nous allons conclure par une observation judicieuse. Je vous remercie. Je vais maintenant mettre fin à la réunion.

(La séance est levée.)

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