LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 9 février 2023
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 11 h 31 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-233, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les juges (violence contre un partenaire intime), et pour étudier le projet de loi S-212, Loi modifiant la Loi sur le casier judiciaire et d’autres lois en conséquence et abrogeant un règlement.
Le sénateur Brent Cotter (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bonjour. Je demanderais aux sénateurs de se présenter en commençant à ma droite.
[Traduction]
La sénatrice Batters : Denise Batters, de la Saskatchewan.
La sénatrice Pate : Kim Pate, d’ici, territoire non cédé et non abandonné de la nation des Algonquins anishinabes.
La sénatrice Jaffer : Mobina Jaffer, de la Colombie-Britannique.
Le sénateur Klyne : Marty Klyne, de la Saskatchewan.
Le sénateur Dalphond : Pierre Dalphond, du Québec.
[Français]
La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.
[Traduction]
Le président : Je suis Brent Cotter, sénateur de la Saskatchewan et président du comité. Honorables sénateurs, ce matin, nous allons procéder à l’étude article par article du projet de loi C-233, au sujet duquel nous avons entendu des témoins hier soir. Avant de commencer, je rappelle que, si quelqu’un a des questions à poser à quelque moment que ce soit, il n’a qu’à me le signaler ou à le faire savoir au greffier, et nous veillerons à ce que tout le monde comprenne bien où nous en sommes dans le processus.
Nous allons procéder à l’étude article par article du projet de loi C-233, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les juges (violence contre un partenaire intime).
Êtes-vous d’accord pour que le comité procède à l’étude article par article du projet de loi C-233, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les juges (violence contre un partenaire intime)?
Des voix : D’accord.
Le président : L’étude du titre est-elle réservée?
Des voix : D’accord.
Le président : L’article 1 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : L’article 2 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : L’article 3 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : L’article 4 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : Le titre est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : Le projet de loi est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : Le comité souhaite-t-il envisager d’annexer des observations au rapport? Sénatrice Pate, vous avez proposé des observations.
La sénatrice Pate : Oui. Je propose des observations à la lumière des conversations que nous avons eues au sein du comité et avec les témoins. Hier soir, j’ai reçu un certain nombre de courriels, en particulier de femmes qui ont été aux prises avec des situations semblables où ces circonstances ont été mises au jour. Elles soulignent l’importance des questions que j’ai soulevées et m’ont exhortée à continuer d’insister là-dessus. Je me suis donc sentie obligée de le faire.
De plus, dans les années 1990, j’ai participé à des consultations lancées par l’ancienne ministre de la Justice, Kim Campbell, que l’ancien ministre de la Justice Allan Rock a poursuivies et qui ont débouché sur un certain nombre de recommandations. À la lumière des conversations que nous avons eues auparavant et de l’ensemble des questions en jeu, le fait que nous continuions d’examiner des mesures législatives fragmentaires, que des listes complètes de recommandations soumises au gouvernement et acceptées par le gouvernement n’ont pas été mises en œuvre… Je demande respectueusement que les observations soient annexées telles quelles pour rendre compte de cette réalité, et plus particulièrement pour souligner les trois principales mesures que le gouvernement s’est engagé à prendre à compter des années 1990, soit celles tirées des 99 recommandations au gouvernement fédéral — Pour en finir avec la violence faite aux femmes, les appels à la justice lancés dans Réclamer notre pouvoir et notre place : le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et les 100 recommandations formulées dans le cadre de l’actuel Plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe.
Je vous rappelle aussi qu’il s’agit, mot pour mot, d’observations que nous avons formulées au sujet de projets de loi antérieurs. Je pense qu’il y a lieu de les répéter, car la violence faite aux femmes est une grave préoccupation que tous les membres du comité ont reconnue comme un problème, au lieu de poursuivre l’approche fragmentaire et de faire des observations.
Le président : Merci, sénatrice Pate.
Le sénateur Dalphond : Je voudrais d’abord remercier mes collègues de leur examen du projet de loi. Je pense qu’aujourd’hui est un jour très particulier. Comme vous le savez, il s’agit du triste anniversaire du décès de Keira. Je pense que c’est un bon moment pour recommander la loi de Keira et la renvoyer en vue de la troisième lecture. Au nom de la Dre Kagan et de M. Viater, je tiens à remercier le comité de son travail, de son étude et de tout ce qu’il a fait pour que le projet de loi soit renvoyé au Sénat.
En ce qui concerne les observations, je crois que les parrains de la Chambre des communes qui étaient ici hier pour parler du projet de loi ont dit être conscients qu’il s’agit de mesures juridiques et d’outils supplémentaires, mais qu’il faut adopter une approche plus globale et plus holistique pour s’attaquer aux causes profondes de ces problèmes. D’après les réponses entendues hier, je pense être convaincu — et je crois que vous devez l’être aussi — que le gouvernement devrait aussi élaborer une stratégie.
Cela fait également partie du projet de loi du sénateur Manning, qui aimerait qu’il y ait un cadre pour s’attaquer à ce problème de la violence familiale et de la violence entre partenaires intimes, y compris le contrôle coercitif. Je pense que ces observations cadrent avec ce qui se passe tout autour et avec les diverses tentatives d’adopter une approche plus générale. Merci beaucoup, sénatrice Pate.
Le président : Merci, sénateur Dalphond.
La sénatrice Batters : Merci beaucoup. Ceux qui ont suivi les travaux du comité par le passé ne seront probablement pas surpris par mes propos. Je pense que ce projet de loi est important. C’est un important projet de loi d’initiative parlementaire dont je fais la promotion depuis un bon moment. Les projets de loi d’initiative parlementaire peuvent être, de par leur nature, très ciblés. Ils ne peuvent pas traiter de questions plus vastes qui exigent des ressources financières et ce genre de choses, alors ils doivent être plus ciblés.
Comme je l’ai dit lorsque nous avons étudié le projet de loi d’initiative parlementaire du sénateur Boisvenu, je ne crois pas que des recommandations de ce genre et des observations soient appropriées dans le cas d’un projet de loi d’initiative parlementaire. À mon avis, il serait peut-être plus approprié de joindre ces observations — quelques-unes d’entre elles — à un projet de loi du gouvernement qui porte sur la façon dont le Code criminel a été modifié au coup par coup. Ce genre de choses, je trouve que c’est un manque de respect envers un projet de loi d’initiative parlementaire, qui doit être plus ciblé. Il ne peut y avoir aucun doute sur les bonnes intentions qui sous-tendent ce projet de loi.
De plus, certaines parties de ces observations, notamment celle où nous recommandons que le gouvernement mette en œuvre toutes… Il y a une recommandation au sujet des 99 recommandations au gouvernement fédéral pour en finir avec la violence faite aux femmes, qui semblent être issues d’une étude des années 1990. Personnellement, je ne sais pas ce que dit cette étude. Je ne l’ai pas sous les yeux. J’imagine que je serais en grande partie d’accord avec son contenu. Je ne crois pas que ce soit une bonne pratique puisque nous ne l’avons même pas sous les yeux.
L’étude que nous avons menée au sujet de ce projet de loi d’initiative parlementaire était brève. Le comité n’a entendu que deux heures de témoignages.
Je comprends les très bonnes intentions de la sénatrice Pate. Je suis en grande partie d’accord avec elle. Je ne pense pas que ce soit le bon endroit pour formuler de telles observations. Je pense que le meilleur endroit pour soulever ce genre de questions et en débattre, c’est à la Chambre.
Comme la sénatrice Pate vient de dire que ces observations sont très semblables à d’autres qui ont déjà été formulées par le comité, nous devrions peut-être attendre que le gouvernement réponde à ces observations avant d’en soumettre de nouveau d’autres qui sont très semblables.
Le président : Merci, sénatrice Batters.
La sénatrice Jaffer : Merci. Je remercie la sénatrice Pate d’avoir rédigé ces observations en si peu de temps. C’était une tâche colossale, et je l’en remercie.
Je vais dans le même sens que le sénateur Dalphond et j’appuie ces observations.
Je tiens aussi à rappeler à mes collègues que c’est Mme Saks qui a répété hier un certain nombre de fois « le gouvernement ». De plus, nous savons que le gouvernement est en train d’organiser la condition féminine et qu’il examine la question de près. Le moment est bien choisi pour que le comité envoie ce message au moyen de ces observations.
Je suggère que nous approuvions ces observations.
[Français]
La sénatrice Clement : J’appuie le projet de loi, mais j’appuie également les observations de la sénatrice Pate. C’est vraiment un cri du cœur. Cela fait des décennies que l’on parle de la question de la violence faite aux femmes, faite aux enfants, et on continue de ne pas avoir de réponses claires pour les victimes.
Je comprends qu’il faut avoir des projets de loi, qu’il faut continuer à attirer l’attention sur ce sujet. Cependant, ce n’est pas la seule chose qu’on doit utiliser pour parler de cette question. Il y a tellement d’autres discours qu’on doit tenir, tellement d’autres ressources dans lesquelles on doit investir. Je crois que les observations de la sénatrice Pate traitent justement de ce cri du cœur. Je suis satisfaite que ce soit enregistré.
[Traduction]
Le sénateur Dalphond : Je me demande si la sénatrice Pate pourrait réagir aux préoccupations soulevées par la sénatrice Batters, qui sont valables. À la fin du deuxième paragraphe, avant les puces, on pourrait peut-être remplacer « en mettant en œuvre toutes » par « en envisageant de mettre en œuvre les », parce que chaque recommandation particulière… Peut-être que, 20 ou 30 ans plus tard, certaines d’entre elles devraient être adaptées en fonction de la nouvelle réalité.
Nous pourrions inviter le gouvernement à envisager de mettre en œuvre ces mesures au lieu de demander la mise en œuvre immédiate de toutes les recommandations laissées en suspens. Certaines ne sont peut-être plus appropriées.
Je dois dire que je ne connais pas ces 99 recommandations. Je ne sais pas si tout le monde ici en connaît la teneur. Je crois comprendre que, selon la sénatrice Batters, je serais probablement d’accord avec la plupart d’entre elles, mais j’aimerais d’abord savoir de quoi il s’agit.
Utiliser une formulation plus neutre comme « envisager la mise en œuvre » serait peut-être plus judicieux. C’est ma suggestion.
Le président : Puis-je intervenir? Je pense que c’est un point légitime. Ce serait un peu plus puissant si nous disions « en répondant à » plutôt que « envisager ». La réponse pourrait être que telle mesure n’est plus pertinente ou que telle autre a été prise. Au moins, cela procure un certain dynamisme à ce que nous demandons.
La sénatrice Pate : J’ai produit ces 99 recommandations dans le cadre de l’examen de projets de loi antérieurs. En fait, le comité les a déjà examinées.
À la lumière des discussions et de la manchette du Globe and Mail d’aujourd’hui, il est pertinent de souligner qu’il y a aussi des questions concernant la mise en liberté sous caution qui ne sont pas abordées dans les 99 recommandations ni dans les recommandations de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.
En gardant à l’esprit ce que vous dites, l’une des formulations — sans adoucir l’approche finale — pourrait être « en mettant en œuvre les mesures » et de supprimer le mot « toutes », de sorte qu’ils tiendraient compte de celles auxquelles ils ont déjà donné suite par opposition à « envisager ».
Ce qui m’inquiète, c’est qu’ils sont déjà en train d’examiner cela. Ils ont accepté tout cela. Ces trois points ont été acceptés par les divers gouvernements, conservateurs ou libéraux, selon l’époque.
Le président : J’invite la sénatrice Batters et le sénateur Dalphond à y réfléchir.
La sénatrice Batters : Il n’en demeure pas moins que nous ne les avons pas. Je ne les ai pas en ce moment. Je n’ai pas eu l’occasion de les examiner. Je suis sûre que je suis d’accord avec la plupart de ces recommandations. J’étudiais à la Faculté de droit à l’époque, donc cela remonte à très longtemps. Nous devrions les avoir sous les yeux si nous voulons encourager le gouvernement du Canada, comme il est dit, à mettre en œuvre les recommandations.
Mon Dieu, j’ose espérer que beaucoup de ces mesures ont été prises. Je serais peut-être choquée de constater à quel point peu d’entre elles l’ont été. Nous devrions au moins les avoir sous les yeux, sinon je ne pense pas que ce soit une très bonne idée d’annexer de telles observations. Le gouvernement ne nous prendrait peut-être pas très au sérieux si nous faisions quelque chose de ce genre. C’est au Comité des affaires juridiques.
Le président : Sénateur Dalphond, voulez-vous discuter du libellé?
Le sénateur Dalphond : J’ai trouvé que votre suggestion était bonne, celle de répondre à tout ce qui est en suspens. Si certains problèmes ont été réglés par le passé, il s’agira de répondre à ceux qui restent. Il s’agit d’appeler le gouvernement à passer à l’action. J’aime votre proposition.
Le président : Certainement.
La sénatrice Batters : Je tiens à formuler de nouveau le commentaire, comme je l’ai fait lorsque nous avons abordé ce genre d’observation pendant l’étude du projet de loi d’initiative parlementaire du sénateur Boisvenu, qu’il vient tout juste d’y avoir, cet automne, deux ou trois projets de loi d’initiative ministérielle — du moins le projet de loi C-5 — qui, de l’avis de certains d’entre nous, pourraient en fait nuire aux femmes dans ce genre de situation, dans des situations graves de violence familiale, en permettant la détention à domicile pour certains types d’infractions, y compris des infractions qui pourraient être des indicateurs… comme nous venons d’entendre, le contrôle coercitif et ce genre de choses, y compris le harcèlement criminel et toutes ces choses.
Comme je l’ai déjà dit à maintes reprises dans le passé, je n’aime pas faire ce genre d’observations lorsque le Sénat, dans son ensemble, adopte des mesures législatives qui vont à l’encontre de certaines des choses qui sont exprimées dans ces observations.
Le président : Puis-je comprendre, dans le dialogue, que la sénatrice Batters s’oppose même à cet amendement, mais accepteriez-vous qu’il s’agisse d’un amendement favorable et que l’on remplace les mots « mettant en œuvre » par « répondant à »?
La sénatrice Pate : Est-ce que « répondant en vue de la mise en œuvre » fonctionnerait? « Répondant », ce n’est pas vraiment…
Le sénateur Dalphond : Si, 30 ans plus tard, on a démontré que certaines recommandations n’étaient pas appropriées, le gouvernement pourrait y répondre et décider que ce n’est plus le genre de politique que nous devrions appliquer. « Répondant » appelle une réponse. Une explication, si nous ne le faisons pas, c’est parce qu’il a été prouvé que la recommandation est mauvaise, ou que nous n’avons pas agi ou encore que nous sommes en train de le faire.
La sénatrice Pate : Je comprends. L’idée d’inclure cela, c’est en partie de souligner le fait qu’il ne s’agit pas de questions dont aucun parti n’avait pas connaissance. Nous continuons de faire les choses progressivement, alors que, en fait, il y a des plans d’action depuis environ 30 ans.
J’aimerais quelque chose d’un peu plus fort. Je serais prête à simplement supprimer « toutes » et à dire « mettant en œuvre ». Cela permet au gouvernement de répondre et de dire…
Le président : Qu’en pensez-vous, sénateur Dalphond?
Le sénateur Dalphond : Je ne crois pas avoir… J’ai plusieurs questions, mais je ne veux pas en faire tout un plat.
Le président : Puis-je proposer ou préconiser un amendement semi-favorable qui ferait que la fin de la ligne deviendrait : « en répondant, en vue de mettre en œuvre »?
S’il n’y a pas d’autres commentaires, je vais poser la question. Le comité accepte-t-il que l’observation formulée ici soit incluse dans le rapport?
La sénatrice Batters : Avec dissidence.
Le président : Avec dissidence. Merci.
Nous allons donc continuer.
Est-il convenu que je fasse rapport de ce projet de loi, avec observations, au Sénat?
[Difficultés techniques]
Honorables sénateurs, voilà qui conclut notre étude article par article du projet de loi C-233.
Nous passons maintenant au projet de loi S-212, Loi modifiant la Loi sur le casier judiciaire et d’autres lois en conséquence et abrogeant un règlement.
Honorables sénateurs, pour notre premier groupe de témoins d’aujourd’hui, nous accueillons l’ombudsman des victimes d’actes criminels, Benjamin Roebuck. Je vous remercie de vous être libéré un peu plus tôt que l’heure à laquelle nous vous avions invité. Vous avez environ cinq minutes pour faire votre exposé, après quoi les sénateurs vous poseront des questions.
Benjamin Roebuck, ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels, Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels : Merci, honorables membres du comité. Merci de m’avoir invité de nouveau. Je reconnais ma présence sur le territoire traditionnel non cédé et non abandonné du peuple algonquin anishinabe. À titre d’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels, je reconnais la violence coloniale imposée aux peuples autochtones et le fait qu’elle se poursuit dans la surreprésentation des Autochtones au sein du système de justice pénale et dans l’incidence disproportionnée des casiers judiciaires. Les obstacles systémiques et économiques imposés par les casiers judiciaires renforcent les conditions qui continuent de priver les familles autochtones de leurs ressources et les réaffectent aux colons.
Étant donné que j’ai comparu récemment devant le comité et que j’ai expliqué le mandat de notre bureau, j’aimerais vous donner plus de contexte pour mes observations d’aujourd’hui. Lorsque notre bureau examine l’incidence de la législation en matière de justice pénale, nous appliquons une optique d’analyse comparative entre les sexes plus, ou ACS+, qui explore l’intersectionnalité, et nous adoptons également une approche axée sur la victime. Je comprends que le mot « victime » est chargé, qui dépend des valeurs et pose problème aux yeux de nombreuses personnes qui ont vécu de la violence. Je l’utilise donc ici dans le contexte juridique du système de justice pénale. Lorsque je parle d’une approche axée sur la victime, cela signifie que notre point de départ pour l’analyse juridique est la personne dont les droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne garantis par l’article 7 de la Charte ont été violés. Il s’agit aussi de remettre en question nos préjugés au sujet du contexte et des relations qui nous viennent à l’esprit lorsque nous parlons de victimisation.
Il est vraiment difficile d’offrir une représentation équitable du point de vue des victimes d’actes criminels. Les victimes et les survivants ont différents besoins et différentes attentes à l’égard du système de justice. Ce qu’ils ont en commun, c’est la profondeur de ces convictions et le désir d’être respectés, d’être entendus et de ne pas être rejetés.
Les casiers judiciaires causent un préjudice direct et indirect à de nombreuses victimes d’actes criminels. Il s’agit d’un instrument grossier qui est appliqué à un large éventail de personnes ayant des démêlés avec la justice. Comme les vérifications du casier judiciaire sont de plus en plus fréquentes dans le contexte des demandes d’emploi, du bénévolat, des études et du logement, le préjudice continue de s’aggraver. J’aimerais souligner certaines des conséquences imprévues pour les victimes d’actes criminels.
Les casiers judiciaires touchent les personnes racisées de façon disproportionnée au Canada, en particulier les Autochtones et les Noirs. Ces groupes sont déjà surreprésentés dans la population carcérale, et les casiers judiciaires prolongent le continuum de la criminalisation dans leur communauté lorsqu’ils tentent de réintégrer la société. Cela crée des obstacles à l’emploi, au logement et à l’éducation, ce qui accentue les circonstances propices à la victimisation. Ces processus d’exclusion qui se chevauchent sont cernés dans des rapports gouvernementaux comme The Review of the Roots of Youth Violence, du gouvernement de l’Ontario, et Tanya Sharpe, qui mène des recherches auprès de survivants noirs de victimes d’homicide à l’Université de Toronto, a constaté que des facteurs de risque semblables sont des déterminants sociaux de l’homicide dans les communautés noires.
Si nous considérons les cas de violence entre partenaires intimes, l’application des politiques de mise en accusation obligatoire implique que les survivants de violence entre partenaires intimes peuvent être accusés à tort, et, dans le cadre de mes propres recherches auprès d’un échantillon de 150 survivants de violence entre partenaires intimes au Canada, j’ai constaté que des femmes et des hommes ont déclaré avoir été arrêtés lorsqu’ils ont appelé la police pour obtenir de l’aide. En 2015, Mme Denise Hines a publié une étude qui a attiré l’attention sur l’agression juridique et administrative comme forme de comportement coercitif et contrôlant dans les cas de violence entre partenaires intimes. Elle se produit lorsqu’un partenaire manipule les systèmes juridiques et administratifs pour étendre sa violence aux institutions publiques. Dans mes recherches, des femmes et des hommes ont décrit des cas de fausses accusations entraînant un casier judiciaire et mettant en péril la garde de leurs enfants.
Lorsque la police réagit à des incidents au sein d’une famille, une condamnation et un casier judiciaire peuvent avoir des conséquences négatives sur les victimes qui dépendent du soutien financier de l’agresseur, et tous les membres de la famille peuvent ressentir la stigmatisation liée au casier judiciaire, y compris les victimes. Au Canada, le taux de victimisation et de criminalisation est élevé chez les sans-abri et les personnes atteintes de maladie mentale, de sorte que de nombreuses personnes peuvent être touchées. Un sondage mené en 2015 auprès de 130 survivants de la traite de personnes aux États-Unis a révélé que 90 % d’entre elles avaient été arrêtées ou inculpées pour des incidents liés à leur exploitation. La police peut également consigner des renseignements non liés à la condamnation, comme les interactions mettant en cause la santé mentale, les accusations qui ont été abandonnées ou suspendues et les accusations qui demeurent visibles au moment d’une vérification de casier judiciaire vulnérable après le verdict de non-culpabilité d’un tribunal. Près de 4 millions de Canadiens ont un casier judiciaire et, en 2020-2021, moins de 10 000 ont présenté une demande de suspension du casier ou de réhabilitation, et 17 % des demandes ont été rejetées à l’examen initial pour inadmissibilité ou dossier incomplet.
Notre bureau appuie la prévention fondée sur des données probantes pour s’attaquer aux causes profondes de la victimisation, et nous voulons nous assurer que les victimes et les survivants ne sont pas exposés à des souffrances et à des douleurs supplémentaires à cause du casier judiciaire. Nous recommandons une approche progressive. Nous appuyons l’expiration automatique des déclarations de culpabilité par procédure sommaire après deux ans. Au lieu d’une expiration automatique, nous recommandons que les auteurs d’infractions visées à l’annexe 1 ou de récidive avec violence soient tenus de présenter une demande après cinq ans.
La deuxième recommandation est de limiter les données n’ayant pas trait à une condamnation. Les dossiers de police ne devraient pas contenir de renseignements personnels non liés à une déclaration de culpabilité. Cela permettra de mieux protéger et respecter la confidentialité en matière de santé mentale et le principe de l’innocence jusqu’à preuve du contraire, ainsi que de limiter les préjudices associés aux agressions juridiques et administratives.
Troisièmement, éduquer le public, communiquer les changements et dissiper les idées fausses en s’appuyant sur les conclusions des consultations de Sécurité publique Canada sur le retrait automatisé des casiers judiciaires.
Enfin, affirmer le droit fondamental au logement. Préciser qu’un casier judiciaire en vigueur ou expiré ne peut être un motif pour refuser l’accès au droit fondamental au logement. L’élimination des obstacles est nécessaire pour aider le Canada à régler la crise du logement et de l’itinérance et à réduire la violence et la victimisation dans la rue. Merci encore de votre temps.
Le président : Merci, monsieur Roebuck.
La sénatrice Pate : Merci beaucoup, monsieur Roebuck, et merci de comparaître en personne aussi rapidement.
J’aimerais reprendre là où vous venez de vous arrêter. Comme vous le savez, le projet de loi — en plus de la disposition dont vous avez parlé concernant les infractions punissables par procédure sommaire — prévoit également un processus selon lequel les relevés de condamnation expireraient après cinq ans pour les infractions punissables par mise en accusation. Ce ne serait pas automatique s’il y a eu intervention de la police. Je suis curieuse de savoir pourquoi vous recommandez un processus de demande plutôt que le processus de signalement proposé dans le projet de loi.
M. Roebuck : Oui, je serais d’accord, en général, pour que les infractions punissables par mise en accusation demeurent admissibles à une suspension automatique du casier judiciaire après cinq ans. En ce qui concerne les infractions visées à l’annexe 1 comportant des crimes sexuels contre des enfants ou des crimes violents répétés, je pense que cinq ans, ce n’est pas nécessairement suffisant, surtout dans le cas de crimes contre des enfants ayant fait de multiples victimes. Souvent, nous n’en connaissons pas toute l’ampleur avant qu’un certain temps se soit écoulé et que nous apprenions qu’il y a eu d’autres victimes. En fait, dans ces cas, la récidive survient parfois ultérieurement, plus que dans les autres cas. Ce n’est pas pour toutes les infractions sexuelles qu’il y a beaucoup de récidive, mais c’est vrai pour certaines.
La sénatrice Pate : L’une des versions précédentes du projet de loi les incluait, ces infractions, mais elles sont maintenant, pour la plupart, exclues du processus automatique. Il faudrait qu’il y ait un processus de demande pour celles-ci. Dans ce cas, cela changerait-il votre position sur les dispositions de la loi?
M. Roebuck : Oui. Je serais d’accord avec le sénateur Boisvenu pour dire que la demande est utile dans ces circonstances, alors j’appuie effectivement cette approche à plusieurs niveaux. Je comprends les dispositions du projet de loi prévoyant une audience ou un avis lorsqu’il n’y aura pas d’expiration automatique.
La sénatrice Pate : Il a également recommandé le droit fondamental au logement, ce que j’ai trouvé intéressant. Comme vous le savez sans doute, un certain nombre de dispositions relatives aux droits de la personne dans l’ensemble du pays ne protègent pas contre la discrimination fondée sur le casier judiciaire. Iriez-vous plus loin et recommanderiez-vous que cela fasse partie de la législation sur les droits de la personne dans les provinces?
M. Roebuck : Absolument. Le Canada est aux prises avec une crise du logement et de l’itinérance, et il y a tellement de gens qui meurent de surdose ou qui se suicident parce qu’ils ont des problèmes de santé mentale, dans la rue et dans le contexte d’incidents de violence. Il y a tellement de préjudices qui se produisent. Je suis moi-même chercheur dans le domaine de l’itinérance, en particulier auprès des jeunes. Je crois que le droit fondamental au logement est crucial. Beaucoup de gens qui ont un casier judiciaire s’excluent eux-mêmes du processus. Ils ne demandent pas de logement parce qu’ils ne veulent pas vivre un rejet douloureux, surtout les jeunes sans-abri. Je pense que le droit au logement est essentiel.
Le sénateur Dalphond : Je sais que le sénateur Boisvenu n’est pas ici cette semaine. Il est au Colorado… l’une des associations parlementaires. Je pense qu’ils visitent le NORAD.
Le sénateur Boisvenu avait suggéré les questions qui sont tirées de son discours sur ce projet de loi. Il a critiqué le projet de loi en disant qu’il pourrait cautionner et autoriser la récidive. Il a dit :
Au nom de quel principe devrait-on faire disparaître le casier judiciaire d’un individu qui continue à ne pas respecter les lois? Si nous faisons preuve de laxisme lorsque nous jugeons un récidiviste, nous l’incitons à recommencer.
Partagez-vous ces préoccupations, du point de vue des victimes en particulier?
M. Roebuck : Ma préoccupation à l’égard des victimes d’actes criminels repose en fait sur ce qui, d’après la recherche sur la victimisation, contribue à ce qu’elle se perpétue. Je pense que le projet de loi contient une disposition prévoyant qu’il n’y ait pas d’expiration automatique en cas de récidive et le retour au type d’audience qui est déjà en place. Par conséquent, j’appuie cet aspect du projet de loi, qui, à mon avis, concorde avec ce que le sénateur Boisvenu a proposé.
Je reconnais également que les types d’obstacles que le casier judiciaire crée pour les personnes qui ne récidivent pas accroissent en fait la probabilité d’infraction ultérieure et de nouvelle victimisation. C’est donc là-dessus que je fonde ma position.
Le sénateur Dalphond : Au sujet de la crise du logement, ce que vous proposez ici, c’est de rendre illégal, par exemple, le refus d’accès à un logement en raison d’un casier judiciaire…
M. Roebuck : Oui.
Le sénateur Dalphond : ... sans égard à la radiation, à la négociation ou à quoi que ce soit? Vous dites donc que nous devrions préciser clairement qu’on ne peut se servir du casier judiciaire pour refuser un logement à quelqu’un.
M. Roebuck : Dans le projet de loi, il y a une belle clarté concernant la protection des droits fondamentaux pour une personne dont le casier judiciaire est arrivé à échéance. Je pense que, lorsque c’est le cas, il n’y a aucune raison que la personne soit exclue dans le contexte du logement, surtout lorsque les gens ont très peu de choix, en particulier les personnes à faible revenu. De plus en plus de vérifications de casier judiciaire sont effectuées dans le contexte de la location d’un logement. On a pris des mesures à cet égard dans certaines provinces, mais pas dans toutes, et cela crée vraiment des obstacles qui empêchent les gens de sortir de la rue, de sortir de contextes qui contribuent à la victimisation et à la criminalité et de trouver une stabilité. Je pense donc que c’est un élément qu’il est important de prendre en compte sur le plan de la sécurité publique.
Le sénateur Dalphond : Mais n’y a-t-il pas des cas où le casier judiciaire est pertinent? Par exemple celui des délinquants sexuels qu’il vaut vraiment mieux éviter de loger dans un immeuble où il y a des familles.
M. Roebuck : Les dispositions liées aux registres des délinquants sexuels prévoient un avis obligatoire aux personnes qui ont des enfants, et je crois que les mécanismes juridiques existants permettent déjà de régler certains de ces problèmes. Il peut donc y avoir des circonstances admissibles où un casier précis est pertinent dans un contexte particulier. Mais, dans l’ensemble, je ne pense pas qu’il devrait être permis ou normal de priver les gens du droit fondamental au logement parce qu’ils ont un casier judiciaire.
Le sénateur Klyne : Bienvenue.
J’aimerais revenir sur ce qu’a dit le sénateur Dalphond, mais pas précisément sur la récidive. Dans son discours à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi, le sénateur Boisvenu a parlé du fait que des actes criminels graves pourraient être effacés du casier judiciaire d’une personne. Il a aussi mentionné qu’il incomberait non plus à la personne reconnue coupable de prouver qu’elle mérite que son casier soit effacé, mais plutôt à la commission des libérations conditionnelles de prouver qu’elle ne le mérite pas. Cette parenthèse est un peu un point repère.
Je pense que la plupart des gens ont une certaine sympathie ou une certaine compréhension quand quelqu’un qui est condamné pour une infraction relativement mineure — par exemple, une condamnation liée à la marijuana — souhaite faire une demande de réhabilitation afin que son casier judiciaire soit effacé et pour pouvoir tourner la page. Cependant, il y a probablement moins de sympathie pour les infractions graves, en particulier de la part des victimes d’actes criminels… et il y a la victime ainsi que les covictimes, qui peuvent être des amis, des membres de la famille, etc. À cet égard, croyez-vous que le projet de loi tient dûment compte des droits des victimes, des covictimes et des survivants? Plus précisément, le délai proposé pour effacer un casier judiciaire — soit deux ans ou cinq ans, selon l’infraction — tient-il compte du fait que le trouble de stress post-traumatique et les problèmes de santé mentale avec lesquels les victimes peuvent être aux prises durent parfois beaucoup plus longtemps que deux ou cinq ans? Dans ce contexte, vous avez cité des recommandations. Mais avez-vous d’autres préoccupations au sujet du projet de loi et d’autres recommandations à faire?
M. Roebuck : Je m’inquiéterais si la commission des libérations conditionnelles cessait de se préoccuper du risque élevé de récidive que présente une personne donnée. S’il y a un moyen de signaler que la personne a des antécédents de violence, ce serait probablement déjà l’un des facteurs de risque. Je pense effectivement qu’il faut en tenir compte… que les gens doivent présenter une demande et que le processus déjà en vigueur sera maintenu.
J’aimerais revenir sur l’idée d’une perspective axée sur la victime pour dire qu’il y a une diversité de victimes d’actes criminels. De nombreuses victimes le deviennent dans des situations où elles sont marginalisées, et elles finissent souvent par subir elles-mêmes les conséquences du casier judiciaire. Hannah Scott, de l’Institut universitaire de technologie de l’Ontario, parle du fait que nous avons tendance à mettre davantage l’accent sur la violence qui se produit dans les espaces publics et consiste en un incident unique faisant intervenir un étranger, et notre politique publique est en grande partie axée sur cela. En fait, il est plus courant que la violence se produise au sein du système familial et d’une relation, entre des gens qui se connaissent, et l’incidence du système de justice pénale impose donc des mesures très complexes. Nous devons tenir compte du droit à la protection des victimes d’actes criminels ainsi que de leur droit à la vie privée.
Je conviens qu’il est malheureux que le traumatisme puisse se poursuivre, et je pense que le casier judiciaire n’est pas la cause fondamentale. Je pense que nous devons nous assurer d’offrir l’accès à des services et à du soutien pour les victimes d’actes criminels à plus long terme que nous le faisons actuellement.
Le sénateur Klyne : Merci.
La sénatrice Batters : Monsieur Roebuck, vous êtes bien sûr le nouvel ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels, et vous êtes un témoin important pour ce genre de projet de loi, en raison du point de vue que vous apportez comme titulaire de ce poste. Je vous pose donc mes questions à la lumière de cela.
Ce projet de loi, le projet de loi S-212, prévoit l’élimination des casiers judiciaires des criminels qui commettent des crimes contre la personne après deux ou cinq ans. Le fait qu’un récidiviste comparaisse devant un tribunal avec un casier judiciaire vierge constitue une revictimisation pour ses victimes antérieures et une injustice sur le plan des droits des victimes.
Croyez-vous que le projet de loi va à l’encontre des principes de la Charte canadienne des droits des victimes?
M. Roebuck : Je vous remercie de cette question. J’ai beaucoup de respect pour votre travail et j’invoquerai le Règlement simplement pour signaler que, en anglais, mon titre est « ombudsperson » plutôt que « ombudsman ». J’aurais porté le titre d’« ombudslady » avec autant de bonheur, mais nous adoptons enfin un langage plus neutre.
Je partage tout à fait les préoccupations des gens qui estiment qu’il y a une injustice liée au fait que quelqu’un réintègre le système, et c’est pourquoi je continue de dire que, lorsqu’il y a des antécédents de récidive, je pense qu’il faut superviser le processus. Ce ne devrait pas être automatique, surtout dans le cas des crimes violents.
Je pense que c’est une considération importante pour la protection des victimes d’actes criminels et que ce ne devrait pas être automatique. Je ne pense pas que le projet de loi propose quoi que ce soit plus ou moins punitif qu’avant dans ce genre de cas, mais je dirais que j’ai eu peu de temps pour l’étudier.
La sénatrice Batters : Eh bien, dans ce cas, si vous le voulez bien, à la suite de votre comparution, prenez un peu plus de temps et examinez en particulier cette partie pour savoir ce que vous en pensez par rapport à la Charte canadienne des droits des victimes.
De plus, ce que vous avez dit au sujet de la diversité des Canadiens et de ce genre de choses… bien sûr, il y a de nombreuses occasions où une diversité de Canadiens sont les victimes, particulièrement dans des situations familiales, et, même si cela n’est pas lié, elles pourraient très bien être des victimes qui n’ont pas de casier judiciaire et être simplement des victimes d’actes criminels. Oui, il y a des occasions où ce sont aussi des délinquants, mais je dirais que beaucoup plus de gens ne sont que des victimes.
Dans cette optique, la Loi sur le casier judiciaire exclut de toute suspension du casier judiciaire les crimes visés à l’annexe 1, qui concerne en grande partie les crimes sexuels graves commis contre des enfants. Le projet de loi permettrait aux prédateurs sexuels et aux trafiquants de bénéficier d’une expiration automatique de leur casier judiciaire.
Quelle serait selon vous la réaction des groupes de victimes d’agression et d’exploitation sexuelles avec lesquels vous travaillez, si le projet de loi était adopté?
M. Roebuck : J’appuie fortement l’idée de ne pas permettre l’expiration automatique pour les infractions visées à l’annexe 1, ce qui inclut les infractions sexuelles contre les enfants. Je pense que ces droits à la protection sont très importants, surtout pour les personnes vulnérables.
Je pense que votre argument au sujet de la victimisation au sein des communautés marginalisées ou racisées est vraiment fondé, parce que nous en parlons souvent comme d’un problème de criminalisation sans même tenir compte des répercussions de la victimisation au sein de ces communautés.
Je pense que ce que nous entendons, c’est qu’une grande partie des répercussions sur les victimes est également cachée. Nous nous sommes entretenus récemment avec un professeur qui mène des recherches auprès de femmes noires qui vivent de la violence conjugale et qui ont dit avoir peur d’appeler la police pour obtenir de l’aide par crainte de violence mortelle.
Il y a beaucoup d’obstacles qui sont en fait liés au fonctionnement du système de justice et qui ont une incidence même sur l’accès à la justice pour les victimes d’actes criminels, et je pense que ces préoccupations ne sont souvent pas au premier plan lorsque nous avons ce genre de conversation.
En tant qu’ombudsman, j’estime qu’il est de ma responsabilité de soulever certaines de ces questions, certaines des autres préoccupations étant plus faciles à cerner.
La sénatrice Batters : Merci.
La sénatrice Jaffer : Merci beaucoup d’être ici aujourd’hui.
La question de l’itinérance a été soulevée. Je viens de Vancouver, et c’est un problème très important que nous tâchons de régler à Vancouver. Il n’y a vraiment pas beaucoup de logements.
Collaboreriez-vous également avec les organismes provinciaux pour modifier le code afin que la discrimination en matière de logement ne soit pas… parce que le logement est de compétence provinciale? Vous êtes d’accord pour dire qu’il faudrait aussi travailler avec les gouvernements provinciaux pour modifier le code de façon à ce que... national ne changerait rien. C’est provincial. Êtes-vous d’accord?
M. Roebuck : Le logement est un domaine de politique très intéressant qui touche les trois ordres de gouvernement. Il y a des rôles au sein du gouvernement fédéral, comme le défenseur fédéral du logement et la Commission canadienne des droits de la personne, qui a confirmé le rapport du défenseur du logement sur la reconnaissance du logement comme un droit fondamental en 2021.
Je pense que le gouvernement fédéral peut faire preuve de leadership, mais que nous devons respecter la compétence des provinces et la façon dont elles continuent d’administrer ces choses et de les intégrer à leurs propres cadres législatifs.
La sénatrice Jaffer : Mais êtes-vous d’accord pour dire que vous avez un rôle à jouer en parlant aux commissions des droits de la personne des provinces, surtout en ce qui concerne l’itinérance?
M. Roebuck : Mon mandat touche les questions fédérales…
La sénatrice Jaffer : Je sais, les victimes.
M. Roebuck : ... mais oui, nous établissons des réseaux et collaborons avec nos collègues des provinces pour échanger de l’information et des points de vue, tout en respectant l’autonomie de ces organismes dans la prise de décisions.
La sénatrice Jaffer : Je sais que vous occupez votre poste depuis peu, alors il est peut-être injuste que je vous pose cette question. D’après mon expérience, les gens qui se retrouvent en prison ne sont pas très alphabétisés. Les formulaires de demande en question sont parfois très difficiles à remplir, d’après ce que des gens m’ont dit, alors ils laissent tomber. Ils finissent par ne pas pouvoir obtenir un bon emploi, ne pas pouvoir obtenir un logement convenable, et c’est un cercle vicieux.
Seriez-vous d’accord pour dire que la récidive diminuerait si le projet de loi de la sénatrice Pate était accepté, sous réserve de ce que vous avez déjà dit au sujet de la violence?
M. Roebuck : Oui. Je pense que les conditions d’exclusion et de marginalisation qui sont renforcées par les casiers judiciaires créent également des obstacles à la demande de suspension ou de réhabilitation à l’heure actuelle. Si c’était facile, je ne pense pas que quatre millions de Canadiens auraient un casier judiciaire, et l’incidence sur la société canadienne est importante.
La sénatrice Jaffer : Et, bien sûr, l’arriéré aussi. Il y a un gros arriéré, et cela n’aide tout simplement pas.
Étant donné les coûts associés au système actuel de suspension de casier judiciaire, on parle du fait qu’une approche sans frais pourrait être avantageuse pour la société en ce qui concerne la réinsertion d’une personne qui a été reconnue coupable d’une infraction. À votre avis, le projet de loi contribuerait-il à réduire les taux de récidive?
M. Roebuck : Je pense que c’est à évaluer. Je pense que si nous prenons l’ensemble de la recherche sur la justice pénale, elle donne à penser que la réduction de ces facteurs de risque réduirait non seulement la récidive chez les personnes qui ont déjà commis une infraction, mais aussi les facteurs de risque structurels à l’origine de la victimisation dans la société.
La sénatrice Jaffer : Merci.
La sénatrice Clement : Je veux parler du point soulevé par la sénatrice Jaffer, puis revenir sur quelque chose que vous avez dit plus tôt au sénateur Klyne.
Je ne suis pas criminaliste; je suis avocate en droit des pauvres. Je travaille encore à temps partiel à la clinique d’aide juridique de Cornwall. Au fil des ans, j’ai souvent suivi le processus de demande pour des clients. Il est incroyablement compliqué, et la raison pour laquelle bon nombre de mes clients pauvres peu alphabétisés ne le suivent pas, c’est simplement qu’ils ne peuvent pas faire tout le travail qu’il faut faire pour passer à travers.
De plus, ils sont parfois victimes d’entreprises prédatrices qui prétendent les aider, puis exigent des frais, en plus des frais de demande de réhabilitation payés au gouvernement. Parfois, lorsqu’ils viennent me voir, ils sont enlisés dans les dettes, en plus d’être peu alphabétisés et pauvres. Et ils reçoivent de l’aide sociale, et l’aide sociale leur dit : « Allez vous trouver un emploi. » Ils veulent trouver un emploi. Lorsqu’ils touchent l’aide sociale, ils sont très mal traités. Les gens qui disent qu’il y en a qui veulent vivre de l’aide sociale se trompent lourdement. Ce n’est pas une belle vie parce qu’on n’est pas bien traité. La plupart de mes clients sont venus parce qu’ils voulaient désespérément trouver un emploi et qu’ils avaient besoin d’une demande de réhabilitation. J’ai suivi ce processus de nombreuses fois, alors je suis en faveur. Je le répéterai constamment.
Je veux que vous vous penchiez sur ce que vous faites dans le cadre de votre rôle, et j’essaie de comprendre. Les victimes ont été laissées pour compte par le système à maintes reprises, alors, lorsqu’elles voient une loi comme celle-ci, elles ne s’y intéressent pas vraiment. Il est très compliqué d’avoir des conversations nuancées avec les Canadiens. Les gens ont tellement d’activités en cours, et nous ne sommes pas toujours bons pour communiquer clairement.
Dans le cadre de votre poste de représentant des victimes et du milieu des victimes, comment tenez-vous ces conversations nuancées? Je sais que vous exercez ce rôle depuis peu, que vous faites de la recherche et que vous offrez un certain soutien, mais il y a beaucoup de gens dans le milieu que vous représentez qui ne vous appuieront pas et qui ne le feront jamais. Comment tenez-vous cette conversation? Comment consultez-vous les victimes? Si vous pouviez vous pencher là-dessus.
Si vous pouviez aussi parler des 4 millions de Canadiens qui ont un casier… puis vous avez donné un chiffre. Je crois que c’était 10 000. Si vous pouviez vous pencher sur cette disparité entre le nombre de personnes qui ont un casier et de celles qui sont passées par le processus de demande et de pardon.
M. Roebuck : Je vous remercie. Il y a là beaucoup de questions importantes. Je vais peut-être mentionner la dernière, parce que c’est la plus facile. Des 4 millions de casiers judiciaires en 2020-2021, la Commission des libérations conditionnelles a reçu moins de 10 000 demandes de suspension du casier ou de pardon parce que les deux sont toujours en jeu. Ces chiffres témoignent de l’accessibilité et de la compréhension du processus et des obstacles qui existent pour les gens qui ont un casier.
Comme je l’ai dit au tout début de ma déclaration, il est difficile de représenter équitablement la voix des victimes et des survivants. Je les ai écoutés tout au long de ma carrière dans de nombreux contextes différents, et c’est difficile parce que les intérêts de certains entrent souvent en conflit avec ceux d’autres. Plus particulièrement, ce qui arrive souvent, c’est que les gens qui sont pris dans le contexte plus marginalisé où ils vivent de la victimisation ont tendance à être exclus lorsqu’il est question des victimes d’actes criminels, et le double effet de la victimisation et de la criminalisation qui les touche aussi disparaît on ne sait trop comment.
De nombreuses victimes ont un membre de leur famille qui est dans le système de justice, et elles essaient d’obtenir de l’information sur son bien-être et aussi de guérir. Ces complexités existent dans le cas de la violence entre partenaires intimes. Il est très important que les gens soient protégés et qu’ils aient l’impression que le gouvernement se soucie d’eux. Ces enjeux sont complexes.
En fin de compte, je crois que j’appuie ce que la majorité des Canadiens estiment que lorsqu’il y a des infractions graves, des récidives ou de la violence sexuelle contre des enfants, ces dossiers doivent être examinés. La suspension ne devrait pas être automatique. C’est ce que nous faisons déjà, et j’y suis favorable.
Dans le cas des infractions de moindre gravité qui comportent clairement du racisme systémique, je pense que les Canadiens peuvent également appuyer la nécessité d’agir à cet égard. Je comprends que c’est difficile. C’est douloureux pour les gens parce que le casier judiciaire est le prolongement de ce qui est arrivé à la personne, et l’État ne tient souvent pas compte des répercussions qui se poursuivent pour les personnes qui sont victimes de violence ou qui vivent de la victimisation, alors c’est difficile.
La sénatrice Clement : Merci.
Le président : J’ai une ou deux questions à vous poser, monsieur Roebuck, si vous me le permettez. Elles portent principalement sur ce qui motive le maintien d’un casier judiciaire, sur ce qu’ils accomplissent, sur qui ils aident et sur des choses du genre. Vous pourriez peut-être y réfléchir un peu, mais je voudrais aussi me concentrer sur l’aspect récidive de l’équation.
Il y a des années, lorsque je travaillais au ministère de la Justice, on s’entendait généralement sur le fait que 75 % des jeunes contrevenants ne récidivaient jamais. Ce n’était pas comme si nous devions en faire le suivi, pour la plupart. Je ne sais pas ce qu’il en est.
Ma question sur la récidive : avons-nous une bonne idée... Je pense que je la poserai peut-être aussi à la sénatrice Pate lorsqu’elle témoignera sur cette question. Avons-nous une bonne idée des tendances relatives à la récidive des délinquants? Après cinq ans, par exemple, est-ce que ce n’est pas problématique et qu’il y a rarement des récidives? Avez-vous des renseignements à ce sujet, ou bien votre bureau s’occupe-t-il de cette question? Disposez-vous de recherches à ce sujet?
M. Roebuck : Nous avons examiné certaines de ces données. Je pense que le suivi commun se fait au cours d’une période de deux ans. Il y a moins d’études sur la trajectoire à long terme. Il existe certainement dans le monde des recherches qui ont étudié cette question.
Selon moi, dans le cas des personnes qui passent de plus en plus de temps sans commettre d’infraction, la probabilité de récidive diminue. Je crois qu’il est prouvé scientifiquement que, lorsque les gens peuvent démontrer qu’ils ne commettent pas d’infractions, la probabilité de victimisation est beaucoup moins grande.
Certains types d’infractions, comme la violence sexuelle contre des enfants qui ne font pas partie de la famille, surtout lorsque les victimes sont de jeunes garçons, peuvent être associés à un taux de récidive plus élevé, mais c’est différent si nous appliquons ce genre de raisonnement à l’ensemble des délinquants sexuels, parce que l’écart est si important.
Certains types particuliers de victimisation sont associés à un taux de récidive à long terme plus élevé qui pourrait en fait augmenter plus tard, dans l’avenir, et ce risque n’est pas décelé rapidement; c’est pourquoi nous avons recommandé un examen attentif des infractions visées à l’annexe 1 et des infractions violentes avec récidive.
Nous ne nous opposons pas aux casiers judiciaires. Nous croyons qu’il s’agit d’un outil utile pour ce qui est de protéger les Canadiens et les victimes d’actes criminels, mais, lorsqu’ils ne sont plus nécessaires et qu’ils créent des obstacles pour les gens et des conditions qui suscitent davantage de victimisation, c’est à cet égard que nous voulons prendre position.
Le président : Merci.
La sénatrice Pate : Merci beaucoup de vos réponses très nuancées à bon nombre des questions qui ont été soulevées.
Je voudrais revenir sur la question de la condamnation pour agression sexuelle. Nous venons d’étudier un projet de loi, avant celui-ci, qui portait sur la violence entre partenaires intimes. L’une des difficultés que connaissent plusieurs d’entre nous qui avons travaillé dans ce domaine — je sais que vous l’avez fait, vous aussi, pendant de nombreuses années — tient au fait que la violence faite aux femmes et aux enfants n’a jamais été prise très au sérieux, surtout lorsqu’elle a lieu à la maison. Pourtant, on réagit a posteriori, une fois que des tragédies se produisent, en tentant au coup par coup de trouver une façon de réparer le système, sans se demander pourquoi nous n’avons pas mis en place les mesures de soutien sociales, économiques et sanitaires, y compris le logement, dont vous avez parlé au départ.
Je suis curieuse de savoir si vous avez fait des recherches ou si vous en connaissez qui pourraient aider le Comité en ce qui concerne ces chiffres, alors que cela fait un certain temps que… je travaille encore auprès des femmes et des familles qui fuient la violence, mais cela fait un certain temps que je n’ai pas travaillé auprès d’hommes qui ont été reconnus coupables d’agression sexuelle. À l’époque, la majorité des personnes incarcérées… le nombre de personnes qui faisaient l’objet d’accusations était minime. Le nombre de celles reconnues coupables était encore moins élevé. Le nombre de personnes incarcérées l’était encore moins. Lorsque je me rendais dans les prisons, la majorité des délinquants sexuels qui n’avaient pas fait l’objet d’un échange étaient des Noirs et des Autochtones.
Si vous avez des données différentes de celles-là, je pense qu’elles seraient extrêmement utiles au Comité, parce que ces renseignements nous aident à cerner les distorsions du système que ce projet de loi vise en partie à atténuer, c’est-à-dire que nous savons qu’il y a beaucoup plus de gens qui se livrent à des comportements de prédation qui ne sont pas signalés, pour certaines des raisons dont nous avons déjà entendu parler. S’ils sont signalés, aucune accusation n’est portée. Si des accusations sont portées, celles-ci peuvent être retirées en échange de quelque chose ou faire l’objet d’une négociation. C’est donc un très petit nombre qui se retrouve derrière les barreaux. Néanmoins, nous avons inclus ce groupe parmi ceux à exclure.
Pourriez-vous nous éclairer davantage quant aux renseignements que vous avez ou à tout travail qui est effectué pour tenter de trouver une façon de s’attaquer plus sérieusement à ce problème d’une manière qui protégera vraiment les gens, pas seulement — pardonnez-moi l’expression — prendre des mesures symboliques et avoir l’air de faire quelque chose pour régler le problème?
M. Roebuck : Oui, une prévention efficace est souvent une combinaison de travaux structuraux et d’interventions de conception précoces ainsi que de travaux réactifs qui visent à tenter de résoudre les problèmes persistants. Je pense que cet élément fait partie de cette résolution, parce que, si nous savons qu’une population donnée est excessivement criminalisée, alors le casier judiciaire reflète également cette distorsion systémique en ce qui concerne la question de savoir qui au Canada en a un.
Selon moi, dès le début du processus, nous avons du travail à faire sur les conditions sociales, l’éducation et l’emploi et ce genre de choses qui peuvent créer de la stabilité. Très peu de programmes fondés sur des données probantes et évalués visent à réduire la violence entre partenaires intimes. Dans le cadre de l’un d’entre eux, qui est utilisé dans les écoles, qui s’appelle « The Fourth R » — le Quatrième R —, on enseigne les relations saines et la résolution de conflits dans les écoles secondaires, vers la 9e année. Il est intégré au programme d’études en santé. On y parle de la façon de communiquer avec assurance plutôt que de façon agressive ou passive. Je pense qu’il faut investir davantage dans les programmes qui favorisent ces relations saines.
Il importe également de reconnaître que tout le monde a le potentiel de vivre de la violence entre partenaires intimes et des relations malsaines, alors il est important de trouver des façons de reconnaître les expériences des personnes LGBTQ2S qui subissent de la violence… c’est également visible, et il y a des endroits où obtenir de l’aide. Tous ces éléments sont importants.
Il y a du travail à faire en matière de prévention, et il se fait des choses intéressantes au niveau de l’éducation dans les écoles.
La sénatrice Pate : La dernière dont j’ai eu connaissance, c’est-à-dire l’une des rares études à porter sur la récidive ou sur le casier judiciaire dont je suis au courant, a été réalisée en 1990, en Alberta, par le juge Cozzi. À cette époque, si je me souviens bien, 90 % des hommes autochtones avaient un casier judiciaire lorsqu’ils atteignaient l’âge de 30 ans. Connaissez-vous d’autres études de ce genre qui ont été faites? C’est la seule que je connaisse. Nous avons effectué une recherche documentaire, mais je ne connais pas d’autres études qui aient été réalisées ou qui soient plus récentes.
M. Roebuck : Si je me fie à certaines données recueillies à peu près à la même époque, il y avait des collectivités où les garçons autochtones étaient plus susceptibles d’être incarcérés que d’obtenir leur diplôme d’études secondaires. Ce que nous avons constaté dans les récentes statistiques correctionnelles fédérales, c’est que les taux de récidive sont toujours plus élevés au sein de ces populations en raison de facteurs structurels, mais je pense que les taux de récidive globaux, si je me souviens bien de l’avoir examiné hier soir, se situeraient entre 25 et 35 %. Ils sont peut-être inférieurs, mais ils ne sont pas aussi élevés que cela.
Je ne sais pas. Je ne peux pas vous dire combien il y en a en tout qui ont un casier, mais je pense que c’est un nombre considérable.
La sénatrice Pate : Selon la dernière information dont je dispose — et nous avons demandé des renseignements à jour à la Commission des libérations conditionnelles —, les contrevenants en liberté conditionnelle sous responsabilité fédérale ayant commis des infractions avec violence comptent pour moins de la moitié de 1 %. Avez-vous d’autres données à ce sujet? Nous avons demandé une mise à jour, mais ce sont les données les plus récentes dont nous disposons.
M. Roebuck : Non, mais ce sujet m’intéresse. En outre, le Canada ne s’est pas toujours bien débrouillé avec les données fondées sur la race, et elles sont essentielles pour comprendre les problèmes systémiques. Au cours des prochaines semaines, nous demanderons à Statistique Canada de nous fournir davantage de données fondées sur la race concernant la victimisation. Je pense qu’il faudrait en tenir compte également dans les statistiques correctionnelles.
La sénatrice Pate : Enfin, la semaine dernière, vous avez peut-être vu que l’émission La Facture de Radio-Canada a exposé certains des types d’entreprises dont la sénatrice Clement a parlé concernant le fait d’extorquer littéralement des gens qui souhaitent obtenir du soutien pour présenter une demande de suspension du casier judiciaire, de pardon ou… il y a quatre types différents, comme vous le savez sans doute, de problèmes liés au casier dont la Commission des libérations conditionnelles doit s’occuper. L’un des problèmes, c’est que des gens sont victimisés dans le cadre de ce processus. On les encourage à venir, à payer de l’argent et tous les services orientent ensuite les gens… on leur donne essentiellement une liste de choses à faire et on les oblige à faire leur propre travail de toute manière. Est-ce que certaines de ces personnes se sont plaintes au bureau de l’ombudsman des victimes? Le savez-vous?
M. Roebuck : Oui. Nous avons actuellement une plainte active à ce sujet. En ce qui concerne les dossiers de non-condamnation précisément, donc une personne qui est accusée à tort dans une situation très évidente d’accusation injustifiée, qui est déclarée non coupable par un tribunal, mais qui continue d’avoir des répercussions sur son casier et qui se fait prendre par l’un de ces organismes qui va et vient pour tenter d’obtenir cette information sur la non-condamnation, mais qui n’est peut-être pas bien placé pour le faire… C’est un aspect important à prendre en considération, et je voudrais souligner que les dossiers de non-condamnation concernent les droits de Canadiens qui n’ont pas été déclarés coupables.
La sénatrice Pate : Je vous remercie.
Le président : Merci, monsieur Roebuck. Voilà qui met fin aux questions des sénateurs aujourd’hui. Je tiens à vous remercier encore une fois d’avoir répondu à notre demande dans un délai encore plus court. C’est très apprécié. Je ne sais pas si, lorsque vous avez posé votre candidature à ce poste, l’une des exigences de celui-ci était de comparaître une fois par semaine devant notre comité, mais cela commence à donner l’impression que c’est le cas.
Encore une fois, merci beaucoup de vous être présenté. Nous vous sommes reconnaissants des conseils que vous nous avez donnés aujourd’hui.
C’est ainsi que se terminent nos délibérations d’aujourd’hui. Nous poursuivrons l’étude de ce projet de loi la semaine prochaine, à l’occasion de notre prochaine séance. Je vous remercie, sénateurs, de votre présence.
(La séance est levée.)