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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 18 mai 2023

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 11 h 31 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la teneur des éléments des sections 30, 31, 34 et 39 de la partie 4, et de la sous-section B de la section 3 de la partie 4 du projet de loi C-47, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023.

Le sénateur Brent Cotter (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bonjour, honorables sénateurs et sénatrices.

Pour commencer, je vais demander à mes collègues de se présenter.

[Traduction]

La sénatrice Batters : Denise Batters, sénatrice de la Saskatchewan.

La sénatrice Pate : Kim Pate, de l’Ontario, sur le territoire non cédé et non abandonné du peuple algonquin anishinabe.

[Français]

La sénatrice Clement : Bonjour. Bernadette Clement, de l’Ontario.

[Traduction]

Le sénateur Klyne : Bonjour et bienvenue. Je suis le sénateur Marty Klyne, du territoire visé par le Traité no 4, en Saskatchewan.

Le sénateur Quinn : Jim Quinn, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l’Alberta.

La sénatrice Simons : Paula Simons, du territoire visé par le Traité no 6, en Alberta.

Le président : Je suis le sénateur Brent Cotter, du territoire visé par le Traité no 6, en Saskatchewan, où se trouvent les terres ancestrales des Métis. Je préside le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Soyez tous les bienvenus.

Chers collègues, nous poursuivons aujourd’hui notre étude sur la teneur des éléments des sections 30, 31, 34 et 39 de la partie 4, et de la sous-section B de la section 3 de la partie 4 du projet de loi C- 47, la loi d’exécution du budget.

Nous accueillons aujourd’hui l’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada. Il est accompagné d’un certain nombre de fonctionnaires qui resteront également pendant la deuxième heure de notre réunion pour répondre à nos questions.

Monsieur le ministre, je crois que je vais présenter d’emblée tous vos collègues afin que nous sachions qui ils sont lorsque vous aurez à faire appel à eux dans le cadre de nos échanges.

Tout d’abord, nous recevons des représentants du ministère de la Justice du Canada, soit Me Matthew Taylor, avocat général et directeur, Section de la politique en matière de droit pénal; Me Erin Cassidy, avocate, Section de la politique en matière de droit pénal; et Jenifer Aitken, sous-ministre adjointe, Portefeuille des organismes centraux.

Ensuite, nous avons parmi nous des représentants du ministère des Finances du Canada, soit Erin Hunt, directrice générale, Division des crimes financiers et de la sécurité; Charlene Davidson, directrice, Politique des crimes financiers; Mark Radley, directeur par intérim, Consommation en matière financière; et Tanjana Islam, analyste.

Enfin, nous accueillons deux témoins du Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada, ou CANAFE : Annette Ryan, sous-directrice, Partenariats politiques et analyse; et Me Karyne Merrick Moore, avocate générale.

Je crois que vous avez chacun un carton. Lorsque vous aurez l’occasion d’intervenir et de répondre, vous pourrez vous présenter à la table avec votre carton. Nous demanderons à quelqu’un de vous céder sa place pour que vous soyez à l’avant-scène.

Monsieur le ministre, vous avez la parole pour les 10 prochaines minutes, après quoi nous passerons à une période de questions et discussions avec les sénateurs.

L’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. Je suis heureux de me joindre à vous ce matin sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe, en compagnie de mon équipe, que vous avez présentée, pour discuter de la loi d’exécution du budget de 2023.

Le budget de 2023 fera en sorte que les Canadiens puissent continuer de compter sur l’aide de leur gouvernement. Grâce à notre plan canadien, le budget de 2023 permettra aux Canadiens d’avoir plus d’argent dans leurs poches pour relever les défis d’aujourd’hui et de demain, tout en bâtissant un Canada plus sûr, plus durable et plus abordable pour les gens d’un bout à l’autre du pays.

Le projet de loi contient d’importantes dispositions visant à rendre la vie plus abordable pour les Canadiens. Nous nous y prenons de plusieurs façons, notamment en sévissant contre les prêts à conditions abusives. Trop de Canadiens sont pris au piège dans le cercle vicieux de l’endettement. C’est pourquoi nous proposons d’abaisser le taux d’intérêt criminel à 35 % et d’ajuster l’exemption pour les prêts sur salaire afin d’obliger les prêteurs sur salaire à facturer au plus 14 $ par 100 $ empruntés.

Je sais que cette mesure a été défendue par des membres du Sénat, dont la sénatrice Ringuette, et j’en profite pour la remercier de son important travail dans ce dossier.

Je reviendrai sur la question des prêts à conditions abusives plus tard dans mon allocution.

Le gouvernement prend également des mesures importantes pour renforcer le régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.

[Français]

Le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme menacent l’intégrité de l’économie canadienne et favorisent les activités haineuses, que ce soit le terrorisme ou la traite des êtres humains. Ces activités criminelles augmentent les risques pour nos communautés et leurs résidants.

Dans le budget de 2023, notre gouvernement s’est engagé à renforcer les mesures de détection et de poursuite des crimes financiers. Le projet de loi C-47 propose des changements pour mettre en œuvre ces mesures. Le premier changement établirait un mandat spécial pour la perquisition et la saisie des actifs numériques qui peuvent être confisqués en tant que produits de la criminalité. Les crimes concernant des actifs numériques se sont multipliés ces dernières années, particulièrement en raison des évolutions technologiques. Il s’agit notamment de l’utilisation de cryptomonnaie comme moyen de paiement dans le cadre de stratagèmes frauduleux pour blanchir les produits issus du trafic de stupéfiants ou pour acheter des armes à feu illégales.

Les actifs numériques, y compris les cryptomonnaies, présentent des caractéristiques uniques, et ce mandat spécial vise à surmonter certaines difficultés éprouvées par les responsables de l’application des lois, lorsqu’ils s’appuient sur des autorités juridiques mal adaptées au XXIe siècle.

Le mandat spécial est conçu pour l’ère moderne. Il permettrait de reconstituer un portefeuille numérique et de transférer les cryptomonnaies suspectes vers un portefeuille sécurisé des forces policières. Les actifs numériques saisis en vertu de ce mandat pourraient faire l’objet d’une ordonnance de gestion afin de garantir leur conservation pendant la durée de l’enquête. Cette mesure ciblée est une première étape pour s’assurer que le Code pénal est bien adapté aux réalités de notre époque.

Le deuxième changement consiste à ajouter une série d’infractions à la disposition du Code criminel qui autorise la divulgation de renseignements fiscaux aux fins d’une enquête criminelle. Cette modification donnerait aux enquêteurs et aux policiers un outil important pour mieux cerner l’accumulation de richesse et pour déterminer comment les suspects blanchissent de l’argent, y compris par l’intermédiaire de structures d’entreprise. La disposition en question s’applique principalement aux infractions liées au terrorisme et à la criminalité organisée.

Toutefois, ces dernières années, il est devenu évident que d’autres infractions présentent un risque élevé de blanchiment d’argent au Canada. Le gouvernement propose d’autoriser la divulgation de renseignements fiscaux pour les infractions suivantes : les fraudes de plus de 5 000 $, les fraudes qui visent les marchés publics, l’extorsion, la corruption et les infractions de corruption transnationale, la traite d’êtres humains ainsi que la possession ou le blanchiment de biens obtenus à partir de la liste complète des infractions figurant dans la disposition.

Les infractions connexes de conspiration de tentative et de complicité après le fait seraient également incluses, comme c’est le cas pour les infractions existantes. Bien que la divulgation d’informations fiscales soulève d’importantes questions relatives à la protection de la vie privée des Canadiens, cette disposition contient des garanties solides, comme une autorisation judiciaire préalable.

Je crois que nous avons trouvé le juste équilibre entre le besoin d’enquêter sur les activités criminelles et la protection de la vie privée.

J’aimerais également souligner que le rapport final de la Commission Cullen de la Colombie-Britannique contient des recommandations concernant les mesures opérationnelles que les forces de l’ordre pourraient prendre pour faciliter les enquêtes sur le blanchiment d’argent et les efforts visant à recouvrer les produits de la criminalité. Je pense que les réformes proposées au Code criminel soutiendraient la mise en œuvre de ces recommandations importantes.

Je parlerai maintenant de l’engagement du gouvernement annoncé dans le budget de 2023, qui est d’apporter des modifications au Code criminel pour sévir contre les prêts abusifs qui profitent de certaines des personnes les plus vulnérables au Canada. L’article 347 du Code criminel crée une infraction pour la conclusion d’un accord en vue de percevoir des intérêts à un taux criminel. L’objectif initial de l’article 347 était de cibler les prêts usuraires et leurs liens avec le crime organisé.

Le législateur est d’avis que l’utilisation d’un taux fixe de 60 % rend l’infraction facile à prouver. Malgré cet objectif, il s’avère que l’infraction s’applique à toute une gamme de prêts au Canada.

Le projet de loi C-47 propose de remplacer le taux actuel par un taux annuel de 35 %. Ce taux est conforme à celui de la province de Québec et est appuyé par les groupes de défense des consommateurs qui ont été consultés par le ministère des Finances du Canada avant que les changements ne soient proposés. Comme je l’ai dit, l’article 347 s’applique actuellement de façon très large, y compris à des ententes qui n’ont jamais été visées par cette infraction, comme le financement provisoire.

Le projet de loi C-47 propose donc un pouvoir réglementaire visant à exempter les accords de prêts légitimes. Cette mesure répondra à des préoccupations de longue date du monde des affaires.

Le projet de loi C-47 propose également de renforcer les dispositions du Code criminel régissant les prêts sur salaire. Les prêts sur salaire sont généralement des prêts à court terme et de faible valeur, mais en raison de la façon dont l’intérêt est calculé, le taux facturé peut facilement contrevenir à l’article 347.

En 2007, le Code criminel a été modifié pour exempter les prêts sur salaire des dispositions relatives aux taux d’intérêt criminels, si une province ou un territoire ont adopté une loi pour réglementer l’industrie à fixer un coût d’emprunt maximal ou si le prêt est offert par un vendeur autorisé.

Les modifications proposées dans le projet de loi C-47 protégeraient davantage les emprunteurs, en ajustant l’exemption du Code criminel relative aux prêts sur salaire et en donnant la capacité de fixer une limite par voie de règlement au coût total de l’emprunt.

En conclusion, je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de discuter avec vous de ces questions importantes et j’ai hâte de répondre à vos questions. Merci.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup, monsieur le ministre.

La sénatrice Simons : J’ai une question à poser. Je m’intéresse certes aux enjeux que sont le blanchiment d’argent, le terrorisme et le crime organisé, mais ma question porte sur un sujet dont le comité a discuté il y a quelques semaines, à savoir les dispositions du projet de loi relatives à la protection des renseignements personnels en ce qui a trait aux partis politiques. Pouvons-nous en discuter ici avec vous?

M. Lametti : Je peux probablement y répondre d’une manière très générale, mais je crois qu’il vaut mieux adresser ces questions à mes collègues.

La sénatrice Simons : Très bien. Je vais donc vous poser une autre question concernant les témoignages que nous avons entendus hier soir au sujet des envois postaux. Est-ce quelque chose que...

M. Lametti : En ce qui concerne l’affaire Gorman, mettant en cause le courrier, Postes Canada, les fouilles et... oui, je vous écoute.

La sénatrice Simons : Hier soir, nous avons entendu des témoins qui travaillent dans le domaine de l’application de la loi et qui s’inquiètent du fait qu’il existe encore des dispositions qui visent uniquement les inspecteurs des postes, car elles empêchent la police de faire le travail d’enquête qui s’impose. Nous avons également entendu un avocat qui a travaillé dans ce domaine et qui craint que la protection des renseignements personnels dans le contexte des envois postaux risque d’être érodée.

Pouvez-vous nous dire comment vous avez essayé de trouver un équilibre dans les parties du budget qui portent sur la fouille des colis par rapport à la fouille des lettres?

M. Lametti : Je vous remercie de votre question, sénatrice Simons. Elle est importante. Nous n’avons pas changé notre position sur la fouille du courrier, qui est interdite aux termes du droit canadien. Je sais que le sénateur Dalphond, si je ne m’abuse, a présenté un projet de loi d’initiative parlementaire qui vise à créer une norme raisonnable à cet égard. Toutefois, pour le moment, nous n’y sommes pas encore parvenus. Ce que nous avons fait, c’est créer la même norme pour tous les types de colis, et nous avons essayé d’appliquer une norme de conformité à la Charte de façon générale.

Ainsi, les motifs raisonnables de soupçonner une infraction, motifs qui constituent la norme applicable aux colis envoyés par la poste, s’appliqueront désormais également aux colis livrés par messager ou par l’entremise de services de messagerie. Nous avons tenté d’assurer une certaine uniformité. Nous avons essayé de rendre le tout conforme aux normes de la Charte. Nous n’avons rien changé en ce qui concerne le courrier, et cela répond, en partie, à la décision Gorman.

Je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose, maître Taylor.

Me Matthew Taylor, avocat général et directeur, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Comme l’a dit le ministre, les modifications apportées à la Loi sur la Société canadienne des postes, qui relèvent de la responsabilité de la ministre des Travaux publics, donnent suite à la décision Gorman grâce à l’ajout d’une norme claire qui est reconnue en droit, soit la norme des soupçons raisonnables. Cela permet de remplir les fonctions de réglementation au moment d’évaluer si les articles expédiés sont considérés comme des objets inadmissibles.

D’après ce que m’ont dit des collègues, l’approche proposée dans le projet de loi ne modifie pas la manière dont les inspecteurs travaillent actuellement, dans la mesure où ils vérifient déjà le courrier selon la norme des motifs raisonnables de soupçonner une infraction. Ils utilisent donc une norme plus élevée, et le projet de loi fournirait une autre norme claire en fonction de laquelle ils pourraient remplir leurs fonctions.

La sénatrice Simons : Il est intéressant de noter que, grâce aux avancées technologiques, les motifs raisonnables de soupçonner une infraction peuvent maintenant être confirmés par un test sur l’extérieur du colis ou de l’enveloppe — vous n’avez pas seulement des motifs raisonnables de soupçonner, mais bien une certitude quasi absolue qu’il y a un produit de contrebande dans le colis. Cela soulève une question philosophique intéressante. À quel moment la technologie prend-elle le pas sur notre compréhension des droits civils?

M. Lametti : J’espère que, de manière générale, la technologie viendra compléter le genre de contrepoids que nous avons tenté de maintenir — le droit à la vie privée et les autres droits protégés par la Charte —, tout en permettant aux forces qui sont censées nous protéger, comme les agents des services frontaliers et les policiers, de faire leur travail efficacement. C’est ce que j’espère. Je suis optimiste, mais j’espère que ces considérations resteront les mêmes, peu importe la technologie, et que nous exercerons tous les pouvoirs que la technologie nous procure à l’intérieur de ce cadre.

La sénatrice Simons : Merci beaucoup.

La sénatrice Batters : Il y a beaucoup de questions aujourd’hui, monsieur le ministre, sur un si grand nombre de dispositions, en particulier celles émanant de vous, dans le cadre de ce projet de loi. L’une des choses sur lesquelles nous n’avons pas encore entendu de témoignages — je crois que nous en entendrons plus tard aujourd’hui —, c’est la sous-section B de la section 3, qui porte sur les actifs numériques, notamment la monnaie virtuelle. Cette partie du projet de loi d’exécution du budget de votre gouvernement — un projet de loi qui compte 430 pages — autorisera expressément la recherche d’actifs numériques à l’aide d’un programme informatique, ainsi que la saisie, la détention et la restitution de ces actifs. Elle vous permet également, en votre qualité de procureur général, de demander des renseignements fiscaux à l’Agence du revenu du Canada, ou ARC, dans le cas d’un certain nombre de crimes.

Compte tenu de ce que nous avons vu l’année dernière à Ottawa au cours du convoi des camionneurs et étant donné la controverse importante qui en a découlé, pourquoi y a-t-il des dispositions qui ratissent large — non seulement dans cette partie, mais aussi dans les parties concernant Postes Canada relativement à l’expédition potentielle de fentanyl par des trafiquants? Il y a également les dispositions sur le taux d’intérêt criminel. À mon avis, il serait beaucoup plus judicieux d’examiner ce genre de questions dans le cadre d’une étude beaucoup plus longue au sein du comité des affaires juridiques, au lieu de les étudier en très peu de temps dans un projet de loi d’exécution du budget et d’avoir peu de chances d’y apporter des amendements. Pourquoi procéder ainsi, surtout en ce qui a trait à la question des actifs numériques?

M. Lametti : Il s’agit d’un projet de loi présenté par la ministre des Finances; par conséquent, c’est elle qui en détermine la teneur. On parle de questions financières importantes. La ministre serait donc mieux placée pour répondre à cet aspect précis de la question.

Ce que je peux dire, c’est que les pouvoirs en question ont été explicitement demandés dans le rapport de la Commission Cullen, en Colombie-Britannique, qui a étudié très attentivement la question du blanchiment d’argent.

L’accès accru aux renseignements fiscaux, le nouveau pouvoir de saisie des actifs numériques — là encore, nous voulons donner à nos organismes d’application de la loi les outils dont ils ont besoin, tout en établissant un équilibre avec les droits des individus.

Par ailleurs, j’ajouterai que c’est très différent de la Loi sur les mesures d’urgence. Le genre de pouvoirs invoqués aux termes de la Loi sur les mesures d’urgence en ce qui concerne cryptomonnaies ou les actifs numériques étaient des mesures temporaires destinées à être limitées dans le temps. Ici, il faut s’adresser à un juge. Il faut l’autorisation préalable d’un juge pour obtenir un mandat. C’est là un mécanisme très courant qui agit comme une soupape de sécurité et que nous utilisons pour les mandats dans notre système de justice pénale. Ce mécanisme a bien fonctionné et, à mon avis, il n’y a aucune raison de croire qu’il ne fonctionnera pas bien ici.

La sénatrice Batters : Nous verrons bien lorsque nous aurons plus de renseignements. À défaut de quoi, il est difficile d’étudier et d’évaluer ce qu’il en est.

Permettez-moi de passer à un autre sujet. Hier, nous avons entendu parler du problème concernant Postes Canada. Les policiers que nous avons entendus hier ont déclaré que les criminels exploitent une faille juridique désuète qui empêche la police de fouiller les colis envoyés par l’intermédiaire de Postes Canada, mais cette restriction ne s’applique pas aux services de messagerie privés comme FedEx, UPS et même Purolator, qui appartient à Postes Canada.

L’Association canadienne des chefs de police a adopté, en 2015, une résolution à ce sujet, et l’Association canadienne des libertés civiles a déclaré en 2019 qu’il était temps de corriger cette faille, mais le gouvernement ne s’occupe du problème qu’en 2023, et seulement en partie. On maintient cette restriction dans le cas des lettres, ce qui fait que Postes Canada continuera certainement d’être la méthode d’expédition préférée des criminels. Les entreprises de messagerie privées ne sont pas soumises à cette restriction concernant les lettres.

Nous avons entendu le témoignage de Michael Rowe, de l’Association canadienne des chefs de police, qui a déclaré ceci :

[...] en ajoutant ce pouvoir dans tous les amendements, à partir de maintenant, pour permettre aux policiers et aux inspecteurs des postes de fouiller les colis et les lettres, on pourrait accroître grandement la sécurité des collectivités de tout le Canada ainsi que la capacité des organismes d’application de la loi — à la fois les inspecteurs des postes et la police — d’enquêter sur des crimes où Postes Canada est utilisée à des fins de contrebande.

Monsieur le ministre, en permettant l’exclusion des lettres, au lieu d’inclure le genre de mesures proposées par le sénateur Dalphond dans son projet de loi d’initiative parlementaire, ne craignez-vous pas qu’une société d’État demeure le moyen d’expédition de choix pour les trafiquants de fentanyl?

M. Lametti : Nous avons certainement abordé la réponse — je ne veux pas dire les conséquences — en ce qui concerne la décision Gorman à Terre-Neuve. Il existe désormais une norme uniforme pour la fouille des colis qui sont livrés par l’intermédiaire de Postes Canada et qui peuvent être vérifiés. Cette norme est conforme à la Charte, car elle repose sur l’exigence de motifs raisonnables de soupçonner une infraction, ce qui est un critère bien connu en droit.

En ce qui a trait au courrier, c’est une question plus vaste. Je suis d’accord avec vous, sénatrice, pour dire qu’il s’agit d’une question importante. Je suis prêt à examiner cette question à l’avenir. Je reconnais qu’elle n’a pas été abordée ici; c’est vrai. Comme nous l’avons dit, l’un de vos collègues a présenté un projet de loi d’initiative parlementaire qui propose d’examiner cette question, mais c’est une chose que je suis prêt à envisager.

La sénatrice Batters : Pourquoi ne pas l’inclure maintenant? Si vous comptez entreprendre cette démarche, pourquoi ne pas ajouter une telle disposition?

M. Lametti : C’est une question plus vaste, comme vous l’avez déclaré à juste titre dans vos observations. Elle est importante non seulement pour l’application de la loi, mais aussi pour la protection des droits de la personne et des droits à la vie privée en vertu de la Charte. C’est un peu plus subtil que la question des colis. Il faut donc y travailler davantage.

[Français]

Le sénateur Dalphond : Merci, monsieur le ministre, d’être de retour parmi nous. C’est toujours très apprécié. Je vais poursuivre dans la lignée de mes collègues, surtout celle de la sénatrice Batters, qui vient de poser une question qui m’interpelle un peu plus que les autres.

Pourquoi choisir de modifier la Loi sur la Société canadienne des postes au moyen du projet de loi d’exécution du budget, alors qu’il n’y a aucune incidence financière à l’égard de l’amendement qu’on fait à la Loi sur la Société canadienne des postes, si ce n’est pour apporter un amendement en douceur après l’arrêt Gorman, de la Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador?

Cela prive tant la Chambre des communes que le Sénat de la possibilité d’effectuer une analyse complète de la Loi sur la Société canadienne des postes en matière de saisie, et notamment le fait que les inspecteurs n’ont pas le pouvoir d’ouvrir les lettres. Les agents des douanes, qui sont dans le même poste de traitement des lettres que les agents des postes — je suis allé les visiter à Saint-Laurent — ont le pouvoir d’ouvrir les lettres qui arrivent à Montréal de Boston ou de New York, mais les inspecteurs, leurs équivalents canadiens, qui sont 27 au total pour tout le Canada, n’ont pas le droit de regarder. Ils n’ont pas l’autorisation d’ouvrir une lettre qui part de Montréal vers Trois-Rivières ou Toronto ou, surtout, vers le Nunavik ou le Nunavut pour livrer du fentanyl dans des enveloppes.

Des gens meurent. Je ne comprends pas pourquoi on se prive de cette possibilité, alors que l’Association canadienne des chefs de police et l’Association des chefs du Manitoba le demandent. L’équivalent anglophone du magazine L’actualité a fait un reportage là-dessus il y a plusieurs années. C’est bien connu que la poste est le moyen préféré pour faire la livraison du fentanyl au Canada. Il y a des gens qui meurent, il y a des communautés éloignées qui en souffrent, mais on ne fait rien. On aurait pu nous dire aujourd’hui que les inspecteurs ont maintenant l’autorisation d’ouvrir des lettres s’ils ont des motifs raisonnables de croire qu’elles ne contiennent pas du matériel légal. On sait que toutes les enveloppes n’ont pas une adresse de retour, comme par hasard. La machine trie toutes les enveloppes et elle les remarque tout de suite. Je ne comprends pas pourquoi on n’agit pas.

M. Lametti : Il est très difficile de ne pas être d’accord avec vous — comme d’habitude, je dirais.

La réponse pratique est la suivante : d’abord, comme je l’ai dit à la sénatrice Batters, l’inclusion de cette mesure dans le projet de loi résulte d’une décision qui a été prise par la ministre responsable. C’est un enjeu très important. Je comprends vos inquiétudes. Je suis ouvert à l’idée d’étudier la question comme il se doit, parce qu’il y a des équilibres très importants, mais comme vous venez de le souligner, c’est un enjeu que l’on doit aborder. Il y a des moyens de mieux faire en l’espèce. Je suis très ouvert à cela. Je comprends très bien l’enjeu et son importance.

Le sénateur Dalphond : Je prends acte de votre engagement.

M. Lametti : Comme d’habitude, je vais faire de mon mieux.

Le sénateur Dalphond : Je le sais.

[Traduction]

La sénatrice Pate : Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre présence parmi nous, et merci aussi à tous vos collaborateurs. Vous avez annoncé dans le budget de 2023 l’intention de réduire le taux d’intérêt criminel. Vous avez également parlé de lancer des consultations pour l’abaisser encore davantage en remédiant aux causes profondes qui ont donné lieu aux préoccupations suscitées par les prêts sur salaire. Nous entendons déjà dire que ceux qui adoptent de telles pratiques abusives et ces entreprises prédatrices délaissent les prêts sur salaire conventionnels pour se tourner maintenant vers des prêts remboursables par versements à taux d’intérêt élevé.

Je suis curieuse de savoir qui vous avez pu consulter, quels ont été les résultats de ces consultations et quelles sont, selon vous, les prochaines étapes. L’un des défis, bien entendu, c’est que nous devons également tenir compte du fait que nos banques à charte ne répondent pas aux besoins de nombreuses personnes qui doivent recourir à ces sociétés prédatrices. J’aimerais beaucoup savoir comment les choses progressent dans ce dossier.

M. Lametti : Merci, sénateur. Je vais m’adresser à l’un de nos experts.

Mark Radley, directeur par intérim, Consommation en matière financière, ministère des Finances Canada : Merci de votre question. Je m’appelle Mark Radley et je suis directeur par intérim de la consommation en matière financière au ministère des Finances.

Je pense que vous avez remarqué que certains de ces prêteurs utilisent de plus en plus les prêts à tempérament. C’est la raison pour laquelle il est proposé d’abaisser le taux d’intérêt criminel à 35 % et de plafonner les prêts sur salaire à 14 $ par tranche de 100 $. Les consultations proposées dans le budget de 2023 ne sont pas encore en cours, mais le gouvernement prévoit de les mettre en branle à moyen terme.

Nous sommes en train de mettre en œuvre le budget de 2023, les mesures qui ont été annoncées, après quoi nous procéderons à des consultations sur la possibilité de réduire davantage le taux d’intérêt criminel et d’abaisser le plafond pour les prêts sur salaire.

La sénatrice Pate : Il s’agit donc toujours d’un projet en cours. Y a-t-il des façons pour les personnes ou les organismes qui nous écoutent de s’impliquer? Je pense à de nombreux organismes de lutte contre la pauvreté, dont beaucoup ont été en contact avec nous récemment à cause des prestations pour les personnes handicapées, qui aimeraient peut-être beaucoup participer à ce processus. Comment les groupes et les particuliers doivent-ils procéder pour prendre contact? Devraient-ils passer par vous?

M. Radley : En bref, oui. Ils pourraient très bien me contacter. Nous avons entrepris des consultations ciblées. Certains groupes de consommateurs et de lutte contre la pauvreté ont soumis des mémoires par le passé, et nous sommes toujours en communication avec eux.

La sénatrice Pate : Ces documents seraient-ils accessibles au public? Y a-t-il un moyen pour les gens d’accéder à ces renseignements?

M. Radley : Pour l’instant, il n’a pas été envisagé de publier ces mémoires, mais certains de ces groupes les ont rendus publics sur leur propre site Web.

La sénatrice Pate : Que recommanderiez-vous? C’est un domaine qui m’intéresse tout particulièrement, comme c’est le cas de la sénatrice Ringuette et de beaucoup d’autres. Comment pourrions-nous avoir accès à cette information afin, peut-être, de faciliter le processus ou de prêter main-forte à l’exercice?

M. Radley : Vous parlez des mémoires en particulier?

La sénatrice Pate : Je m’interroge sur les mémoires, sur les personnes que vous consultez et sur les prochaines étapes.

M. Radley : Nous pourrons assurément regarder ce qu’il serait possible de vous faire parvenir.

La sénatrice Pate : Merci beaucoup.

Le sénateur Klyne : Encore une fois, bienvenue à vous, monsieur le ministre, ainsi qu’à vos collègues.

Cela va dans le même sens que les questions précédentes, mais dans le Règlement sur la définition de lettre qui accompagne la Loi sur la Société canadienne des postes, une lettre est définie comme pesant jusqu’à 500 grammes. Or, comme nous le savons, 500 grammes de fentanyl valent 30 000 dollars et peuvent tuer 250 000 personnes. Quelle est l’importance pour les inspecteurs de pouvoir intercepter les lettres?

Je pose cette question parce que le temps presse. Le nombre de décès attribuables au fentanyl est très inquiétant. Je sais que vous voulez faire les choses de manière pratique et raisonnable. Vous avez dit qu’il y aura un moment où quelque chose de raisonnable et de pratique pourra être fait, mais, que ce soit facile ou difficile à faire, je ne suis pas certain que nous ayons le luxe d’attendre.

Pour poursuivre la question dans ce contexte, quelle est l’importance pour les inspecteurs de pouvoir intercepter les lettres, ainsi que les colis, comme à la douane? Le paragraphe 41(1) de la Loi sur la Société canadienne des postes devrait-il être modifié pour permettre aux inspecteurs d’ouvrir les lettres, en plus des colis, un pouvoir que détiennent les douanes depuis 2017? De plus, l’Association canadienne des chefs de police nous a dit qu’elle appuierait et recommanderait une modification de cet article, ainsi que la modification suggérée au paragraphe 40(3) de la Loi sur la Société canadienne des postes pour permettre aux policiers d’effectuer des perquisitions avec mandat, comme dans le cas des messageries privées, ce qui est actuellement interdit par la loi.

Je m’en voudrais de ne pas mentionner que le projet de loi S-256 du Sénat, Loi sur la sécurité des postes au Canada, autoriserait la police à intercepter des produits de contrebande avec des mandats, comme c’est le cas en ce qui concerne les messageries privées, telles que FedEx. Encore une fois, étant donné le sentiment d’urgence qui se dégage de tous ces décès, devrions-nous saisir cette chance d’apporter des modifications?

Vous dites que le moment est peut-être venu de mettre en place un processus raisonnable. Pourriez-vous parler de ces possibilités de modifications avec vos collègues du cabinet pour qu’elles soient examinées par le Comité des finances de la Chambre des communes?

M. Lametti : Merci, sénateur. Encore une fois, je comprends la profondeur de vos inquiétudes. J’ai les mêmes préoccupations que vous ainsi que le désir général de veiller à ce que nos systèmes légitimes de communication ne soient pas utilisés à des fins illégales, en particulier à des fins aussi tragiques que le trafic de fentanyl.

Je suis heureux de m’entretenir avec mon collègue, la ministre Jaczek, qui est responsable de Postes Canada, ainsi qu’avec d’autres collègues — le ministre de la Sécurité publique et la ministre des Finances — pour tenter de faire avancer cette discussion. Je partage votre conviction quant à l’importance de cette question, et je reconnais moi aussi les mérites du projet de loi sénatorial S-256.

Le sénateur Klyne : Je vous remercie.

Le sénateur Quinn : Merci, monsieur le ministre, de votre présence. Je reviens à la question des prêts sur salaire. Tout d’abord, je pense que c’est un grand pas en avant que nous soyons passés de 60 à 35 pour la première étape, mais en ce qui concerne les prêts sur salaire, je comprends que nous aurons un régime réglementaire — une modification — qui les fera passer à 14 $ par tranche de 100 $. Cependant, sur une base annuelle, le taux annuel sur 14 $ par tranche de 100 $ demeure très élevé, de l’ordre de 300 % ou autre. C’est un taux très élevé. Je me demande pourquoi.

Comme l’a dit mon collègue, ce sont surtout les Canadiens vulnérables qui sont visés. Pourquoi n’envisagerions-nous pas une application uniforme du taux criminel? Je ne comprends pas pourquoi nous ne protégeons pas mieux les plus vulnérables.

M. Lametti : Merci, sénateur. Je peux vous donner une réponse générale, puis je passerai peut-être la parole à M. Radley ou M. Taylor.

La réponse générale, c’est que les prêts sur salaire sont plafonnés à un montant inférieur, 1 500 $. S’il est vrai que le taux d’intérêt total finit par être plus élevé, il s’agit d’une somme d’argent moins importante. Cependant, nous avons entendu dire — et mes collègues pourront vous en dire davantage à ce sujet — qu’il y a une triste nécessité pour beaucoup d’entreprises de prêts sur salaire d’offrir ce type de prêt. Le risque est plus élevé. Encore une fois, je comprends votre préoccupation. Une partie du plan du gouvernement pour aller de l’avant est de travailler avec les provinces afin d’essayer de coordonner les efforts et de faire baisser les taux de ces prêts.

Le sénateur Quinn : Comme il s’agit des Canadiens les plus mal pris, je comprends la limite de 1 500 $, mais les intérêts accumulés sur 1 500 $ pourraient être un facteur déterminant pour la qualité de vie de cette personne et de sa famille. Cela peut faire la différence entre aller faire les courses ou non. Ne devraient-ils pas être mieux protégés?

M. Lametti : C’est juste. L’inverse est également vrai s’ils n’ont pas accès à cet argent. Il y a là une question d’équilibre. S’ils n’ont pas un accès immédiat à cet argent, ils ne peuvent pas se procurer de nourriture non plus. C’est une situation déplorable; c’est un véritable dilemme. Aucune des deux options n’est bonne. Dans ce cas, nous choisissons la moins mauvaise.

Me Taylor : Le ministre a mis le doigt sur le raisonnement politique. Pour donner un peu le contexte, lorsque le régime d’exemption a été créé dans le Code pénal pour les prêts sur salaire, c’était vraiment la question au cœur du débat : comment renforcer la surveillance réglementaire d’une industrie qui, nous le savons, a une incidence disproportionnée sur les personnes vulnérables au Canada?

Nous avons envisagé de faciliter une plus grande surveillance réglementaire à l’échelon provincial par l’intermédiaire de lois provinciales sur la protection des consommateurs, de lois sur les prêts sur salaire et, d’un autre côté, de ne pas éliminer complètement l’accès au crédit pour ces personnes. Comme l’a dit le ministre, sur le plan des politiques, ce n’est pas une question facile.

Le sénateur Tannas : Merci de votre présence, monsieur le ministre. Je voulais avoir votre avis sur la taille du projet de loi omnibus. Je consulte la page 30 du programme libéral de 2015, l’année de votre élection, où vous affirmiez que les projets de loi omnibus étaient antidémocratiques et qu’ils nuisaient au travail du Parlement. Vous vous étiez engagés à ne pas y avoir recours. Aujourd’hui, je pense que vous éclipsez les records des gouvernements précédents.

C’est un problème. Il y a un certain nombre de choses abordées dans ce budget qui, comme nous l’ont dit des fonctionnaires du Parlement, des experts et des députés, mériteraient un examen plus approfondi et devraient probablement faire l’objet d’un projet de loi.

Si nous nous penchons sur la question, on nous dira probablement que les projets de loi budgétaire sont des projets de loi assimilés à un vote de confiance, etc.

Pensez-vous que, si nous voyons quelque chose qui n’a rien à voir avec les finances dans un projet de loi omnibus de 400 pages, nous devrions être forcés à faire notre travail pour améliorer cette chose en proposant un amendement? Pensez-vous qu’il s’agit là d’un élément qui pourrait être ramené à un vote de confiance, selon votre expertise?

M. Lametti : Merci, sénateur. J’ai l’habitude de dire en souriant que la seule personne à qui je donne des avis juridiques est le premier ministre et le Cabinet.

Certes, dans un monde idéal, je partage votre conviction que les projets de loi devraient être aussi courts que possible et je partage votre réserve à l’endroit des projets de loi omnibus. Il y a un équilibre à trouver pour essayer de faire aboutir des mesures importantes. Il y a au moins un lien avec les finances dans tous ces projets, ou du moins c’est le fil conducteur ou ce qui les relie.

Il reste que je comprends tout à fait votre préoccupation. Je ne suis pas sûr qu’une obligation législative ou un empêchement enchâssé dans la loi soit la solution, mais je pense que nous devons tous être plus soucieux de l’étendue de l’examen qui est possible dans un seul projet de loi par rapport à un projet de loi omnibus.

La sénatrice Clement : Bonjour à tous. Je vous remercie de votre présence.

Je souscris entièrement aux questions concernant la section 34 et j’aimerais ajouter mon nom à la liste des personnes qui souhaitent obtenir plus d’information sur le suivi décrit par votre collègue, M. Radley.

Ma question s’adresse à vous, monsieur le ministre. Elle porte sur la section 31, la Loi sur les titres royaux et la suppression du « Défenseur de la Foi ».

Comme la plupart d’entre nous, j’ai constaté une évolution dans les relations entre les Canadiens et la monarchie. Les gens parlent ouvertement de leurs relations compliquées avec la monarchie. Je me demandais comment vous en étiez arrivé là et quelles conversations vous aviez eues avec les Canadiens pour en arriver là. Quel est le plan pour l’avenir? Les gens ont été frappés lorsque cette question a été soulevée et il y a eu de nombreuses conversations à ce sujet — peut-être pas autour de cette table, mais dans la société canadienne.

M. Lametti : Merci, madame la sénatrice. Pour être tout à fait honnête, cela ne faisait pas partie de mes responsabilités dans le cadre de ce projet de loi. Je crois que cela relève du ministre du Patrimoine canadien, qui travaille avec la vice-première ministre et le premier ministre à cet égard.

Ce que je peux dire, c’est qu’il s’agit d’un débat qui est en cours, tant au Canada qu’au Royaume-Uni, évidemment, et que le roi Charles lui-même s’est interrogé sur la façon dont il souhaite être représenté.

Je vais me garder d’émettre une opinion. Vous me le pardonnerez, je l’espère, mais je crois que c’est une question qu’il vaudrait mieux poser au ministre Rodriguez.

La sénatrice Clement : C’est devant le Comité des affaires juridiques et je pensais pouvoir en parler, mais ce n’est pas grave. J’accepte votre réponse. Merci.

Le président : J’ai deux questions, monsieur le ministre. La première est une question plus générale.

Il est intéressant de noter que, dans ce projet de loi, vous avez réagi, je pense, de manière opportune aux questions relatives aux monnaies numériques, aux développements de pointe, etc. Il s’agit en fait d’une question ou d’un commentaire sur les lettres. J’ai l’impression — sans avoir jamais examiné sérieusement la question — que nous avons été attentifs à l’accès aux colis parce que c’est généralement la façon dont la contrebande se déplace, et que les lettres ne permettent pas de faire entrer une bouteille d’alcool ou un kilogramme de cocaïne, etc. Cependant, ce monde-là a également évolué. Ce que je vous dis — pas tant sur le plan particulier de l’amendement et de l’insertion d’un mot dans le projet de loi —, c’est que nous n’avons pas été suffisamment attentifs à cette évolution de la société qui permet désormais de transporter des produits de contrebande — et de très dangereux — par des moyens beaucoup plus discrets.

Il s’agit plutôt d’une invitation à s’arrimer au monde moderne dans ce domaine, de la même manière que vous l’avez fait dans le monde de la monnaie numérique. J’aimerais savoir ce que vous en pensez, peut-être, puis j’aurai une autre question à vous poser.

M. Lametti : Merci, monsieur le président. Je partage cette préoccupation. Je suis tout à fait d’accord avec le sentiment que vous avez exprimé au sujet de la modernisation de nos procédures et de la nécessité de s’assurer que nous tenons compte des pratiques actuelles, et j’ai commencé à en parler avec mes collègues. J’ai dit au sénateur Klyne que j’allais le faire et je vais le faire.

Le président : C’était une façon de poser la question sans célébrer encore une fois le travail du sénateur Dalphond.

Ma deuxième intervention est, je pense, une question. À bien des égards, votre gouvernement a pris des mesures significatives, par exemple en ce qui concerne le taux d’intérêt criminel et d’autres questions similaires. Il s’est occupé des communautés d’intérêts qui sont vulnérables. Nous avons un peu parlé des prêts sur salaire. L’une des approches consiste à essayer de trouver des moyens pour que les gens puissent mener une vie qui ne les oblige pas à avoir recours aux prêts sur salaire, c’est-à-dire de résoudre le problème en amont plutôt qu’en aval. Votre gouvernement a pris diverses initiatives pour s’occuper des personnes vulnérables, mais il ne semble pas — du moins, à mon avis — y avoir de stratégie intégrée pour l’ensemble du gouvernement. On a l’impression qu’il y va à la pièce : établissons une prestation pour les personnes handicapées, puis occupons-nous du taux d’intérêt criminel.

Existe-t-il une stratégie globale qui pourrait nous être présentée et expliquée, et qui relierait ces pièces du puzzle dans le cadre d’une approche plus horizontale de la part du gouvernement?

M. Lametti : Il y a certainement eu des discussions en matière de stratégie. Évidemment, je ne vais pas vous parler des choses qui sont discutées au sein du Cabinet. Il est toutefois certain que sur le plan des politiques, dans les discussions publiques que nous avons eues en tant que parti et en tant que gouvernement, nous avons parlé de choses comme un revenu garanti ou un revenu universel de base.

Vous venez de parler, je crois, du projet de loi C-22, qui est un projet de loi formidable, que je soutiens de tout cœur — encore une fois, une prestation pour les personnes handicapées. Nous avons fait du bon travail en ce qui concerne la pauvreté des enfants et nous l’avons considérablement réduite grâce aux allocations familiales que nous avons mises en place en 2015.

Il est vrai que la stratégie se fait à la pièce. On peut également se demander pourquoi nous n’adopterions pas une stratégie plus étendue et plus globale qui comblerait toutes les lacunes. Je pense que c’est une observation intéressante. Ce genre de discussion est en cours. Néanmoins, ce que je peux dire, comme vous l’avez noté, c’est que pour l’instant, la stratégie en est une qui procède par étapes avec les différents groupes défavorisés.

Le président : Merci. Nous avons un peu de temps pour un deuxième tour de questions, en comptant peut-être trois minutes par intervenant.

La sénatrice Batters : Monsieur le ministre, en ce qui concerne les taux d’intérêt criminels, les banques peuvent offrir des prêts-relais, comme des prêts hypothécaires d’appoint, qui sont des prêts à court terme qui permettent aux gens d’acheter une maison, mais dont le taux peut dépasser le nouveau taux d’intérêt criminel prévu par cette loi.

Monsieur le ministre, lorsque j’ai interrogé les fonctionnaires du ministère des Finances à ce sujet, M. Radley a confirmé que le Règlement pourrait contenir des dérogations pour ces prêts‑relais. Je trouve inquiétant que l’on nous demande d’adopter ce changement dans une loi d’exécution du budget qui sera sans doute adoptée dans quelques semaines, comme c’est normalement le cas, alors qu’un nombre important de prêts hypothécaires d’appoint pourraient être touchés et que nous ne saurons pas si ceux-ci bénéficieront d’une dérogation à cette nouvelle disposition du Code criminel avant que la loi d’exécution du budget soit adoptée et que le cabinet prenne une décision.

Pourquoi cet article, qui traite d’une question très importante, ne pourrait-il pas faire l’objet d’un projet de loi gouvernemental distinct, afin que les comités parlementaires pertinents aient le temps de l’étudier correctement et d’y apporter les amendements nécessaires?

M. Lametti : Merci, sénatrice. Je pense avoir répondu à la dernière partie de la question concernant la création d’un projet de loi distinct. Je partage tout à fait vos inquiétudes quant à la quantité de choses qu’englobent les lois d’exécution du budget. Cela dit, je ne suis pas à l’origine de cette décision, et je dois faire confiance à mes collègues à cet égard, et je leur fais confiance.

La question que vous soulevez est pertinente. L’objectif de la dérogation réglementaire est précisément de permettre ce type de transactions à haut risque lorsque les parties disposent de certaines capacités ou de certaines connaissances, de sorte qu’elles ne sont pas vulnérables. Vous avez mentionné les prêts‑relais, qui sont un excellent exemple. Si j’ai bien compris, la dérogation réglementaire est censée tenir compte de ce type de prêt et le Règlement sera publié. Il y aura une période de consultation qui permettra aux parties prenantes de formuler des commentaires sur les règlements proposés. Elles seront soumises au contrôle parlementaire habituel des règlements.

La sénatrice Pate : En ce qui concerne le sénateur Cotter, il n’a pas mentionné qu’il existe en fait un autre projet de loi qui vise à établir un mécanisme plus global, et nous vous invitons donc à nous faire part de vos observations à ce sujet également.

Je remarque que la Commission du droit compte de nouveaux commissaires qui prendront leurs fonctions au cours du mois prochain, c’est-à-dire très bientôt. Leur avez-vous demandé d’examiner deux domaines qui, à mon avis, recoupent ce projet de loi, à savoir le droit pénal et la politique fiscale. J’estime que la Commission du droit est l’organe qui devrait envisager un éventuel examen de ces deux domaines du droit. Savez-vous si l’on envisage cette possibilité?

M. Lametti : Nous prendrons note de vos deux suggestions. J’ai eu une réunion officielle avec la nouvelle présidente, Mme Shauna Van Praagh. Nous avons discuté de manière générale de la façon dont elle souhaite procéder pour établir ses priorités, ainsi que les priorités en matière de collaboration avec les deux commissaires nommés. Je lui ai donné quelques pistes de réflexion, mais je suis tout à fait disposé à ajouter vos suggestions à cette liste. J’espère qu’un certain nombre de membres du gouvernement entretiendront une relation ouverte et évolutive avec la présidente de la Commission du droit.

Le sénateur Dalphond : Je vous promets que cette fois-ci, il ne s’agit pas de Postes Canada. Il s’agit des cryptomonnaies et autres. Nous devons nous adapter à leur utilisation, et le sénateur Cotter a également dit que nous devions nous adapter à la nouvelle réalité. Le monde change.

Ces nouveaux outils seront fournis aux services de police pour leur permettre, par exemple, d’obtenir l’autorisation judiciaire d’effectuer des fouilles et des saisies d’actifs immatériels, ce qui comprend les cryptomonnaies. Nous savons que les comptes sont souvent anonymes. Il est donc difficile de savoir qui est derrière ceci et cela.

Envisage-t-on de fournir à la GRC des ressources et des technologies supplémentaires afin qu’elle puisse mener à bien ce type d’enquête? Je suppose que la police locale ne sera pas en mesure de le faire.

M. Lametti : Encore une fois, il vaudrait probablement mieux adresser cette question à mon collègue, le ministre de la Sécurité publique, qui est responsable de la GRC. Globalement, nous espérons que la GRC sera une force de pointe et qu’elle disposera d’outils de pointe — tant juridiques que technologiques — afin de mener les types d’enquêtes nécessaires et de faire le suivi des types d’activités pertinents. Je pense que notre gouvernement sera disposé à fournir à la GRC les ressources intellectuelles et physiques dont elle a besoin pour accomplir cette tâche.

La sénatrice Simons : Je pense aux élections parce que je suis originaire de l’Alberta. J’aimerais parler de cette question avec vos fonctionnaires plus tard et vous poser des questions sur les taux d’intérêt criminels.

Je suis très heureuse que vous reconnaissiez le travail que notre collègue, la sénatrice Ringuette, accomplit sur ce dossier depuis de nombreuses années. Je me pose une question. Une fois que ces dispositions auront été mises en place, il sera évidemment illégal de faire de la publicité pour des prêts à de tels taux. Les gens arrêteront simplement de le faire. Mais pour ce qui est de l’application de la loi, dans quelle mesure l’application de ces dispositions se concentrera-t-elle sur les grandes entreprises, les sociétés de prêt sur salaire et les prêteurs sans scrupules qui mettent des affiches dans les rues, par opposition à des personnes qui offrent des prêts plus privés, du type de ceux que l’on voit dans des émissions à la télévision et que l’on fait respecter avec des bâtons de baseball?

M. Lametti : J’espère que nous essaierons de l’appliquer à tous les niveaux. La poursuite de ces crimes incombe en grande partie aux forces de police ainsi qu’aux provinces et aux territoires. J’espère qu’ils pourront en assurer une application large, car chaque élément que vous avez mentionné est important.

La sénatrice Simons : Le problème est que les grandes sociétés bénéficient d’une protection qui leur est propre et dont ne bénéficie pas un homme armé d’un bâton de baseball, mais elles exploitent les gens à des moments où ils sont économiquement vulnérables.

M. Lametti : C’est tout à fait vrai. Je suis parfaitement d’accord avec vous, sénatrice.

Le sénateur Klyne : Monsieur le ministre, ma question concerne l’article 39 de la partie 4, qui modifie la Loi électorale du Canada. Dans une décision rendue en 2022, le Bureau du commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de la Colombie-Britannique a estimé que la loi provinciale sur la protection de la vie privée s’appliquait aux partis politiques fédéraux. Comment réagissez-vous aux spéculations ou aux suggestions selon lesquelles l’amendement à la Loi électorale du Canada proposé dans la loi d’exécution du budget n’est qu’un moyen de contourner la décision de la Colombie-Britannique face à un risque potentiel pour la protection des renseignements personnels des Canadiens?

M. Lametti : Je n’ai absolument pas participé à la prise de cette décision. C’est le parti politique, le Parti libéral fédéral, qui traite avec les tribunaux. En tant que gouvernement, je n’ai pas de position à ce sujet. Je peux me renseigner, parler à des collègues qui sont plus directement concernés et revenir vers vous.

La sénatrice Clement : J’aimerais revenir sur la réponse que vous avez donnée à la sénatrice Pate au sujet de la Commission du droit. C’est une évolution très encourageante. Vous avez dit que vous aviez discuté des priorités que vous souhaitez que l’on établisse. Quelles devraient être, selon vous, les priorités des travaux de la commission à l’avenir?

M. Lametti : Encore une fois, il s’agissait simplement d’une première conversation, et elle a ressemblé davantage à une séance de remue-méninges et à une discussion sur les possibilités qu’à quelque chose de concret.

Il est possible de renvoyer certains travaux à la Commission du droit et de lui soumettre des questions précises dans la loi. J’espère honnêtement que la Commission du droit, la présidente et les commissaires établiront leurs propres enjeux et domaines d’intérêt, et qu’il y aura une symbiose dans le type de réflexion qui inspire le travail de la Commission du droit.

Évidemment, ce que je peux dire de manière générale à propos de ce que j’ai évoqué, c’est que ces priorités correspondent à celles qui figurent dans ma lettre de mandat, notamment la réconciliation, l’accès à la justice, la garantie d’un système de justice pénale équitable et la lutte contre le racisme systémique au sein de ce système, mais il y a de nombreuses possibilités.

[Français]

La sénatrice Clement : C’est encourageant. Merci pour cette réponse.

[Traduction]

Le président : Monsieur le ministre, je vais prendre l’exemple de ce comité. Votre présence nous pousse en partie à examiner un grand nombre de textes législatifs dans le domaine de la justice, ce qui vous oblige à revenir souvent et nous empêche de mener nos propres études sur des sujets qui nous intéressent et sur lesquels nous pourrions travailler si nous en avions le temps.

Existe-t-il un mécanisme permettant à ce comité ou au Sénat de faire part de ce qu’il pense être des priorités devant faire l’objet d’une enquête et d’un examen de la Commission du droit? Êtes-vous favorable à ce que ces points de vue soient partagés avec les dirigeants de la commission?

M. Lametti : J’y suis tout à fait favorable. Je ne crois pas qu’il existe un mécanisme officiel dans la loi, mais je ne crois pas non plus qu’une bonne commission du droit rejettera de bonnes idées, d’où qu’elles viennent. Je vous encourage à réfléchir à ce que vous pensez ou à ce que vous considérez être les priorités d’une commission du droit. Je pense que la professeure Van Praagh les accueillerait à bras ouverts.

Le président : Merci. Je pense que ce sont vos visites qui nous inspirent un grand nombre de ces idées.

J’aimerais maintenant remercier le ministre Lametti de s’être joint à nous pour cette période de temps. Souhaitez-vous intervenir brièvement?

M. Lametti : Nous n’avons pas souvent l’occasion de recevoir des compliments, mais je tiens à vous remercier tous pour vos questions. Cette présentation sortait un peu de ma zone de confort à plusieurs égards, mais vous avez respecté l’ordre du jour et je vous en suis très reconnaissant. Je vous remercie.

Le président : Je vous en prie. C’était probablement notre erreur. Je vous remercie. Nous apprécions beaucoup la régularité de vos visites, les renseignements que vous nous fournissez et la manière dont vous nous informez sur les aspects de nos intérêts et de nos préoccupations relatifs à la législation, y compris celle‑ci. Je remercie à nouveau vos fonctionnaires, avec lesquels nous allons poursuivre le dialogue. Merci encore, monsieur le ministre.

Chers collègues, nous poursuivons notre étude du projet de loi C-47, et plusieurs représentants du gouvernement du Canada se joignent à nous pour répondre à vos questions et prendre part à la discussion. Étant donné que nous ne saurons pas toujours à qui nous devrons poser nos questions, M. Taylor et M. Radley pourraient peut-être les diriger vers les personnes qui pourront le mieux y répondre.

Le sénateur Tannas : Je voulais revenir à la discussion sur le taux d’intérêt criminel. J’ai participé à titre de porte-parole à une version du projet de loi de la sénatrice Ringuette. Les gens voulaient reproduire le chiffre du Québec, qu’ils considéraient être le chiffre à atteindre. Le problème est que le chiffre du Québec comporte certaines exemptions de frais que le taux d’intérêt criminel n’envisage pas. Par exemple, si je suis titulaire d’une carte Visa de la Banque Royale, que j’introduis ma carte dans un distributeur automatique et que l’on me facture 5 $, je suis soumis à un intérêt annuel de 24 %, mais je rembourse le tout en un mois, de sorte qu’en réalité, le taux d’intérêt n’est que de 2 %. En fin de compte, si vous tenez compte des frais et que vous annualisez le tout, même si vous avez remboursé la somme en un mois, vous êtes en mauvaise posture. Le Québec a prévu cette sécurité dans son règlement.

Disposez-vous d’une marge de manœuvre suffisante dans la formulation et l’élaboration des règlements pour qu’une transaction simple et innocente n’aboutisse pas à l’emprisonnement du président de la Banque Royale?

Me Taylor : C’est une très bonne question. Vous savez sans doute, pour avoir déjà travaillé sur ces questions, que le Code criminel contient une définition du terme « intérêt », qui inclut, comme vous l’avez dit, de nombreux éléments, comme les frais de retard, etc. Le projet de loi ne propose pas d’y apporter de modification. Vous avez donc raison dans la mesure où ces frais supplémentaires sont pris en compte. Il se peut très bien qu’au cas par cas, certains accords ou certaines ententes contreviennent à la disposition du code relative au taux d’intérêt criminel.

Le sénateur Tannas : Vous ne serez donc pas en mesure de traiter cette question dans le Règlement? Les institutions financières devront simplement empêcher cette pratique de se produire?

Me Taylor : Le pouvoir réglementaire permettrait d’exclure de ces dispositions certains accords ou certaines ententes.

Le sénateur Tannas : Encore une fois, je vous encourage, si vous avez choisi le taux du Québec, à vous assurer d’examiner tous les aspects du taux du Québec, sans quoi nous pourrions capturer des prêts sur salaire peu coûteux — extrêmement peu coûteux — que vous vous accordez grâce à de votre carte Visa, et nous ne voulons pas que cela se produire. Je vous remercie et j’espère que vous examinerez cette question.

Le président : Le président de la Banque Royale sera probablement très soulagé en entendant cette conversation.

La sénatrice Simons : Comme je l’ai dit, je pense aux élections parce que je viens de l’Alberta. Nous disposons d’un règlement pour la protection de la vie privée qui régit les gouvernements, les sociétés d’État et les entreprises privées pour ce qui est de l’échange de nos renseignements personnels et, au cours des 10 dernières années, nous avons mis en place un régime assez rigoureux et fonctionnel pour ces protections. La loi d’exécution du budget veut faire en sorte que les partis politiques fédéraux n’aient pas à se plier à ces règles. Je suis ici à titre de remplaçante. Je n’étais donc pas là le jour où le commissaire à la protection de la vie privée est venu, mais de sérieuses inquiétudes ont été exprimées quant au fait que ces dérogations permettront aux partis fédéraux d’exploiter et d’utiliser des données personnelles d’une manière très préoccupante pour les citoyens. Je dirais qu’en plus de générer un sentiment d’atteinte à la vie privée, ceci pourrait engendrer une méfiance générale à l’égard du processus démocratique et rendre les gens beaucoup moins enclins à se porter volontaires, à faire des dons, à signer des pétitions ou à faire quoi que ce soit qui puisse les exposer à une exploitation ultérieure par les partis politiques.

J’ai du mal à comprendre pourquoi cette exemption existe dans la loi.

Jenifer Aitken, sous-ministre adjointe, Portefeuille des organismes centraux, ministère de la Justice Canada : Je peux au moins peut-être essayer d’apporter un début de réponse à cette question importante. Le budget a annoncé que l’objectif de l’amendement était d’établir des règles uniformes pour les partis politiques fédéraux de l’ensemble du pays, mais ceci mis à part, je suis désolée que nous n’ayons pas amené un expert en la matière avec nous, alors il faudrait que nous entreprenions de vous fournir davantage d’informations à ce sujet.

La sénatrice Simons : Votre uniformité consiste à n’avoir aucune règle, à permettre à chaque parti d’établir ses propres règles, quelles qu’elles soient. Je ne vois pas en quoi le fait de laisser chaque parti établir ses propres règles favorise l’uniformité.

Mme Aitken : Je comprends la question, et l’idée était certainement que, parce que les provinces sont différentes, les partis fédéraux doivent avoir quelque chose de commun, mais nous ferons un suivi à ce sujet.

La sénatrice Pate : Je m’intéresse à l’un des moyens que vous comptez utiliser pour vous attaquer au bitcoin. Je remarque qu’il y a un article dans le projet de loi qui traite de la possibilité de mener des enquêtes et d’émettre des mandats. Je suis ensuite frappée par les commentaires — qui sont certainement rapportés dans les médias — d’avocats experts dans ce domaine et par les commentaires de personnes qui achètent et vendent des bitcoins. J’essaie de peser mes mots prudemment parce que ce n’est pas un domaine que je comprends, mais je vais être claire à ce sujet.

Il semble, du moins selon Matthew Burgoyne, un avocat établi à Calgary, qu’il n’y ait pratiquement aucun moyen de contenir cette monnaie. Comment envisagez-vous l’évolution de la situation? Quelles sont les intersections entre les rapports financiers, les régimes de réglementation et le droit criminel? Parce qu’il me semble que la norme en droit criminel est assez élevée et difficile à respecter. Si le bitcoin est aussi difficile à cerner que ce qui est décrit dans les médias, il me semble qu’il faudrait beaucoup d’argent, de bitcoins ou d’autres monnaies pour s’attaquer à cette monnaie et que cela ne donnerait pratiquement aucun résultat pour ce qui est de tenir quelqu’un responsable ou de retirer...

Me Erin Cassidy, avocate, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Je vous remercie de votre question. Vous avez soulevé un très bon point. Toutefois, il faut garder à l’esprit que l’amendement proposé est un moyen finement adapté par lequel les forces de l’ordre peuvent demander à un tribunal l’autorisation judiciaire de saisir des cryptomonnaies qu’elles soupçonnent d’être des produits de la criminalité.

Il reste encore beaucoup à faire dans le domaine des cryptomonnaies et autres actifs numériques. Je sais que mes collègues de l’unité des services juridiques de Finances Canada peuvent certainement parler de certains des efforts qui sont déployés sur le plan réglementaire. Ces efforts seraient distincts du pouvoir d’enquête particulier qui est mis en place.

Du côté des pouvoirs du droit criminel, nous continuons d’examiner d’autres mesures qui doivent être mises en place pour mieux réagir à l’utilisation des cryptomonnaies et d’autres actifs numériques dans les activités criminelles. Il s’agit certainement d’un secteur en constante évolution qu’il est difficile de cerner. C’est la raison pour laquelle nous avons commencé par insérer cette disposition particulière qui répond à un besoin clairement distingué. Pour le moment, nous continuons d’étudier les autres mesures qui doivent être mises en place. Je vous remercie de votre attention.

La sénatrice Pate : Je vous remercie de votre réponse.

Annette Ryan, sous-directrice, Partenariats politiques et analyse, Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada : Le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada, connu sous le nom de CANAFE, est l’organisme canadien chargé de la lutte contre le blanchiment d’argent.

Si cela peut être utile pour mettre les choses en contexte, je dirais au comité que le CANAFE est à la fois un organisme de réglementation des entreprises canadiennes assujetties à notre loi et une unité de renseignement financier qui transmet les informations appropriées aux forces de l’ordre et à d’autres organismes.

Dans le domaine des monnaies virtuelles, nous exigeons que les courtiers de monnaies virtuelles s’enregistrent auprès du CANAFE depuis 2020. Cela les oblige à tenir des registres, à mettre en place des mécanismes de surveillance de la manière dont ils exercent leurs activités, à rendre compte au CANAFE d’une série de transactions financières ainsi qu’à présenter des déclarations de transactions douteuses qui portent davantage sur des transactions qui répondraient à des critères fondés sur des motifs raisonnables.

À partir de cet aspect du régime, nous analysons à notre tour ces dossiers et les transmettons aux forces de l’ordre, en particulier à la GRC, étant donné qu’ils sont pertinents pour leur travail.

La sénatrice Pate : Pouvez-vous me donner une idée du nombre d’enquêtes qui sont menées — je ne sais pas si je devrais dire au cours d’un mois ou d’une année? Combien d’enquêtes aboutissent à des inculpations? Combien aboutissent à des condamnations?

Mme Ryan : Je n’ai pas ces statistiques en main aujourd’hui, sénatrice. Nous avons reçu un certain nombre de déclarations de transactions douteuses, en particulier de la part de courtiers de monnaies virtuelles. Nous les avons transmises aux forces de l’ordre. Elles peuvent porter sur toute une série de crimes, y compris la traite des personnes, par exemple. Il est important de noter que le CANAFE n’est pas un organisme d’enquête. Pour ce qui est des accusations et de leurs liens avec les monnaies virtuelles, je m’en remets respectueusement à d’autres organismes, comme la GRC.

La sénatrice Pate : Ce serait donc la GRC qui suivrait l’évolution du nombre de déclarations qu’elle a reçues de votre part?

Mme Ryan : Plus précisément, la question de savoir combien d’accusations ont été portées et ainsi de suite relève davantage de leur compétence, c’est certain.

La sénatrice Pate : Si c’est possible, pourriez-vous nous donner une idée — par écrit, c’est parfait — du nombre de ces renvois à la GRC? Ce nombre serait très utile.

Mme Ryan : Nous pouvons certainement examiner ce qui est disponible, sénatrice.

La sénatrice Pate : Cela m’intéresserait, s’il est possible de ventiler les données — je suis sûre que vous avez des données ventilées qui permettent de répondre aux questions suivantes : qu’est-ce qu’une cryptomonnaie? Quelles sont les autres questions que nous avons examinées?

Mme Ryan : Je vais vérifier, et je vous ferai savoir ce qu’il en est, sénatrice. Nous devons également respecter certaines dispositions en matière de confidentialité.

Le président : Cette question devrait peut-être être adressée à Mme Cassidy ou à M. Taylor, qui pourrait l’utiliser comme tremplin. Les renseignements de ce genre portant sur les accusations et les poursuites sont-ils disponibles auprès de vos bureaux? Y a-t-il des informations en ce sens que vous pourriez communiquer au comité?

Me Cassidy : Je vous remercie de votre question. En ce qui concerne les accusations portées, chaque province les aborde différemment. Nous serions en mesure d’examiner ce que la GRC a fait. Ensuite, il faudrait établir des liens avec les provinces pour obtenir les données à l’échelle provinciale.

En ce qui concerne les poursuites, la responsabilité incomberait également au gouvernement fédéral, notamment au Service des poursuites pénales du Canada, puis aux différents procureurs généraux provinciaux. Nous pouvons certainement voir ce que nous pouvons faire à cet égard.

Le président : M. Taylor souhaite intervenir, mais avant qu’il ne le fasse, je dirais que c’est le genre d’informations que vous voudriez connaître pour avoir une idée de l’efficacité de votre système, y compris la boîte à outils que cette mesure législative mettra à votre disposition.

Me Taylor : Je vous remercie de votre question. Pour compléter ce qu’a dit Mme Cassidy, je pense que la plupart d’entre vous savent que nous entretenons des relations avec le Centre canadien de la statistique juridique. C’est l’organisme responsable de la collecte des statistiques nationales canadiennes sur la criminalité. Nous pouvons nous engager à vous fournir les données que le centre pourrait avoir au sujet des questions relatives aux inculpations et aux poursuites. Il s’agit de deux ensembles de données différents. La seule limite que je prévois, c’est que les données ne seront pas nécessairement ventilées comme le souhaiterait la sénatrice Pate, selon qu’elles concernent les bitcoins ou un autre type de cryptomonnaie. Bien entendu, c’est avec plaisir que nous vous fournirons ce que nous pouvons.

Le sénateur Klyne : Dans le budget de 2023, le gouvernement propose de renforcer le cadre canadien de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Comment les modifications de la sous-section B de la section 3 permettent-elles d’atteindre ces objectifs? En particulier, pourriez-vous préciser comment les actifs numériques ont facilité ou risquent de faciliter le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme?

Me Cassidy : Oui, absolument. En ce qui concerne le rôle que les actifs numériques tels que les cryptomonnaies peuvent jouer dans les activités criminelles, ce que nous disent nos organismes opérationnels, c’est qu’en raison de leur — je ne vais pas le dire correctement — nature partiellement anonyme ou quelque peu anonyme, les cryptomonnaies peuvent être utilisées et sont utilisées pour blanchir des biens. Je prendrai un exemple hypothétique où l’argent liquide provenant du trafic de drogue pourrait être converti en cryptomonnaies, puis en d’autres types de cryptomonnaies pour contribuer à dissimuler ces biens et la source illicite de ces biens, puis ces cryptomonnaies seraient finalement converties à nouveau en une monnaie ayant cours légal. En ce sens, il est intéressant pour les personnes impliquées dans le blanchiment d’argent d’utiliser les cryptomonnaies.

Un autre exemple dont nous entendons parler est celui des cas de fraude et d’extorsion liés à des rançongiciels, où on enjoint aux gens d’effectuer un paiement en cryptomonnaie. Là encore, il peut s’agir d’un moyen plus facile de tenter de dissimuler l’origine de ces biens.

Mais en fin de compte, l’objectif est généralement de le reconvertir en une monnaie ayant cours légal. Cela répond-il à votre question?

Le sénateur Klyne : Oui, je vous remercie. J’ai une autre question à vous poser. Est-ce qu’un montant de 10 000 $ — ou plus — est la ligne de mire pour le CANAFE?

Mme Ryan : En règle générale, pour bon nombre de nos rapports obligatoires, le seuil est de 10 000 $. Les déclarations de transactions douteuses n’ont pas de seuil, pas plus que les déclarations de biens appartenant à un groupe terroriste.

Le sénateur Klyne : Il suffit de transférer le problème à la GRC.

Mme Ryan : Après avoir fait preuve de diligence raisonnable.

Le sénateur Klyne : L’autre question que je souhaitais est la suivante : quelqu’un pourrait-il décrire comment le cadre proposé par les amendements de la sous-section B de la section 3 se compare à l’approche adoptée par d’autres administrations en cas de recherche et de saisie d’actifs numériques?

Me Cassidy : Je vous remercie de votre question. C’est une excellente question. Nous avons examiné les approches de différents pays, et il s’agit d’un domaine en constante évolution. Certains pays — et je pourrais citer l’exemple des États-Unis — sont en mesure d’utiliser les pouvoirs législatifs existants, les mandats de perquisition et les ordonnances restrictives pour saisir des actifs virtuels tels que les cryptomonnaies. D’après les discussions que nous avons eues avec eux à ce stade, ils n’envisagent pas d’amendements législatifs.

D’autres pays — et je peux donner l’exemple du Royaume-Uni — sont actuellement en mesure de saisir les cryptomonnaies en s’appuyant sur leurs mesures juridiques existantes. Cependant, leur Parlement est actuellement saisi de mesures spécifiques, et nous avons certainement examiné ce qu’ils faisaient au cours de l’élaboration de nos mesures.

L’idée est donc qu’il est préférable d’avoir accès à une mesure adaptée à nos besoins pour gérer les aspects uniques des actifs numériques. Les pays adoptent donc des approches qui diffèrent les unes des autres à l’heure actuelle.

Le sénateur Klyne : S’agit-il d’un cas typique de chaîne de blocs? Avez-vous été en mesure d’accéder aux données de la chaîne de blocs?

Me Cassidy : Étant donné que de nombreuses chaînes de blocs sont accessibles à la population, il n’a pas été nécessaire d’établir des ordonnances de publication ou des mesures similaires pour le moment. Mais comme je l’ai mentionné, il s’agit d’un espace en évolution et d’un domaine que nous étudions de près. Je vous remercie de votre attention.

Le sénateur Klyne : Je vous remercie.

La sénatrice Simons : J’ai beaucoup de mal à entendre Me Cassidy et Mme Ryan. Je n’ai pourtant aucun problème d’audition. Je ne sais pas s’il est possible d’augmenter le volume dans la salle et si d’autres personnes éprouvent la même difficulté. D’accord, je vais me servir de l’oreillette. Je commence peut-être à me faire vieille.

La sénatrice Batters : Je tiens à remercier tous les témoins de s’être joints à nous aujourd’hui pour répondre à nos questions. Tout d’abord, j’aimerais dire aux fonctionnaires du ministère de la Justice ici présents que lors du témoignage du ministre Lametti aujourd’hui, j’aurais aimé lui poser une question, mais nous devions respecter un certain temps et nous avons dû passer à d’autres sujets. M. Lametti a déclaré à plusieurs reprises que ce n’était pas lui qui avait décidé d’ajouter une certaine partie dans la Loi d’exécution du budget. À un autre moment, il a dit que c’était à la ministre des Finances de décider de la teneur des éléments contenus dans la loi. Il ne fait aucun doute que la ministre des Finances a le dernier mot, mais je suppose que le ministre de la Justice et d’autres ministres peuvent la conseiller et lui soumettre des recommandations concernant certains éléments de leur portefeuille.

Aux fonctionnaires du ministère de la Justice, n’est-ce pas ainsi que cela fonctionne? Je suppose, surtout en connaissant le fonctionnement d’une loi d’exécution du budget dans un cadre provincial, que le ministre de la Justice, en sa qualité de législateur principal du Canada, possède une influence assez importante par rapport à ce genre de décisions.

Mme Aitken : Nous ne sommes pas vraiment habilités à discuter du processus de discussion entre les ministres concernant ce qui va être annoncé dans le budget ou dans la loi d’exécution du budget. En effet, il s’agit d’un processus dans lequel les décisions sont prises de la même manière qu’au sein d’un cabinet. Cela dit, les mesures qui sont proposées pour être incluses dans le budget ou dans la loi d’exécution du budget sont souvent des mesures importantes à divers égards. Par ailleurs, le fait qu’elles soient mentionnées dans le budget indique qu’elles risquent d’être adoptées dans la loi d’exécution du budget au terme du processus législatif.

La sénatrice Batters : D’accord, je ne vais pas poser de questions précises, car, de toute évidence, vous n’êtes pas au courant de ce que tel ministre a dit à tel autre ministre, mais je suppose qu’un processus général doit être mis en place. S’agit-il de décider quelles mesures seront incorporées dans le budget de chacun des ministères, y compris les éléments qui ne peuvent pas être mentionnés dans le document budgétaire? Pouvez-vous décrire ce processus?

Mme Aitken : Bien sûr. Il existe effectivement un processus au sein du gouvernement pour identifier les mesures potentielles. Comme l’a dit le ministre de la Justice, c’est à la ministre des Finances qu’il revient de présenter le budget, et ce sont donc ses propres décisions qui y sont incluses. Oui, il existe un processus pour...

La sénatrice Batters : J’imagine que je devrai donc m’adresser aux fonctionnaires du ministère de la Justice. Quel processus doit suivre le ministre de la Justice pour suggérer l’inclusion de certains éléments dans le budget de cette année, et donc dans la loi d’exécution du budget?

Me Taylor : Mme Aitken est également une représentante du ministère de la Justice.

Il existe effectivement un processus. Le ministère de la Justice, comme tout autre ministère, participe à ce processus et propose des éléments qui relèvent de sa responsabilité, notamment des mesures pénales et des mesures liées aux taux d’intérêt criminels. Nous sommes donc amenés à participer à ce processus. Bien entendu, il incombe au ministre Lametti de fournir des conseils juridiques à propos de ces mesures. L’énoncé concernant la Charte a été déposé aujourd’hui à la Chambre des communes. Elle contient les considérations de la Charte par rapport aux amendements inclus dans le projet de loi portant exécution du budget.

Néanmoins, nous ne sommes pas vraiment en mesure de dire comment ces décisions sont prises en fin de compte ni comment les ministres en viennent à décider des mesures qui doivent être incluses ou non.

La sénatrice Batters : Il serait sans doute utile d’obtenir une copie de l’énoncé concernant la Charte.

J’aimerais vous poser une autre question. La sous-section B de la section 3, qui traite de la perquisition et de la saisie des monnaies numériques, y compris les monnaies virtuelles, est une section très importante. Pourtant, nous n’avons pas encore eu l’occasion avant aujourd’hui de l’étudier en comité en compagnie de témoins dans le cadre de l’étude de la loi d’exécution du budget. Je rappelle que nous avons peu de temps à notre disposition.

Pourriez-vous nous fournir davantage de renseignements à ce sujet? Pourriez-vous également nous expliquer pourquoi vous êtes d’avis qu’il est nécessaire de traiter de ce type de mesure importante de manière très rapide dans le cadre de la loi d’exécution du budget, plutôt que d’en faire l’objet d’une étude plus longue dans le cadre d’un projet de loi distinct? Pourquoi cette mesure devrait-elle être adoptée au cours des prochaines semaines, et non dans un an environ?

Me Cassidy : Merci beaucoup pour cette question.

Le rapport final de la commission Cullen a mis en évidence la nécessité pour les autorités policières et judiciaires de mieux suivre la piste de l’argent, comme le dit l’adage, afin d’améliorer nos capacités de lutter contre le recyclage des produits de la criminalité. L’enjeu de la capacité du gouvernement à saisir les monnaies numériques a été soulevé. En effet, les moyens juridiques dont nous disposons actuellement ne sont pas adaptés à la saisie de monnaies numériques. Il s’agit d’un domaine dans lequel il est nécessaire d’agir rapidement afin de fournir aux autorités policières et juridiques les outils adaptés à la saisie des monnaies numériques de manière à atténuer l’incertitude.

Cette mesure spécifique a été identifiée comme un moyen important et urgent d’offrir une certaine prévisibilité aux forces de l’ordre dans le cadre de leur lutte contre les usages criminels des monnaies numériques.

La sénatrice Batters : À quel moment le rapport de la commission Cullen a-t-il été présenté?

Me Cassidy : Le rapport de la commission Cullen a été présenté en juin dernier.

La sénatrice Batters : Une autre question que je me pose concerne Postes Canada et l’affaire R. v. Gorman. Je me demande pourquoi le gouvernement n’a pas déposé de projet de loi avant le 12 avril, date à laquelle prenait fin la période de délai pour se conformer à la décision rendue dans l’affaire R. v. Gorman. Quelle était la date limite accordée par le tribunal de Terre-Neuve? Était-ce un an, ou moins... C’était bien un an? D’accord, je vous remercie.

Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas déposé un projet de loi avant la date limite du 12 avril pour que la décision entre en vigueur? Je me demande si cela n’indique pas que cet enjeu est pris un peu moins au sérieux parce que la décision ne s’applique qu’à Terre-Neuve.

Me Taylor : Le seul élément que je pourrais ajouter à ce sujet est que vous avez raison d’affirmer que l’effet de la décision a été suspendu pendant un an, jusqu’en avril de cette année. Une prolongation a toutefois été demandée et accordée. Je ne me souviens pas de la date exacte, mais je crois que c’était en septembre de cette année. C’est de cette manière que ce dossier a été traité.

Comme je l’ai dit plus tôt, Postes Canada, d’après ce que j’ai compris, se conduit de manière qui dépasserait les motifs requis en vertu des modifications proposées dans le projet de loi budgétaire.

La sénatrice Simons : J’aimerais poursuivre la discussion sur les monnaies numériques entamée par le sénateur Klyne et la sénatrice Batters.

La loi d’exécution du budget stipule que les mandats relatifs aux monnaies numériques habiliteront des inspecteurs à fouiller les systèmes informatiques, ce qui est défini au sens large. Dans le cas d’un événement comme le convoi des camionneurs, nous avons été témoins de financement facilité par la chaîne de blocs décentralisée, et les portefeuilles de monnaies numériques qui en résultaient étaient hébergés sur les disques durs des particuliers.

De quelle manière les forces de l’ordre pourront-elles procéder à ce type de saisie de monnaies numériques? Cela implique-t-il l’embauche de pirates de type « chapeau blanc » pour fouiller les comptes informatiques de particuliers? Quel type de mandat serait... quelle serait la justification de l’accès aux disques durs de particuliers dans des cas comme celui-ci?

Me Cassidy : Merci beaucoup pour cette question. Pour ce qui est de la solution de cette mesure spécifique, il s’agit de cas où, par exemple, les forces de l’ordre effectuent une perquisition dans un lieu et identifient ce qui pourrait être un disque dur spécialisé dans l’hébergement de monnaies numériques. Si les forces de l’ordre disposent d’un mandat pour saisir ce dispositif et s’ils ont des motifs raisonnables de croire qu’il contient des monnaies numériques susceptibles d’être confisquées, ils pourront alors se servir de ce mandat pour fouiller le dispositif. Dans le cas contraire, ils ne seraient pas autorisés à mener des fouilles.

Je vais vous fournir un autre exemple. Lors d’une perquisition, si les forces de l’ordre ont pris d’autres mesures d’enquête leur donnant des motifs raisonnables de croire qu’un disque dur contient un portefeuille de monnaies numériques protégé par une clé privée, ils pourraient alors demander un mandat pour accéder à ce disque dur. Toutefois, le mandat n’octroie pas aux forces de l’ordre la possibilité de pirater un portefeuille numérique. Ainsi, cette mesure concerne seulement une utilisation très spécifique.

La sénatrice Simons : On parle donc de donner aux forces de l’ordre la possibilité de rechercher littéralement des monnaies virtuelles sur un disque dur physique?

Me Cassidy : Tout à fait. Mais je répète que si les forces de l’ordre ont, par exemple, obtenu le disque dur ou la clé privée lors d’une perquisition avec mandat dans un lieu précis, ils pourront alors se servir de ce mandat pour entrer les renseignements obtenus dans une application de portefeuille numérique, reconstituer le portefeuille numérique, puis être en mesure de vérifier s’il s’agit de la transaction dont ils ont la preuve qu’elle peut être le produit d’un crime. Il s’agit donc d’une mesure très spécifique.

La sénatrice Simons : J’imagine que tout était plus simple à l’époque des mallettes pleines d’argent. Merci beaucoup, votre témoignage nous a été très utile.

Le président : J’avais moi-même quelques brillantes questions à poser, mais le sénateur Klyne et la sénatrice Simons ont su bien expliquer la manière dont le projet de loi à l’étude permet d’ajouter un outil à notre boîte à outils déjà compliquée et postmoderne. Je vous remercie donc d’avoir répondu à mes questions sans même que je les pose.

Il n’y a pas d’autres témoins sur la liste. Cela nous permettra de clore cette séance un peu avant d’atteindre le temps maximum.

Permettez-moi tout d’abord de vous remercier, vous et vos collègues, de vous être joints à nous aujourd’hui. Cette excellente séance s’est avérée fort instructive, et je vous en suis reconnaissant. Je pense que nous avons appris beaucoup de choses lors de notre discussion avec le ministre, ainsi que pendant nos échanges avec les autres témoins.

Je tiens à remercier les sénateurs et les sénatrices pour leurs questions réfléchies, et pour m’avoir fort bien informé des enjeux concernant le projet de loi dont nous sommes saisis.

J’aimerais également remercier le personnel pour le travail qu’il a accompli au comité jusqu’à présent. Enfin, je remercie les interprètes et toutes les personnes qui nous aident à mener notre travail.

Si vous vous souvenez bien, chers collègues, nous devons respecter un certain échéancier en ce qui concerne notre travail sur le projet de loi C-47. Par conséquent, il serait utile que vous nous fassiez part de vos observations sur les éléments du projet de loi que nous étudions. Si c’est le cas et que vous êtes en mesure de nous en faire part d’ici mardi prochain, nous pourrons commencer à rédiger un rapport qui nous permettra de retourner siéger au Sénat en temps voulu. Il se peut que vous identifiiez d’autres éléments, mais nous allons devoir suivre un échéancier assez serré pendant la semaine au retour des vacances. Je vous remercie de votre attention.

Voilà qui met fin à cette séance.

(La séance est levée.)

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