LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 10 mai 2023
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 16 h 20 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi sur les juges.
Le sénateur Brent Cotter (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : J’aimerais demander aux sénateurs de se présenter en commençant par ma droite.
Le sénateur Boisvenu : Pierre-Hugues Boisvenu, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l’Alberta.
La sénatrice Jaffer : Mobina Jaffer, de la Colombie-Britannique.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Renée Dupuis, sénatrice indépendante, division sénatoriale des Laurentides, au Québec.
[Traduction]
Le sénateur Klyne : Marty Klyne, du territoire visé par le Traité no 4, en Saskatchewan.
[Français]
La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.
Le sénateur Dalphond : Pierre J. Dalphond, sénateur indépendant, du Québec.
La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.
[Traduction]
Le sénateur D. Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.
La sénatrice Batters : Denise Batters, de la Saskatchewan.
La sénatrice Simons : Paula Simons, du territoire visé par le Traité no 6, en Alberta.
Le président : Je m’appelle Brent Cotter. Je représente la Saskatchewan et je suis le président du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Bienvenue à tous, ainsi qu’aux téléspectateurs en ligne.
Honorables sénateurs, nous passons aujourd’hui à l’étude article par article du projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi sur les juges. Au cas où nous aurions des questions d’ordre technique, nous accueillons trois fonctionnaires de la Section des affaires judiciaires du ministère de la Justice Canada. Ils occupent les fauteuils confortables à l’arrière de la salle, mais ils viendront s’asseoir à la table, au besoin. Il s’agit de Me Toby Hoffmann, directeur et avocat général, Me Patrick Xavier, avocat principal, et Me Shakiba Azmini, avocate. Bienvenue, et merci d’être des nôtres.
Avant de commencer, j’aimerais rappeler certains points importants aux sénateurs. Si, à quelque moment que ce soit, un sénateur s’interroge à savoir où nous en sommes dans le processus, je l’invite à demander des éclaircissements. Je tiens à ce que nous ayons tous la même notion du point où nous en sommes pendant que nous étudions le projet de loi article par article. En ce qui a trait à la mécanique procédurale, j’aimerais rappeler aux sénateurs que, lorsque plus d’un amendement est proposé à un article, les amendements doivent être proposés selon l’ordre des lignes de l’article qu’ils visent. Par conséquent, avant d’examiner un amendement à un article, je vérifierai si certains sénateurs avaient l’intention de proposer un amendement à une partie antérieure de l’article en question. Je pense que Mark Palmer, le greffier du comité, ainsi que ses collègues ont réussi à bien nous organiser pour y réussir, mais, dans le cas où, ne vous gênez pas pour intervenir. Si les sénateurs ont l’intention de proposer un amendement à une partie antérieure, je leur donnerai la possibilité de le faire. Je vous rappelle que, en comité, si un sénateur s’oppose à un article en entier, le processus approprié est de voter contre l’article.
Si les membres du comité ont des questions concernant la procédure ou le bien-fondé de quoi que ce soit, ils peuvent invoquer le Règlement. En tant que président, je vais écouter les arguments, décider si une question ou un ordre a été suffisamment débattu et rendre une décision.
Enfin, je souhaite vous rappeler qu’en cas d’incertitude des résultats d’un vote, le plus sûr est de demander un vote par appel nominal, qui fournit des résultats clairs. Les sénateurs savent que s’il y a égalité des voix, la motion sera rejetée.
Avant de commencer, y a-t-il des questions à propos des points susmentionnés? Sinon, je pense que nous pouvons commencer.
Plaît-il au comité de procéder à l’étude article par article du projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi sur les juges?
Des voix : D’accord.
Le président : Est-il convenu de reporter l’étude du titre?
Une voix : D’accord.
Le président : L’article 1 est-il adopté?
L’article 2 est-il adopté?
L’article 3 est-il adopté?
L’article 4 est-il adopté?
L’article 5 est-il adopté?
L’article 6 est-il adopté?
L’article 7 est-il adopté?
L’article 8 est-il adopté?
L’article 9 est-il adopté?
L’article 10 est-il adopté?
L’article 11 est-il adopté?
L’article 12 est-il adopté?
Le premier amendement est proposé par la sénatrice Batters. Il concerne DB-C9-12-4-8, concernant les non-juristes.
La sénatrice Batters : Je propose :
Que le projet de loi C-9 soit modifié à l’article 12 :
a) à la page 4, par substitution, aux lignes 7 à 11, de ce qui suit :
« 82 (1) Le Conseil établit une liste de non-juristes pour l’application de la présente section. »;
b) à la page 5, par substitution, à la ligne 18, de ce qui suit :
« examinée que si deux membres du Conseil et une personne inscrite sur la liste de non-juristes ont des motifs »;
c) à la page 10, par substitution, aux lignes 25 et 26, de ce qui suit :
« c) une personne inscrite sur la liste de non-juristes. »;
d) à la page 15, par substitution, aux lignes 12 et 13, de ce qui suit :
« a) deux membres du Conseil;
b) un juge inscrit sur la liste de juges;
c) une personne inscrite sur la liste de non-juristes;
d) un avocat inscrit au barreau d’une province depuis au moins dix ans. ».
Cet amendement a été proposé par le professeur Richard Devlin lors de son excellent témoignage devant un comité. Il est professeur en droit à l’Université Dalhousie. Voici ce qu’il a affirmé dans son mémoire du 24 avril :
Je suis ici en tant que membre du conseil d’administration de l’Association canadienne pour l’éthique juridique. Plus particulièrement, je suis ici parce qu’au cours des deux dernières années, j’ai édité deux livres sur ce qui pourrait être approprié pour un processus de traitement des plaintes et un processus disciplinaire pour les juges.
Ces deux livres s’intitulent Regulating Judges et Disciplining Judges. Ils rassemblent le point de vue le plus éclairé d’universitaires du monde entier sur ces deux sujets.
La majeure partie du mémoire de M. Devlin porte sur le besoin de faire participer plus de non-juristes dans le processus disciplinaire des juges. À ce sujet, il a déclaré :
[I]l n’y a pas assez de représentants non-juristes dans le processus, ce qui met en péril les valeurs d’impartialité, d’indépendance et de représentation.
Les représentants non-juristes participent seulement à deux étapes du processus : ils sont un des trois membres du comité d’examen, et un des cinq membres du comité d’audience plénier.
Cette participation est ponctuelle et occasionnelle.
La participation des représentants non-juristes devrait être généralisée et structurelle.
M. Devlin a proposé qu’il doive y avoir des représentants non‑juristes au sein du comité d’audience restreint. Il a suggéré qu’on révise l’alinéa 110(1)c) proposé pour qu’il dise « une personne désignée dans la liste des non-juristes ».
En outre, il a dit qu’il devrait y avoir un non-juriste au sein du comité d’appel. Il a suggéré qu’on amende l’article 130 proposé afin qu’il inclue a) deux membres du conseil, b) un juge désigné dans la liste de juges, c) une personne désignée dans la liste des non-juristes, et d) un avocat inscrit au barreau d’une province depuis au moins 10 ans.
Il a aussi dit qu’un représentant non-juriste devrait participer à la prise de décision pour savoir si l’on procédera ou non à l’examen d’une plainte anonyme, et que le paragraphe 86(3) proposé devrait être reformulé afin qu’il dise :
[…] seulement si deux membres du Conseil et un représentant non-juriste de la liste des non-juristes a des motifs raisonnables […]
Ainsi, comme je l’ai dit au comité cette semaine :
Nous avons aussi entendu parler à maintes reprises de l’importance d’avoir un représentant non-juriste à chaque étape du processus. Le professeur Richard Devlin l’a souligné, et le Conseil de la magistrature de l’Ontario a reconnu l’importance critique de cela dans son processus.
Le professeur Devlin a déclaré que les valeurs d’impartialité, d’indépendance et de représentation sont compromises en l’absence d’une représentation suffisante de non-juristes.
Ensuite, récemment, au comité, j’ai interrogé Mme Warner du Conseil de la magistrature de l’Ontario à cet égard. Voici ce que je lui ai demandé lors de notre échange :
Je me demande si vous avez une brève observation supplémentaire concernant les non-juristes que vous avez au sein de vos comités en Ontario.
Car, bien sûr, le Conseil de la magistrature traite les cas des juges nommés en Ontario.
Vous semblez avoir dit qu’ils participent aux différents processus, est-ce exact?
Mme Warner a répondu ainsi :
C’est exact. Oui, à chaque étape, afin de pouvoir rejeter de façon sommaire une plainte, un membre de la communauté doit être d’accord avec cette disposition. Un membre non‑juriste participe tout au long du processus.
J’ai dit, « d’accord, merci beaucoup », et elle a ajouté ceci :
Je dois vous dire qu’il s’agit d’une perspective d’une valeur inestimable dans le processus de délibération. De plus, avoir un avocat membre est très utile parce qu’il peut faire un bilan de ce qu’il a observé dans d’autres tribunaux et dire si, oui ou non, le comportement est inquiétant pour la profession. Ainsi, les deux perspectives sont utiles dans le processus délibératif.
J’ai répondu :
Absolument. Je peux dire, en étant moi-même avocate, que, certainement, nous ne sommes pas toujours du même avis que le grand public, alors cela représente aussi une différence importante.
Récemment, lorsqu’une représentante du Conseil canadien de la magistrature a comparu devant le comité, elle a dit ceci à l’égard de cette question :
Je ne pense pas que ce soit nécessaire à chaque étape parce qu’on ne le voit pas dans d’autres tribunaux administratifs, ni à l’étape de contrôle ni ailleurs.
En faisant allusion au Conseil de la magistrature de l’Ontario, j’ai répondu ainsi :
Il en a à chaque niveau, ce qui ressemble davantage au processus en question qu’à une simple comparaison avec différents tribunaux administratifs.
À cet égard, certainement, comparer un conseil judiciaire à un tribunal administratif... bien sûr, les juges entendent des causes très importantes qui traitent du grand public, et c’est très important pour le public de se sentir représenté dans ces processus et d’y faire complètement confiance. Je pense que c’est une raison importante de faire participer les représentants non-juristes à chaque étape du processus, comme nous l’ont suggéré d’importants témoins.
Une dernière chose que j’aimerais dire sur la question des représentants non-juristes, c’est que le problème du devoir versus le pouvoir, soulevé par le sénateur Clément concernant l’article 82 proposé, est, heureusement, corrigé dans mon amendement. Ainsi, ce problème n’existe plus dans cette disposition en particulier. Je vous demanderais donc d’appuyer cet amendement.
Merci.
Le sénateur Dalphond : Je remercie la sénatrice Batters de sa proposition. Je pense qu’elle peut être liée aux deux propositions ou moins qu’elle présentera plus tard concernant un appel devant la Cour d’appel fédérale et je vais expliquer pourquoi je dis cela.
La conception rationalisée qui a été reflétée dans le projet de loi comporte plusieurs étapes. La première est une sorte d’étape administrative; il s’agit d’un genre de processus de sélection. Ensuite, on passe au comité d’examen. Ce comité d’examen procède en fonction des plaintes et de la lettre d’explication fournie par le juge. Il peut décider qu’il vaut la peine de tenir une audience publique complète, car il s’agit d’une question très sérieuse et il estime qu’elle doit être traitée publiquement. Si l’objet de la plainte, qu’elle soit financée ou non, semble être un problème assez grave pour entraîner la révocation du juge, la plainte doit faire l’objet d’une audience publique complète.
Si la révocation du juge n’est pas un résultat possible, l’affaire peut être rejetée, mais elle peut aussi ne pas l’être et une sorte de sanction intermédiaire peut être imposée au juge. Si le juge est mécontent de la sanction qui lui a été imposée, il jouit du droit de faire appel auprès d’un comité d’audience restreint. Ce comité est composé uniquement de juristes, car il a été conçu comme une disposition en matière d’appel visant à déterminer précisément si l’équité et les règles de justice naturelle ont été respectées et s’il la sanction est raisonnable en fonction de la faute alléguée. Il n’a pas pour but d’entendre les faits. C’est une arme à double tranchant parce que, si le juge se prévaut de ce droit, le comité d’audience restreint peut conclure qu’il mérite une sanction plus sévère que celle qu’il a reçue et il l’imposera. Il est aussi possible que le comité décide qu’il s’agit d’une affaire qui devrait faire l’objet d’une audience publique. Cela fait donc partie du système. Il s’agit d’un genre de processus d’appel dans le système.
Nous passons au prochain point, car on fait appel à des non‑juristes lorsqu’il est question d’évaluer les faits. Il n’y a pas de non-juristes dans les comités d’audience restreints et les comités d’appel parce que ces comités sont conçus pour être des institutions juridiques et faire un travail de nature juridique.
Je vais passer à la définition du comité d’appel. C’est la dernière des modifications qu’elle souhaite faire. Elle veut remplacer trois membres du conseil et deux juges inscrits sur la liste de juges et introduire des non-juristes. Cependant, je pense que cela va précisément à l’encontre de ce que nous essayons de réaliser ici. L’article 130 du projet de loi dont vous êtes saisis traite du comité d’appel. Quels sont les pouvoirs du comité d’appel qui sont prévus dans l’article 131?
Le comité d’appel a les mêmes pouvoirs que la cour d’appel de la province où réside le juge en cause.
Il s’agit plus ou moins d’une quasi-cour d’appel. Le comité d’appel est conçu pour faire ce que fait une cour d’appel, c’est‑à‑dire des examens. De plus, il doit siéger en public et représente l’ultime contrôle judiciaire du système. Il n’y a pas d’appel devant la Cour fédérale. Il s’agit d’une quasi-cour d’appel.
Si on transforme le comité d’appel et on y inclut des non‑juristes, on le transforme en autre chose qu’une cour d’appel. D’après ce que j’ai compris, elle propose ensuite d’interjeter appel devant la Cour d’appel fédérale, car il s’agira d’un appel devant un groupe de juges seulement. C’est ce que nous essayons d’éviter. Nous essayons de créer un processus plus rationalisé afin que le comité d’appel soit composé de juges et d’avocats puisqu’il s’agit plus ou moins d’une cour d’appel. Le comité d’audience restreint est exactement pareil, mais sa taille est réduite. Il ne compte pas cinq membres. Il n’est composé que de trois membres qui remplissent plus ou moins les mêmes fonctions en vue d’exercer un quelconque contrôle judiciaire de ce qu’a fait le comité d’examen.
Je pense que cet amendement va à l’encontre de l’esprit de ce que nous essayons de réaliser et qu’il conduit à devoir recourir à la Cour d’appel fédérale, comme la sénatrice propose de le faire aux dernières étapes.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Sénatrice Batters, ce que vous voulez faire au moyen de votre amendement, c’est ajouter des membres non juristes, si je comprends bien. Est-ce bien cela?
[Traduction]
La sénatrice Batters : Certains des processus prévus par le projet de loi C-9 comprennent déjà des non-juristes. C’est nouveau. Ce n’était jamais le cas auparavant. Cependant, comme l’a proposé un témoin très éminent, Richard Devlin, je souhaite inclure des non-juristes dans les autres processus, car je pense que cela renforce la transparence et la confiance du public dans le système. Nous avons eu des problèmes à cet égard dans le passé et, au lieu de laisser seulement des juges juger des juges, et ce, même pas dans une vraie cour, je pense que cette mesure pourrait accroître la confiance du public dans le système, ce dont on a grandement besoin.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Je comprends qu’actuellement, le projet de loi ne ferait appel à des non-juristes que dans une partie du processus, alors que vous considérez qu’ils devraient être présents dans tout le processus.
Monsieur le président, je pense que je vais appuyer la proposition de ma collègue.
La sénatrice Dupuis : J’aurais une question pour les représentants du ministère de la Justice.
Merci d’être avec nous aujourd’hui.
Ma question est la suivante : j’essaie de comprendre quels sont les impacts de la proposition d’amendement sur le reste du projet de loi.
Me Toby Hoffmann, directeur et avocat général, Section des affaires judiciaires, Ministère de la Justice Canada : Dans un sens général ou particulier?
La sénatrice Dupuis : C’est un sens qui est à la fois très général et plus particulier. On a un projet de loi qui a été préparé par le ministère de la Justice. Il y a des objectifs de politique publique et il y a des éléments particuliers qui sont dans le projet de loi C-9 qui est devant nous.
On doit examiner des amendements qui viennent ajouter un, deux ou trois éléments au projet de loi. Il me semble que d’une manière générale, cela a des impacts; c’est ma question générale.
Ce que j’essaie de comprendre, c’est la logique qui a été celle du ministère de la Justice ou du gouvernement dans l’élaboration de cette procédure. Je garde à l’esprit le fait qu’on nous l’a présentée comme le produit d’un consensus qui donnait suite à une négociation entre l’Association canadienne des juges des cours supérieures et le Conseil canadien de la magistrature. Or, on sait maintenant que le consensus ne tient plus, parce qu’on nous en a informé au moyen d’une lettre de l’Association canadienne des juges des cours supérieures.
D’une manière générale, j’essaie de comprendre si un amendement venait s’introduire dans un processus comme celui qui était établi dans le projet de loi C-9 — avec la meilleure bonne volonté du monde et toute la légitimité qu’on peut imaginer —, qu’est-ce que cela aurait comme impact?
D’une manière plus particulière, à chacune des étapes où on ajoute une personne non juriste — ce qui est quand même, à mon avis, une considération non négligeable — que se passera-t-il?
Me Patrick Xavier, avocat principal, Section des affaires judiciaires, Ministère de la Justice Canada : Tout à fait, madame la sénatrice. Il est important de se rappeler que les personnes non juristes sont justement des non-juristes. Nous avons ici un processus juridique. Le fait que ces personnes sont non juristes a éclairé les organes décisionnels dont ils font partie en ce qui a trait au projet de loi que vous avez devant vous.
Il y a trois groupes de questions en général auxquelles sera confronté un organisme décisionnel dans un processus comme celui-ci : les questions de fait, les questions de droit et la façon d’appliquer la loi aux faits.
La contribution des personnes non juristes est particulièrement importante pour les questions du premier ordre et du troisième ordre : les questions de fait et la façon d’appliquer le droit au fait.
[Traduction]
En ce qui concerne le comité d’audience restreint, on ne s’attend pas vraiment à ce que les juges en appellent de la décision du comité d’examen simplement parce qu’ils ne l’aiment pas. Il est important de comprendre qu’il existe une grande différence de procédure entre le comité d’examen et le comité d’audience restreint. Le comité d’audience restreint tiendra une audience publique complète avec un avocat désigné pour présenter la preuve contre le juge. La grande différence entre les deux comités est donc le degré d’équité de la procédure. C’est probablement un facteur déterminant dans la décision d’un juge d’interjeter appel.
Le deuxième groupe de questions — les questions de droit, la détermination de ce qu’est le droit et la détermination de la manière de garantir l’équité procédurale — devrait donc revêtir une importance accrue à cette étape. C’est pourquoi on a pensé qu’il serait plus utile que le troisième membre d’un comité d’audience restreint soit un avocat plutôt qu’un non-juriste...
[Français]
— une personne non juriste qui n’a aucune formation en droit. Pour le comité d’appel, c’est encore plus important.
[Traduction]
Il est important de ne pas oublier que les appels devront procéder sur foi du dossier, conformément au projet de loi C-9. La Cour suprême a très clairement indiqué que les tribunaux d’appel doivent aborder les appels sur foi du dossier. Les tribunaux d’appel ne doivent pas toucher aux conclusions de fait tirées par le décideur de première instance ou à la manière dont il a appliqué la loi aux faits, sauf si le tribunal d’appel estime que le décideur de première instance a commis une erreur manifeste et dominante. La barre est haute. En pratique, les appels portent sur des questions juridiques et des questions de droit : le décideur de première instance a-t-il commis une erreur de droit?
L’inclusion d’un non-juriste dans le comité d’appel est vraiment problématique, car les non-juristes n’ont pas de formation en droit. Cela revient essentiellement à demander à une personne de remplir un rôle pour lequel elle n’est pas, par définition, qualifiée. Des considérations similaires s’appliquent à la question de savoir si une plainte anonyme est valable ou non. La question n’est pas de savoir s’il vaut la peine de donner suite à une plainte anonyme sur le fond. La question est la suivante : la plainte relève-t-elle vraiment de la compétence du conseil? Il s’agit vraiment d’une question juridique.
Les personnes qui examinent les plaintes pour le conseil sont des avocats. La question de savoir si la plainte relève ou non de la compétence du conseil est une question très juridique. C’est pourquoi on ne fait pas appel à des non-juristes à ce stade. Le fait que les non-juristes ne sont pas des avocats et qu’ils n’ont pas, par définition, de formation juridique a joué un rôle important dans la détermination des étapes auxquelles ils devraient participer. Ils siègent au comité d’examen et au comité d’audience plénier pendant les étapes de l’enquête les plus importantes.
Me Hoffmann : La raison d’être du projet de loi était d’améliorer l’efficacité et la rapidité du processus. Comme l’a laissé entendre la sénatrice Batters, la présence de personnes n’ayant pas de formation juridique dans certains de ces groupes pourrait bel et bien avoir un effet négatif dans la mesure où il faudrait qu’elles se familiarisent avec la loi et qu’elles l’appliquent même si, comme l’a dit Me Xavier, elles n’ont pas de formation juridique. Je ne cherche pas à les rabaisser. C’est la réalité. Ils n’ont pas de formation juridique et ne sauront pas comment appliquer des critères juridiques le moment venu.
La sénatrice Simons : Je voulais inviter la sénatrice Batters à répondre, car je suis arrivée tard sur la scène. Votre amendement me paraissait très sensé. Maintenant que j’ai entendu la position des fonctionnaires, j’aimerais entendre votre réponse à ce sujet.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Excusez-moi, monsieur le président. Je veux juste m’assurer que la procédure habituelle, qui est de donner la parole aux sénateurs à tour de rôle, sera respectée ici aussi, aujourd’hui.
Je pense que la sénatrice Batters, à une deuxième ronde de questions, pourra aussi répondre à tout ce qu’elle veut. J’aimerais savoir si la procédure habituelle, qui vise à donner un tour de parole à chaque personne s’étant identifiée auprès du greffier, va être respectée.
[Traduction]
Le président : Puis-je répondre à cette question?
Je pense que nous allons essayer de suivre cette procédure et de ne pas entamer une série de conversations bilatérales, ce qui tend à être le risque ici. À l’exception de votre décision de participer au deuxième tour, la sénatrice Simons a été la dernière personne à exprimer son intérêt à prendre la parole. Si elle peut être mieux informée en posant une question à la sénatrice Batters, je pense que cela devrait être respecté. J’avoue que j’étais sur le point de poser moi-même une question à la sénatrice Batters et au sénateur Dalphond. Je le ferai peut-être.
La sénatrice Batters : Tout d’abord, un simple commentaire : je suis moi-même avocate, mais je reconnais certainement que les non-juristes ont un rôle très utile à jouer dans ces types de processus. Les avocats ne savent pas tout et ne devraient pas penser que nous savons tout, surtout dans des processus comme celui-ci où il y a de grandes répercussions sur le public. Les juges tranchent toutes sortes d’affaires — des affaires criminelles, des affaires familiales, des affaires d’entreprises, tous ces types d’affaires. De penser que seuls les avocats et les juges peuvent avoir un point de vue intelligent sur le processus n’est pas la bonne façon de faire, à mon avis, surtout sur des questions comme celle-ci, les procédures disciplinaires. Au fil des ans, nous avons vu un grand nombre d’affaires très en vue dont il a beaucoup été question dans les médias alors qu’il aurait peut-être été utile d’inclure des non-juristes pour différentes parties et, manifestement, c’est ce que le ministère a pensé. C’était le fruit d’un consensus parce qu’ils ont été inclus dans deux parties du processus, mais pas les autres.
M. Devlin, qui a livré un excellent témoignage ici, nous a considérablement éclairés. Il a mûrement réfléchi à la question au fil des ans et est l’auteur d’ouvrages à ce sujet. C’est le genre de choses que même des professeurs de droit estiment qu’elles devraient se faire.
Je pense aussi qu’il est important, dans notre étude du projet de loi C-9, de nous rappeler que c’est la troisième fois, au cours des dernières années, que le gouvernement fédéral tente de faire adopter ce projet de loi. Les consultations du gouvernement fédéral à propos de ce projet de loi faites auprès des provinces, les gouvernements provinciaux, remontent à 2016, et un grand nombre d’entre eux ont changé au cours de cette période. Il est certain que ce projet de loi est resté tel quel en majeure partie; il contient un grand nombre de bons éléments. J’essaie simplement de l’améliorer un peu, et cela devrait être notre objectif. Là encore, du fait que ce projet de loi évolue depuis plusieurs années, les consultations menées auprès des juges peuvent aussi avoir évolué depuis qu’elles ont été initialement menées. Nous avons aussi constaté au fil des témoignages que les consultations publiques semblent en fait avoir été très minces, se résumant à 74 réponses à un sondage en ligne sur les millions de gens qui vivent au Canada.
En réalité, le processus disciplinaire prévu dans la Loi sur les juges n’a pas été révisé depuis des décennies. J’estime que, lorsque nous allons le faire, comme le prévoit un vaste projet de loi comme celui-ci, nous devrions le faire correctement.
La sénatrice Simons : Comme membre de ce comité et non‑juriste, je suis persuadée que les avocats ne savent pas tout. Je ne suis pas avocate. L’argument en faveur du recours à des non‑juristes pour juger des faits est très convaincant.
Que répondez-vous à la crainte que, rendu en appel, où l’enjeu ne porte pas sur une question de faits, mais plutôt d’interprétation de la loi, un non-juriste puisse être dépassé?
La sénatrice Batters : Si M. Devlin ne s’inquiète pas pour ce genre de choses — et il s’est penché là-dessus beaucoup plus que moi sans compter qu’il est un professeur de droit accompli —, je n’ai pas à m’en faire. Les non-juristes sont formés pour toutes sortes de groupes pour différentes choses. Ils sont conscients de leurs limites, mais ils offrent aussi un point de vue utile, même s’ils n’ont pas de connaissances juridiques. À vrai dire, le fait qu’il y ait un avocat dans un comité ne veut pas dire qu’il a un point de vue dans le domaine du droit dont il est question. Il peut s’agir d’un avocat spécialisé en droit des sociétés qui n’a jamais pratiqué le droit criminel de sa vie. Ils traitent néanmoins ce genre de questions.
La sénatrice Simons : Je suppose que les non-juristes ne sont pas choisis au hasard, comme les jurés.
La sénatrice Batters : Non, certainement pas.
Le président : Je remercie la sénatrice Batters d’avoir consolidé, de manière experte, ce que j’appellerais les amendements sur les non-juristes à ce projet de loi. Je pense que c’est utile. Toutefois, on dirait qu’on souhaite la présence d’un éventail de non-juristes. J’aimerais entendre le sénateur Dalphond, le parrain, au sujet de l’argument selon lequel nous ne devrions pas avoir de non-juristes lors de la sélection initiale. J’accepte les conseils des fonctionnaires, mais on comprend facilement qu’il s’agit de plaintes visant un juge de cour provinciale ou de plaintes de personnes qui n’ont pas eu gain de cause et qui estiment qu’elle aurait dû l’avoir. Ce sont des notions assez simples. J’aimerais savoir pourquoi nous ne serions pas ouverts à l’idée qu’un non-juriste participe, à ce stade, au processus.
À l’autre extrémité du processus — et, ici, j’invite la sénatrice Batters, qui propose l’amendement, à nous en dire plus sur le point soulevé par le sénateur Dalphond —, nous donnons aux comités d’appel le pouvoir d’une cour d’appel; or, toutes les cours d’appel du pays sont composées de juges. Si vous avez un problème, par exemple, au sujet d’une plainte contre des avocats, elle finit par être confiée à un comité de juges et non de non‑juristes ou de personnes de ce genre. L’idée de démocratiser la prise de décision peut paraître attrayante, mais c’est intentionnellement que l’on dote les cours d’appel d’une grande expertise. Je pense que le sénateur Dalphond craint que, si l’on intègre des non-juristes au comité d’appel, il faille ajouter un comité d’appel composé de juges seulement, alors que le projet de loi visait à faire le contraire.
Je pense qu’il serait juste pour le parrain du projet de loi et aussi pour la sénatrice Batters de commenter cette observation, si c’est jugé acceptable.
Ce projet de loi comporte deux mécanismes d’examen, sénateur Dalphond. Il y a le comité plénier et le comité restreint. Ils semblent faire plus ou moins le même travail et le juge peut décider de faire appel à l’un ou l’autre. À l’un, nous avons un non-juriste et, dans l’autre, il n’y en a pas. Si j’essaie de faire un examen correct de ce projet de loi, cela me semble un peu mystérieux. Pourriez-vous donner suite aux deux idées générées par l’amendement de la sénatrice Batters au sujet de la présence ou de l’absence de non-juristes dans l’exercice de sélection, au comité d’audience restreint et au comité plénier? J’invite ensuite la sénatrice Batters à parler de la question de la cour d’appel.
Le sénateur Dalphond : Merci, monsieur le président. Je sais que les étapes ici à comprendre sont nombreuses. Un non-juriste, et même un juriste, a besoin d’une feuille de route pour bien comprendre. Je m’en sers moi-même pour tout comprendre.
Revenons à l’argument selon lequel rien ne garantit qu’un avocat sera spécialisé en droit administratif, examen judiciaire et questions de conduite. L’avocat est nommé par le conseil, qui ne nommera pas une personne qui ne connaît pas bien les questions de conduite professionnelle, y compris celle des juges. Il pourrait s’agir de M. Devlin s’il est membre du barreau. Je suis certain qu’il est qualifié pour donner des avis sur la conduite des juges. Cependant, ce ne sera pas un avocat spécialisé en droit commercial. Il est dit que l’avocat doit être inscrit au barreau d’une province depuis au moins 10 ans. Nous demandons des gens d’expérience.
Il n’y pas de non-juristes au niveau de l’appel. Il n’y a que des juges puînés ou des juges en chef. Il y a trois juges en chef et deux juges puînés de deux endroits différents : un du conseil et un de l’association. S’agissant du comité d’audience restreint, on parle d’un membre du conseil, donc d’un juge en chef, d’un juge inscrit sur la liste de juges, donc d’un juge puîné porté candidat par l’association, et d’un avocat comptant 10 ans de pratique et nommé par le conseil.
Nous n’avons des juristes qu’au comité d’audience restreint ou plénier. Les décisions du comité d’audience restreint peuvent être portées en appel au comité d’appel plénier. Même au comité d’audience restreint, il y a un processus très formel, car un avocat serait nommé pour présenter l’affaire au nom du système. Cet avocat s’apparente à un procureur de la Couronne.
Le processus prévoit la participation de non-juristes à l’étape de l’évaluation de ce qui est une conduite appropriée et ce qui constitue une sanction de sévérité moyenne appropriée. Il prévoit aussi la participation de non-juristes pour déterminer ce qui est arrivé et établir les faits. Est-ce que cela mérite une révocation du juge ou une mesure disciplinaire? Dans l’affirmative, il y a révocation du juge. Des non-juristes participent à deux étapes importantes. Vous vous demandez d’abord pourquoi il n’y en a pas à l’étape de l’examinateur. Le processus, au tout début, se veut très administratif et sans pouvoir discrétionnaire. Il consiste seulement à déterminer si l’affaire relève du mandat du conseil. Cette étape est confiée à un agent de contrôle. Par exemple, en cas d’allégation de harcèlement, l’affaire doit être confiée à l’examinateur, qui doit l’examiner en raison de l’allégation de harcèlement. L’examinateur doit déterminer si la plainte a l’air frivole, mais sans se pencher sur sa validité. L’avis du juge n’est même pas demandé à cette étape. Ce n’est qu’une fois que l’agent de contrôle ou l’examinateur a déterminé que la plainte était valide qu’elle va au comité d’examen. Puis, le juge est informé et est invité à donner sa propre version.
Si je me trompe, j’invite les fonctionnaires à me corriger. Ils ont rédigé le projet de loi. Je l’ai lu. J’ai pu lire de travers ou avoir oublié quelque chose.
Le président : Très bien. Je pourrais les inviter s’il y avait un oubli fondamental, mais, à ce stade-ci, j’ai l’impression que ce n’est pas le cas. Merci, monsieur le sénateur Dalphond.
Madame la sénatrice Batters, pourriez-vous répondre brièvement à la question sur la cour d’appel? À un moment donné, nous tendons à nous en remettre aux juges pour exercer les pouvoirs conférés à la cour d’appel. Vous invitez un non‑juriste à le faire. À ce que je sache, c’est un peu inhabituel.
La sénatrice Batters : D’abord, en ce qui concerne la cour d’appel, comme le sénateur Dalphond l’a mentionné précédemment, l’un de mes plus récents amendements vise à permettre à la Cour d’appel fédérale de jouer un rôle dans ce processus, ce qui va dans le sens du témoignage du président de l’Association du Barreau canadien. Sans cet amendement, selon la version actuelle du projet de loi C-9, le seul véritable tribunal qui pourrait entendre ces causes serait la Cour suprême du Canada. Or, d’après ce que nous avons entendu, il est très rare qu’elle accepte d’entendre une telle cause. En effet, avant d’accepter d’entendre une cause, la Cour suprême du Canada ne peut pas se contenter de croire qu’une décision n’a pas été rendue correctement. Elle doit aussi déterminer s’il est de l’intérêt national d’entendre la cause. Voilà pourquoi j’ai présenté cet amendement, qui est d’ailleurs fortement appuyé par le président de l’Association du Barreau canadien, ce grand regroupement d’avocats et la Société des plaideurs.
Si vous n’êtes pas à l’aise avec l’idée qu’un non-juriste puisse participer à un processus ayant trait à la loi, si l’on part du principe que seuls des avocats et des juges devraient se pencher sur ce genre de questions, alors il n’y aurait que des avocats et des juges au sein du présent comité. Or, je crois que les points de vue des individus qui ne sont ni avocats ni juges sont d’une grande valeur pour le comité.
Je ne crois pas que ce soit différent ici. Bien sûr, comme le sénateur Dalphond l’a dit, les personnes qui composent le Conseil de la magistrature et les comités chargés de ces dossiers s’assureraient de nommer, à partir de leur liste, des personnes qui sont qualifiées selon la nature du dossier. Ils veilleraient également à ce que les non-juristes qui font partie de leur liste soient des gens dûment formés et possédant des compétences pertinentes.
En fait, cela s’appliquerait même aux comités d’audience restreints, auxquels ne participeraient que des juges. M. Devlin a abordé cette question et, d’entrée de jeu, il a dit que cela compromettrait les principes d’impartialité, d’indépendance, de représentativité et de transparence.
Il se préoccupait également du fait que l’article 115 du projet de loi laisse entendre que les comités d’audience pourraient ne pas être publics. Il a dit qu’un juge pourrait ainsi choisir d’empêcher tout non-juriste de participer à cette étape du processus et de procéder à huis clos.
Le président : J’ai l’impression que vous répondez à la question que j’ai posée au sénateur Dalphond, ce qui nous est utile, mais je suis désolé d’avoir à vous interrompre afin d’obtenir d’autres points de vue.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : J’ai pris connaissance d’un document du ministère de la Justice datant de 2016, où on parlait de la possibilité d’une réforme supplémentaire d’un processus disciplinaire de la magistrature. J’ai trouvé les arguments amenés dans ce document très intéressants. Ils sont en faveur de la proposition de l’amendement de la sénatrice Batters. Ce document indique que la présence des non-juristes tout au long du processus fait en sorte que l’on tient compte de l’opinion publique.
L’autre élément qu’on y trouve est que cela permet d’éviter de l’autoréglementation. Lorsqu’il y a de l’autoréglementation dans un organisme, cela veut dire aussi qu’il y a une opacité.
Il est aussi intéressant de constater que cela permet d’avoir un point de vue neutre. Lorsque ce ne sont que des juristes qui s’autorégulent, souvent, leur point de vue n’est pas neutre.
Ce qui est intéressant, dans l’amendement de la sénatrice Batters, c’est l’idée d’établir un niveau de confiance dont le système de justice a grandement besoin en 2023. Le fait d’avoir la présence de non-juristes tout au long du processus plutôt que seulement dans certaines parties, cela permettrait d’atteindre cet objectif de transparence et de rétablir la crédibilité lorsque les juges sont jugés pour des comportements non admissibles.
[Traduction]
Le président : J’invite la sénatrice Dupuis à prendre la parole. Si des sénateurs ont d’autres observations à formuler, il est possible que je les invite à se prononcer. Dans le cas contraire, si c’est d’accord, nous pourrions voter sur cet amendement après l’intervention de la sénatrice Dupuis.
[Français]
La sénatrice Dupuis : J’aurais une autre question pour les représentants du ministère de la Justice.
Si j’ai bien compris, l’article 88 traitant de l’agent de contrôle prévoit que :
Le Conseil peut désigner une ou plusieurs personnes, notamment un juge, qui remplissent les critères établis par le Conseil pour agir à titre d’agent de contrôle.
Est-ce que dans ce cas, cela veut dire que l’agent de contrôle peut être une personne non juriste?
Me Xavier : Ce sera au conseil de décider exactement qui l’agent de contrôle peut être. L’agent de contrôle a toujours été un juriste; il a toujours été un avocat. Jusqu’à maintenant, c’est le directeur exécutif du conseil. C’est possible que le directeur exécutif du conseil veuille déléguer cette fonction à un avocat, mais cela a toujours été un avocat. La question de savoir si une plainte ressort du conseil, c’est vraiment une question juridique.
La sénatrice Dupuis : Je comprends votre position sur la question juridique. Ce n’est pas ma question. Si je lis l’article 88, ne puis-je pas l’interpréter de la façon suivante, c’est-à-dire que le conseil peut désigner une ou plusieurs personnes, notamment un juge — pas nécessairement —, qui remplissent les critères établis par le conseil pour agir à titre d’agent de contrôle?
Me Xavier : Ce sera au conseil de décider quels critères utiliser.
La sénatrice Dupuis : Oui, mais selon l’interprétation logique de la rédaction qui est devant nous, cela n’exclurait pas une personne non juriste.
Me Xavier : Non, cela n’exclurait pas une personne non juriste.
La sénatrice Dupuis : D’accord; donc, il faut distinguer la pratique habituelle de ce qui devrait ou pourrait être fait dans le cadre de l’interprétation de l’article 88.
Me Xavier : Oui, vous avez raison. Ce sera au conseil de décider.
La sénatrice Dupuis : Merci beaucoup.
Ma prochaine question est pour vous, sénatrice Batters. Je vois un amendement qui affecte plusieurs alinéas : les alinéas a), b), c) et d). Avez-vous considéré l’idée d’apporter un amendement séparé pour chacun des alinéas? Autrement dit, d’avoir un amendement pour l’alinéa a), un pour le b), un pour le c) et un pour le d)?
Puis-je vous poser une deuxième question maintenant, à laquelle vous pourrez répondre après, ou préférez-vous répondre à celle-ci?
Dans votre amendement, à l’alinéa d), vous substituez ce qui est dans le projet de loi C-9 à ce qui suit : « a) deux membres du Conseil; b) un juge inscrit sur la liste de juges [...] », donc nous sommes à trois juges. Vous ajoutez ce qui suit :
c) une personne inscrite sur la liste de non-juristes;
d) un avocat inscrit au barreau d’une province depuis au moins dix ans.
Si je comprends bien, vous ajoutez deux personnes. Est-ce exact? Aux alinéas c) et d), dans la dernière partie de votre amendement, au lieu d’avoir deux membres du conseil et un juge inscrit, ajoutez-vous non seulement une personne non juriste, mais en plus, un avocat? Y a-t-il deux ajouts dans ce cas, contrairement aux alinéas a), b) et c)? J’essaie de comprendre votre amendement.
[Traduction]
Le président : Puis-je me permettre un commentaire sur ce dernier point? Je crois que l’intention de la sénatrice Batters ici est d’enlever un juge de la liste dans chacun des groupes de cette catégorie, puis d’ajouter les deux autres personnes énoncées aux alinéas c) et d) qui sont proposés dans l’amendement. Est-ce exact?
La sénatrice Batters : En fait, mon amendement correspond précisément à ce que M. Devlin a proposé. C’est exactement ce qu’il a suggéré de modifier à cet endroit. J’ai expliqué ce changement lorsque j’ai énoncé les éléments de son mémoire et de son témoignage au sujet du comité d’appel. Dans ce cas-ci, j’ai effectivement suggéré de remplacer par deux membres du conseil, un juge inscrit sur la liste de juges, ainsi qu’une personne inscrite sur la liste de non-juristes et un avocat inscrit au barreau d’une province depuis au moins 10 ans.
Dans votre première question, vous m’avez demandé si j’avais envisagé de présenter un amendement distinct pour chacun de ces processus. Non, en fait, je n’ai pas envisagé cette option. Comme je l’ai mentionné lorsque j’ai expliqué l’amendement au départ, j’ai modelé celui-ci de manière à ce qu’il reflète le précieux témoignage de M. Devlin. Il a proposé chacun de ces éléments. La seule partie de sa proposition que je n’ai pas incluse portait sur la possibilité pour un plaignant de demander qu’un rejet à l’étape du contrôle puisse être réexaminé, avec la participation d’un non-juriste. Or, cela n’allait pas être inclus dans un amendement.
Je voulais que ce soit aussi simple que possible. Plutôt que d’avoir plusieurs amendements pour couvrir tout cela, j’ai pensé qu’il serait possible de ne présenter qu’un seul amendement incluant tous les changements, plutôt que de compliquer les choses en les séparant.
C’est quelque chose qu’il a préparé. Si vous vous souvenez, c’était le fruit de mûres réflexions. Nous avons été plusieurs à être impressionnés par son témoignage. Étant donné qu’il était possible que nous procédions à l’étude article par article dès le lendemain, nous lui avons demandé de travailler sur certains amendements le soir même. C’est ce qu’il a fait et c’est à ce moment qu’il nous a fourni ces renseignements. Mon amendement est fortement inspiré de ses suggestions et de sa vaste expérience en la matière. Voilà pourquoi l’amendement est formulé ainsi.
Le sénateur D. Patterson : J’aimerais poser une question à nos fonctionnaires.
Ma question porte sur la capacité des non-juristes à examiner des « questions de droit ». En examinant le projet de loi, je constate que la révocation d’un juge doit être justifiée par un manque de confiance du public quant à l’impartialité, l’intégrité ou l’indépendance du juge. L’article 80 qui est proposé prévoit des motifs tels que l’invalidité, l’inconduite ou toute « situation qu’un observateur raisonnable, équitable et bien informé jugerait incompatible avec les devoirs de la charge de juge ».
Les termes employés, comme « invalidité », « inconduite » et « observateur raisonnable, équitable et bien informé », semblent traiter de concepts qui sont tout à fait à la portée d’une personne ordinaire, raisonnable et sensée. Ce ne sont pas des termes juridiques sophistiqués tels qu’on en voit en droit pénal lorsqu’il est question d’intention, de mens rea, etc.
Seriez-vous d’accord pour dire que, si l’on devait conserver l’amendement de la sénatrice Batters, les questions d’ordre juridique sur lesquelles on demanderait à un non-juriste de se pencher sont en fait moins complexes et nuancées que la moyenne des questions de droit, étant donné qu’elles portent sur des concepts que toute personne sensée peut comprendre, comme les principes d’intégrité, d’indépendance et d’impartialité? Lorsque vous parlez de discipline, y a-t-il des questions de droit qui pourraient être plus appropriées pour un non-juriste?
Me Xavier : C’est possible, mais ce dont vous venez de parler, sénateur, serait en bonne partie abordé à l’étape de la recherche des faits. Le juge a-t-il agi de manière intègre? Est-il atteint d’une invalidité l’empêchant d’exercer ses fonctions? Une bonne partie de ces questions seraient traitées au moyen des processus de recherche des faits et d’application de la loi.
Les questions d’ordre juridique peuvent porter sur des questions de procédure, sur la contestation de dispositions précises pour des motifs constitutionnels, ou sur divers aspects du processus. À titre d’exemple, j’ai déjà vu la constitutionnalité du paragraphe 63(1) de la Loi sur les juges, qui permet au procureur général de déposer une plainte auprès du conseil, être contestée lors d’un processus disciplinaire. La capacité même du conseil de tenir compte d’une invalidité affectant un juge a également fait l’objet d’une contestation en vertu de la Constitution.
Voilà le genre de questions d’ordre juridique qui pourraient être soulevées durant un processus disciplinaire et qui seraient examinées de près par une cour d’appel. Tout ce qui se rapporte à la Constitution serait examiné de près par une cour d’appel et, dans ce cas-ci, par le comité d’appel.
Ce que vous avez décrit serait en bonne partie réglé à l’étape de la recherche des faits. C’est précisément pour cela que des non-juristes seraient invités à participer aux comités d’audience pléniers et aux comités d’examen, où ces questions entrent assurément en jeu.
La sénatrice Clement : J’aimerais poursuivre dans la même veine en m’appuyant sur mon expérience en tant qu’avocate, ce qui est parfois un avantage, parfois un inconvénient.
Permettez-moi de prendre un exemple en droit administratif. Lorsque je suis convoquée devant le Tribunal d’appel de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail et qu’il y a un comité composé de trois personnes, le président de ce comité est un avocat, puis il y a un représentant de l’employeur et un représentant de l’employé ou du syndicat. Selon mon expérience, ces intervenants font office de juges des faits, mais ils rendent aussi des décisions en matière de droit. Ce tribunal a une excellente réputation en Ontario. Son expertise est reconnue. Je ne suis pas toujours d’accord avec les décisions rendues lorsque je perds une cause, mais je peux quand même affirmer qu’il s’agit d’un bon tribunal.
Les non-juristes qui participent à ces comités ont été dûment formés. Ils sont encadrés et soutenus. À mon avis, ils rendent des décisions d’une grande qualité.
Ne serait-il pas possible de prévoir que des non-juristes qualifiés et dûment formés soient présents aux côtés des avocats pour faire part de leurs points de vue, sans que cela n’affecte la qualité des décisions qui seront rendues?
Me Xavier : Il est tout à fait possible de faire participer des profanes et d’obtenir des décisions de grande qualité. Cependant, dans cet exemple, la décision peut ensuite faire l’objet d’un appel; elle peut remonter la chaîne jusqu’à un organe d’appel composé de juges.
Cela nous ramène au point que le sénateur Dalphond a soulevé plus tôt. Le comité d’appel prévu dans le projet de loi C-9 est conçu pour ressembler le plus possible à une cour d’appel intermédiaire, précisément pour que nous n’ayons pas à rendre le processus plus long et plus coûteux en introduisant encore une autre cour d’appel intermédiaire sous la forme, par exemple, de la Cour d’appel fédérale, après le comité d’appel. Les juges bénéficient de l’équivalent d’un tribunal de première instance devant le comité d’audience plénier s’il s’agit d’un cas de révocation. Ils disposent ensuite d’une cour d’appel intermédiaire, qui est essentiellement le comité d’appel, puis d’un appel avec autorisation auprès de la Cour suprême du Canada. Cela correspond à ce que les plaignants obtiennent de l’autre côté lorsqu’ils demandent un contrôle judiciaire du conseil. Ils s’adressent à la Cour fédérale et, s’ils ne sont pas satisfaits, ils s’adressent à la Cour d’appel fédérale. Il y a ensuite la possibilité d’interjeter appel avec autorisation auprès de la Cour suprême.
À un moment donné, il doit y avoir un examen par un comité d’appel qui fonctionne comme une cour d’appel intermédiaire, qui est ouverte, publique, qui tient des audiences, etc. C’est en grande partie le comité d’appel que prévoit ce projet de loi.
Le président : Sénateur Dalphond, peut-être une ou deux brèves observations, puis nous proposerons l’étude de l’amendement.
Le sénateur Dalphond : J’ai d’abord une question à poser aux fonctionnaires, puis une ou deux observations à formuler.
Ma question porte sur l’article 9 du projet de loi, qui propose de modifier l’article 62 de la Loi sur les juges. Le texte proposé dit :
Le Conseil peut employer le personnel nécessaire à l’exécution de sa mission et engager des conseillers juridiques pour l’assister dans le cadre des processus et des procédures visés à la partie IV.
La partie IV est le processus relatif à la conduite.
Pourquoi avoir ajouté cette modification? Est-ce pour autoriser spécifiquement le conseil à engager des avocats et à faire appel à un conseiller juridique pour traiter l’affaire, la vérification et toutes ces choses?
Me Xavier : Il s’agit d’avocats chargés d’effectuer des opérations telles que la vérification. L’idée est également de prévoir le besoin d’un enquêteur. Cela pourrait permettre à un comité d’examen, par exemple, d’obtenir plus de renseignements au sujet d’une plainte. Il est possible que si une plainte, par exemple, concerne une situation fiscale complexe, le conseil ou l’un de ses organes décisionnels doive faire appel à un expert en comptabilité. Il s’agit de s’assurer que le conseil et ses organes peuvent bénéficier d’une expertise qu’ils ne possèdent peut-être pas en interne pour traiter les problèmes particuliers auxquels ils sont confrontés.
Le sénateur Dalphond : Merci, monsieur Xavier. J’en viens maintenant à mes deux observations.
Le président : Si vous le permettez, sénateur Dalphond, je vous donnerai le dernier mot, puisque vous êtes le parrain du projet de loi, mais la sénatrice Batters souhaite faire une brève observation.
La sénatrice Batters : Je me disais que c’était peut-être aussi pour les cas où il serait nécessaire d’engager des experts, ou quelque chose comme ça, afin de déterminer la conduite du juge dans une affaire particulière. Il se peut que vous ayez besoin d’une expertise en la matière qui ne serait pas disponible dans le cours normal des choses. Est-ce que cela pourrait être le genre de chose qui serait également autorisé par cet article?
Me Xavier : Toute embauche d’experts qui pourrait être nécessaire, oui.
Le sénateur Dalphond : Je suis d’accord avec ce qu’ont dit le sénateur Patterson et la sénatrice Clement. Je pense que c’est la raison pour laquelle nous avons, dans les tribunaux spécialisés, des personnes qui représentent des groupes, mais peut-être ne devrions-nous pas confondre les étapes.
[Français]
La sénatrice Clement a fait référence à un processus administratif, et quand l’une des parties n’est pas satisfaite, que ce soit l’employeur ou l’employé, elle peut aller devant la Cour divisionnaire de l’Ontario pour demander une révision judiciaire qui sera faite devant trois juges.
La sénatrice Batters propose d’enlever un des trois juges et de prendre une personne ordinaire pour faire la révision.
Le but de ce projet de loi est de faire en sorte que cette révision, comme elle se fait à la Cour divisionnaire de la Cour supérieure de justice de l’Ontario, soit faite par des juges seulement. C’est pour cela que le niveau d’appel prévu dans la loi est constitué de trois juges en chef et de deux juges puînés.
C’est pour refléter la même structure qu’on a à la Cour divisionnaire par rapport aux décideurs spécialisés. Les décideurs spécialisés, ici, sont le comité d’examen et le comité d’audience publique.
[Traduction]
Le président : Je vais exercer la prérogative de la présidence et établir qu’un vote par appel nominal est nécessaire ici. Y a-t-il une objection?
Il est proposé par l’honorable sénatrice Batters que le projet de loi C-9 soit modifié à l’article 12. Puis-je me dispenser de le lire en entier? Je vous remercie.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement?
Une voix : D’accord.
Une voix : Non.
Mark Palmer, greffier du comité : L’honorable sénateur Cotter?
Le sénateur Cotter : Abstention.
M. Palmer : L’honorable sénatrice Batters?
La sénatrice Batters : Oui.
M. Palmer : L’honorable sénateur Boisvenu?
Le sénateur Boisvenu : Oui.
M. Palmer : L’honorable sénatrice Clement?
La sénatrice Clement : Oui.
M. Palmer : L’honorable sénateur Dalphond?
Le sénateur Dalphond : Non.
M. Palmer : L’honorable sénatrice Dupuis?
La sénatrice Dupuis : Non.
M. Palmer : L’honorable sénatrice Gagné?
La sénatrice Gagné : Non.
M. Palmer : L’honorable sénatrice Jaffer?
La sénatrice Jaffer : Oui.
M. Palmer : L’honorable sénateur Klyne?
Le sénateur Klyne : Non.
M. Palmer : L’honorable sénateur Patterson?
Le sénateur D. Patterson : Oui.
M. Palmer : L’honorable sénateur Plett?
Le sénateur Plett : Oui.
M. Palmer : L’honorable sénatrice Simons?
La sénatrice Simons : Oui.
M. Palmer : L’honorable sénateur Tannas?
Le sénateur Tannas : Oui.
M. Palmer : Oui, 8; non, 4; abstention, 1.
Le président : La motion est adoptée.
Nous poursuivons avec l’examen de l’article 12, ce qui nous amène à la séquence qui, je crois, correspond à l’amendement de la sénatrice Clement, C9-12-5-1.
La sénatrice Clement : Comme l’a indiqué la présidence, il s’agit de BC-C912-5-1. Je propose :
Que le projet de loi C-9 soit modifié à l’article 12, à la page 5, par substitution, à la ligne 1, de ce qui suit :
« 84 Le Conseil inscrit sur la ».
Je l’appelle l’amendement « dans la mesure du possible ». L’article 84 proposé dans le projet de loi C-9 commence par « Dans la mesure du possible ». Il s’agit de supprimer cette expression et d’avoir un article clair qui dit : « Le Conseil inscrit sur la liste de juges et la liste de non-juristes des personnes qui reflètent la diversité de la population canadienne. »
Je reconnais que l’expression « dans la mesure du possible » est régulièrement utilisée dans la législation. La Loi canadienne sur l’accessibilité utilise l’expression « dans la mesure du possible ». Cette loi énumère une liste de critères relatifs à la nomination des administrateurs, de sorte que lorsque cette expression est appliquée, c’est dans le contexte de la nécessité de nommer une majorité d’administrateurs qui sont des personnes handicapées et des administrateurs qui sont représentatifs de la diversité de la société canadienne.
La Loi sur la stratégie nationale sur le logement est une autre loi où l’expression « dans la mesure du possible » est utilisée. Là encore, il existe une liste de critères à appliquer pour choisir les membres du conseil d’administration afin d’avoir une représentation de personnes appartenant à des groupes vulnérables, de personnes ayant éprouvé des besoins en matière de logement et de personnes reflétant la diversité.
On pourrait donc dire que lorsqu’il existe une liste de critères, une formulation qualificative comme « dans la mesure du possible » ou « autant que possible » peut être nécessaire. Toutefois, dans l’article 84 proposé, la formulation est claire et n’a pas besoin de ce genre de formulation qualificative.
Je tiens à évoquer le contexte ontarien, car le Conseil de la magistrature de l’Ontario a comparu en tant que témoin. La Loi sur les tribunaux judiciaires de l’Ontario contient un article qui parle de diversité, à savoir le paragraphe 49(4). Il s’agit de la diversité du Conseil de la magistrature — ou de sa composition — et le libellé de cet article est le suivant :
[...] l’importance qu’il y a de refléter, dans la composition du Conseil de la magistrature, la dualité linguistique de l’Ontario et la diversité de sa population et de garantir un équilibre général entre les deux sexes est reconnue.
Il n’y a pas de termes qualificatifs dans ce paragraphe. En fait, j’ai demandé à Alison Warner, la greffière du Conseil de la magistrature de l’Ontario, ce qu’elle pensait de ce paragraphe et s’il avait posé un problème d’interprétation. Je citerai simplement son témoignage du 27 avril :
Je sais que le projet de loi C-9 dit « dans la mesure du possible », alors que c’est « garantir » dans la Loi sur les tribunaux judiciaires. Il s’agit d’une disposition obligatoire pour assurer l’équilibre global entre les sexes. La disposition englobe aussi les considérations de diversité et la dualité linguistique de l’Ontario. Voilà les éléments qui s’y trouvent.
Par ailleurs, je pense que le caractère obligatoire est utile. Ce n’est peut-être pas toujours possible. S’il y a un nombre limité de candidats pour siéger au conseil en tant que non-juriste, vous ne pourrez peut-être pas appliquer la disposition, mais elle est tout de même là pour orienter la prise de décision.
En ce qui concerne la question de la diversité, la société canadienne est dans une époque où elle prend conscience de la nécessité de refléter la diversité dans tous les milieux. Augmenter la diversité est à la fois une source de préoccupations et une source de fierté. Les gains en matière de diversité sont considérés comme une réussite. Je pense que la formulation « dans la mesure du possible » sous la rubrique « Diversité » n’envoie pas le bon message. Où est la nécessité d’utiliser des termes contraignants ou péjoratifs? L’intention doit être claire et il faut comprendre que la formulation « qui reflètent la diversité » ne paralysera pas le système.
Il y a des gens qui seront aptes à pourvoir ces postes. Selon les données publiées dans le recensement de 2016, la diversité a déjà augmenté dans presque tous les milieux de notre pays. Par conséquent, de dire qu’il demeure nécessaire d’inclure une telle formulation qualificative et qu’il sera trop difficile de refléter la diversité me semble inapproprié à l’époque actuelle de l’histoire du Canada.
Cet article ne réglera pas le problème du racisme systémique, mais une formulation claire dans les directives sert principalement à suivre l’évolution de la situation de notre pays en 2023 et à l’avenir.
Merci, monsieur le président.
Le sénateur Klyne : J’aimerais poser une question à la sénatrice Clement au sujet de l’amendement.
Je sais que la première fois que j’ai entendu la formulation « dans la mesure du possible », j’ai trouvé difficile de bien en saisir la signification. Après y avoir réfléchi, je me suis dit que cela devait avoir la même signification que d’avoir l’intention de se rendre au sommet du mont Everest, dans la mesure du possible, en gardant à l’esprit que le but ultime est d’y parvenir. En chemin, certains imprévus peuvent survenir et ils vous empêchent d’accomplir votre objectif, mais vous avez continué d’avancer dans la mesure du possible. C’est du moins l’exemple que j’ai trouvé pour comprendre de manière rationnelle cette formulation.
Il y a quelques instants, en vous écoutant lire le libellé sans la formulation « dans la mesure du possible », cela m’a permis de centrer mon attention sur le segment « qui reflètent la diversité de la population canadienne ». À bien y penser, le Canada est l’un des pays les plus diversifiés au monde. Vous avez fourni des références où l’on peut aussi appliquer la formulation « dans la mesure du possible ». J’aime votre idée. Toutefois, en y pensant bien, que signifie la diversité de la population canadienne, est-ce la région, le genre, l’ethnicité, la profession ou l’éducation? Comment pouvons-nous mesurer la diversité? On peut se demander comment il est possible de définir cette réalité.
La sénatrice Clement : Je ne suis pas certaine, monsieur le président, si vous voulez que je réponde à la question.
Le président : Je crois que ce serait utile.
La sénatrice Clement : Merci pour votre question, sénateur Klyne. Je vais m’en remettre aux propos d’Alison Warner, la greffière du Conseil de la magistrature de l’Ontario, quand elle a indiqué qu’il s’agit d’un principe directeur. Il est impossible d’y parvenir de manière « tout à fait exacte » en raison de la difficulté de définir ce qu’on entend par diversité. Autrement dit, elle indique que c’est un principe directeur. Elle ne dit pas que dans la loi avec laquelle elle travaille — et qui n’énonce aucune formulation qualificative — que cela a été un problème. Elle parle d’un principe directeur. Selon moi, nous devrions utiliser le même angle de vue pour étudier cet article.
Le sénateur Klyne : Je ne peux pas me prononcer sur la formulation « tout à fait exacte ». Alors c’est probablement la raison pourquoi la formulation « dans la mesure du possible » fonctionne.
La sénatrice Clement : Non. Avoir de la latitude, cela signifie que nous allons nous efforcer d’atteindre la cible, mais que nous réaliserons que la diversité est déjà présente. La diversité existe déjà dans le milieu. Dans mon sac, j’ai un livre sur les juges de race noire. C’est un livre et non un mince livret, ce qui signifie qu’il y a de la diversité. Je n’ai pas l’impression qu’il sera impossible d’atteindre cette cible. Je n’allègue pas que le racisme systémique est absent de la profession juridique et qu’il n’y a plus de travail à faire pour accroître la diversité au sein de la magistrature. Je crois qu’il sera possible de refléter la diversité au moment de sélectionner des non-juristes et des juges. Je ne suis pas convaincue que cet objectif est irréalisable et qu’il paralysera le processus.
La sénatrice Batters : Merci. Je vous remercie d’avoir présenté cet amendement, sénatrice Clement. J’ai été favorable à ce changement dans la formulation de cet article dès que vous avez eu l’intelligence de porter cet enjeu à notre attention il y plusieurs semaines, lorsque vous vous êtes adressée à un témoin dans le cadre des séances de notre comité sur l’étude du projet de loi C-9. Pour faire suite aux propos du sénateur Klyne, cet objectif ne devrait pas être le mont Everest, surtout au Canada.
Cette formulation a peut-être déjà été utilisée à l’occasion dans d’autres lois au Canada, mais probablement pas très souvent au sujet de personnes ni dans le contexte de personnes représentant la diversité. J’estime que le libellé de l’ébauche est inadéquat en général et qu’il manque de clarté, surtout parce que — comme je l’ai souvent souligné dans mes questions aux témoins à l’égard de ce point en particulier — la liste de juges ne reflète pas autant la diversité du Canada que ce qui est souhaité à l’heure actuelle. En outre, l’article sur la diversité fait aussi référence à la liste des non-juristes.
Comme je l’ai fait remarquer à quelques témoins, il n’est pas réaliste de croire qu’il sera impossible d’établir une liste de non‑juristes représentant la diversité, tout simplement parce que toute la population de plus de 18 ans au Canada est admissible à en faire partie. J’estime que les changements dans la formulation sont très pertinents. Votre façon de procéder est appropriée et je vous offre mon appui. D’ailleurs, je pense que de nombreux témoins entendus soutiennent cette modification de la formulation « dans la mesure du possible », car ils la jugeaient inutile. Vous avez proposé une modification claire et je l’appuie. Merci.
La sénatrice Simons : Je ne peux m’empêcher de penser à la fameuse anecdote sur Peter Gzowski, l’animateur de CBC Radio qui avait lancé un défi estival à ses auditeurs pour trouver l’équivalent canadien de la maxime « Aussi américain que la tarte aux pommes ». La maxime gagnante était la suivante : « Aussi canadien que possible dans les circonstances ».
C’est un problème si l’on ne fixe pas une cible suffisamment ambitieuse. Les mots « que possible » sont très ambigus pour être inclus dans une mesure législative. Comme le sénateur Klyne l’a souligné — avec raison d’ailleurs —, la diversité dans notre pays n’est pas qu’un aspect ethnoculturel. Elle englobe le handicap physique, le genre, l’identité de genre, l’expression de genre, la diversité régionale et la diversité de l’âge. Même si les membres qui siègent au comité sont trois hommes blancs, je suis prête à parier que l’on peut atteindre la cible de la diversité avec trois hommes blancs si l’on cherche assez longtemps.
J’ai fait le compte l’autre jour quand la sénatrice Petten a été assermentée. J’ai réalisé qu’il y a, en ce moment, 48 sénatrices et 42 sénateurs. C’est le résultat d’un choix délibéré de procéder à des nominations qui reflètent la diversité. Je pense que notre propre Chambre haute a démontré qu’il est possible, avec de la volonté, de refléter à merveille la réalité de notre pays.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Ma question s’adresse aux représentants du ministère de la Justice. Quand elle a témoigné devant notre comité, la commissaire de l’Ontario, Mme Warner, a fait référence au même article de la loi ontarienne que la sénatrice Clement a cité tout à l’heure.
Je pense que la formulation qu’on a choisie, c’est-à-dire l’importance de refléter un certain nombre de choses, est reconnue et dans ce cas-ci, trois éléments doivent être reflétés.
Dans la version anglaise, c’est rendu par —
[Traduction]
« est reconnue ».
[Français]
Donc, c’est clair. Je comprends que les contextes provinciaux et fédéral peuvent changer et on a tout cela à l’esprit. Ma question est la suivante : il s’agit d’un article d’une loi qui a été éprouvée par des décennies d’application et qui n’a pas été contestée, selon ce que la témoin nous a dit, d’ailleurs. Le fait que l’importance de « shall be recognized » est reconnu, c’est clair; c’est appliqué depuis longtemps et cela n’a pas été contesté.
Avez-vous considéré ce genre de formulation pendant l’élaboration de l’article 84?
Me Xavier : Les mots en question, sénatrice, sont là simplement parce qu’ils reflètent en quelque sorte la réalité à savoir que ces listes ne pourront jamais tout à fait refléter la diversité des Canadiens. Ce ne sera simplement pas possible. En ce qui a trait au handicap, par exemple, les listes ne pourront jamais refléter tous les handicaps possibles; cela ne sera pas possible.
Il y aura toujours des gens qui ne se reconnaîtront pas dans ces listes; c’est le cas pour la liste des juges puînés, parce que le conseil devra évidemment trouver des juges puînés qui sont disponibles, qui sont prêts à faire partie de la liste.
Cela réduira le nombre de juges disponibles, surtout sur le plan du handicap et de l’identité du genre; il ne sera pas possible que les listes reflètent toujours la diversité des Canadiens.
[Traduction]
Cette exigence repose assurément sur le principe des efforts honnêtes. S’il s’agit de faire des efforts honnêtes, alors pourquoi est-il nécessaire de l’inclure mot pour mot dans le libellé? La réponse est la suivante : par souci de transparence et de clarté des lois. Ce n’est ni un énoncé de politique ni un énoncé de mission. C’est la loi. Dans un monde idéal, quand la loi impose un devoir ou une obligation à un citoyen, le libellé de la loi utilise des mots qui indiquent de manière adéquate la nature de ce devoir ou de cette obligation. Or, si la nature de ce devoir ou de cette obligation est un effort honnête, il vaudrait mieux que ces mots soient énoncés dans la disposition législative en question par souci de clarté.
La disposition législative peut être appliquée sans ces mots. Concrètement, ils seront lus par les membres du conseil au moment d’être appliqués. Conserver ces mots ou des mots similaires dans une formulation de type « doit tenir compte », ou toute formulation similaire, n’est qu’une meilleure précision de la nature du devoir ou de l’obligation imposée par le conseil. C’est l’unique raison qui explique la présence de ces mots.
[Français]
La sénatrice Dupuis : N’y a-t-il pas une contradiction, à ce moment-là, en ce qui a trait à la formulation —
[Traduction]
« As far as possible the council shall [...] »
[Français]
— par rapport à la formulation en français « Dans la mesure du possible, le Conseil inscrit [...] »? Il y a donc une obligation d’inscrire, mais c’est dans la mesure du possible. N’y a-t-il pas là une contradiction qui risque d’être une source de problèmes d’interprétation?
Me Xavier : Je dois dire que je ne vois pas la contradiction. Selon vous, le texte français diffère du texte anglais?
La sénatrice Dupuis : Non, il ne diffère pas du texte anglais, mais on dit qu’on doit faire cela, mais que c’est dans la mesure du possible. On doit le faire ou non; si c’est dans la mesure du possible qu’on le fait, cela veut dire qu’on n’est pas obligé de le faire.
N’y a-t-il pas une contradiction dans la formulation actuelle?
Me Xavier : Selon nous, c’était simplement une caractérisation de l’obligation qui est imposée au conseil; c’est une obligation qui est dans la mesure du possible. C’est uniquement dans la mesure du possible.
[Traduction]
Le président : Puis-je me permettre une brève intervention? C’est la seule que je prévois le faire, et les représentants des ministères pourront apporter leur contribution, au besoin. Je soupçonne que ma question pourrait aussi s’adresser à la sénatrice Clement puisque c’est elle qui propose l’amendement.
Si une personne est assermentée comme juge, ses fonctions n’incluent-elles pas d’accepter de siéger à un comité de la sorte? Pourrait-elle refuser de siéger à ce type de comité, sans répercussions?
Si je le demande, c’est que certains juges pourraient croire que leur principale responsabilité est de rendre des décisions, pas nécessairement de siéger à un comité dont le mandat est de juger ses pairs ou ses propres collègues.
À titre d’exemple, sénatrice Clement, je pense à des juges récemment assermentés qui, je l’espère, reflètent la diversité. Je m’inquiète des rouages de ce mécanisme, si je peux m’exprimer ainsi.
Sénatrice Clement, voulez-vous vous exprimer brièvement sur ce dilemme?
La sénatrice Clement : Je vous remercie de cette question, qui me tient particulièrement à cœur, monsieur le président. C’est ce que je vis au quotidien. Je suis souvent la seule personne de couleur là où je suis. Parfois, je veux simplement parler du sujet dont il est question, mais devinez quoi? Ce n’est pas ce que nous sommes appelés à faire. Nombre d’entre nous qui sommes de différents horizons sont appelés à accomplir le travail supplémentaire, et nous le faisons. Idéalement, ceux qui ne le peuvent pas diront qu’ils sont épuisés et qu’ils ne peuvent le faire, mais la plupart d’entre nous le font parce que c’est ce qu’on nous demande de faire. Je vous remercie de cette question.
La sénatrice Jaffer : Je voudrais poser une question aux témoins du ministère de la Justice et plus particulièrement à vous, maître Hoffmann, car vous êtes venus témoigner ici à plusieurs reprises. Quel raisonnement a mené à l’inclusion des mots « dans la mesure du possible »?
Me Hoffmann : Je vous remercie de la question, sénatrice Jaffer. Il s’agissait simplement d’assurer la précision de la loi, car ce n’est peut-être pas toujours réalisable.
Je tiens à être tout à fait franc et prudent dans mes propos. Cela n’a pas été inclus pour être en quelque sorte un affront au principe de la diversité, sénatrice Clement. Pas du tout. Nous convenons — je pense pouvoir le dire personnellement et professionnellement — que beaucoup de choses doivent changer, mais nous comprenons aussi, en tant que juristes — c’est peut‑être notre défaut, je m’en excuse — que la loi doit être claire. Si ce n’est pas toujours possible, il faut en tenir compte.
Je voudrais aussi ajouter, si vous le permettez, sénatrice Jaffer, que le comité a entendu le commissaire Giroux et Mme Corado. Je crois qu’ils ont tous les deux témoigné du fait que le conseil se penche sur ces questions. La transparence et d’autres sujets de discussion sont à l’ordre du jour de ce changement, mais c’est à eux d’en décider.
Sénatrice Clement, je ne peux dire ce qui va se passer, mais ils ont témoigné de bonne foi et vous ont présenté ces faits. Il faut espérer que l’avenir portera ses fruits. Ils n’ont qu’à planter les arbres, et nous espérons qu’ils porteront des fruits.
La sénatrice Jaffer : Monsieur le président, je voudrais en parler. Je suis avocate depuis 42 ans, et durant toutes ces années, on a dit « dans la mesure du possible ». Nous formons maintenant un nouveau Sénat, et en tant que nouveau Sénat, si nous continuons d’accepter les mots « dans la mesure du possible », alors, quand les choses changeront-elles? C’est la question que nous devons nous poser.
[Français]
Le sénateur Dalphond : Je veux dire, de toute façon, que là‑dessus, j’ai vu des instructions précises. Le gouvernement est commis à la diversité. Le gouvernement actuel a nommé des juges, pour la première fois dans l’histoire du Canada, en tenant compte de la diversité sexuelle, la diversité des genres qui se trouvent dans toutes les cours canadiennes; dans toutes les cours canadiennes, il y a 50 % d’hommes et de femmes. Pour la première fois, la diversité est l’un des facteurs les plus utilisés pour les nominations à la magistrature. Le gouvernement est très commis à la diversité.
Pourquoi les mots « as far as possible »? Cela a été expliqué; Me Xavier, qui a participé à la rédaction, vous l’a expliqué. Certaines personnes ici semblent dire que si on met les mots « dans la mesure du possible », cela signifie qu’on n’est pas obligés de le faire.
Le français, comme l’anglais est clair : « as far as possible », cela veut dire qu’il faut le faire, à moins que ce ne soit impossible de le faire. Il y a de la jurisprudence qui a interprété ces mots-là. Ce ne sont pas des mots qui sortent de la bulle du rédacteur; ce sont des concepts juridiques qui sont connus. Pourquoi ici a-t-on senti le besoin, on l’a expliqué tantôt et je veux le répéter.
[Traduction]
Je veux répéter cette partie en anglais. Pourquoi dit-on « dans la mesure du possible »? C’est parce que le bassin de non‑juristes et le bassin de juges puînés ne sont pas entièrement sous le contrôle du conseil.
Il faut comprendre que les juges puînés sont nommés par l’association des juges, et l’association peut seulement nommer ceux qui sont juges et qui sont prêts à prendre part à cet exercice.
Le bassin est composé de 1 200 juges, dont une centaine de juges surnuméraires; il y a donc environ 1 000 juges à temps plein. Il y a plus de diversité que jamais dans ce bassin, mais il est certain que nous n’avons pas atteint la pleine diversité.
La question est donc de savoir qui sera nommé. Le conseil choisira parmi ceux qui sont nommés, ceux qui figurent sur la liste des juges puînés. Pour les non-juristes, le conseil publiera des lignes directrices, qui seront disponibles sur le site Web et diffusées le plus possible dans les médias sociaux. Le bassin sera limité aux personnes qui présentent une demande. Personne ne sera forcé de présenter une demande. Il y aura peut-être seulement quelques candidats, ou peut-être des milliers. Il y aura peut-être une grande sélection, ou un bassin limité à partir duquel il sera difficile d’atteindre cette diversité.
L’autre question à se poser est : qu’entendons-nous par diversité? Nous avons ici une obligation complète : « [...] le Conseil inscrit [...] des personnes qui reflètent la diversité [...] » Cela signifie que si les listes ne reflètent pas la diversité, la composition du comité d’examen ou du comité d’audience publique peut être contestée parce que la liste ne vise pas à refléter la diversité. Nous avons vu certains juges saisir les tribunaux pour des procédures concernant des décisions interlocutoires et d’autres types de procédures pendant sept ou huit ans, en contestant chaque partie du processus.
Si on en fait un objectif tellement ultime que cela devient une obligation de résultat, alors on expose le processus à des contestations de la part de ceux qui pourraient faire l’objet d’une révocation. Nous tentons de simplifier le processus afin d’éliminer les possibilités de contestation. En faire une obligation absolue signifierait se retrouver devant la Cour fédérale et lui demander de déterminer si ces listes reflètent la diversité de la population canadienne. Si ce n’est pas le cas, la Cour fédérale ordonnera au conseil de recommencer l’exercice.
C’est ce que nous tentons de faire, ici. Il y a de nombreux juristes autour de cette table, et ils savent que les mots ont un sens et que la suppression de mots a des conséquences. Nous devons faire preuve de prudence à cet égard. C’est tout ce que je voulais dire.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Pour poursuivre exactement dans la même voie que celle du sénateur Dalphond, si on va au sens premier des termes utilisés dans cet article :
« 84 Dans la mesure du possible, le Conseil inscrit sur la liste de juges et la liste de non-juristes des personnes qui reflètent la diversité de la population canadienne ».
Si on cherche le sens du terme « refléter », je vais citer le dictionnaire, où il est écrit : « Présenter une image, une expression plus ou moins fidèle de quelque chose ».
Donc, si on ajoute « dans la mesure du possible », n’ouvre‑t‑on pas une deuxième porte à une situation où on ne reflète pas vraiment la diversité?
Autrement dit, si on enlève de la phrase l’expression « dans la mesure du possible », cela veut dire que le conseil inscrit sur la liste de juges, la liste de non-juristes, des personnes qui reflètent — c’est-à-dire qui rendent une image plus ou moins fidèle de la réalité — la diversité de la population canadienne. Donc si on s’en tient à la définition du terme « reflété », on n’a pas besoin d’écrire « dans la mesure du possible ».
[Traduction]
Le président : Il est proposé par l’honorable sénatrice Clement que le projet de loi C-9 soit modifié à l’article 12, à la page 5, par substitution, à la ligne 1... C’est là que quelqu’un dit habituellement « suffit ».
Une voix : Suffit.
Le président : Merci. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement?
Des voix : D’accord.
Le sénateur Dalphond : Je demande un vote par appel nominal.
M. Palmer : L’honorable sénateur Cotter?
Le sénateur Cotter : Oui.
M. Palmer : L’honorable sénatrice Batters?
La sénatrice Batters : Oui.
M. Palmer : L’honorable sénateur Boisvenu?
Le sénateur Boisvenu : Oui.
M. Palmer : L’honorable sénatrice Clement?
La sénatrice Clement : Oui.
M. Palmer : L’honorable sénateur Dalphond?
Le sénateur Dalphond : Je m’abstiens.
M. Palmer : L’honorable sénatrice Dupuis?
La sénatrice Dupuis : Oui.
M. Palmer : L’honorable sénatrice Gagné?
La sénatrice Gagné : Je m’abstiens.
M. Palmer : L’honorable sénatrice Jaffer?
La sénatrice Jaffer : Oui.
M. Palmer : L’honorable sénateur Patterson?
Le sénateur D. Patterson : Oui.
M. Palmer : L’honorable sénateur Klyne?
Le sénateur Klyne : Non.
M. Palmer : L’honorable sénatrice Simons?
La sénatrice Simons : Oui.
M. Palmer : L’honorable sénateur Tannas?
Le sénateur Tannas : Oui.
M. Palmer : Pour, 9; contre, 1; abstentions, 2.
Le président : La motion est adoptée.
Sénatrice Simons, je vais vous demander de présenter la motion de la sénatrice Pate, soit la motion C9-12-5-23.
La sénatrice Simons : Merci. J’ai l’honneur et la responsabilité de proposer une motion présentée par notre collègue, l’honorable sénatrice Kim Pate. Son amendement se lit comme suit :
Que le projet de loi C-9 soit modifié à l’article 12 :
a) à la page 5, par adjonction, après la ligne 23, de ce qui suit :
« 86.1 Lorsqu’il reçoit une plainte, le Conseil recueille ceux des renseignements ci-après au sujet du plaignant que ce dernier consent à lui fournir :
a) sa race, son identité autochtone, son origine nationale ou ethnique et sa religion;
b) son sexe et son identité de genre;
c) tout handicap qu’il pourrait avoir. »;
b) à la page 23 :
(i) par substitution, aux lignes 17 à 24, de ce qui suit :
« sant état, pour l’année :
a) du nombre de plaintes :
(i) reçues,
(ii) retirées ou abandonnées,
(iii) rejetées par un agent de contrôle pour une raison prévue à l’un ou l’autre des alinéas suivants :
(A) 90(1)a),
(B) 90(1)b),
(C) 90(1)c),
(iii) rejetées par un examinateur pour une raison prévue à l’un ou l’autre des alinéas suivants :
(A) 90(1)a),
(B) 90(1)b),
(C) 90(1)c),
(v) rejetées par un examinateur parce qu’elles sont dénuées de tout fondement,
(vi) instruites par les comités d’examen, d’audience et d’appel,
(vii) ayant mené à la prise de l’une ou l’autre des mesures prévues aux alinéas 102a) à g);
b) pour chacune des catégories énumérées à l’alinéa a), du nombre de plaintes :
(i) pour inconduite sexuelle,
(ii) pour discrimination fondée sur un motif de distinction illicite au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne;
c) pour chacune des catégories énumérées à l’alinéa a), d’un résumé des renseignements recueillis au titre de l’article 86.1, présenté d’une manière qui ne permette pas d’identifier les plaignants;
d) dans le cas des plaintes retirées ou abandonnées, des motifs mentionnés, le cas échéant. »,
(ii) par adjonction, après la ligne 28, de ce qui suit :
« (3) À la lumière des renseignements contenus dans le rapport annuel, le ministre peut recommander que le Conseil organise des colloques au titre de l’alinéa 60(2)b). ».
C’est assez long. Je voudrais également expliquer ce qui justifie cette collecte plus importante de données. Je la cite :
L’importance des données désagrégées est cruciale pour comprendre ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans le système de justice pénale. À l’heure actuelle, nous disposons de très peu de données sur les personnes qui déposent des plaintes et qui sont les plus insatisfaites du système judiciaire, à part des données empiriques.
En offrant cette option, nous sommes mieux à même de comprendre quelles personnes sont les plus insatisfaites, lesquelles ont les moyens de déposer des plaintes contre des juges et lesquelles sont touchées de manière disproportionnée, de sorte que nous puissions créer une meilleure formation pour les juges et les avocats et mettre en place un système de justice équitable.
La disposition permet également à une personne de ne pas donner ces informations si elle le souhaite, ce qui résout une grande partie des problèmes de protection de la vie privée dont nous a parlé le ministre Lametti. Sans ces données, nous continuons à adopter des lois sans disposer des informations nécessaires pour savoir quels sont les aspects les plus problématiques du système actuel et comment nous pouvons traiter au mieux les problèmes sous-jacents du système.
Ce sont les mots de la sénatrice Pate. Je vais ajouter les miens. J’ai travaillé pendant 30 ans comme journaliste et je sais à quel point les données sont importantes, en particulier les données désagrégées.
J’étais également présente lorsque le sénateur Dalphond a parlé avec force de l’état des rapports et du fait qu’ils ont changé au fil des ans. Je sais que nous ne sommes pas censés avoir des accessoires, mais il nous a montré le rapport lorsqu’il contenait de nombreux renseignements et des données utiles, puis le rapport quelques années plus tard, alors qu’il était rempli de jolis éléments infographiques qui ne nous donnaient pas les données ventilées dont nous avions besoin.
Je suis très heureuse d’être ici pour appuyer l’amendement de la sénatrice Pate. Je ne suis peut-être pas la mieux placée pour répondre aux questions d’ordre technique, mais j’appuie entièrement l’esprit de l’amendement. Je pense qu’avec ce genre d’information, nous pouvons beaucoup mieux analyser la situation relativement à ces plaintes et nous pouvons voir combien d’entre elles sont frivoles et vexatoires parce qu’elles sont déposées par des plaideurs non représentés de type « freemen on the land ». On ne peut pas comprendre la nature d’un problème si on ne peut pas le mesurer.
Le président : Il est presque 18 heures. Nous étions censés entendre des témoins demain. Je peux dire avec certitude que nous ne pourrons pas passer à travers tous les amendements de l’étude article par article d’ici 18 h 15. Si vous n’y voyez pas d’objection, M. Palmer va annuler la comparution des témoins de demain. Nous prévoyons de poursuivre l’étude article par article.
J’aimerais également que nous tentions de terminer l’examen de cet amendement d’ici 18 h 15, si possible. S’il nous faut plus de temps, nous le prendrons, bien sûr, mais si nous pouvions y arriver, cela nous permettrait d’avoir un plan pour la suite de nos travaux demain.
Le sénateur Klyne : En ce qui concerne la première partie de l’amendement, soit la partie a) à la page 5, je suis favorable à la collecte de données désagrégées sur les plaignants. Je me demande simplement s’il n’y avait pas dans le projet de loi une référence aux données désagrégées. Je me demandais simplement si on ne devrait pas parler de données désagrégées concernant les plaignants plutôt que les plaintes. Je n’ai pas eu le temps de chercher, mais je pensais qu’il y avait une référence aux données désagrégées. Si vous ne le savez pas, ce n’est pas grave.
La sénatrice Simons : Les représentants du ministère le savent. Évidemment, je suis désavantagée par le fait que je n’étais pas ici pour entendre les témoins précédents.
Le président : Pouvez-vous nous aider, maîtres Hoffmann et Xavier?
Me Xavier : Dans ce cas-ci, il est question d’ajouter l’article 86.1 au projet de loi, et le reste des amendements visent l’article 160 qui est proposé et qui a trait au rapport annuel. Je ne pense pas qu’il y ait une autre disposition concernant les données désagrégées dans le projet de loi. Aucune ne me vient à l’esprit.
Le sénateur Klyne : Si c’est le bon endroit pour cela, c’est très bien. Je conviens qu’on devrait recueillir des données désagrégées.
La sénatrice Simons : Comme Me Xavier l’a indiqué, cela concerne notamment le rapport annuel. Il s’agit des rapports annuels dont le sénateur Dalphond a parlé avec tant d’éloquence l’autre jour.
Le sénateur Klyne : Il faudrait donc que ce soit dans les rapports annuels.
L’autre question que je me pose concerne le très long amendement qui se rattache à cela ensuite. J’aimerais seulement vous poser une question sur le rapport annuel.
Les renseignements qui sont indiqués à l’alinéa b) de l’amendement — et c’est un très long amendement — devraient‑ils se trouver dans le rapport, dans les observations du Conseil de la magistrature ou ailleurs? Est-ce qu’il convient d’inclure cela dans le rapport annuel?
Me Xavier : Il s’agit simplement de la quantité de renseignements que le conseil doit fournir dans son rapport annuel. Tous les renseignements recueillis au titre de l’article 86.1 seraient inclus dans le rapport annuel, ainsi que d’autres renseignements. Ces renseignements ne se trouveraient pas ailleurs. Le projet de loi ne prévoit pas la publication de ces renseignements ailleurs.
Le sénateur Klyne : Alors il conviendrait d’inclure les renseignements supplémentaires qui sont indiqués à l’alinéa b) de l’amendement dans le rapport annuel. Ils ne se trouveraient pas ailleurs. Ce n’est pas l’article 86.1 qui me préoccupe, mais plutôt l’alinéa b) de l’amendement.
Me Xavier : Vous parlez de l’amendement à l’article 160 qui est proposé à l’article 12. Malheureusement, je ne l’ai pas sous la main, mais je crois que l’alinéa b) de l’amendement contient l’amendement à l’article 160 qui est proposé à l’article 12 du projet de loi et qui exige que le conseil présente un rapport annuel. Cet amendement vise à apporter beaucoup plus de précisions sur les renseignements que le conseil doit publier dans son rapport annuel. C’est mon interprétation.
[Français]
Le sénateur Dalphond : Je sais que le temps file. J’aurais dû mentionner ce que je vais dire plus tôt. J’ai fait une série d’observations dans le même sens que la proposition de la sénatrice Pate.
En ce sens, je ne suis pas contre l’amendement. Si on doit retourner le projet de loi à la Chambre des communes, pourquoi ne pas l’inclure? Je trouve que cela ajoute un peu de rigidité dans le système, plus que des observations, parce que cela donne shall, shall, shall. Il y a donc des choses auxquelles on ne pourra pas déroger. Toutes les listes sont limitatives, etc. J’ai pris note des engagements des représentants du conseil lorsqu’ils ont comparu devant notre comité. Ils ont dit qu’ils allaient fournir ce genre d’informations.
Je ne m’opposerai pas à l’amendement dans le contexte des autres amendements déjà adoptés, puisque le gouvernement va nous répondre, de toute façon.
La sénatrice Dupuis : De la même manière qu’on se plaint beaucoup d’avoir des projets de loi omnibus, on fait l’expérience aujourd’hui de ce que j’appellerais des « amendements omnibus ». L’inconvénient est qu’on traite de choses qui sont différentes.
Je voudrais être certaine de comprendre sur quoi je dois voter. À la page 2 de l’amendement — je suppose que la sénatrice Simons pourrait me l’expliquer —, il y a le point b). Il y a plein de points : a), b), c) et iii). Au point b), vers la fin de la page 2, il est écrit ce qui suit :
b) pour chacune des catégories énumérées à l’alinéa a), du nombre de plaintes :
i) pour inconduite sexuelle,
ii) pour discrimination fondée sur un motif de distinction illicite au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne; »
Ma question est la suivante : en introduisant « sexual misconduct », soit l’inconduite sexuelle, mais en excluant « harcèlement », on élimine un concept qui très bien établi en droit et pour lequel, en général, ce sont les femmes qui se plaignent. Il y a énormément de plaintes de harcèlement. Si on doit examiner quelque chose qui n’est pas défini comme une « inconduite sexuelle », il risque d’y avoir des décennies de litiges.
À mon avis, on perd quelque chose qui est extrêmement important, que les femmes ont essayé de faire à partir de l’arrêt Robichaud, dans les années 1980. Après des années de litiges, on a réussi à établir le harcèlement comme une forme de discrimination. Ce n’est pas un motif énoncé, comme il est indiqué au point ii), et c’est ce qui pose problème avec cette partie de l’amendement.
Il s’agit d’un problème majeur avec cette partie de l’amendement. C’est pour cette raison que je pose la même question. Est-ce que cet amendement peut être divisé ou non?
Le sénateur Dalphond : Je crois que le prochain amendement sera défini dans ces mots. Peut-être qu’on pourrait discuter de cet amendement en laissant en suspens la question du mot qui irait là en fonction du résultat de l’autre amendement. Si l’autre amendement est adopté, c’est ce mot qui va se retrouver là. Si l’amendement est rejeté, on mettra le mot « harcèlement » plutôt que le mot « inconduite ».
[Traduction]
La sénatrice Simons : J’ai tenté, en vain, de me débrouiller sans l’oreillette. Je crois que le sénateur Dalphond a raison. Je pense que nous allons nous pencher plus tard sur un amendement de la sénatrice Clement visant à remplacer « sexual harassment » par « sexual misconduct »; je ne sais pas comment on traduirait cela en français.
Sénatrice Clement, vous pourriez peut-être nous éclairer.
La sénatrice Clement : C’est exact. Le prochain amendement vise à ce qu’on emploie « inconduite sexuelle », terme plus général, plutôt que « harcèlement sexuel ». J’écoute cependant la sénatrice Dupuis.
La sénatrice Simons : Je suppose que la sénatrice Pate et vous avez discuté d’avance de son amendement.
La sénatrice Clement : Nous en avons effectivement discuté. D’ailleurs, je vous ai tous fait part de mes amendements la semaine dernière, alors vous connaissez tous mon point de vue, mais oui, c’est exact.
La sénatrice Simons : Évidemment, en tant que membre honoraire du comité, je suppose que la sénatrice Pate et la sénatrice Clement avaient un point de vue semblable, c’est-à-dire que le harcèlement sexuel est une sous-catégorie d’inconduite sexuelle. Dans le Canada anglais, ce terme a peut-être pris un sens qui définit quelque chose de moins grave. Je ne sais pas. Le terme « inconduite sexuelle » est peut-être un terme plus général qui regroupe un vaste ensemble de mauvais comportements.
Le président : Merci à vous deux. Il y aurait peut-être lieu de suspendre la discussion sur cet amendement et de passer au suivant, c’est-à-dire l’amendement de la sénatrice Clement.
Il s’agirait notamment de nous assurer de bien harmoniser ces concepts. Nous établissons des directives assez prescriptives sur ce qui doit faire l’objet d’un rapport, et nous devrions donc nous efforcer de les formuler le plus clairement possible. Cela dit, c’est assez difficile à faire.
Est-ce que ce serait envisageable? Nous pourrions alors, au besoin, nous pencher sur les légères modifications du libellé qui sont proposées dans l’amendement de la sénatrice Pate.
La sénatrice Simons : Je pense que c’est très sensé. Je suis consciente que c’est un amendement prescriptif. En ce qui me concerne, je considère que, plus une disposition est prescriptive, plus elle peut devenir contraignante, mais, par respect pour la responsabilité qu’on m’a confiée d’appuyer cet amendement, je vais l’appuyer. Je pense évidemment qu’il est très sensé d’apporter d’abord des précisions quant à ce qui distingue le terme « inconduite sexuelle » du terme « harcèlement sexuel ».
Le président : Honorables collègues, seriez-vous favorables à ce que l’on suspende l’étude de cet amendement et à ce que nous invitions la sénatrice Clement à proposer le sien?
La sénatrice Batters : J’ai une question sur une autre partie de l’amendement.
Le président : Il pourrait bien être utile de nous pencher de nouveau là-dessus demain. Cela pourrait nous permettre de discuter brièvement et de façon informelle du meilleur choix de formulation.
Si vous avez une autre idée à proposer par rapport à l’amendement, sénatrice Batters, cela pourrait être utile.
Sommes-nous d’accord pour dire que ce serait une bonne façon de procéder? La séance serait donc levée aux alentours de 18 h 15, et nous serions prêts à nous pencher de nouveau là‑dessus demain.
La sénatrice Batters : Il pourrait être utile que je pose cette question. Si vous n’avez pas l’information nécessaire, sénatrice Simons, vous pourriez l’obtenir ce soir. Cela concerne la dernière partie de l’amendement. On dit qu’à la lumière des renseignements contenus dans le rapport annuel, le ministre peut recommander que le conseil organise des colloques au titre de l’alinéa 60(2)b), et que le ministre rende publique toute recommandation faite en vertu de cette disposition.
J’aimerais que vous expliquiez cela brièvement. Vous avez peut-être expliqué cela en détail, mais j’ai été quelque peu distraite lorsque vous avez commencé à en parler.
La sénatrice Simons : Non, je ne l’ai pas fait. Je pense que le raisonnement derrière cela, c’est qu’au lieu de simplement inclure cette information dans un rapport annuel qui reste sur une tablette, si on remarque qu’une tendance se dessine en ce qui a trait à un comportement qui devrait être corrigé, alors on pourrait s’appuyer sur des données pour démontrer qu’il faudrait manifestement organiser des colloques là-dessus.
La sénatrice Batters : Oui, parce qu’il y a un problème particulier par rapport à la façon de composer avec tel ou tel aspect.
La sénatrice Simons : Oui. Je suppose que les colloques pourraient porter sur n’importe quoi, qu’il s’agisse de la façon dont les gens emploient des termes genrés ou les pronoms qui désignent une personne, ou encore de la façon de composer avec des plaignants quérulents. Je pense que l’idée est de dire que le ministre peut faire une recommandation.
La sénatrice Batters : Pourriez-vous demander à la sénatrice Pate de fournir plus de détails à ce sujet?
La sénatrice Simons : Oui. Il s’agit de dire que le ministre peut faire une recommandation, alors ce n’est pas prescriptif. Cependant, à la lumière des données, on pourrait remarquer une tendance qui se dessine par rapport à un comportement qui doit être corrigé.
La sénatrice Batters : D’accord.
Le président : Sénateur Dalphond, on pourrait peut-être lever la séance et nous pencher de nouveau là-dessus demain.
Le sénateur Dalphond : Oui. En ce qui concerne le terme « inconduite sexuelle », je me suis rapporté à l’amendement de la sénatrice Clement. Si nous nous entendons sur cet amendement, alors il faudrait automatiquement employer le même terme ici. Sinon, il faudrait employer l’autre terme.
À la page 3 de l’amendement, il y a un ajout, après la ligne 28, qui dit : « À la lumière des renseignements contenus dans le rapport annuel, le ministre peut recommander que le Conseil organise des colloques au titre de l’alinéa 60(2)b). » Par ailleurs, le paragraphe (4) dit : « Le ministre rend publique toute recommandation faite en vertu du paragraphe (3). » Je ne vais pas appuyer ce genre de choses. J’étais d’accord pour ce qui est des renseignements, mais je ne serai pas favorable à ce qu’on porte atteinte à l’indépendance des juges. Avec cette proposition, le ministre pourrait humilier le conseil en disant qu’il a des recommandations à faire et qu’il les rendra publiques pour faire pression sur lui afin qu’il agisse. Nous en avons déjà débattu. C’est un aspect important pour les arrêts de la Cour suprême et pour l’indépendance des juges. J’estime qu’on est en train de franchir une limite et que c’est une situation très délicate. Je pense que nous allons un peu trop loin.
Sur cette question, je sais que la sénatrice Simons consultera la sénatrice Pate pour voir si elle veut vraiment inclure cela ici, si elle croit que c’est essentiel. Je tiens à ce que vous compreniez mes préoccupations.
La sénatrice Simons : Oui, je comprends.
Le sénateur Dalphond : À mon avis, c’est un problème crucial.
La sénatrice Simons : J’ai une question pour les spécialistes ici présents. On parle d’organiser des colloques au titre de l’alinéa 60(2)b). Comment les organiserait-on au titre de cet alinéa? Croyez-vous qu’il y ait un aspect constitutionnel à considérer si le ministre rend public le fait que des colloques sont organisés?
Me Xavier : J’espère que cela répondra à votre question. Le ministre est tenu de faire une recommandation. Tout d’abord, je pense qu’il convient de noter que le ministre Lametti et le juge en chef Wagner ont signé un protocole d’entente sur la formation des juges, qui exige que le gouvernement consulte le conseil chaque fois qu’une initiative peut avoir un effet sur la formation des juges. Il s’agit d’une formulation assez large. Il est difficile d’imaginer que le ministre puisse faire une recommandation comme celle-ci sans en parler d’abord au conseil.
Pour ce qui est de la recommandation et de la façon dont le conseil pourrait y donner suite, cela relèverait entièrement du conseil. Rien n’oblige le conseil à donner suite d’une manière particulière, ce qui semble correspondre au respect de l’indépendance judiciaire et du contrôle de la magistrature sur le contenu de la formation des juges.
La sénatrice Simons : C’est la recommandation, mais, rendre la chose publique, est-ce que vous y voyez une question constitutionnelle?
Me Xavier : Le fait de rendre la chose publique ne soulève aucune question constitutionnelle. Il est difficile d’imaginer que le ministre fasse une recommandation sans en discuter d’abord avec le conseil, qui s’y attendrait. Le conseil pourrait être tenu de répondre publiquement, mais il n’y a rien en soi qui soulève un problème constitutionnel.
La sénatrice Simons : Merci beaucoup. Votre réponse est très utile.
Le président : Si je peux me permettre une dernière observation, dans la liste des éléments à signaler, il n’y a aucune référence à la religion ou à l’origine ethnique. Je le mentionne parce que vous vous souviendrez que l’une des questions soulevées par les plaignants était de savoir si un juge respectait, ou compromettait ou défendait un point de vue religieux sur un élément quelconque. Comme on l’a déjà dit, le risque de cette liste, c’est qu’une fois qu’on y a inscrit certains éléments, et pas d’autres, il se peut qu’on obtienne uniquement ces éléments. De façon plus générale, on peut même penser à des communautés racisées qui n’y sont pas prises en compte.
La sénatrice Simons : Vous avez tout à fait raison. Si quelqu’un craint d’avoir été victime de discrimination en raison de son appartenance à la communauté juive ou huttérienne, ce n’est pas pris en compte ici. Je proposerai à la sénatrice Pate un amendement favorable à ce sujet.
Le président : Je suis désolé. Je ricanais à propos d’autre chose. M. Palmer m’a écrit un mot pour me dire dans quelle salle je dois me rendre demain. Je me suis trompé de salle aujourd’hui. Nous allons nous réunir au 110 Wellington demain.
Si je comprends bien, nous allons poursuivre la discussion sur l’amendement de la sénatrice Pate, avec des observations qui pourraient nous être communiquées demain matin, et peut-être même quelques ajustements sur la formulation. Nous le ferons avec un certain degré de consultation ou au moins de référence à l’amendement de la sénatrice Clement, que nous examinerons demain.
Je vous remercie tous de cette discussion animée, respectueuse et perspicace. Je remercie tout particulièrement nos témoins de leurs interventions et de leurs contributions. Nous reprendrons nos travaux demain.
(La séance est levée.)